<h3>Abstract</h3> <p>From now on the computer is an integral part of our everyday life and the internet has transformed our relationship with time and space as well as our way of thinking and acting. It became a literary object. Between 2009 and 2012 several French and foreign novels, for the most part&nbsp; autofictional, questioned our daily use of new technologies, hesitating between fascination and rejection. They come to the conclusion that the Internet creates a new model of relationships and paint the portrait of the contemporary individual. Is the structure of novels modified? Does the literary writing carry the mark of the new media languages&nbsp;? How do web feeds influence classic prose ?</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Aujourd&rsquo;hui nous confions &agrave; notre ordinateur nos opinions, nos &eacute;motions, nos n&eacute;vroses, jusqu&rsquo;&agrave; notre &eacute;rotisme. L&rsquo;informatique n&rsquo;est plus seulement l&rsquo;affaire des grandes entreprises, l&rsquo;ordinateur est pr&eacute;sent dans chaque foyer ou presque, il fait partie int&eacute;grante de notre vie quotidienne et du paysage social ordinaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Notre modernit&eacute; est interactive / Le web s&rsquo;est empar&eacute; de nos vies / Cette techno-effervescence nous transforme&nbsp;&raquo;, lit-on sur la quatri&egrave;me de couverture du &laquo;&nbsp;twiller&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo; de Thierry Crouzet intitul&eacute;&nbsp;<em>La Quatri&egrave;me Th&eacute;orie&nbsp;</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. &Agrave; l&rsquo;heure &laquo;&nbsp;post-PC&nbsp;&raquo; des smartphones et tablettes, l&rsquo;ordinateur s&rsquo;est miniaturis&eacute;. Et nous entrons d&eacute;sormais dans l&rsquo;&egrave;re des&nbsp;<em>wearables</em>&nbsp;(Googleglass ou iWatch)&nbsp;: l&rsquo;homme s&rsquo;unit de plus en plus &eacute;troitement &agrave; la machine, qui se rapproche de notre peau. En 2016 la moiti&eacute; de la population de la terre&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;est connect&eacute;e &agrave; internet et il y a plus de deux milliards d&rsquo;utilisateurs de r&eacute;seaux sociaux dans le monde (dont plus d&rsquo;un milliard et demi d&rsquo;utilisateurs actifs de Facebook et 300 millions de Twitter&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>). Pour la jeune g&eacute;n&eacute;ration plus particuli&egrave;rement, les&nbsp;<em>digital natives</em>&nbsp;ou &laquo;&nbsp;g&eacute;n&eacute;ration Y&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&raquo;, l&rsquo;informatique est devenue une partie de la r&eacute;alit&eacute; pr&eacute;existante, internet est devenu le r&eacute;el. Il a progressivement transform&eacute; notre rapport &agrave; l&rsquo;espace et au temps, notre fa&ccedil;on de penser et d&rsquo;agir, modifi&eacute; nos pratiques cognitives et culturelles.&nbsp;</p> <h2>1. 2009-2012&nbsp;: l&rsquo;internet comme objet litt&eacute;raire<br /> &nbsp;</h2> <p>Alors comment faire de la litt&eacute;rature avec nos vies num&eacute;riques&nbsp;? L&rsquo;interrogation est au centre de plusieurs romans parus en France entre 2009 et 2012&nbsp;:&nbsp;<em>Fake</em>&nbsp;de Giulio Minghini,&nbsp;<em>Richard Yates</em>&nbsp;de Tao Lin, roman am&eacute;ricain,&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>&nbsp;de Camille Laurens,&nbsp;<em>Le Miracle</em>&nbsp;d&rsquo;Ariel Kenig,&nbsp;<em>Enjoy</em>&nbsp;de Solange Bied-Charreton.</p> <h3>1.1. Une litt&eacute;rature &laquo;&nbsp;affam&eacute;e de r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo;</h3> <p>Les quatre premiers romans cit&eacute;s sont autofictionnels et, conform&eacute;ment aux canons du genre, brouillent les fronti&egrave;res entre la vie et la fiction. Le genre de l&rsquo;autofiction par d&eacute;finition consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rimentation et &agrave; l&rsquo;invention de soi, &agrave; la qu&ecirc;te d&rsquo;une identit&eacute; se d&eacute;robant sans cesse, devait n&eacute;cessairement s&rsquo;interroger sur nos usages intimes du num&eacute;rique et les processus de mise en sc&egrave;ne de soi sur internet et les r&eacute;seaux sociaux.</p> <p>Julio Minghini est italien, mais il vit &agrave; Paris de son activit&eacute; de traducteur. Dans&nbsp;<em>Fake&nbsp;</em><a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, son premier roman, il relate une ann&eacute;e d&rsquo;addiction aux sites de rencontre &agrave; la suite d&rsquo;une s&eacute;paration douloureuse. Attir&eacute; par le slogan &laquo;&nbsp;la rencontre par affinit&eacute;s culturelles&nbsp;&raquo;, il choisit la plateforme&nbsp;pointscommuns.com&nbsp;et peu &agrave; peu se prend au jeu. Par souci de multiplier les occasions de liaison il s&rsquo;inscrit sur d&rsquo;autres sites comme Meetic ou AdopteUnMec, cr&eacute;e plusieurs profils (des&nbsp;<em>fakes</em>) et m&ecirc;me des profils f&eacute;minins, afin d&rsquo;&eacute;tudier les techniques de drague de ses concurrents. Le narrateur se transforme en un Casanova hypermoderne et&nbsp;<em>Fake</em>&nbsp;en une&nbsp;<em>Histoire de ma vie</em>.</p> <p>Dans&nbsp;<em>Romance nerveuse&nbsp;</em><a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;de Camille Laurens, l&rsquo;&eacute;crivain Laurence R., 46 ans, alias Camille L., est &agrave; Djerba, en vacances. Elle est obs&eacute;d&eacute;e par la parution prochaine chez son &eacute;diteur, Georges L., de&nbsp;<em>Dolorosa</em>, le roman d&rsquo;une cons&oelig;ur, dans lequel &laquo;&nbsp;la narratrice, sous forme de lamentation intime, pleure la perte de son fils, sa mort de papier&nbsp;&raquo; et qui reprend &laquo;&nbsp;presque textuellement certaines phrases de [son] propre r&eacute;cit,&nbsp;<em>Philippe</em>, &eacute;crit d&rsquo;un seul jet apr&egrave;s la mort de [son] fils, en 1994&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&raquo;. On se souvient en effet de cette affaire qui avait secou&eacute; en 2007 le monde des Lettres parisiennes&nbsp;: Camille Laurens avait accus&eacute; Marie Darrieussecq, auteur de&nbsp;<em>Tom est mort</em>, de &laquo;&nbsp;plagiat psychique&nbsp;&raquo; apr&egrave;s avoir relev&eacute; un certain nombre de ressemblances entre ce livre et son&nbsp;<em>Philippe</em>, les deux ouvrages &eacute;tant consacr&eacute;s &agrave; la mort d&rsquo;un b&eacute;b&eacute;. Les d&eacute;m&ecirc;l&eacute;s entre les deux auteurs &agrave; succ&egrave;s et la rupture de Camille Laurens avec son &eacute;diteur depuis dix-sept ans, Paul Otchakovsky-Laurens, constituent donc, entre restitution et transformation, l&rsquo;arri&egrave;re-plan de&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>. Le livre inaugure le retour &agrave; l&rsquo;&eacute;criture de Camille Laurens apr&egrave;s des mois d&rsquo;affrontements, au cours desquels elle a &eacute;t&eacute; incapable de se consacrer &agrave; la litt&eacute;rature. Il relate la liaison improbable entre Luc, paparazzi, personnage grossier, d&eacute;sinvolte et cynique, et Laurence, agr&eacute;g&eacute;e, &eacute;crivain. Leur relation est ins&eacute;parable des nouvelles technologies&nbsp;: SMS, mails et posts sur les r&eacute;seaux sociaux donnent le ton et le rythme.</p> <p>Tao Lin, auteur new-yorkais d&rsquo;origine ta&iuml;wanaise, nous raconte, dans son deuxi&egrave;me ouvrage&nbsp;<em>Richard Yates&nbsp;</em><a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;publi&eacute; en 2012, la relation de deux jeunes gens&nbsp;qui ont fait connaissance sur internet. Le titre du roman, qui fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un auteur r&eacute;put&eacute; pour ses descriptions d&eacute;senchant&eacute;es de la classe moyenne am&eacute;ricaine du milieu du xx<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, fonctionne comme un symbole et un programme&nbsp;: explorer le pr&eacute;sent et l&rsquo;effet des mutations technologiques sur les relations entre les &ecirc;tres (&laquo;&nbsp;Il a pos&eacute; son t&eacute;l&eacute;phone portable &agrave; c&ocirc;t&eacute; d&rsquo;un roman de Richard Yates dont il se servait de tapis de souris&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;). Dakota Fanning, 16 ans, et Haley Joel Osment, 21 ans, portent les noms de deux enfants stars d&rsquo;Hollywood, en guise de clin d&rsquo;&oelig;il aux pseudos utilis&eacute;s sur les r&eacute;seaux sociaux. Ils appartiennent &agrave; la classe moyenne et habitent dans le New Jersey et &agrave; New-York. Lui est biblioth&eacute;caire, elle lyc&eacute;enne. Leurs conversations sur le chat Gmail et les r&eacute;seaux sociaux r&eacute;v&egrave;lent le vide existentiel de notre &eacute;poque&nbsp;: ils n&rsquo;ont rien &agrave; se dire, tout au plus des banalit&eacute;s sur leur ennui et leur mal de vivre. Dans plusieurs entretiens, Tao Lin parle d&rsquo;&laquo;&nbsp;une histoire autobiographique bas&eacute;e sur [sa] vie&nbsp;&raquo;. Il a d&rsquo;ailleurs d&ucirc; affronter les attaques sur Twitter de son ancienne compagne, Ellen Kennedy, l&rsquo;accusant d&rsquo;avoir copi&eacute;-coll&eacute; ses mails dans le roman.</p> <p>Ariel Kenig raconte lui aussi, dans&nbsp;<em>Le Miracle&nbsp;</em><a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>, une histoire largement v&eacute;cue. L&rsquo;autofiction s&rsquo;invite ici dans le domaine social et politique&nbsp;: l&rsquo;auteur s&rsquo;int&eacute;resse aux normes sociales sur le Net et analyse le rapport aux images. Gr&acirc;ce &agrave; Estelle, une connaissance retrouv&eacute;e sur Facebook, Ariel entre en possession de photos repr&eacute;sentant le fils de Nicolas Sarkozy, Pierre, en vacances au Br&eacute;sil. On y voit le fils du pr&eacute;sident f&ecirc;ter le nouvel an dans une ambiance tr&egrave;s &laquo;&nbsp;nouveau riche&nbsp;&raquo;, entre yacht et champagne&nbsp;: &laquo;&nbsp;ce que je recoupai avec l&rsquo;anecdote selon laquelle Pierre Sarkozy y avait fr&ocirc;l&eacute; la mort&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;miraculeusement&nbsp;&raquo; &eacute;chapp&eacute; &agrave; de terribles coul&eacute;es de boue ayant fait par ailleurs et selon les m&eacute;dias 70 victimes. Ariel tente de monnayer ces photos aupr&egrave;s de journaux&nbsp;<em>people</em>. Il finit toutefois par s&rsquo;apercevoir que les fameuses photos apparaissent tout bonnement sur le compte Facebook de Pierre Sarkozy. Le narrateur usant d&rsquo;une fausse identit&eacute; parvient &agrave; les faire effacer par son propri&eacute;taire.</p> <p>Contre toute attente donc, ces romans n&rsquo;appartiennent ni au genre du techno polar ni &agrave; celui de l&rsquo;anticipation. Plus g&eacute;n&eacute;ralement, ils t&eacute;moignent, en tant que textes autofictionnels, de l&rsquo;usure actuelle des proc&eacute;d&eacute;s romanesques, dans la lign&eacute;e de l&rsquo;ouvrage-manifeste de David Shields&nbsp;<em>Reality Hunger&nbsp;</em><a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;en faveur d&rsquo;une litt&eacute;rature &laquo;&nbsp;affam&eacute;e de r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo;. Aussi, dans&nbsp;<em>Le Miracle</em>&nbsp;ou&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>, les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; des personnalit&eacute;s r&eacute;elles sont-elles fr&eacute;quentes, &agrave; Nicolas Sarkozy en particulier, &laquo;&nbsp;athl&egrave;te-VRP&nbsp;&raquo; d&rsquo;un monde de &laquo;&nbsp;consommation outranci&egrave;re, de marchandisation mondialis&eacute;e&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;avec ses R0lex et son remariage express&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;&raquo;, Sarkozy &laquo;&nbsp;lisant ses SMS pendant l&rsquo;audience avec le pape&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; l&rsquo;heure des r&eacute;seaux sociaux, on veut des histoires vraies, des romans qui se nourrissent du v&eacute;cu, &agrave; rebours d&rsquo;une conception aristocratique de la litt&eacute;rature. Le premier chapitre du&nbsp;<em>Miracle</em>&nbsp;d&rsquo;Ariel Kenig se pr&eacute;sente comme un petit opuscule sociologique, une histoire intime d&rsquo;internet&nbsp;: sa naissance (&laquo;&nbsp;Fin des ann&eacute;es 1990, le raccordement d&rsquo;un modem &agrave; la ligne t&eacute;l&eacute;phonique de notre foyer cr&eacute;a l&rsquo;espoir et la crainte de nouvelles modalit&eacute;s d&rsquo;existence qui &eacute;chappaient &agrave; nos imaginations&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;) et l&rsquo;apparition des diff&eacute;rents r&eacute;seaux sociaux (&laquo;&nbsp;En 2003, Myspace proposa &agrave; chaque utilisateur de modeler une page internet personnelle selon ses comp&eacute;tences technologiques et ses go&ucirc;ts, ce qui fut rapidement discriminant [&hellip;]. Personnaliser sa page requ&eacute;rait de s&eacute;rieuses qualifications, classer ses contacts par hit-parade posait probl&egrave;me &agrave; l&rsquo;amiti&eacute;, penser sa propre image devenait encombrant. Facebook prit acte de ces inconv&eacute;nients et inaugura sa version publique courant 2006. Alors que l&rsquo;invention d&rsquo;internet nous semblait d&eacute;j&agrave; loin, ce r&eacute;seau social simplifiait la gestion de nos &ldquo;profils&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;&raquo;). Le narrateur analyse les mots&nbsp;de l&rsquo;informatique&nbsp;: &laquo;&nbsp;murs&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;photo de profil&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;posts&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute; augment&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;. Ariel Kenig n&rsquo;&eacute;crit pas un roman d&rsquo;anticipation, prospectif, mais cherche &agrave; comprendre la r&eacute;volution technologique que nous vivons depuis vingt ans et ses implications dans le r&eacute;el&nbsp;: &laquo;&nbsp;Longtemps sans visage, le futur annonc&eacute; &eacute;tait enfin l&agrave;&nbsp;: dans l&rsquo;abstraction d&rsquo;immenses centres de donn&eacute;es qui ne se visitaient pas&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>En revanche, pas de projet autofictionnel dans<em>&nbsp;Enjoy&nbsp;</em><a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;de Solange Bied-Charreton. Ce premier roman est centr&eacute; sur le personnage de Charles Val&eacute;rien, qui a h&eacute;rit&eacute; &agrave; 24 ans de l&rsquo;appartement de sa marraine. Il vient d&rsquo;entrer dans la vie active, a fait l&rsquo;acquisition de meubles sur internet et se filme en train d&rsquo;am&eacute;nager. Sa vie tourne autour du r&eacute;seau social ShowYou, sur lequel il est imp&eacute;ratif de poster une vid&eacute;o par semaine si l&rsquo;on ne veut pas en &ecirc;tre exclu. Il rencontre Anne-Laure Bagnolet, &eacute;tudiante &agrave; la Sorbonne et qui n&rsquo;a pas de compte Show You. Charles alors d&eacute;couvre qu&rsquo;il existe un monde en dehors du r&eacute;seau, tombe amoureux d&rsquo;une vraie personne et non d&rsquo;une photographie. Dans&nbsp;<em>Enjoy&nbsp;</em>toutefois, R&eacute;my Gauthrin, l&rsquo;auteur admir&eacute; par Anne-Laure Bagnolet, pratique l&rsquo;autofiction, construisant &laquo;&nbsp;un triptyque original o&ugrave; se chevauchent&nbsp;&ldquo;le temps r&eacute;el&rdquo; et le &ldquo;temps du d&eacute;sir&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;. Une affaire de plagiat l&rsquo;oppose &agrave; un certain Pierre Fran&ccedil;ois-Wood, ce dernier l&rsquo;accusant d&rsquo;avoir utilis&eacute; un &eacute;change d&rsquo;e-mails confidentiel afin de nourrir le dialogue entre deux personnages d&rsquo;un de ses romans.</p> <p>Dans ces romans, Internet n&rsquo;est pas seulement le cadre dans lequel &eacute;voluent les personnages et le moyen de construire un univers r&eacute;f&eacute;rentiel, il est aussi plac&eacute; au centre des r&eacute;cits et trait&eacute; comme un v&eacute;ritable sujet romanesque, l&rsquo;objectif &eacute;tant d&rsquo;explorer les effets des mutations technologiques sur les relations entre les &ecirc;tres, relations d&rsquo;amiti&eacute; ou relations amoureuses. Ces pratiques d&rsquo;&eacute;criture h&eacute;sitent entre fascination et rejet des nouvelles technologies&nbsp;: nous voudrions donc &eacute;tudier ce qui se passe lorsqu&rsquo; internet devient un mat&eacute;riau romanesque, lorsqu&rsquo;il se m&ecirc;le &eacute;troitement &agrave; la trame du roman et &agrave; celle de notre quotidien.</p> <h3>1.2. Une litt&eacute;rature g&eacute;n&eacute;rationnelle</h3> <p>La vie de Charles Val&eacute;rien, le h&eacute;ros de&nbsp;<em>Enjoy</em>&nbsp;de Solange Bied-Charreton, est organis&eacute;e autour du r&eacute;seau social ShowYou. Dans le roman d&rsquo;Ariel Kenig,&nbsp;<em>Le Miracle</em>, on croise une prostitu&eacute;e de la rue Saint-Denis fanatique de Twitter, des personnages entretenant des liens d&rsquo;amiti&eacute; virtuels et prenant des photos avec leur Iphone 4 pour les poster sur Facebook &laquo;&nbsp;par souci houellebecquien&nbsp;&raquo;, une professeure agr&eacute;g&eacute;e de lettres que ses &eacute;l&egrave;ves consid&egrave;rent comme &laquo;&nbsp;une version infaillible de Wikip&eacute;dia&nbsp;&raquo;. Dans&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>, Laurence R. tombe sous le charme de Luc M., paparazzi particuli&egrave;rement d&eacute;pendant des paradis virtuels d&rsquo;internet, de ce monde d&eacute;cuplant les possibilit&eacute;s dans tous les domaines, dans le domaine sexuel en particulier. Les sites de rencontre et leur impact sur les relations amoureuses constituent le sujet principal de&nbsp;<em>Fake</em>. Les deux jeunes h&eacute;ros de&nbsp;<em>Richard Yates</em>, premier roman de Tao Lin traduit en France, font connaissance sur le chat Gmail&nbsp;et leur histoire d&rsquo;amour grandit au rythme des mails et des sms &eacute;chang&eacute;s. Les auteurs ici &eacute;voqu&eacute;s dressent le portrait d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ration &eacute;lev&eacute;e au num&eacute;rique&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;et se font les scribes de leur temps&nbsp;: tous ou presque d&rsquo;ailleurs appartiennent aux g&eacute;n&eacute;rations X (selon la classification de William Strauss et Neil Howe, les Occidentaux n&eacute;s entre 1966 et 1976) ou Y (les jeunes n&eacute;s entre 1976 et 2000). Giulio Minghini est n&eacute; en 1972&nbsp;; il appartient &agrave; cette g&eacute;n&eacute;ration de transition, g&eacute;n&eacute;ration X, marqu&eacute;e par d&rsquo;innombrables progr&egrave;s technologiques, notamment l&rsquo;apparition d&rsquo;internet.&nbsp;<em>Fake</em>&nbsp;a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s soutenu sur Facebook lors de sa sortie en 2009. Sur buzz-litt&eacute;raire.com (&laquo;&nbsp;Les livres, de bouche &agrave; oreille&nbsp;&raquo;), le livre est class&eacute; dans la rubrique &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature g&eacute;n&eacute;rationnelle&nbsp;&raquo;. Il appara&icirc;t dans une liste d&rsquo;ouvrages du m&ecirc;me type&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>, comme par exemple le&nbsp;<em>Jpod&nbsp;</em><a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>&nbsp;de Douglas Coupland, roman sur le monde des geeks (paru en 2006 et traduit en fran&ccedil;ais en 2010) ou le livre de Ben Mezrich sur Mark Zuckerberg,&nbsp;<em>The Accidental Billionaires, The Founding of Facebook&nbsp;</em><a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a><em>,</em>&nbsp;appartenant au genre typiquement am&eacute;ricain de la &laquo;&nbsp;narrative non-fiction&nbsp;&raquo;.&nbsp;Solange Bied (1982), Tao Lin et Ariel Kenig (1983) appartiennent &agrave; la g&eacute;n&eacute;ration Y, pour laquelle les technologies de l&rsquo;information et de la communication font partie du contexte comme une &eacute;vidence ind&eacute;niable&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>. Solange Bied-Charreton (sur Twitter @Solange BCh) a tenu un blog litt&eacute;raire pendant cinq ans et a travaill&eacute; dans le web marketing o&ugrave; elle faisait de la veille de mots sur Goggle. Tao Lin, lui aussi tr&egrave;s actif sur Twitter (@tao_lin) et sur Facebook, est consid&eacute;r&eacute; comme le h&eacute;raut d&rsquo;une nouvelle g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;auteurs dont la notori&eacute;t&eacute; a &eacute;t&eacute; acquise sur la Toile, un pur produit de la &laquo;&nbsp;blogosph&egrave;re&nbsp;&raquo;.</p> <p>Camille Laurens est ici un cas &agrave; part. &laquo;&nbsp;Je dois reconna&icirc;tre que je passe beaucoup de temps sur Internet, parce que c&rsquo;est un terrain d&rsquo;observation, on apprend &eacute;norm&eacute;ment&nbsp;&raquo;, confiait-elle le 15 janvier dernier &agrave; Claire Devarrieux, journaliste &agrave;&nbsp;<em>Lib&eacute;ration</em>. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; des jeunes auteurs cit&eacute;s pr&eacute;c&eacute;demment, elle fait figure d&rsquo;auteur confirm&eacute;, voire de r&eacute;f&eacute;rence, &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;une quinzaine de livres, autofictionnels depuis 1994, et laur&eacute;ate de plusieurs prix litt&eacute;raires. N&eacute;e en 1957, elle appartient &agrave; la g&eacute;n&eacute;ration des&nbsp;<em>baby-boomers</em>&nbsp;: son double dans&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>, agr&eacute;g&eacute;e de lettres comme elle<em>,&nbsp;</em>s&rsquo;&eacute;prend d&rsquo;un homme de dix ans son cadet, Luc, personnage &laquo;&nbsp;ultra-contemporain&nbsp;&raquo;, voleur d&rsquo;images franco-russo-polonais, d&eacute;sinvolte et cynique, alternant grossi&egrave;ret&eacute; et &eacute;l&eacute;gance. Laurence et Luc forment un couple totalement d&eacute;sassorti, mais pour pouvoir le suivre, lui qui est devenu pour elle le personnage de son futur roman, elle est oblig&eacute;e de s&rsquo;adapter &agrave; sa fa&ccedil;on de vivre et notamment &agrave; son utilisation massive et permanente des r&eacute;seaux sociaux.</p> <h3>1.3. Banalisation des pratiques informatiques et d&rsquo;internet</h3> <p>La place d&rsquo;internet dans la vie des gens est de plus en plus centrale, il est intimement li&eacute; &agrave; la trame de leur quotidien, fait partie du paysage social ordinaire, concerne tous types de cat&eacute;gories sociales ou culturelles. Parall&egrave;lement s&rsquo;installe une routinisation des usages de l&rsquo;informatique (recherche d&rsquo;information, achats en ligne, consultation de la messagerie, communication via des messageries instantan&eacute;es ou des forums de discussion). Dans leur grande majorit&eacute;, les utilisateurs acc&egrave;dent &agrave; la Toile &agrave; partir de leur micro-ordinateur. Mais depuis quelques ann&eacute;es, de nouveaux supports (<em>smartphone</em>,&nbsp;<em>netbook</em>, tablette, lecteur MP3, livre &eacute;lectronique, etc.) se sont d&eacute;velopp&eacute;s et permettent d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; internet en dehors de chez soi ou de son lieu de travail.</p> <p>Dans le roman de Camille Laurens les personnages passent une grande partie de leur temps assis devant leur ordinateur &agrave; lire leurs messages, &agrave; surfer sur internet&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Tu t&rsquo;allumais une cigarette ou tu te roulais un p&eacute;tard, tu te faisais un caf&eacute; ou tu t&rsquo;ouvrais une bi&egrave;re. Assis devant ton ordinateur, tu regardais tes messages, les blagues que t&rsquo;envoyaient tes coll&egrave;gues rest&eacute;s en Am&eacute;rique ou les photos pornos que te forwardait ton fr&egrave;re Christian. Tu survolais des sites d&rsquo;actualit&eacute;s en fran&ccedil;ais ou en anglais, tu cliquais sur des informations insolites, des anecdotes incroyables, des chansons nouvelles&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.</p> </blockquote> <p>Surfer sur internet est une occupation quotidienne, d&rsquo;une grande banalit&eacute; (&laquo;&nbsp;Je tra&icirc;nais ce soir-l&agrave; sur internet en attendant Eric&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;). Dans&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>, Luc pratique la drague sur Meetic pour tromper l&rsquo;ennui, habiter le vide. Plusieurs sites sont mentionn&eacute;s, des sites de rencontre mais aussi un site d&rsquo;h&eacute;bergement gratuit pour routards, Couchsurfing, le site des Bookmakers o&ugrave; les paris de toutes sortes font rage, le site Copainsdavant. L&rsquo;ordinateur, utilis&eacute; pour parcourir les r&eacute;seaux sociaux, ouvre une gamme de gestuelles qui apparaissent comme machinales (&laquo;&nbsp;Une fois assis devant l&rsquo;ordinateur, mes doigts composent &agrave; pr&eacute;sent automatiquement, comme aimant&eacute;s, pseudo et mot de passe&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>&nbsp;&raquo;), li&eacute;es &agrave; des situations de solitude (&laquo;&nbsp;Lorsque l&rsquo;insomnie &eacute;tait trop forte, je m&rsquo;ab&icirc;mais, sur Internet, dans de longues parties d&rsquo;&eacute;checs contre des adversaires invisibles&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;), pratiques r&eacute;p&eacute;titives, codifi&eacute;es, actions presque ritualis&eacute;es.</p> <h2>2. La construction de l&rsquo;identit&eacute; &agrave; l&rsquo;&egrave;re des r&eacute;seaux<br /> &nbsp;</h2> <p>Ces romans dressent tous un portrait de l&rsquo;individu ultra contemporain ou &laquo;&nbsp;hypermoderne&nbsp;&raquo;, pour reprendre l&rsquo;expression de Nicole Aubert&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;dans le titre de l&rsquo;ouvrage qu&rsquo;elle a dirig&eacute; en 2006&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>, le pr&eacute;fixe &laquo;&nbsp;hyper&nbsp;&raquo; renvoyant &agrave; l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une &laquo;&nbsp;modernit&eacute; exacerb&eacute;e&nbsp;&raquo; o&ugrave; tout est pouss&eacute; &agrave; l&rsquo;exc&egrave;s, consommation, concurrence, recherche de jouissance, violence,</p> <blockquote> <p>[&hellip;] une modernit&eacute; dont la complexit&eacute; et la multiplicit&eacute; de facettes d&eacute;finiraient des individus profond&eacute;ment diff&eacute;rents de ceux qui les ont pr&eacute;c&eacute;d&eacute;s&nbsp;: des individus fonctionnant plus selon des logiques de trop plein ou de vide que selon un &eacute;quilibre harmonieux, tel qu&rsquo;il &eacute;tait sous-entendu, par exemple, dans le concept d&rsquo;&laquo; honn&ecirc;te homme &raquo;, aujourd&rsquo;hui pratiquement tomb&eacute; en d&eacute;su&eacute;tude&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>.</p> </blockquote> <p>La mondialisation impose toujours plus de flexibilit&eacute; et de r&eacute;activit&eacute;&nbsp;; l&rsquo;essor des technologies de la communication ne cesse de nourrir ce diktat. Notre rapport au corps, aux autres et surtout au temps s&rsquo;en trouve profond&eacute;ment modifi&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Notre rapport au temps est d&eacute;sormais sous-tendu par des exigences d&rsquo;urgence, d&rsquo;instantan&eacute;it&eacute;, d&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute;, de r&eacute;activit&eacute; constante, qui sont l&rsquo;aboutissement de la logique d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration qui impr&egrave;gne toute l&rsquo;histoire du capitalisme et qui ont &eacute;t&eacute; induites par l&rsquo;av&egrave;nement des nouvelles technologies de la communication et par la dictature du temps imm&eacute;diat qui sous-tend l&rsquo;&eacute;conomie&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.</p> </blockquote> <h3>2.1. L&rsquo;individu consommateur</h3> <p>L&rsquo;individu est devenu avant tout un consommateur, de biens mat&eacute;riels, mais aussi de sexe. Luc pratique la drague sur Meetic, ou Easyflirt&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Tu avalais les deux derniers sushis, tu regardais qui &eacute;tait encore en ligne &agrave; cette heure avanc&eacute;e, sur Easyflirt il y avait des filles qui souriaient gorge d&eacute;ploy&eacute;e en secouant d&rsquo;une main leurs cheveux d&rsquo;or mais tu n&rsquo;&eacute;tais pas inscrit, alors tu emplissais le formulaire de nouveau membre, il fallait un pseudo, tu n&rsquo;h&eacute;sitais pas longtemps, deux minutes plus tard, mecsympa sur la nuit en hurlant&nbsp;<em>Don&rsquo;t you cry tonight&nbsp;</em><a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>.</p> </blockquote> <p>Le personnage est tout entier investi dans l&rsquo;instant pr&eacute;sent, incapable de se projeter dans un futur &agrave; construire ou dans des valeurs de long terme, il a &laquo;&nbsp;mille id&eacute;es &agrave; l&rsquo;heure&nbsp;&raquo;, mais &laquo;&nbsp;s&rsquo;en&nbsp;d&eacute;tourne d&egrave;s qu&rsquo;il en a &eacute;puis&eacute; les virtualit&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;&raquo;. Il fixe difficilement son d&eacute;sir, son attention, ses sentiments&nbsp;; il est tout entier tendu vers la qu&ecirc;te de jouissances, dans la consommation excessive d&rsquo;&ecirc;tres et d&rsquo;objets&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Pourquoi se cantonner &agrave; un emploi, &agrave; une maison, &agrave; une femme, &agrave; un r&ecirc;ve, quand tout &eacute;tait possible &ndash; toutes les rencontres, tous les projets, toutes les exp&eacute;riences &ndash;, quand les id&eacute;es, les opinions, les visages s&rsquo;y bousculaient, spams tentateurs qu&rsquo;on pouvait d&eacute;cider d&rsquo;essayer, d&rsquo;adopter ou d&rsquo;effacer &ndash; update your penis plus jamais de dettes always be ready freep0rn0&nbsp;DVD &agrave; vous la jeunesse buy now Viagra Xanax huge love weapon incredible prices 80% off luxury R0lex&nbsp;&ndash; pour ne pas rater sa vie, pour r&eacute;ussir ses vies&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>.</p> </blockquote> <p>De m&ecirc;me le narrateur de&nbsp;<em>Fake</em>&nbsp;a l&rsquo;impression, sur pointcommuns.com, de voir d&eacute;filer sous ses yeux une succession de visages en promotion et ne vit que des rencontres &eacute;ph&eacute;m&egrave;res&nbsp;:</p> <blockquote> <p>J&rsquo;ai la sensation de pouvoir reproduire &agrave; l&rsquo;infini le vertige de la d&eacute;couverte et de ne vivre finalement que des &eacute;bauches de relations. Des d&eacute;buts qui fusent et s&rsquo;&eacute;teignent aussit&ocirc;t. Non pas une histoire qui se forme avec son lent alphabet d&rsquo;&eacute;motions, mais une esp&egrave;ce d&rsquo;&eacute;pilepsie sentimentale&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>.</p> </blockquote> <p>Tel un strat&egrave;ge marketing il &eacute;tudie les &laquo;&nbsp;facteurs de succ&egrave;s&nbsp;&raquo;, les &laquo;&nbsp;accroches&nbsp;&raquo; pour s&eacute;duire, comment augmenter sa &laquo;&nbsp;visibilit&eacute;&nbsp;&raquo;, sa &laquo;&nbsp;notori&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo; sur le site.</p> <h3>2.2. L&rsquo;individu flexible</h3> <p>Les rencontres sont br&egrave;ves, interchangeables et l&rsquo;individu qui les exp&eacute;rimente doit jongler avec son identit&eacute;, se constituer des personnalit&eacute;s multiples, devenir l&rsquo;architecte &eacute;lectronique de sa propre existence. Les romans du corpus relatent ces jeux avec les pseudos, les identit&eacute;s et les sexes, comme&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>&nbsp;par exemple&nbsp;: &laquo;&nbsp;Sur Meetic tu avais un message de Goldenboy pour Marquisedesanges [&hellip;] tu faisais suivre le message &agrave; ton fr&egrave;re Christian qui lui s&rsquo;&eacute;tait inscrit sous le pseudo f&eacute;minin de Mayalabeille&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&nbsp;&raquo; ou&nbsp;<em>Fake</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pour d&eacute;couvrir comment les gar&ccedil;ons s&rsquo;y prennent, j&rsquo;ai l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;inventer un personnage f&eacute;minin que j&rsquo;appelle MoanaP, du nom de Moana Pozzi, la plus grande star du porno italien, &agrave; peu pr&egrave;s inconnue en France. La photo que je choisis pour mon fant&ocirc;me est celle d&rsquo;une autre pornostar, une Fran&ccedil;aise d&rsquo;origine slave&nbsp;: Draghixa&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>.&nbsp;&raquo; On peut interpr&eacute;ter cette manipulation de soi dans la pratique des r&eacute;seaux sociaux comme pouvant s&rsquo;apparenter &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rimentation de soi&nbsp;pratiqu&eacute;e par l&rsquo;&eacute;crivain (en particulier l&rsquo;auteur d&rsquo;autofiction) dans l&rsquo;invention des personnages de ses &oelig;uvres&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je me surprends chaque jour davantage &agrave; parler par la voix de mes fakes. Je les fais r&eacute;agir les uns sur les commentaires des autres. Entre eux, ils tissent une correspondance nourrie dont je suis le lecteur, &agrave; la fois &eacute;mu et &eacute;merveill&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>.&nbsp;&raquo; Comme le com&eacute;dien, l&rsquo;internaute se glisse facilement dans la peau d&rsquo;un autre, se gorge d&rsquo;une identit&eacute; nouvelle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ressemble &agrave; un histrion tout le temps sur sc&egrave;ne&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>.&nbsp;&raquo; Internet deviendrait-il un espace o&ugrave; &eacute;laborer d&rsquo;autres possibles &agrave; rebours d&rsquo;un repli sur soi r&eacute;gressif, un lieu de d&eacute;ploiement de la richesse des individus&nbsp;? Sur ce point les opinions des sp&eacute;cialistes de la sociologie des r&eacute;seaux divergent. Magali Bessone&nbsp;constate par exemple &laquo;&nbsp;&agrave; quel point l&rsquo;internet fait l&rsquo;objet d&rsquo;un v&eacute;ritable culte qui s&rsquo;inscrit dans la c&eacute;l&eacute;bration de l&rsquo;utopie de la transparence et appelle de ses v&oelig;ux la cr&eacute;ation d&rsquo;un nouveau lien social fond&eacute; sur la s&eacute;paration des corps et l&rsquo;union des consciences&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <h3>2.3.&nbsp;Une utopie de la transparence et du voyeurisme g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;</h3> <p>Le psychiatre et psychanalyste Serge Tisseron, &eacute;tudiant la question de l&rsquo;intimit&eacute; contemporaine, a ainsi montr&eacute; dans son ouvrage&nbsp;<em>L&rsquo;Intimit&eacute; surexpos&eacute;e&nbsp;</em><a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>, que la soci&eacute;t&eacute; actuelle est anim&eacute;e de ce qu&rsquo;il nomme un d&eacute;sir d&rsquo;&laquo;&nbsp;extimit&eacute;&nbsp;&raquo; g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;un d&eacute;sir de repousser les limites de l&rsquo;intimit&eacute;. Le succ&egrave;s rencontr&eacute; par l&rsquo;&eacute;mission Loft Story &ndash; qui invitait le t&eacute;l&eacute;spectateur &agrave; s&rsquo;immiscer dans l&rsquo;intimit&eacute; d&rsquo;une dizaine de jeunes gens film&eacute;s en permanence &ndash; a r&eacute;v&eacute;l&eacute; l&rsquo;ampleur du ph&eacute;nom&egrave;ne, les inqui&eacute;tudes qu&rsquo;il suscite, et les nouvelles formes de relation &agrave; l&rsquo;identit&eacute; qui en d&eacute;coulent. Selon Serge Tisseron, le sujet contemporain attendrait que son intimit&eacute; soit valid&eacute;e par le regard d&rsquo;autrui&nbsp;et par cons&eacute;quent se trouve &laquo;&nbsp;enrichie&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Je propose d&rsquo;appeler extimit&eacute; le mouvement qui pousse chacun &agrave; mettre en avant une partie de sa vie intime, autant physique que psychique. Cette tendance est longtemps pass&eacute;e inaper&ccedil;ue bien qu&rsquo;elle soit essentielle &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre humain. Elle consiste dans le d&eacute;sir de communiquer &agrave; propos de son monde int&eacute;rieur&nbsp;[&hellip;]. Le d&eacute;sir d&rsquo;extimit&eacute; est en fait au service de la cr&eacute;ation d&rsquo;une intimit&eacute; plus riche&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>.</p> </blockquote> <p>L&rsquo;intime du sujet se trouve d&eacute;sormais hors de lui&nbsp;: pour exister il faut se faire voir, tout montrer, tout dire, dans un mouvement de &laquo;&nbsp;d&eacute;mocratisation de l&rsquo;intimit&eacute;&nbsp;&raquo;, selon l&rsquo;expression d&rsquo;Anthony Giddens&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>. Cette tendance a &eacute;t&eacute; encourag&eacute;e par l&rsquo;essor des nouvelles technologies et de la sociabilit&eacute; en r&eacute;seau. Les actions de Charles, dans&nbsp;<em>Enjoy</em>, sont totalement organis&eacute;es en fonction du regard des autres. Il ouvre sur le r&eacute;seau social ShowYou un album intitul&eacute;&nbsp;<em>Emm&eacute;nagement dans mon appart</em>&nbsp;qui permet &agrave; ses &laquo;&nbsp;complices virtuels&nbsp;&raquo; d&rsquo;assister semaine apr&egrave;s semaine &agrave; son installation&nbsp;(&laquo;&nbsp;Moi fatigu&eacute;, moi soulag&eacute;. Moi sous tous les angles. Moi avant, moi pendant, moi apr&egrave;s&nbsp;<a href="#_ftn46" name="_ftnref46">[46]</a>&nbsp;&raquo;) et de vivre sa vie par &eacute;cran interpos&eacute; (&laquo;&nbsp;Tout &eacute;tait mort, l&rsquo;&eacute;cran seul &eacute;tait la vie&nbsp;&raquo;). Au fil des jours, l&rsquo;album en ligne devient une activit&eacute; &agrave; part enti&egrave;re, aussi importante, si ce n&rsquo;est plus, que l&rsquo;emm&eacute;nagement de son appartement, puisque, comme l&rsquo;&eacute;crit Julio Minghini dans&nbsp;<em>Fake</em>, &laquo;&nbsp;nous habitons notre page comme on habite une maison. Nous la d&eacute;corons de mots et d&rsquo;images. Ici s&rsquo;&eacute;veillent et se reposent d&eacute;sormais nos sens et toutes nos pens&eacute;es. Le corps, lui n&rsquo;a plus de domicile fixe&nbsp;<a href="#_ftn47" name="_ftnref47">[47]</a>&nbsp;&raquo;. Mais la rencontre de Charles Val&eacute;rien avec Anne-Laure Bagnolet, vingt-deux ans, parisienne, bouleverse son existence&nbsp;; Marie-Laure en effet n&rsquo;est pas inscrite sur ShowYou&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;en croyais pas mes yeux. Mes yeux, qui ne voyaient rien en dehors de l&rsquo;&eacute;cran, l&rsquo;avaient vue, pourtant. Pourquoi cette &eacute;viction suicidaire&nbsp;? Pourquoi ne pas vouloir exister sur internet&nbsp;? [&hellip;] Mes yeux qui ne voyaient rien avaient rencontr&eacute; une fille qui n&rsquo;existait pas&nbsp;<a href="#_ftn48" name="_ftnref48">[48]</a>.&nbsp;&raquo; Peu &agrave; peu Charles, parangon d&rsquo;une &eacute;poque &laquo;&nbsp;magn&eacute;tis&eacute;e par l&rsquo;exhibitionnisme de l&rsquo;homme ordinaire&nbsp;<a href="#_ftn49" name="_ftnref49">[49]</a>&nbsp;&raquo;, prend conscience de la &laquo;&nbsp;disponibilit&eacute; exponentielle&nbsp;&raquo; que lui impose le r&eacute;seau et de son addiction au fil des actualit&eacute;s, dont pourtant la vacuit&eacute; est sid&eacute;rante&nbsp;:</p> <blockquote> <p>R&eacute;guli&egrave;rement on nous informait&nbsp;: Th&eacute;o ne dormait pas parce qu&rsquo;il avait envie de vomir&nbsp;; Filibert rentrait d&rsquo;une teuf&nbsp;; Laetitia faisait des c&acirc;lins &agrave; son copain&nbsp;; Peter depuis Frisco s&rsquo;en allait poser des fers &agrave; ses Weston&nbsp;; pour les cousines qu&eacute;b&eacute;coises c&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;heure de&nbsp;<em>souper</em>&nbsp;; Perrine venait d&rsquo;&ecirc;tre maman pour la premi&egrave;re fois&nbsp;<a href="#_ftn50" name="_ftnref50">[50]</a>.</p> </blockquote> <p>Peut-on encore s&rsquo;extraire de ce monde ultraconnect&eacute;, avec son flux ininterrompu de partages, de cette grande conversation en continu et de cette mise en spectacle de soi ? Sans possibilit&eacute; de repli, satur&eacute; d&rsquo;un lien social devenu exasp&eacute;rant, il est de plus en plus difficile pour l&rsquo;individu contemporain de &laquo;&nbsp;dispara&icirc;tre de soi&nbsp;<a href="#_ftn51" name="_ftnref51">[51]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Pouvait-on encore dispara&icirc;tre&nbsp;? [&hellip;] On nous retrouvait sur internet via nos CV en ligne. On voulait nous savoir en bonne sant&eacute; et l&rsquo;on voulait s&rsquo;assurer de notre mort. Alors on nous traquait aussi sur des vid&eacute;os de cardiotraining post&eacute;es sur notre ShowRoom, &agrave; partir desquelles on d&eacute;comptait nos battements de c&oelig;ur&nbsp;<a href="#_ftn52" name="_ftnref52">[52]</a>&nbsp;.</p> </blockquote> <p>&Agrave; force d&rsquo;extension le domaine de l&rsquo;intimit&eacute; finit par dispara&icirc;tre et ses contours se confondent avec ceux du jeu social&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Tu te zappais sans cesse, c&rsquo;&eacute;tait une&nbsp;<em>identity in progress</em>, &ccedil;a bougeait tout le temps, le petit oiseau n&rsquo;arr&ecirc;tait pas de sortir alors qu&rsquo;il aurait fallu rentrer un peu en soi-m&ecirc;me &ndash; mais c&rsquo;&eacute;tait o&ugrave;&nbsp;? L&rsquo;&ecirc;tre n&rsquo;avait pas de maison [&hellip;]. L&rsquo;&ecirc;tre n&rsquo;avait qu&rsquo;un mobile home, chaque instant v&eacute;cu emportait le pr&eacute;c&eacute;dent comme les bornes du chemin&nbsp;<a href="#_ftn53" name="_ftnref53">[53]</a>.</p> </blockquote> <p>Le personnage de Luc &laquo; incarne notre soci&eacute;t&eacute; de l&rsquo;exhibitionnisme et du voyeurisme d&eacute;complex&eacute;s&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le paparazzi, c&rsquo;est la version d&eacute;voy&eacute;e du journaliste, du photographe et du d&eacute;tective, un id&eacute;al ab&acirc;tardi d&rsquo;art et de v&eacute;rit&eacute; au service d&rsquo;un monde superficiel et frivole. C&rsquo;est la forme moderne et urbaine de l&rsquo;aventurier, qui aime l&rsquo;action, la comp&eacute;tition, l&rsquo;argent et flirte toujours avec les limites de la loi. &Agrave; cet &eacute;gard, il est embl&eacute;matique de notre &eacute;poque&nbsp;<a href="#_ftn54" name="_ftnref54">[54]</a>.</p> </blockquote> <p>L&rsquo;&ecirc;tre de Luc habite son ordinateur, comme pour le Charles Val&eacute;rien de&nbsp;<em>Enjoy</em>, et c&rsquo;est en cliquant sur la barre de navigation de son &eacute;cran que Camille L. a acc&egrave;s &agrave; &laquo;&nbsp;la carte de son pays int&eacute;rieur&nbsp;&raquo;, en d&eacute;pliant son historique&nbsp;<a href="#_ftn55" name="_ftnref55">[55]</a>&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Il y avait des journ&eacute;es ordinaires, d&rsquo;autres qui ressemblaient &agrave; la cervelle d&rsquo;un fou, o&ugrave; se t&eacute;lescopaient d&rsquo;une seconde &agrave; l&rsquo;autre des mots d&eacute;pareill&eacute;s, des id&eacute;es sans suite, 9h07 voiture air puls&eacute; 9h10 calendrier inca 9h15 autofiction 9h20 Amaury Troyon 9h23 long lens ethernet cam 9h28 label bio 9h40 h&eacute;patite 10h02 manger Tex Mex. Les obsessions de Luc y revenaient de fa&ccedil;on compulsive &ndash; juif conspiration 11-Septembre on n&rsquo;a pas march&eacute; sur la Lune MAM dossiers secrets Coluche assassin&eacute; fin du monde -, des mots r&eacute;currents, isol&eacute;s, se d&eacute;tachaient sur l&rsquo;&eacute;cran, cul porno salope p&eacute;nis lolita hymen, cherch&eacute;s l&agrave; comme on l&rsquo;a fait dans le dictionnaire, enfants. Ainsi l&rsquo;historique a d&eacute;fil&eacute;, j&rsquo;ai escalad&eacute; le temps dans ses parties communes, arpent&eacute; ses couloirs priv&eacute;s, j&rsquo;ai crois&eacute; des gens connus et inconnus &ndash; PPDA Vanessa Z. Aur&eacute;lie C. sur Myspace Oph&eacute;lie Winter Belmondo Corinne P. &ndash; parmi lesquels &agrave; un moment je suis apparue, 9 ao&ucirc;t 2007, Camille L., avait-il tap&eacute;, 2 r&eacute;sultats affich&eacute;s, mon vrai nom, ma date de naissance, ma situation de famille, il ne s&rsquo;&eacute;tait pas attard&eacute;, deux minutes plus tard il m&rsquo;avait appel&eacute;e, annuaire pages blanches, 1 r&eacute;sultat, je ne suis pas remont&eacute;e au-del&agrave;, &eacute;mue de me voir, dans ce flux de d&eacute;sirs, &agrave; la fois &eacute;lue et perdue&nbsp;<a href="#_ftn56" name="_ftnref56">[56]</a>.</p> </blockquote> <p>Le cerveau de Luc, que parcourt Camille L. en lisant ses mails et l&rsquo;historique de ses recherches, donne acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;imaginaire masculin, &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;ann&eacute;e pass&eacute;e [&hellip;] r&eacute;duite &agrave; ce tissu de mots&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;toute une cha&icirc;ne s&eacute;mantique&nbsp;<a href="#_ftn57" name="_ftnref57">[57]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <h3>2.4. Un mod&egrave;le relationnel nouveau</h3> <p>Internet est une gigantesque machine &agrave; tisser des liens, &agrave; g&eacute;n&eacute;rer des relations, amoureuses en particulier. Depuis la fin des ann&eacute;es 1990, les sites de rencontre et les forums de discussion ont profond&eacute;ment modifi&eacute; les rapports et les strat&eacute;gies de s&eacute;duction. Une nouvelle forme de libertinage en ligne fond&eacute; sur l&rsquo;&eacute;rotisme &eacute;pistolaire, &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;change &eacute;pistolaire de fantasmes entre des abonn&eacute;s ayant d&eacute;j&agrave; nou&eacute; une relation virtuelle intime&nbsp;<a href="#_ftn58" name="_ftnref58">[58]</a>&nbsp;&raquo;, est venue remplacer la rencontre des corps. Prot&eacute;g&eacute; par l&rsquo;&eacute;cran, l&rsquo;anonymat du pseudo et l&rsquo;absence des corps, l&rsquo;individu peut laisser libre cours &agrave; toutes les audaces et &agrave; son fantasme de contr&ocirc;le d&rsquo;autrui&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ils sont nombreux &agrave; &eacute;voquer la toute-puissance d&eacute;coulant de la gestion de dizaines de relations amoureuses virtuelles men&eacute;es simultan&eacute;ment&nbsp;<a href="#_ftn59" name="_ftnref59">[59]</a>.&nbsp;&raquo; Le roman de Giulio Minghini,&nbsp;<em>Fake</em>, explore cette logique sentimentale consum&eacute;riste&nbsp;: &laquo;&nbsp;Devant l&rsquo;&eacute;cran, j&rsquo;apprends les rudiments de l&rsquo;art de la manipulation, qu&rsquo;avec le temps j&rsquo;affinerai jusqu&rsquo;&agrave; la ma&icirc;trise&nbsp;<a href="#_ftn60" name="_ftnref60">[60]</a>.&nbsp;&raquo; Commence alors la ronde des rencontres&nbsp;: &laquo;&nbsp;Alicante, Ludica, Sel&egrave;ne, Muse87, Ariannesans fil. Je suis captiv&eacute; chaque jour par au moins quatre ou cinq profils. Il m&rsquo;est impossible de me concentrer sur un seul. Mon esprit se dissout dans un kal&eacute;idoscope d&rsquo;existences offertes&nbsp;<a href="#_ftn61" name="_ftnref61">[61]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;toutes ces jeunes femmes &eacute;pingl&eacute;es tels des papillons sur mon &eacute;cran&nbsp;<a href="#_ftn62" name="_ftnref62">[62]</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;invisibilit&eacute; r&eacute;ciproque favorise le d&eacute;veloppement des fantasmes&nbsp;: &laquo;&nbsp;&Agrave; travers la seule tournure des phrases, la rapidit&eacute; dans la repartie ou la qualit&eacute; de l&rsquo;orthographe, je suis en mesure de juger mon interlocutrice. Pas de mimiques et pas d&rsquo;odeurs&nbsp;: langage pur&nbsp;&raquo;, assure le narrateur de&nbsp;<em>Fake&nbsp;</em><a href="#_ftn63" name="_ftnref63">[63]</a>. Cette &laquo;&nbsp;t&eacute;l&eacute;sexualit&eacute;&nbsp;&raquo; ressortit &agrave; ce que Pascal Lardillier consid&egrave;re comme une &laquo;&nbsp;mise &agrave; distance g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e&nbsp;&raquo;. Malgr&eacute; &laquo;&nbsp;la sensation d&rsquo;&ecirc;tre avec des gens&nbsp;: jaug&eacute; par les visites &agrave; ma fiche, effleur&eacute; par les vibrations, apostroph&eacute; par les mails<em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;</em>le narrateur de&nbsp;<em>Fake&nbsp;</em>se sent en m&ecirc;me temps<em>&nbsp;&laquo;&nbsp;isol&eacute; parmi ces ombres pulsantes et insaisissables, emprisonn&eacute;es dans un espace parall&egrave;le</em>&nbsp;<a href="#_ftn64" name="_ftnref64">[64]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Pour Camille Laurens, &laquo; les nouvelles technologies d&eacute;multiplient l&rsquo;imaginaire et &eacute;loignent de la r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo;. L&rsquo;utilisateur des sites de rencontre &laquo;&nbsp;fantasme sur des images, des bribes de mots, d&rsquo;images, de portraits-robots avec des descriptifs pr&eacute;cis du caract&egrave;re ou de l&rsquo;apparence physique, mais cela ne dit pas vraiment qui on est ou qui est l&rsquo;autre&nbsp;&raquo;. La rencontre est &eacute;vit&eacute;e et &laquo;&nbsp;d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; plac&eacute;e sous le signe de la d&eacute;ception&nbsp;&raquo;. Son roman, dit-elle, &laquo;&nbsp;parle de l&rsquo;absence de rep&egrave;res amoureux, de l&rsquo;absence de gravit&eacute; et de la difficult&eacute; du lien&nbsp;<a href="#_ftn65" name="_ftnref65">[65]</a>&nbsp;&raquo;. Dans&nbsp;<em>Seuls ensemble&nbsp;</em><a href="#_ftn66" name="_ftnref66">[66]</a>, Sherry Turkle, professeur de psychologie au Massachusetts Institute of Technology, consid&egrave;re, dans une perspective diff&eacute;rente, clinique, mais tout aussi critique, que l&rsquo;essor d&rsquo;internet a correspondu avec une nette r&eacute;duction de notre attention aux autres et &agrave; notre pr&eacute;sence au monde r&eacute;el. L&rsquo;outil technologique vient constamment s&rsquo;interposer dans nos relations aux autres (&laquo;&nbsp;Je suis arriv&eacute;e &agrave; 20 heures avec un plateau de sushis. Luc m&rsquo;a ouvert la porte et est retourn&eacute; aussit&ocirc;t s&rsquo;asseoir devant son ordinateur&nbsp;<a href="#_ftn67" name="_ftnref67">[67]</a>&nbsp;&raquo;), on pr&eacute;f&egrave;re les interactions m&eacute;diatis&eacute;es &agrave; celles en t&ecirc;te &agrave; t&ecirc;te, pour cerner la personnalit&eacute; de quelqu&rsquo;un on le&nbsp;<em>googlise</em>&nbsp;ou on consulte en cachette l&rsquo;historique de son moteur de recherche.</p> <p>L&rsquo;hyperconnectivit&eacute;, le ph&eacute;nom&egrave;ne du&nbsp;<em>multitasking</em>&nbsp;simultan&eacute; ou successif (c&rsquo;est-&agrave;-dire utiliser plusieurs moyens de communication de mani&egrave;re simultan&eacute;e ou commencer &agrave; utiliser un m&eacute;dia et poursuivre avec un autre) cr&eacute;ent des situations de d&eacute;pendance (&laquo;&nbsp;ShowYou me demanda une disponibilit&eacute; exponentielle. &Agrave; peine arriv&eacute; chez moi, j&rsquo;allumais l&rsquo;ordinateur, je d&icirc;nais devant, j&rsquo;y restais jusqu&rsquo;&agrave; tomber de sommeil. Le week-end j&rsquo;y passais parfois des apr&egrave;s-midi entier&nbsp;<a href="#_ftn68" name="_ftnref68">[68]</a>&nbsp;&raquo; ou dans&nbsp;<em>Fake</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne vois plus mes amis et passe des journ&eacute;es enti&egrave;res devant un &eacute;cran qui finira par me crever les yeux&nbsp;<a href="#_ftn69" name="_ftnref69">[69]</a>&nbsp;&raquo;), des comportements compulsifs qui mettent en p&eacute;ril la solitude n&eacute;cessaire &agrave; chacun pour se construire&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Cette nuit-l&agrave; Haley Joel Osment &eacute;tait seul dans l&rsquo;appartement en train de parler &agrave; Julia sur le chat Gmail. Julia avait 28 ans, &eacute;tait mari&eacute;e et vivait en G&eacute;orgie [&hellip;]. Le t&eacute;l&eacute;phone portable de Haley Joel Osment a vibr&eacute;. C&rsquo;&eacute;tait Dakota Fanning. Haley Joel Osment a mis le t&eacute;l&eacute;phone portable &agrave; son oreille. Dakota Fanning lui a dit que sa m&egrave;re avait d&eacute;couvert son existence en lisant les commentaires d&rsquo;un post sur un blog o&ugrave; il avait &eacute;crit des choses sur sa premi&egrave;re visite dans le New Jersey [&hellip;]. Elle a d&eacute;j&agrave; tap&eacute; ton nom sur Google un paquet de fois je pense&nbsp;<a href="#_ftn70" name="_ftnref70">[70]</a>.</p> </blockquote> <p><em>&nbsp;</em><em>Fake</em>&nbsp;de Giulio Minghini se pr&eacute;sente comme le r&eacute;cit d&rsquo;une addiction aux sites de rencontre (&laquo;&nbsp;Je prends mes repas devant l&rsquo;&eacute;cran, sans presque voir ce que je mange.&nbsp;<em>Je navigue entre narcose et extase, entre veille et r&ecirc;ve&nbsp;</em><a href="#_ftn71" name="_ftnref71">[71]</a>&nbsp;&raquo;), une plong&eacute;e dans les m&eacute;andres des labyrinthes virtuels faits de manipulation, de vanit&eacute; et d&rsquo;illusions&nbsp;: &laquo;&nbsp;Personne ne me l&rsquo;avait dit, &ccedil;a, qu&rsquo;il y avait une entr&eacute;e et peut-&ecirc;tre pas de sortie, et pas de monstre au centre de ce labyrinthe&nbsp;<a href="#_ftn72" name="_ftnref72">[72]</a>.&nbsp;&raquo; Le narrateur finit par se familiariser avec les codes et les rites de ces sites, pratique le<em>&nbsp;faking</em>&nbsp;pour assouvir son fantasme de casanovisme et descend en enfer&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;enfer moderne a la forme d&rsquo;un site de rencontres. Babel de d&eacute;sirs frustr&eacute;s, d&rsquo;attentes affich&eacute;es comme des blessures, de solitudes remplies d&rsquo;ombres f&eacute;roces et insaisissables.&nbsp;&raquo; Les premi&egrave;res lignes du roman anticipent cette chute en croisant plusieurs r&eacute;f&eacute;rences, &agrave; Satan, au Mister Hyde de Stevenson, au Dorian Gray de Wilde&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;avais le visage ravag&eacute; de griffures, ma peau s&rsquo;&eacute;caillait&nbsp;: dans la glace, un masque &eacute;pouvantable faisait mine de me sourire. Mes ongles ressemblaient &agrave; des virgules, et &ccedil;a saignait&nbsp;<a href="#_ftn73" name="_ftnref73">[73]</a>.&nbsp;&raquo; Le narrateur m&eacute;tamorphos&eacute; en une b&ecirc;te immonde finit par se perdre, se dissoudre et ne pas savoir qui il est&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je me suis falsifi&eacute;. J&rsquo;ai fabriqu&eacute; une fausse monnaie de moi&nbsp;<a href="#_ftn74" name="_ftnref74">[74]</a>.&nbsp;&raquo; La &laquo;&nbsp;lie virtuelle&nbsp;<a href="#_ftn75" name="_ftnref75">[75]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;l&rsquo;enfer du rien&nbsp;<a href="#_ftn76" name="_ftnref76">[76]</a>&nbsp;&raquo; prennent le dessus sur le r&eacute;el, le contaminent et se substituent &agrave; lui. Dans le regard hallucin&eacute; de Charles Val&eacute;rien, touch&eacute; par &laquo;&nbsp;le syndrome ShowYou&nbsp;<a href="#_ftn77" name="_ftnref77">[77]</a>&nbsp;&raquo;, l&rsquo;immeuble d&rsquo;en face prend les allures d&rsquo;un &eacute;cran d&rsquo;ordinateur&nbsp;:</p> <p>&laquo;&nbsp;Une mosa&iuml;que de jaunes orang&eacute;s, une gamme d&eacute;grad&eacute;e qui s&rsquo;allumait et s&rsquo;&eacute;teignait, comme les ic&ocirc;nes d&rsquo;un dock sur Macintosh, les raccourcis de bureau d&rsquo;un PC portable&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;La cour devenait une page de ShowYou. Les fen&ecirc;tres, les photos d&rsquo;un album en ligne. Les balcons d&rsquo;en face, un panier pour les applications&nbsp;<a href="#_ftn78" name="_ftnref78">[78]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Le propos de Solange Bied-Charreton est ouvertement critique, voire technophobe. Elle part du postulat qu&rsquo;il faut se m&eacute;fier des nouvelles technologies, qu&rsquo;elles sont &agrave; la fois indispensables et superflues. Dans son livre&nbsp;<em>L&rsquo;&Ecirc;tre et l&rsquo;&eacute;cran&nbsp;</em><a href="#_ftn79" name="_ftnref79">[79]</a>&nbsp;St&eacute;phane Vial prend le contrepied de cette id&eacute;e en montrant que la technologie a toujours eu une place essentielle dans notre existence. Aujourd&rsquo;hui encore, gr&acirc;ce aux tablettes, smartphones, ordinateurs le monde nous appara&icirc;t diff&eacute;remment. Le num&eacute;rique est si bien ins&eacute;r&eacute; dans le tissu de notre existence quotidienne que, n&rsquo;en d&eacute;plaise aux Cassandres de la Toile, la r&eacute;alit&eacute; est bel et bien devenue num&eacute;rique. L&rsquo;objectif de St&eacute;phane Vial est &laquo;&nbsp;de d&eacute;construire &ldquo;dans toute sa pesante balourdise&rdquo; le concept de virtuel&nbsp;&raquo;. La technologie num&eacute;rique constitue une structure fondamentale de l&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;et de la perception, elle conditionne la mani&egrave;re dont le r&eacute;el nous appara&icirc;t&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Mes amis ne sont pas moins vrais ou r&eacute;els lorsque je discute avec eux sur Facebook que lorsque je d&icirc;ne avec eux &agrave; la maison. Plut&ocirc;t que de succomber &agrave; la r&ecirc;verie du virtuel, qui conduit &agrave; envisager la sociabilit&eacute; en ligne comme irr&eacute;elle, il faut simplement accepter l&rsquo;id&eacute;e que nos modalit&eacute;s d&rsquo;interaction sociale ont &eacute;t&eacute;, gr&acirc;ce aux technologies num&eacute;riques, augment&eacute;es de nouvelles possibilit&eacute;s op&eacute;rationnelles, sans que cela annule ou remplace les pr&eacute;c&eacute;dentes&nbsp;<a href="#_ftn80" name="_ftnref80">[80]</a>.</p> </blockquote> <p>Si l&rsquo;on consid&egrave;re d&rsquo;une part le lien essentiel qui de longue date unit le roman au r&eacute;el et d&rsquo;autre part les changements induits par les interfaces num&eacute;riques dans notre perception de ce m&ecirc;me r&eacute;el, il importe ici de s&rsquo;interroger sur l&rsquo;influence des technologies num&eacute;riques sur la po&eacute;tique du roman contemporain.</p> <h2>&nbsp;3.&nbsp;Po&eacute;tique du r&eacute;seau, po&eacute;tique du roman<br /> &nbsp;</h2> <p>Pour Solange Bied-Charreton &laquo;&nbsp;Facebook concentre toutes les passions humaines et toutes les perversions. C&rsquo;est une v&eacute;ritable com&eacute;die humaine, un dr&ocirc;le d&rsquo;objet romanesque, une sorte de monstre&nbsp;<a href="#_ftn81" name="_ftnref81">[81]</a>&nbsp;&raquo;. Dans le dernier livre de Camille Laurens,&nbsp;<em>Celle que vous croyez</em>, une femme manipule un homme plus jeune gr&acirc;ce &agrave; un profil Facebook&nbsp;; pour l&rsquo;auteur &laquo;&nbsp;Facebook est une machine &agrave; fictions, une machine &agrave; fantasmes. Pour un &eacute;crivain, c&rsquo;est forc&eacute;ment int&eacute;ressant, puisqu&rsquo;il fait pareil en s&rsquo;inventant une histoire, voire une vie&nbsp;<a href="#_ftn82" name="_ftnref82">[82]</a>&hellip;&nbsp;&raquo; J&eacute;r&ocirc;me Dumoulin, auteur en 2012 d&rsquo;un thriller informatique intitul&eacute;&nbsp;<em>Faux Profil&nbsp;</em><a href="#_ftn83" name="_ftnref83">[83]</a>&nbsp;et ayant pour cadre Facebook, d&eacute;clarait dans une&nbsp;<a href="http://www.youtube.com/watch?v=yfdbiF6zV50" target="_blank">interview</a>&nbsp;disponible sur Youtube&nbsp;: &laquo;&nbsp;Facebook sujet de roman, car il se concentre sur les relations humaines et d&rsquo;une certaine mani&egrave;re les modifie. On est par excellence dans le roman possible.&nbsp;&raquo; Sur Facebook, on se cr&eacute;e une identit&eacute;, on y divulgue des informations choisies, des liens s&rsquo;y tissent et se d&eacute;font. Facebook et ses avatars sont d&rsquo;excellents moteurs de fiction&nbsp;: pourtant J&eacute;r&ocirc;me Dumoulin utilise peu le potentiel romanesque du r&eacute;seau social ou l&rsquo;exploite de fa&ccedil;on conventionnelle, comme pr&eacute;texte &agrave; intrigue, en l&rsquo;int&eacute;grant dans une narration ordinaire sans volont&eacute; de bousculer les codes. Le r&eacute;seau est ici un contexte plut&ocirc;t qu&rsquo;un sujet. Le d&eacute;roulement de l&rsquo;intrigue est celle d&rsquo;un polar dans la plus pure tradition.</p> <p>En revanche, dans les romans sur lesquels se concentre notre &eacute;tude, il semble qu&rsquo;&agrave; des degr&eacute;s divers la structure des romans et leur &eacute;criture elle-m&ecirc;me portent la trace des nouveaux langages m&eacute;diatiques, bien au-del&agrave; de la simple utilisation du vocabulaire web&nbsp;(buzz, statuts Facebook, photo de profil, mur, faking, liker, forwarder, googliser quelque chose ou quelqu&rsquo;un&hellip;)&nbsp;: Camille Laurens, dans&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>, dessine le portrait de son amant avec des proc&eacute;d&eacute;s litt&eacute;raires &eacute;pousant le flux des nouvelles technologies. Elle se livre &agrave; un travail complexe sur la textualit&eacute; et m&ecirc;le les flux du web &agrave; la prose classique. Elle pratique le&nbsp;<em>cut-up</em>, juxtapose mots cl&eacute;s, fragments d&rsquo;e-mails ou spams, de fa&ccedil;on &agrave; illustrer la plong&eacute;e vertigineuse et chaotique dans le monde parall&egrave;le et foisonnant de Luc. Dans&nbsp;<em>Enjoy</em>&nbsp;de Solange Bied-Charreton, l&rsquo;&eacute;cran exige qu&rsquo;on le nourrisse de tout et n&rsquo;importe quoi&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Nos d&eacute;bats, c&rsquo;&eacute;tait du vomi. De la soupe, du chewing-gum, une logorrh&eacute;e foldingue d&eacute;vers&eacute;e dans les couloirs d&rsquo;une tour sans architecte. L&rsquo;universel reportage se concat&eacute;nait en un monologue infernal, formait cette mati&egrave;re agglom&eacute;r&eacute;e qu&rsquo;on r&eacute;gurgitait et qu&rsquo;on mangeait tout &agrave; la fois&nbsp;<a href="#_ftn84" name="_ftnref84">[84]</a>.</p> </blockquote> <p>&Agrave; la suite de quoi l&rsquo;&eacute;crivain ins&egrave;re, en caract&egrave;res italiques, une liste d&rsquo;extraits de posts&nbsp;:</p> <blockquote> <p>C&eacute;dric en a ras-le-bol des virus qui infestent son PC portable, vivement que sa ch&eacute;rie lui offre un Mac pour son anniv. Byebye la r&eacute;union g&eacute;n&eacute;rale, bonjour les bouchons parisiens. &Agrave; tous ceux qui n&rsquo;auraient pas l&rsquo;occasion de se rendre en Australie, Clara donne rendez-vous aux fans de koalas le week-end prochain &agrave; &Eacute;tampes, pour une rencontre exceptionnelle avec le directeur du zoo de Vincennes. St&eacute;phane vient de passer un supermoment avec une copine de sa femme. DONNE&nbsp;: frigo-cong&eacute;lateur 158,5 x 58,5 cm/profondeur 60 cm. Bas&nbsp;: cong&eacute;lateur 2 tiroirs. Haut&nbsp;: frigo 4 &eacute;tages 2 bacs &agrave; l&eacute;gumes porte am&eacute;nag&eacute;e (&hellip;) &Agrave; tous les sceptiques du lib&eacute;ralisme, une vid&eacute;o qui vous fera changer d&rsquo;avis. Ma grand-m&egrave;re fait encore de la danse classique &agrave; quatre-vingt-neuf ans. Le petit chat est mort, c&rsquo;est dommage mais quoi, nous sommes tous mortels. [&hellip;]&nbsp;<a href="#_ftn85" name="_ftnref85">[85]</a>.</p> </blockquote> <p>Dans &laquo;&nbsp;Babel imb&eacute;cile&nbsp;&raquo; les communications se croisent de fa&ccedil;on totalement absurde. Le sentiment de vide gagne. Tao Lin place &agrave; la fin de son roman un index contenant les noms ou expressions mentionn&eacute;s dans le texte (&agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un moteur de recherche)&nbsp;: on y trouve &agrave; c&ocirc;t&eacute; de Samuel Beckett et Charles Bukowski, Bj&ouml;rk ou Bono, les mots cl&eacute;s Mc Donald, Virgin Megastore, Sex and the city, muffin au ma&iuml;s, p&eacute;nis, P&egrave;re No&euml;l ou zombie. Tous les sujets sont mis sur le m&ecirc;me plan et tous les discours se valent. Sur la Toile r&egrave;gne la d&eacute;sinformation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les faits, grosse boule de p&acirc;te &agrave; modeler aux mains de tous, prenaient des formes grotesques ou chim&eacute;riques, &eacute;ternellement mall&eacute;ables, le r&eacute;el &eacute;tait un chat, la v&eacute;rit&eacute; historique un immense blog auquel chacun pr&eacute;tendait contribuer, tous les grains de sel se valaient dans la mar&eacute;e des opinions&nbsp;<a href="#_ftn86" name="_ftnref86">[86]</a>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace &eacute;tait aboli, la g&eacute;ographie &eacute;lectronique faisait c&ocirc;toyer la commande d&rsquo;un burger au coin de la rue, le r&egrave;glement d&rsquo;une facture et l&rsquo;invitation d&rsquo;une Bulgare qui avait un bon CV &ndash; moi tr&egrave;s gentille empress&eacute;e te conna&icirc;tre bonne cuisine aime les enfants&nbsp;<a href="#_ftn87" name="_ftnref87">[87]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Dans&nbsp;<em>Fake</em>, Giulio Menghini est &laquo;&nbsp;d&eacute;pass&eacute; par les filles de dix-neuf ans qui d&eacute;forment de fa&ccedil;on diabolique une langue qui leur est &agrave; la fois soumise et &eacute;trang&egrave;re&nbsp;: &ldquo;Moi ossi j&rsquo;aime bcp lire mai kan tu di ke c ton metier tu f&eacute; koi exactement&nbsp;<a href="#_ftn88" name="_ftnref88">[88]</a>&nbsp;?ˮ&nbsp;&raquo;. Les deux adolescents de&nbsp;<em>Richard Yates</em>&nbsp;font connaissance sur le chat Gmail. Les mails, les sms viennent se substituer aux habituels dialogues romanesques. Ils y parlent de leur vie, de leur d&eacute;sespoir. En les reproduisant la plupart du temps tels quels et in extenso dans le texte, Tao Lin nous fait p&eacute;n&eacute;trer au c&oelig;ur du mal-&ecirc;tre contemporain. Sa langue est d&rsquo;un minimalisme extr&ecirc;me, proche de celle du Bret Easton Ellis de&nbsp;<em>Moins que z&eacute;ro</em>, le vocabulaire parfois volontairement indigent (&laquo;&nbsp;Je t&rsquo;ai envoy&eacute; des trucs hier&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai pas encore post&eacute; les trucs&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Pourquoi les gens font des trucs seulement quand on leur fait la morale&nbsp;?&nbsp;&raquo;), le contenu des conversations souvent inexistant (&laquo;&nbsp;&ldquo;Viens sur le chat&rdquo;, a dit Haley Joel Osment./ &ldquo;Salut&rdquo;, a dit Dakota Fanning sur le chat Gmail./&ldquo;Salut&rdquo;, a dit Haley Joel Osment qui a ensuite fix&eacute; l&rsquo;&eacute;cran de l&rsquo;ordinateur./&ldquo;Je sais pas quoi dire&rdquo;, a-t-il &eacute;crit au bout de vingt minutes environ./&ldquo;Moi aussi&rdquo;, a dit Dakota Fanning&nbsp;<a href="#_ftn89" name="_ftnref89">[89]</a>&nbsp;&raquo;), comme si l&rsquo;&eacute;criture n&rsquo;&eacute;tait qu&rsquo;une simple st&eacute;nographie de la parole. Les personnages, en proie &agrave; la d&eacute;r&eacute;liction, reviennent toujours sur leur mal &ecirc;tre avec les m&ecirc;mes expressions (&laquo;&nbsp;je me sens merdique&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;on est niqu&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je suis d&eacute;bile&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je me sens triste&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;je vais me suicider bient&ocirc;t&nbsp;&raquo;&hellip;) et ne savent partager que leur profonde d&eacute;prime.</p> <p>Dans le roman d&rsquo;Ariel Kenig le &laquo;&nbsp;miracle&nbsp;&raquo; est aussi celui de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;: le narrateur, qui passe son temps &agrave; consigner sur des carnets &agrave; l&rsquo;encre noire des listes al&eacute;atoires de 0 et de 1 &laquo;&nbsp;qui [le] sauv[ent] des proportions que pren[d] la num&eacute;risation du monde&nbsp;<a href="#_ftn90" name="_ftnref90">[90]</a>&nbsp;&raquo;, finit par renouer avec l&rsquo;&eacute;criture. Au rayon Luminaires d&rsquo;ikea, Ariel et son compagnon Aur&eacute;lien entament une discussion sur l&rsquo;avenir de la litt&eacute;rature&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Aur&eacute;lien me confia que l&rsquo;usage des mots le d&eacute;cevait toujours. Aur&eacute;lien me conc&eacute;dait toutefois, pendant qu&rsquo;il manipulait son Iphone que la litt&eacute;rature entamait un nouvel &acirc;ge d&rsquo;or. Nous &eacute;tions d&rsquo;accord&nbsp;: il y avait un nouveau monde &agrave; d&eacute;crire chaque matin. Mon ami r&eacute;pondait aux premiers messages d&rsquo;anniversaire qu&rsquo;il recevait du Japon. Sur une partie du globe, Facebook lui donnait d&eacute;j&agrave; vingt-sept ans&nbsp;<a href="#_ftn91" name="_ftnref91">[91]</a>.</p> </blockquote> <p>Quel est ce nouvel &acirc;ge d&rsquo;or&nbsp;? Pour Ariel, &laquo;&nbsp;une grammaire, bien au-del&agrave; d&rsquo;un syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;clairage, fai[t] d&eacute;faut &agrave; notre examen du pr&eacute;sent&nbsp;&raquo;. Est-ce &agrave; dire qu&rsquo;il est urgent d&rsquo;inventer une po&eacute;tique romanesque capable de d&eacute;peindre le moment que nous vivons, les dilemmes de la vie contemporaine, l&rsquo;&eacute;clatement du je, un nouveau rapport au temps, d&eacute;sormais sous-tendu par des exigences d&rsquo;urgence et d&rsquo;instantan&eacute;it&eacute;, une nouvelle fa&ccedil;on de communiquer avec les autres dans l&rsquo;intensit&eacute; du moment, sur le vif et parfois sur le mode de l&rsquo;exhibitionnisme&nbsp;? Internet est souvent d&eacute;nigr&eacute;, mais de plus en plus fr&eacute;quemment investi par les &eacute;crivains&nbsp;; parce qu&rsquo;il est un monde de textes et qu&rsquo;il encourage une litt&eacute;rature pens&eacute;e comme grammaire, programme, laboratoire. Le r&ecirc;ve d&rsquo;Ariel, &laquo;&nbsp;ce serait un statut Facebook unique. Une seule phrase qui traverserait [sa] vie, comme un proverbe du Moyen-&Acirc;ge&nbsp;<a href="#_ftn92" name="_ftnref92">[92]</a>&nbsp;&raquo;. Quelle forme est la mieux adapt&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;criture de notre pr&eacute;sent&nbsp;? Les histoires d&rsquo;aujourd&rsquo;hui s&rsquo;&eacute;crivent de plus en plus fr&eacute;quemment sur le r&eacute;seau et pr&eacute;cis&eacute;ment internet privil&eacute;gie le fragment, le contenu concis, le mini-format, appropri&eacute;s pour alimenter le r&eacute;seau o&ugrave; les sites d&eacute;di&eacute;s &agrave; ce type d&rsquo;&eacute;criture se multiplient. On rencontre sur Twitter des po&egrave;mes brefs, des ha&iuml;kus, et m&ecirc;me des r&eacute;cits d&eacute;coup&eacute;s en tweets, des twillers. R&eacute;my Gauthrin, l&rsquo;&eacute;crivain admir&eacute; par Anne-Laure Bagnolet dans&nbsp;<em>Enjoy</em>&nbsp;est &laquo;&nbsp;un &eacute;criveur de slogan&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il ne fonctionnait pas en termes de chapitres, en paragraphes, il ne fonctionnait pas en livre. Chaque phrase &eacute;tait plac&eacute;e comme un ace au tennis&nbsp;<a href="#_ftn93" name="_ftnref93">[93]</a>.&nbsp;&raquo; De fa&ccedil;on plus convaincante, Giulio Minghini pratique la narration fragment&eacute;e&nbsp;: l&rsquo;auteur use de diff&eacute;rentes insertions qui donnent au roman un aspect h&eacute;t&eacute;roclite et hybride &agrave; l&rsquo;image d&rsquo;un monde composite. Le tissu textuel est visiblement morcel&eacute; en s&eacute;quences parfois tr&egrave;s br&egrave;ves (une phrase ou deux), l&rsquo;auteur usant de typographies diff&eacute;rentes&nbsp;: s&eacute;quences narratives, bribes de conversations sur les r&eacute;seaux sociaux, r&ecirc;ves ou pens&eacute;es sous forme de ha&iuml;kus retranscrits en italiques&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Additionner les rencontres, pour se soustraire&nbsp;</em><a href="#_ftn94" name="_ftnref94">[94]</a><em>&nbsp;&raquo;</em>, &laquo;&nbsp;<em>L&rsquo;abondance comme dimension paradoxale de la solitude&nbsp;</em><a href="#_ftn95" name="_ftnref95">[95]</a><em>&nbsp;&raquo;</em>. Ces lambeaux, bribes, fragments diss&eacute;min&eacute;s forment une &laquo;&nbsp;vraie&nbsp;odyss&eacute;e contemporaine&nbsp;<a href="#_ftn96" name="_ftnref96">[96]</a>&nbsp;&raquo; &agrave; travers le r&eacute;seau tentaculaire.</p> <p>Quels romans sur support papier peuvent nous parler de la construction de l&rsquo;identit&eacute; &agrave; l&rsquo;heure des r&eacute;seaux&nbsp;? Dans le livre de Giulio Minghini, parsem&eacute; de r&eacute;f&eacute;rences &agrave; la tradition litt&eacute;raire, en particulier au roman &eacute;pistolaire de Choderlos de Laclos&nbsp;<em>Les</em>&nbsp;<em>Liaisons dangereuses</em>, et &agrave; la&nbsp;<em>Divine Com&eacute;die</em>&nbsp;de Dante, la tradition se m&ecirc;le &agrave; la modernit&eacute;. Minghini exp&eacute;rimente une polyphonie et une fragmentation propres &agrave; exprimer les relations &agrave; travers le grand r&eacute;seau d&rsquo;internet, les relations &agrave; soi, aux autres et &agrave; la soci&eacute;t&eacute;, et ouvre des pistes prometteuses. Le d&eacute;fi majeur du roman actuel est en effet de se lib&eacute;rer de la lin&eacute;arit&eacute; et de faire &eacute;merger de nouveaux genres, par exemple le &laquo;&nbsp;roman r&eacute;ticulaire&nbsp;&raquo;, selon l&rsquo;expression de V&eacute;ronique Taquin &agrave; propos de son livre paru en 2012 et intitul&eacute;&nbsp;<em>Un roman du r&eacute;seau&nbsp;</em><a href="#_ftn97" name="_ftnref97">[97]</a>. Il s&rsquo;agit bien d&rsquo;un roman papier, qui n&rsquo;est pas &eacute;crit en ligne m&ecirc;me s&rsquo;il a &eacute;t&eacute; propos&eacute; dans un premier temps en neuf livraisons sous forme de roman-feuilleton sur Mediapart en juillet et ao&ucirc;t 2011. Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;un roman participatif, m&ecirc;me si les lecteurs ont pu r&eacute;agir par des commentaires et devenir des lecteurs-interpr&egrave;tes. Des individus s&rsquo;envoient des r&eacute;cits de vie sur un site, les r&eacute;&eacute;crivent et les r&eacute;interpr&egrave;tent&nbsp;: V&eacute;ronique Taquin nous plonge dans le labyrinthe des liens psychiques et sociaux et invente une nouvelle &laquo;&nbsp;grammaire&nbsp;&raquo;. L&rsquo;&eacute;nonciation polyphonique omnipr&eacute;sente, l&rsquo;usage l&agrave; encore de l&rsquo;&eacute;criture fragmentaire, des proc&eacute;d&eacute;s de montage, viennent d&eacute;mystifier la lin&eacute;arit&eacute; romanesque et &eacute;clairer nos subjectivit&eacute;s contemporaines.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Roman &eacute;crit sur Twitter.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Thierry Crouzet,&nbsp;<em>La Quatri&egrave;me Th&eacute;orie</em>, Paris, Fayard, 2013.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;3,715 milliards d&rsquo;internautes en janvier 2016 (source&nbsp;:&nbsp;<em>Blog du mod&eacute;rateur</em>, information publi&eacute;e le 7 janvier 2016. En ligne&nbsp;<a href="http://www.blogdumoderateur.com/50-chiffres-medias-sociaux-2016/" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;On peut se reporter &agrave; l&rsquo;infographie r&eacute;alis&eacute;e en juin 2016 par l&rsquo;Agence Digitale Tiz, en ligne&nbsp;<a href="http://www.tiz.fr/utilisateurs-reseaux-sociaux-france-monde/" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Monique Dagnaud,&nbsp;<em>G&eacute;n&eacute;ration Y. Les jeunes et les r&eacute;seaux sociaux, de la d&eacute;rision &agrave; la subversion</em>, Paris, Sciences Po Les presses, 2011.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Julio Minghini,&nbsp;<em>Fake</em>, Paris, &Eacute;ditions Allia, 2009.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Camille Laurens,&nbsp;<em>Romance nerveuse&nbsp;</em>[2010], Paris, Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2011.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;20.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Tao Lin,&nbsp;<em>Richard Yates&nbsp;</em>[2010], traduit de l&rsquo;am&eacute;ricain par Jean-Baptiste Flamin, Paris, &Eacute;ditions J&rsquo;ai Lu, 2012 (&eacute;dition originale Melville House Publishing LLC, 2010).</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;<em>Richard Yates</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;158.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Ariel Kenig,&nbsp;<em>Le Miracle</em>, Paris, &Eacute;ditions de l&rsquo;Olivier, 2012.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;David Shields,&nbsp;<em>Reality Hunger</em>, New York City, Knopf, 2010. La traduction de l&rsquo;ouvrage par Charles Recours&eacute; vient de para&icirc;tre sous le titre&nbsp;<em>Besoin de r&eacute;el. Un manifeste litt&eacute;raire</em>, Vauvert, &Eacute;ditions Au diable vauvert, 2016.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;104.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;92.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;<em>Le Miracle</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;11.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;11-12.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Chaque inscription au registre cr&eacute;ait de facto une page internet extensible (dite &ldquo;mur&rdquo;) comprenant &eacute;galement une photo, dite &ldquo;photo de profil&rdquo;, que chacun choisissait et renouvelait &agrave; l&rsquo;envi. Figurait sur cette page accessible au public une suite chronologique de &ldquo;posts&rdquo;, autrement dit de messages envoy&eacute;s par nos contacts ayant eux-m&ecirc;mes ouverts un compte [&hellip;]. Au-del&agrave; de notre simples interactions sur Facebook, nous vivions dans une r&eacute;alit&eacute; dite augment&eacute;e, laquelle, lisait-on sur l&rsquo;encyclop&eacute;die collaborative en ligne Wikipedia, d&eacute;signait la superposition en temps r&eacute;el de mod&egrave;les virtuels 2 ou 3D &agrave; la perception que nous avions naturellement de la r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo; (<em>ibid.</em>, p.&nbsp;12).</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;13.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Solange Bied-Charreton,&nbsp;<em>Enjoy</em>, Paris, Stock, 2012.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;81.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;C&rsquo;est la formule qu&rsquo;utilise Camille Tenneson dans son article publi&eacute; sur&nbsp;<em>Bibliobs&nbsp;</em>le 28 f&eacute;vrier 2012&nbsp;: &laquo;&nbsp;Solange Bied-Charreton&nbsp;: &eacute;lev&eacute;e au num&eacute;rique&nbsp;&raquo;, en ligne&nbsp;<a href="http://bibliobs.nouvelobs.com/romans/20120222.OBS2046/solange-bied-charreton-elevee-au-numerique.html">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;C&rsquo;est-&agrave;-dire selon les crit&egrave;res affich&eacute;s dans le site&nbsp;: &laquo;&nbsp;une s&eacute;lection de romans, essais des nouvelles g&eacute;n&eacute;rations X ou Y&nbsp;: au c&oelig;ur de la ville et de son ultra-moderne solitude, les adulescent(e)s tentent de devenir adulte, de surmonter leurs doutes et autres angoisses existentielles, de s&rsquo;adapter ou m&ecirc;me de conqu&eacute;rir le monde&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Douglas Coupland,&nbsp;<em>Jpod</em>, traduit de l&rsquo;anglais (Canada) par Christophe Grosdidier, Vauvert, &Eacute;ditions Au diable vauvert, 2010 (&eacute;dition originale Random House of Canada, 2006).</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Ben Mezrich,&nbsp;<em>The Accidental Billionaires, The Founding of Facebook</em>, New York City, Doubleday, 2009.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Signalons aussi le roman, tr&egrave;s &laquo;&nbsp;g&eacute;n&eacute;rationnel&nbsp;&raquo; l&agrave; encore, de Titou Lecoq (journaliste et blogueuse n&eacute;e en 1980),&nbsp;<em>La Th&eacute;orie de la tartine</em>, Vauvert, &Eacute;ditions Au diable vauvert, 2015&nbsp;: les trois personnages principaux se posent des questions sur l&rsquo;usage d&rsquo;Internet. Paul l&rsquo;ex&eacute;cute, vit par le Web, Christophe, id&eacute;aliste, pense que l&rsquo;information citoyenne passe par ce canal et Marianne est une th&eacute;sarde qui l&rsquo;&eacute;tudie.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;57.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;<em>Le Miracle</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;18.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;<em>Fake</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;91.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;44.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Psychologue et sociologue, professeur &agrave; l&rsquo;ESCP.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;<em>L&rsquo;Individu hypermoderne</em>, sous la direction de Nicole Aubert, ERES, 2004.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;Entretien de Nicole Aubert avec Denis Failly (publi&eacute; le 10 janvier 2006),&nbsp;<em>Culture Next</em>.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;<em>Idem</em>.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;85-86.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;<em>Ibid.,</em>&nbsp;p.&nbsp;75.</p> <p><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;208.</p> <p><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a>&nbsp;<em>Fake</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;55.</p> <p><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;71.</p> <p><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a>&nbsp;<em>Fake</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;102.</p> <p><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p.&nbsp;124.</p> <p><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p.&nbsp;68.</p> <p><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a>&nbsp;Magali Bessone, &laquo;&nbsp;Culte de l&rsquo;internet et transparence&nbsp;: l&rsquo;h&eacute;ritage de l&rsquo;id&eacute;ologie am&eacute;ricaine&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Esprit</em>, n&deg;7, juillet 2011, p.&nbsp;145.</p> <p><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a>&nbsp;Serge Tisseron,&nbsp;<em>L&rsquo;Intimit&eacute; surexpos&eacute;e</em>, Paris, Ramsay, 2001.</p> <p><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;52-53.</p> <p><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a>&nbsp;Anthony Giddens,&nbsp;<em>La Transformation de l&rsquo;intimit&eacute;. Sexualit&eacute;, amour et &eacute;rotisme dans les soci&eacute;t&eacute;s modernes</em>, Paris, La Rouergue/Chambon, 2004.</p> <p><a href="#_ftnref46" name="_ftn46">[46]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;18.</p> <p><a href="#_ftnref47" name="_ftn47">[47]</a>&nbsp;<em>Fake</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;35.</p> <p><a href="#_ftnref48" name="_ftn48">[48]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;71.</p> <p><a href="#_ftnref49" name="_ftn49">[49]</a>&nbsp;Gilles Lipovetsky,&nbsp;<em>Le bonheur paradoxal. Essai sur la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;hyperconsommation</em>, Paris, Gallimard, 2006, p.&nbsp;347&nbsp;: &laquo;&nbsp;Apr&egrave;s le sensationnalisme des faits divers et les scoops de la vie politique, notre &eacute;poque est magn&eacute;tis&eacute;e par l&rsquo;exhibitionnisme de l&rsquo;homme ordinaire.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#_ftnref50" name="_ftn50">[50]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;52-53.</p> <p><a href="#_ftnref51" name="_ftn51">[51]</a>&nbsp;Voir l&rsquo;ouvrage r&eacute;cent du sociologue David Le Breton,&nbsp;<em>Dispara&icirc;tre de soi. Une tentation contemporaine</em>, Paris, &Eacute;ditions M&eacute;taili&eacute;, 2015.</p> <p><a href="#_ftnref52" name="_ftn52">[52]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;138.</p> <p><a href="#_ftnref53" name="_ftn53">[53]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;210.</p> <p><a href="#_ftnref54" name="_ftn54">[54]</a>&nbsp;Entretien de Camille Laurens avec Archibald Ploom,&nbsp;<em>Culture Chronique</em>.</p> <p><a href="#_ftnref55" name="_ftn55">[55]</a>&nbsp;C&rsquo;est une autre cha&icirc;ne s&eacute;mantique que Haley Joel Osment trouve dans l&rsquo;historique du moteur de recherche internet de Dakota Fanning&nbsp;: &laquo;&nbsp;boulimie&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;vomitifs&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;vomitifs pour enfants&nbsp;&raquo; (<em>Richard Yates</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;159).</p> <p><a href="#_ftnref56" name="_ftn56">[56]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;163-164.</p> <p><a href="#_ftnref57" name="_ftn57">[57]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;165.</p> <p><a href="#_ftnref58" name="_ftn58">[58]</a>&nbsp;Pascal Lardellier, &laquo;&nbsp;Rencontres sur Internet&nbsp;: l&rsquo;amour en r&eacute;volution&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Sciences humaines</em>, publi&eacute; le 1<sup>er</sup>&nbsp;septembre 2005, en ligne&nbsp;<a href="http://www.scienceshumaines.com/rencontres-sur-internet-l-amour-en-revolution_fr_14037.html">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref59" name="_ftn59">[59]</a>&nbsp;<em>Idem</em>.</p> <p><a href="#_ftnref60" name="_ftn60">[60]</a><em>&nbsp;Fake</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;31.</p> <p><a href="#_ftnref61" name="_ftn61">[61]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>, p.&nbsp;30.</p> <p><a href="#_ftnref62" name="_ftn62">[62]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;14.</p> <p><a href="#_ftnref63" name="_ftn63">[63]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>, p.&nbsp;32.</p> <p><a href="#_ftnref64" name="_ftn64">[64]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>, p.&nbsp;47.</p> <p><a href="#_ftnref65" name="_ftn65">[65]</a>&nbsp;Entretien de Camille Laurens avec Ritta Baddoura pour&nbsp;<em>L&rsquo;Orient Litt&eacute;raire</em>, ao&ucirc;t 2010, en ligne&nbsp;<a href="http://www.lorientlitteraire.com/article_details.php?cid=6&amp;nid=3194" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref66" name="_ftn66">[66]</a>&nbsp;Sherry Turkle,&nbsp;<em>Seuls ensemble. De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines</em>, L&rsquo;&eacute;chapp&eacute;e, 2015, traduit de l&rsquo;am&eacute;ricain par Claire Richard. &Eacute;dition originale&nbsp;:&nbsp;<em>Alone Together</em>, Basic Books, 2011.</p> <p><a href="#_ftnref67" name="_ftn67">[67]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;80.</p> <p><a href="#_ftnref68" name="_ftn68">[68]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;52.</p> <p><a href="#_ftnref69" name="_ftn69">[69]</a>&nbsp;<em>Fake</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;85.</p> <p><a href="#_ftnref70" name="_ftn70">[70]</a>&nbsp;<em>Richard Yates</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;73.</p> <p><a href="#_ftnref71" name="_ftn71">[71]</a>&nbsp;<em>Fake</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;39.</p> <p><a href="#_ftnref72" name="_ftn72">[72]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#_ftnref73" name="_ftn73">[73]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#_ftnref74" name="_ftn74">[74]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;138.</p> <p><a href="#_ftnref75" name="_ftn75">[75]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;92.</p> <p><a href="#_ftnref76" name="_ftn76">[76]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;155.</p> <p><a href="#_ftnref77" name="_ftn77">[77]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;140.</p> <p><a href="#_ftnref78" name="_ftn78">[78]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>, p.&nbsp;54.</p> <p><a href="#_ftnref79" name="_ftn79">[79]</a>&nbsp;St&eacute;phane Vial,&nbsp;<em>L&rsquo;&Ecirc;tre et l&rsquo;&eacute;cran. Comment le num&eacute;rique change la perception</em>, Paris, PUF, 2013.</p> <p><a href="#_ftnref80" name="_ftn80">[80]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;222.</p> <p><a href="#_ftnref81" name="_ftn81">[81]</a>&nbsp;En ligne&nbsp;<a href="https://www.hachette.fr/conseils-lecture/solange-bied-charreton-mon-narrateur-decouvre-dun-coup-quil-existe-un-monde-en" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref82" name="_ftn82">[82]</a>&nbsp;En ligne&nbsp;<a href="https://www.letemps.ch/culture/livres/camille-laurens-facebook-une-machine-fictions" target="_blank">ici</a>.</p> <p><a href="#_ftnref83" name="_ftn83">[83]</a>&nbsp;J&eacute;r&ocirc;me Dumoulin,&nbsp;<em>Faux Profil</em>, Paris, Grasset, 2012.</p> <p><a href="#_ftnref84" name="_ftn84">[84]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;147.</p> <p><a href="#_ftnref85" name="_ftn85">[85]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;147-148.</p> <p><a href="#_ftnref86" name="_ftn86">[86]</a>&nbsp;<em>Romance nerveuse</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;144.</p> <p><a href="#_ftnref87" name="_ftn87">[87]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>, p.&nbsp;166.</p> <p><a href="#_ftnref88" name="_ftn88">[88]</a>&nbsp;<em>Fake</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;67.</p> <p><a href="#_ftnref89" name="_ftn89">[89]</a>&nbsp;<em>Richard Yates</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;124-125.</p> <p><a href="#_ftnref90" name="_ftn90">[90]</a>&nbsp;<em>Le Miracle</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;19.</p> <p><a href="#_ftnref91" name="_ftn91">[91]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;135-136.</p> <p><a href="#_ftnref92" name="_ftn92">[92]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;136.</p> <p><a href="#_ftnref93" name="_ftn93">[93]</a>&nbsp;<em>Enjoy</em>, p.&nbsp;193.</p> <p><a href="#_ftnref94" name="_ftn94">[94]</a>&nbsp;<em>Fake</em>, p.&nbsp;81.</p> <p><a href="#_ftnref95" name="_ftn95">[95]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p.&nbsp;69.</p> <p><a href="#_ftnref96" name="_ftn96">[96]</a>&nbsp;<em>Fake</em>, p.&nbsp;95.</p> <p><a href="#_ftnref97" name="_ftn97">[97]</a>&nbsp;V&eacute;ronique Taquin,<em>&nbsp;Un roman du r&eacute;seau</em>, Paris, Hermann, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Cultures num&eacute;riques&nbsp;&raquo;, 2012.</p> <h3>Autrice</h3> <p><strong>Florence Th&eacute;rond&nbsp;</strong>est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences en litt&eacute;rature g&eacute;n&eacute;rale et compar&eacute;e &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Montpellier 3. Elle anime au sein du laboratoire RIRRA 21 le programme &laquo;&nbsp;La litt&eacute;rature &agrave; l&rsquo;heure du num&eacute;rique&nbsp;: nouvelles pratiques, nouvelles postures&nbsp;&raquo; dans le cadre duquel elle a co-organis&eacute; plusieurs journ&eacute;es d&rsquo;&eacute;tude consacr&eacute;es aux relations des auteurs contemporains aux nouvelles technologies&nbsp;: &laquo;&nbsp;Tiers Livre, Fran&ccedil;ois Bon &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;&raquo; en 2013&nbsp;; &laquo;&nbsp;Chlo&eacute; Delaume&nbsp;: S&rsquo;&eacute;crire par-del&agrave; le papier &raquo;&nbsp;en 2014 ; &laquo;&nbsp;Les Formes br&egrave;ves dans la litt&eacute;rature web&nbsp;&raquo; en 2015. Elle a par ailleurs consacr&eacute; une partie de ses travaux aux repr&eacute;sentations de l&rsquo;intimit&eacute;, de la famille et du couple dans la litt&eacute;rature contemporaine (elle a notamment dirig&eacute; deux ouvrages portant sur ces questions&nbsp;:&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre du couple au XXe si&egrave;cle</em>, L&rsquo;Harmattan, 2011 et&nbsp;<em>La</em>&nbsp;<em>Violence du quotidien</em>, L&rsquo;Entretemps, 2014).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>