<div class="entry-content"> <p style="text-align: justify;"><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">France Culture, radio fiction, Blandine Masson, fiction podcasts</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">On ne peut pas &eacute;chapper &agrave; la r&eacute;flexion sur l&rsquo;h&eacute;ritage lorsque l&rsquo;on travaille pour le service public de la radio. On ne peut pas non plus oublier de s&rsquo;interroger sur la transmission. L&rsquo;histoire nous fonde et en m&ecirc;me temps il est n&eacute;cessaire de lui &eacute;chapper. La meilleure d&eacute;finition d&rsquo;un h&eacute;ritage qui laisse libre restera toujours pour moi cet aphorisme de Ren&eacute; Char : &laquo; Notre h&eacute;ritage n&rsquo;est pr&eacute;c&eacute;d&eacute; d&rsquo;aucun testament. &raquo; &nbsp;Il m&rsquo;est parvenu pour la premi&egrave;re fois par Alain Trutat, pour lequel l&rsquo;amiti&eacute; de Ren&eacute; Char &eacute;tait essentielle. Mais j&rsquo;ai compris le sens de cet aphorisme tr&egrave;s tard, en lisant le commentaire qu&rsquo;en fit la philosophe Hannah Arendt lors d&rsquo;un entretien radiophonique. En l&rsquo;&eacute;coutant, j&rsquo;ai compris qu&rsquo;un h&eacute;ritage n&rsquo;est pas une r&eacute;p&eacute;tition mais une r&eacute;invention, ce n&rsquo;est pas non plus la reconduction de r&egrave;gles et de principes, mais bien l&rsquo;art de &laquo; saper &raquo; les habitudes et la n&eacute;cessit&eacute; de penser de mani&egrave;re critique.</p> <p style="text-align: justify;">Donc, comment &ecirc;tre attentif au pass&eacute; sans se laisser &eacute;craser&nbsp;? Comment regarder toujours loin devant sans oublier d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;on vient&nbsp;? C&rsquo;est un exercice difficile.</p> <p style="text-align: justify;">Depuis 2017, tout s&rsquo;est acc&eacute;l&eacute;r&eacute; dans le monde sonore. J&rsquo;&eacute;cris sonore car la &laquo;&nbsp;radio&nbsp;&raquo; n&rsquo;est d&eacute;finitivement plus le seul lieu de diffusion des fictions sonores. Elle reste dans le domaine du service public le seul lieu de production de l&rsquo;antenne et du podcast, mais la concurrence aujourd&rsquo;hui n&rsquo;est plus sur les ondes&nbsp;: elle est sur le web.</p> <p style="text-align: justify;">La radio de service public a ceci de particulier qu&rsquo;une &eacute;mission d&rsquo;antenne devient du podcast automatiquement et qu&rsquo;un podcast peut devenir de l&rsquo;antenne. Nous sommes donc confront&eacute;s &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; de penser un monde sonore qui n&rsquo;existait pas il y a quelques ann&eacute;es, mais aussi de nous d&eacute;faire du doux confort du monopole.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est un d&eacute;fi &eacute;norme pour la fiction &agrave; Radio France.</p> <p style="text-align: justify;">Ce qui continue de la diff&eacute;rencier des plateformes de podcast c&rsquo;est tout &agrave; la fois la multiplicit&eacute; des formes et des formats qu&rsquo;elle propose (feuilletons, lectures, cr&eacute;ations exp&eacute;rimentales de <em>L&rsquo;Atelier fiction</em>, <a data-wplink-edit="true" href="_wp_link_placeholder" target="_blank">concerts fictions</a>, spectacles radiophoniques, s&eacute;ries sonores, etc.) mais aussi la mani&egrave;re de se produire. Il existe une <em>&eacute;cole Radio France</em> si l&rsquo;on peut dire, qui consiste &agrave; enregistrer dans un m&ecirc;me mouvement les sons, les mouvements et les voix dans un geste de mise en sc&egrave;ne complet, l&agrave; o&ugrave; les studios de podcast enregistrent des voix seules sur lesquelles ils post-produisent fortement. Le &laquo; hors les murs&nbsp;&raquo; dans lequel nous nous sommes engag&eacute;s pour plusieurs ann&eacute;es accentue encore cette mani&egrave;re de produire. Le son direct devient un style propre &agrave; ces fictions nouvelles enti&egrave;rement tourn&eacute;es en d&eacute;cors naturels, et c&rsquo;est un savoir-faire unique.</p> <p style="text-align: justify;">Lorsque j&rsquo;ai h&eacute;rit&eacute; en 2005 de cette charge et de cette responsabilit&eacute; ‒&nbsp;la direction des fictions&nbsp;‒, je savais que je devais m&rsquo;atteler &agrave; deux enjeux de taille&nbsp;: la r&eacute;novation de la r&eacute;alisation, avec l&rsquo;ouverture de nouveaux agr&eacute;ments, et la refonte compl&egrave;te du syst&egrave;me de production. J&rsquo;y ai travaill&eacute; avec acharnement, accompagn&eacute;e au fil des ans par des directeurs et directrices de France Culture de plus en plus impliqu&eacute;s et de plus en plus demandeurs de fictions.</p> <p style="text-align: justify;">Aujourd&rsquo;hui ces deux r&eacute;novations ont &eacute;t&eacute; accomplies&nbsp;: d&rsquo;une part les fictions &agrave; France Culture sont <em>produites</em> et non plus seulement <em>administr&eacute;es</em>, c&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;on y fait des choix et qu&rsquo;on y diff&eacute;rencie le flux de l&rsquo;exceptionnel afin de b&acirc;tir une v&eacute;ritable politique de programmes en donnant les moyens n&eacute;cessaires aux productions ambitieuses. D&rsquo;autre part, elles ont quitt&eacute; leur place obscure de &laquo;&nbsp;niche &raquo; pour s&rsquo;exposer de plus en plus fortement, avec par exemple la naissance des Concerts fictions, la r&eacute;invention des spectacles radiophoniques &agrave; Avignon et ailleurs, l&rsquo;association avec des &laquo; m&eacute;diateurs &raquo; comme Sofiane ou Omar Sy, ou encore les cr&eacute;ations originales avec la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise comme <em>Les aventures de Tintin</em> et enfin l&rsquo;innovation du podcast de fiction depuis 2018. La radio aujourd&rsquo;hui sait se faire voir et se faire entendre, antenne et podcast confondus. Elle s&rsquo;est enfin affirm&eacute;e, comme le lui recommandait avec une insistance bienveillante Alain Trutat.</p> <p style="text-align: justify;">Bien s&ucirc;r, d&rsquo;autres chantiers ne cessent de s&rsquo;ouvrir comme celui de l&rsquo;&eacute;criture de s&eacute;ries mais aussi le d&eacute;veloppement de ces fictions, leur exploitation &agrave; travers l&rsquo;&eacute;dition, leur seconde vie pour certaines, dans l&rsquo;audiovisuel, leur exportation internationale, les tourn&eacute;es des spectacles. C&rsquo;est une activit&eacute; vivante qui ne cesse d&rsquo;ouvrir de nouvelles perspectives.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;ouverture du podcast en 2010 nous avait r&eacute;v&eacute;l&eacute; un public, et avait r&eacute;veill&eacute; la belle endormie que nous tendions &agrave; devenir. La r&eacute;ouverture de la Maison de la radio au public en 2014 et l&rsquo;apparition des plateformes de podcast &agrave; partir de 2015 nous ont secou&eacute;s fortement et oblig&eacute;s &agrave; humer l&rsquo;air du temps et &agrave; rester &eacute;veill&eacute;s, en alerte, je dirais&nbsp;: vivants.</p> <p style="text-align: justify;">En 2022, cent ans apr&egrave;s la naissance de la premi&egrave;re &oelig;uvre de fiction radiophonique, la fiction est un objet de d&eacute;sir pour les auteurs, les r&eacute;alisateurs, les musiciens, les techniciens, les bruiteurs, les designers sonores, les acteurs. C&rsquo;est un monde qui bruisse et s&rsquo;agite, &laquo;&nbsp;plein de bruits et de fureurs &raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est surtout un monde qui pour le moment arrive encore &agrave; tenir tout ensemble le regard vers l&rsquo;avenir et l&rsquo;attention &agrave; ses origines : le th&eacute;&acirc;tre et la litt&eacute;rature, qui ont donn&eacute; naissance &agrave; cette belle radio centenaire, sont toujours au c&oelig;ur de la cr&eacute;ation radiophonique. Le succ&egrave;s des s&eacute;ries en podcast n&rsquo;a pas fait dispara&icirc;tre la cr&eacute;ation des pi&egrave;ces de th&eacute;&acirc;tre, l&rsquo;accueil des auteurs d&rsquo;aujourd&rsquo;hui comme ceux du pass&eacute;. Nous parvenons &agrave; tenir tout ensemble tradition et innovation. C&rsquo;est le luxe inou&iuml; du service public, c&rsquo;est sa mission : &laquo;&nbsp;divertir, &eacute;duquer, transmettre &raquo;. Je lui souhaite une tr&egrave;s longue vie et je salue ceux qui, il y a un si&egrave;cle, ont eu le d&eacute;sir de transmettre &agrave; travers des ondes, des mots, des notes, des pens&eacute;es et des voix. Je salue Pierre Schaeffer qui eut la folle id&eacute;e en pleine guerre de fonder un &laquo; art radiophonique &raquo; qui est le n&ocirc;tre aujourd&rsquo;hui et que nous avons, collectivement, la charge de faire toujours et toujours &eacute;voluer. Je salue surtout ce public nombreux d&rsquo;&laquo; aveugles invisibles &raquo; ‒ comme le d&eacute;finissait Tristan Bernard en 1930 ‒ qui nous &eacute;coute et nous redonne toujours plus, chaque jour, le d&eacute;sir de fabriquer et inventer de nouvelles fictions.</p> <p style="text-align: justify;">Enfin, contrairement aux plateformes priv&eacute;es, et c&rsquo;est sa force, la radio publique porte toujours en elle, je le pense, ce double projet politique et esth&eacute;tique d&rsquo;une radio pour tous, d&rsquo;une culture pour tous.</p> <h3 style="text-align: justify;">Auteur</h3> <p style="text-align: justify;"><strong>Blandine Masson</strong> dirige le service des fictions &agrave; France Culture depuis 2005, apr&egrave;s y avoir &eacute;t&eacute; r&eacute;alisatrice de fictions pendant dix ans, un m&eacute;tier &laquo;&nbsp;pratiqu&eacute; intens&eacute;ment et jamais quitt&eacute; int&eacute;rieurement&nbsp;&raquo;, dit-elle au d&eacute;but de&nbsp;<em>Mettre en ondes. La fiction radiophonique</em>, essai publi&eacute; chez Actes Sud au printemps 2020. Fille de com&eacute;dienne et elle-m&ecirc;me attir&eacute;e par le th&eacute;&acirc;tre, elle a fr&eacute;quent&eacute; l&rsquo;Acad&eacute;mie exp&eacute;rimentale des th&eacute;&acirc;tres et dirig&eacute; pendant cinq ans (1989-1993) la revue trimestrielle&nbsp;<em>Les Cahiers du Renard</em>, d&eacute;di&eacute;e aux conditions de la cr&eacute;ation artistique. Tr&egrave;s proche d&rsquo;Alain Trutat (1922-2006), qu&rsquo;elle a assist&eacute; au d&eacute;but des ann&eacute;es 1990 dans son dernier grand chantier &agrave; Radio France que fut la r&eacute;novation des &eacute;missions dramatiques, elle en assume volontiers l&rsquo;h&eacute;ritage en promouvant au sein de la cha&icirc;ne un esprit d&rsquo;accueil, de d&eacute;cloisonnement et d&rsquo;ouverture. Elle continue aussi l&rsquo;action de partenariat entre th&eacute;&acirc;tre et radio incarn&eacute;e dans les ann&eacute;es 1970 par Lucien Attoun, l&rsquo;enthousiaste et influent producteur du <em>Nouveau R&eacute;pertoire dramatique</em>&nbsp;et fondateur de Th&eacute;&acirc;tre Ouvert,&nbsp;auquel elle rend volontiers hommage. T&eacute;moin du formidable renouveau apport&eacute; &agrave; la fiction radio&nbsp;par &laquo;&nbsp;l&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;une nouvelle g&eacute;n&eacute;ration de r&eacute;alisateurs form&eacute;s &agrave; la dramaturgie, &agrave; la r&eacute;alisation cin&eacute;matographique, au th&eacute;&acirc;tre, &agrave; la mise en sc&egrave;ne, &agrave; la radio, &agrave; la musique&nbsp;&raquo;, d&rsquo;une part, et l&rsquo;ouverture de la cha&icirc;ne au podcasting en 2009&nbsp;d&rsquo;autre part&nbsp;(&laquo;&nbsp;Cela a r&eacute;volutionn&eacute; l&rsquo;&eacute;coute. Ce fut un s&eacute;isme car nous ne savions pas que ce genre &eacute;tait autant suivi&nbsp;&raquo;), elle engage en 2017&nbsp;le service des fictions dans la superproduction de podcasts natifs en son binaural,&nbsp;en partenariat avec la SACD.&nbsp;Les premiers voient le jour en 2018. Aujourd&rsquo;hui il existe quatre cases &laquo;&nbsp;fiction&nbsp;&raquo; &agrave;&nbsp;France Culture, accessibles en replay&nbsp;:<em> Le Feuilleton&nbsp;</em>(depuis 2008), du lundi au vendredi de 20h30 &agrave; 20h55&nbsp;;&nbsp;<em>L&rsquo;Atelier fiction</em>&nbsp;(depuis 2011), vendredi de 23h &agrave; minuit&nbsp;;&nbsp;<em>Samedi noir</em>&nbsp;(depuis 2014), samedi de 21h &agrave; 22h&nbsp;;&nbsp;<em>Th&eacute;&acirc;tre et Cie</em>, dimanche de 21h &agrave; 23h. &Agrave; quoi s&rsquo;ajoutent, sur franceculture.fr, deux &agrave; trois podcasts de fiction &agrave; &eacute;pisodes par an (avant la pand&eacute;mie)&nbsp;; le prochain, le 2 d&eacute;cembre&nbsp;: <em>Probation</em>, de Mahi Bena (sc&eacute;nario) et C&eacute;dric Aussir (r&eacute;alisation). De la radio, cette &laquo;&nbsp;addiction, douce ou dure selon les &ecirc;tres&nbsp;&raquo;, Blandine Masson dit dans&nbsp;<em>Mettre en ondes&nbsp;</em>: &laquo;&nbsp;J&rsquo;y ai pass&eacute; pr&egrave;s de vingt-cinq ans de ma vie sans jamais avoir le sentiment de m&rsquo;y installer et sans jamais vouloir m&rsquo;y installer. [&hellip;] Et en m&ecirc;me temps j&rsquo;y ai mis tout ce que j&rsquo;aime&nbsp;: mon amour des voix, de la litt&eacute;rature, des textes, de tous les textes, des acteurs, de la musique, ma relation difficile avec le th&eacute;&acirc;tre et ma passion pour la fiction.&nbsp;&raquo;</p> </div>