<h3>Abstract</h3> <p>In&nbsp;<em>Une Page d&rsquo;amour</em>, the time of passion, but especially the time of illness, will derail the homogeneous cadence of the daily routine that punctuates the days and nights of H&eacute;l&egrave;ne Grandjean and her daughter Jeanne. Indeed, it is more the illness of the child&rsquo;s love for her mother than the time of the clocks that marks the unfolding of the story. This article wants to understand how the illness orients the narrative and determines its progress. In other words, how narrative temporality is intrinsically linked to an affective and bodily chronology.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>body, anachronism, illness, Zola, Genesis</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&laquo; Le Temps qui d&rsquo;habitude n&rsquo;est pas visible, pour le devenir cherche des corps, et partout o&ugrave; il les rencontre, s&rsquo;en empare pour montrer sur eux sa lanterne magique&hellip;&nbsp;&raquo;<br /> Proust,&nbsp;<em>Le Temps</em>&nbsp;<em>retrouv&eacute;</em>&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a></p> <p>Dans sa lettre-pr&eacute;face publi&eacute;e en 1884 lors de la parution de l&rsquo;&eacute;dition illustr&eacute;e par &Eacute;douard Dantan d&rsquo;<em>Une page d&rsquo;amour&nbsp;</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, &Eacute;mile Zola r&eacute;pond &agrave; la critique au sujet des descriptions de Paris qui cl&ocirc;turent la fin des cinq parties du roman&nbsp;en ces termes&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Des [&hellip;] &eacute;plucheurs de d&eacute;tails, apr&egrave;s avoir gratt&eacute; l&rsquo;&oelig;uvre dans tous les sens, ont d&eacute;couvert que j&rsquo;avais commis l&rsquo;impardonnable anachronisme de mettre &agrave; l&rsquo;horizon de la grande ville les toitures du nouvel Op&eacute;ra et la coupole Saint-Augustin, d&egrave;s les premi&egrave;res ann&eacute;es du second Empire, &eacute;poque &agrave; laquelle ces monuments n&rsquo;&eacute;taient point b&acirc;tis. J&rsquo;avoue la faute, je livre ma t&ecirc;te. Lorsque, en avril 1877, je montai sur les hauteurs de Passy pour prendre mes notes, &agrave; un moment o&ugrave; les &eacute;chafaudages du futur palais du Trocad&eacute;ro me g&ecirc;naient d&eacute;j&agrave; beaucoup, je fus tr&egrave;s ennuy&eacute; de ne trouver, au nord, aucun rep&egrave;re qui p&ucirc;t m&rsquo;aider &agrave; fixer mes descriptions. Seuls, le nouvel Op&eacute;ra et Saint-Augustin &eacute;mergeaient au-dessus de la mer confuse des chemin&eacute;es. Je luttai d&rsquo;abord pour l&rsquo;amour des dates. Mais ces masses &eacute;taient trop tentantes, allum&eacute;es sur le ciel, me facilitant la besogne en personnifiant de leurs hautes d&eacute;coupures tout un coin de Paris, vide d&rsquo;autres &eacute;difices&nbsp;; et j&rsquo;ai succomb&eacute;, et mon &oelig;uvre ne vaut certainement rien, si les lecteurs ne peuvent se r&eacute;soudre &agrave; accepter cette erreur volontaire de quelques ann&eacute;es dans les &acirc;ges des deux monuments.</p> </blockquote> <p>Ces lignes montrent bien que le romancier a pr&eacute;f&eacute;r&eacute; l&rsquo;&eacute;quilibre esth&eacute;tique &agrave; l&rsquo;histoire, peut-&ecirc;tre parce que dans ce roman plus que dans d&rsquo;autres (<em>La Cur&eacute;e</em>,&nbsp;<em>Son Excellence Eug&egrave;ne Rougon</em>,&nbsp;<em>Le Ventre de Paris</em>,&nbsp;<em>Au Bonheur des dames</em>,&nbsp;<em>Nana</em>,&nbsp;<em>L&rsquo;Argent</em>), le &laquo; faire vrai &raquo; se situe moins &agrave; l&rsquo;ext&eacute;rieur qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur. Succombant au d&eacute;sir du plein (&laquo;&nbsp;ces masses &eacute;taient trop tentantes, [&hellip;] en personnifiant de leurs hautes d&eacute;coupures tout un coin de Paris, vide d&rsquo;autres &eacute;difices&nbsp;&raquo;), l&rsquo;ajout de l&rsquo;Op&eacute;ra et de l&rsquo;&eacute;glise Saint-Augustin offre aux regards des protagonistes un horizon stable et rassurant. Paris dans&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>&nbsp;est syst&eacute;matiquement vu &agrave; partir de l&rsquo;&eacute;tat affectif d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne et de sa fille Jeanne, et dans un roman sur la passion, la couleur des sentiments l&rsquo;emporte sur la v&eacute;racit&eacute; des faits. Ces deux monuments poss&egrave;dent donc dans la narration un statut de mirages historiques qui redisent que le r&eacute;el, mais aussi le temps, restent des concepts hautement fictionnels. Car seule de la mort nous sommes certains&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>, et le temps, du moins ce que l&rsquo;on en conna&icirc;t, c&rsquo;est toujours du temps avant la mort. Cette certitude est celle qui domine dans&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>&nbsp;o&ugrave; les deuils sont les portes d&rsquo;entr&eacute;e et de sortie d&rsquo;un r&eacute;cit qui a pour vocation de &laquo;&nbsp;diss&eacute;qu[er] la passion&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo; et que nous r&eacute;sumons rapidement.</p> <p>L&rsquo;histoire d&eacute;bute une nuit, alors que l&rsquo;&eacute;tat de la petite Jeanne se d&eacute;t&eacute;riore. Paniqu&eacute;e, sa m&egrave;re H&eacute;l&egrave;ne, veuve depuis quelques mois, fait appel &agrave; un m&eacute;decin, Henri Deberle. C&rsquo;est le d&eacute;but d&rsquo;une passion entrav&eacute;e par la maladie et la jalousie de l&rsquo;enfant qui meurt en partie de n&rsquo;&ecirc;tre pas aim&eacute;e de mani&egrave;re exclusive par sa m&egrave;re. Cette mort met fin &agrave; la relation entre les amants. Quelques mois apr&egrave;s les fun&eacute;railles, H&eacute;l&egrave;ne jusque-l&agrave; r&eacute;ticente accepte d&rsquo;&eacute;pouser par d&eacute;pit un ami de la famille, Roubaud. Le couple quitte Passy pour retourner dans le sud de la France d&rsquo;o&ugrave; elle est originaire. Le r&eacute;cit se cl&ocirc;t sur la tombe de l&rsquo;enfant sur laquelle H&eacute;l&egrave;ne est venue se recueillir lors d&rsquo;un passage &agrave; Paris.</p> <p>Ce r&eacute;cit tout en demi-teintes o&ugrave; la passion avance comme une lame de fond&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, tient sa grande force dramatique du fait que l&rsquo;amour des amants a maille &agrave; partir avec les sentiments tyranniques d&rsquo;une enfant pour sa m&egrave;re, ce qui a pour effet de faire exploser les r&egrave;gles habituelles des drames passionnels. Cet &eacute;cheveau sentimental o&ugrave; les affects de Jeanne prennent une place consid&eacute;rable donne une tonalit&eacute; particuli&egrave;re &agrave; ce qui aurait pu &ecirc;tre un &eacute;ni&egrave;me roman d&rsquo;adult&egrave;re, mais qui, en &laquo;&nbsp;figur[ant] de fa&ccedil;on in&eacute;dite le personnage traditionnel du jaloux&nbsp;: un enfant, une petite fille&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&raquo;, comme le souligne Henri Mitterand, est bien plus. Avec&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, Zola revisite les attendus du drame adult&eacute;rin, ici point d&rsquo;&eacute;pouses &eacute;conduites ou de maris tromp&eacute;s tonitruants. Avec Jeanne et ses manipulations d&rsquo;enfant malade, le roman ne tombe jamais dans l&rsquo;outrance et les chahuts grotesques. Au contraire, &agrave; cause de la double injonction qui domine &ndash; tour &agrave; tour l&rsquo;enfant exige et refuse d&rsquo;&ecirc;tre soign&eacute;e par le docteur Deberle &ndash;, c&rsquo;est la mise en place d&rsquo;un imbroglio affectif dont personne ne sort vainqueur, qui pr&eacute;vaut. Sur ce point, dans le dossier pr&eacute;paratoire, Zola insiste sur le r&ocirc;le de &laquo;&nbsp;trait d&rsquo;union&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo; de la tr&egrave;s jeune fille. En effet, plus que de leur passion, les amants deviennent les marionnettes de Jeanne qui, bien que souffrant r&eacute;ellement, ne peut s&rsquo;emp&ecirc;cher de les manipuler dans un jeu d&rsquo;&eacute;loignements et de rapprochements. D&rsquo;ailleurs une des grandes forces de ce r&eacute;cit provient de cet &eacute;quilibre maintenu dans la dramatisation de la douleur, qui laisse le lecteur lui-m&ecirc;me ind&eacute;cis devant le mouvement de balancier continu entre une plainte exag&eacute;r&eacute;e et vindicative de Jeanne et la maladie qui la ronge. La modernit&eacute; du r&eacute;cit se loge dans le tissage complexe des sentiments de ces trois personnages attach&eacute;s les uns aux autres.</p> <p>Que Zola dans sa lettre-pr&eacute;face demande au lecteur d&rsquo;accepter les anachronismes architecturaux et par l&agrave; de passer avec lui un contrat de non-conformit&eacute; historique (&laquo;&nbsp;mon &oelig;uvre ne vaut certainement rien, si les lecteurs ne peuvent se r&eacute;soudre &agrave; accepter cette erreur volontaire de quelques ann&eacute;es dans les &acirc;ges des deux monuments&nbsp;&raquo;), r&eacute;v&egrave;le que la temporalit&eacute; qui pr&eacute;vaut dans ce r&eacute;cit se loge ailleurs que dans ce genre d&rsquo;exactitudes et que la question du second Empire semble &agrave; premi&egrave;re vue (mais &agrave; premi&egrave;re vue seulement) p&eacute;riph&eacute;rique. Quelques indications comme la guerre de Crim&eacute;e qui d&eacute;bute en 1853 ou le rappel cursif de certains faits et &eacute;v&eacute;nements culturels (ainsi l&rsquo;Exposition universelle de 1855) servent de marqueurs historiques, mais dans l&rsquo;ensemble, le temps naturel (celui des saisons, du jour et de la nuit), le temps religieux (le mois de Marie) et celui d&rsquo;un quotidien fortement ritualis&eacute; pr&eacute;valent et scandent la vie des personnages. Il en est ainsi de chaque mardi&nbsp;:</p> <blockquote> <p>H&eacute;l&egrave;ne avait &agrave; d&icirc;ner M. Rambaud et l&rsquo;abb&eacute; Jouve. C&rsquo;&eacute;taient eux qui, dans les premiers temps de son veuvage, avaient forc&eacute; sa porte et mis leurs couverts, avec un sans-g&ecirc;ne amical, pour la tirer au moins une fois par semaine de la solitude o&ugrave; elle vivait. Puis, ces d&icirc;ners du mardi &eacute;taient devenus une v&eacute;ritable institution. Les convives s&rsquo;y retrouvaient, comme &agrave; un devoir, juste &agrave; sept heures sonnant, avec la m&ecirc;me joie tranquille&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>.&nbsp;</p> </blockquote> <p>Aux mardis soir d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne Grandjean r&eacute;pondent les mercredis soir de Juliette Deberle, la femme du docteur&nbsp;:&nbsp;</p> <blockquote> <p>Il y avait l&agrave; une douzaine de personnes, le nombre &agrave; peu pr&egrave;s r&eacute;glementaire que les Deberle invitaient chaque mercredi, &agrave; partir de d&eacute;cembre. Le soir, vers dix heures, il venait beaucoup de monde. (p.&nbsp;229)</p> </blockquote> <p>La vie s&rsquo;&eacute;coule doucement, entre les nombreux apr&egrave;s-midis dans le jardin des Deberle o&ugrave; H&eacute;l&egrave;ne et Juliette sympathisent sans que la premi&egrave;re ne soit g&ecirc;n&eacute;e que la seconde soit la femme de l&rsquo;homme qu&rsquo;elle aime en secret et o&ugrave; sa fille joue amicalement avec le fils d&rsquo;Henri. &Agrave; l&rsquo;oppos&eacute; de ces moments conviviaux et mondains, correspondent les longs apr&egrave;s-midis dans la chambre ferm&eacute;e de la petite malade durant lesquels H&eacute;l&egrave;ne et Henri chuchotent de peur de r&eacute;veiller Jeanne qu&rsquo;ils encadrent de leurs soins attentifs. Ainsi va le temps, pourrait-on dire, entre les rencontres qu&rsquo;occasionne la vie en soci&eacute;t&eacute; (mondanit&eacute;s, c&eacute;r&eacute;monies religieuses, etc.) et la vie priv&eacute;e (repas, soins domestiques, soins de l&rsquo;enfant). Bien que le temps objectif soit rarement indiqu&eacute;, les allers-retours r&eacute;guliers d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne entre chez elle et les Deberle miment fortement ceux du balancier de l&rsquo;horloge.&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>&nbsp;se d&eacute;roule donc dans un temps de proximit&eacute;, la temporalit&eacute; s&rsquo;inscrivant essentiellement dans la ritualit&eacute; du quotidien, l&rsquo;existence s&rsquo;exprimant dans la r&eacute;p&eacute;tition des gestes, des habitus et le retour des saisons. Le temps avance imperceptiblement, soutenu cependant par la passion interdite d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne et Henri. Car cette &laquo;&nbsp;passion &raquo; inattendue a fait coupure dans la &laquo;&nbsp;monotonie de la vie&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;193) de la jeune veuve, elle l&rsquo;a sortie de son enfermement &ndash; Zola parle de &laquo;&nbsp;la vie enferm&eacute;e d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne &raquo; &ndash; et a inaugur&eacute; pour elle et sa fille une nouvelle mani&egrave;re de vivre et donc une autre fa&ccedil;on de &laquo;&nbsp;passer le temps &raquo;, l&rsquo;un &eacute;tant synonyme de l&rsquo;autre.</p> <p>Le d&eacute;raillement de cette cadence homog&egrave;ne d&rsquo;un quotidien fortement circonscrit et contr&ocirc;l&eacute;, viendra d&rsquo;un point insoup&ccedil;onn&eacute;. Si, comme le souligne Jean-Fran&ccedil;ois Bordron, le temps des passions est une des repr&eacute;sentations les plus manifestes du temps avec le temps des horloges&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>, la passion, non pas celle d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne et Henri, mais celle de Jeanne pour sa m&egrave;re, et dont la maladie devient le sympt&ocirc;me, va imposer une cadence singuli&egrave;re aux amours des amants et au rythme du r&eacute;cit. En effet, un rapide coup d&rsquo;&oelig;il dans les dossiers pr&eacute;paratoires montre que la maladie de Jeanne d&eacute;termine l&rsquo;orientation du r&eacute;cit et son avanc&eacute;e.</p> <p>&Agrave; cet &eacute;gard, alors que Zola le qualifie d&rsquo;&laquo;&nbsp;un peu popote, un peu jeanjean&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;, et que ce roman semble &agrave; premi&egrave;re vue assez &eacute;loign&eacute; de ceux qui le pr&eacute;c&egrave;dent, la place d&eacute;terminante donn&eacute;e au corps souffrant l&rsquo;installe de plain-pied dans&nbsp;<em>Les Rougon-Macquart</em>. J&rsquo;irais plus loin en disant qu&rsquo;il est peut-&ecirc;tre m&ecirc;me un de ceux dont le corps du personnage, en l&rsquo;occurrence celui de Jeanne, d&eacute;termine le plus la trame narrative et ce, &agrave; plusieurs niveaux. Tout d&rsquo;abord, on s&rsquo;aper&ccedil;oit que la sant&eacute; maladive de l&rsquo;enfant donne &agrave; Zola l&rsquo;id&eacute;e de faire de l&rsquo;amant d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne un m&eacute;decin&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Il faudrait donner un devoir &agrave; Agathe [premier nom d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne dans le dossier]&nbsp;: son enfant &ndash; Une petite fille souffrante, ch&eacute;tive, avec de beaux yeux. [&hellip;] Si je faisais de l&rsquo;amant un m&eacute;decin&nbsp;? Le m&eacute;decin qui soigne la petite, j&rsquo;aurai[s] de tr&egrave;s beaux effets, la jalousie de l&rsquo;enfant, l&rsquo;amour toujours combattu par la maladie et par l&rsquo;amour maternel. Enfin, j&rsquo;aurai[s] l&rsquo;agonie de la petite fille, grande sc&egrave;ne avec le m&eacute;decin et la m&egrave;re. Puis un d&eacute;chirement, et la passion finie&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> </blockquote> <p>La maladie va donc ponctuer le roman, en d&eacute;terminer le d&eacute;ploiement et en programmer la fin comme ces lignes le montrent. Celle-ci ne se limite donc pas, comme c&rsquo;est souvent le cas, &agrave; &ecirc;tre le r&eacute;sultat d&rsquo;un&nbsp;<em>fatum</em>&nbsp;quelconque&nbsp;: c&rsquo;est un acteur complet dont les variations et &eacute;tats influent sur le cours du r&eacute;cit et modulent sa temporalit&eacute;. Le temps du roman s&rsquo;arcboute clairement au mal physiologique, &agrave; ses am&eacute;liorations ou progressions. La temporalit&eacute; est nou&eacute;e intrins&egrave;quement &agrave; une chronologie affective et corporelle, puisque c&rsquo;est elle qui donne le&nbsp;<em>la</em>&nbsp;des amours d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne et Henri.</p> <h2>1. Chair et temps<br /> &nbsp;</h2> <p>Le projet m&eacute;dical de cartographier, de diss&eacute;quer la passion et d&rsquo;en divulguer les secrets ne pouvait avancer en ce XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle hygi&eacute;niste et m&eacute;dical sans donner une place cons&eacute;quente au lieu d&rsquo;expression de la passion&nbsp;: le corps. N&eacute;anmoins, les crit&egrave;res romanesques que s&rsquo;impose Zola ne lui permettent pas de jouer sur la panoplie d&rsquo;effets qu&rsquo;offre la rencontre charnelle. Pour lui,&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>&nbsp;devant &ecirc;tre une respiration tranquille entre deux romans sulfureux &ndash; &laquo;&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, &eacute;crite entre&nbsp;<em>L&rsquo;Assommoir</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Nana</em>, a d&ucirc; &ecirc;tre dans ma pens&eacute;e, une opposition, une halte de tendresse et de douceur&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo; ; &laquo;&nbsp;Je veux &eacute;tonner les lecteurs de&nbsp;<em>L&rsquo;Assommoir</em>, par un livre bonhomme&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash;, il d&eacute;cide avec finesse de faire du corps de Jeanne, touch&eacute; par ricochet par l&rsquo;amour interdit de sa m&egrave;re pour le m&eacute;decin, le r&eacute;ceptacle inattendu de cette passion, m&ecirc;me si au premier abord la phtisie est d&eacute;crite en termes purement nosologiques. En voici quelques aspects&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Phtisie aigu&euml;</p> <p>D&eacute;but&nbsp;: langueur, essoufflement, amaigrissement. Un crachement de sang &ndash; &Eacute;touffement, la toux s&egrave;che avec crachats salivaire. [&hellip;] Les crachats augmentent et deviennent plus &eacute;pais. [&hellip;]</p> <p>Deuxi&egrave;me p&eacute;riode&nbsp;: toux fr&eacute;quente et plus grasse. L&rsquo;oppression augmente. La fi&egrave;vre para&icirc;t. Le soir, fi&egrave;vre pr&eacute;c&eacute;d&eacute;e de frissons, et sueur. [&hellip;] La malade s&rsquo;illusionne sur son &eacute;tat. On succombe dans le marasme.</p> <p>Phtisie galopante, d&eacute;bute brusquement sous l&rsquo;influence d&rsquo;une cause accidentelle. On dirait une bronchite capillaire, sympt&ocirc;mes d&rsquo;une fi&egrave;vre typho&iuml;de. [&hellip;] Mort dans l&rsquo;espace de trois &agrave; six semaines. (N.a.f., Ms. 10318, f˚ 457)</p> </blockquote> <p>&laquo; D&eacute;but &raquo;, &laquo; deviennent &raquo;, &laquo; Deuxi&egrave;me p&eacute;riode &raquo;, &laquo; Le soir &raquo;, &laquo; galopante &raquo;, &laquo; d&eacute;bute&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Mort dans l&rsquo;espace de trois &agrave; six semaines &raquo;, tous ces termes montrent combien le d&eacute;veloppement du mal est naturellement pens&eacute; en termes de temps, et comment&nbsp;<em>de facto</em>&nbsp;il d&eacute;cide de la dur&eacute;e de vie du personnage. La remarque pr&eacute;c&eacute;dente (&laquo; Enfin, j&rsquo;aurai[s] l&rsquo;agonie de la petite fille, grande sc&egrave;ne avec le m&eacute;decin et la m&egrave;re. Puis un d&eacute;chirement, et la passion finie. &raquo;) et l&rsquo;extrait qui suit soulignent aussi &agrave; quel point la vie de l&rsquo;enfant commande le temps du r&eacute;cit et de l&rsquo;action : &laquo;&nbsp;Voici, je crois la marche &agrave; suivre. Une premi&egrave;re crise. Des convulsions. Ordonner les d&eacute;tails. La maladie qui dure plusieurs semaines &ndash; Chloro-an&eacute;mique, au moment de la pubert&eacute;. Tous les d&eacute;tails. Enfin une rechute avec complication d&rsquo;une phtisie, ou d&rsquo;une fluxion de poitrine &raquo; (N.a.f., Ms. 10.345, f&deg; 118).</p> <p>En effet, trois &eacute;tapes importantes directement li&eacute;es &agrave; sa sant&eacute; vont scander l&rsquo;histoire d&rsquo;amour d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne et Henri. Tout d&rsquo;abord, en ouverture, une premi&egrave;re crise de convulsions, dont Jeanne est victime, entra&icirc;ne la rencontre entre les futurs amants. Par rapport &agrave; ce qui nous occupe, on remarque que l&rsquo;acc&egrave;s convulsif met fin au temps objectif. En effet, alors que dans les quatre premiers paragraphes de l&rsquo;incipit apparaissent quatre r&eacute;f&eacute;rences aux heures qui s&rsquo;&eacute;coulent et &agrave; l&rsquo;horloge qui les marque&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>, celles-ci disparaissent compl&egrave;tement au profit du d&eacute;roulement des convulsions. Plus aucune heure n&rsquo;est mentionn&eacute;e, on ne saura d&rsquo;ailleurs pas combien de temps pr&eacute;cis&eacute;ment va durer l&rsquo;&eacute;pisode critique. Retenons que d&egrave;s le premier chapitre, sont mises en sc&egrave;ne des temporalit&eacute;s concurrentielles&nbsp;: temps objectif et temps physiologique.</p> <p>Le deuxi&egrave;me moment a lieu apr&egrave;s qu&rsquo;Henri a avou&eacute; son amour &agrave; H&eacute;l&egrave;ne &agrave; l&rsquo;aube du mois de Marie. Cette p&eacute;riode cultuelle et de temps religieux va occasionner de nombreux &eacute;pisodes de d&eacute;votion &agrave; l&rsquo;&eacute;glise de la part d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne, de Jeanne et de Juliette Deberle, au sortir desquels la jeune veuve rencontre chaque soir amicalement, mais pas sans &eacute;motion, le docteur, lui, venu davantage pour le plaisir de la retrouver que pour qu&eacute;rir sa femme. &Agrave; l&rsquo;issue de ces c&eacute;r&eacute;monies de &laquo;&nbsp;tendresse d&eacute;vote&nbsp;&raquo;, qui remplacent les apr&egrave;s-midis mondains chez les Deberle, Jeanne tombe &agrave; nouveau malade&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Jusqu&rsquo;au dernier jour, elle n&rsquo;avait point voulu avouer que la c&eacute;r&eacute;monie du soir la brisait, tant elle y go&ucirc;tait une jouissance profonde ; mais ses joues &eacute;taient devenues d&rsquo;une p&acirc;leur de cire [&hellip;]. Peu &agrave; peu la fra&icirc;cheur de l&rsquo;&eacute;glise &eacute;tait descendue sur elle comme un suaire&nbsp;; et, dans cette lassitude qui l&rsquo;emp&ecirc;chait m&ecirc;me de penser, un malaise lui venait du silence religieux des chapelles, du prolongement sonore des moindres bruits, de ce lieu sacr&eacute; o&ugrave; il lui semblait qu&rsquo;elle allait mourir. [&hellip;] Alors, Jeanne jeta un faible cri, ses bras s&rsquo;&eacute;largirent, elle se roidit, tordue par la crise qui la mena&ccedil;ait depuis quelques jours. (p.&nbsp;178-179)</p> </blockquote> <p>Sa gu&eacute;rison et la longue convalescence qui s&rsquo;ensuit vont &ecirc;tre l&rsquo;occasion pour H&eacute;l&egrave;ne et Henri d&rsquo;un rapprochement important. &Agrave; partir du moment o&ugrave; ils ont la certitude que l&rsquo;enfant n&rsquo;est plus en danger, H&eacute;l&egrave;ne avoue ses sentiments au m&eacute;decin. D&eacute;bute alors une longue p&eacute;riode d&rsquo;intimit&eacute; pleine de tendresse amoureuse au sein de laquelle les mots chuchot&eacute;s valent pour les caresses interdites. M&ecirc;me la chambre de Jeanne &laquo;&nbsp;si ti&egrave;de&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;si discr&egrave;te&nbsp;&raquo; &laquo; dev[ien]t complice &raquo; (p.&nbsp;190) et prend des allures d&rsquo;alc&ocirc;ve, entre les murs desquels</p> <blockquote> <p>tous deux vivaient sans une secousse, se laissant aller &agrave; cette douceur de savoir qu&rsquo;ils s&rsquo;aimaient, insoucieux du lendemain, oublieux du monde. Aupr&egrave;s du lit de Jeanne, dans cette pi&egrave;ce &eacute;mue encore de [son]&nbsp;agonie [&hellip;], une chastet&eacute; les prot&eacute;geait contre toute surprise des sens. [&hellip;] &agrave; mesure que la malade se montrait plus forte, leur amour, lui aussi, prenait des forces&nbsp;; du sang lui venait, ils demeuraient c&ocirc;te &agrave; c&ocirc;te, fr&eacute;missants, jouissant de l&rsquo;heure pr&eacute;sente, sans vouloir se demander ce qu&rsquo;ils feraient, lorsque Jeanne serait debout et que leur passion &eacute;claterait, libre et bien portante. (p.&nbsp;194)</p> </blockquote> <p>On remarque dans cet extrait que Jeanne, mais aussi H&eacute;l&egrave;ne et Henri sont verrouill&eacute;s au pr&eacute;sent de la maladie et &agrave; ses effets, mais surtout qu&rsquo;une &eacute;tonnante consubstantialit&eacute; entre la sant&eacute; de Jeanne et l&rsquo;amour des amants s&rsquo;&eacute;tablit, comme si le second &eacute;tait le m&eacute;decin du premier. De cette vigueur retrouv&eacute;e surgit une temporalit&eacute; amoureuse particuli&egrave;re qui fait fi de la dur&eacute;e (&laquo;&nbsp;ils demeuraient c&ocirc;te &agrave; c&ocirc;te, fr&eacute;missants, jouissant de l&rsquo;heure pr&eacute;sente&nbsp;&raquo;). Il convient d&rsquo;ajouter, qu&rsquo;en filigrane de ce dispositif sentimental et spatio-temporel (chambre de la malade, avanc&eacute;e ou non du mal, convalescence, amour), l&rsquo;&eacute;crivain souligne l&rsquo;&eacute;troitesse des liens entre &Eacute;ros et Thanatos d&egrave;s que la passion est en jeu.</p> <p>Le troisi&egrave;me moment correspond &agrave; une rechute et &agrave; l&rsquo;apparition de la phtisie aigu&euml; qui sera fatale. Elle survient au lendemain de la rencontre charnelle entre H&eacute;l&egrave;ne et Henri. En effet, intuitivement convaincue que sa m&egrave;re l&rsquo;a &laquo;&nbsp;abandonn&eacute;e&nbsp;&raquo; pour &ecirc;tre avec un autre, Jeanne prend gravement froid en d&eacute;cidant de passer volontairement plusieurs heures accoud&eacute;e au rebord de la fen&ecirc;tre, le corps offert &agrave; la temp&ecirc;te et &agrave; une pluie glaciale.</p> <blockquote> <p>Elle sentait confus&eacute;ment que sa m&egrave;re &eacute;tait quelque part o&ugrave; les enfants ne vont pas. [&hellip;] Jeanne, &agrave; la fen&ecirc;tre, toussa violemment ; mais elle se sentait comme veng&eacute;e d&rsquo;avoir froid, elle aurait voulu prendre du mal. Les mains contre la poitrine, elle sentait l&agrave; grandir son malaise. C&rsquo;&eacute;tait une angoisse, dans laquelle son corps s&rsquo;abandonnait. [&hellip;] Tout d&rsquo;un coup, la pens&eacute;e que sa m&egrave;re devait aimer plus qu&rsquo;elle les gens o&ugrave; elle avait couru, en la bousculant si fort, lui fit porter les deux mains &agrave; sa poitrine. Elle savait &agrave; pr&eacute;sent. Sa m&egrave;re la trahissait. (p.&nbsp;283-285)</p> </blockquote> <p>Cet &eacute;pisode sonne &eacute;galement le glas des amours d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne et Henri. Jeanne ne cachant pas son refus d&rsquo;&ecirc;tre approch&eacute;e par le m&eacute;decin dont la pr&eacute;sence est v&eacute;cue par elle comme une v&eacute;ritable agression (&laquo; Et elle ouvrit les yeux. Quand elle reconnut l&rsquo;homme qui &eacute;tait l&agrave;, ce fut de la terreur. Elle se vit nue, elle sanglota de honte, en ramenant vivement le drap &raquo; [p. 317]), sa m&egrave;re d&eacute;cide d&rsquo;interdire au m&eacute;decin d&rsquo;entrer dans l&rsquo;appartement et l&rsquo;&eacute;vince de sa vie, consciente du r&ocirc;le qu&rsquo;ils ont jou&eacute; dans le drame survenu : &laquo; &ndash; Allez-vous-en, r&eacute;p&eacute;ta H&eacute;l&egrave;ne, de sa voix basse et profonde, &agrave; l&rsquo;oreille de son amant. Vous voyez bien que nous l&rsquo;avons tu&eacute;e. &raquo; (p. 318)</p> <p>Chacun de ces &eacute;pisodes d&eacute;montre que Zola a saisi, comme les travaux de Gustave Nicholas-Fisher l&rsquo;ont indiqu&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>, que la maladie installe un &laquo;&nbsp;nouveau cadre temporel &raquo; auquel ob&eacute;issent toutes celles et ceux qui ont partie li&eacute;e avec la personne malade. Cependant, dans&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, le va-et-vient entre les secousses et les p&eacute;riodes de calme sont moins la marque d&rsquo;un mieux-&ecirc;tre du corps que d&rsquo;un mieux-&ecirc;tre du c&oelig;ur. Et le balancier qui marque le temps est celui oscillant des sentiments de Jeanne. L&rsquo;histoire d&rsquo;amour &ndash; son d&eacute;veloppement et sa fin &ndash; est ainsi chevill&eacute;e &agrave; la sant&eacute; de l&rsquo;enfant tout comme elle en est l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment d&eacute;vastateur. Le roman s&rsquo;&eacute;crit &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de cette tension paradoxale o&ugrave; la maladie met en place un r&eacute;gime temporel sp&eacute;cifique qui transforme la relation que les amants entretiennent entre eux. &Agrave; tous &eacute;gards, le temps du r&eacute;cit est un temps incarn&eacute;, il fait &laquo;&nbsp;corps&nbsp;&raquo; avec celui de la petite fille malade en qui se cristallise l&rsquo;histoire des amants.</p> <p>Lorsqu&rsquo;un individu est malade deux temporalit&eacute;s, souligne Nicholas-Fisher, se chevauchent, celle impos&eacute;e par la pathologie, l&rsquo;autre &eacute;tant le temps tel que v&eacute;cu et ressenti par le malade&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>. Dans le cas de Jeanne, l&rsquo;autre temps est surtout celui d&rsquo;une autre maladie, plus difficile &agrave; cerner, plus r&eacute;calcitrante aux rem&egrave;des, plus &eacute;nigmatique &agrave; comprendre&nbsp;: la maladie d&rsquo;amour, dont tous les maux de Jeanne sont les sympt&ocirc;mes plus ou moins aigus. Et alors que Zola avait l&rsquo;intention de d&eacute;crire la passion d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne, c&rsquo;est plut&ocirc;t celle de sa fille &agrave; laquelle le r&eacute;cit nous convie en en d&eacute;voilant de diverses mani&egrave;res la s&eacute;miologie. En effet, comme le soutient Jean-Louis Caban&egrave;s, la maladie est toujours &laquo;&nbsp;un syst&egrave;me de signes&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;.&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>&nbsp;&agrave; cet &eacute;gard donne une traduction pathologique des heurt&eacute;s de la passion de Jeanne pour sa m&egrave;re. Revenons &agrave; la sc&egrave;ne, car la question du temps y est centrale, o&ugrave;, persuad&eacute;e d&rsquo;&ecirc;tre abandonn&eacute;e, elle appelle le mal par d&eacute;sespoir et vengeance. Dans ce passage, la narration t&eacute;moigne de la capacit&eacute; de la douleur affective de modifier le rapport au temps, passion qui actualise une temporalit&eacute; proprement subjective.</p> <blockquote> <p>Alors, le temps coula. Trois heures sonn&egrave;rent &agrave; la pendule. (p.&nbsp;279)<br /> [&hellip;]</p> <p>Tout lui semblait fini, elle comprenait qu&rsquo;elle devenait tr&egrave;s vieille. Les heures pouvaient couler, elle ne regardait m&ecirc;me plus dans la chambre (p.&nbsp;287)<br /> [&hellip;]</p> <p>La pluie tombait toujours. Quelle heure pouvait-il &ecirc;tre, maintenant&nbsp;? Jeanne n&rsquo;aurait pas pu dire. Peut-&ecirc;tre la pendule ne marchait-elle plus. Cela lui paraissait trop fatigant de se retourner. Il y avait au moins huit jours que sa m&egrave;re &eacute;tait partie. Elle avait cess&eacute; de l&rsquo;attendre, elle se r&eacute;signait &agrave; ne plus la revoir. (p.&nbsp;287-288)</p> </blockquote> <p>Si la temp&ecirc;te accentue l&rsquo;effet dramatique et fonctionne comme l&rsquo;&eacute;cho des &eacute;motions de Jeanne, la sensation du temps ressenti est totalement tributaire de son sentiment d&rsquo;abandon. L&rsquo;incapacit&eacute; pour Jeanne de suivre sa m&egrave;re, sa claustration dans sa chambre, se traduisent chez elle par un arr&ecirc;t du temps objectif remplac&eacute; par un temps fantasm&eacute;, au sein duquel les &acirc;ges se superposent. Ce d&eacute;placement temporel correspond au sentiment d&rsquo;&eacute;ternit&eacute; que g&eacute;n&egrave;re l&rsquo;attente de sa m&egrave;re qui, il faut le rappeler, ne dispara&icirc;t que trois heures. On le voit, la douleur fait surgir une temporalit&eacute; &eacute;motionnelle et confirme la dimension proprement subjective, elle, chevill&eacute;e au retour de l&rsquo;autre qui ne revient pas, comme si H&eacute;l&egrave;ne &eacute;tait partie avec l&rsquo;horloge. Le temps pris dans le vertige abyssal du chagrin n&rsquo;est plus mesurable, il perd ses caract&eacute;ristiques d&rsquo;horizontalit&eacute; et quitte la ligne chronologique au profit d&rsquo;un axe vertical, ainsi les heures se diluent et &eacute;pousent le mouvement de la pluie. H&eacute;l&egrave;ne partie pour un autre, l&rsquo;univers de Jeanne&nbsp;<em>s&rsquo;&eacute;coule</em>&nbsp;violemment, sorte de cataracte du temps qui passe en acc&eacute;l&eacute;r&eacute;, &laquo;&nbsp;elle devient vieille&nbsp;&raquo;&nbsp;! C&rsquo;est dire que dans&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, la m&egrave;re est non seulement la gardienne de l&rsquo;enfance, mais le lieu de son essentialit&eacute;&nbsp;; c&rsquo;est pourquoi l&rsquo;enfance est d&eacute;crite ici moins comme un temps biologique que comme une perception singuli&egrave;re et propre &agrave; la tr&egrave;s jeune fille, et qu&rsquo;elle peut dispara&icirc;tre quand la source s&rsquo;&eacute;vapore. Ce d&eacute;calage temporel, cette intrusion dans le monde de la vieillesse, ira en augmentant &agrave; mesure que la phtisie s&rsquo;aggravera. La maladie rejoint tel un fr&egrave;re d&rsquo;armes la construction mentale de Jeanne et transforme son corps en corps anhistorique, jeune et vieux &agrave; la fois. Cet exemple donne raison &agrave; Merleau-Ponty lorsqu&rsquo;il affirme que le temps est &laquo;&nbsp;une dimension de l&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>&nbsp;&raquo; et que &laquo;&nbsp;nous sommes pour nous-m&ecirc;mes&nbsp;le surgissement du temps&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h2>2. Le corps de l&rsquo;Histoire<br /> &nbsp;</h2> <p>Plus qu&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne, c&rsquo;est donc le corps de Jeanne qui sugg&egrave;re celui de la passion, et sa mort qui n&rsquo;a pourtant rien de christique &eacute;claire la comparaison d&egrave;s les premi&egrave;res pages de l&rsquo;enfant avec le &laquo;&nbsp;Christ&nbsp;&raquo; (p.&nbsp;54). Cependant, elle marque davantage la passion, bien que tyrannique, qui l&rsquo;anime que sa nature sacrificielle. Ainsi, l&rsquo;histoire d&rsquo;amour d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne et Henri trouve ses d&eacute;veloppements dans le corps d&rsquo;une jeune fille vierge, virginit&eacute; sur laquelle s&rsquo;&eacute;crivent les &eacute;mois et les d&eacute;sirs des deux amants adult&eacute;rins, au point que le corps de Jeanne duplique celui de sa m&egrave;re. On comprend d&egrave;s lors qu&rsquo;elle ressente des pudeurs de femme offens&eacute;e quand le m&eacute;decin la touche&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Elle n&rsquo;avait eu aucune r&eacute;volte sous les mains du vieux docteur. Mais, d&egrave;s que les doigts d&rsquo;Henri l&rsquo;effleur&egrave;rent, elle re&ccedil;ut comme une secousse. Toute une pudeur &eacute;perdue l&rsquo;&eacute;veillait de l&rsquo;an&eacute;antissement o&ugrave; elle &eacute;tait plong&eacute;e.<br /> [&hellip;]</p> <p>Il semblait qu&rsquo;elle e&ucirc;t vieilli tout d&rsquo;un coup de dix ans dans son agonie, et que, pr&egrave;s de la mort, ses douze ann&eacute;es fussent assez m&ucirc;res pour comprendre que cet homme ne devait pas la toucher et retrouver sa m&egrave;re en elle. (p.&nbsp;317)</p> </blockquote> <p>La maladie et la passion ont en commun d&rsquo;&ecirc;tre des moments de passage et des temps forts de transformations, on n&rsquo;en sort jamais totalement indemne&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>, ce que prouvent les diverses mutations de Jeanne : jeune, elle vieillit pr&eacute;cocement, enfant elle devient femme, vivante elle appelle la mort. Tout son &ecirc;tre s&rsquo;installe dans une ambivalence quasi constitutive&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>, qui r&eacute;sulte, paradoxalement, de sa certitude d&rsquo;&ecirc;tre abandonn&eacute;e.</p> <p>Il est tout &agrave; fait remarquable que, v&eacute;ritable corps performatif qui ob&eacute;it &agrave; diff&eacute;rentes temporalit&eacute;s, celles de la passion, de la maladie et de l&rsquo;angoisse, au point que les rep&egrave;res temporels s&rsquo;interp&eacute;n&egrave;trent et s&rsquo;annulent, le corps de Jeanne rejoigne de mani&egrave;re inattendue la description de Paris, telle que d&eacute;fendue par Zola dans sa lettre-pr&eacute;face. La logique de faux historique auquel elle ob&eacute;it et que repr&eacute;sentent les anachronismes architecturaux, s&rsquo;agite &eacute;galement au plus intime de Jeanne dans son rapport au temps. Le chevauchement des &acirc;ges, v&eacute;rit&eacute; subjective et fictionnelle, calque celui des &laquo;&nbsp;fausses&nbsp;&raquo; temporalit&eacute;s historiques. Ainsi, le personnage de Jeanne narrativise-t-il en sourdine dans cette hyst&eacute;risation des &acirc;ges et des p&eacute;riodes, un certain Paris, faisant se rejoindre le g&eacute;n&eacute;ral et le particulier. En cela, ce personnage rencontre de fa&ccedil;on impr&eacute;vue ceux qui exemplifient le second Empire dans&nbsp;<em>Les Rougon-Macquart</em>. Mais autrement que Ren&eacute;e, Maxime, Saccard (<em>La Cur&eacute;e</em>) ou Nana (<em>L&rsquo;Assommoir</em>,&nbsp;<em>Nana</em>), qui renvoient &agrave; l&rsquo;immoralit&eacute; d&eacute;cadente du r&eacute;gime, en son corps douloureux et malingre, et en sa passion fi&eacute;vreuse et tyrannique (qui fait certes signe vers la question sexuelle), r&eacute;sonne, comme un &eacute;cho charnel, la d&eacute;g&eacute;n&eacute;rescence d&rsquo;une &eacute;poque malade d&rsquo;elle-m&ecirc;me qui avance vers sa d&eacute;gradation progressive et sa mise en terre&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>.</p> <p>Ce hors temps historique sous-entend &eacute;galement que la passion, du moins dans&nbsp;<em>Une Page d&rsquo;amour</em>, est anhistorique (mais pas intemporelle), qu&rsquo;elle quitte le cycle des g&eacute;n&eacute;rations. En effet, plus qu&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne, Jeanne s&rsquo;av&egrave;re l&rsquo;&eacute;tendard de la passion&nbsp;: un corps vierge, br&ucirc;l&eacute; par les sentiments qui l&rsquo;animent et d&eacute;vor&eacute; par la jalousie. Cette suspension temporelle s&rsquo;exprime dans le roman par une double fin, d&rsquo;une part celle de la passion (qui est celle du programme romanesque tout entier enclos dans le corps de la jeune fille) que traduit la mort de Jeanne et d&rsquo;autre part, la fin du s&eacute;jour parisien d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne qui marque la fin di&eacute;g&eacute;tique du roman. La passion n&rsquo;est donc pas en soi fin de l&rsquo;histoire, mais elle ne sait que faire des ordres, qu&rsquo;ils soient chronologiques ou autres, qui boussolent la vie et ses n&eacute;cessit&eacute;s prosa&iuml;ques. Elle n&rsquo;avance pas sereine sur la ligne du temps, elle g&icirc;t de mani&egrave;re imprudente dans les profondeurs du corps, du c&oelig;ur et de l&rsquo;esprit, et c&rsquo;est en quoi elle est toujours peu ou prou, comme l&rsquo;a si bien exprim&eacute; Zola, &laquo;&nbsp;une page arrach&eacute;e &agrave; la vie&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Marcel Proust,&nbsp;<em>Le Temps retrouv&eacute;</em>&nbsp;dans&nbsp;<em>&Agrave; la recherche du temps perdu</em>, t. IV, &eacute;dition publi&eacute;e sous la direction de Jean-Yves Tadi&eacute;, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade &raquo;, 1989, p. 503.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Lettre-pr&eacute;face d&rsquo;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, roman illustr&eacute; par &Eacute;douard Dantan, Paris, Librairie des Bibliophiles, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que artisitique moderne&nbsp;&raquo;, 1884.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Comme le rappelle avec &eacute;loquence Jacques Lacan lors de sa conf&eacute;rence &agrave; Louvain en 1972 (voir&nbsp;: https://www.youtube.com/watch?v=i43rWqNwnd0).</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;&Eacute;mile Zola, Dossier pr&eacute;paratoire d&rsquo;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, &laquo; &Eacute;bauche &raquo;, N.a.f., Ms. 10318, f˚&nbsp;500.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Dans l&rsquo;&laquo;&nbsp;&Eacute;bauche &raquo;, Zola &eacute;crit&nbsp;: &laquo;&nbsp;<u>Tout le drame soit se passer sans &eacute;clat, sous la chair, une furieuse lutte &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur et la surface calme, polie, comme dans la vie de tous les jours</u>&nbsp;&raquo; (soulign&eacute; dans le texte, N.a.f., Ms. 10318, f˚ 505).</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Henri Mitterand,&nbsp;<em>Zola. L&rsquo;histoire et la fiction</em>, Paris, PUF, &laquo; &Eacute;crivains &raquo;, 1990, p.&nbsp;142.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;&Eacute;mile Zola, Dossier pr&eacute;paratoire de&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, &laquo; &Eacute;bauche &raquo;, N.a.f., Ms. 10318, f˚&nbsp;501.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;&Eacute;mile Zola,&nbsp;<em>Une page d&rsquo;amour&nbsp;</em>[1878], Paris, Classiques Garnier, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;&raquo;, 2021, p.&nbsp;71. D&eacute;sormais, toutes les citations tir&eacute;es du roman renvoient &agrave; cette &eacute;dition. Les num&eacute;ros de page appa&icirc;tront entre parenth&egrave;ses &agrave; la suite de celles-ci.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Jean-Fran&ccedil;ois Bordron, &laquo;&nbsp;Temps et discours. R&eacute;flexions sur la tectonique du temps &raquo;, dans Denis Bertrand et Jacques Fontanille (dir.),&nbsp;<em>R&eacute;gimes s&eacute;miotiques</em>, Paris, PUF, &laquo; Formes s&eacute;miotiques &raquo;, 2006, p. 51.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Lettre de Zola &agrave; J.K. Huysmans (3 ao&ucirc;t 1877),&nbsp;<em>Correspondance</em>, publi&eacute;e sous la direction de B.H. Bakker, t.&nbsp;III (1877-1880), Montr&eacute;al / Paris, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; de Montr&eacute;al / &Eacute;ditions du CNRS, 1982.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;&Eacute;mile Zola, Dossier pr&eacute;paratoire d&rsquo;<em>Une page d&rsquo;amour</em>, &laquo; &Eacute;bauche&nbsp;&raquo;, N.a.f., Ms. 10318, f<sup>os</sup>&nbsp;494-495.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Lettre &agrave; Van Santen Kolf, M&eacute;dan (8 juin 1892),&nbsp;<em>Correspondance</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit</em>.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;Lettre &agrave; Huysmans (3 ao&ucirc;t 1877),&nbsp;<em>ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;La pendule sonna une heure&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;La demie sonna&nbsp;&raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Le balancier avait un battement affaibli &raquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Quand deux heures sonn&egrave;rent&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Gustave Nicholas-Fisher,&nbsp;<em>L&rsquo;exp&eacute;rience du malade</em>, Paris, Dunod, &laquo; Sant&eacute; sociale&nbsp;&raquo;, 2009.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p.&nbsp;69.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Jean-Louis Caban&egrave;s,&nbsp;<em>Le Corps et la Maladie dans les r&eacute;cits r&eacute;alistes (1856-1893)</em>, Gen&egrave;ve Klincksieck, 1991, p. 198.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Maurice Merleau-Ponty,&nbsp;<em>Ph&eacute;nom&eacute;nologie de la perception</em>, Paris, Gallimard, 1945, p.&nbsp;475.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;489.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Elles se rapprochent de ce point de vue de la p&eacute;riode dite liminaire des rites de passage durant laquelle l&rsquo;initi&eacute;.e subit diverses mutations. Voir Arnold Van Gennep dans son ouvrage&nbsp;<em>Les Rites de passage</em>&nbsp;(Paris, Picard, 1981 [1909]) qui montre que le rite de passage se sc&eacute;narise en trois phases&nbsp;: 1. de s&eacute;paration&nbsp;; 2. de latence ou phase liminaire&nbsp;; 3.&nbsp;d&rsquo;agr&eacute;gation.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;On pense bien s&ucirc;r au personnage liminaire tel que d&eacute;fini par Marie Scarpa dans son article fondateur, qui insiste sur l&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;entre-deux de l&rsquo;individu en position liminale, ainsi &laquo;&nbsp;c&rsquo;est l&rsquo;ambivalence qui le caract&eacute;rise d&rsquo;une certaine mani&egrave;re le mieux&nbsp;: il n&rsquo;est d&eacute;finissable ni par son statut ant&eacute;rieur ni par le statut qui l&rsquo;attend tout comme il prend d&eacute;j&agrave;, &agrave; la fois, un peu des traits de chacun de ces &eacute;tats. &raquo; Durant cette phase, l&rsquo;individu peut donc &ecirc;tre symboliquement homme et femme, vieux et jeune, vivant et mort, etc. Le personnage de Jeanne partage avec le personnage liminaire cette ambivalence d&rsquo;&eacute;tat. Voir &laquo;&nbsp;Le personnage liminaire&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Romantisme</em>, n&deg;&nbsp;145, 2009/3, p.&nbsp;25-35.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Cette s&eacute;pulture rejoint &eacute;galement la vocation de l&rsquo;&eacute;glise Saint-Augustin qui devait abriter, &agrave; la demande de Napol&eacute;on&nbsp;III, les s&eacute;pultures des princes de la famille imp&eacute;riale. Quant &agrave; l&rsquo;Op&eacute;ra, il est b&acirc;ti &agrave; l&rsquo;issue d&rsquo;un attentat manqu&eacute; contre l&rsquo;Empereur et sa femme &agrave; l&rsquo;Op&eacute;ra Le Peletier. Dans les deux cas, ces monuments ont partie li&eacute;e avec l&rsquo;Empire &eacute;videmment, mais aussi avec la mort de ses repr&eacute;sentants</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Devant la tombe de Jeanne, H&eacute;l&egrave;ne &laquo; restait seule, il lui semblait qu&rsquo;une page de sa vie &eacute;tait arrach&eacute;e &raquo; (p.&nbsp;337).</p> <h3>Autrice</h3> <p><strong>V&eacute;ronique Cnockaert</strong>&nbsp;est professeure au D&eacute;partement d&rsquo;&Eacute;tudes litt&eacute;raires de l&rsquo;Universit&eacute; du Qu&eacute;bec &agrave; Montr&eacute;al. Elle est sp&eacute;cialiste du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et particuli&egrave;rement de l&rsquo;&oelig;uvre de Zola et du Naturalisme (&eacute;dition d&rsquo;<em>Une Page d&rsquo;amour</em>&nbsp;de Zola, Paris, Garnier, 2021&nbsp;; &eacute;dition de&nbsp;<em>Ren&eacute;e Mauperin&nbsp;</em>des Goncourt, Paris, Honor&eacute; Champion, 2017&nbsp;;&nbsp;&eacute;dition comment&eacute;e d&rsquo;<em>Au Bonheur des Dames</em>, Paris, Gallimard, &laquo; Folioth&egrave;que &raquo;, 2007). Elle s&rsquo;int&eacute;resse &eacute;galement aux rapports entre litt&eacute;rature et ethnologie, et elle a publi&eacute; en collaboration avec Marie Scarpa et Jean-Marie Privat (Universit&eacute; de Lorraine &agrave; Metz) une&nbsp;<em>Anthologie de l&rsquo;ethnocritique</em>&nbsp;(Presses de l&rsquo;Universit&eacute; du Qu&eacute;bec, 2011).</p> <p><strong>Copyright</strong></p> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>