<div class="entry-content"> <h3>Abstract</h3> <p>This article is an attempt to grasp a few specificities of poetry experimentations on Instagram. We aim to underline some formal constraints and possibilities that the network sets for the authors. After a prompt overview of the actual practical applications in the frenchspeaking field, we introduce and analyze the peculiar account &lsquo;&lsquo;anthropie&rsquo;&rsquo; for it is a relevant example of a literary experiment aware of the precise digital frame aforementioned. To conclude, we suggest how and why can <em>instapoets </em>become a way of rethinking some of our critical tools.</p> <h3>Keywords</h3> <p class="meta-tags">digital poetry, Instagram, anthropie, instapoets</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;La po&eacute;sie du XXI<sup>e</sup> si&egrave;cle s&rsquo;&eacute;crira ainsi&nbsp;&raquo;, commente <a href="https://www.instagram.com/antoinemaine/">@antoinemaine</a>,&nbsp;suite&nbsp;au&nbsp;post du compte Instagram <a href="https://www.instagram.com/anthropie/">@anthropie</a>&nbsp;en date du 1<sup>er</sup> f&eacute;vrier 2018. Sans &ecirc;tre certain de ce que &laquo;&nbsp;ainsi&nbsp;&raquo; signifie&nbsp;(hors des livres&nbsp;? avec des images, fixes, anim&eacute;es&nbsp;? avec du son&nbsp;? tout cela en m&ecirc;me temps&nbsp;?)&nbsp;il faut lui donner raison sur un point&nbsp;: vingt ans apr&egrave;s le d&eacute;but du si&egrave;cle de la communication digitale, la litt&eacute;rature y a d&eacute;j&agrave; fait son nid, notamment sur les r&eacute;seaux sociaux. On parle depuis 2009 de &laquo;&nbsp;twitt&eacute;rature&nbsp;&raquo;, et dans un cadre moins formel, depuis peu, d&rsquo;&laquo;&nbsp;instapo&egrave;tes&nbsp;&raquo;. La critique universitaire envisage souvent le ph&eacute;nom&egrave;ne comme une triade (Facebook, Twitter, Instagram), ou plus sp&eacute;cifiquement dans le cadre du r&eacute;seau de l&rsquo;oiseau bleu, dont la contrainte des 140 puis 280 caract&egrave;res a tout de suite eu quelque chose de s&eacute;duisant pour les po&eacute;ticiens. Le cas Instagram, moins &eacute;tudi&eacute;, attire pourtant l&rsquo;attention de la presse &eacute;crite et num&eacute;rique depuis d&eacute;j&agrave; quelques ann&eacute;es, notamment pour relayer les grands succ&egrave;s que la plateforme a connus (surtout dans la sph&egrave;re anglophone). Des auteurs comme Tyler Knott Gregson (<a href="https://www.instagram.com/tylerknott/">@tylerknott</a>), Christopher Poindexter (<a href="https://www.instagram.com/christopherpoindexter/">@christopherpoindexter</a>) ou encore Rupi Kaur (<a href="https://www.instagram.com/rupikaur_/">@rupikaur</a><a href="https://www.instagram.com/rupikaur_/">_</a>) m&eacute;ritent ainsi, dans ces m&ecirc;mes articles, le titre d&rsquo;&laquo;&nbsp;instapo&egrave;tes&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo;. R&eacute;unissant plusieurs centaines de milliers de followers (2,5 millions pour Rupi Kaur), ces &eacute;crivains nouvelle g&eacute;n&eacute;ration sont targu&eacute;s d&rsquo;avoir ressuscit&eacute; un art &agrave; l&rsquo;agonie. C&rsquo;est, en un sens, une v&eacute;rit&eacute;&nbsp;: aujourd&rsquo;hui, quatre des cinq meilleures ventes de recueils de po&eacute;sie d&rsquo;Amazon International sont sign&eacute;es par des auteurs ayant commenc&eacute; leur carri&egrave;re d&rsquo;&eacute;crivain sur Instagram. Les recueils, qui reprennent souvent le contenu post&eacute; sur la plateforme, atteignent des chiffres de ventes dont la po&eacute;sie traditionnelle ne peut que r&ecirc;ver (500 000 exemplaires vendus, en 2016, pour Rupi Kaur et son <em>Milk and Honey</em>, Andrew McMeel Publishing, 2015).</p> <p style="text-align: justify;">En amont de ces ph&eacute;nom&egrave;nes &eacute;ditoriaux, la plateforme regorge &eacute;galement d&rsquo;exp&eacute;rimentations litt&eacute;raires plus discr&egrave;tes, dont la seule existence est num&eacute;rique&nbsp;; ces cas de figures r&eacute;v&egrave;lent sp&eacute;cifiquement comment le r&eacute;seau social peut conditionner la forme po&eacute;tique m&ecirc;me. Ils t&eacute;moignent &eacute;galement des nouvelles formes litt&eacute;raires &eacute;mergeant par le biais du num&eacute;rique, objets hybrides et probl&eacute;matiques auxquels les &eacute;tudes po&eacute;tiques se confrontent depuis quelques dizaines d&rsquo;ann&eacute;es d&eacute;j&agrave;. Cependant, n&rsquo;&eacute;tant ni cod&eacute;s ni forc&eacute;ment cr&eacute;&eacute;s par le biais d&rsquo;un programme, les &eacute;crits po&eacute;tiques sur Instagram rel&egrave;vent d&rsquo;un &laquo;&nbsp;genre&nbsp;&raquo; sp&eacute;cifique dont les sp&eacute;cificit&eacute;s, et notamment leur rapport premier &agrave; l&rsquo;image, restent &agrave; explorer. Sous cet angle, une &eacute;tude po&eacute;tique du r&eacute;seau rejoint par exemple le travail de Gilles Bonnet&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a> en ce qu&rsquo;elle s&rsquo;essaye &agrave; d&eacute;crire une sph&egrave;re &agrave; la fois moins sp&eacute;cialis&eacute;e et plus publique de la litt&eacute;rature num&eacute;rique.</p> <p style="text-align: justify;">On voudrait donc ici se concentrer sur ces auteurs dont les cr&eacute;ations se font &agrave; la fois pour et par Instagram. Dans ce but, on fera une rapide description du support et des d&eacute;terminations formelles qu&rsquo;il impose au contenu qu&rsquo;il relaye, plus sp&eacute;cifiquement aux objets de langage&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Un panorama des pratiques francophones permettra ensuite de tracer quelques balises dans ce champ particuli&egrave;rement prot&eacute;iforme. On isolera de cet ensemble sporadique le compte <a href="https://www.instagram.com/anthropie/">@anthropie</a> pour l&rsquo;observer plus en profondeur. Plut&ocirc;t atypique en regard des utilisations g&eacute;n&eacute;rales du r&eacute;seau&nbsp;&ndash;&nbsp;entre autres de par son exploitation des d&eacute;terminations &eacute;voqu&eacute;es&nbsp;&ndash;&nbsp;anthropie s&rsquo;annonce comme une occasion de penser les formes po&eacute;tiques en contexte digital particuli&egrave;rement fertile&nbsp;: le travail du collectif engage des r&eacute;flexions d&rsquo;ordre s&eacute;miotique, po&eacute;tique et herm&eacute;neutique. On verra que le dernier &eacute;l&eacute;ment du maillon auteur-lecteur-texte-<em>support&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a> est ici le d&eacute;clencheur d&rsquo;une r&eacute;actualisation des trois premiers, selon des configurations que l&rsquo;on &eacute;voquera &agrave; titre de pistes de r&eacute;flexions.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="1_Vers_une_poetique_du_support_Instagram">1. Vers une po&eacute;tique du support Instagram&nbsp;?</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Nous souhaitons ici donner quelques pistes pour une po&eacute;tique du support Instagram, soit ouvrir une analyse des conditionnements que la plateforme impose &agrave; la cr&eacute;ation litt&eacute;raire.</p> <p style="text-align: justify;">Si le passage de la forme post&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a> &agrave; la forme livresque implique de nombreuses reconfigurations qui pourraient &ecirc;tre d&eacute;taill&eacute;es, il nous servira ici plut&ocirc;t de contrepoint. Il semble en effet que la possibilit&eacute; m&ecirc;me de ce transfert du num&eacute;rique au papier souligne une des particularit&eacute;s de ces &laquo;&nbsp;post bad&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&raquo; litt&eacute;raires&nbsp;: ils utilisent le r&eacute;seau comme un relais plus que comme un support formel &agrave; part enti&egrave;re. En r&egrave;gle g&eacute;n&eacute;rale, les textes sont &eacute;crits &agrave; la main ou dactylographi&eacute;s, pris en photo puis post&eacute;s. La dimension visuelle (photographique) du post est alors plut&ocirc;t transitive, ou d&eacute;corative&nbsp;: elle vise d&rsquo;abord le partage et la diffusion de textes qui seraient probablement rest&eacute;s confidentiels sans la plateforme. Cependant, et c&rsquo;est ce qui nous int&eacute;ressera ici, certains comptes revendiquent une recherche po&eacute;tique qui investit plus en profondeur les caract&eacute;ristiques formelles d&rsquo;Instagram. Ces investissements se font &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;un ensemble de possibilit&eacute;s et de contraintes auquel sont confront&eacute;s les auteurs, et c&rsquo;est de cette tension que na&icirc;t la sp&eacute;cificit&eacute; du cas Instagram, vis-&agrave;-vis de ces concurrents Twitter et Facebook, mais aussi de tout autre medium plus traditionnel.</p> <p style="text-align: justify;">Une premi&egrave;re remarque s&rsquo;impose. Comme il est d&rsquo;usage sur les r&eacute;seaux sociaux, un contenu se d&eacute;livre, sur Instagram, sous la forme d&rsquo;un &laquo;&nbsp;post&nbsp;&raquo;. Une fois en ligne, le contenu est donc &laquo;&nbsp;fig&eacute;&nbsp;&raquo;, ce qui d&eacute;marque d&eacute;j&agrave; ce type de publications des litt&eacute;ratures num&eacute;riques plus &laquo;&nbsp;mobiles&nbsp;&raquo;, o&ugrave; le contenu est toujours susceptible de modifications. La &laquo;&nbsp;mobilit&eacute;&nbsp;&raquo;, que plusieurs critiques identifient comme l&rsquo;une des caract&eacute;ristiques de la litt&eacute;rature num&eacute;rique&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>, est ainsi impossible sur Instagram. Signalons &eacute;galement d&rsquo;embl&eacute;e qu&rsquo;Instagram est un r&eacute;seau cr&eacute;&eacute; et pens&eacute; pour la diffusion d&rsquo;images&nbsp;: &agrave; sa naissance (2010), il ne permettait que la prise instantan&eacute;e de clich&eacute;s (dits &laquo;&nbsp;natifs&nbsp;&raquo;) et l&rsquo;ajout de filtres. Contrairement &agrave; Facebook, o&ugrave; textes et images peuvent occuper des espaces proportionnels, et Twitter, o&ugrave; l&rsquo;image est plut&ocirc;t un mode d&rsquo;illustration de la parole, Instagram ne d&eacute;die qu&rsquo;une petite superficie au verbe&nbsp;: la l&eacute;gende. Elle est en g&eacute;n&eacute;ral relativement br&egrave;ve et peut s&rsquo;accompagner de <em>hashtags </em>(&laquo;&nbsp;#&nbsp;&raquo; suivi d&rsquo;un ou de plusieurs mots), dont la fonction est de r&eacute;f&eacute;rencer les posts sous une th&eacute;matique commune. Le verbal peut bien s&ucirc;r s&rsquo;inviter dans l&rsquo;espace d&eacute;di&eacute; au visuel, selon deux modalit&eacute;s&nbsp;: par la photographie de quelque chose d&rsquo;&eacute;crit, ou par la mise en image num&eacute;rique d&rsquo;un texte, pr&eacute;alable &agrave; la publication (et donc produit par un autre programme). Nous verrons par la suite comment les comptes litt&eacute;raires jouent avec cette contrainte.</p> <p style="text-align: justify;">Au lancement du r&eacute;seau, la forme standardis&eacute;e du post &eacute;tait le carr&eacute;, qui rappelait le polaro&iuml;d (et l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une prise photographique instantan&eacute;e). Aujourd&rsquo;hui, le carr&eacute; est toujours la forme par d&eacute;faut du post, mais l&rsquo;utilisateur peut choisir de le r&eacute;duire &agrave; un ratio rectangulaire horizontal (du type 16/9<sup>e</sup>) ou allong&eacute; en hauteur (ce format d&eacute;coulant probablement de l&rsquo;&eacute;volution des &eacute;crans de smartphone). Tous ces formats sont pens&eacute;s pour la diffusion d&rsquo;images, qu&rsquo;ils rappellent d&rsquo;autres supports de diffusion (polaro&iuml;d, cin&eacute;ma) ou s&rsquo;adaptent au support pour lequel le r&eacute;seau a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; (le smartphone).</p> <p style="text-align: justify;">S&rsquo;ajoutent encore les multiples modes d&rsquo;exposition des images propos&eacute;s par la plateforme. Depuis 2017, un post peut &ecirc;tre unique ou multiple, auquel cas l&rsquo;utilisateur d&eacute;couvre les images par le <em>slide </em>(de c&ocirc;t&eacute;) dans ce qui forme une sorte d&rsquo;album, ou de livre &agrave; feuilleter. D&rsquo;autre part, un compte peut &ecirc;tre visit&eacute; en <em>overview</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire sur une interface montrant &agrave; la fois l&rsquo;espace <em>bio&nbsp;</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a> et l&rsquo;ensemble des posts. Cet ensemble peut &ecirc;tre affich&eacute; sous la m&ecirc;me forme que le fil d&rsquo;actualit&eacute; (chaque image d&eacute;filant l&rsquo;une apr&egrave;s l&rsquo;autre), ou alors sous la forme d&rsquo;une &laquo;&nbsp;galerie&nbsp;&raquo; (les posts sont affich&eacute;s les uns &agrave; c&ocirc;t&eacute; des autres, par lignes de trois&nbsp;; les l&eacute;gendes ne sont plus visibles).</p> <p style="text-align: justify;">En outre, la navigation sur Instagram s&rsquo;effectue dans un espace-temps particulier <em>a priori </em>hostile au fait litt&eacute;raire, de par son ergonomie&nbsp;: l&rsquo;utilisateur d&rsquo;Instagram d&eacute;couvre les images de ses abonnements ou de <em>l&rsquo;explorer&nbsp;</em><a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a> par le&nbsp;<em>scroll</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire par un d&eacute;filement continu. Rappelons qu&rsquo;Instagram est une plateforme <em>mobile-first&nbsp;</em><a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>, ce qui conditionne notamment le temps de la lecture. Le premier d&eacute;fi pour celui qui publie consiste &agrave; fixer l&rsquo;attention de l&rsquo;utilisateur plus d&rsquo;une seconde et demie, fixation que le texte est cognitivement moins &agrave; m&ecirc;me de produire que l&rsquo;image. Ce constat concerne &eacute;galement la durabilit&eacute; des posts, puisqu&rsquo;ils disparaissent rapidement des fils d&rsquo;actualit&eacute;s (chronologiques et algorithmiques).</p> <p style="text-align: justify;">Lorsque l&rsquo;application ajoute la possibilit&eacute; de publier des vid&eacute;os sonores en 2013, elle inaugure un nouvel espace po&eacute;tique possible&nbsp;: tout le champ du multim&eacute;dia est d&eacute;sormais exploitable. D&rsquo;abord limit&eacute;es &agrave; 15 secondes, elles peuvent durer jusqu&rsquo;&agrave; une minute depuis 2016. Elles sont aussi susceptibles d&rsquo;&ecirc;tre publi&eacute;es en album, le tout pouvant durer jusqu&rsquo;&agrave; 10 minutes par post (ce qui est rare, au demeurant). En 2016 encore, Instagram ajoute l&rsquo;option <em>stories</em>, d&rsquo;apr&egrave;s le mod&egrave;le d&rsquo;un autre r&eacute;seau social en pleine expansion, Snapchat. Les <em>stories</em> sont des posts &eacute;ph&eacute;m&egrave;res (photos ou vid&eacute;os) modifiables directement depuis l&rsquo;application (ajout de textes, de dessins, d&rsquo;&eacute;mojis), visibles depuis le compte de l&rsquo;utilisateur pendant 24 heures.</p> <p style="text-align: justify;">On constate ainsi que la plateforme est plut&ocirc;t d&eacute;favorable &agrave; la cr&eacute;ation litt&eacute;raire (voire au langage en g&eacute;n&eacute;ral) et constitue avant tout un d&eacute;fi pour les auteurs. Il s&rsquo;agira &agrave; pr&eacute;sent d&rsquo;&eacute;tudier comment les pratiques po&eacute;tiques sur Instagram investissent graduellement l&rsquo;ensemble de ces possibilit&eacute;s/contraintes.</p> <p style="text-align: justify;">Force est de constater que nombre de formes d&eacute;j&agrave; canonis&eacute;es par l&rsquo;Histoire litt&eacute;raire se rejouent sur la plateforme. On sait d&rsquo;ailleurs que la visualit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a> est une modalit&eacute; de la forme po&eacute;tique exploit&eacute;e depuis, en tout cas, la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. En dehors de ces mod&egrave;les, on verra que les comptes &agrave; revendication po&eacute;tique adoptent diverses attitudes face &agrave; l&rsquo;utilisation standardis&eacute;e du r&eacute;seau, d&eacute;pla&ccedil;ant plus ou moins ses attentes. Les plus int&eacute;ressants &agrave; analyser, relativement minoritaires pour l&rsquo;instant, sont ceux qui rel&egrave;vent ce d&eacute;fi m&eacute;dial. Plus largement, on entend par &laquo;&nbsp;comptes litt&eacute;raires&nbsp;&raquo; ceux qui r&eacute;unissent deux caract&eacute;ristiques&nbsp;: d&rsquo;une part l&rsquo;auto-suffisance (on &eacute;carte les comptes priv&eacute;s d&rsquo;&eacute;crivains ou visant la promotion de leur activit&eacute;)&nbsp;; d&rsquo;autre part, une int&eacute;gration de la plateforme dans la forme (on ignore par exemple les comptes dont l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t porte sur le livre comme objet).</p> <p style="text-align: justify;">Ces donn&eacute;es peuvent ensuite &ecirc;tre confront&eacute;es aux pratiques observables sur le r&eacute;seau. M&ecirc;me si les d&eacute;coupages linguistiques paraissent parfois artificiels, nous nous bornerons ici &agrave; la sph&egrave;re francophone. Notons qu&rsquo;il existe une sorte de &laquo;&nbsp;champ&nbsp;&raquo; franco-suisso-qu&eacute;b&eacute;cois, dont l&rsquo;existence est attest&eacute;e par le fait que ces utilisateurs s&rsquo;&laquo;&nbsp;inter-followent&nbsp;&raquo;, et donc se lisent mutuellement. Sur la base d&rsquo;une trentaine de comptes, on peut d&eacute;gager en tout cas deux grands types de pratiques diff&eacute;rentes, dont les &eacute;carts se situent principalement autour de partis pris par rapport aux contraintes/possibilit&eacute;s &eacute;voqu&eacute;es plus haut.</p> <p style="text-align: justify;">Une partie non-n&eacute;gligeable de ces comptes se caract&eacute;rise par une adh&eacute;sion g&eacute;n&eacute;rale aux principes du r&eacute;seau, et notamment &agrave; sa division des espaces visuels et linguistiques. On y retrouve souvent une photographie, relevant en g&eacute;n&eacute;ral du &laquo;&nbsp;genre&nbsp;&raquo; Instagram&nbsp;&ndash;&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire tir&eacute;e de la vie quotidienne&nbsp;&ndash;&nbsp;accompagn&eacute;e d&rsquo;une l&eacute;gende. On peut encore distinguer ici deux tendances, selon les types de l&eacute;gendes.</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;abord, les formats courts&nbsp;: la photographie est accompagn&eacute;e d&rsquo;une ou de plusieurs phrases &agrave; vocation litt&eacute;raire qui prennent une fonction de commentaire. Ces posts (voir par exemple <a href="https://www.instagram.com/antoinemaine/">@antoinemaine</a>, <a href="https://www.instagram.com/grandemangecorinneauteure/">@grandemangecorinneauteure</a>, ou encore <a href="https://www.instagram.com/poet.ize/">@poet.ize</a>.) s&rsquo;inscrivent dans une dynamique que l&rsquo;on pourrait qualifier de &laquo;&nbsp;po&eacute;tisation du r&eacute;el&nbsp;&raquo;, prolongeant sans vouloir la contrarier &laquo;&nbsp;l&rsquo;extr&ecirc;me banalit&eacute; des images Instagram&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo;. Le parangon de ce type de compte pourrait &ecirc;tre celui de Fran&ccedil;ois Bon (<a href="https://www.instagram.com/fbon/">@fbon</a>), qu&rsquo;il qualifie lui-m&ecirc;me de &laquo;&nbsp;Miroir promen&eacute; au bord de la route&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;autres comptes privil&eacute;gient des formats plus longs (<a href="https://www.instagram.com/poetisetoute/">@poetisetoute</a>, <a href="https://www.instagram.com/plume_revee/">@plume_revee</a>) et un d&eacute;placement de la fonction &laquo;&nbsp;l&eacute;gende&nbsp;&raquo;&nbsp;qui deviennent de r&eacute;els textes dont le genre est plus difficilement cat&eacute;gorisable. Ce sont souvent des fragments de r&eacute;cits, fictionnels ou non, autonomes ou plus rarement d&eacute;coup&eacute;s en posts-chapitres. Thierry Crouzet a tent&eacute; l&rsquo;exp&eacute;rience en 2016&nbsp;: il publie neuf extraits de son roman <em>R&eacute;sistants</em> sur <a href="https://www.instagram.com/tequila__fr/">@tequila_fr</a> (du nom de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne), illustr&eacute;s sp&eacute;cialement pour l&rsquo;occasion car, selon ses mots, &laquo;&nbsp;sans image, personne ne clique. C&rsquo;est un triste constat, mais c&rsquo;est comme &ccedil;a&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>.&nbsp;&raquo; Le projet est ensuite abandonn&eacute;. Observons, dans ces cas-l&agrave;, que l&rsquo;on a tendance &agrave; accorder une fonction illustrative &agrave; l&rsquo;image (le renversement se fait assez naturellement selon la taille accord&eacute;e au texte)<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>. Pour autant, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre le choix le moins &laquo;&nbsp;strat&eacute;gique&nbsp;&raquo; prenant compte du fait qu&rsquo;il est probablement assez rare qu&rsquo;un utilisateur s&rsquo;arr&ecirc;te pour lire le texte propos&eacute; en entier.</p> <p style="text-align: justify;">Une grande majorit&eacute; des auteurs d&eacute;cident d&rsquo;introduire du langagier dans l&rsquo;espace d&eacute;di&eacute; aux images. Le post devient ainsi un espace sp&eacute;cialement travaill&eacute; &agrave; la mise en image d&rsquo;un texte bref. Il se d&eacute;fait, a priori, compl&egrave;tement de sa fonction illustrative pour devenir image en lui-m&ecirc;me. Ces comptes se reconnaissent tr&egrave;s rapidement par ce qu&rsquo;on serait tent&eacute; d&rsquo;appeler un &laquo;&nbsp;effet de galerie&nbsp;&raquo;, qui &eacute;voque une version digitale du recueil, c&rsquo;est-&agrave;-dire par une uniformit&eacute; graphique travaill&eacute;e t&eacute;moignant &eacute;galement d&rsquo;un souci d&rsquo;harmonie depuis l&rsquo;<em>overview</em>.</p> <p style="text-align: justify;"><img alt=" Doc. 1 – Capture du compte @barbacane_ab en overview." class="alignnone size-medium wp-image-2455" loading="lazy" sizes="(max-width: 246px) 100vw, 246px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC1-246x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC1-246x300.jpg 246w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC1.jpg 453w" style="width: 246px; height: 300px;" /></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>&nbsp;Doc. 1 &ndash; Capture du compte <a href="https://www.instagram.com/barbacane_ab/">@barbacane_ab</a> en <em>overview</em>.</small></p> <p style="text-align: justify;">La tension entre textes et images n&rsquo;est ainsi plus un dialogue entre deux entit&eacute;s &agrave; part enti&egrave;re, mais interne au post lui-m&ecirc;me et les auteurs peuvent se choisir de l&rsquo;accentuer ou de la minorer. En l&rsquo;&eacute;tat, les codifications visuelles choisies reproduisent souvent celle de la page du livre (un fond blanc avec du texte noir, align&eacute; &agrave; gauche), m&ecirc;me si certains comptes prennent des partis graphiques plus forts, intensifiant d&rsquo;autant plus la dimension constitutive du visuel dans la mise en forme textuelle (@<a href="https://www.instagram.com/lesformesliquides/">lesformesliquides</a>, @<a href="https://www.instagram.com/penseesdecrochees/">pens&eacute;esd&eacute;croch&eacute;es</a>). Plus sp&eacute;cifiquement, certains comptes rappellent certaines formes connues de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire, comme le po&egrave;me en vers libre et ses extensions typographiques&nbsp;: spatialisme, po&eacute;sie concr&egrave;te (<a href="https://www.instagram.com/poesie.morcelee/">@poesiemorcelee</a>&nbsp;; <a href="https://www.instagram.com/carambolesoupe/">@carambolesoupe</a>). D&rsquo;autres ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;&eacute;cho, plus contemporains, s&rsquo;observent encore&nbsp;: les comptes <a href="https://www.instagram.com/lesmotssontforts/">@lesmotssontforts</a> ou <a href="https://www.instagram.com/lesmauxacides/">@lesmauxacides</a>, par exemple, jouent sur une transm&eacute;dialit&eacute; avec d&rsquo;autres supports num&eacute;riques du quotidien en exploitant les espaces textuels de Snapchat et de l&rsquo;application <em>Notes </em>d&rsquo;Apple. On classera aussi ici les pratiques plut&ocirc;t transitives (clich&eacute;s de textes &eacute;crits, <a href="https://www.instagram.com/livrefantome/">@livrefant&ocirc;me</a>, <a href="https://www.instagram.com/haikus_writwoo/">@haikus_writwoo</a>), qui sont une autre fa&ccedil;on de renverser la dominance du verbal sur le visuel.</p> <p style="text-align: justify;">Plus rares sont les comptes litt&eacute;raires qui exploitent plus profond&eacute;ment les d&eacute;terminations formelles de la plateforme (notamment l&rsquo;audiovisuel) sans figurer une parent&eacute; avec le format papier. La filiation avec le format graphique d&rsquo;un livre semble former une sorte de caution po&eacute;tique de laquelle il n&rsquo;est pas encore, pour les auteurs, intuitif de se d&eacute;faire. En somme, le degr&eacute; de reproduction ou de rupture avec ce mim&eacute;tisme d&eacute;termine la part visuelle du post&nbsp;: quand il y a effet de &laquo;&nbsp;page&nbsp;&raquo;, le signe linguistique est plus transitif, le lecteur l&rsquo;identifiant comme quelque chose &agrave; lire plus qu&rsquo;&agrave; regarder, et inversement.</p> <p style="text-align: justify;">Si les r&eacute;seaux sociaux, dont Instagram, peuvent sembler particuli&egrave;rement &laquo;&nbsp;d&eacute;terministes&nbsp;&raquo;, en regard de ce que permettrait une plateforme num&eacute;rique cr&eacute;&eacute;e sp&eacute;cifiquement pour une exp&eacute;rimentation litt&eacute;raire (site internet/blog) il faut voir qu&rsquo;ils rejouent quand m&ecirc;me certains grands enjeux de la litt&eacute;rature num&eacute;rique, tels qu&rsquo;ils ont &eacute;t&eacute; d&eacute;finis dans la litt&eacute;rature sur le sujet. &Agrave; commencer par une fragmentation de la notion d&rsquo;&oelig;uvre. De fa&ccedil;on similaire &agrave; ce que souligne Jean Cl&eacute;ment &agrave; propos des &oelig;uvres cod&eacute;es, la premi&egrave;re unit&eacute; de l&rsquo;&oelig;uvre sur Instagram n&rsquo;est plus le livre aux contours d&eacute;termin&eacute;s, mais le <em>corpus&nbsp;</em><a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a><em>.</em> Sur la page personnelle d&rsquo;un auteur, les diff&eacute;rents posts s&rsquo;appr&eacute;hendent comme une collection de morceaux qui peuvent se faire &eacute;chos et constituer une s&eacute;rie, sans perdre toutefois leur ind&eacute;pendance (d&eacute;limit&eacute;e par le format &laquo;&nbsp;post&nbsp;&raquo;). Dans le cas d&rsquo;Instagram, l&rsquo;ergonomie du profil personnel permet une saisie globale de l&rsquo;&oelig;uvre, dans laquelle chaque post r&eacute;pond de fa&ccedil;on assez horizontale aux autres, ce qui facilite l&rsquo;appr&eacute;hension g&eacute;n&eacute;rale comme les jeux d&rsquo;&eacute;cho ou de comparaison. &Agrave; plus large &eacute;chelle, le r&eacute;seau permet des parall&eacute;lismes ais&eacute;s entre diff&eacute;rents corpus. Connect&eacute;s &agrave; la fois par la plateforme elle-m&ecirc;me (via les algorithmes qui proposent des comptes similaires &agrave; ceux d&eacute;j&agrave; visit&eacute;s dans l&rsquo;<em>explorer</em>) et par les auteurs entre eux (par la citation, le partage, le <em>hashtag</em>), les pratiques po&eacute;tiques individuelles entrent tr&egrave;s facilement en communication au sein d&rsquo;un ensemble plus large. Ainsi, de fa&ccedil;on similaire &agrave; un r&eacute;seau comme Twitter, mais distincte des pratiques litt&eacute;raires num&eacute;riques exp&eacute;rimentales &laquo;&nbsp;autonomes&nbsp;&raquo;, les corpus de textes sur Instagram entrent dans une mise en r&eacute;seau internationale et ouverte au public, dans laquelle un morceau po&eacute;tique s&rsquo;affiche aux c&ocirc;t&eacute;s de posts dont la nature et le &laquo;&nbsp;genre&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a> sont compl&egrave;tement diff&eacute;rents. L&rsquo;acte po&eacute;tique s&rsquo;y construit ainsi dans une horizontalit&eacute; avec tout un panel de contenus aux vis&eacute;es communicatives diff&eacute;rentes.</p> <p style="text-align: justify;">Il faut souligner ensuite comment Instagram participe &agrave; la red&eacute;finition de la notion de &laquo;&nbsp;texte&nbsp;&raquo; inaugur&eacute;e par la litt&eacute;rature num&eacute;rique. Ici, dans les cas o&ugrave; l&rsquo;espace visuel du post est investi par du texte, la notion est rendue poreuse par l&rsquo;hybridation du medium texte avec le medium visuel. Selon les cat&eacute;gories g&eacute;n&eacute;riques identifi&eacute;es par Jean Cl&eacute;ment, la po&eacute;sie d&rsquo;Instagram rel&egrave;verait du &laquo;&nbsp;genre&nbsp;&raquo; num&eacute;rique de la po&eacute;sie anim&eacute;e&nbsp;: &laquo;&nbsp;sur l&rsquo;&eacute;cran, la po&eacute;sie se donne &agrave; voir en mouvements, elle est totalement indissociable de son support et ne pourrait ni &ecirc;tre dite, ni &ecirc;tre lue sans perdre l&rsquo;essentiel de sa substance&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. En effet, m&ecirc;me dans les cas o&ugrave; le texte n&rsquo;est pas mobile, le &laquo;&nbsp;faire image&nbsp;&raquo; du post po&eacute;tique est constitutif de son mode de signification, cons&eacute;quence directe de l&rsquo;ergonomie du r&eacute;seau social. Si le &laquo;&nbsp;faire image&nbsp;&raquo; d&rsquo;un post litt&eacute;raire est conditionn&eacute; en premier lieu par la forme m&ecirc;me du post, pens&eacute;e pour la communication visuelle, il est ensuite accentu&eacute; par les choix typographiques et le graphisme en g&eacute;n&eacute;ral.</p> <p style="text-align: justify;">Par ailleurs, le relais de la plateforme, acceptant plusieurs formats de support de texte (photographique, num&eacute;rique) permet une diversit&eacute; immense en termes de mise en forme. Que ce soit la cr&eacute;ation d&rsquo;une identit&eacute; visuelle sp&eacute;cifique, ou un d&eacute;sir d&rsquo;attraper l&rsquo;&oelig;il de l&rsquo;utilisateur, il faut remarquer que ces mises en images sont le fruit de r&eacute;flexions propres aux auteurs, de &laquo;&nbsp;mises en sc&egrave;nes&nbsp;&raquo; personnelles de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire. Elles sont ainsi le produit de la profonde modification du processus &eacute;ditorial qui s&rsquo;op&egrave;re globalement dans les litt&eacute;ratures num&eacute;riques. L&rsquo;auteur ayant un contr&ocirc;le direct et total sur ses publications, les posts litt&eacute;raires ne passent pas par l&rsquo;homog&eacute;n&eacute;isation graphique impos&eacute;e par les maisons d&rsquo;&eacute;ditions. Ainsi, non seulement l&rsquo;auteur produit ses propres publications, g&eacute;rant leur fr&eacute;quence et leur contenu, mais il d&eacute;cide aussi, dans les fronti&egrave;res du post, de leur forme qui en devient un constituant essentiel du &laquo;&nbsp;corpus&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;tude de cas que l&rsquo;on propose &agrave; pr&eacute;sent se fera sur un compte qui serait difficile &agrave; affilier &agrave; l&rsquo;une des deux cat&eacute;gories identifi&eacute;es plus haut. En effet, sur <a href="https://www.instagram.com/anthropie/">@anthropie</a>, chaque post est une cr&eacute;ation po&eacute;tique en soi&nbsp;: si les textes sont des bribes extraites du site <a href="http://anthropie.art/">anthropie.art</a>&nbsp;&ndash;&nbsp;o&ugrave; sont publi&eacute;s diff&eacute;rents textes&nbsp;&ndash;&nbsp;ils acqui&egrave;rent une autonomie nouvelle sur la plateforme, devenant des &oelig;uvres po&eacute;tiques &agrave; part enti&egrave;re travaill&eacute;es par le texte, le graphisme, la vid&eacute;o et le son. Le format papier y est d&eacute;finitivement oubli&eacute;, les cr&eacute;ateurs s&rsquo;adaptant plut&ocirc;t aux potentialit&eacute;s num&eacute;riques du r&eacute;seau et produisant ainsi des &oelig;uvres au statut original et r&eacute;solument contemporain. Par ailleurs, l&rsquo;affiliation du compte Instagram avec un site internet nous permettra de mettre en relief deux enjeux de la cr&eacute;ation sur Instagram.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="2anthropie_adaptations_multimediales_du_texte">&nbsp;2.&nbsp;@anthropie&nbsp;: adaptations multim&eacute;diales du texte</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><em>Anthropie.art</em> (le site) est un espace num&eacute;rique (port&eacute; par un collectif de litt&eacute;rature et d&rsquo;arts graphiques qui ne communique pas l&rsquo;identit&eacute; de ses membres) d&eacute;di&eacute; &agrave; la publication de textes dont les tailles et les genres varient (roman, fragments po&eacute;tiques, nouvelles), dans un &laquo;&nbsp;geste en constante augmentation&nbsp;&raquo; (pour reprendre les mots de la<a href="http://anthropie.art/"> plateforme</a>). Plus qu&rsquo;un blog litt&eacute;raire, le site se pr&eacute;sente comme un palimpseste digital dont le visiteur pourra suivre les &eacute;volutions, par exemple sous la section <em>d&eacute;but,</em> &laquo;&nbsp;acte de langage unique / mais n&eacute;cessairement inachev&eacute; / r&eacute;crivable &agrave; l&rsquo;infini&nbsp;&raquo;&nbsp;: de ce point, le site fait sienne la &laquo;&nbsp;mobilit&eacute;&nbsp;&raquo; caract&eacute;ristique des litt&eacute;ratures num&eacute;riques.</p> <p style="text-align: justify;">Mais, n&rsquo;&eacute;tant pr&eacute;sent sur aucun autre r&eacute;seau, anthropie a fait de son compte Instagram une sorte d&rsquo;extension cr&eacute;ative de son site internet, depuis lequel on acc&egrave;de directement. Le compte se veut ainsi promotionnel mais d&eacute;montre aussi une volont&eacute; d&rsquo;investir le r&eacute;seau social dans tous ses possibles. Puisqu&rsquo;il semble n&eacute;cessaire qu&rsquo;une d&eacute;contextualisation d&rsquo;extraits ait des effets plus ou moins intentionnels, le geste pose la question de la multi-modalit&eacute; entre support web et support Instagram.</p> <p style="text-align: justify;">Par ailleurs, dans ce &laquo;&nbsp;world of image&nbsp;&raquo;, anthropie garde dans la plupart de ses posts une pr&eacute;dominance linguistique, du moins au niveau communicationnel. Le choix des polices Times et Times New Roman comme seules vectrices des &eacute;l&eacute;ments verbaux doit certainement se lire comme un parti pris. On le sait, les polices dites &agrave; &laquo;&nbsp;empattements&nbsp;&raquo; sont privil&eacute;gi&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;crit pour leur lisibilit&eacute;, alors que le num&eacute;rique a promulgu&eacute; les polices lin&eacute;ales pour les m&ecirc;mes raisons. La police utilis&eacute;e sur anthropie, Times, la plus transitive possible sur du papier (l&rsquo;&oelig;il, habitu&eacute;, ne la voit plus&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>) est import&eacute;e sur un support qui lui est &eacute;tranger. Paradoxalement l&rsquo;image du texte gagne ainsi une visibilit&eacute;, qui devient une lisibilit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">On peut dire qu&rsquo;<a href="https://www.instagram.com/anthropie/">@anthropie</a> rel&egrave;ve tous les &laquo;&nbsp;d&eacute;fis&nbsp;&raquo; qu&rsquo;Instagram lui lance&nbsp;: le temps amput&eacute; de la lecture est d&eacute;jou&eacute; (albums, longues vid&eacute;os, images &agrave; d&eacute;crypter), les <em>hashtags</em> sont d&eacute;fonctionnalis&eacute;s, le signe textuel est aussi compl&egrave;tement graphique. Par ailleurs, les exp&eacute;rimentations d&rsquo;<a href="https://www.instagram.com/anthropie/">@anthropie</a> montrent que l&rsquo;&eacute;panouissement du fait litt&eacute;raire sur Instagram donne une nouvelle profondeur aux possibles &laquo;&nbsp;images du texte&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>, hors du livre et de ses r&eacute;f&eacute;rences graphiques, et d&rsquo;autre part pose la question de l&rsquo;autonomie / h&eacute;t&eacute;ronomie entre des textes pr&eacute;sents sur diff&eacute;rents m&eacute;dias. Suivant ces propositions, on se concentrera sur trois s&eacute;ries de posts pr&eacute;sentes sur le compte&nbsp;: les <em>antijungles</em>, les <em>romans cass&eacute;s</em>, et les <em>vid&eacute;os-po&egrave;mes</em>.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="21_Les_anti-jungles">2.1. Les <em>anti-jungles</em></span></h3> <p style="text-align: justify;">La s&eacute;rie des <em>anti-jungles </em>est un ensemble de posts uniques constitu&eacute;s d&rsquo;une photographie sur laquelle se d&eacute;ploie un texte de quelques lignes. La premi&egrave;re <a href="https://www.instagram.com/p/Bb_-z8-l3xi/?taken-by=anthropie"><em>antijungle</em></a> propose une confrontation s&eacute;mantique entre l&rsquo;image du jardin de Versailles et les premi&egrave;res lignes du roman <em>Chaosmose </em>(publi&eacute; sur le site)<em>&nbsp;</em>: &laquo;&nbsp;La jungle, on voit plus que &ccedil;a, la jungle partout [&hellip;]&nbsp;&raquo;. Les posts suivants (on suit la s&eacute;rie gr&acirc;ce aux num&eacute;rotations), &eacute;voluent vers des formes plus graphiques, o&ugrave; il devient parfois plus difficile de s&eacute;parer le corps du texte du fond visuel. Ces posts sont les plus propices &agrave; l&rsquo;&laquo;&nbsp;effet galerie&nbsp;&raquo;, puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit, en fait, de mise <em>sur/dans</em> image de fragments po&eacute;tiques. Pour autant, ils s&rsquo;&eacute;loignent radicalement des codifications que l&rsquo;on a &eacute;voqu&eacute;es&nbsp;: plus rien ne rappelle la page, sauf parfois la forme rectangulaire du post (mais notons qu&rsquo;elle appara&icirc;t d&rsquo;autre fois en format <a href="https://www.instagram.com/p/Bf-Teo5Bisl/?taken-by=anthropie">paysage</a>&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>). L&rsquo;image n&rsquo;est plus celle que cr&eacute;e le texte, mais devient sa sc&egrave;ne d&rsquo;exposition, voire d&rsquo;existence. Le texte &eacute;merge de la photo, se d&eacute;tachant du fond par des effets de transparence. Comme c&rsquo;est le cas pour beaucoup d&rsquo;autres posts, le texte est travaill&eacute; &agrave; la fois comme une image et comme un texte&nbsp;: sa mat&eacute;rialit&eacute; est mise en avant, sans jamais s&rsquo;imposer compl&egrave;tement. Sur le mod&egrave;le du premier post de la s&eacute;rie, la sc&egrave;ne est une globalit&eacute; signifiante&nbsp;: dans <a href="https://www.instagram.com/p/BgQjlqWApD-/?taken-by=anthropie"><em>antijungle </em>n<sup>o</sup> 4</a>, un ordinateur nous informe de notre d&eacute;su&eacute;tude sur un fond de cockpit d&rsquo;avion.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 2 – Antijungle n04. Message de mon ordinateur. Post du compte Instagram @anthropie, 13 mars 2018. Droits : collectif anthropie" class="alignnone size-medium wp-image-2456" loading="lazy" sizes="(max-width: 191px) 100vw, 191px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC2-191x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC2-191x300.jpg 191w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC2.jpg 329w" style="width: 191px; height: 300px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 2 &ndash; <em>Antijungle n<sup>0</sup>4. Message de mon ordinateur</em>. Post du compte Instagram @anthropie, 13 mars 2018. Droits&nbsp;: collectif anthropie</small></p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="22_Les_poemes_visuels_ou_videos-poemes">2.2. Les <em>po&egrave;mes visuels </em>ou <em>vid&eacute;os-po&egrave;mes </em></span></h3> <p style="text-align: justify;">Anthropie intitule quatre de ses posts &laquo;&nbsp;po&egrave;mes visuels&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;vid&eacute;os-po&egrave;mes&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit de vid&eacute;os mettant en sc&egrave;ne un extrait de texte toujours emprunt&eacute; aux &oelig;uvres du site et accompagn&eacute; de son. Si la spatialit&eacute; est une caract&eacute;ristique d&eacute;finitionnelle de l&rsquo;image, elle est ici contrebalanc&eacute;e par le mode d&rsquo;apparition lin&eacute;aire des phrases. Les phrases isol&eacute;es apparaissent les unes apr&egrave;s les autres, dans une dynamique qui rejoue celle de la lecture, &agrave; l&rsquo;exception que nos yeux restent fixes&nbsp;: les phrases s&rsquo;auto-narrent et, via ce processus, g&egrave;rent l&rsquo;ensemble de l&rsquo;exp&eacute;rience.</p> <p style="text-align: justify;">Les po&egrave;mes not&eacute;s <a href="#_ftn1" name="_ftnref1">1</a> et <a href="#_ftn3" name="_ftnref3">3</a> se d&eacute;roulent sur un fond noir. L&rsquo;image du texte s&rsquo;affiche seule, en n&eacute;gatif du couple traditionnel noir/ blanc. La visualit&eacute; n&rsquo;est donc cr&eacute;&eacute;e que par le texte&nbsp;: on est &agrave; nouveau tent&eacute;s de replacer ce genre d&rsquo;exp&eacute;rimentation au bout d&rsquo;une trajectoire que <em>Le coup de d&eacute;s&nbsp;</em><a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a> a commenc&eacute;. &Agrave; la cadence des phrases m&ecirc;mes s&rsquo;ajoutent au moins quatre rythmes&nbsp;: celui cr&eacute;&eacute; par la fragmentation et la recomposition, par les animations cin&eacute;tiques, par l&rsquo;encha&icirc;nement des phrases, et par le son. Les vid&eacute;os sont mont&eacute;es de sorte qu&rsquo;on peut distinguer deux temps diff&eacute;rents&nbsp;: une fixit&eacute; propice &agrave; la lecture et un mouvement (m&ecirc;me s&rsquo;ils se recoupent largement). Les phrases s&rsquo;animent de fa&ccedil;on &agrave; r&eacute;sonner aussi avec leur sens. Le texte et sa mat&eacute;rialit&eacute; communient de fa&ccedil;on assez in&eacute;dite, par des sortes d&rsquo;extensions audiovisuelles de la langue.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 4 – Photogramme de Poème visuel n03. Pirogue Ivre. Post du compte Instagram @anthropie, 31 janvier 2018. Droits : collectif anthropie." class="alignnone size-medium wp-image-2457" loading="lazy" sizes="(max-width: 242px) 100vw, 242px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC3-242x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC3-242x300.jpg 242w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC3.jpg 283w" style="width: 242px; height: 300px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 4 &ndash; Photogramme de <em>Po&egrave;me visuel n<sup>0</sup>3. Pirogue Ivre</em>. Post du compte Instagram @anthropie, 31 janvier 2018.&nbsp;Droits&nbsp;: collectif anthropie.</small></p> <p style="text-align: justify;">Dans les po&egrave;mes 2 et 4, le texte est accompagn&eacute; d&rsquo;images, dans un processus un peu similaire &agrave; celui des <em>antijungles</em>, avec le mouvement en plus. L&rsquo;image devient l&agrave; aussi la sc&egrave;ne d&rsquo;existence du texte, dans une relation qui ne peut pas &ecirc;tre qualifi&eacute;e d&rsquo;illustrative. &Agrave; nouveau, il faudrait voir le post comme une globalit&eacute; signifiante&nbsp;: au d&eacute;but de <a href="https://www.instagram.com/p/BeLWpKDBlGH/?hl=fr&amp;taken-by=anthropie"><em>naissance d&rsquo;un soleil</em></a>, le jeu des lettres &eacute;parpill&eacute;es &eacute;voque le tableau p&eacute;riodique des &eacute;l&eacute;ments&nbsp;; le fond une atmosph&egrave;re cosmique et vaporeuse, alors que le texte narre la formation d&rsquo;un astre. On pourrait reprendre tous ces &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;analyse pour le po&egrave;me 4 mais en y ajoutant un &eacute;l&eacute;ment de complexification&nbsp;: les images ne forment pas seulement la sc&egrave;ne du texte, mais elles participent aussi activement &agrave; la narration.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 5 – Terre vide, Post du compte Instagram @anthropie, 11 avril 2018. Droits : collectif anthropie" class="alignnone size-medium wp-image-2459" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC4-300x280.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC4-300x280.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC4.jpg 356w" style="width: 300px; height: 280px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc. 5 &ndash; <em>Terre vide</em>, Post du compte Instagram @anthropie, 11 avril 2018. Droits&nbsp;: collectif anthropie</small></p> <p style="text-align: justify;">Ce genre de configuration est plus in&eacute;dite, &agrave; la fois par rapport aux usages sur le r&eacute;seau, mais m&ecirc;me, peut-&ecirc;tre, &agrave; l&rsquo;histoire de la po&eacute;sie. L&rsquo;&egrave;re du num&eacute;rique permet ce genre de collages digitaux&nbsp;; une plateforme comme Youtube pourrait les accueillir. N&eacute;anmoins, sur Instagram, ils ont un statut diff&eacute;rent car ils participent &agrave; la construction d&rsquo;une globalit&eacute; esth&eacute;tique rattach&eacute;e &agrave; un compte, et donc &agrave; une intention auctoriale, ce que l&rsquo;ergonomie de Youtube, similaire &agrave; une base de donn&eacute;es, met beaucoup moins en relief.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="23_Les_romans_casses">2.3. Les <em>romans cass&eacute;s</em></span></h3> <p style="text-align: justify;">Les <em>romans cass&eacute;s </em>sont des posts-albums reprenant diff&eacute;rents extraits de <a href="http://anthropie.art/chaosmose1/"><em>Chaosmose</em></a>. &laquo;&nbsp;Cass&eacute;&nbsp;&raquo; fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; cette amputation du texte source qui est pr&eacute;sent&eacute; sur le site comme &laquo;&nbsp;un gros iceberg dont il faut casser les jambes&nbsp;&raquo;, mais aussi &agrave; la mise en forme du texte, non-lin&eacute;aire, ou plut&ocirc;t dont la lin&eacute;arit&eacute; est bouscul&eacute;e jusqu&rsquo;&agrave; la fronti&egrave;re de la lisibilit&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a class="fancybox image" href="#_ftn"><img alt="Doc. 6 – Enfant-ailes. Roman Cassé n02. Post du compte Instagram @anthropie, 31 janvier 2018. Droits : collectif anthropie." class="alignnone size-medium wp-image-2457" loading="lazy" sizes="(max-width: 242px) 100vw, 242px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC3-242x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC3-242x300.jpg 242w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2019/12/DOC3.jpg 283w" style="width: 242px; height: 300px;" /></a></p> <p style="text-align: justify; padding-left: 30px;"><small>Doc.&nbsp;6 &ndash; <em>Enfant-ailes. Roman Cass&eacute; n<sup>0</sup>2. </em>Post du compte Instagram @anthropie, 31 janvier 2018. Droits&nbsp;: collectif anthropie.</small></p> <p style="text-align: justify;">Cette s&eacute;rie est plus proche, graphiquement, de la page en papier, m&ecirc;me si une volont&eacute; d&rsquo;utiliser la spatialit&eacute; du post est clairement visible. Parfois, la ligne bris&eacute;e du texte adopte les contours du post, mimant mat&eacute;riellement la contrainte visuelle du rectangle. Le texte, comme s&rsquo;il &eacute;tait trop grand pour l&rsquo;espace du post, semble s&rsquo;y adapter, et la contrainte spatiale impos&eacute;e par le r&eacute;seau social devient ici un terrain de jeu.</p> <p style="text-align: justify;">D&rsquo;autre part, les extraits sont donn&eacute;s sans contextualisation. L&rsquo;utilisateur se retrouve ainsi au contact de noms, qu&rsquo;il peut identifier comme personnages, ins&eacute;r&eacute;s dans un r&eacute;cit dont il ignore potentiellement les tenants et les aboutissants. Ces posts cr&eacute;ent un jeu avec leur double public potentiel (celui du site et celui du compte)&nbsp;: pour un lecteur de <em>Chaosmose</em>, ces extraits apparaissant au milieu de leur fil d&rsquo;actualit&eacute; peuvent enclencher un souvenir, la remise en jeu d&rsquo;une exp&eacute;rience fictionnelle pass&eacute;e. Les <em>romans cass&eacute;s </em>lui proposent in&eacute;vitablement une exp&eacute;rience formellement nouvelle en regard du roman. En revanche, pour un lecteur n&rsquo;ayant pas lu le roman, la d&eacute;contextualisation produit des effets diff&eacute;rents. &Agrave; titre d&rsquo;exemple&nbsp;: le <a href="https://www.instagram.com/p/BensNFoB7DD/?taken-by=anthropie"><em>roman cass&eacute;</em> <em>2</em></a> isole une sc&egrave;ne de bataille, o&ugrave; l&rsquo;on peut identifier lieux, actions, personnages, etc. mais que l&rsquo;on ne peut plus appeler &laquo;&nbsp;roman&nbsp;&raquo;. La dimension proprement narrative du texte source perd de son ampleur, l&rsquo;extrait vaut pour le post qu&rsquo;il produit. La l&eacute;gende (comme pour de nombreux autres posts) y participe&nbsp;: le titrage de l&rsquo;extrait (&laquo;&nbsp;Enfant-ailes&nbsp;&raquo;) en fait une &oelig;uvre &agrave; part enti&egrave;re. Son autonomisation est ainsi le fait de ce brouillage g&eacute;n&eacute;rique, induit lui-m&ecirc;me par le support qui l&rsquo;accueille. Les <em>hashtags </em>y concourent &eacute;galement par leur d&eacute;fonctionnalisation&nbsp;: ils ne cr&eacute;ent plus des connexions avec d&rsquo;autres posts mais deviennent un lieu d&rsquo;investissement po&eacute;tique con&ccedil;u comme une prolongation stylistique de l&rsquo;extrait.</p> <h2 style="text-align: justify;"><span id="3_Ouvertures">3. Ouvertures</span><br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;">Aussi les <em>antijugngles</em>, les <em>romans cass&eacute;s, </em>et<em> les vid&eacute;o-po&egrave;mes </em>illustrent comment anthropie sc&eacute;nographie l&rsquo;une de ses utilisations d&rsquo;Instagram&nbsp;: signifier un geste unifi&eacute; qui adapte et autonomise ses textes selon diff&eacute;rents supports. La r&eacute;utilisation du texte source permet de mettre en jeu les possibilit&eacute;s offertes par le cadre sp&eacute;cifique d&rsquo;Instagram et elles sont dans ce cas aussi bien narratives et discursives qu&rsquo;esth&eacute;tiques et stylistiques. Ainsi, l&rsquo;exemple du compte Instagram @anthropie probl&eacute;matise la notion de texte po&eacute;tique par de multiples voies. S&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;exp&eacute;riences formelles (d&rsquo;une exploration d&rsquo;un support num&eacute;rique), elles modifient &eacute;galement les param&egrave;tres textuels aussi bien que lectoraux, ce que les <em>romans cass&eacute;s </em>mettent par exemple en exergue par une intention claire de d&eacute;jouer une lecture classique de roman. On aimerait revenir ici sur quelques pistes de r&eacute;flexions qu&rsquo;une exploration g&eacute;n&eacute;rale de la po&eacute;sie sur Instagram, et plus particuli&egrave;rement d&rsquo;@anthropie, permet d&rsquo;ouvrir.</p> <p style="text-align: justify;">Il est int&eacute;ressant, tout d&rsquo;abord, de revenir sur la notion d&rsquo;interactivit&eacute;, ou de participation, propre &agrave; la fois aux r&eacute;seaux sociaux et &agrave; la litt&eacute;rature num&eacute;rique. En effet, les &eacute;tudes sur la litt&eacute;rature num&eacute;rique ont montr&eacute; que la publication d&rsquo;un contenu litt&eacute;raire sur une plateforme num&eacute;rique permettait par de nombreuses voies&nbsp;&ndash;&nbsp;notamment les hypertextes&nbsp;&ndash;&nbsp;de donner au lecteur et au trajet individuel de lecture une place nouvelle et augment&eacute;e. Certains font concorder cette dimension nouvelle de l&rsquo;&eacute;change litt&eacute;raire avec les tournants r&eacute;cents de la th&eacute;orie litt&eacute;raire, dont elle deviendrait une sorte de mat&eacute;rialisation. Dans les mots de Guy Benett&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Il est clair que l&rsquo;av&egrave;nement de la litt&eacute;rature &eacute;lectronique a provoqu&eacute; une remise en question de la nature du texte litt&eacute;raire, qui a finalement atteint, gr&acirc;ce aux m&eacute;dias num&eacute;riques, la textualit&eacute; latente et centr&eacute;e sur le lecteur pr&eacute;dite depuis des d&eacute;cennies par des th&eacute;oriciens post-structuralistes et postmodernes [&hellip;]. Le lecteur du texte &eacute;lectronique n&rsquo;est plus simplement celui qui re&ccedil;oit le message et qui d&eacute;chiffre le message &laquo;&nbsp;tout fait&nbsp;&raquo; contenu dans le texte &eacute;crit par l&rsquo;auteur&nbsp;; au contraire, il participe &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration du texte comme de son message&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Finalement, la d&eacute;marche d&rsquo;auto-&eacute;parpillement du collectif sur diff&eacute;rents supports est &eacute;galement une &eacute;tape de conditionnement d&rsquo;une lecture que l&rsquo;on veut sans cesse r&eacute;actualis&eacute;e. L&rsquo;interactivit&eacute; n&rsquo;est pourtant pas tout &agrave; fait la m&ecirc;me que celle qui se joue par exemple dans un texte &agrave; &laquo;&nbsp;zones manipulables&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>, comme un hypertexte. Dans le cas d&rsquo;anthropie, la multiplication des trajets de lecture possibles se fait en effet &agrave; travers les plateformes, dans un parcours qui, d&rsquo;une certaine mani&egrave;re, est assez habituel pour l&rsquo;utilisateur lambda (basculer d&rsquo;un site internet &agrave; un r&eacute;seau social sp&eacute;cifique). Cependant, le parcours est ici unifi&eacute; par une instance auctoriale qui produit les publications re&ccedil;ues des diff&eacute;rentes plateformes et par la r&eacute;currence des textes &agrave; chaque fois transform&eacute;s. Ainsi, si l&rsquo;interactivit&eacute; &agrave; proprement dite (influence active du lecteur sur son parcours de lecture) est absente, il y a bien une participation du lecteur &agrave; la construction d&rsquo;un texte, poss&eacute;dant une certaine uniformit&eacute; tout en &eacute;tant recr&eacute;&eacute; par les exp&eacute;riences de lecture &agrave; chaque fois uniques. Anthropie met ainsi en relief un autre potentiel quasi illimit&eacute; du num&eacute;rique&nbsp;: celui des croisements inter-plateformes et de leurs d&eacute;terminations plurielles d&rsquo;un m&ecirc;me contenu (ou d&rsquo;un contenu parent).</p> <p style="text-align: justify;">En outre, l&rsquo;aspect actif et participatif de la lecture est inh&eacute;rent &agrave; la plateforme m&ecirc;me sur laquelle les textes s&rsquo;exposent. Il y a d&rsquo;abord la fonction importante du commentaire, mise en avant par le r&eacute;seau social. Comme le remarque Thierry Crouzet, sur Instagram les commentaires ne forment qu&rsquo;un avec la l&eacute;gende et le post&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>. D&rsquo;autre part, et en plus de tous les &eacute;changes possibles entre auteurs et lecteurs (commentaires, messages priv&eacute;s, etc.), Instagram permet un autre type de dialogue entre contenus et utilisateurs, produit par la publication de textes po&eacute;tiques sur une plateforme cr&eacute;&eacute;e initialement pour le partage d&rsquo;images quotidiennes, et donc par une int&eacute;gration importante de la po&eacute;sie dans l&rsquo;espace public num&eacute;rique. L&rsquo;originalit&eacute; d&rsquo;anthropie r&eacute;side aussi dans sa capacit&eacute; &agrave; faire vivre ses exp&eacute;rimentations litt&eacute;raires &agrave; la fois sur une plateforme sp&eacute;cifique (le site) et sur une plateforme sociale, o&ugrave; elles coexistent avec des pratiques compl&egrave;tement h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes. Le public de ces essais, plus &eacute;tendu, est par ailleurs un public en principe lui-m&ecirc;me actif sur la plateforme&nbsp;&ndash;&nbsp;que ce soit dans la sph&egrave;re &laquo;&nbsp;litt&eacute;raire&nbsp;&raquo; ou non&nbsp;&ndash;&nbsp;et ses cr&eacute;ations c&ocirc;toient les contenus po&eacute;tiques. Ces posts aux vis&eacute;es communicatives diff&eacute;rentes peuvent &ecirc;tre associ&eacute;s en un seul coup d&rsquo;&oelig;il de l&rsquo;utilisateur, par exemple dans la rubrique <em>explorer</em>.</p> <p style="text-align: justify;">Dans un deuxi&egrave;me temps, soulignons que la notion de <em>textualit&eacute;</em> se voit pouss&eacute;e aux limites de ses propres d&eacute;finitions, et sur certains points ce ph&eacute;nom&egrave;ne d&eacute;passe la simple convergence avec les th&eacute;ories de la lecture contemporaines. En effet, dans cette dynamique de d&eacute;mocratisation et de multiplication, la litt&eacute;rature &laquo;&nbsp;hors du livre&nbsp;&raquo; est aussi une performance, une exposition, une vid&eacute;o, et cette pluralit&eacute; de natures fait ici &eacute;cho &agrave; plusieurs ph&eacute;nom&egrave;nes observables dans la litt&eacute;rature et les arts contemporains, dont les fronti&egrave;res respectives se font de moins en moins claires&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>. La tension premi&egrave;re est bien celle entre le texte et l&rsquo;image (et le texte devenu image), mais elle devient ensuite une tension entre texte et performance, entre un contenu et un dispositif vou&eacute; &agrave; la monstration, &laquo;&nbsp;permettant [&hellip;] une&nbsp;<em>spectacularisation&nbsp;</em>du texte &agrave; l&rsquo;&eacute;cran&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Si l&rsquo;&eacute;tape de transfert entre support texte et support &eacute;cran implique une &laquo;&nbsp;spectacularisation&nbsp;&raquo; ne serait-ce que par la mise en &eacute;vidence de la dimension visuelle du texte, elle trouve sur un r&eacute;seau social comme Instaram une ampleur nouvelle. Il faut remarquer en effet que l&rsquo;ergonomie de la plateforme est elle-m&ecirc;me bas&eacute;e sur un principe &laquo;&nbsp;perfomatif&nbsp;&raquo;, dans la mesure o&ugrave; elle pr&eacute;conditionne la dur&eacute;e de visibilit&eacute; des posts et leur effectuation. Le temps de r&eacute;ception est extr&ecirc;mement proche du temps de la publication (apr&egrave;s un certain temps, le post dispara&icirc;t du &laquo;&nbsp;fil&nbsp;&raquo;). L&rsquo;apparition du texte (statique ou mobile) op&egrave;re pendant le temps d&rsquo;affichage du post sur l&rsquo;&eacute;cran dans un <em>ici-maintenant </em>qui est pens&eacute; comme &eacute;tant &agrave; la fois celui du cr&eacute;ateur et celui du r&eacute;cepteur. Quand il y a publication, il y a <em>d&rsquo;abord</em> d&eacute;sir de toucher, dans un temps relativement court, un utilisateur connect&eacute; au m&ecirc;me moment, et ensuite, &eacute;ventuellement, une volont&eacute; d&rsquo;archivage, de construction d&rsquo;un profil coh&eacute;rent, etc. Instagram met ainsi &eacute;galement en relief un autre conditionnement naturel du support, qui est celui du mode de consommation des &oelig;uvres par le lecteur-spectateur. Ici, le r&eacute;seau social unifie la consommation de contenus aux natures multiples sur un m&ecirc;me principe, un m&ecirc;me espace-temps, et rapproche par-l&agrave; l&rsquo;acte po&eacute;tique de pratiques autres, notamment performatives.</p> <p style="text-align: justify;">Ainsi, si l&rsquo;objet de cet article &eacute;tait de montrer, sur un objet sp&eacute;cifique, le conditionnement maintenant connu d&rsquo;un support sur une forme litt&eacute;raire, il se conclut sur une remarque plus ouverte. Si la po&eacute;sie Instagram peut exemplifier une conception postmoderne de la textualit&eacute; comme de la lecture, les cr&eacute;ations contenues par le r&eacute;seau font aussi &eacute;cho &agrave; une red&eacute;finition plus large des pratiques artistiques, de leurs diffusions et de nos fa&ccedil;ons de les consommer. Les angles d&rsquo;approche sur un simple &laquo;&nbsp;post&nbsp;&raquo; po&eacute;tique sont multiples, et cette diversit&eacute; prouve &agrave; elle seule l&rsquo;impact que le support Instagram a sur les &oelig;uvres de ces nouveaux po&egrave;tes. Toutefois, ces exemples tir&eacute;s d&rsquo;un r&eacute;seau social sp&eacute;cifique ne sont en r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;une autre illustration des bousculements que le num&eacute;rique a provoqu&eacute;s vis-&agrave;-vis des notions de texte et de lecture, des processus &eacute;ditoriaux et des interactions entre auteurs et lecteurs. Surtout, ils montrent encore comment, &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du vaste univers que recouvre le terme &laquo;&nbsp;num&eacute;rique&nbsp;&raquo;, chaque plateforme mat&eacute;rialise une autre id&eacute;e, formelle et relationnelle, de l&rsquo;acte po&eacute;tique.</p> <h2 style="text-align: justify;">Bibliographie<br /> &nbsp;</h2> <p>BENNETT Guy, &laquo;&nbsp;Ce livre qui n&rsquo;en est pas un&nbsp;: le texte litt&eacute;raire &eacute;lectronique&nbsp;&raquo;, <em>Litt&eacute;rature</em>, vol.&nbsp;160, n&deg;&nbsp;4, 2010, p.&nbsp;37-43.</p> <p>BONNET Gilles, <a href="https://www.fabula.org/actualites/gilles-bonnetpour-une-poetique-numerique-litterature-et-internet_82557.php"><em>Pour une po&eacute;tique num&eacute;rique. Litt&eacute;rature et internet</em></a>, Paris, Hermann, 2017.</p> <p>BOUCHARDON Serge, <em>La valeur heuristique de la litt&eacute;rature num&eacute;rique</em>, Paris, Hermann, 2014.</p> <p>BOUCHARDON Serge, BROUDOUX Evelyne, DESEILLIGNY Oriane, GHITALLA Franck,&nbsp;<em>Un laboratoire de litt&eacute;ratures&nbsp;: litt&eacute;rature et internet</em>, Paris, Biblioth&egrave;que publique d&rsquo;informations, Centre Pompidou, 2007.</p> <p>CL&Eacute;MENT, Jean, &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature au risque du num&eacute;rique&nbsp;&raquo;, <em>Document num&eacute;rique</em>, vol.&nbsp;5, n&deg;&nbsp;1, 2001, p.&nbsp;113-134.</p> <p>RUFFEL David, &laquo;&nbsp;Une litt&eacute;rature contextuelle&nbsp;&raquo;, <em>Litt&eacute;rature</em>, vol.&nbsp;160, n&deg;&nbsp;4, 2010, p.&nbsp;61-73.</p> <p>SAEMMER Alexandra, &laquo;&nbsp;Hypertexte et narrativit&eacute;&nbsp;&raquo;,<em> Critique</em>, vol.&nbsp;819-820, n&deg;&nbsp;8, 2015, p.&nbsp;637-652.</p> <p>SOUCHIER Emmanu&euml;l, &laquo;&nbsp;L&rsquo;image du texte pour une th&eacute;orie de l&rsquo;&eacute;nonciation &eacute;ditoriale&nbsp;&raquo;, <em>Les cahiers de m&eacute;diologie</em>, 1998/2, n&deg;&nbsp;6, p.&nbsp;137-145.</p> <p>TH&Eacute;RENTY Marie-&Egrave;ve, &laquo;&nbsp;Pour une po&eacute;tique du support&nbsp;&raquo;, Romantisme, 2009/1, n&deg;&nbsp;143, p.&nbsp;109-115.</p> <p>ALTER Alexandra, &laquo;&nbsp;Web Poets&rsquo; Society&nbsp;: New Breed Succeeds in Taking Verse Viral&nbsp;&raquo;, <em>New York Times</em>, disponible <a href="https://www.nytimes.com/2015/11/08/business/media/web-poets-society-new-breed-succeeds-in-taking-verse-viral.html">en ligne</a>&nbsp;(consult&eacute; le 20 mars 2018).</p> <p>COLARD Jean-Max,&laquo;&nbsp;Ce qui est frappant, c&rsquo;est l&rsquo;extr&ecirc;me banalit&eacute; des images Instagram&nbsp;&raquo;, entretien avec Laurent Jenny, <em>Les Inrockuptibles</em>, disponible <a href="https://www.lesinrocks.com/2013/05/29/actualite/lesthetique-selon-laurent-jenny-ce-qui-est-frappant-cest-lextreme-banalite-des-images-instagram-11398568/">en ligne</a>&nbsp;(consult&eacute; le 30 mars 2018).</p> <p>DEUTSCHMANN Camille, &laquo;&nbsp;M&eacute;lancolie pix&eacute;lis&eacute;e&nbsp;: sur Internet, la po&eacute;sie s&rsquo;est r&eacute;invent&eacute;e&nbsp;&raquo;, Konbini, disponible <a href="http://www.konbini.com/fr/tendances-2/poesie-internet-artiste-poeme/">en ligne</a>&nbsp;(consult&eacute; le 29 mars 2018).</p> <p>GIULIANI Morgane, &laquo;&nbsp;Le cercle des po&eacute;tesses d&rsquo;Instagram&nbsp;&raquo;, <em>Nouvelobs</em>, disponible <a href="https://o.nouvelobs.com/lifestyle/20180111.OBS0489/le-cercle-des-poetesses-d-instagram.html">en ligne</a>&nbsp;(consult&eacute; le 1<sup>er</sup>&nbsp; avril 2018).</p> <p>MANILEVE Vincent, &laquo;&nbsp;Comment les r&eacute;seaux sociaux d&eacute;poussi&egrave;rent la po&eacute;sie&nbsp;&raquo;, <em>Slate</em>, disponible <a href="http://www.slate.fr/story/109713/poetes-amateurs-reseaux-sociaux">en ligne</a>&nbsp;(consult&eacute; le 1<sup>er</sup>&nbsp; avril 2018).</p> <p>MAZIN C&eacute;cile, &laquo;&nbsp;Raupi Kaur, la po&eacute;tesse au 500&rsquo;000 recueils vendus&nbsp;&raquo;, <em>Actualitte</em>, disponible <a href="https://www.actualitte.com/article/monde-edition/rupi-kaur-la-poetesse-aux-500-000-recueils-vendus/66758">en ligne</a>&nbsp;(consult&eacute; le 20 mars 2018).</p> <h2 style="text-align: justify;">Notes<br /> &nbsp;</h2> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Voir par exemple, <a href="https://www.nytimes.com/2015/11/08/business/media/web-poets-society-new-breed-succeeds-in-taking-verse-viral.html">l&rsquo;article</a> du <em>New York Times</em> du 07.11.2015, qui inaugure le n&eacute;ologisme,&nbsp;ou, en fran&ccedil;ais, <a href="http://www.slate.fr/story/109713/poetes-amateurs-reseaux-sociaux">celui</a> de <em>Slate </em>du 10.11.2015.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> Gilles Bonnet,&nbsp;<em>Pour une po&eacute;tique num&eacute;rique. Litt&eacute;rature et internet</em>, Paris, Hermann, 2017.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> On suit ici l&rsquo;attention port&eacute;e &agrave; la d&eacute;termination du contenu par le support notamment mise en avant par Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo;&nbsp;Pour une po&eacute;tique du support&nbsp;&raquo;, dans <em>Romantisme</em>, 2009/1, n&deg;&nbsp;143, p.&nbsp;109-115.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Comme il a &eacute;t&eacute; repens&eacute; par Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty&nbsp;: &laquo;&nbsp;Apr&egrave;s des ann&eacute;es d&rsquo;occultation par la discipline des conditions mat&eacute;rielles de production de la litt&eacute;rature, l&rsquo;histoire litt&eacute;raire est peut-&ecirc;tre aujourd&rsquo;hui en mesure de substituer &agrave; sa triade&nbsp;: auteur, lecteur, texte, un nouveau quart&eacute;&nbsp;: auteur, lecteur, texte, support &raquo; (<em>ibid</em>, p.&nbsp;111).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a> &laquo;&nbsp;Posts&nbsp;&raquo; est un anglicisme qui d&eacute;signe la publication d&rsquo;un contenu sur un forum, blog ou r&eacute;seau social.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> &laquo;&nbsp;Post bad&nbsp;&raquo; d&eacute;signe dans l&rsquo;argot des r&eacute;seaux sociaux une jeune femme attirante dont les selfies sont amplement &laquo;&nbsp;lik&eacute;s&nbsp;&raquo;. Accompagn&eacute; d&rsquo;un compl&eacute;ment (&laquo;&nbsp;post bad couples&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;post bad m&eacute;tisse&nbsp;&raquo;), le terme s&rsquo;&eacute;largit pour englober tous les comptes tr&egrave;s populaires. Pour les comptes proprement litt&eacute;raires, voir &eacute;galement <a href="https://www.instagram.com/langleav/">@langlaev</a> (441k), <a href="https://www.instagram.com/najwazebian/">@najwazebian</a> (741k), <a href="https://www.instagram.com/rmdrk/">@rmdrk</a> (1,8M), <a href="https://www.instagram.com/nikita_gill/">@nikita_gill</a> (367k) ou <a href="https://www.instagram.com/r.h.sin/">@r.h.sin</a> (1,1M) et <a href="https://www.instagram.com/benisidore/">@benisidore</a> (35,9k), francophone et publi&eacute; aujourd&rsquo;hui aux &eacute;ditions du Ch&ecirc;ne (2016).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a> &laquo;&nbsp;Les inscriptions sur support num&eacute;rique, contrairement &agrave; celle sur des supports <em>statiques</em> comme le papier, la pellicule ou le vinyle, poss&egrave;dent des propri&eacute;t&eacute;s dynamiques qui modifient profond&eacute;ment les modes de constitution d&rsquo;une signification &agrave; partir de signes&nbsp;&raquo; (Serge Bouchardon, Evelyne Broudoux, Oriane Deseilligny,&nbsp;Franck Ghitalla, <em>Un Laboratoire de litt&eacute;ratures, litt&eacute;rature num&eacute;rique et internet</em>, Paris, &Eacute;ditions de la Biblioth&egrave;que publique d&rsquo;information, 2007, p.&nbsp;101).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> Pour &laquo;&nbsp;biographique&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un encart o&ugrave; l&rsquo;utilisateur peut se pr&eacute;senter en quelques mots.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> Onglet accessible depuis son compte utilisateur, o&ugrave; l&rsquo;on d&eacute;couvre des contenus populaires d&eacute;termin&eacute;s par un algorithme personnalis&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> C&rsquo;est-&agrave;-dire pr&eacute;vue pour une utilisation &agrave; partir d&rsquo;un t&eacute;l&eacute;phone portable. Certaines fonctionnalit&eacute;s sont ainsi bloqu&eacute;es si on acc&egrave;de au r&eacute;seau depuis un ordinateur (et le design change l&eacute;g&egrave;rement).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a> Par quoi l&rsquo;on entend un investissement spatial de la forme po&eacute;tique (vers libres, calligrammes, etc.), qui force l&rsquo;attention du lecteur sur la dimension visuelle de ce qu&rsquo;il lit.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> C&rsquo;est l&rsquo;expression de Laurent Jenny dans les<em> Inrockuptibles</em> du 29.05.2013&nbsp;(<a href="https://www.lesinrocks.com/2013/05/29/arts/actualite/lesthetique-selon-laurent-jenny-ce-qui-est-frappant-cest-lextreme-banalite-des-images-instagram/">ici</a>).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> &laquo;&nbsp;disait Stendhal&nbsp;&raquo;, rajoute-t-il. La formule emprunt&eacute;e au narrateur du<em> Rouge et le Noir</em> entre &eacute;galement en &eacute;chos avec l&rsquo;&oelig;uvre &eacute;crite de Fran&ccedil;ois Bon, dont la dimension documentaire est forte. Voir par exemple l&rsquo;entr&eacute;e &laquo;&nbsp;Miroir&nbsp;&raquo; d&rsquo;<em>Autobiographie des objets, </em>Paris, Seuil, 2012.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a> Ce qu&rsquo;il d&eacute;plore en revenant sur cet ambitieux projet <a href="https://tcrouzet.com/2016/04/02/des-livres-sur-instagram/">dans un article</a> de son blog tcrouzet.com (&laquo;&nbsp;Des livres sur Instagram&nbsp;&raquo;, 02.04.2016).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Cette fonction pouvant se complexifier, notamment selon le degr&eacute; d&rsquo;iconicit&eacute; de l&rsquo;image, de l&rsquo;illustration pure &agrave; l&rsquo;&eacute;vocation ou la m&eacute;taphorisation du texte qu&rsquo;elle accompagne.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> &laquo;&nbsp;Le livre a cess&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre un &laquo;&nbsp;volume&nbsp;&raquo;, il ne constitue plus l&rsquo;unit&eacute; de lecture de la biblioth&egrave;que. Les textes num&eacute;ris&eacute;s n&rsquo;&eacute;tant plus contraints par les limites du papier, ils peuvent &ecirc;tre stock&eacute;s sur des supports de tr&egrave;s grande capacit&eacute; [&hellip;] Le corpus remplace le livre. Constitu&eacute; des textes d&rsquo;un m&ecirc;me auteur ou de ceux d&rsquo;un ensemble plus large [&hellip;], le corpus est la nouvelle unit&eacute; de lecture sur support &eacute;lectronique&nbsp;&raquo; (Jean Cl&eacute;ment, &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature au risque du num&eacute;rique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Document num&eacute;rique</em>, vol.&nbsp;5, n&deg;&nbsp;1, 2001, p.&nbsp;118). Sur certains comptes que l&rsquo;on mentionnera, cette unit&eacute; se voudrait presque un recueil, le travail graphique des auteurs allant dans ce sens.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Photos de plats, de vacances, selfies, publicit&eacute;s, comptes d&rsquo;artistes ou d&rsquo;institutions, de c&eacute;l&eacute;brit&eacute;s, etc.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a> Jean Cl&eacute;ment, &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature au risque du num&eacute;rique&nbsp;&raquo;, art.cit<em>.,</em> p.&nbsp;126.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> Une remarque qui est faite par Emmanu&euml;l Souchier, &agrave; propos de la typographie en g&eacute;n&eacute;ral (&laquo;&nbsp;son &eacute;vidente omnipr&eacute;sence masque son existence au point de la faire dispara&icirc;tre et d&rsquo;en effacer le sens et la fonction&nbsp;&raquo;) mais qu&rsquo;il faudrait peut-&ecirc;tre ajuster selon les modalit&eacute;s de la lecture, typiquement ici entre support papier et num&eacute;rique&nbsp;(&laquo; L&rsquo;image du texte pour une th&eacute;orie de l&rsquo;&eacute;nonciation &eacute;ditoriale &raquo;, <em>Les cahiers de m&eacute;diologie</em>, 1998/2, n<sup>o&nbsp;</sup>6, p.&nbsp;141).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Selon l&rsquo;expression d&rsquo;Emmanu&euml;l Souchier, art.cit<em>.</em></p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a> Il est d&rsquo;ailleurs int&eacute;ressant de constater que les deux seuls posts du compte qui &eacute;voquent explicitement le format d&rsquo;une page de livre sont ironiques&nbsp;: ce sont les <a href="https://www.instagram.com/p/Bb__2ypFAPq/?hl=fr&amp;taken-by=anthropie"><em>po&egrave;mes illisibles</em></a> et le <a href="https://www.instagram.com/p/BcABe2ylAos/?hl=fr&amp;taken-by=anthropie"><em>roman contemporain</em></a>.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> St&eacute;phane Mallarm&eacute;, <em>Un coup de d&eacute;s jamais n&rsquo;abolira le hasard</em>, publi&eacute; pour la premi&egrave;re fois dans la revue <em>Cosmopolis</em> en mai 1897, puis r&eacute;&eacute;dit&eacute; par la NRF en 1914.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a> Guy Bennett, &laquo;&nbsp;Ce livre qui n&rsquo;en est pas un&nbsp;: le texte litt&eacute;raire &eacute;lectronique&nbsp;&raquo;, <em>Litt&eacute;rature</em>, vol.&nbsp;160, n&deg;&nbsp;4, 2010, p.&nbsp;42.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a> Alexandra Saemmer, &laquo;&nbsp;Hypertexte et narrativit&eacute;&nbsp;<em>&raquo;, Critique</em>, vol.&nbsp;819-820, n&deg;&nbsp;8, 2015, p.&nbsp;639.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a> &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai m&ecirc;me d&eacute;couvert un auteur qui, pour attirer l&rsquo;attention vers son livre de marketing, l&rsquo;a publi&eacute; en int&eacute;gralit&eacute; sur Instagram, le sujet du livre &eacute;tant comment promouvoir un livre. Chacune de ces exp&eacute;riences s&rsquo;enrichit des commentaires des lecteurs, affich&eacute;s imm&eacute;diatement &agrave; la suite du texte principal et qui fusionnent avec lui, au point d&rsquo;&ecirc;tre presque indiff&eacute;renciables.&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;<a href="https://tcrouzet.com/2016/04/02/des-livres-sur-instagram/">Des livres sur Instagram&nbsp;</a>&raquo;, <em>op.cit.</em>).</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a> Voir par exemple l&rsquo;article de David Ruffel, &laquo;&nbsp;Une litt&eacute;rature contextuelle&nbsp;&raquo;, <em>Litt&eacute;rature</em>, vol.&nbsp;160, n&deg;&nbsp;4, 2010, p.&nbsp;61-73.</p> <p style="text-align: justify;"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a> Serge Bouchardon <em>et alii</em>, &nbsp;<em>op.cit</em>., p.&nbsp;103.</p> <h3 style="text-align: justify;"><span id="Auteur">Auteur</span></h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Jos&eacute;phine Vodoz</strong> est doctorante &agrave;&nbsp;l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne, rattach&eacute;e au Centre des&nbsp;sciences historiques de la culture. Dans ce cadre, elle collabore&nbsp;au projet de recherche &ldquo;Litt&eacute;rature et culture mat&eacute;rielle XIXe-XXIe si&egrave;cles&rdquo; financ&eacute; par le Fonds national suisse&nbsp;et dirig&eacute; par&nbsp;Marta Caraion.</p> <h3 style="text-align: justify;">Copyright</h3> <p style="text-align: justify;">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p> </div>