<h3>Abstract</h3> <p>A sense of digital magic pervades our relationship to networked computers, like a new form of the old animism which caracterize the ambivalent stance humans take towards technology. The perfect simultaneity of two socio-cultural phenomemons at the turn of the century ‒&nbsp;the growing access to high-speed Internet connexions and the huge success of fantastic genres in literature and medias&nbsp;‒, could well be no coincidence after all. In this paper will be examined two types of fictional representations of digital magic in novels and films (the ghost in the machine, the computer as portal to other worlds) as well as their use in commercial advertising.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>imaginary genres, magic, technology</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Et si le succ&egrave;s et l&rsquo;expansion quantitative des genres du merveilleux au tournant du si&egrave;cle (fin des ann&eacute;es 1990&nbsp;&ndash;&nbsp;d&eacute;but des ann&eacute;es 2000) &eacute;taient directement li&eacute;s au d&eacute;veloppement concomitant d&rsquo;Internet (son d&eacute;bit, ses contenus, les appareils y donnant acc&egrave;s)&nbsp;? D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, une place et des pouvoirs toujours plus grands se trouvent conf&eacute;r&eacute;s &agrave; l&rsquo;informatique dans le quotidien de tout consommateur culturel. De l&rsquo;autre, des fictions visant en priorit&eacute; les jeunes (des grands enfants aux jeunes adultes), &laquo;&nbsp;<em>Harry Potter</em>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;<em>&Agrave; la crois&eacute;e des mondes</em>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;<em>Le Seigneur des Anneaux</em>&nbsp;&raquo; de Peter Jackson&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>, nous disent qu&rsquo;il y a plus d&rsquo;un monde et que ces autres mondes sont magiques, d&eacute;bordant de toutes parts les contraintes physiques r&eacute;gissant nos existences r&eacute;elles.</p> <p>Cet article entend explorer certaines implications d&rsquo;un tel postulat&nbsp;: si la co&iuml;ncidence chronologique, stricte, rel&egrave;ve de l&rsquo;&eacute;vidence, elle impose de se pencher sur ses causes, ou ses cons&eacute;quences, et donc de revenir sur le lien entre informatique et merveilleux&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, qui viendrait en quelque sorte prolonger celui, d&eacute;j&agrave; topique et sur lequel les fictions merveilleuses vont pr&eacute;cis&eacute;ment pouvoir jouer, souvent postul&eacute; entre science et magie&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Notre hypoth&egrave;se dans ce cadre sera que ces &oelig;uvres-ci (fantasy et/ou jeunesse) sont venues cristalliser avec ces possibles technologiques-l&agrave; autour d&rsquo;un imaginaire commun qui les relie&nbsp;et rel&egrave;ve du merveilleux magique : l&rsquo;ordinateur a des pouvoirs et nous donne des pouvoirs&nbsp;; c&rsquo;est une machine &agrave; merveilles ouvrant sur d&rsquo;autres mondes et invitant &agrave; les cr&eacute;er, &agrave; les explorer, &agrave; y jouer enfin, la composante ludique s&rsquo;av&eacute;rant essentielle dans le rapprochement que nous allons mettre en lumi&egrave;re.</p> <h2>1.&nbsp;Informatique et merveilleux<br /> &nbsp;</h2> <h3>1.1.&nbsp;Persistance animiste</h3> <p>Il faut d&rsquo;abord constater que les appareils &eacute;lectroniques, en premier lieu les ordinateurs, suscitent un renouveau massif de pratiques, sinon de croyances, animistes&nbsp;; la dimension&nbsp;<em>magique</em>&nbsp;de notre rapport aux nouveaux m&eacute;dias appara&icirc;t comme une r&eacute;alit&eacute; psychologique puissante et multiforme. Pourtant peu de travaux, que ce soit du c&ocirc;t&eacute; de la sociologie, de la psychologie, ou de la philosophie des sciences, se sont pench&eacute;s sur ce ph&eacute;nom&egrave;ne. Quand des chercheurs &eacute;voquent l&rsquo;&laquo;&nbsp;imaginaire d&rsquo;Internet&nbsp;&raquo; ou l&rsquo;&laquo;&nbsp;imaginaire des TICE&nbsp;&raquo;, ils d&eacute;signent ainsi la fa&ccedil;on dont elles se pensent, se con&ccedil;oivent et donc orientent leur propre conception (la m&eacute;taphore des &laquo;&nbsp;autoroutes de l&rsquo;information&nbsp;&raquo;, Internet comme &laquo;&nbsp;utopie&nbsp;&raquo; des libres pionniers, cow-boys et hackers, esprit tr&egrave;s am&eacute;ricain de la &laquo;&nbsp;communaut&eacute;&nbsp;&raquo;, etc.&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>). Mais&nbsp;<em>quid</em>&nbsp;de l&rsquo;usager non sp&eacute;cialiste, dans son rapport au produit fini ? Comment se d&eacute;roule leur vie commune, puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit&nbsp;de cela ? &Agrave; l&rsquo;&eacute;vidence nombreux sont ceux (et l&rsquo;auteur de cet article s&rsquo;y inclut) qui pr&ecirc;tent des humeurs versatiles ou un cycle biologique &agrave; leur ordinateur, &agrave; leur t&eacute;l&eacute;phone ou &agrave; leur scanner (&laquo;&nbsp;il fatigue&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;qu&rsquo;est-ce qui lui prend aujourd&rsquo;hui&nbsp;?&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;tu vas arr&ecirc;ter &ccedil;a tout de suite&nbsp;!&nbsp;&raquo;). Au moindre dysfonctionnement faisant d&eacute;vier d&rsquo;une routine automatis&eacute;e, on entre dans un autre rapport, de type interpersonnel&nbsp;: on juge l&rsquo;appareil d&eacute;moniaque ou formidable, on l&rsquo;aime moins que celui d&rsquo;avant, on le supplie, ne serait-ce qu&rsquo;int&eacute;rieurement, de faire r&eacute;apparaitre tel ou tel pr&eacute;cieux document disparu.</p> <p>Sans croire fermement bien s&ucirc;r &agrave; l&rsquo;efficace de ces rituels, on n&rsquo;en ressuscite pas moins ainsi un imaginaire enfantin tr&egrave;s pr&eacute;gnant, constitutif de la fameuse pens&eacute;e magique et lui-m&ecirc;me fondateur d&rsquo;une conception de la fiction comme jeu de faire-semblant&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;: celui du jouet anim&eacute; comme projection de nos affects, du fameux &laquo;&nbsp;doudou&nbsp;&raquo; auxquels les smartphones, constamment tripot&eacute;s, ont &eacute;t&eacute; abondamment compar&eacute;s par la presse. Les chercheurs se penchent en effet davantage sur les effets psychologiques induits par les nouvelles pratiques num&eacute;ris&eacute;es que sur la fa&ccedil;on dont on per&ccedil;oit leur fonctionnement. Sherry Turkle, psychologue et anthropologue am&eacute;ricaine, annonce bien dans l&rsquo;introduction de son ouvrage&nbsp;<em>Seuls ensemble</em>, qu&rsquo;il va &ecirc;tre question des &laquo;&nbsp;rapports qu&rsquo;entretiennent les gens avec leurs ordinateurs&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;&raquo;. Si le sujet est effectivement trait&eacute; en premi&egrave;re partie, c&rsquo;est sur le cas tr&egrave;s particulier des robots. Beaucoup plus centrale dans le propos en revanche, la question des &laquo;&nbsp;relations humaines m&eacute;diatis&eacute;es par des machines&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo; s&rsquo;impose, et donc des probl&eacute;matiques telles que la simulation narcissique&nbsp;<em>vs</em>&nbsp;l&rsquo;authenticit&eacute;, la multiplication des &eacute;changes virtuels etc. De la m&ecirc;me fa&ccedil;on, la question du &laquo;&nbsp;rapport affectif&nbsp;&raquo; au num&eacute;rique est bien soulev&eacute;e par les enqu&ecirc;tes sociologiques r&eacute;unies par Beno&icirc;t Meyronin sous le titre&nbsp;<em>La G&eacute;n&eacute;ration Y, le manager, l&rsquo;entreprise&nbsp;</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, mais les cohortes d&rsquo;&eacute;tudiants interrog&eacute;s d&eacute;crivent cette fois les sentiments suscit&eacute;s en eux par les&nbsp;<em>t&acirc;ches</em>&nbsp;auxquels ils s&rsquo;autoastreignent ‒ plaisir, mais aussi un cycle constamment aliment&eacute; d&rsquo;ennui et d&rsquo;&eacute;puisement&hellip;</p> <p>Il y aurait donc encore l&agrave; une sorte de point aveugle de la r&eacute;flexion, une forme de &laquo;&nbsp;l&rsquo;Impens&eacute; informatique&nbsp;&raquo;, pour reprendre le titre d&rsquo;un ouvrage de Pascal Robert qui comportait d&rsquo;ailleurs une courte sous-partie &laquo;&nbsp;Le magique&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Il faut garder &agrave; l&rsquo;esprit que la majorit&eacute; des usagers de produits informatiques ne savent pas vraiment comment &ccedil;a marche&nbsp;: ce qui a chang&eacute; depuis une quinzaine d&rsquo;ann&eacute;es, c&rsquo;est ainsi, d&rsquo;abord, que l&rsquo;usager informatique, c&rsquo;est d&eacute;sormais tout le monde, partout, tout le temps. Et d&rsquo;ailleurs, comme le montre cette absence de travaux, on ne nous pose pas la question, on n&rsquo;attend pas de nous qu&rsquo;on s&rsquo;interroge sur leur fonctionnement. On doit au contraire, et dans l&rsquo;ensemble on en est ravis, leur faire confiance pour fonctionner&nbsp;: c&rsquo;est la promesse du&nbsp;<em>plug and play&nbsp;!</em>, o&ugrave; il convient de noter la pr&eacute;sence du &laquo;&nbsp;<em>play&nbsp;</em>&raquo;. On est m&ecirc;me pouss&eacute; &agrave; attendre d&rsquo;eux plut&ocirc;t plus qu&rsquo;ils ne peuvent donner, victimes d&rsquo;un contexte publicitaire, sur lequel nous reviendrons, toujours enclin &agrave; l&rsquo;optimisme et qui n&rsquo;h&eacute;site pas &agrave; multiplier les promesses faramineuses.</p> <h3>1.2.&nbsp;<strong>Puissances magiques</strong></h3> <p>Il est bien question d&rsquo;une forme de magie, et pas la prestidigitation du spectacle, la &laquo;&nbsp;vraie&nbsp;&raquo; magie de fantasy. Les appareils informatiques se font les vecteurs d&rsquo;une puissance r&eacute;elle, mais d&rsquo;origine inconnue et incontr&ocirc;l&eacute;e, dont l&rsquo;utilisateur attend des miracles (communication instantan&eacute;e &agrave; distance avec une pluralit&eacute; de correspondants, acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; du savoir, l&agrave; encore sans peine, sans efforts, tout de suite). Il tend &agrave; doter cette puissance de traits anim&eacute;s, voire anthropomorphiques, ce qui constitue un caract&egrave;re tr&egrave;s stable de l&rsquo;appr&eacute;hension vulgaris&eacute;e du progr&egrave;s technique, puisqu&rsquo;on a parl&eacute; de la &laquo;&nbsp;f&eacute;e &eacute;lectricit&eacute;&nbsp;&raquo; &agrave; son apparition, comme on a pu &eacute;voquer la &laquo;&nbsp;f&eacute;e informatique&nbsp;&raquo; au d&eacute;but des ann&eacute;es 1980 en anticipant ses prouesses&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;(et nous retrouverons des f&eacute;es plus loin). Bien entendu, l&rsquo;informatique &eacute;voque aussi la magie en ce qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un langage ou de langages (les diff&eacute;rentes langues de programmation), qui au profane semblent crypt&eacute;s et qui sont effectivement &eacute;sot&eacute;riques (d&rsquo;une incommunicabilit&eacute; suppos&eacute;e qui est sans doute aussi de l&rsquo;ordre du secret prot&eacute;g&eacute; par ceux qui le ma&icirc;trisent&nbsp;&ndash;&nbsp;les informaticiens&nbsp;&ndash;&nbsp;comme assurant &agrave; leur pouvoir son caract&egrave;re imp&eacute;n&eacute;trable et donc incontr&ocirc;lable). Et ces langues myst&eacute;rieuses permettent de communiquer avec des entit&eacute;s puissantes et de les asservir afin qu&rsquo;elles ex&eacute;cutent les ordres, soit un des sc&eacute;narios magiques les plus &eacute;prouv&eacute;s (l&rsquo;invocation), avec son corollaire &eacute;vident&nbsp;: sous couvert de nous servir loyalement, les g&eacute;nies peuvent en parall&egrave;le ex&eacute;cuter d&rsquo;autres t&acirc;ches que celles souhait&eacute;es, sans que nous en ayons forc&eacute;ment conscience. Le lien lexical est direct entre les d&eacute;mons de nos s&eacute;ries fantastiques pillant l&rsquo;arsenal des sorci&egrave;res &agrave; grimoires&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>, les&nbsp;<em>daimons</em>&nbsp;animaux que Philip Pullman, se rattachant aux traditions philosophiques, attribue aux personnages de son monde secondaire, et les&nbsp;<em>daemons</em>, programmes sans interface, programmes serveurs r&eacute;seaux par exemple. Ce sont aujourd&rsquo;hui des&nbsp;<em>mailer daemons</em>&nbsp;(des serveurs de messagerie) qui nous informent que nos courriers sont bien ou mal arriv&eacute;s &ndash; mais ils n&rsquo;y peuvent rien et nous renvoient vers le&nbsp;<em>postmaster</em>&nbsp;&agrave; contacter pour toute communication ult&eacute;rieure.</p> <p>Rien n&rsquo;interdit d&rsquo;y voir ce que Pascal Robert, dans sa &laquo;&nbsp;Critique de la notion d&rsquo;imaginaire des TIC&nbsp;&raquo;, rep&eacute;rait comme une strat&eacute;gie de discours, politique ou plus exactement id&eacute;ologique, qui consiste &agrave; &laquo;&nbsp;placer l&rsquo;informatique dans une position qui lui &eacute;vite d&rsquo;avoir &agrave; subir des &eacute;preuves de justification&nbsp;&raquo;, ce qui &laquo;&nbsp;engendre un processus de confiance [&hellip;] qui permet de rendre un peu plus irr&eacute;versible le processus d&rsquo;informatisation&nbsp;&raquo;. Cette &laquo;&nbsp;confiance&nbsp;&raquo; qui touche &agrave; la &laquo;&nbsp;foi&nbsp;&raquo; entretient en effet une &laquo;&nbsp;ignorance qui [&hellip;] est beaucoup plus qu&rsquo;un simple d&eacute;ficit d&rsquo;information&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;moins quelque chose qu&rsquo;on ne veut pas comprendre que [&hellip;] quelque chose que l&rsquo;on refuse de munir des moyens de sa compr&eacute;hension&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;&raquo;. Ainsi,</p> <blockquote> <p>&nbsp;la notion d&rsquo;imaginaire participe elle-m&ecirc;me de l&rsquo;id&eacute;ologie qu&rsquo;elle construit. [&hellip;] le recours &agrave; l&rsquo;imaginaire permet un arraisonnement de la technique &agrave; la culture et masque les effets d&rsquo;impens&eacute;s normatifs li&eacute;s &agrave; son d&eacute;veloppement&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>.</p> </blockquote> <p>M&ecirc;me pour qui s&rsquo;int&eacute;resse d&rsquo;un peu plus pr&egrave;s &agrave; ce que recouvrent ces performances toujours plus impressionnantes, c&rsquo;est encore un imaginaire d&rsquo;ordre merveilleux qui surgit et s&rsquo;impose &agrave; nos repr&eacute;sentations&nbsp;&ndash;&nbsp;un merveilleux seulement plus sombre et plus &laquo;&nbsp;scientifique&nbsp;&raquo;, dont &laquo;&nbsp;<em>Matrix</em>&nbsp;&raquo;, toujours exactement au tournant du si&egrave;cle, serait l&rsquo;embl&egrave;me&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. Comment ne pas &ecirc;tre submerg&eacute;, foudroy&eacute;, par la vision des immeubles entiers, des couloirs et &eacute;tages bourr&eacute;s de serveurs surchauff&eacute;s et de climatiseurs surpuissants qui donnent naissance au &laquo;&nbsp;<em>cloud</em>&nbsp;&raquo;, bel exemple d&rsquo;image parfaitement trompeuse, qui renvoie &agrave; la l&eacute;g&egrave;ret&eacute;, &agrave; la nature c&eacute;leste, au r&ecirc;ve, pour un stockage de donn&eacute;es qu&rsquo;on dit &laquo;&nbsp;d&eacute;mat&eacute;rialis&eacute;es&nbsp;&raquo; (en fait, d&eacute;plac&eacute;es pour &ecirc;tre stock&eacute;es plus loin)&nbsp;? M&ecirc;me effet de merveille, d&rsquo;&eacute;tonnement m&ecirc;l&eacute; d&rsquo;admiration et d&rsquo;effroi sacr&eacute; (tout ce que dit en un seul mot l&rsquo;anglais &laquo;&nbsp;<em>awe</em>&nbsp;&raquo;), si l&rsquo;on songe aux centaines de d&eacute;veloppeurs travaillant pendant des ann&eacute;es au rendu le plus exact d&rsquo;une action de jeu ou d&rsquo;un paysage imaginaire&hellip; Se dire que tout cela se ram&egrave;ne &agrave; un code binaire (que pour peu d&rsquo;aligner suffisamment de un et de z&eacute;ro, on cr&eacute;e des mondes) donne le vertige.</p> <p>Une telle &laquo;&nbsp;puissance&nbsp;&raquo;, dans tous les sens du terme, des processeurs calculateurs que sont nos ordinateurs et autres terminaux familiers, apparait directement corr&eacute;l&eacute;e au succ&egrave;s public rencontr&eacute; par les fictions mettant ce principe magique au premier plan, jeux, fantasy, et donc &agrave; plus forte raison merveilleux ludique. Supports num&eacute;riques, pratiques ludiques et genres merveilleux forment&nbsp;<em>nexus</em>, pour filer la m&eacute;taphore, une connexion forte o&ugrave; la confluence des &eacute;nergies est remarquable&hellip; La &laquo;&nbsp;magie&nbsp;&raquo; de l&rsquo;ordinateur vient en effet renforcer,&nbsp;<em>mat&eacute;rialiser</em>&nbsp;la &laquo;&nbsp;magie&nbsp;&raquo; depuis toujours intrins&egrave;que au jeu comme &laquo;&nbsp;domaine du performatif absolu&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>, et le d&eacute;veloppement du genre fantasy prend sens dans ce contexte, en raison de sa &laquo;&nbsp;ludicit&eacute;&nbsp;&raquo; propre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>le primat de l&rsquo;aventure, la plong&eacute;e dans le merveilleux et la coupure nette, visible, avec la r&eacute;alit&eacute;, semble pousser la fantasy vers le faire-semblant et le second degr&eacute;, caract&eacute;ristiques fortes du jeu. [&hellip;] Le &laquo;&nbsp;on aurait dit&nbsp;&raquo; du jeu enfantin s&rsquo;exprime &agrave; merveille dans un environnement fictif qui, s&rsquo;il se doit d&rsquo;&ecirc;tre coh&eacute;rent, n&rsquo;est astreint &agrave; aucune validation scientifique ni &agrave; aucune l&eacute;gitimation rationnelle&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.</p> </blockquote> <p>Jeu et fantasy se rejoignent donc dans leur d&eacute;fense et illustration d&rsquo;une magie r&eacute;alis&eacute;e, que nous promettent &eacute;galement les&nbsp;<em>computer wizards</em>&nbsp;&ndash;&nbsp;pour &eacute;voquer un des plus beaux points de convergence lexicale, toujours plus nombreux&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>, qui attestent de la diffusion de cet imaginaire&nbsp;: s&rsquo;il s&rsquo;entend moins dans l&rsquo;&eacute;quivalent fran&ccedil;ais qui serait &laquo;&nbsp;g&eacute;nie&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;gourou&nbsp;&raquo; de l&rsquo;informatique, les &laquo;&nbsp;ma&icirc;tres du jeu&nbsp;&raquo; dans les MMORPG, r&eacute;gulateurs des univers synth&eacute;tiques qui en surveillent le bon fonctionnement et qu&rsquo;on imagine volontiers &laquo;&nbsp;planant&nbsp;&raquo; loin au-dessus des usagers immerg&eacute;s, sont &eacute;galement appel&eacute;s &laquo;&nbsp;<em>wizards</em>&nbsp;&raquo;, sorciers ou enchanteurs, en anglais dans le texte. On a &eacute;voqu&eacute; les &laquo;&nbsp;daemons&nbsp;&raquo;, ainsi appel&eacute;s, dit-on, pour r&eacute;pondre aux &laquo;&nbsp;dragons&nbsp;&raquo; d&rsquo;une firme concurrente&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. Plus largement, en raison d&rsquo;une convergence culturelle tr&egrave;s pr&eacute;coce, les allusions &agrave; la fantasy (Tolkien et JdR), sont l&eacute;gion dans la culture informatique, comme le rappelle l&rsquo;entr&eacute;e &laquo;&nbsp;Technological subcultures&nbsp;&raquo; de la&nbsp;<em>Tolkien Encyclopedia&nbsp;</em><a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>, depuis le nom des salles du laboratoire d&rsquo;Intelligence Artificielle de Stanford au d&ocirc;me du MIT peint en dor&eacute; de l&rsquo;inscription de l&rsquo;Anneau, en passant par les&nbsp;<em>private jokes</em>&nbsp;de programmeurs.</p> <h2>2.&nbsp;<strong>Deux grands sc&eacute;narios de l&rsquo;imaginaire contemporain</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Dans une configuration sociale o&ugrave; pourtant des efforts sont faits en direction d&rsquo;une meilleure diffusion du savoir technique, et o&ugrave; la technolitt&eacute;racie progresse en effet, il faut pourtant constater la pr&eacute;gnance, et m&ecirc;me la recrudescence r&eacute;cente, d&rsquo;une conception magique des pouvoirs de l&rsquo;ordinateur connect&eacute;. D&egrave;s lors il convient de s&rsquo;int&eacute;resser au r&ocirc;le tenu par les fictions et les emprunts aux codes de la fiction (dans la publicit&eacute; en l&rsquo;occurrence) dans la coalescence de cet imaginaire partag&eacute;. D&rsquo;une part des fictions&nbsp;<em>jouent avec</em>&nbsp;ces fantasmes (notamment autour de l&rsquo;anthropomorphisation des IA et de la porosit&eacute; des m&eacute;tavers), d&rsquo;autre part un imaginaire culturel s&rsquo;impose plus largement, quand les publicitaires nous vendent de la magie, des mondes pour jouer.</p> <h5>2.1.&nbsp;Fant&ocirc;me dans la machine</h5> <p>Une rapide observation de fictions des genres de l&rsquo;imaginaire croisant &laquo;&nbsp;animisme&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;informatique&nbsp;&raquo; met en pr&eacute;sence des deux faces d&rsquo;une m&ecirc;me rencontre entre &laquo;&nbsp;eux&nbsp;&raquo; et nous&nbsp;; eux d&eacute;signent ici des entit&eacute;s num&eacute;riques, mais les sc&eacute;narii retrouvent les&nbsp;<em>topo&iuml;&nbsp;</em>de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, ailleurs repr&eacute;sent&eacute;s par les extra-terrestres ou les immortels. Sans surprise majeure, soit ils entrent dans notre monde, et c&rsquo;est alors fort angoissant pour notre int&eacute;grit&eacute;, soit nous p&eacute;n&eacute;trons chez eux, dans un autre monde plus si virtuel, et cette fois la bascule s&rsquo;op&egrave;re en direction du merveilleux. La premi&egrave;re option rel&egrave;ve de l&rsquo;imaginaire spectral du &laquo;&nbsp;fant&ocirc;me dans la machine&nbsp;&raquo; et, le fant&ocirc;me pr&eacute;sentant une forte tendance &agrave; aspirer &agrave; la corpor&eacute;it&eacute; ou &agrave; surgir dans le monde r&eacute;el pour nous imposer sa hantise, cette image emprunt&eacute;e au genre fantastique sert &agrave; transposer de fa&ccedil;on privil&eacute;gi&eacute;e un ensemble d&rsquo;angoisses li&eacute;es aux proph&eacute;ties transhumanistes&nbsp;: peur de devenir des machines ou bien les pompes &agrave; &eacute;nergie des machines (<em>Matrix</em>&nbsp;toujours), d&rsquo;un avenir fait de clones ou d&rsquo;humains asservis &agrave; des Intelligences Artificielles infiniment puissantes. Sous le titre &laquo;&nbsp;Animisme industriel&nbsp;&raquo;, l&rsquo;artiste Ewenn Chardronnet d&eacute;veloppe un projet dont l&rsquo;objectif est d&rsquo;alerter contre les projets transhumanistes et la &laquo;&nbsp;transparence&nbsp;&raquo; en fait totalitaire de technologies invasives comme la maison intelligente ou le pu&ccedil;age.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-1-chardronnet.png"><img alt="doc-1-chardronnet" height="167" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-1-chardronnet-300x167.png" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-1-chardronnet-300x167.png 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-1-chardronnet-1024x568.png 1024w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-1-chardronnet-810x450.png 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-1-chardronnet-1140x633.png 1140w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-1-chardronnet.png 1306w" width="300" /></a></p> <p><small><i>Doc. 1&nbsp;: Extrait de Ewenn Chardronnet, &laquo;&nbsp;Animisme industriel&nbsp;&raquo;,&nbsp;<a href="http://semaphore.blogs.com/semaphore/files/AnimismeIndustriel.pdf" target="_blank">copie d&rsquo;&eacute;cran</a>&nbsp;&nbsp;(consult&eacute; le 01/07/2016).</i></small></p> <p>La th&egrave;se de sociologie de la communication de Lambert Lipoubou,&nbsp;<em>Le fant&ocirc;me dans la machine.&nbsp;L&rsquo;imaginaire psychique de l&rsquo;homo-cyberneticus</em>, explore le fantasme de la machine sujet dans lequel le corps et la subjectivit&eacute; sont &laquo;&nbsp;potentialis&eacute;s&nbsp;&raquo; artificiellement et en vient &eacute;galement &agrave; alerter sur une humanit&eacute; alt&eacute;r&eacute;e bien plut&ocirc;t qu&rsquo;am&eacute;lior&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>.</p> <p>Une telle pente de l&rsquo;imaginaire se voit constamment sollicit&eacute;e, il est vrai, par le discours m&eacute;diatis&eacute;e d&rsquo;une frange de la communaut&eacute; scientifique am&eacute;ricaine, en lien avec la &laquo;&nbsp;convergence NBIC&nbsp;&raquo; et l&rsquo;annonce de la Singularit&eacute; &agrave; venir&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>. Elle a pu trouver des expressions fines et passionnantes, par exemple dans le film d&rsquo;animation&nbsp;<em>Ghost in the shell</em>&nbsp;de Mamoru Oshii au travers des rapports entre le cyborg et le&nbsp;<em>puppet master</em>, ou chez Vernor Vinge, lui-m&ecirc;me proph&egrave;te de la Singularit&eacute;, dans&nbsp;<em>Rainbows End</em>, o&ugrave; l&rsquo;&eacute;veil d&rsquo;une conscience informatique est trait&eacute; sur le mode du merveilleux ludique&nbsp;: celle-ci choisit d&rsquo;&ecirc;tre un Lapin malicieux face &agrave; une Alice humaine &eacute;puis&eacute;e par les m&eacute;tamorphoses auxquelles elle est contrainte pour le pister&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>. Mais il est frappant de constater combien cette image de l&rsquo;IA, entre fant&ocirc;me et divinit&eacute;, presqu&rsquo;humaine et plus qu&rsquo;humaine, ressurgit sous des formes na&iuml;ves, presque typifi&eacute;es, dans de tout r&eacute;cents&nbsp;<em>blockbusters</em>&nbsp;: dans&nbsp;<em>Transcendence</em>&nbsp;de Wally Pfister&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>, un gourou du futur informatis&eacute;, Will, incarn&eacute; par Johnny Depp, voit sa personnalit&eacute; transf&eacute;r&eacute;e dans un ordinateur juste avant son d&eacute;c&egrave;s (il a &eacute;t&eacute; empoisonn&eacute; par des terroristes liberticides)&nbsp;; il s&rsquo;y &laquo;&nbsp;transcende&nbsp;&raquo;, se dilate, s&rsquo;amplifie et devient omnipr&eacute;sent, omniscient, sorte de Dieu mauvais qu&rsquo;il va falloir renvoyer au n&eacute;ant&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. Dans&nbsp;<em>Terminator Genisys</em>, pour la premi&egrave;re fois dans ce cycle pourtant consacr&eacute; &agrave; la guerre contre les machines, la menace est abord&eacute;e par le biais de la mise en r&eacute;seau, synonyme d&rsquo;ubiquit&eacute; incontr&ocirc;lable, et aboutit &agrave; une figuration de l&rsquo;IA parfaitement typique, silhouette bleut&eacute;e faite d&rsquo;une grille, d&rsquo;un treillis de polygones, mimant la forme d&rsquo;un enfant vite affect&eacute; d&rsquo;une monstrueuse croissance rapide&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> <h3>2.2.&nbsp;Immersion euphorique</h3> <p>Le second grand type de sc&eacute;narios croisant num&eacute;rique et magique dans les fictions contemporaines &laquo;&nbsp;tous publics&nbsp;&raquo; (dont les adolescents sont le c&oelig;ur de cible) repose cette fois sur le postulat de l&rsquo;existence autonome des mondes num&eacute;riques, et en l&rsquo;esp&egrave;ce des mondes de jeux vid&eacute;o&nbsp;&ndash;&nbsp;ainsi de&nbsp;<em>Wreck it Ralph!</em>&nbsp;de Rich Moore&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>, ressuscitant &laquo;&nbsp;le vieil imaginaire animiste &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans les r&ecirc;veries enfantines, qui se voit mis &agrave; profit pour donner vie au petit peuple des jeux vid&eacute;o&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;&raquo;. Ce point de d&eacute;part ouvre en g&eacute;n&eacute;ral &agrave; un basculement dans ces mondes&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>, qui constitue une des mises en fiction les plus pratiqu&eacute;es de l&rsquo;hypoth&egrave;se des mondes multiples, elle-m&ecirc;me irr&eacute;sistiblement tentante. Laurent Bazin a d&rsquo;ailleurs pu cerner un tr&egrave;s large corpus reproduisant ce sc&eacute;nario (un jeune joueur passe dans le monde du jeu). Il veut y lire, faisant fond sur &laquo;&nbsp;la fascination des ados pour les jeux vid&eacute;o et les univers persistants&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;une r&eacute;flexion sp&eacute;culaire sur les enjeux de l&rsquo;immersion virtuelle corr&eacute;l&eacute;e &agrave; une m&eacute;ditation sur les pouvoirs de la fiction&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;&raquo;. Ces fictions, films ou romans, disent en premi&egrave;re instance peu ou prou la m&ecirc;me chose que le &laquo;&nbsp;fant&ocirc;me dans la machine&nbsp;&raquo;&nbsp;; ce que Chelebourg appelle la &laquo;&nbsp;possibilit&eacute; d&rsquo;un libre arbitre des cr&eacute;atures num&eacute;riques &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des algorithmes qui les engendrent&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;conduit &agrave; un doute ontologique, &agrave; une interrogation relativiste portant sur la nature du monde &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur duquel nous nous mouvons, notre degr&eacute; de conscience ou notre capacit&eacute; &agrave; d&eacute;chiffrer cette v&eacute;ritable nature.&nbsp;<em>L&rsquo;Attrape-Mondes</em>&nbsp;de Jean Molla notamment orchestre un tel jeu de bascule baroque entre les deux personnages, qui tour &agrave; tour se croient humains et se d&eacute;couvrent virtuels&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.</p> <p>Mais ce corpus comporte une diff&eacute;rence fondamentale dans la posture axiologique d&rsquo;appr&eacute;hension, d&eacute;sormais&nbsp;<em>fascin&eacute;e</em>&nbsp;par les possibles ainsi ouverts<strong>&nbsp;</strong>-parce que derri&egrave;re les interrogations&nbsp;philosophiques assez vite convenues, ce qui importe en fait dans ces histoires, c&rsquo;est d&rsquo;acc&eacute;der aux mondes du jeu, de les explorer &laquo;&nbsp;en vrai&nbsp;&raquo;, de s&rsquo;y battre, de s&rsquo;y &eacute;battre. Si le courant inquiet ne manque pas d&rsquo;arguments, il n&rsquo;est cependant pas s&ucirc;r qu&rsquo;il sorte gagnant de cette variante de la querelle des anciens et des modernes que repr&eacute;sente la grande lutte des technophobes et des technophiles &ndash; car la croissance et l&rsquo;air du temps ne sont pas de son c&ocirc;t&eacute;. Si les intellectuels, pour le gain de s&eacute;rieux que cela repr&eacute;sente, ont int&eacute;r&ecirc;t &agrave; &ecirc;tre d&eacute;clinistes, les industriels, eux, doivent nous vendre du r&ecirc;ve. Et pr&eacute;cis&eacute;ment, le discours publicitaire va croiser, hybrider, les deux grands courants de repr&eacute;sentation rep&eacute;r&eacute;s (invasion/&eacute;vasion, hantise angoiss&eacute;e ou fascin&eacute;e), en faisant triompher le mode euphorique. Les campagnes de publicit&eacute; nous pr&eacute;sentent une&nbsp;<em>invasion joyeuse</em>&nbsp;: l&rsquo;informatique entre toujours plus dans nos vies, c&rsquo;est merveilleux, c&rsquo;est magique, nous dit-elle&nbsp;&ndash;&nbsp;ce que les fictions &agrave; proprement parler n&rsquo;osent pas formuler ainsi. La publicit&eacute; m&eacute;rite de retenir notre attention dans le cadre d&rsquo;un travail sur &laquo;&nbsp;l&rsquo;imaginaire&nbsp;&raquo; en raison de ce pouvoir de d&eacute;nudation des enjeux, qu&rsquo;elle tire de son pacte fictionnel bien particulier. Elle porte en effet sans du tout s&rsquo;en cacher un discours qui est un franc travestissement du r&eacute;el dont elle pr&eacute;tend parler, et ce&nbsp;<em>au nom du d&eacute;sir</em>. La publicit&eacute; donne forme &agrave; ce qu&rsquo;elle identifie comme un horizon collectif (elle ne dit jamais autre chose que &laquo;&nbsp;voil&agrave; comment devenir ce que vous voulez &ecirc;tre&nbsp;&raquo;) et ce faisant elle nous ment, bien s&ucirc;r, et nous savons parfaitement qu&rsquo;elle nous ment, et elle sait que nous savons qu&rsquo;elle nous ment, dans un but bassement mercantile. Et pourtant, &agrave; l&rsquo;issue de ce pas de deux (en jouant sur la moindre vigilance, la r&eacute;p&eacute;tition, la complicit&eacute; etc.), comme dans un rituel magique efficace tels ceux qu&rsquo;ont d&eacute;crit les anthropologues, elle poss&egrave;de un impact, mesurable, sur nos actes d&rsquo;achat r&eacute;els.</p> <p>Les exemples &agrave; l&rsquo;appui s&rsquo;av&egrave;rent l&agrave; encore extr&ecirc;mement nombreux. On peut citer les &laquo;&nbsp;super-pouvoirs&nbsp;&raquo; que nous conf&eacute;rerait la possession de tel appareil ou de tel abonnement&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>. Les machines se vendent bien entendu sous l&rsquo;angle des prouesses miraculeuses, et jusqu&rsquo;aux c&acirc;bles eux-m&ecirc;mes&nbsp;&ndash;&nbsp;comme sur cette image tir&eacute;e de la campagne &laquo;&nbsp;Num&eacute;ricable-La Fibre&nbsp;&raquo;, o&ugrave; figure une boule d&rsquo;&eacute;nergie manipul&eacute;e par des mains humaines, s&rsquo;y enroulant comme un symbiote.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-2-orange_4g_superpouvoir.png"><img alt="doc-2-orange_4g_superpouvoir" height="111" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-2-orange_4g_superpouvoir-300x111.png" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-2-orange_4g_superpouvoir-300x111.png 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-2-orange_4g_superpouvoir-810x300.png 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-2-orange_4g_superpouvoir.png 851w" width="300" /></a></p> <p><small>Doc. 2&nbsp;: Image publicitaire &copy; Orange</small></p> <p>Plus largement les filaments verts luminescents qui symbolisent partout la &laquo;&nbsp;fibre optique&nbsp;&raquo; m&ecirc;lent le code couleur techno-Matrix avec des courbes et des pulsations beaucoup plus organiques, qui &eacute;voquent celles des ondes de magie traditionnellement figur&eacute;es par des flux de particules lumineuses.</p> <p>Les services (supports techniques, d&eacute;pannage, apr&egrave;s-vente), connaissent la m&ecirc;me m&eacute;tamorphose merveilleuse, particuli&egrave;rement frappante car s&rsquo;y tend &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me le d&eacute;calage entre un r&eacute;el abhorr&eacute; (le cauchemar du&nbsp;<em>bug</em>&nbsp;et de la&nbsp;<em>hotline</em>) et sa r&eacute;invention magique par la fiction publicitaire. La campagne SFR Neufbox nous permet de retrouver l&rsquo;animation des jouets, sous forme ici d&rsquo;un petit peuple d&rsquo;experts, ignor&eacute; mais hyper-efficace, &laquo;&nbsp;petit peuple&nbsp;&raquo; auquel la publicit&eacute; Bouygues Telecom &laquo;&nbsp;Les F&eacute;es&nbsp;&raquo;, redonne sa forme merveilleuse, folklorique, la plus typique, celle de minuscules cr&eacute;atures ail&eacute;es d&eacute;sormais int&eacute;gr&eacute;es, pour nous servir, &agrave; notre quotidien connect&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>.</p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-3-numericable_photo.jpg"><img alt="doc-3-numericable_photo" height="300" loading="lazy" sizes="(max-width: 271px) 100vw, 271px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-3-numericable_photo-271x300.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-3-numericable_photo-271x300.jpg 271w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-3-numericable_photo-810x897.jpg 810w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-3-numericable_photo.jpg 900w" width="271" /></a></p> <p><small>Doc. 3&nbsp;: Image publicitaire &copy; Numericable</small></p> <p><a href="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-4-bouygues-fee.jpg"><img alt="doc-4-bouygues-fee" height="169" loading="lazy" sizes="(max-width: 300px) 100vw, 300px" src="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-4-bouygues-fee-300x169.jpg" srcset="https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-4-bouygues-fee-300x169.jpg 300w, https://komodo21.fr/wp-content/uploads/2016/12/Doc-4-bouygues-fee.jpg 680w" width="300" /></a></p> <p><small>Doc. 4&nbsp;: Image publicitaire &copy; Bouygues</small></p> <p>Les diff&eacute;rents vendeurs de &laquo;&nbsp;Box&nbsp;&raquo; (terminaux multim&eacute;dia,&nbsp;<em>triple</em>&nbsp;ou&nbsp;<em>quadruple play</em>) ont tous investi le cr&eacute;neau de la &laquo;&nbsp;machine &agrave; fictions&nbsp;&raquo;, des jouets et merveilles. Sony a choisi en 2009 de redonner tout son sens &agrave; l&rsquo;objectif ancestral de la fiction avec, pour slogan couvrant l&rsquo;ensemble de ses activit&eacute;s, &laquo;&nbsp;Make Believe&nbsp;&raquo;.</p> <p>Cet ensemble de marques, au pr&eacute;texte constant d&rsquo;une distanciation en trompe-l&rsquo;&oelig;il, humoristique et/ou magique&nbsp;cherchent &agrave; se positionner sur le m&ecirc;me cr&eacute;neau&nbsp;: des fournisseurs de merveilles, les agents d&rsquo;une perm&eacute;abilit&eacute; entre les&nbsp;mondes, garants de l&rsquo;acc&egrave;s optimal au jeu et &agrave; la fiction que nous &laquo;&nbsp;d&eacute;sirons d&rsquo;un d&eacute;sir profond&nbsp;&raquo;&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; des fictions pour adolescents qui assurent l&rsquo;adh&eacute;sion complice des jeunes g&eacute;n&eacute;rations &agrave; l&rsquo;immersion comme valeur&nbsp;<a href="#_ftn35" name="_ftnref35">[35]</a>&nbsp;(la R&eacute;alit&eacute; Virtuelle, longtemps promise, n&rsquo;est semble-t-il plus si loin), elles tendent &agrave; &eacute;tablir que les attentes contemporaines vis-&agrave;-vis des machines connect&eacute;es, au travers des sc&eacute;narios de fiction qui organisent nos interactions, rel&egrave;vent bien de la magie. L&rsquo;opacit&eacute; des protocoles en jeu, observ&eacute;e en premi&egrave;re partie, vient en r&eacute;alit&eacute; davantage soutenir qu&rsquo;ob&eacute;rer ce fantasme de l&rsquo;ordinateur en r&eacute;seau comme portail merveilleux, meilleure voie d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; d&rsquo;autres mondes plus beaux.</p> <p>&nbsp;</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Je note en italiques et entre guillemets les &laquo;&nbsp;titres d&rsquo;ensemble&nbsp;&raquo;, regroupant plusieurs &laquo;&nbsp;titres de volume&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Harry Potter</em>&nbsp;&raquo;, sept romans de J.K. Rowling, 1998-2007, huit films (Chris Columbus, Alfonso Cuarron, Mike Newell et David Yates, 2001‑2011)&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>&Agrave; la crois&eacute;e des mondes</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;<em>His Dark Materials</em>&nbsp;&raquo;), trilogie de Philip Pullman (1995‑2000), un film de Chris Weitz,&nbsp;<em>La Boussole d&rsquo;Or</em>, 2007&nbsp;; &laquo;&nbsp;<em>Le Seigneur des Anneaux</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;<em>The Lord of the Rings</em>&nbsp;&raquo;), trilogie filmique de Peter Jackson d&rsquo;apr&egrave;s J.R.R. Tolkien, 2001-2003.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Je remercie Henri Desbois qui m&rsquo;a fait parvenir son article &laquo;&nbsp;<em>Kind of Magic</em>. Le r&ocirc;le du surnaturel dans les fictions du num&eacute;rique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Interfaces num&eacute;riques</em>, volume 4, n<sup>o</sup>&nbsp;2/2015, p.&nbsp;223‑236. Portant sur un corpus de textes de science-fiction, des ann&eacute;es 1980 &agrave; 2000, le texte piste donc la magie, sous diff&eacute;rentes formes, au sein m&ecirc;me des &oelig;uvres proph&eacute;tiques et technophiles du cyberpunk et du transhumanisme.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;La fameuse phrase selon laquelle &laquo;&nbsp;toute science suffisamment avanc&eacute;e serait indiscernable de la magie&nbsp;&raquo; est formul&eacute;e par l&rsquo;auteur de science-fiction&nbsp;<em>hard science&nbsp;</em>Arthur C. Clarke d&egrave;s 1977&nbsp;:&nbsp;<em>Profiles of the future: an inquiry into the limits of the possible</em>, New York, Popular Library, p.&nbsp;39.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Patrice Flichy,&nbsp;<em>L&rsquo;Imaginaire d&rsquo;Internet</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2001. Amar Lakel&nbsp;<em>et alii&nbsp;</em>(dir.),&nbsp;<em>Imaginaire(s) des technologies d&rsquo;information et de communication</em>, Paris, &Eacute;ditions de la Maison des sciences de l&rsquo;homme, 2008.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Kendall Walton,&nbsp;<em>Mimesis as make-believe. On the foundations of the representational arts</em>, Harvard University Press, 1990.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Sherry Turkle,&nbsp;<em>Alone together&nbsp;</em>(2011)&cedil;&nbsp;<em>Seuls ensemble. De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines</em>, Paris, L&rsquo;&Eacute;chapp&eacute;e, 2015, p.&nbsp;20.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, quatri&egrave;me de couverture.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Beno&icirc;t Meyronin,&nbsp;<em>La G&eacute;n&eacute;ration Y, le manager, l&rsquo;entreprise</em>, Presses Universitaires de Grenoble, &laquo;&nbsp;Management et Innovation&nbsp;&raquo;, 2015.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Pascal Robert,&nbsp;<em>L&rsquo;Impens&eacute; informatique. Critique du mode d&rsquo;existence id&eacute;ologique des technologies de l&rsquo;information et de la communication</em>, Paris, &Eacute;ditions des archives contemporaines, 2012, &laquo;&nbsp;Le magique ?&nbsp;&raquo; (trois paragraphes et autant d&rsquo;exemples d&rsquo;articles de presse &agrave; l&rsquo;appui), p.&nbsp;52.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em></p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Par exemple&nbsp;<em>Charmed</em>, s&eacute;rie cr&eacute;&eacute;e par Constance M. Burge, production Aaron Spelling, Constance M. Burge, Brad Kern &amp; E. Duke Vincent, 1<sup>&egrave;re</sup>&nbsp;diffusion sur Warner Bros Television (The WB), 1998‑2006.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Pascal Robert, &laquo;&nbsp;Critique de la notion d&rsquo;imaginaire des TIC&nbsp;: vieilles cat&eacute;gories (mythes et utopies) et nouveaux outils&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Imaginaire(s) des technologies d&rsquo;information et de communication</em>, Lakel Amar&nbsp;<em>et alii</em>&nbsp;(dir.),&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;89-102, p.&nbsp;99-100.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;Laurence Monnoyer-Smith, &laquo;&nbsp;Conclusion&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>ibid.</em>, p.&nbsp;105.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Trilogie filmique de Larry et Andy Wachowski (d&eacute;sormais Lana et Lilly Wachowski), 1999-2003.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Le monde de la magie est un monde de jeu, monde du second degr&eacute;, qui suppose des r&egrave;gles, une d&eacute;cision fondatrice de chaque acte, une incertitude sur le r&eacute;sultat, la frivolit&eacute; si nous supposons que l&rsquo;on ne croit pas &agrave; la magie. La magie est donc un jeu que l&rsquo;on prend au s&eacute;rieux dans ses cons&eacute;quences. Imaginons que le jeu devienne efficace, que ce que l&rsquo;enfant dit se produise, et nous sommes dans la magie&nbsp;!&nbsp;&raquo;, Gilles Broug&egrave;re, &laquo;&nbsp;La ronde de la culture enfantine&nbsp;de masse&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>La Ronde des jeux et des jouets. Harry, Pikachu, Superman et les autres</em>, Gilles Broug&egrave;re (dir.), Paris, Autrement, &laquo;&nbsp;Mutations&nbsp;&raquo;, 2008, p.&nbsp;17.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Antoine Dauphragne, &laquo;&nbsp;Dynamiques ludiques et logiques de genre&nbsp;: les univers de fantasy&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>ibid.</em>, p.&nbsp;53-54.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Henri Desbois fait la m&ecirc;me remarque dans &laquo;&nbsp;<em>Kind of Magic</em>&nbsp;&raquo;, article cit&eacute;, p.&nbsp;226.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Le terme daemon semble &ecirc;tre introduit en 1963 par les concepteurs de CTSS du MIT, en r&eacute;ponse au &ldquo;dragon&rdquo;&nbsp;&raquo;, terme employ&eacute; par les concepteurs d&rsquo;ITS&nbsp;&raquo; (<em>Wikipedia</em>, entr&eacute;e &laquo;&nbsp;daemon (informatique)&nbsp;&raquo;).</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Michael C. Drout (dir.),&nbsp;<em>J.R.R. Tolkien Encyclopedia: Scholarship and Critical Assessment</em>, New York, Routledge, 2006.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Th&egrave;se soutenue en d&eacute;cembre 2005 &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Montpellier, IRSA/Cri, sous la direction de M. Khellil, publi&eacute;e aux &Eacute;ditions universitaires europ&eacute;ennes.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Il s&rsquo;agit d&rsquo;une vulgate de la pens&eacute;e scientifique am&eacute;ricaine, un horizon de recherche peu traduit en r&eacute;sultats mais omnipr&eacute;sent au plus haut niveau des institutions&nbsp;: la &laquo;&nbsp;convergence NBIC&nbsp;&raquo; (nanotechs, biotechs, sciences de l&rsquo;information, sciences cognitives) jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;impensable &laquo;&nbsp;Singularit&eacute;&nbsp;&raquo; en forment le&nbsp;<em>great narrative</em>, le grand r&eacute;cit inspirateur. Au prestigieux MIT, Eric Drexler (nanotechs), sous l&rsquo;impulsion de Marvin Minsky, patron du programme de l&rsquo;intelligence artificielle, a fait siennes les propositions du rapport&nbsp;<em>Converging Technologies for Improving Human Performance</em>&nbsp;(William Bainbridge et Mihail C. Roco, 2002), militant pour l&rsquo;<em>human enhancement</em>. Ray Kurtzweil a inspir&eacute; la cr&eacute;ation de la Singularity University, en 2009, au c&oelig;ur de la Silicon Valley&nbsp;: financ&eacute;e par Google et par la Nasa, cette universit&eacute; d&rsquo;&eacute;t&eacute; hypers&eacute;lective doit faire progresser la dite convergence, jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;hybridation homme-machine. Les programmes d&rsquo;exploration du cerveau humain concentrent encore l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, &agrave; l&rsquo;image du Human Brain Project d&rsquo;Henry Markram, en collaboration avec IBM, lanc&eacute; en 2011 dans une vaste collecte de fonds europ&eacute;ens pour rester au niveau de son concurrent direct, le projet am&eacute;ricain Human Cognome.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;<em>Ghost in the shell</em>, film de Mamuro Oshii, 1995&nbsp;; Vernor Vinge,&nbsp;<em>Rainbows End&nbsp;</em>(2006), Robert Laffont, &laquo;&nbsp;Ailleurs et demain&nbsp;&raquo;, 2007. Le personnage se nomme Alice Wu&nbsp;&ndash;&nbsp;on entend &laquo;&nbsp;<em>Alice Who</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Alice qui&nbsp;?&nbsp;&raquo;).</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;<em>Transcendence,&nbsp;</em>film de Wally Pfister, Straight Up Films, Syncopy, DMG Entertainment, 2014.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Voir l&rsquo;analyse de ce film par Christian Chelebourg, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique des mondes possibles num&eacute;riques. Virtuel et Intelligence Artificielle dans les fictions de jeunesse&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Mondes possibles, mondes fictionnels, mondes num&eacute;riques</em>, Anne Besson, Nathalie Prince et Laurent Bazin (dir.), Presses Universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Essais&nbsp;&raquo;, 2016, p.&nbsp;89-100.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;<em>Terminator 5, Genisys</em>, film d&rsquo;Alan Taylor, 2015.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;<em>Wreck it Ralph!</em>&nbsp;(<em>Les Mondes de Ralph</em>)<em>,&nbsp;</em>film de Rich Moore, 2012.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Christian Chelebourg,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;90. L&rsquo;article, en lien direct avec notre propos, est plus largement consacr&eacute; &agrave; la fa&ccedil;on dont &laquo;&nbsp;les cr&eacute;ateurs imaginent l&rsquo;autonomie de ces mondes qui foisonnent derri&egrave;re les &eacute;crans de console ou d&rsquo;arcade&nbsp;&raquo;&nbsp;(<em>ibid.</em>, p.&nbsp;89).</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;C&rsquo;est le grand exemple de&nbsp;<em>Tron</em>, film de Steve Lisberger, 1982, et&nbsp;<em>Tron : Legacy,&nbsp;</em>film de Joseph Kosinski, J., 2010.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;&Agrave; la crois&eacute;e des possibles : m&eacute;tatextualit&eacute; et m&eacute;tafictionnalit&eacute; dans le roman contemporain pour adolescents&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Revue fran&ccedil;aise de FiXXIon contemporaine</em>&nbsp;n&deg;9, &laquo;&nbsp;Fiction et virtualit&eacute;(s)&nbsp;&raquo;, Anne Besson &amp; Richard Saint-Gelais (dir.), 2014, en ligne, &sect; 3 et 5. En ligne&nbsp;<a href="https://www.academia.edu/68047524/A_la_crois%C3%A9e_des_possibles_m%C3%A9tatextualit%C3%A9_et_m%C3%A9tafictionnalit%C3%A9_dans_le_roman_contemporain_pour_adolescents">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 01/07/2016).</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Christian Chelebourg,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 92.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;Jean Molla,&nbsp;<em>L&rsquo;Attrape-mondes</em>, Paris, Gallimard Jeunesse, 2003. Le roman est comment&eacute; dans les deux articles cit&eacute;s de Laurent Bazin et Christian Chelebourg.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Avec la 4G d&rsquo;Orange, on peut tous avoir des super-pouvoirs&nbsp;&raquo;, campagne Publicis, 2014&nbsp;&ndash;&nbsp;elle fait suite au &laquo;&nbsp;M4GIC No&euml;l&nbsp;&raquo; de la fin d&rsquo;ann&eacute;e 2013.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;Campagne pour le terminal multim&eacute;dia &laquo;&nbsp;Neufbox&nbsp;&raquo; SFR, Agence Leg, 2008. &laquo;&nbsp;Les f&eacute;es&nbsp;&raquo;, publicit&eacute; pour l&rsquo;offre de t&eacute;l&eacute;phonie et multim&eacute;dia Bouygues, Agence DDB, 2008.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;Je d&eacute;tourne ici une fameuse citation de J.R.R. Tolkien au sujet de la Fa&euml;rie et de leurs plus grands repr&eacute;sentants, les dragons&nbsp;: &laquo;&nbsp;La fantaisie, la fabrication ou l&rsquo;aper&ccedil;u d&rsquo;Autres mondes, &eacute;tait au c&oelig;ur de ce d&eacute;sir de Fa&euml;rie. Je d&eacute;sirais les dragons d&rsquo;un d&eacute;sir profond&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Du conte de f&eacute;es&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;On Fairy-Stories&nbsp;&raquo;, 1939), dans&nbsp;<em>Fa&euml;rie et autres textes</em>, trad. Francis Ledoux, 1974, revue en 2003, Paris, Pocket, 2006, p.&nbsp;51-153, citation p.&nbsp;100.</p> <p><a href="#_ftnref35" name="_ftn35">[35]</a>&nbsp;Voir Anne Besson, Nathalie Prince et Laurent Bazin (dir.),&nbsp;<em>Mondes possibles, mondes fictionnels, mondes num&eacute;riques</em>.&nbsp;<em>Adolescence et culture m&eacute;diatique</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Bibliographie<br /> &nbsp;</h3> <p>BAZIN, Laurent, &laquo;&nbsp;&Agrave; la crois&eacute;e des possibles : m&eacute;tatextualit&eacute; et m&eacute;tafictionnalit&eacute; dans le roman contemporain pour adolescents&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue fran&ccedil;aise de FiXXIon contemporaine</em>&nbsp;n&deg;9 [en ligne], &laquo;&nbsp;Fiction et virtualit&eacute;(s)&nbsp;&raquo;, Anne Besson &amp; Richard Saint-Gelais (dir.), 2014. En ligne&nbsp;<a href="https://www.academia.edu/68047524/A_la_crois%C3%A9e_des_possibles_m%C3%A9tatextualit%C3%A9_et_m%C3%A9tafictionnalit%C3%A9_dans_le_roman_contemporain_pour_adolescents" target="_blank">ici&nbsp;</a>(consult&eacute; le 04/07/2016)</p> <p>BESSON, Anne, Nathalie Prince &amp; Laurent Bazin (dir.),&nbsp;<em>Mondes possibles, mondes fictionnels, mondes num&eacute;riques</em>.&nbsp;<em>Adolescence et culture m&eacute;diatique</em>&cedil; Presses Universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Essais&nbsp;&raquo;, 2016.</p> <p>BOYD, Danah,&nbsp;<em>It&rsquo;s Complicated. The social lives of networked teens</em>, New Haven et Londres, Yale University Press, 2014.</p> <p>BOUGERE, Gilles &laquo;&nbsp;La ronde de la culture enfantine&nbsp;de masse&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>La Ronde des jeux et des jouets. Harry, Pikachu, Superman et les autres</em>, Gilles Broug&egrave;re (dir.), Paris, Autrement, &laquo;&nbsp;Mutations&nbsp;&raquo;, 2008, p. 5-21.</p> <p>CHELEBOURG, Christian, &laquo;&nbsp;Po&eacute;tique des mondes possibles num&eacute;riques. Virtuel et Intelligence Artificielle dans les fictions de jeunesse&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Mondes possibles, mondes fictionnels, mondes num&eacute;riques</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;89‑100.</p> <p>CLARKE Arthur C.,&nbsp;<em>Profiles of the future: an inquiry into the limits of the possible</em>, New York, Popular Library, 1977.</p> <p>DAUPHRAGNE, Antoine, &laquo;&nbsp;Dynamiques ludiques et logiques de genre&nbsp;: les univers de fantasy&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>La Ronde des jeux et des jouets. Harry, Pikachu, Superman et les autres</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;43-58.</p> <p>DESBOIS, Henri, &laquo;&nbsp;<em>Kind of Magic</em>. Le r&ocirc;le du surnaturel dans les fictions du num&eacute;rique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Interfaces num&eacute;riques</em>, volume 4, n<sup>o</sup>&nbsp;2/2015, p.&nbsp;223-236.</p> <p>DROUT, Michael C. (dir.),&nbsp;<em>J.R.R. Tolkien Encyclopedia: Scholarship and Critical Assessment</em>, New York, Routledge, 2006.</p> <p>FLICHY, Patrice,&nbsp;<em>L&rsquo;Imaginaire d&rsquo;Internet</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2001.</p> <p>LAKEL, Amar&nbsp;<em>et alii&nbsp;</em>(dir.),&nbsp;<em>Imaginaire(s) des technologies d&rsquo;information et de communication</em>, Paris, &Eacute;ditions de la Maison des sciences de l&rsquo;homme, 2008.</p> <p>LIPOUBOU, Lambert,&nbsp;<em>Le fant&ocirc;me dans la machine.&nbsp;L&rsquo;imaginaire psychique de l&rsquo;homo-cyberneticus</em>, Th&egrave;se soutenue en d&eacute;cembre 2005 &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Montpellier, IRSA/Cri, sous la direction de M. Khellil, &Eacute;ditions universitaires europ&eacute;ennes, 2006.</p> <p>MEYRONIN, Beno&icirc;t,&nbsp;<em>La G&eacute;n&eacute;ration Y, le manager, l&rsquo;entreprise</em>, Presses Universitaires de Grenoble, &laquo;&nbsp;Management et Innovation&nbsp;&raquo;, 2015.</p> <p>ROBERT, Pascal, &laquo;&nbsp;Critique de la notion d&rsquo;imaginaire des TIC&nbsp;: vieilles cat&eacute;gories (mythes et utopies) et nouveaux outils&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Imaginaire(s) des technologies d&rsquo;information et de communication</em>, Lakel Amar&nbsp;<em>et alii</em>&nbsp;(dir.),&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;89‑102.</p> <p>&ndash;&nbsp;<em>L&rsquo;Impens&eacute; informatique. Critique du mode d&rsquo;existence id&eacute;ologique des technologies de l&rsquo;information et de la communication</em>, Paris, &Eacute;ditions des archives contemporaines, 2012.</p> <p>TURKLE, Sherry,&nbsp;<em>Alone together&nbsp;</em>(2011)&cedil;&nbsp;<em>Seuls ensemble. De plus en plus de technologies, de moins en moins de relations humaines</em>, Paris, L&rsquo;&Eacute;chapp&eacute;e, 2015.</p> <p>WALTON, Kendall,&nbsp;<em>Mimesis as make-believe. On the foundations of the representational arts</em>, Harvard University Press, 1990.</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Autrice</strong></p> <p><strong>Anne Besson</strong>&nbsp;est Professeur de Litt&eacute;rature G&eacute;n&eacute;rale et Compar&eacute;e &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; d&rsquo;Artois (Arras). Sp&eacute;cialiste des ensembles romanesques et des constructions de mondes alternatifs, particuli&egrave;rement en science-fiction, fantasy et litt&eacute;rature de jeunesse, elle est l&rsquo;auteur de&nbsp;<em>D&rsquo;Asimov &agrave; Tolkien,</em>&nbsp;<em>cycles et s&eacute;ries dans la litt&eacute;rature de genre</em>&nbsp;(CNRS &Eacute;ditions, 2004),<em>&nbsp;</em><em>La Fantasy</em>&nbsp;(Klincksieck, collection &laquo;&nbsp;50 questions&nbsp;&raquo;, 2007) et&nbsp;<em>Constellations</em>&nbsp;(CNRS &Eacute;ditions,<em>&nbsp;</em>2015) sur les univers expansifs de la culture m&eacute;diatique contemporaine. Impliqu&eacute;e dans l&rsquo;organisation et la diffusion des activit&eacute;s de recherche, co-fondatrice de l&rsquo;association &laquo;&nbsp;Modernit&eacute;s m&eacute;di&eacute;vales&nbsp;&raquo;, elle a organis&eacute; plusieurs colloques, coordonn&eacute; une douzaine d&rsquo;ouvrages collectifs et anim&eacute; les deux sessions du MOOC &laquo;&nbsp;Fantasy&nbsp;&raquo;.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>