<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>The article presents in detail how my installation <em>play music for my poem</em> works. It shows that some aesthetic dimensions of the work cannot be perceived in the context of the installation and proposes other modes of reception, complementary to the interactive installation. The talk continues with a thought on the reception of digital works and the need for true digital &ldquo;reading machines&rdquo;. These must differ from the usual screen reading and be able to reveal more in depth the aesthetic properties of the works. Such machines would be particularly useful to address in their fullness literary digital works by authors who consider that programming is writing and not a simple tool or material of the work.</p> <h3>Keywords</h3> <p class="meta-tags">reception, digital poetry, Philippe Bootz, generation</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Je pr&eacute;senterai ici le fonctionnement de l&rsquo;&oelig;uvre <em>joue de la musique pour mon po&egrave;me</em>, incluant les &eacute;l&eacute;ments esth&eacute;tiques inaccessibles dans l&rsquo;installation. Puis j&rsquo;esquisserai quelques r&eacute;flexions qui permettent de replacer cette &oelig;uvre dans une probl&eacute;matique plus large qui parcourt l&rsquo;ensemble de mes &oelig;uvres actuelles depuis 2009.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_joue_de_la_musique_pour_mon_poeme">1. <em>joue de la musique pour mon po&egrave;me</em></span><br /> &nbsp;</h2> <h3 style="text-align: justify;"><span id="11_Description_de_linstallation">1.1. Description de l&rsquo;installation</span></h3> <h4 style="text-align: justify;"><span id="111_Un_dialogue_entre_robots">1.1.1. Un dialogue entre robots</span></h4> <p style="text-align: justify;"><em>joue de la musique pour mon po&egrave;me</em> est une installation dans laquelle deux ordinateurs communiquent entre eux via une table de mixage. Chaque ordinateur est associ&eacute; &agrave; un &eacute;cran (Doc. 1). Il s&rsquo;agit d&rsquo;un syst&egrave;me de deux robots dans lequel l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment humain est totalement exog&egrave;ne, il n&rsquo;est pas n&eacute;cessaire au fonctionnement de l&rsquo;installation. Le premier ordinateur, musicien, compose une s&eacute;quence musicale en combinant des fragments sonores pr&eacute;alablement enregistr&eacute;s qu&rsquo;il joue pour l&rsquo;autre ordinateur. La musique est donc une &oelig;uvre ouverte. L&rsquo;autre ordinateur, le po&egrave;te, fabrique un po&egrave;me en quatre strophes en combinant quatre g&eacute;n&eacute;rateurs de textes anim&eacute;s qui fonctionnent sur des principes g&eacute;n&eacute;ratifs diff&eacute;rents, un pour chaque strophe. Il &eacute;crit ce po&egrave;me en continu sur son &eacute;cran. Les g&eacute;n&eacute;rateurs des diff&eacute;rentes strophes ayant des temporalit&eacute;s diff&eacute;rentes, le texte r&eacute;sultant change constamment. Il est &eacute;galement anim&eacute; d&rsquo;un mouvement global au sein duquel chaque strophe ob&eacute;it &agrave; une animation qui lui est propre. Par ailleurs l&rsquo;ordinateur po&egrave;te &eacute;coute l&rsquo;ordinateur musicien. Le premier ordinateur est donc un compositeur instrumentiste et le second un auditeur po&egrave;te.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 1  ‒ Installations play music for my poem, au Palazio Real, festival OLE01, Naples, 2014 (Gauche) et à la Lydgalleriet, festival ELO, Bergen, 2015 (droite)." class="alignnone size-medium wp-image-2598" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/DOC1-300x213.png" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/DOC1-300x213.png 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/DOC1-810x576.png 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/DOC1.png 986w" style="width: 300px; height: 213px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc.&nbsp;1 &nbsp;‒ Installations <em>play music for my poem</em>, au Palazio Real, festival OLE01, Naples, 2014 (Gauche) et &agrave; la Lydgalleriet, festival ELO, Bergen, 2015 (droite).</small></p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;ordinateur auditeur r&eacute;agit &laquo;&nbsp;&eacute;motionnellement&nbsp;&raquo; &agrave; la musique entendue, non pas dans la th&eacute;matique du texte qu&rsquo;il g&eacute;n&egrave;re, mais dans sa fa&ccedil;on d&rsquo;&eacute;crire le po&egrave;me &agrave; l&rsquo;&eacute;cran. La musique joue sur la visibilit&eacute; de chaque strophe, ce qui produit un texte partiellement lisible dans lequel l&rsquo;opacit&eacute; de chaque strophe fluctue en permanence entre absence et visibilit&eacute; maximale.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;installation peut ainsi tourner jour et nuit en continu comme ce fut le cas en 2015 &agrave; la Lydgalleriet de Bergen lors de l&rsquo;exposition &laquo;&nbsp;Hybridity and Synaesthesia in Electronic Literature Exhibition&nbsp;&raquo;. L&rsquo;humain n&rsquo;est pas n&eacute;cessaire &agrave; son fonctionnement, il s&rsquo;agit d&rsquo;une installation entre deux robots.</p> <h4 style="text-align: justify;"><span id="112_Du_robot_a_lhumain">1.1.2. Du robot &agrave; l&rsquo;humain</span></h4> <p style="text-align: justify;">Ce qu&rsquo;il y a &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de ces robots est profond&eacute;ment humain&nbsp;: la langue est l&agrave;, la p&acirc;te humaine par la programmation est l&agrave;, la musique est l&agrave;&nbsp;; ces deux robots ne sont pas extraterrestres, ne sont pas de simples ferrailles, ce sont des machines qui portent en elles une part de notre humanit&eacute;, qui sont le r&eacute;ceptacle d&rsquo;un suppl&eacute;ment d&rsquo;&acirc;me humaine. On n&rsquo;est donc pas en face de robots po&egrave;tes ou de robots musiciens&nbsp;au sens o&ugrave; ces machines seraient autonomes et d&eacute;pourvues d&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;: ce n&rsquo;est jamais la machine qui fait de la po&eacute;sie ou de la musique, c&rsquo;est toujours l&rsquo;homme qui investit la machine et qui l&rsquo;oblige &agrave; faire quelque chose d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, f&ucirc;t-ce ce qui ressemble &agrave; de l&rsquo;art. Je ne dis pas que le texte ou la musique g&eacute;n&eacute;r&eacute;s ne feraient que ressembler &agrave; de l&rsquo;art, ils sont constitutifs d&rsquo;une &oelig;uvre d&rsquo;art mais n&rsquo;en forment pas la totalit&eacute;. Un peu comme dans un paysage de Van Gogh&nbsp;; l&rsquo;arbre tourment&eacute; au premier plan est bien de l&rsquo;art mais l&rsquo;&oelig;uvre, le tableau, ne se r&eacute;duit pas &agrave; ce seul arbre. Il en va de m&ecirc;me des m&eacute;dias produits dans l&rsquo;installation&nbsp;: ils ressemblent &agrave; une production artistique interactive et multim&eacute;dia mais ne sont en fait qu&rsquo;une composante de la production artistique.</p> <p style="text-align: justify;">Cette installation n&rsquo;est pas non plus ferm&eacute;e. Elle se situe dans un espace public investi par les humains, le public. La communication entre les deux robots prend en compte cette intrusion humaine &agrave; travers une composante de l&rsquo;installation qui sert d&rsquo;interface &agrave; l&rsquo;humain pour s&rsquo;immiscer dans la communication entre les deux machines. Cette interface pr&eacute;sente une dimension de jeu totalement &eacute;trang&egrave;re &agrave; la communication entre les deux robots&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>. L&rsquo;humain agit sur la gestion sonore et les deux robots fa&ccedil;onnent des m&eacute;dias, sonore pour l&rsquo;un, visuel pour l&rsquo;autre, &agrave; destination exclusive de l&rsquo;humain. Nous verrons en effet que la gestion sonore &agrave; destination de l&rsquo;ordinateur po&egrave;te n&rsquo;est pas la m&ecirc;me que la gestion du son envoy&eacute; sur les enceintes. Or l&rsquo;ordinateur po&egrave;te ne peut pas entendre le son issu des enceintes, il ne lui est pas destin&eacute;. Inversement, l&rsquo;ordinateur musicien est &laquo;&nbsp;aveugle&nbsp;&raquo; et l&rsquo;affichage du texte g&eacute;n&eacute;r&eacute; sur le grand &eacute;cran n&rsquo;est donc destin&eacute; qu&rsquo;aux seuls humains.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="12_La_gestion_medias">1.2. La gestion m&eacute;dias</span></h3> <h4 style="text-align: justify;"><span id="121_Gestion_sonore">1.2.1. Gestion sonore</span></h4> <p style="text-align: justify;">Ce que le public entend n&rsquo;est pas ce que l&rsquo;ordinateur po&egrave;te entend (Doc. 2). Les voies droite et gauche de chaque fragment sonore st&eacute;r&eacute;ophonique sont trait&eacute;es diff&eacute;remment et la table de mixage les s&eacute;pare. La voie de droite est &eacute;cout&eacute;e par le second ordinateur alors que celle de gauche est transform&eacute;e en un son monophonique envoy&eacute; sur les enceintes &agrave; destination du public. Un traitement sonore diff&eacute;rent est appliqu&eacute; sur chaque voie du fragment utilis&eacute; qui n&rsquo;est plus, d&egrave;s lors, le fragment original produit par l&rsquo;instrument. Chaque instrument est enregistr&eacute; en monophonie &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;un micro directement fix&eacute; sur lui. Cet enregistrement est filtr&eacute; par un filtre passe-bande &eacute;troit, la fr&eacute;quence centrale de ce filtre &eacute;tant diff&eacute;rente pour chaque t&ocirc;le et choisie bien s&ucirc;r dans la gamme de fr&eacute;quences produites par l&rsquo;instrument. Ce fragment filtr&eacute; constitue la voie droite du son g&eacute;n&eacute;r&eacute;. C&rsquo;est lui qui est entendu par l&rsquo;ordinateur po&egrave;te. Ce dernier d&eacute;compose le spectre de ce qu&rsquo;il entend, ce qui lui permet de rep&eacute;rer &agrave; chaque instant les fr&eacute;quences des diff&eacute;rentes t&ocirc;les et de conna&icirc;tre ainsi l&rsquo;instrument jou&eacute;. Chaque instrument est associ&eacute; &agrave; une strophe. La visibilit&eacute; de la strophe correspondante est proportionnelle au volume sonore d&eacute;tect&eacute; sur la fr&eacute;quence filtr&eacute;e de l&rsquo;instrument associ&eacute;. Ne disposant que de trois instruments, l&rsquo;un d&rsquo;eux est associ&eacute; &agrave; deux bandes de fr&eacute;quences distinctes et g&egrave;re simultan&eacute;ment la visibilit&eacute; de deux strophes. Le fragment monophonique capt&eacute; sur l&rsquo;instrument et envoy&eacute; sur la voie de gauche fait, quant &agrave; lui, l&rsquo;objet d&rsquo;un traitement sonore modifiant sa granularit&eacute; et sa mati&egrave;re. Le r&eacute;sultat de ce traitement est diffus&eacute; dans les enceintes &agrave; destination du public.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 2 ‒ Schéma du traitement audio de l’installation" class="alignnone size-medium wp-image-2599" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc2-300x121.png" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc2-300x121.png 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc2-1024x412.png 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc2-810x326.png 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc2-1140x459.png 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc2.png 1213w" style="width: 300px; height: 121px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 2 ‒ Sch&eacute;ma du traitement audio de l&rsquo;installation</small></p> <p style="text-align: justify;">Bien entendu, le public peut aussi agir dans l&rsquo;installation et intervenir dans la communication entre les deux machines. Cette intervention s&rsquo;effectue via un jeu qui fait office d&rsquo;interface et qui est affich&eacute; sur l&rsquo;&eacute;cran de l&rsquo;ordinateur musicien. En agissant, le lecteur/auditeur/joueur modifie la s&eacute;quence musicale en ins&eacute;rant de nouveaux fragments. Il change ainsi la musique qu&rsquo;il entend et celle qu&rsquo;entend l&rsquo;ordinateur po&egrave;te, ce qui modifie la visibilit&eacute; des strophes affich&eacute;es. L&rsquo;interface est donc &eacute;galement un jeu et un s&eacute;quenceur qui permet &agrave; l&rsquo;auditeur de composer de v&eacute;ritables morceaux musicaux. Cependant, cette action est entrav&eacute;e par la dimension &laquo;&nbsp;game&nbsp;&raquo; de l&rsquo;interface.</p> <p style="text-align: justify;">Les fragments sonores ont &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;s par trois instruments percussifs (Doc. 3) que Nicolas Bauffe a sp&eacute;cialement con&ccedil;us et confectionn&eacute;s pour cette &oelig;uvre. Il s&rsquo;agit de t&ocirc;les martel&eacute;es de tailles variables, d&eacute;form&eacute;es selon divers proc&eacute;d&eacute;s, sur lesquelles l&rsquo;instrumentiste d&eacute;place une bille m&eacute;tallique. Chaque plaque poss&egrave;de sa bille sp&eacute;cifique dont la taille et la masse sont adapt&eacute;es au son d&eacute;sir&eacute;. Chaque t&ocirc;le produit ainsi un son dont le d&eacute;roulement temporel et la gamme de fr&eacute;quences sont sp&eacute;cifiques. Ces t&ocirc;les sont mises en mouvement par des instrumentistes du laboratoire <em>Musique et Informatique de Marseille</em> (MIM) qui produisent en fait des unit&eacute;s s&eacute;miotiques temporelles (UST)&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> plus ou moins bien form&eacute;es. La musique est donc compos&eacute;e en UST et non selon des modes de composition classiques. Un ensemble de fragments produits par chaque instrument constitue la banque de sons &agrave; disposition de l&rsquo;ordinateur musicien.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 3 ‒ Instrumentarium." class="alignnone size-medium wp-image-2600" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc3-300x225.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc3-300x225.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc3-1024x768.jpg 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc3-810x608.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc3-1140x855.jpg 1140w" style="width: 300px; height: 225px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 3&nbsp;‒ <em>Instrumentarium</em>.</small></p> <p style="text-align: justify;">Une composition musicale continue a d&rsquo;ailleurs &eacute;t&eacute; compos&eacute;e &agrave; partir des fragments propos&eacute;s et constitue en quelque sorte la musique originale de l&rsquo;&oelig;uvre. Cette composition n&rsquo;est pas accessible depuis l&rsquo;installation, elle est pr&eacute;sente sous forme de fichier parmi les donn&eacute;es mais n&rsquo;est pas utilis&eacute;e par le programme. Pour l&rsquo;atteindre et l&rsquo;&eacute;couter, il faut donc prendre une autre posture de r&eacute;ception que celle de l&rsquo;installation&nbsp;: acc&eacute;der aux fichiers et la jouer pour elle-m&ecirc;me. Ainsi donc, la modalit&eacute; de r&eacute;ception cr&eacute;&eacute;e par l&rsquo;installation n&rsquo;est pas la seule possible et ne donne pas acc&egrave;s &agrave; toutes les caract&eacute;ristiques esth&eacute;tiques de l&rsquo;&oelig;uvre. Pour parcourir celles-ci en entier il est n&eacute;cessaire de prendre une autre posture de r&eacute;ception, compl&eacute;mentaire de celle du public de l&rsquo;installation et ind&eacute;pendante de celle-ci. L&rsquo;&oelig;uvre poss&egrave;de donc une vie esth&eacute;tique disjointe hors installation et ses fichiers seront rendus publics pour permettre cette autre vie esth&eacute;tique.</p> <h4 style="text-align: justify;"><span id="122_Le_jeu_interface">1.2.2. Le jeu interface</span></h4> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;installation, l&rsquo;interface est un jeu de r&eacute;flexe utilis&eacute; par l&rsquo;arm&eacute;e am&eacute;ricaine pour entra&icirc;ner ses pilotes de jets. Elle se compose d&rsquo;un carr&eacute; de bordure noire dans lequel le joueur d&eacute;place &agrave; la souris un carr&eacute; rouge et dans lequel se d&eacute;placent des rectangles bleus g&eacute;r&eacute;s par le programme. L&rsquo;objectif du jeu est de d&eacute;placer le carr&eacute; rouge le plus longtemps possible dans cet espace en &eacute;vitant les rectangles bleus et le bord noir. Le d&eacute;placement des rectangles acc&eacute;l&egrave;re par &eacute;tapes. J&rsquo;ai l&eacute;g&egrave;rement modifi&eacute; le jeu en ajoutant 3 carr&eacute;s jaunes situ&eacute;s dans les coins du carr&eacute; noir. Chacun de ces trois coins est associ&eacute; &agrave; un instrument, toujours le m&ecirc;me pour un coin donn&eacute;. Chaque instrument commande la visibilit&eacute; d&rsquo;une strophe. Cette derni&egrave;re est proportionnelle au niveau sonore de la bande de fr&eacute;quence &eacute;troite du fragment jou&eacute; par l&rsquo;instrument puis filtr&eacute;, qui constitue la voie de droite du son. N&rsquo;ayant que trois instruments pour quatre strophes, un instrument combine deux bandes de fr&eacute;quences et g&egrave;re ainsi simultan&eacute;ment la visibilit&eacute; des strophes 2 et 3. Les quatre strophes sont hi&eacute;rarchis&eacute;es en fr&eacute;quence&nbsp;: la strophe 1 est associ&eacute;e &agrave; une fr&eacute;quence basse (300 Hz), la strophe 4 &agrave; la fr&eacute;quence la plus haute (7kHz), les deux autres &eacute;tant interm&eacute;diaires, respectivement 1,8 kHz pour la strophe 2 et 2,5 kHz pour la strophe 3.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;objectif de l&rsquo;interface, diff&eacute;rente de l&rsquo;objectif du jeu, consiste alors &agrave; activer ces carr&eacute;s jaunes qui d&eacute;clenchent un fragment de l&rsquo;instrument consid&eacute;r&eacute;, et rendent ainsi plus ou moins visible(s) la ou les strophe(s) correspondante(s). Lorsqu&rsquo;un fragment est jou&eacute;, le carr&eacute; correspondant n&rsquo;est pas visible. Il n&rsquo;est ainsi pas possible d&rsquo;ex&eacute;cuter simultan&eacute;ment deux fragments du m&ecirc;me instrument, g&eacute;rant donc la m&ecirc;me strophe, ceci pour &eacute;viter les conflits. En revanche, plusieurs instruments peuvent jouer en m&ecirc;me temps, ce qui permet de visualiser plusieurs strophes simultan&eacute;ment. On obtient d&rsquo;ailleurs un ph&eacute;nom&egrave;ne int&eacute;ressant&nbsp;: pour visualiser le texte en entier et ainsi percevoir le travail r&eacute;el de la g&eacute;n&eacute;ration textuelle, il faut activer l&rsquo;ensemble des instruments et les maintenir activ&eacute;s, ce qui g&eacute;n&egrave;re une cacophonie sonore. Il n&rsquo;est d&rsquo;ailleurs pas facile de conserver cet &eacute;tat longtemps car il n&eacute;cessite une grande rapidit&eacute; et une grande dext&eacute;rit&eacute; dans la manipulation de l&rsquo;interface. En revanche, un r&eacute;sultat musical int&eacute;ressant n&eacute;cessitera de garder des silences, d&rsquo;alterner des phases d&rsquo;instruments solos et de groupes, ce qui entra&icirc;nera une visibilit&eacute; partielle et fragmentaire du texte. De plus, &laquo;&nbsp;perdre&nbsp;&raquo; en &eacute;tablissant une collision entre le carr&eacute; rouge et un rectangle bleu, ou la bordure noire, fige l&rsquo;interface et produit un r&eacute;sultat graphique abstrait int&eacute;ressant. On peut &eacute;galement cr&eacute;er des compositions visuelles abstraites anim&eacute;es en d&eacute;pla&ccedil;ant le carr&eacute; rouge pour lui-m&ecirc;me au d&eacute;triment des compositions sonores ou textuelles produites. Le programme n&rsquo;est pas alors utilis&eacute; comme interface mais comme instrument plastique. Ainsi donc, le programme interface poss&egrave;de trois dimensions que la personne &agrave; la man&oelig;uvre peut activer pour elles-m&ecirc;mes&nbsp;: un r&ocirc;le de s&eacute;quenceur, un instrument plastique et une dimension d&rsquo;interface de la visibilit&eacute; du texte.</p> <p style="text-align: justify;">La sp&eacute;cificit&eacute; du jeu entra&icirc;ne d&rsquo;autres cons&eacute;quences. S&rsquo;agissant d&rsquo;un jeu utilis&eacute; par l&rsquo;arm&eacute;e am&eacute;ricaine pour entra&icirc;ner ses pilotes, on se doute qu&rsquo;il mobilise fortement l&rsquo;attention et la concentration du joueur. Autrement dit, il est impossible de jouer et de contr&ocirc;ler en m&ecirc;me temps le r&eacute;sultat de la manipulation, notamment le texte, car cela demande &agrave; regarder l&rsquo;autre &eacute;cran, ce qui entra&icirc;ne <em>ipso facto</em> une rencontre fatale qui bloque l&rsquo;interface. Ainsi, ce qui se pr&eacute;sente comme une interface dans sa dimension de contr&ocirc;le des m&eacute;dias n&rsquo;est nullement une interface, car une interface n&eacute;cessite de contr&ocirc;ler les fonctionnalit&eacute;s mais, dans le m&ecirc;me temps, de mesurer l&rsquo;effet produit sur l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment interfac&eacute;. Ici, le programme contr&ocirc;le la personne qui le manipule plus que l&rsquo;inverse. La solution pour s&rsquo;en sortir et acc&eacute;der aux dimensions non ludiques de l&rsquo;&oelig;uvre, consiste &agrave; se positionner dans une autre modalit&eacute; de r&eacute;ception, que je nomme m&eacute;ta-lecture. Il s&rsquo;agit simplement d&rsquo;observer quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre manipuler&nbsp; et de &laquo;&nbsp;jouir passivement&nbsp;&raquo; du r&eacute;sultat de son action. Autrement dit, de se placer dans la banale situation de spectateur. La d&eacute;structuration n&rsquo;est pas seulement multim&eacute;dia, elle est &eacute;galement fonctionnelle et touche l&rsquo;interface. L&rsquo;id&eacute;al est m&ecirc;me d&rsquo;avoir son &laquo;&nbsp;esclave&nbsp;&raquo; pour lui donner les instructions de manipulation&nbsp;; &agrave; lui d&rsquo;&ecirc;tre performant pour produire le r&eacute;sultat d&eacute;sir&eacute; (mission difficile et parfois impossible&nbsp;!). Pour percevoir toutes les dimensions de l&rsquo;installation il faudra alterner les deux modalit&eacute;s&nbsp;: manipulateur / spectateur mais la dimension de contr&ocirc;le sera difficile &agrave; r&eacute;aliser. De plus, aucune modalit&eacute; de r&eacute;ception n&rsquo;arrivera &agrave; &eacute;liminer la d&eacute;structuration multim&eacute;dia mentionn&eacute;e plus haut. La perception structur&eacute;e de l&rsquo;ensemble jouant sur la reconstruction mn&eacute;sique, le public est toujours dans la construction cr&eacute;ative car la m&eacute;moire trahit, transforme et oublie.</p> <h4 style="text-align: justify;"><span id="123_Un_multimedia_destructure">1.2.3. Un multim&eacute;dia d&eacute;structur&eacute;</span></h4> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;installation est bien un g&eacute;n&eacute;rateur multim&eacute;dia mais dont les dimensions ne peuvent pas toutes &ecirc;tre optimales en m&ecirc;me temps&nbsp;: il s&rsquo;agit d&rsquo;un multim&eacute;dia d&eacute;structur&eacute; qui demande un effort de recomposition mentale au lecteur/auditeur/joueur s&rsquo;il veut en percevoir la coh&eacute;rence. L&rsquo;&oelig;uvre est d&eacute;structur&eacute;e dans trois espaces&nbsp;: celui du programme, celui de l&rsquo;&eacute;cran (puisque le visuel se partage deux &eacute;crans) et celui qui s&eacute;pare le spectateur de l&rsquo;&eacute;cran puisque le son et les actions se situent dans cet espace.</p> <p style="text-align: justify;">Le visuel est bien d&eacute;structur&eacute; sur les deux &eacute;crans&nbsp;: sur l&rsquo;un, o&ugrave; est projet&eacute; le texte, et bien qu&rsquo;il comporte n&eacute;cessairement une dimension plastique, c&rsquo;est bien le syst&egrave;me linguistique qui s&rsquo;impose &agrave; la perception. Sur l&rsquo;autre, l&rsquo;interface a une dimension plastique abstraite tr&egrave;s forte, qui n&rsquo;est pas sans rappeler Mondrian. Cette dimension est plus pr&eacute;gnante encore lorsque le lecteur &laquo;&nbsp;perd&nbsp;&raquo;, car alors le visuel se fige obligatoirement durant quelques secondes puis demeure fig&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; ce qu&rsquo;il soit r&eacute;initialis&eacute; par un lecteur. Durant cette phase, le visuel de ce jeu cesse d&rsquo;&ecirc;tre une interface ou un jeu et demeure exclusivement un objet plastique.</p> <h4 style="text-align: justify;"><span id="124_Les_generateurs_de_textes">1.2.4. Les g&eacute;n&eacute;rateurs de textes</span></h4> <p style="text-align: justify;">Le texte est d&eacute;structur&eacute; de fa&ccedil;on assez complexe, notamment &agrave; travers son caract&egrave;re g&eacute;n&eacute;ratif. Le programme se compose de quatre g&eacute;n&eacute;rateurs de textes (Doc. 4), un par strophe, combin&eacute;s dans le m&ecirc;me programme qui les chapeaute et g&egrave;re conjointement le comportement graphique des quatre textes g&eacute;n&eacute;r&eacute;s. Chaque g&eacute;n&eacute;rateur fabrique un bloc de texte &agrave; l&rsquo;&eacute;cran. Le programme chapeau cr&eacute;e une coh&eacute;rence esth&eacute;tique entre les strophes et contribue &agrave; unifier l&rsquo;ensemble, &agrave; bien percevoir les blocs comme strophes du po&egrave;me, et non comme des po&egrave;mes ind&eacute;pendants. Trois strophes fonctionnent ensemble au niveau des th&eacute;matiques, la quatri&egrave;me constituant un commentaire sur ces trois strophes. Chaque g&eacute;n&eacute;rateur est construit &agrave; partir d&rsquo;un texte &eacute;crit pr&eacute;alablement. Ces textes sont&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;"><u>Strophe 1</u>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">La mer hourdit de son sable les joints calcin&eacute;s de la m&eacute;moire.</p> <p style="text-align: justify;">Le vent soudain s&rsquo;engouffre. / C&rsquo;est un gouffre d&eacute;j&agrave; ‒ l&rsquo;oubli !</p> <p style="text-align: justify;">La mer. Puis un ploc, plic avant ploc. Sur Brest. ‒ T&rsquo;en souvient-il Barbara ?</p> <p style="text-align: justify;">Avant, arri&egrave;re avant, arri&egrave;re arri&egrave;re seulement ‒ la vague emporte jusqu&rsquo;au souvenir de la vague.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><u>Strophe 2</u>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">d&rsquo;un roc surgit la vie</p> <p style="text-align: justify;">eau toujours</p> <p style="text-align: justify;">soleil aussi</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><u>Strophe 3</u>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">c&rsquo;est ainsi</p> <p style="text-align: justify;">si l&rsquo;on peut dire</p> <p style="text-align: justify;">ainsi que l&rsquo;arbre cro&icirc;t</p> <p style="text-align: justify;">soit-il</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;"><u>Strophe 4</u>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">qu&rsquo;une page en vienne &agrave; jaunir</p> <p style="text-align: justify;">qu&rsquo;elle soit jaunie par la cendre du temps</p> <p style="text-align: justify;">ou blanchie, lav&eacute;e de tout soup&ccedil;on</p> <p style="text-align: justify;">et c&rsquo;est le texte ‒ encore</p> <p style="text-align: justify;">qui se retire de nos veines.</p> </blockquote> <p><a href="https://youtu.be/u268H-CTIsc" target="_blank"><strong><img alt="" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc4.mp4?_=1" />Vid&eacute;o</strong></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 4 ‒ Capture vid&eacute;o du texte g&eacute;n&eacute;r&eacute; (le programme g&eacute;n&eacute;rateur fonctionnant seul, hors de l&rsquo;installation)</small></p> <p style="text-align: justify;">Ces textes initiaux servent de matrices &agrave; des solutions g&eacute;n&eacute;ratives diff&eacute;rentes. Les trois premi&egrave;res utilisent des variantes de l&rsquo;algorithme g&eacute;n&eacute;ratif le plus ancien qui soit (1952), celui des &laquo;&nbsp;phrases &agrave; trous&nbsp;&raquo;. Pour les deux premiers textes, chaque vers est consid&eacute;r&eacute; comme le moule d&rsquo;une phrase &agrave; trous. Une phrase &agrave; trous est une phrase bien form&eacute;e dans laquelle certains mots sont absents. Une liste de mots pouvant prendre la place du trou est alors constitu&eacute;e. Le programme g&eacute;n&eacute;ratif choisit un mot au hasard dans la liste correspondante qu&rsquo;il positionne &agrave; la place du trou pour reconstruire le vers.</p> <p style="text-align: justify;">Le texte de la premi&egrave;re strophe est g&eacute;n&eacute;r&eacute; de la fa&ccedil;on suivante&nbsp;: le programme calcule une premi&egrave;re variante qui demeure affich&eacute;e durant sept secondes, puis une autre variante du texte est g&eacute;n&eacute;r&eacute;e en choisissant al&eacute;atoirement un moule. La visibilit&eacute; de la premi&egrave;re variante diminue alors progressivement tandis que celle de la seconde qui lui est superpos&eacute;e augmente. Durant cette p&eacute;riode les deux versions se superposent de fa&ccedil;on non lisible. Ce changement s&rsquo;effectue en huit secondes et le processus reprend. Ce comportement est, comme pour toutes les strophes, modul&eacute; par la gestion de la visibilit&eacute; par le son&nbsp;: l&rsquo;opacit&eacute; calcul&eacute;e par le g&eacute;n&eacute;rateur de texte est multipli&eacute;e par un facteur inf&eacute;rieur &agrave; un, proportionnel au volume sonore d&eacute;tect&eacute; &agrave; la fr&eacute;quence du son g&eacute;rant cette strophe. Elle est nulle en absence de fragment sonore associ&eacute; &agrave; cette strophe.</p> <p style="text-align: justify;">Dans la strophe 2, chaque vers est g&eacute;n&eacute;r&eacute; selon son propre moule et garde donc toujours sa structure. Les vers sont successivement anim&eacute;s d&rsquo;un mouvement vertical qui les permute, le premier vers parcourant tout le po&egrave;me alors que les deux autres ne se croisent jamais comme le montre la vid&eacute;o (Doc. 4). Il se construit ainsi les configurations suivantes, chaque num&eacute;ro &eacute;tant celui du vers dans le po&egrave;me initial&nbsp;: 123&nbsp;; 213&nbsp;; 231&nbsp;; 213&nbsp;; 123&hellip; &Agrave; chaque chevauchement de deux vers, le g&eacute;n&eacute;rateur combinatoire g&eacute;n&egrave;re ces deux vers, de sorte que le moment de la g&eacute;n&eacute;ration passe inaper&ccedil;u, les deux vers &eacute;tant superpos&eacute;s et donc illisibles.</p> <p style="text-align: justify;">La troisi&egrave;me strophe est plus complexe. Du po&egrave;me original on retient la structure suivante&nbsp;: le premier vers et le dernier sont coupl&eacute;s (ainsi&hellip; soit-il) et forment une expression existante ou cr&eacute;&eacute;e pour cette &oelig;uvre&nbsp;; le deuxi&egrave;me d&eacute;bute par une partie du premier (ainsi / si)&nbsp;; le troisi&egrave;me pr&eacute;sente une redondance avec le premier. Le moule retenu est alors le suivant, chaque expression entre crochet &eacute;tant une matrice de vocabulaire ou un autre moule (en gras) et les parenth&egrave;ses indiquant les d&eacute;pendances entre moules&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">[init]</p> <p style="text-align: justify;">[deb(init)] + [<strong>comment</strong>]</p> <p style="text-align: justify;">[redondance(init)] + que + [<strong>action</strong>]</p> <p style="text-align: justify;">[final(init)] + [coda]</p> <p style="text-align: justify;">Avec les moules subsidiaires&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">[<strong>action</strong>] = [substantif] + [verbe d&rsquo;action (substantif)]</p> <p style="text-align: justify;">[<strong>comment</strong>] = [je] + [pouvoir] + [dire]</p> <p style="text-align: justify;">Le g&eacute;n&eacute;rateur r&eacute;alise une transformation lente entre deux maximes g&eacute;n&eacute;r&eacute;es et r&eacute;alise un mouvement de rotation d&rsquo;ensemble du po&egrave;me affich&eacute;. La transformation se fait en rempla&ccedil;ant chaque matrice de la premi&egrave;re maxime par celle de la seconde selon un ordre al&eacute;atoire. Comme un changement ne s&rsquo;effectue que toutes les trois secondes et demie, le texte semble statique, la g&eacute;n&eacute;ration ne se voit pas. Par exemple, le passage entre les deux maximes suivantes s&rsquo;effectue en douze &eacute;tapes.</p> <p>&mdash; &ldquo;c&rsquo;est ainsi</p> <p>si l&rsquo;on s&rsquo;&eacute;vertue &agrave; penser</p> <p>ainsi&hellip; que l&rsquo;eau s&rsquo;engourdit</p> <p>&hellip;soit-il.&rdquo;&ndash; &ldquo;entre ch-at</p> <p>errance tu peux croire</p> <p>et ch-ien comme le nuage se dislo que</p> <p>entre r-at et r-ien parfois&rdquo;</p> <p style="text-align: justify;">La quatri&egrave;me strophe est construite par permutations et non selon un algorithme de phrases &agrave; trous. On remarque tout d&rsquo;abord qu&rsquo;on peut d&eacute;tecter la pr&eacute;sence de dix vers inscrits dans le texte original en gras (Doc. 4) qui forment un second texte &laquo;&nbsp;fant&ocirc;me&nbsp;&raquo; ayant pour titre <em>jaunir</em>. C&rsquo;est le seul texte porteur d&rsquo;un titre, caract&eacute;risant ainsi le fait qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;une strophe du po&egrave;me principal. Voici ce texte&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">jaunie, blanchie</p> <p style="text-align: justify;">une page en cendre se retire de nos veines.</p> <p style="text-align: justify;">La cendre est le texte.</p> <p style="text-align: justify;">En cendre encore</p> <p style="text-align: justify;">elle est le texte.</p> <p style="text-align: justify;">Une page en nos veines&hellip;</p> <p style="text-align: justify;">‒ vienne le soup&ccedil;on, encore&nbsp;? ‒</p> <p style="text-align: justify;">&hellip;blanc est le texte.</p> <p style="text-align: justify;">Le temps encore se retire,</p> <p style="text-align: justify;">la cendre du temps, lav&eacute;e, se retire.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;incrustation de ce po&egrave;me dans la strophe quatre produit une s&eacute;quence de dix po&egrave;mes construits sur le texte initial de cette strophe. Chaque po&egrave;me contient un vers du po&egrave;me fant&ocirc;me diss&eacute;min&eacute; dans la strophe 4. Voici les po&egrave;mes de la s&eacute;rie qui comprennent respectivement les vers 2 et 3 du po&egrave;me fant&ocirc;me&nbsp;<em>jaunir&nbsp;</em>:</p> <p>qu&rsquo;une page en vienne &agrave; jaunir</p> <p><em>qu&rsquo;elle soit jaunie par la </em><strong><em>cendre</em></strong> <em>du temps</em></p> <p><em>ou blanchie, lav&eacute;e de tout soup&ccedil;on</em></p> <p><em>&nbsp;</em></p> <p><em>et c&rsquo;est le texte &ndash; encore</em></p> <p><em>qui </em><strong><em>se retire de nos veines</em></strong></p> <p><em>qu&rsquo;une page en vienne &agrave; jaunir</em></p> <p><em>qu&rsquo;elle soit jaunie par </em><strong><em>la cendre</em></strong><em> du temps</em></p> <p><em>ou blanchie, lav&eacute;e de tout soup&ccedil;on</em></p> <p><em>&nbsp;</em></p> <p><em>et c&rsquo;</em><strong><em>est</em></strong><em> <strong>le texte</strong></em><em> &ndash; encore</em></p> <p><em>qui se retire de nos veines</em></p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;ensemble des po&egrave;mes de cette s&eacute;rie est montr&eacute; dans un ordre al&eacute;atoire durant six secondes, puis le po&egrave;me de la quatri&egrave;me strophe est affich&eacute; seul durant vingt-quatre secondes. Une nouvelle permutation de la s&eacute;rie est alors r&eacute;alis&eacute;e et le processus d&rsquo;affichage reprend.</p> <p style="text-align: justify;">Chaque strophe poss&egrave;de une couleur propre et est anim&eacute;e d&rsquo;un mouvement lent, ce qui a pour effet d&rsquo;en mettre hors champ certaines parties durant un certain laps de temps. La couleur de fond se modifie &eacute;galement lentement, ce qui diminue parfois le contraste entre le fond et certaines strophes.</p> <h4 style="text-align: justify;"><span id="125_Rien_a_lire_circulez">1.2.5. Rien &agrave; lire, circulez</span></h4> <p style="text-align: justify;">Au final, l&rsquo;installation g&ecirc;ne consid&eacute;rablement la lisibilit&eacute; et oriente le spectateur vers une r&eacute;ception plastique ou ludique. Il est n&eacute;cessaire de rentrer dans le programme pour d&eacute;couvrir les &eacute;l&eacute;ments ici &eacute;nonc&eacute;s qui ne sont fournis dans l&rsquo;installation que sous forme d&rsquo;indices perceptibles. La v&eacute;ritable dimension textuelle, qu&rsquo;on qualifierait de litt&eacute;raire dans une conception classique de la litt&eacute;rature centr&eacute;e sur le texte, ne s&rsquo;obtient avec plus de pertinence qu&rsquo;en cassant la coque des m&eacute;dias directement perceptibles dans l&rsquo;espace-son de l&rsquo;installation, dans une modalit&eacute; de lecture qui elle-m&ecirc;me d&eacute;construit l&rsquo;&oelig;uvre en dehors de l&rsquo;installation. Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une op&eacute;ration de m&eacute;ta-lecture. La m&eacute;ta-lecture est une des modalit&eacute;s de r&eacute;ception de l&rsquo;&oelig;uvre rendues possibles par le dispositif num&eacute;rique. Notre culture de l&rsquo;image, fond&eacute;e sur la situation spectatoriale construite par le livre, le concert classique, la sc&egrave;ne &agrave; l&rsquo;italienne et le cin&eacute;ma, consid&egrave;re que la dimension perceptive de l&rsquo;&oelig;uvre est une surface situ&eacute;e devant le lecteur/auditeur/spectateur. Le dispositif num&eacute;rique complexifie cette situation en utilisant des domaines perceptifs ou signifiants qui ne sont pas accessibles dans cette configuration. Le mod&egrave;le que je d&eacute;veloppe (Doc. 5) qualifie de &laquo;&nbsp;m&eacute;ta-lectures&nbsp;&raquo; les modalit&eacute;s n&eacute;cessaires pour les atteindre, qui n&eacute;cessitent des instruments pour y acc&eacute;der, tout comme l&rsquo;&eacute;cran est un instrument de lecture de l&rsquo;image filmique et le livre un instrument de lecture du texte.</p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 5 ‒ Les méta-lectures dans le modèle procédural. Extrait de : Philippe Bootz, « La poesia digital programada: una poesia del dispositivo », dans Poéticas technológicas, transdiciplina y sociedad : Actas del Seminario Internacional Ludión/Paragraphe, Pablo Esteban Rodriguez (trad.), Claudia  Kozac (ed.), Buenos-Aires, Exploratorió Ludión, 2011, p. 38." class="alignnone size-medium wp-image-2613" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc5-300x165.png" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc5-300x165.png 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc5-1024x562.png 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc5-810x445.png 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc5-1140x626.png 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2018/11/doc5.png 1537w" style="width: 300px; height: 165px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 5&nbsp;‒ Les m&eacute;ta-lectures dans le mod&egrave;le proc&eacute;dural. Extrait de&nbsp;: Philippe Bootz, &laquo;&nbsp;La poesia digital programada: una poesia del dispositivo&nbsp;&raquo;, dans <em>Po&eacute;ticas technol&oacute;gicas, transdiciplina y sociedad&nbsp;: Actas del Seminario Internacional Ludi&oacute;n/Paragraphe</em>, Pablo Esteban Rodriguez (trad.), Claudia &nbsp;Kozac (ed.), Buenos-Aires, Exploratori&oacute; Ludi&oacute;n, 2011, p.&nbsp;38.</small></p> <p style="text-align: justify;">Pour que les m&eacute;ta-lectures soient possibles, l&rsquo;&oelig;uvre ne doit pas seulement &ecirc;tre install&eacute;e, elle doit &eacute;galement &ecirc;tre publi&eacute;e comme &laquo;&nbsp;document&nbsp;&raquo; accessible, par exemple en ligne. J&rsquo;en ai moi-m&ecirc;me d&eacute;construit certaines dimensions afin de r&eacute;aliser des &laquo;&nbsp;machines de lecture&nbsp;&raquo; (fichiers textes, fichiers ex&eacute;cutables, sch&eacute;mas, captures vid&eacute;os&hellip;) qui ne n&eacute;cessitent pas de rentrer dans le programme pour atteindre ces dimensions. La vid&eacute;o Doc. 4 en est un exemple. Pour l&rsquo;obtenir il a fallu d&eacute;structurer le programme du robot po&egrave;te pour n&rsquo;en r&eacute;cup&eacute;rer que le g&eacute;n&eacute;rateur de texte.</p> <p style="text-align: justify;">Je ne pr&eacute;tends pas avoir fait le tour de toutes les dimensions esth&eacute;tiques de l&rsquo;&oelig;uvre. Je ne me suis notamment pas encore int&eacute;ress&eacute; &agrave; l&rsquo;esth&eacute;tique du code de cette &oelig;uvre. L&rsquo;analyse du code r&eacute;v&egrave;le souvent des composantes esth&eacute;tiques ou rh&eacute;toriques. Dans tous les cas,&nbsp; il me sera impossible d&rsquo;atteindre toutes les dimensions de l&rsquo;&oelig;uvre, notamment parce que celle-ci &eacute;chappe n&eacute;cessairement &agrave; son auteur et que d&rsquo;autres points de vues, associ&eacute;s &agrave; d&rsquo;autres dimensions signifiantes, sont toujours possibles. En revanche, l&rsquo;installation procure au lecteur / spectateur une exp&eacute;rience de vie, sensible, intellectuelle, physique, esth&eacute;tique que la d&eacute;structuration ne peut donner. Votre lecture vous appartient, m&ecirc;me si elle ne peut s&rsquo;effectuer que depuis l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;&oelig;uvre (on ne &laquo;&nbsp;lit&nbsp;&raquo; pas une &oelig;uvre, on &laquo;&nbsp;lit depuis&nbsp;&raquo; une &oelig;uvre). Rien d&rsquo;autre ne peut la remplacer. Lecture et m&eacute;ta-lecture sont ainsi compl&eacute;mentaires et non hi&eacute;rarchis&eacute;es bien qu&rsquo;antagonistes.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2_Quelques_reflexions_en_guise_de_cadrage">2. Quelques r&eacute;flexions en guise de cadrage</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Cette &oelig;uvre appartient &agrave; la s&eacute;rie des <em>petits po&egrave;mes &agrave; lecture inconfortable</em>. La lecture inconfortable s&rsquo;inscrit dans l&rsquo;actualisation de l&rsquo;esth&eacute;tique de la frustration que j&rsquo;ai cr&eacute;&eacute;e dans les ann&eacute;es 1980 et qui caract&eacute;rise l&rsquo;approche esth&eacute;tique de nombre de po&egrave;tes fran&ccedil;ais dans cette p&eacute;riode. La frustration n&rsquo;y &eacute;tait pas un objectif mais un dommage collat&eacute;ral lorsque le lecteur se rendait compte qu&rsquo;il ne poss&eacute;dait pas les bonnes modalit&eacute;s de lecture de l&rsquo;&oelig;uvre, c&rsquo;est-&agrave;-dire lorsque ses tentatives de lecture selon les modalit&eacute;s classiques de lecture d&rsquo;un livre &eacute;chouaient. La lecture inconfortable travaille plus sp&eacute;cifiquement sur le contr&ocirc;le en prouvant par une mise en &oelig;uvre que le dispositif technique contr&ocirc;le le lecteur plus que celui-ci ne peut agir sur la machine et bien avant qu&rsquo;il puisse tenter quoi que ce soit&nbsp;: l&rsquo;interactivit&eacute; est le meilleur moyen par lequel la machine vous contr&ocirc;le. La frustration peut &eacute;galement se manifester comme dommage collat&eacute;ral chez un lecteur qui ambitionne de contr&ocirc;ler l&rsquo;&oelig;uvre ou sa lecture. En ces temps de manipulation sournoise des libert&eacute;s et des d&eacute;mocraties par les algorithmes, il est judicieux de faire prendre conscience que ce contr&ocirc;le de la machine peut s&rsquo;exercer en toute circonstance, d&ucirc;t-elle prendre une forme ludique et esth&eacute;tique dans une &oelig;uvre d&rsquo;art.</p> <p style="text-align: justify;">Dans l&rsquo;&oelig;uvre, l&rsquo;interactivit&eacute; concerne la lecture, qui est une modalit&eacute; de r&eacute;ception sp&eacute;cifique venant de la situation du spectateur de cin&eacute;ma, puis transform&eacute;e par la possibilit&eacute;, sp&eacute;cifique au num&eacute;rique, d&rsquo;agir via un &eacute;cran. Cette continuit&eacute; par l&rsquo;image mouvante entre le cin&eacute;ma et le visuel cr&eacute;&eacute;e par des programmes, a tendance &agrave; nous faire croire que l&rsquo;&oelig;uvre est ce qu&rsquo;on observe &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, car il s&rsquo;agit de la partie imm&eacute;diatement perceptible. On agirait donc &laquo;&nbsp;sur&nbsp;&raquo; l&rsquo;&oelig;uvre. En fait, l&rsquo;analyse des &oelig;uvres litt&eacute;raires num&eacute;riques, et des &oelig;uvres &agrave; lecture inconfortable en particulier, montre que cette conception confond &laquo;&nbsp;dimensions esth&eacute;tiques&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;modalit&eacute;s d&rsquo;acc&egrave;s aux dimensions esth&eacute;tiques&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;objet et la modalit&eacute; de l&rsquo;acc&egrave;s. En instituant implicitement la lecture num&eacute;rique comme unique modalit&eacute; d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre au motif que c&rsquo;est la plus &eacute;vidente, on se prive d&rsquo;une part non n&eacute;gligeable de ce qui constitue la dimension esth&eacute;tique sp&eacute;cifique des &oelig;uvres litt&eacute;raires num&eacute;riques. R&eacute;duire l&rsquo;&oelig;uvre &agrave; son contenu &eacute;cran ou &agrave; ce qui est imm&eacute;diatement donn&eacute; &agrave; la perception par le dispositif propos&eacute; de monstration (installation, performance, ex&eacute;cution <em>on-line</em>&hellip;) revient &agrave; la castrer. Il est vrai que toute notre culture, depuis plusieurs si&egrave;cles, et plus sp&eacute;cialement dans les cultures occidentales, a forg&eacute; ce pouvoir d&eacute;mesur&eacute; de la lecture, et m&ecirc;me les auteurs num&eacute;riques ont aujourd&rsquo;hui encore beaucoup de mal &agrave; penser l&rsquo;&oelig;uvre diff&eacute;remment, bien que l&rsquo;analyse de leurs productions&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a> montre qu&rsquo;en fait l&rsquo;&oelig;uvre fonctionne diff&eacute;remment. Il est logique, dans ces conditions, qu&rsquo;aucun instrument ne permette d&rsquo;acc&eacute;der aux dimensions non &eacute;craniques des &oelig;uvres, ce qui nous prive de machines de lecture de ces dimensions.</p> <p style="text-align: justify;">Le parall&egrave;le avec le livre fera mieux ressortir mon propos. Il convient d&rsquo;&eacute;tablir une diff&eacute;rence entre le texte et le livre. On pense g&eacute;n&eacute;ralement que le livre est un &laquo;&nbsp;support&nbsp;&raquo; du texte mais la situation est plus complexe que cela. Le livre dispose de toute une &laquo;&nbsp;machinerie&nbsp;&raquo; textuelle et physique qui oriente et contraint le lecture du texte&nbsp;: un paratexte (pagination, chapitrage&hellip;) et une disposition plastique (blancs entre les mots, d&eacute;limitation de blocs constituant des paragraphes, corps de fontes diff&eacute;rents pour le corps du texte, les titres&hellip;, sauts de lignes et de pages, utilisation de tirets pour les r&eacute;pliques, d&rsquo;italiques&hellip;) de sorte que le livre n&rsquo;est pas un simple support du texte, il s&rsquo;agit d&rsquo;une v&eacute;ritable machine de lecture dont l&rsquo;invention ne s&rsquo;est pas faite du jour au lendemain et r&eacute;sulte de transformations id&eacute;ologiques. Jusqu&rsquo;au VII<sup>e</sup> si&egrave;cle, il fallait conna&icirc;tre le texte car tous les mots &eacute;taient coll&eacute;s et le codex, l&rsquo;anc&ecirc;tre du livre, jouait davantage le r&ocirc;le d&rsquo;une partition que d&rsquo;un livre. Cette disposition emp&ecirc;chait le commun des mortels de lire, la lecture &eacute;tant r&eacute;serv&eacute;e aux hommes d&rsquo;&eacute;glise d&eacute;tenteurs de la parole de Dieu. Il a donc fallu que l&rsquo;&eacute;glise perde un peu de ses pr&eacute;rogatives sur le texte et que puisse advenir la lecture silencieuse pour que le livre voie progressivement le jour (le paragraphe au XI<sup>e</sup> si&egrave;cle, la pagination au XIII<sup>e</sup>). Tant que notre id&eacute;ologie de l&rsquo;&oelig;uvre restera marqu&eacute;e par quelques notions issues des si&egrave;cles pass&eacute;s, et plus sp&eacute;cifiquement du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle (pour lequel l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire est un texte imm&eacute;diatement perceptible port&eacute; sur un support), l&rsquo;humanit&eacute; ne d&eacute;veloppera pas de machine &agrave; lire les dimensions autres.</p> <p style="text-align: justify;">La solution la plus utilis&eacute;e aujourd&rsquo;hui pour pallier l&rsquo;absence de telles machines est de montrer le code informatique. Cette solution est loin d&rsquo;&ecirc;tre optimale. Outre qu&rsquo;elle n&eacute;cessite des comp&eacute;tences informatiques pour en tirer parti, ce qui confine et discrimine l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; une certaine &eacute;lite form&eacute;e en cons&eacute;quence, cette solution ne tient pas compte de la dimension &laquo;&nbsp;d&rsquo;outil intellectuel&nbsp;&raquo; qu&rsquo;est le code. En tant qu&rsquo;outil, le code sert en effet &agrave; augmenter quantitativement et non qualitativement les possibilit&eacute;s du cerveau. Il fait ce que le cerveau humain peut faire mais en plus vite et sans la barri&egrave;re de la surcharge cognitive, ce qui lui permet de retenir et traiter simultan&eacute;ment des quantit&eacute;s &eacute;normes d&rsquo;informations, selon des objectifs diff&eacute;rents, ce que ne saurait faire un cerveau humain. De ce fait, la lecture humaine d&rsquo;un programme complexe bloque sur ce d&eacute;passement quantitatif op&eacute;r&eacute; par le programme, ce qui interdit d&rsquo;en percevoir en d&eacute;tail toutes les implications et dimensions en dehors d&rsquo;un processus d&rsquo;ex&eacute;cution. Ainsi donc, une machine &agrave; lire le code ne consistera sans doute pas en un affichage simple du code, mais inclura sans doute une ex&eacute;cution de portions de ce code dans un environnement diff&eacute;rent du programme de l&rsquo;&oelig;uvre. C&rsquo;est dans cette direction que j&rsquo;oriente mes exp&eacute;rimentations sur le code, et elles ont d&eacute;j&agrave; fourni quelques r&eacute;sultats probants&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.</p> <p style="text-align: justify;">La lecture en situation traditionnelle, rebaptis&eacute;e lecture &eacute;troite dans le mod&egrave;le g&eacute;n&eacute;ral que je d&eacute;veloppe, englobant ainsi la lecture num&eacute;rique, la lecture interactive dans une installation, la lecture spectatoriale d&rsquo;une projection ou d&rsquo;une performance, permet d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; certaines dimensions de l&rsquo;&oelig;uvre qu&rsquo;aucune autre modalit&eacute; de r&eacute;ception ne permet, mais interdit &eacute;galement l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; d&rsquo;autres dimensions qui n&eacute;cessitent de ce fait des modalit&eacute;s d&rsquo;acc&egrave;s diff&eacute;rentes que je nomme de fa&ccedil;on g&eacute;n&eacute;rique des &laquo;&nbsp;m&eacute;ta-lectures&nbsp;&raquo;. Tout comme la lecture &eacute;troite, il s&rsquo;agit d&rsquo;op&eacute;rations <em>instrument&eacute;es&nbsp;</em><a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a> qui permettent d&rsquo;atteindre d&rsquo;autres niveaux esth&eacute;tiques de l&rsquo;&oelig;uvre. La r&eacute;ception se trouve ainsi d&eacute;construite selon plusieurs modalit&eacute;s autonomes, ind&eacute;pendantes et non simultan&eacute;es qui, chacune, permet d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; des dimensions esth&eacute;tiques ou litt&eacute;raires diff&eacute;rentes de l&rsquo;&oelig;uvre. La r&eacute;ception ne r&eacute;sulte donc pas simplement d&rsquo;une transmission, elle n&eacute;cessite une reconstruction mentale qui assemble les diverses pi&egrave;ces du puzzle r&eacute;sultant de ces modalit&eacute;s diverses.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;installation et la performance, tout comme la lecture num&eacute;rique, sont des dispositifs qui contraignent la r&eacute;ception et en limitent l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; la seule lecture &eacute;troite. Dans le cadre de l&rsquo;esth&eacute;tique de la frustration et de la lecture &eacute;troite, l&rsquo;&oelig;uvre constitue un &laquo;&nbsp;pi&egrave;ge &agrave; lecteur&nbsp;&raquo;. Ce concept, que j&rsquo;ai forg&eacute; d&egrave;s le d&eacute;but de mon basculement dans l&rsquo;&eacute;criture num&eacute;rique programm&eacute;e, indique que l&rsquo;&oelig;uvre met en &eacute;chec la conception de l&rsquo;&oelig;uvre comme spectacle, f&ucirc;t-il interactif. L&rsquo;objectif du pi&egrave;ge &agrave; lecteur n&rsquo;est pas de vous dire au sein de l&rsquo;&oelig;uvre que vous &ecirc;tes pi&eacute;g&eacute; mais de vous le faire exp&eacute;rimenter. On le dit ailleurs, dans un discours second comme cet article.</p> <h2 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Voir <a href="http://&lt;https://www.youtube.com/watch?v=epViuhb5FYo&gt;">le document vid&eacute;o</a> sur le festival OLE 01 r&eacute;alis&eacute; par la <em>Rai</em> en 2014. L&rsquo;installation <em>joue de la musique pour mon po&egrave;me</em> est pr&eacute;sent&eacute;e entre les dates 3:41 et 4:17. On y voit clairement le fonctionnement de l&rsquo;interface.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Une unit&eacute; s&eacute;miotique temporelle (MIM) est une structure temporelle iconique d&rsquo;un mouvement naturel. Voir &agrave; ce sujet Xavier Hautbois &amp; Nicolas Donin (dir.), <em>musimediane</em> , n&deg; 5&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les Unit&eacute;s S&eacute;miotiques Temporelles&nbsp;: enjeux pour l&rsquo;analyse et la recherche&nbsp;&raquo;, mars 2010, revue <a href="http://&lt;http://www.musimediane.com/numero-5/&gt;">en ligne</a>&nbsp; (consult&eacute; le 20 mai 2018).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> V. par exemple Philippe Bootz, &laquo;&nbsp;signs and apparatus in digital poetry: the example of Jean-Marie Dutey&rsquo;s <em>Le mange-texte</em>&nbsp;&raquo;, <em>LLC/Literary and Linguistic Computing</em>, volume 27, issue 3, septembre 2012, p.&nbsp;273-292&nbsp;; ou (2007), <em>Les Basiques&nbsp;: La litt&eacute;rature num&eacute;rique</em>, Leonardo Olats (collection les basiques) [<a href="http://www.olats.org/livresetudes/basiques/litteraturenumerique/basiquesLN.php">en ligne</a>] (consult&eacute; le 10/02/2010)&nbsp;; ou encore &laquo;&nbsp;vers de nouvelles formes en po&eacute;sie num&eacute;rique programm&eacute;e&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>Rilune</em>, n&deg;5&nbsp;<em>: </em>&laquo;&nbsp;litt&eacute;ratures num&eacute;riques en Europe, &eacute;tat de l&rsquo;art&nbsp;&raquo;, juillet 2006 [<a href="http://&lt;http://www.rilune.org/mono5/4_bootz.pdf&gt;">en ligne</a>] (consult&eacute; le 15 f&eacute;vrier 2014).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Voir par exemple Philippe Bootz et Marcel Fr&eacute;miot, &laquo;&nbsp; <em>Passage,</em> po&egrave;me num&eacute;rique, &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;esth&eacute;tique et d&rsquo;analyse&nbsp;&raquo;,<em> Les Cahiers du MIM</em>, n&deg;&nbsp;3, octobre 2009 [<a href="http://www.labo-mim.org/site/index.php?cahier3bdc">en ligne</a>] (consult&eacute; le 10/02/2010).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> Le fait que la modalit&eacute; soit instrument&eacute;e ne signifie pas qu&rsquo;elle utilise une machine de lecture. Une machine de lecture fonctionnerait de la m&ecirc;me fa&ccedil;on pour toutes les &oelig;uvres alors qu&rsquo;aujourd&rsquo;hui les proc&eacute;dures et instruments mis en &oelig;uvre dans les m&eacute;ta-lectures s&rsquo;adaptent aux &oelig;uvres ainsi lues.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Philippe Bootz</strong> est auteur de po&eacute;sie programm&eacute;e depuis la fin des ann&eacute;es 70, et enseignant-chercheur &agrave; Paris 8. &Eacute;diteur de la revue de litt&eacute;rature anim&eacute;e et interactive <em>alire</em>, impliqu&eacute; dans divers collectifs de po&eacute;sie num&eacute;rique, il s&rsquo;int&eacute;resse aux alt&eacute;rations des op&eacute;rations de lecture et d&rsquo;&eacute;criture op&eacute;r&eacute;es par ces formes nouvelles. Se d&eacute;marquant de la g&eacute;n&eacute;ration de textes et des cr&eacute;ations hypertextuelles, Philippe Bootz a propos&eacute; d&egrave;s la fin des ann&eacute;es 80 des &oelig;uvres de po&eacute;sie anim&eacute;e. Ses cr&eacute;ations, qui interrogent le rapport entre l&rsquo;&eacute;criture informatique, son ex&eacute;cution machinique et sa manifestation sur l&rsquo;&eacute;cran de l&rsquo;ordinateur, sont li&eacute;es &agrave; une &laquo;&nbsp;esth&eacute;tique de la frustration&nbsp;&raquo; qui d&eacute;route le lecteur, tels les &laquo;&nbsp;Petits po&egrave;mes &agrave; lecture inconfortable&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Petite brosse &agrave; d&eacute;poussi&eacute;rer la fiction&nbsp;&raquo;, 2005, <a href="http://www.bootz.fr/brosse/">ici</a>&nbsp;; &laquo;&nbsp;L&rsquo;e rabot po&euml;te&nbsp;&raquo;, 2005, <a href="http://www.akenaton-docks.fr/DOCKS-datas_f/collect_f/auteurs_f/B_f/BOOTZ_F/Animations_F/rabot.htm">ici</a>&nbsp;; &laquo;&nbsp;Les amis sur le seuil&nbsp;&raquo;, 2011, <a href="http://revuebleuorange.org/bleuorange/04/bootz/">l&agrave;</a>).</p> <h3 style="text-align: justify;">Copyright</h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>