<h3>Abstract</h3> <p>A hybrid text published in 1999,&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;documents the author&rsquo;s addiction to electronic correspondence but also warns against the dangers of disincarnated human relationships in the digital age. In spite of the speed with which it is conducted, electronic contact abstracts presence and maintains instead what Baty calls &ldquo;a society of isolates&rdquo;. The double, somewhat contradictory promise of technoculture, of more empowerment and more intimacy, falls short of fulfillment in the face of distance and anonymity. The electronic encounter does not take place. The text will be examined in the light of feminist theories of the body, defining subjectivity and agency as embedded and embodied. Bernard Stiegler&rsquo;s use of the concept of grammatisation applied to the digital revolution will also be used to account for and frame the setbacks and the hopes placed in information technology.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>digital, Paige Baty, feminism, postmodernism, cyborg, grammatisation, virtuality, electronic correspondence</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Si l&rsquo;identit&eacute; est un processus au croisement de l&rsquo;individu et du groupe, car elle passe par l&rsquo;identification, les m&eacute;dias num&eacute;riques mettent en exergue la contingence de ce processus, son caract&egrave;re fluide et provisoire. D&egrave;s la fin des ann&eacute;es cinquante, bien avant Judith Butler, le sociologue Erving Goffman avait mis en avant la th&eacute;&acirc;tralit&eacute; de l&rsquo;identit&eacute; sociale en montrant que la dramaturgie en &eacute;tait diff&eacute;rente selon qu&rsquo;on &eacute;tait sur sc&egrave;ne ou dans les coulisses. Dans une situation d&rsquo;interaction avec les autres, le sujet contr&ocirc;le les informations qu&rsquo;il/elle donne, notamment par son comportement, et l&rsquo;interpr&eacute;tation de ces informations, ne pouvant &ecirc;tre imm&eacute;diatement v&eacute;rifi&eacute;es, doit se fonder sur la simple inf&eacute;rence. L&rsquo;interaction sociale est centr&eacute;e sur le d&eacute;sir de contr&ocirc;ler la r&eacute;ception qui est faite de la situation ou de favoriser l&rsquo;interpr&eacute;tation qu&rsquo;il/elle souhaite projeter, cette manipulation n&rsquo;&eacute;tant pas n&eacute;cessairement consciente, car elle peut d&eacute;pendre des normes sociales. Dans la r&eacute;alit&eacute; du rapport social, peu de place est laiss&eacute;e &agrave; l&rsquo;improvisation, toute performance est ritualis&eacute;e pour que s&rsquo;&eacute;tablisse un modus vivendi adapt&eacute; &agrave; la situation, et la dramaturgie de la rencontre se d&eacute;ploie en fonction des contraintes de la pr&eacute;sence physique.</p> <p>D&eacute;sormais non tributaire d&rsquo;un lieu physique, l&rsquo;existence virtuelle, pourrait-on penser, permet de se lib&eacute;rer du code social et d&rsquo;accroitre l&rsquo;&eacute;ventail des possibles, offrant au sujet digital virtuellement toute latitude pour se construire et s&rsquo;inventer, et g&eacute;n&eacute;rer l&rsquo;impression souhait&eacute;e chez l&rsquo;interlocuteur/ice ind&eacute;pendamment de tout contexte et de toute visibilit&eacute;. Lib&eacute;r&eacute;es des scripts de la mascarade du genre, en particulier, les femmes pourraient se saisir des m&eacute;dias sociaux pour construire une identit&eacute; par la participation et nourrir une appartenance collective sur le mode de l&rsquo;<em>empowerment</em>&nbsp;(&laquo;&nbsp;autonomie&nbsp;&raquo;) et de la solidarit&eacute;. L&rsquo;essai de Donna Haraway &laquo;&nbsp;A Cyborg Manifesto&nbsp;: Science, Technology and Socialist-Feminism in the Late Twentieth Century&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo;, publi&eacute; d&rsquo;abord en 1985 dans la&nbsp;<em>Socialist Review</em>, puis repris en 1991 pour former un chapitre de son ouvrage&nbsp;<em>Simians, Cyborgs and Women,</em>&nbsp;rev&ecirc;t une importance capitale pour &eacute;tablir ou pour r&eacute;-&eacute;tablir la proximit&eacute; entre les femmes et la technologie, notamment la technologie de l&rsquo;information. Cependant, bien que Haraway invite les femmes et toutes les minorit&eacute;s &agrave; se saisir joyeusement des outils technologiques pour cr&eacute;er et maintenir leurs propres r&eacute;seaux, son essai, s&rsquo;inscrivant dans la pens&eacute;e de Michel Foucault qui syst&eacute;matise le lien entre information et pouvoir, contient aussi une mise en garde contre ce qu&rsquo;elle appelle &laquo;&nbsp;L&rsquo;informatique de la domination&nbsp;&raquo; ou les &laquo;&nbsp;nouveaux r&eacute;seaux inqui&eacute;tants&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;&raquo; qui permettent d&rsquo;asseoir un contr&ocirc;le sur les individus par le biais du traitement de l&rsquo;information.</p> <p>&Eacute;crit en 1999,&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;de Paige Baty doit &ecirc;tre lu dans le cadre du &laquo;&nbsp;mythe politique&nbsp;&raquo; de Donna Haraway mais aussi &agrave; la lumi&egrave;re du concept de cyborg appliqu&eacute; &agrave; la forme du roman&nbsp;:</p> <blockquote> <p>A cyborg is a cybernetic organism, a hybrid of machine and organism, a creature of social reality as well as a creature of fiction. Social reality is lived social relations, our most important political construction, a world-changing fiction&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.</p> </blockquote> <p>Roman &eacute;pistolaire r&eacute;flexif, &eacute;tude pratique de la correspondance &eacute;lectronique,&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;est un texte hybride qui m&eacute;lange l&rsquo;autobiographie et la th&eacute;orie, et affiche son double statut d&egrave;s le paratexte, le titre &eacute;tant suivi d&rsquo;un sous-titre, &laquo;&nbsp;Love and Addiction @the Matrix&nbsp;&raquo;, &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un ouvrage critique. Alternant les &eacute;changes de messages &eacute;lectroniques avec des textes critiques et de longs extraits litt&eacute;raires, le texte manifeste la transgression des fronti&egrave;res qui fonde la puissance &eacute;mancipatrice du cyborg. En proc&eacute;dant &agrave; la transformation&nbsp;<em>a posteriori</em>&nbsp;du mat&eacute;riau brut fourni par Paige, au nom pr&eacute;destin&eacute;,&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;travaille &agrave; la mise en place de son propre avatar th&eacute;orique. Au niveau intradi&eacute;g&eacute;tique, cependant, le texte interroge la puissance des reconfigurations du sujet, en particulier dans leur articulation au syst&egrave;me cod&eacute; du genre, rendues possibles par la virtualit&eacute; de la communication &eacute;lectronique. En partant de la forme du t&eacute;moignage ou de la confession,&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;contribue au d&eacute;bat qui porte sur la capacit&eacute; d&rsquo;<em>empowerment&nbsp;</em>port&eacute; par les nouvelles technologies.</p> <p>Dans&nbsp;<em>Zeros and Ones&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>, un des ouvrages les plus importants du cyberf&eacute;minisme&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, Sadie Plant d&eacute;crit les nouvelles technologies comme des outils dont les femmes se sont saisies &agrave; leur profit au point qu&rsquo;il existe un lien particulier entre les femmes et les machines. Les donn&eacute;es sociologiques dont on dispose actuellement semblent lui donner raison&nbsp;: les facteurs qui jouent dans l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; internet sont la classe sociale plut&ocirc;t que le sexe (ou m&ecirc;me la race&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>)&nbsp;; nombreuses sont les &eacute;tudes qui mettent en &eacute;vidence l&rsquo;efficacit&eacute; des nouvelles technologies pour cr&eacute;er des r&eacute;seaux dans un espace d&eacute;sormais &laquo;&nbsp;glocal&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&raquo; ou qui d&eacute;crivent le cyberespace comme un espace de s&eacute;curit&eacute; propice &agrave; l&rsquo;expression et au d&eacute;veloppement de soi, notamment en mati&egrave;re d&rsquo;identit&eacute; ou d&rsquo;orientation sexuelle, sur le mod&egrave;le de&nbsp;<em>Room of One&rsquo;s Own</em>.&nbsp;<em>Email Trouble&nbsp;</em>invite cependant &agrave; plus de m&eacute;fiance&nbsp;: Paige Baty probl&eacute;matise la question de l&rsquo;identit&eacute; et du libre arbitre du sujet dans son interaction avec les m&eacute;dias num&eacute;riques et affirme la n&eacute;cessit&eacute; de se resituer, rappelant le r&ocirc;le du corps dans le rapport &agrave; l&rsquo;autre et au monde.</p> <h2>1. Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un auteur digital&nbsp;?<br /> &nbsp;</h2> <p>L&rsquo;identit&eacute; est un terme ambigu qui renvoie au m&ecirc;me (<em>idem</em>) en tant qu&rsquo;il se d&eacute;tache des autres&nbsp;; l&rsquo;identit&eacute; du sujet postule une certaine coh&eacute;rence dans le temps et l&rsquo;espace, d&rsquo;une part, et d&rsquo;autre part une dimension unique et irrempla&ccedil;able. Cependant l&rsquo;identit&eacute; passe aussi par l&rsquo;identification, qui suppose l&rsquo;appartenance &agrave; un groupe. Le roman &agrave; partir du xix<sup>e&nbsp;</sup>si&egrave;cle s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; l&rsquo;identit&eacute; en d&eacute;ployant son r&eacute;cit &agrave; partir de la tension entre ces deux d&eacute;finitions de l&rsquo;identit&eacute;, d&eacute;crivant la trajectoire n&eacute;e de la dynamique entre la qu&ecirc;te de soi et la reconnaissance sociale. &Agrave; l&rsquo;&eacute;poque postmoderne ces consid&eacute;rations restent d&rsquo;actualit&eacute; ou m&ecirc;me deviennent plus aigues. Le sociologue Zygmunt Bauman, auteur de la th&eacute;orie de l&rsquo;identit&eacute; liquide, fait remarquer que cette question de l&rsquo;identit&eacute; est d&rsquo;autant plus cruciale qu&rsquo;elle est devenue probl&eacute;matique, et il associe cette identit&eacute; &agrave; la question de l&rsquo;espace. Il remarque ainsi que la condition humaine est d&eacute;sormais soumise &agrave; une nouvelle configuration, celle de la &laquo;&nbsp;compression spatio-temporelle&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; l&rsquo;espace-temps dans lequel s&rsquo;inscrivent les relations humaines est en train de disparaitre et on a &laquo;&nbsp;cherch&eacute; &agrave; s&rsquo;arracher m&eacute;thodiquement et sans &eacute;tat d&rsquo;&acirc;me &agrave; toute forme de contraintes territoriales &ndash; aux contraintes de la localit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;&raquo;. Ceux qui r&eacute;ussissent &agrave; s&rsquo;en affranchir sont les privil&eacute;gi&eacute;s. Or le r&ocirc;le jou&eacute; par l&rsquo;espace-temps est crucial dans la constitution des espaces de communaut&eacute;, la vitesse de communication &eacute;tant le gage de son maintien&nbsp;: s&rsquo;il n&rsquo;y a plus d&rsquo;avantage &agrave; la communication locale, si une autre forme de communication est tout aussi rapide et efficace, alors celle-ci n&rsquo;a plus lieu d&rsquo;&ecirc;tre. Bauman note que la facilit&eacute; d&rsquo;oubli et la rapidit&eacute; de transmission vont de pair avec la m&eacute;diocrit&eacute; de la communication&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. Paige Baty d&eacute;plore ainsi le fait que les messages qu&rsquo;elle a envoy&eacute;s soient imm&eacute;diatement effac&eacute;s par ses correspondants&nbsp;:</p> <blockquote> <p>La solitude et l&rsquo;information ont avanc&eacute; main dans la main. Elles ont toutes deux suivi la m&ecirc;me largeur de fr&eacute;quence, s&rsquo;&eacute;tirant d&rsquo;un bout de l&rsquo;Am&eacute;rique &agrave; l&rsquo;autre, en ligne et hors des sentiers battus, sans s&rsquo;occuper des gens qui regardent en arri&egrave;re. J&rsquo;&eacute;cris et je surfe. J&rsquo;&eacute;cris et je souffre&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> </blockquote> <p>La rel&eacute;gation de Paige est ironiquement adopt&eacute;e par le protocole de communication de&nbsp;<em>Email Trouble</em>, o&ugrave; elle n&rsquo;apparait dans le texte &eacute;crit que comme&nbsp;<em>destinataire</em>&nbsp;des messages, soit comme objet digital plut&ocirc;t que sujet digital, ou bien &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de trace mat&eacute;rialis&eacute;e par le demi-guillemet, lorsque ses correspondants r&eacute;pondent &agrave; son message dans le texte. La signature choisie par Paige, &laquo;&nbsp;Dr Rocket&nbsp;&raquo;, inscrit certes l&rsquo;auteur dans une communaut&eacute;, celle des aficionados de la bande dessin&eacute;e culte&nbsp;<em>Love and Rockets</em>&nbsp;des fr&egrave;res Hernandez, chronique d&rsquo;un groupe de chicanas en Californie, mais le choix d&rsquo;un pseudonyme en forme d&rsquo;emprunt ne peut manquer d&rsquo;accentuer la diss&eacute;mination et la dissolution de l&rsquo;auteur diagnostiqu&eacute;e par Foucault &agrave; la suite de Barthes. De fait, en un geste &agrave; la fois r&eacute;flexif et contradictoire,&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;cite une page enti&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;du texte de Michel Foucault &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un auteur&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo; (1969). Dans ce texte, Foucault clarifie l&rsquo;emploi de ce concept d&rsquo;auteur utilis&eacute; par&nbsp;<em>Les Mots et les Choses</em>&nbsp;(1966) dans &laquo;&nbsp;lequel il a tent&eacute; d&rsquo;analyser des masses verbales, des sortes de nappes discursives, qui n&rsquo;&eacute;taient pas scand&eacute;es par les unit&eacute;s habituelles du livre, de l&rsquo;&oelig;uvre et de l&rsquo;auteur&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;; il y a parent&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture avec la mort dans la notion de sacrifice&nbsp;: l&rsquo;auteur est celui qui sacrifie sa vie pour son &oelig;uvre. Du point de vue du h&eacute;ros, il y a immortalit&eacute;, mais elle se paie par la mort de l&rsquo;auteur&nbsp;&ndash;&nbsp;qui s&rsquo;efface &agrave; son profit. Cette logique des vases communicants peut rappeler la &laquo;&nbsp;negative capability&nbsp;&raquo; de Keats, ou encore le jugement de T. S. Eliot selon lequel la po&eacute;sie est &laquo;&nbsp;non l&rsquo;expression d&rsquo;une personnalit&eacute;, mais une &eacute;vasion de la personnalit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;&raquo;. Pour Foucault s&rsquo;il y a survie dans l&rsquo;&oelig;uvre, l&rsquo;existence de l&rsquo;&oelig;uvre est elle-m&ecirc;me probl&eacute;matique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Parmi les millions de traces laiss&eacute;es par quelqu&rsquo;un apr&egrave;s sa mort, comment peut-on d&eacute;finir une &oelig;uvre&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;? &raquo; Comment en d&eacute;finir les contours&nbsp;? Quelle est la part de l&rsquo;arbitraire dans la s&eacute;lection des traces et de l&rsquo;organisation qui leur est impos&eacute;e&nbsp;? Ainsi selon Foucault la fonction &laquo;&nbsp;auteur&nbsp;&raquo; recoupe les deux fonctions de l&rsquo;identit&eacute; vues plus haut, &agrave; savoir la singularit&eacute; et le statut de la parole devenue texte&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le nom d&rsquo;auteur fonctionne pour caract&eacute;riser un certain mode d&rsquo;&ecirc;tre du discours&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.&nbsp;&raquo; Le nom signale une sorte d&rsquo;&eacute;tat d&rsquo;exception, de fictionnalit&eacute; ou d&rsquo;un mode d&rsquo;&ecirc;tre particulier du savoir, ce qui ne rel&egrave;ve pas de la communication ordinaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il s&rsquo;agit d&rsquo;une parole qui doit &ecirc;tre re&ccedil;ue sur un certain mode et qui doit, dans une culture donn&eacute;e, recevoir un certain statut&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>.&nbsp;&raquo; D&rsquo;autre part cette fonction a valeur d&rsquo;appartenance ou fonction de classification&nbsp;:&nbsp;l&rsquo;auteur permet de relier plusieurs textes en les attribuant &agrave; une origine commune&nbsp;: &laquo;&nbsp;Que plusieurs textes aient &eacute;t&eacute; plac&eacute;s sous un m&ecirc;me nom indique qu&rsquo;on &eacute;tablissait entre eux un rapport d&rsquo;homog&eacute;n&eacute;it&eacute;, ou d&rsquo;authentification des uns par les autres, ou d&rsquo;explication r&eacute;ciproque, ou d&rsquo;utilisation concomitante&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.&nbsp;&raquo; Du coup, Foucault fait sa propre r&eacute;volution copernicienne sur la question du sujet&nbsp;: le sujet non pas comme origine, mais comme produit des discours&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Comment, selon quelles conditions et sous quelles formes quelque chose comme un sujet peut-il appara&icirc;tre dans l&rsquo;ordre du discours&nbsp;? [&hellip;] Bref, il s&rsquo;agit d&rsquo;&ocirc;ter au sujet (ou &agrave; son substitut) son r&ocirc;le de fondement originaire, et de l&rsquo;analyser comme une fonction variable et complexe du discours&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.</p> </blockquote> <p><em>Email Trouble&nbsp;</em>est une autobiographie paradoxale puisque le sujet digital, partag&eacute; entre Paige Baty et Dr Rocket, les deux adresses de Paige, &eacute;merge peu &agrave; peu en tant que correspondant muet de ses interlocuteurs &eacute;lectroniques, par opposition &agrave; l&rsquo;auteur qui s&rsquo;adresse &agrave; la lectrice ou au lecteur, lorsque, comme par inadvertance, son texte est gard&eacute; en m&eacute;moire et appara&icirc;t ench&acirc;ss&eacute; dans les messages qu&rsquo;elle a re&ccedil;us en r&eacute;ponse.</p> <p>Le r&eacute;cit de&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;imite le roman &eacute;pistolaire dont l&rsquo;intrigue est nourrie de la divergence de la s&eacute;paration et de la convergence ou de la rencontre, avec ici avec la pr&eacute;sence physique comme aboutissement et interruption de la communication &eacute;lectronique, l&rsquo;actualisation comme fin de la virtualit&eacute;. Invit&eacute;e par un de ses correspondants, &laquo;&nbsp;the Good Man&nbsp;&raquo;, &agrave; rejoindre un groupe d&rsquo;amis qu&rsquo;il h&eacute;berge &agrave; la Nouvelle Orl&eacute;ans, Paige d&eacute;couvre une communaut&eacute; &laquo;&nbsp;r&eacute;elle&nbsp;&raquo; d&eacute;j&agrave; form&eacute;e dans laquelle elle ne parvient pas &agrave; s&rsquo;int&eacute;grer. Le texte met &agrave; nu l&rsquo;irr&eacute;m&eacute;diable distance entretenue par le cyberespace. En ce sens le caract&egrave;re num&eacute;rique de la correspondance a &agrave; voir avec sa d&eacute;sincarnation&nbsp;; le dialogue entre les sujets num&eacute;riques a lieu &laquo;&nbsp;nulle part&nbsp;&raquo; et ne m&egrave;ne donc nulle part. Le roman assigne &agrave; l&rsquo;identit&eacute; la n&eacute;cessit&eacute; de se d&eacute;ployer dans un lieu particulier, m&ecirc;me si ce savoir est situ&eacute; &agrave; partir de l&rsquo;exp&eacute;rience de la d&eacute;sorientation&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Il a fallu que je me souvienne que je vivais dans un corps, et que ce m&ecirc;me corps allait mourir un jour, et qu&rsquo;aucun r&eacute;cit ne pouvait stopper ce processus. Il a fallu que je passe &agrave; travers la mort pour revenir &agrave; la vie. Et cela ne s&rsquo;est pas produit qu&rsquo;une fois, mais encore et encore. Retenez ceci pendant que vous lisez&nbsp;: cette histoire parle de compulsion de r&eacute;p&eacute;tition&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.</p> </blockquote> <h2>2. Addiction et pathologie du contact&nbsp;: le blues du net<br /> &nbsp;</h2> <p><strong>&nbsp;</strong>La premi&egrave;re page de&nbsp;<em>Email Trouble</em>&nbsp;commence ainsi&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Hi. I&rsquo;m Paige and I&rsquo;m an addict.&nbsp;&raquo; Paige raconte son besoin compulsif de contacts &eacute;lectroniques, lorsque isol&eacute;e en Nouvelle Angleterre o&ugrave; elle avait obtenu son premier poste, elle entretenait une correspondance avec une trentaine de personnes inconnues&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. L&rsquo;addiction n&rsquo;est pas limit&eacute;e &agrave; la d&eacute;pendance envers des substances narcotiques. William Burroughs dans&nbsp;<em>Naked Lunch&nbsp;</em>avance l&rsquo;id&eacute;e que l&rsquo;addiction proc&egrave;de aussi de la communication. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un &eacute;change, d&rsquo;un syst&egrave;me, et non de la pathologie d&rsquo;un individu&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Tu t&rsquo;intoxiques bien plus &agrave; la vendre qu&rsquo;&agrave; te piquer avec, dit Lupita. Les fourgueurs v&eacute;g&eacute;tariens,ceux qui ne consomment pas leur marchandise attrapent l&rsquo;obsession de leur petit commerce, et cette sorte d&rsquo;intoxe est bien pire que la vraie parce qu&rsquo;il n&rsquo;existe pas de cure pour. &Ccedil;a contamine les flicards eux-m&ecirc;mes. Exemple&nbsp;: Bradley l&rsquo;Acheteur, un des poulaillons de la Stup&eacute;fiante. Le meilleur agent double de la Brigade. &Agrave; le voir, tu jurerais qu&rsquo;il est cam&eacute; tout comme toi. C&rsquo;est au point qu&rsquo;il lui suffit de s&rsquo;approcher d&rsquo;un fourgueur pour que l&rsquo;autre le serve recta et sans pet. Il est si anonyme, si gris et irr&eacute;el qu&rsquo;on ne se souvient m&ecirc;me pas de lui apr&egrave;s coup et c&rsquo;est ainsi qu&rsquo;il les arnaque l&rsquo;un apr&egrave;s l&rsquo;autre&hellip; Eh bien, figure-toi que Bradley l&rsquo;Acheteur ressemble de plus en plus &agrave; un cam&eacute; pur sang. Il ne peut pas boire. Il ne peut plus bander. Ses dents se font la valise&nbsp;: comme les femmes enceintes qui perdent leurs dents en nourrissant l&rsquo;&eacute;tranger, les cam&eacute;s perdent leurs chicots jaun&acirc;tres &agrave; force de nourrir le singe&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.</p> </blockquote> <p>Le passage par Burroughs permet de rendre compte de la d&eacute;possession du sujet que suppose l&rsquo;addiction mais aussi de son inscription dans une communaut&eacute; et dans un syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;change. Le contact est une drogue. &Eacute;pure d&rsquo;addiction, la routine &eacute;lectronique reprend en un &eacute;trange &eacute;cho la m&eacute;taphore de la grossesse st&eacute;rile de Burroughs lorsque Paige se vante de &laquo;&nbsp;s&rsquo;&ecirc;tre reproduite sans aucune de ces grossesses brouillonnes, en clonant des simulations d&rsquo;elle-m&ecirc;me et en jouant les r&ocirc;les pr&eacute;vus par le script qu&rsquo;elle s&rsquo;&eacute;tait &eacute;crit&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>&nbsp;&raquo;. Dans la soci&eacute;t&eacute; postmoderne et avec l&rsquo;aide des nouvelles technologies de l&rsquo;information et de la communication, l&rsquo;identit&eacute; devient le r&eacute;sultat d&rsquo;une s&eacute;rie de choix effectu&eacute;s sur le mod&egrave;le du consommateur, la somme de multiples appartenances &agrave; telle ou telle communaut&eacute; susceptible de contribuer &agrave; une forme de reconnaissance. L&rsquo;autonomie apparente procur&eacute;e par internet se paie d&rsquo;un contr&ocirc;le accru&nbsp;: dans le syst&egrave;me de l&rsquo;identit&eacute; clignotante, pour adapter l&rsquo;expression de Katherine Hayles&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>, il y a obligation de permanence ou ce que Baty appelle &laquo;&nbsp;un nouveau syst&egrave;me d&rsquo;extension&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>&nbsp;&raquo;. La structure immobile et docile dont les points sont illumin&eacute;s tour &agrave; tour se donne l&rsquo;illusion de la multiplicit&eacute; et du mouvement dans ce qui n&rsquo;est qu&rsquo;un clignotement. En tant qu&rsquo;enseignante, Paige Baty voit sa bo&icirc;te envahie par des messages professionnels &agrave; toute heure du jour et de la nuit. Cette exigence d&rsquo;une disponibilit&eacute; totale ressemble &agrave; l&rsquo;int&eacute;riorisation du pouvoir que Foucault appelle discipline&nbsp;: le dehors est en dedans, le sujet est envahi par la contrainte, la sph&egrave;re du priv&eacute; se r&eacute;duit. L&rsquo;existence &eacute;lectronique se soumet au contr&ocirc;le, l&rsquo;autonomie promise est d&egrave;s lors donc s&eacute;rieusement relativis&eacute;e, et l&rsquo;auto-&eacute;criture du sujet digital dict&eacute;e par des consid&eacute;rations qui ne lui appartiennent plus. Le collage, comme chez Burroughs, t&eacute;moigne de la dimension machinique du d&eacute;sir, simplement relay&eacute; par le sujet&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Oui, il s&rsquo;agit de d&eacute;sir, et d&rsquo;appartenance, et d&rsquo;autres formes de copi&eacute;-coll&eacute;. Il s&rsquo;agit de messages de St Valentin virtuels. J&rsquo;ai envoy&eacute; les lignes qui m&rsquo;ont happ&eacute;e dans la nasse du net, o&ugrave; j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; harponn&eacute;e, accroch&eacute;e aux mailles de cet empire en filet de p&ecirc;cheur qui s&rsquo;appelle le World Wide Web&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>.</p> </blockquote> <p>La correspondance &eacute;lectronique s&rsquo;apparente au shopping, lorsqu&rsquo;on l&egrave;che les vitrines au hasard dans des centres commerciaux anonymes&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>. Se connecter, c&rsquo;est tenter de se compl&eacute;ter, de r&eacute;pondre &agrave; un manque, celui de la consommation. Le texte &eacute;crit et publi&eacute; sur du papier que tient en main la lectrice s&rsquo;oppose &agrave; l&rsquo;euphorie fr&eacute;n&eacute;tique des &eacute;changes &eacute;lectroniques&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>. Il n&rsquo;est pas anodin que Paige enseigne les sciences humaines, qui fonctionnent sur un autre mode d&rsquo;attention, comme l&rsquo;explique Katherine Hayles&nbsp;:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;attention soutenue, le style cognitif traditionnellement associ&eacute; aux sciences humaines, se caract&eacute;rise par la concentration sur un seul objet pendant de longues p&eacute;riodes (par exemple un roman de Dickens), en ignorant les stimuli ext&eacute;rieurs pendant toute la dur&eacute;e de l&rsquo;attention, la pr&eacute;f&eacute;rence pour un seul flux d&rsquo;information, et une grande tol&eacute;rance pour de longues dur&eacute;es d&rsquo;&eacute;tude. L&rsquo;hyper-attention se caract&eacute;rise par un changement rapide de focus divis&eacute; sur plusieurs t&acirc;ches, la pr&eacute;f&eacute;rence pour des flots d&rsquo;information multiples, la recherche d&rsquo;un degr&eacute; &eacute;lev&eacute; de stimulation, et la faible tol&eacute;rance pour l&rsquo;ennui&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.</p> </blockquote> <p><strong>&nbsp;</strong>Le passage de l&rsquo;attention soutenue qu&rsquo;exige le livre &agrave; l&rsquo;hyper-attention que suppose l&rsquo;utilisation des nouveaux m&eacute;dias reproduit les dangers du passage de la parole &agrave; l&rsquo;&eacute;criture soulev&eacute;s par Platon&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;: il y a atrophie de la m&eacute;moire, ou d&eacute;tournement d&rsquo;attention, court-circuit de la transindividuation&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>&nbsp;et donc du sens. Au niveau collectif, il est tentant de voir les nouveaux m&eacute;dias comme des vecteurs de changement sur le mod&egrave;le de McLuhan. Il y a une sorte d&rsquo;intelligence collective qui participe &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une culture participative, ou du moins &laquo;&nbsp;contributive&nbsp;&raquo; selon l&rsquo;adjectif plus prudent employ&eacute; par le philosophe Bernard Stiegler. Reprenant la d&eacute;monstration de Derrida &agrave; propos du&nbsp;<em>Ph&egrave;dre</em>&nbsp;de Platon, o&ugrave; l&rsquo;&eacute;criture est &agrave; la fois poison (elle fige la pens&eacute;e et d&eacute;truit la m&eacute;moire) et rem&egrave;de (elle fonde la rationalit&eacute; et permet la transmission dans le temps), Stiegler propose de lire le num&eacute;rique selon la m&ecirc;me grille, la communication virtuelle &eacute;tant &agrave; la fois poison et rem&egrave;de, ou&nbsp;<em>pharmakos</em>. Stiegler d&eacute;veloppe son concept de transindividuation &agrave; partir de l&rsquo;individuation de Gilbert Simondon&nbsp;: il fait remarquer que le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo; sont tous deux engag&eacute;s dans un processus d&rsquo;individuation l&rsquo;un par rapport &agrave; l&rsquo;autre. Stiegler &agrave; la suite de Simondon met en &eacute;vidence la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;un milieu technique qui rende possible cette rencontre entre le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref33">[33]</a>. C&rsquo;est dans ce contexte qu&rsquo;il d&eacute;crit internet comme pharmacologique, &agrave; la fois rem&egrave;de et poison. L&rsquo;&egrave;re du num&eacute;rique proc&egrave;de de la grammatisation&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire de la transformation de la continuit&eacute; de la vie et de la nature en unit&eacute; discr&egrave;tes&nbsp;; elle permet la tra&ccedil;abilit&eacute; et le profilage, et donc contribue &agrave; l&rsquo;av&egrave;nement d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; de contr&ocirc;le. Ainsi, pour Stiegler, un des aspects extr&ecirc;mement dangereux d&rsquo;internet est la disparition du secret&nbsp;; la tra&ccedil;abilit&eacute; des donn&eacute;es cr&eacute;e ce qu&rsquo;il appelle une &laquo;&nbsp;nudit&eacute; num&eacute;rique&nbsp;&raquo; qui met &agrave; mal la dignit&eacute; de l&rsquo;homme en d&eacute;truisant l&rsquo;intimit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>. Paige Baty &eacute;voque cette r&eacute;alit&eacute; de &laquo;&nbsp;l&rsquo;acc&egrave;s sans intrusion&nbsp;<a href="#_ftn36" name="_ftnref36">[36]</a>&nbsp;&raquo; dans son r&eacute;cit d&rsquo;une addiction et sa trajectoire d&rsquo;une matrice &agrave; l&rsquo;autre et retour.</p> <h2>3. D&rsquo;une matrice &agrave; l&rsquo;autre et retour<br /> &nbsp;</h2> <p>Au-del&agrave; de ce qu&rsquo;on appelle le &laquo; tourisme de l&rsquo;identit&eacute;&nbsp;&raquo;, ou capacit&eacute; d&rsquo;adopter une identit&eacute; li&eacute;e &agrave; un autre genre ou une autre appartenance ethnique, il s&rsquo;agit de r&eacute;fl&eacute;chir ici &agrave; la potentielle toxicit&eacute; d&rsquo;une forme de communication hors de l&rsquo;espace et du temps.</p> <p>Dans le champ des &eacute;tudes de genre, on a assist&eacute; &agrave; une inflexion du tournant linguistique&nbsp;qui continue &agrave; dominer les autres disciplines des sciences humaines&nbsp;; pour les &eacute;tudes de genre, si le corps est certes un site d&rsquo;inscription, s&rsquo;il est certes parcouru de textes qui le construisent de l&rsquo;ext&eacute;rieur, il n&rsquo;est plus d&eacute;sormais consid&eacute;r&eacute; comme une page blanche&nbsp;: la performance ne se r&eacute;duit pas &agrave; un texte et le corps n&rsquo;est pas seulement le site d&rsquo;o&ugrave; partent et o&ugrave; arrivent les discours. Le &laquo;&nbsp;f&eacute;minisme corporel&nbsp;&raquo; de Elizabeth Grosz fait le pari que la subjectivit&eacute; peut se penser autrement qu&rsquo;en termes de dualisme entre corps et esprit, et affirme que les fonctions cognitives, &eacute;thiques, esth&eacute;tiques, proc&egrave;dent d&rsquo;un corps sexu&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn37" name="_ftnref37">[37]</a>&nbsp;;&nbsp;seule la subjectivit&eacute; incarn&eacute;e ou l&rsquo;encorporation (&laquo;&nbsp;embodiment&nbsp;&raquo;) des pratiques imm&eacute;diates et quotidiennes (la danse, la marche, etc.) inscrit le sujet dans le pr&eacute;sent en tant qu&rsquo;elle est &agrave; la fois&nbsp;<em>embedded</em>&nbsp;(&laquo;&nbsp;situ&eacute;e&nbsp;&raquo;) et&nbsp;<em>embodied</em>&nbsp;(&laquo;&nbsp;incarn&eacute;e&nbsp;&raquo;)&nbsp;: de fa&ccedil;on relationnelle et non binaire, elle existe dans un environnement dont elle contribue &agrave; la constitution, par les pratiques, qui passent par le corps, et les exp&eacute;riences corporelles particuli&egrave;res aux femmes (menstruation, grossesse, accouchement, lactation, m&eacute;nopause, etc.). Ainsi il faut compl&eacute;ter l&rsquo;analyse de position du spectateur comme dict&eacute;e par la cam&eacute;ra propos&eacute;e par les &eacute;tudes filmiques dont s&rsquo;inspirent les mod&egrave;les d&rsquo;analyse de la r&eacute;alit&eacute; virtuelle, conception qui r&eacute;duit le spectateur &agrave; un &oelig;il et fait abstraction du corps qui occupe la place de cin&eacute;ma, corps qui a renonc&eacute; &agrave; la perception au profit de la repr&eacute;sentation, car, comme dans l&rsquo;all&eacute;gorie de la caverne de Platon, &laquo;&nbsp;la preuve de la r&eacute;alit&eacute; est d&eacute;pendante de la motricit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn38" name="_ftnref38">[38]</a>&raquo;. L&rsquo;immobilit&eacute; et la d&eacute;sincarnation ne sont pas un destin&nbsp;<a href="#_ftn39" name="_ftnref39">[39]</a>. La m&eacute;taphore de la matrice est ainsi riche de r&eacute;sonance dans le texte de Baty, qui s&rsquo;ouvre sur plusieurs pages de d&eacute;finitions tir&eacute;es du dictionnaire qui en explorent la richesse s&eacute;mantique. Le texte r&eacute;affirme la r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;encorporation d&egrave;s le d&eacute;but en mettant l&rsquo;accent sur la maladie dont souffre la protagoniste, l&rsquo;endom&eacute;triose, un trouble gyn&eacute;cologique dont les principales manifestations sont des r&egrave;gles abondantes et douloureuses et l&rsquo;infertilit&eacute;. Le&nbsp;<em>email trouble</em>&nbsp;est un&nbsp;<em>female trouble</em>, une pathologie situ&eacute;e et incarn&eacute;e&nbsp;; la f&eacute;minit&eacute; est abord&eacute;e &agrave; partir d&rsquo;une position &eacute;pist&eacute;mologique plut&ocirc;t qu&rsquo;ontologique comme le sugg&egrave;re le jeu de mot sur &laquo;&nbsp;concevoir&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;[L&rsquo;endom&eacute;triose] modifie la fa&ccedil;on dont je vis dans le monde. Elle me marque comme femme &agrave; intervalles r&eacute;guliers. Elle s&rsquo;impose &agrave; moi. Elle rend &eacute;galement difficile ou impossible la capacit&eacute; de &ldquo;concevoir&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn40" name="_ftnref40">[40]</a>&nbsp;&raquo;. Le texte de Baty revient sur sa d&eacute;sorientation&nbsp;; autobiographie postmoderne et f&eacute;ministe, le texte tente de diagnostiquer une autre pathologie, le email trouble ou trouble de la communication d&eacute;j&agrave; explor&eacute; par&nbsp;<em>The</em>&nbsp;<em>Crying of Lot 49</em>&nbsp;de Thomas Pynchon, une des r&eacute;f&eacute;rences de Baty&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Ces connections exigent l&rsquo;absence. Ces connections parlent de ne pas &ecirc;tre l&agrave;. [&hellip;] Il s&rsquo;agit d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre isol&eacute;s qui communiquent tous les uns avec les autres &agrave; partir d&rsquo;un terminal. Cette histoire parle de comment on devient d&eacute;sincarn&eacute;, distanc&eacute;, distinct, et de toutes ces formes de fronti&egrave;res. Elle ne parle pas de pr&eacute;sence. Elle ne parle pas d&rsquo;histoire partag&eacute;e, de repas partag&eacute;, de r&eacute;cit partag&eacute;, ou de toute autre forme de r&eacute;ciprocit&eacute;. Il s&rsquo;agit de contact avec des &eacute;trangers virtualis&eacute;s. Il n&rsquo;y a pas d&rsquo;&eacute;change de fluides corporels sur internet. [&hellip;] Cette forme d&rsquo;&eacute;change vous laisse froid et mort &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur, car elle manque d&rsquo;histoire et de langage d&rsquo;appartenance&nbsp;<a href="#_ftn41" name="_ftnref41">[41]</a>.</p> </blockquote> <p>Le geste autobiographique a pour but de comprendre comment Paige s&rsquo;est retrouv&eacute;e bloqu&eacute;e dans un ailleurs, dans la matrice, cet ut&eacute;rus &eacute;lectronique, cette caverne platonicienne (Baty, 7) fabriqu&eacute;e par l&rsquo;homme o&ugrave; na&icirc;t une vie artificielle&nbsp;: &laquo;&nbsp;La matrice m&rsquo;effa&ccedil;ait en m&ecirc;me temps que je revenais &agrave; moi, dans la simulation de l&rsquo;exp&eacute;rience de ma vie. [&hellip;] O&ugrave; &eacute;tais-je&nbsp;? T&eacute;l&eacute;portation, Scottie. Qui a &eacute;crit le script de cet &eacute;pisode&nbsp;<a href="#_ftn42" name="_ftnref42">[42]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Dans cette matrice elle est saisie du vertige de la d&eacute;sincarnation&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Dans la matrice je n&rsquo;avais pas besoin d&rsquo;aimer mon corps. Dans la matrice je pouvais &ecirc;tre qui je voulais. Dans la matrice je pouvais voyager &agrave; travers le temps et n&rsquo;&ecirc;tre que quelques mots sur une page. Je suis cette Paige blanche qui s&rsquo;est &eacute;crite elle-m&ecirc;me dans la matrice et qui, comme Madame Bovary, s&rsquo;est &eacute;tourdie d&rsquo;illusions et a vals&eacute; jusqu&rsquo;au d&eacute;sastre&nbsp;<a href="#_ftn43" name="_ftnref43">[43]</a>.</p> </blockquote> <p>Le roman est d&egrave;s lors emphatiquement situ&eacute;, et Paige cesse d&rsquo;&ecirc;tre invisible &agrave; elle-m&ecirc;me. Elle profite de son privil&egrave;ge &eacute;pist&eacute;mologique, n&eacute; de sa douleur, pour cr&eacute;er la distance critique que lui refusait l&rsquo;addiction&nbsp;; si comme le remarque Stiegler la grammatisation, sous-syst&egrave;me de la technique, permet au pouvoir de produire les m&eacute;tadonn&eacute;es qui nourrissent son savoir et lui permettent d&rsquo;exercer son contr&ocirc;le sur les esprits, il est toujours possible, gr&acirc;ce &agrave; cette m&ecirc;me grammatisation, de contribuer soi-m&ecirc;me &agrave; la production de ces m&eacute;tadonn&eacute;es&nbsp;<a href="#_ftn44" name="_ftnref44">[44]</a>. Pour Paige Baty, cela passe par un livre, publi&eacute; sur du papier, qui inclut des commentaires r&eacute;flexifs et des citations th&eacute;oriques, en un dispositif, celui de la &laquo;&nbsp;m&eacute;ta-histoire&nbsp;<a href="#_ftn45" name="_ftnref45">[45]</a>&raquo; qui introduit de la complexit&eacute; pour lutter contre l&rsquo;appauvrissement du num&eacute;rique. Il reste que cette strat&eacute;gie critique peut sembler purement r&eacute;active et non cr&eacute;ative, un retrait devant le caract&egrave;re invasif de la technoculture au lieu d&rsquo;&ecirc;tre un geste affirmatif d&rsquo;appropriation de la r&eacute;alit&eacute; virtuelle.</p> <h3><br /> <strong>Notes</strong></h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Donna Haraway, &laquo;&nbsp;A Cyborg Manifesto&nbsp;&raquo; [1985],&nbsp;<em>Simians, Cyborgs and Women, The Reinvention of Nature,&nbsp;</em>New York, Routledge, 1991, p.&nbsp;149-181.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;161.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;149.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Sadie Plant,&nbsp;<em>Zeroes and Ones&nbsp;</em>[1995]<em>,&nbsp;</em>London, Fourth Estate, 1998.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Le terme, d&rsquo;ailleurs contest&eacute;, toute d&eacute;finition &eacute;tant per&ccedil;ue comme r&eacute;ductrice, renvoie &agrave; plusieurs acceptions&nbsp;: la th&eacute;orie f&eacute;ministe de la technologie, les pratiques artistiques de certaines plasticiennes f&eacute;ministes, et les interventions de r&eacute;seaux d&rsquo;activistes f&eacute;ministes dans le cyberespace. Toutes ces manifestations remontent aux ann&eacute;es 1990.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Voir Pippa Norris,&nbsp;<em>Digital Divide&nbsp;: Civic Engagement, Information Poverty, and the Internet Worldwide</em>, New York, Cambridge University Press, 2001.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;Jessie Daniels propose un &eacute;tat des lieux tr&egrave;s d&eacute;taill&eacute; de cette question dans &laquo;&nbsp;Rethinking Cyberfeminism(s)&nbsp;: Race, Gender, and Embodiment&raquo;,&nbsp;<em>Women&rsquo;s Studies Quaterly</em>, Vol. 37, numbers 1&amp; 2, Spring and Summer 2009.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Zygmunt Bauman,&nbsp;<em>Le Co&ucirc;t humain de la mondialisation</em>&nbsp;[1998], Paris, Hachette, 1999, p.&nbsp;8.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;18.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;29.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Paige Baty,<em>&nbsp;Email Trouble: Love and Addiction @the matrix</em>, Austin, University of Texas Press, 1999, p.&nbsp;107. (&ldquo;Solitude and information went hand in hand. They both followed the width of a band, stretching across America on line and off track, lots of people looking back. I write as I hack. I write as I lack.&rdquo;) Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a><em>&nbsp;Id.</em>, p.&nbsp;40.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;Michel Foucault, &laquo; Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un auteur&nbsp;? &raquo;, 1969,&nbsp;<em>Dits et &eacute;crits I, 1954-1975</em>, Paris, Gallimard, 2001.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;<em>Id.,&nbsp;</em>p.&nbsp;820.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;&ldquo;[Poetry] is not the expression of a personality, but an escape from personality&rdquo; (je traduis), T. S. Eliot, &laquo;&nbsp;Tradition and the Individual Talent&nbsp;&raquo; [1919],&nbsp;<em>Selected Essays</em>, New York, Harcourt, Brace, 1950, p.&nbsp;10.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Michel Foucault,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;822.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;826.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;838-839.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Paige Baty,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;5 (&ldquo;I had to be reminded that I lived in a body, and that the same body would one day die, and that no amount of storytelling would stop the process. I had to experience death to get back to life. This did not happen once, but again and again. Remember this while you read: this story is about repetition compulsions.&rdquo;) Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;5.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;William Burroughs,&nbsp;<em>Le Festin nu</em>, trad. Eric Kahane, Paris, Gallimard, Folio SF, 2002, p.&nbsp;39. &Eacute;d. originale&nbsp;:&nbsp;<em>Naked Lunch</em>, New York, Grove, 1959 (&ldquo;Selling is more of a habit than using,&nbsp;&raquo; Lupita says. &laquo;&nbsp;Nonusing pushers have a contact habit, and that&rsquo;s one you can&rsquo;t kick. Agents get it too. Take Bradley the Buyer. Best narcotics agent in the industry. Anyone would make him for junk. [&hellip;] I mean he can walk up to a pusher and score direct. He is so anonymous, grey and spectral the pusher don&rsquo;t remember him afterwards. So he twists one after the other&hellip; Well the Buyer comes to look more and more like a junky. He can&rsquo;t drink. He can&rsquo;t get it up.&nbsp;His teeth fall out. Like pregnant women lose their teeth feeding the stranger, junkies lose their yellow fangs feeding the monkey.&rdquo;).</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Paige Batty,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.&nbsp;</em>p.&nbsp;8 (&ldquo;I reproduced without any messy pregnancies: I simply cloned simulations of myself and then played the roles I had scripted for awhile.&rdquo;) Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Katherine Hayles, parle de &laquo;&nbsp;signifiants clignotants&nbsp;&raquo; (&ldquo;flickering signifiers&rdquo;) &agrave; propos du support de l&rsquo;information &agrave; l&rsquo;&egrave;re num&eacute;rique&nbsp;: enti&egrave;rement d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;e, l&rsquo;information se transmet par une s&eacute;rie de bits, par le jeu entre l&rsquo;ordre et le d&eacute;sordre, la forme et le hasard (&ldquo;pattern and randomness&rdquo;) qui transcende toute pr&eacute;sence, ce qui, pour Hayles, annonce un paradigme culturel qui d&eacute;value syst&eacute;matiquement le corps. Par ailleurs le clignotement du signifiant, par exemple celui d&rsquo;un texte ou d&rsquo;une image sur un moniteur, trahit son caract&egrave;re instable, sa grande sensibilit&eacute; &agrave; la mutation&nbsp;: taper sur une seule touche peut en changer radicalement l&rsquo;aspect. V.&nbsp;&laquo;&nbsp;Virtual Bodies and Flickering Signifiers&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>How we Became Posthuman</em>, Chicago, The University of Chicago Press, 1999, p.&nbsp;25-49.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;Paige Baty,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;96.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;20 (&ldquo;Yes, this is about longing, and belonging, and other kinds of cutting and pasting. This is about virtual valentines. I sent the lines that got me snagged by the net, the kind that got me hooked on the wire of the fishnet empire we call the World Wide Web.&rdquo; Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a><em>&nbsp;Id</em>.,&nbsp;p.&nbsp;43 et p.&nbsp;45.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Pour une critique vigoureuse de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie de l&rsquo;hypertexte et de la culture digitale par opposition au livre-objet, voir Roland Reuss,&nbsp;<em>Sortir de l&rsquo;hypnose num&eacute;rique</em>&nbsp;(2012), trad. Brigitte Vergne &amp; G&eacute;rard Rudent, Paris, &Icirc;lots de r&eacute;sistance, 2013.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Katherine Hayles, &laquo;&nbsp;Hyper and Deep Attention: the Generational Divide in Cognitive Modes&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Profession</em>, n&deg;13, 2007, p.&nbsp;187 (&ldquo;Deep attention, the cognitive style traditionally associated with the humanities, is characterized by concentrating on a single object for long periods (say, a novel by Dickens), ignoring outside stimuli while so engaged, preferring a single information stream, and having a high tolerance for long focus times. Hyper attention is characterized by switching focus rapidly among different tasks, preferring multiple information streams, seeking a high level of stimulation, and having a low tolerance for boredom.&rdquo;) Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;Dans&nbsp;<em>Ph&egrave;dre,</em>&nbsp;Platon oppose Thamus le roi d&rsquo;Egypte, champion du verbe, &agrave; Thoth, le dieu de la math&eacute;matique et de l&rsquo;&eacute;criture. Bernard Stiegler se penche sur ce texte &agrave; la lumi&egrave;re du c&eacute;l&egrave;bre essai de Jacques Derrida &laquo;&nbsp;La Pharmacie de Platon&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La Diss&eacute;mination</em>, Paris, Seuil, 1972.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;La transindividuation est un concept propos&eacute; par Bernard Stiegler qui met en &eacute;vidence la dynamique entre le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; et le &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo; contribuant &agrave; la cr&eacute;ation et la transformation de milieux techno-symboliques o&ugrave; s&rsquo;&eacute;laborent les significations. Pour plus de d&eacute;tails sur le rapport entre le transindividuel de Gilbert Simondon et la transindividuation de Stiegler, voir en ligne&nbsp;<a href="http://arsindustrialis.org/vocabulaire-transindividuation">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 09/09/2016).</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;Bernard Stiegler,&nbsp;<em>De la mis&egrave;re symbolique,&nbsp;</em>Paris, Flammarion, collection &laquo;&nbsp;Champs essais&nbsp;&raquo;, 2013, p.&nbsp;106.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>. La grammatisation est l&rsquo;organisation en unit&eacute;s discr&egrave;tes&nbsp;: l&rsquo;alphabet, l&rsquo;imprimerie, la r&eacute;volution num&eacute;rique sont les trois grands moments de grammatisation en Occident. Bernard Stiegler &eacute;largit le concept introduit par Sylvain Auroux dans&nbsp;<em>La R&eacute;volution technologique de la grammatisation</em>, Li&egrave;ge, Mardaga, 1994. Voir en ligne&nbsp;<a href="http://arsindustrialis.org/grammatisation" target="_blank">ici</a>&nbsp;l&rsquo;entr&eacute;e correspondante dans le vocabulaire du site de l&rsquo;association fond&eacute;e par Stiegler,&nbsp;<em>Ars Industrialis</em>.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;Voir Bernard Stiegler, &laquo;&nbsp;Le Blues du net&nbsp;&raquo;, entretien publi&eacute; sur le blog &laquo;&nbsp;Lois des r&eacute;seaux&nbsp;&raquo;. Consult&eacute; le 09/09/2016.</p> <p><a href="#_ftnref36" name="_ftn36">[36]</a>&nbsp;Paige Baty,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;96.</p> <p><a href="#_ftnref37" name="_ftn37">[37]</a>&nbsp;Elizabeth Grosz,&nbsp;<em>Volatile Bodies&nbsp;: Towards a Corporeal Feminism</em>, Bloomington, Indiana University Press, 1994, p.&nbsp;vii.</p> <p><a href="#_ftnref38" name="_ftn38">[38]</a>&nbsp;Jean-Louis Baudry, &laquo; Le Dispositif &raquo;,&nbsp;<em>Communications</em>, ann&eacute;e 1975, volume 23, num&eacute;ro 1, p.&nbsp;65.</p> <p><a href="#_ftnref39" name="_ftn39">[39]</a>&nbsp;L&rsquo;art digital, en particulier, peut contribuer &agrave; d&eacute;monter la fa&ccedil;on dont fonctionne ce dispositif, en montrant que le corps du spectateur/ice ne peut jamais correspondre parfaitement &agrave; la position pr&eacute;vue par l&rsquo;&oelig;uvre. V.&nbsp;Michele White, T<em>he Body and the Screen&nbsp;: Theories of Internet Spectatorship</em>, Cambridge, MIT Press, 2006, p.&nbsp;151.</p> <p><a href="#_ftnref40" name="_ftn40">[40]</a>&nbsp;Paige Baty,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;6.</p> <p><a href="#_ftnref41" name="_ftn41">[41]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;151-152 (&ldquo;This is about being disembodied, distanced, distinct, and that sort of boundary-thing. It is not about being present. It is not about being there. It is not about a shared history, or a shared meal, or a shared story, or any kind of mutuality. It is about contact with virtual strangers. There is no exchange of bodily fluids on the internet. [&hellip;] This kind of connection leaves you cold and dead inside, because it lacks history and a language of belonging.&rdquo;) Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref42" name="_ftn42">[42]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;41 (&ldquo;The matrix was erasing me even as I came to, in a simulated experience of my life. [&hellip;] Where was I&nbsp;? Beam me up, Scottie. Who is scripting this show&nbsp;?&rdquo;) Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref43" name="_ftn43">[43]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;7 (&ldquo;In the matrix I did not have to love in my body. In the matrix I could be whoever I wanted to be. In the matrix I could travel across time and space and just be some words on a page. I am that plank Paige who wrote herself in the matrix and danced&nbsp;‒&nbsp;like the dazzled Madame Bovary&nbsp;‒&nbsp;into disaster.&rdquo;) Je traduis.</p> <p><a href="#_ftnref44" name="_ftn44">[44]</a>&nbsp;V. le chapitre 3 de Bernard Stiegler,&nbsp;<em>De la mis&egrave;re symbolique</em>,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit.</em></p> <p><a href="#_ftnref45" name="_ftn45">[45]</a>&nbsp;Paige Baty,&nbsp;<em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;51.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <h3>Bibliographie</h3> <p>BATY, Paige S.,&nbsp;<em>Email Trouble: Love and Addiction @the matrix,&nbsp;</em>Austin, University of Texas Press, 1999.</p> <p>BAUDRY, Jean-Louis, &laquo;&nbsp;Le Dispositif&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Communications</em>, ann&eacute;e 1975, volume 23, num&eacute;ro 1, p.&nbsp;56-72.</p> <p>BAUMAN, Zygmunt,&nbsp;<em>Le Co&ucirc;t humain de la mondialisation</em>&nbsp;[1998], Paris, Hachette, 1999.</p> <p>BURROUGHS, William,&nbsp;<em>Le Festin nu</em>&nbsp;[1959], trad. Eric Kahane, Paris, Gallimard, Folio SF, 2002.</p> <p>DANIELS, Jessie, &laquo;&nbsp;Rethinking Cyberfeminism(s): Race, Gender, and Embodiment&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Women&rsquo;s Studies Quaterly</em>, Vol. 37, numbers 1 &amp; 2, Spring and Summer 2009.</p> <p>ELIOT, T.S., &laquo;&nbsp;Tradition and the Individual Talent&nbsp;&raquo; [1919],&nbsp;<em>Selected Essays</em>, New York, Harcourt, Brace, 1950.</p> <p>FOUCAULT, Michel, &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un auteur&nbsp;?&nbsp;&raquo; [1969],&nbsp;<em>Dits et &eacute;crits I, 1954-1975</em>, Paris,</p> <p>Gallimard, 2001.</p> <p>GOFFMAN, Ervin,&nbsp;<em>The Presentation of Self in Everyday Life,&nbsp;</em>New York, Anchor Books, 1959.</p> <p>GROSZ, Elizabeth,&nbsp;<em>Volatile Bodies: Towards a Corporeal Feminism</em>, Bloomington, Indiana UP, 1994.</p> <p>HARAWAY, Donna, &laquo;&nbsp;A Cyborg Manifesto&nbsp;&raquo; [1985],&nbsp;<em>Simians, Cyborgs and Women, The Reinvention of Nature,&nbsp;</em>New York, Routledge, 1991, p.&nbsp;149-181.</p> <p>HAYLES, Katherine, &laquo;&nbsp;Virtual Bodies and Flickering Signifiers&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>How we Became Posthuman</em>, Chicago, The University of Chicago Press, 1999, p.&nbsp;25-49.</p> <p>&ndash; &laquo;&nbsp;Hyper and Deep Attention: the Generational Divide in Cognitive Modes&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Profession</em>, n&deg;13, 2007, p.&nbsp;187-199.</p> <p>NORRIS, Pippa,&nbsp;<em>Digital Divide: Civic Engagement, Information Poverty, and the Internet Worldwide</em>, New York, Cambridge University Press, 2001.</p> <p>PLANT, Sadie,&nbsp;<em>Zeroes and Ones&nbsp;</em>[1995]<em>,&nbsp;</em>London, Fourth Estate, 1998.</p> <p>REUSS, Roland,&nbsp;<em>Sortir de l&rsquo;hypnose num&eacute;rique</em>&nbsp;[2012], trad. Brigitte Vergne &amp; G&eacute;rard Rudent, Paris, Il&ocirc;ts de r&eacute;sistance, 2013.</p> <p>STIEGLER, Bernard, &laquo;&nbsp;Relational Ecology and the Digital Pharmakon&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Culture Machine</em>, vol.&nbsp;13, 2012. En ligne&nbsp;<a href="https://culturemachine.net/wp-content/uploads/2019/01/464-1026-1-PB.pdf" target="_blank">ici&nbsp;</a>&nbsp;(consult&eacute; le 09/09/2016).</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>De la mis&egrave;re symbolique,&nbsp;</em>Paris, Flammarion, collection &laquo;&nbsp;Champs essais&nbsp;&raquo;, 2013.</p> <p>&ndash; &laquo;&nbsp;Le Blues du net&nbsp;&raquo;, entretien publi&eacute; sur le blog &laquo;&nbsp;Lois des r&eacute;seaux&nbsp;&raquo;, post&eacute; le 29/09/20123. En ligne&nbsp;<a href="http://reseaux.blog.lemonde.fr/2013/09/29/blues-net-bernard-stiegler/" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 09/09/2016).</p> <p>WHITE, Michele, T<em>he Body and the Screen: Theories of Internet Spectatorship</em>, Cambridge, MIT P, 2006.</p> <p>&nbsp;</p> <h3><strong>Autrice</strong></h3> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Isabelle Boof-Vermesse&nbsp;</strong>est MCF &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Lille. Ancienne &eacute;l&egrave;ve de l&rsquo;ENS de Fontenay-St Cloud, agr&eacute;g&eacute;e d&rsquo;anglais, elle est sp&eacute;cialiste de litt&eacute;rature de genre,&nbsp; en particulier du roman policier californien,&nbsp; et a publi&eacute; de nombreux articles sur Raymond Chandler, Dashiell Hammett,&nbsp; James Ellroy&hellip; Ses travaux de recherche actuels&nbsp; portent sur le genre cyberpunk,&nbsp; en particulier sur la question de l&rsquo;espace virtuel et des pratiques artistiques chez William Gibson, sur lequel elle a publi&eacute; plusieurs articles. Elle a dirig&eacute; un recueil d&rsquo;articles sur le th&egrave;me de&nbsp;<em>l&rsquo;Imaginaire machinique,</em>&nbsp;&agrave; para&icirc;tre aux Presses universitaires de Sofia, Bulgarie, courant 2017.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>