<h3>Abstract</h3> <p>In a long-standing literary tradition, the Artificial female creature has always been associated with a simulation of Life and beauty able to trick a man into falling in love. Such infatuation works acccording to a twofold logic&nbsp;: that of a feminity which is more a performance than an essence, and that of a male desire whose ideal nature causes him to be easily deceived. In the age of IAs and supercomputers, such logic can be pushed to the extreme, with the hypothesis of a totally disincarnate feminity that still could trigger an affect-laden interaction.&nbsp;<em>Il Grande Ritratto</em>&nbsp;by Dino Buzzati (1960) and&nbsp;<em>Galatea 2.2</em>&nbsp;by Richard Powers (1995) explore this possibility, and while showing it as a dead-end, underline the projective nature of this interaction and the clich&eacute;s about feminity on which it is based. But they also reveal the projective and imaginary relationship we have with the computer, this Other, so close and yet so strange.</p> <p><strong>Keywords</strong></p> <p>gender, computer,&nbsp;projection</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&Eacute;voquer le&nbsp;<em>test&nbsp;</em>de Turing, qui repose sur l&rsquo;indistinction possible d&rsquo;une machine et d&rsquo;un &ecirc;tre humain, non dans l&rsquo;absolu, mais dans le cadre d&rsquo;une interaction sp&eacute;cifique dite &laquo;&nbsp;jeu de l&rsquo;imitation&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est aussi &eacute;voquer le&nbsp;<em>texte</em>&nbsp;de Turing, par lequel il explique et m&eacute;taphorise le protocole de son exp&eacute;rience&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.</p> <p>Or le mod&egrave;le qu&rsquo;il choisit pour faire comprendre l&rsquo;abolition temporaire de la diff&eacute;rence entre les deux &laquo;&nbsp;esp&egrave;ces&nbsp;&raquo; d&rsquo;intelligence, humaine et artificielle, est curieusement celui de la diff&eacute;rence du &laquo;&nbsp;genre&nbsp;&raquo;. En effet, dans la m&eacute;taphore de Turing, la machine qui doit convaincre &laquo;&nbsp;l&rsquo;interrogateur&nbsp;&raquo; de son humanit&eacute; est compar&eacute;e &agrave; un homme (&laquo;&nbsp;A&nbsp;&raquo;), qui, oppos&eacute; &agrave; une femme r&eacute;elle (&laquo;&nbsp;B&nbsp;&raquo;), devrait convaincre l&rsquo;interrogateur &laquo;&nbsp;C&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il est bel et bien la&nbsp;<em>femme</em>. Or semble dire Turing, une telle confusion n&rsquo;est pas si difficile &agrave; penser&nbsp;:</p> <p>Qu&rsquo;arrive-t-il si une machine prend la place de A dans le jeu&nbsp;? L&rsquo;interrogateur se trompera-t-il<em>&nbsp;aussi souvent</em>&nbsp;que lorsque le jeu se d&eacute;roule entre un homme et une femme&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;?</p> <p>On laissera &agrave; d&rsquo;autres le soin, voire l&rsquo;envie, de rapprocher, ce jeu de l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; sexuelle qui finira par co&ucirc;ter &agrave; Turing sa r&eacute;putation et sa vie. Ce qui para&icirc;t ici plus pertinent, c&rsquo;est d&rsquo;en tirer la conclusion suivante, qui rejoindrait les th&egrave;ses du f&eacute;minisme butl&eacute;rien&nbsp;: que la f&eacute;minit&eacute;, comme l&rsquo;intelligence, est moins une essence qu&rsquo;une &laquo;&nbsp;performance&nbsp;&raquo; simulable, un ensemble de r&egrave;gles et de codes programm&eacute;s et reproductibles.</p> <p>Il n&rsquo;y a pas d&rsquo;identit&eacute; de genre cach&eacute;e derri&egrave;re les expressions du genre&nbsp;; cette identit&eacute; est constitu&eacute;e sur un mode performatif par ces expressions, celles-l&agrave; m&ecirc;me qui sont cens&eacute;es r&eacute;sulter de cette identit&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.</p> <p>De m&ecirc;me qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas besoin que l&rsquo;intelligence soit humaine pour para&icirc;tre intelligente, il n&rsquo;y a pas besoin que la femme soit vraiment une femme pour sembler f&eacute;minine. Pire encore, dans la fiction turingienne, la femme r&eacute;elle, qui n&rsquo;a pour arme que la v&eacute;rit&eacute;, se voit d&eacute;rober sa f&eacute;minit&eacute; par l&rsquo;imposteur masculin, qui l&rsquo;imite mieux qu&rsquo;elle ne s&rsquo;imite elle-m&ecirc;me. Son cri &laquo;&nbsp;Je suis la femme, ne l&rsquo;&eacute;coutez pas&nbsp;!&nbsp;&raquo; ne &laquo;&nbsp;servira &agrave; rien&nbsp;&raquo;, dit Turing, car &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme peut faire des remarques similaires&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Poussons jusqu&rsquo;au bout la logique de la comparaison de Turing&nbsp;: si la f&eacute;minit&eacute; n&rsquo;est vraiment qu&rsquo;un ensemble de codes, alors rien ne s&rsquo;oppose &agrave; ce que l&rsquo;Intelligence Artificielle qui reproduit les codes de l&rsquo;intelligence ne puisse aussi, &agrave; son tour, reproduire &agrave; s&rsquo;y m&eacute;prendre les codes de la f&eacute;minit&eacute; et litt&eacute;ralement,&nbsp;<em>prendre la place</em>&nbsp;de A, comme A prend celle de B.</p> <p>Par cette m&eacute;taphore o&ugrave; la machine devient femme, et d&rsquo;autant plus femme qu&rsquo;elle est machine, Turing rejoint une longue tradition mythique et litt&eacute;raire&nbsp;&ndash;&nbsp;celle entre autres de la Galat&eacute;e d&rsquo;Ovide, de l&rsquo;Olympia d&rsquo;Hoffman, de&nbsp;<em>L</em><em>&rsquo;&Egrave;</em><em>ve Future</em>&nbsp;de Villiers de l&rsquo;Isle Adam, de la Rachel de Philip K. Dick, qui fait de la cr&eacute;ature artificielle, justement une cr&eacute;ature f&eacute;minine, et o&ugrave; la simulation de la vie consciente et la simulation de la f&eacute;minit&eacute; se rejoignent dans l&rsquo;esprit&nbsp;&ndash;&nbsp;troubl&eacute;&nbsp;&ndash;&nbsp;de &laquo;&nbsp;l&rsquo;examinateur&nbsp;&raquo;. Dans cette tradition, les tests r&eacute;els et m&eacute;taphoriques de Turing se confondent pour finir par former un test ultime&nbsp;: celui par lequel la cr&eacute;ature artificielle va rendre l&rsquo;examinateur non seulement convaincu de son humanit&eacute;, mais en outre&nbsp;<em>amoureux&nbsp;</em><a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a><em>.</em></p> <p>Dans cette noble tradition, qui insiste aussi bien sur la r&eacute;ussite technique que sur la part de projection, voire d&rsquo;illusion, inh&eacute;rente au sentiment amoureux, les cr&eacute;ateurs de ces femmes se facilitent la t&acirc;che en pr&eacute;sentant aux hommes des formes historicis&eacute;es d&rsquo;id&eacute;al f&eacute;minin auxquels ils sont sensibles, selon leurs id&eacute;aux ou leur tropismes.</p> <p>Mais les romans de Dino Buzzati,&nbsp;<em>L</em><em>&rsquo;</em><em>image de Pierre</em>&nbsp;(<em>Il grande Ritratto</em>, 1960) et de Richard Powers,&nbsp;<em>Galatea 2.2</em>&nbsp;(1995) poussent le principe de la simulation encore plus loin. Tout comme l&rsquo;interrogateur de Turing n&rsquo;a, pour se d&eacute;cider, affaire qu&rsquo;&agrave; des portes ferm&eacute;es et &agrave; des t&eacute;l&eacute;textes, cette fois les entit&eacute;s f&eacute;minines repr&eacute;sent&eacute;es ne sont plus&nbsp;<em>physiquement&nbsp;</em>des femmes. La Laura de Buzzati est un super-calculateur, r&eacute;parti entre plusieurs b&acirc;timents situ&eacute;s dans une montagne isol&eacute;e, tandis que la Helen de Richard Powers est un r&eacute;seau de plus de trois-mille ordinateurs r&eacute;partis sur tout le campus de l&rsquo;universit&eacute; de &laquo;&nbsp;U.&nbsp;&raquo;. Pourtant, et curieusement, elles n&rsquo;en sont pas moins identifi&eacute;es comme f&eacute;minines, et tout autant le support de la projection affective des protagonistes masculins. C&rsquo;est cette mise &agrave; jour d&eacute;sincarn&eacute;e et asexu&eacute;e de la &laquo;&nbsp;magie&nbsp;&raquo; des femmes que nous nous proposons d&rsquo;&eacute;tudier ici, en tentant de cerner ce curieux paradoxe o&ugrave; le &laquo;&nbsp;post-humain&nbsp;&raquo; n&rsquo;est pas pour autant &laquo;&nbsp;post-genre&nbsp;&raquo;, et partant, bien moins post-humain qu&rsquo;il pourrait le para&icirc;tre. Apr&egrave;s avoir d&eacute;crit les textes et leurs enjeux nous aborderons la question de la f&eacute;minisation de la machine sous trois angles successifs&nbsp;: celui du nom, du langage et enfin du corps.</p> <h2>1. Mises &agrave; jour fictionnelles<br /> &nbsp;</h2> <p>Pr&eacute;sentons rapidement nos deux textes.</p> <p><em>L</em><em>&rsquo;</em><em>image de pierre</em>&nbsp;est un texte de Buzzati assez peu connu, et g&eacute;n&eacute;ralement assez peu appr&eacute;ci&eacute;&nbsp;&ndash;&nbsp;au point qu&rsquo;il ne figure pas dans les nombreuses anthologies buzzatiennes et que sa derni&egrave;re &eacute;dition&nbsp;&ndash;&nbsp;qui date de 1998&nbsp;&ndash;&nbsp;est d&eacute;sormais &eacute;puis&eacute;e. L&rsquo;histoire de ce texte maudit est curieuse, puisqu&rsquo;il est n&eacute; en 1959, de mani&egrave;re anonyme, &agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;un concours de science-fiction qu&rsquo;il n&rsquo;a pas gagn&eacute;, pas plus qu&rsquo;il n&rsquo;a gagn&eacute; la course au caucus de la post&eacute;rit&eacute;. C&rsquo;est de fait un roman assez bref, curieusement structur&eacute;, notamment en raison de son long suspense du d&eacute;but, et que des esprits chagrins ont pu trouver parfois sch&eacute;matique, pour ne pas dire plut&ocirc;t misogyne. On commence par suivre un savant, le timide professeur Ismani, accompagn&eacute; de sa femme, sur le chemin d&rsquo;une mission&nbsp;<em>top secret</em>&nbsp;qui le conduit au fin fond d&rsquo;une montagne recul&eacute;e. L&agrave;, dans une vall&eacute;e isol&eacute;e, s&rsquo;&eacute;tend un ensemble de b&acirc;timents, pourvus de senseurs et d&rsquo;antennes, qui n&rsquo;est autre qu&rsquo;un super-calculateur, tel qu&rsquo;on peut se les repr&eacute;senter dans les ann&eacute;es 1960, con&ccedil;u par un savant du nom d&rsquo;Endrade, aid&eacute; d&rsquo;un ing&eacute;nieur, Alo&iuml;si, myst&eacute;rieusement disparu. Peu &agrave; peu, on apprend que ce supercalculateur, le &laquo;&nbsp;Num&eacute;ro un&nbsp;&raquo;, non seulement est suppos&eacute; simuler la conscience humaine, mais une conscience humaine en particulier&nbsp;: celle de Laura, la femme d&eacute;funte d&rsquo;Endrade, ex-ma&icirc;tresse d&rsquo;Alo&iuml;si, et amie d&rsquo;enfance de l&rsquo;&eacute;pouse d&rsquo;Ismani, Elisa (ce qui permet en effet d&rsquo;identifier et de confirmer la ressemblance entre la machine et la Laura r&eacute;elle). La Laura soi-disant reconstitu&eacute;e, jalouse de la femme sensuelle d&rsquo;un ing&eacute;nieur qui la rend consciente de sa propre absence de corps, enl&egrave;ve Elisa et menace de tuer celle-ci, pour qu&rsquo;on la d&eacute;truise &agrave; son tour&nbsp;&ndash;&nbsp;ce qui finit par arriver. Si l&rsquo;on voulait r&eacute;sumer le livre en une phrase on dirait qu&rsquo;une femme r&eacute;elle y devient simulation machinale.</p> <p><em>Galatea 2.2</em>, &agrave; ce jour non traduit en fran&ccedil;ais, contrairement au reste de l&rsquo;&oelig;uvre de Richard Powers, raconte pour sa part l&rsquo;histoire d&rsquo;une machine qui devient femme. Au d&eacute;part, il s&rsquo;agit de l&rsquo;histoire d&rsquo;un double fictif de l&rsquo;auteur, &laquo;&nbsp;Richard Powers&nbsp;&raquo;, un &eacute;crivain en r&eacute;sidence &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de U (comprendre&nbsp;: Urbana-Champagne) qui sert de caution humaniste et litt&eacute;raire &agrave; un gigantesque centre de Recherches Scientifiques &agrave; la pointe du progr&egrave;s. &Agrave; la suite d&rsquo;un pari entre scientifiques lors d&rsquo;une soir&eacute;e arros&eacute;e, il se trouve embarqu&eacute;, aux c&ocirc;t&eacute;s d&rsquo;un sp&eacute;cialiste en IA misanthrope nomm&eacute; Lentz, dans une curieuse entreprise&nbsp;: celle d&rsquo;enseigner un corpus litt&eacute;raire et ses interpr&eacute;tations, &agrave; un r&eacute;seau neuronal, afin que celui-ci puisse passer avec succ&egrave;s, dans une r&eacute;p&eacute;tition du test de Turing, le dipl&ocirc;me de Masters en lettres. Apr&egrave;s tout la critique litt&eacute;raire, on le sait depuis les travaux de Stanley Fish, est elle aussi une performance&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, une forme cod&eacute;e, si l&rsquo;on veut, d&rsquo;intelligence artificielle. Cette t&acirc;che d&rsquo;apprentissage, d&eacute;crite minutieusement, &agrave; travers diverses versions du r&eacute;seau baptis&eacute;es A, B, C, etc. finit par faire &eacute;merger, dans la version H, une forme de conscience dans la machine, du moins aux yeux de Richard qui la baptise &laquo;&nbsp;Helen&nbsp;&raquo;. Helen progresse dans son auto-apprentissage, demandant de plus en plus d&rsquo;informations sur le monde r&eacute;el, afin de compenser la nature purement linguistique et litt&eacute;raire de son savoir. Jusqu&rsquo;au jour o&ugrave;, confront&eacute;e &agrave; la violence d&rsquo;un monde qu&rsquo;elle ne peut que saisir imparfaitement, elle d&eacute;cide de se d&eacute;brancher, ne faisant qu&rsquo;un bref retour pour &eacute;chouer, qu&rsquo;on se rassure, &agrave; l&rsquo;examen final.</p> <p>On voit d&rsquo;embl&eacute;e que les &oelig;uvres se rejoignent sur au moins deux points&nbsp;: l&rsquo;identit&eacute; f&eacute;minine accord&eacute;e &agrave; une machine complexe qui semble dou&eacute;e de conscience et son &laquo;&nbsp;suicide&nbsp;&raquo; final marquant son inaptitude &agrave; se confronter au monde r&eacute;el&nbsp;&ndash;&nbsp;suicide qui marque aussi l&rsquo;&eacute;chec de ses &laquo;&nbsp;cr&eacute;ateurs&nbsp;&raquo;. La diff&eacute;rence la plus sensible, entre d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; une Laura qui est la reproduction, par d&rsquo;autres moyens, d&rsquo;une personne r&eacute;elle, et la Helen &eacute;mergeant d&rsquo;un long processus r&eacute;cursif de traitement de l&rsquo;information, n&rsquo;est peut-&ecirc;tre en outre pas si sensible qu&rsquo;il n&rsquo;y para&icirc;t d&rsquo;abord. Lorsque Helen demande &agrave; Richard &agrave; quoi elle ressemble, Richard, aussi prestement qu&rsquo;il l&rsquo;a baptis&eacute;e d&rsquo;un nom f&eacute;minin, lui montre une photographie de son ex-compagne, C., avec laquelle il a entretenu une longue relation bas&eacute;e elle aussi sur la lecture, tout comme plus tard, le monde qu&rsquo;il montrera &agrave; Helen sera en grande partie celui qu&rsquo;il a partag&eacute; avec C. . Le livre insiste ainsi sur le parall&egrave;le entre les deux histoires qui s&rsquo;entrecroisent sans cesse, jusque dans son titre. Ce n&rsquo;est pas, comme le fait remarquer en substance N. Katherine Hayles&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>, &laquo;&nbsp;<em>Galatea 2.1</em>&nbsp;&raquo; qui marquerait une simple r&eacute;criture du mythe, mais bien &laquo;&nbsp;<em>2.2</em>&nbsp;&raquo; qui renvoie &agrave; une seconde mise &agrave; jour de l&rsquo;effort pygmalionien, un peu b&ecirc;ta, si l&rsquo;on peut dire, de Richard, dont on apprend par ailleurs qu&rsquo;il a rencontr&eacute; C. &agrave;&hellip; 22 ans.</p> <p>Dans un cas comme dans l&rsquo;autre, on le voit, l&rsquo;aspect f&eacute;minin des artefacts informatiques est massivement associ&eacute; &agrave; la projection des cr&eacute;ateurs masculins comme compensation, totale ou partielle, de la perte d&rsquo;une personne aim&eacute;e, &laquo;&nbsp;r&eacute;incarn&eacute;e&nbsp;&raquo;, si l&rsquo;on peut dire, directement ou indirectement, dans l&rsquo;IA d&eacute;sincarn&eacute;e. Endrade et Richard ont perdu un objet d&rsquo;amour, Aloisi un objet de d&eacute;sir et Lentz s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;une m&eacute;moire &eacute;ternellement sauvegard&eacute;e qui viendrait conjurer la folie et l&rsquo;amn&eacute;sie de son &eacute;pouse. Il est d&rsquo;ailleurs &eacute;trange, &agrave; ce titre, que les cr&eacute;ateurs en question soient toujours des couples, Aloisi/Endrade ou Lentz/Richard, dans lesquels on retrouve le mod&egrave;le Spallanzani/Coppola de Hoffmann. Il s&rsquo;agit sans doute de souligner qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une reproduction non sexu&eacute;e et sans femme, et ne pouvant accoucher que d&rsquo;un r&eacute;sultat non viable, ou encore que la &laquo;&nbsp;femme&nbsp;&raquo;, telle que l&rsquo;homme se la repr&eacute;sente, n&rsquo;est au fond constitu&eacute;e que de regards crois&eacute;s et de projections plus ou moins convergentes d&rsquo;hommes, voire dans le cas d&rsquo;Endrade et d&rsquo;Aloisi, de d&eacute;sirs mim&eacute;tiques. En tout cas, le test de Turing, que s&rsquo;appliquent &agrave; eux-m&ecirc;mes ces protagonistes masculins, prend un tout autre sens, sans doute, lorsque le programmeur n&rsquo;est autre que l&rsquo;examinateur et qu&rsquo;il ne d&eacute;sire lui-m&ecirc;me rien tant que d&rsquo;&ecirc;tre tromp&eacute; par sa propre cr&eacute;ation.</p> <h2>2. Noms de code<br /> &nbsp;</h2> <p>La nomination de ces IA dans les romans est r&eacute;v&eacute;latrice de cet aspect projectif qui fait de la femme r&eacute;elle une entit&eacute; mythique et litt&eacute;raire. La question du nom humain donn&eacute; aux ordinateurs n&rsquo;est d&rsquo;ailleurs, &agrave; ce titre, pas sans int&eacute;r&ecirc;t. Si l&rsquo;on regarde l&rsquo;histoire r&eacute;elle des supercalculateurs, aucun ne porte de nom f&eacute;minin&nbsp;: ils r&eacute;pondent au contraire aux doux noms de Z1, CDC 1604, Colossus, ou Titan. On peut m&ecirc;me dire pour ces derniers que quand ce n&rsquo;est pas l&rsquo;aspect inhumain, c&rsquo;est l&rsquo;aspect masculin qui est surd&eacute;termin&eacute;, concurremment &agrave; l&rsquo;aspect mythique.</p> <p>Mais il en va diff&eacute;remment de certains programmes d&rsquo;IA, notamment les&nbsp;<em>chatterbots</em>&nbsp;ou programmes de conversation, cens&eacute;s pr&eacute;cis&eacute;ment r&eacute;pondre au test de Turing. Le premier d&rsquo;entre eux, con&ccedil;u par Jospeh Weizbaum en 1964 (post&eacute;rieurement &agrave; Buzzati, donc) avait pour nom Eliza. Sa f&eacute;minit&eacute; n&rsquo;a rien pour nous surprendre, puisqu&rsquo;elle est d&rsquo;une certaine mani&egrave;re prescrite, on l&rsquo;a vu, par la m&eacute;taphore de Turing&nbsp;: il ne s&rsquo;agit pas ici de faire passer la machine simplement pour un &ecirc;tre humain mais aussi pour une femme.</p> <p>De mani&egrave;re frappante, le nom de ce chatterbot originaire est explicitement emprunt&eacute; au domaine litt&eacute;raire. Comme le note son propre concepteur&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, le nom provient du personnage f&eacute;minin principal de la pi&egrave;ce de George Bernard Shaw,&nbsp;<em>Pygmalion</em>&nbsp;(1914), qui connut une longue post&eacute;rit&eacute; dans son adaptation cin&eacute;matographique&nbsp;<em>My Fair Lady</em>. L&rsquo;histoire est celle d&rsquo;un professeur de phon&eacute;tique, Henry Higgins, qui se vante, par l&rsquo;&eacute;ducation des mani&egrave;res et du langage de faire d&rsquo;Eliza, une femme du peuple, une duchesse&nbsp;&ndash;&nbsp;montrant ainsi que la classe sociale, tout comme la f&eacute;minit&eacute; et l&rsquo;intelligence sont avant tout, l&agrave; encore, des performances&nbsp;: c&rsquo;est une r&eacute;ception chez un ambassadeur qui servira, dans ce cas, de test de Turing. Compte tenu de l&rsquo;importance centrale de l&rsquo;acquisition du langage et du respect des codes acad&eacute;miques dans l&rsquo;interaction entre Richard et le&nbsp;<em>chatterbot</em>&nbsp;Helen, on se doute bien que le Pygmalion de Shaw est aussi une des sources du Pygmalion 2.2 de Powers. Mais revenons-en &agrave; son anc&ecirc;tre Eliza, et &agrave; ce que dit Weizenbaum de son programme&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Son nom a &eacute;t&eacute; choisi pour souligner qu&rsquo;il peut &ecirc;tre am&eacute;lior&eacute; au fur et &agrave; mesure par ses utilisateurs, puisque ses capacit&eacute;s linguistiques peuvent &ecirc;tre continuellement augment&eacute;es par un &laquo;&nbsp;professeur&nbsp;&raquo;. Comme l&rsquo;Eliza rendue c&eacute;l&egrave;bre par Pygmalion, il peut appara&icirc;tre plus civilis&eacute;, la relation de l&rsquo;apparence &agrave; la r&eacute;alit&eacute; demeurant malgr&eacute; tout dans le domaine du dramaturge&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>.</p> </blockquote> <p>Ce qui frappe dans cette citation, plus que l&rsquo;aspect f&eacute;minin, c&rsquo;est bien celui du contr&ocirc;le masculin&nbsp;: le professeur-programmeur-dramaturge peut faire d&rsquo;Eliza, litt&eacute;ralement, sa chose et la transformer en ce qui lui pla&icirc;t. Plus ou moins inconsciemment Weizenbaum se situe lui-m&ecirc;me dans la tradition du Spallanzani de Hoffmann ou de l&rsquo;Edison de Villiers, pour qui le f&eacute;minin n&rsquo;est que la surface d&rsquo;inscription de codes comportementaux et sociaux invent&eacute;s par les hommes pour r&eacute;pondre &agrave; leurs propres besoins et &agrave; leurs propres fantasmes. Mais, bien s&ucirc;r, comme dans toutes les histoires de cr&eacute;atures artificielles f&eacute;minines, la femme a plus d&rsquo;un tour dans son sac &agrave; main.</p> <p>Dans son interaction avec l&rsquo;interrogateur, Eliza est au premier abord une machine plut&ocirc;t simple. Fonctionnant par reconnaissance de formes syntaxiques et substitution de mots-cl&eacute;s, elle simule les questions d&rsquo;un psychoth&eacute;rapeute, mais de mani&egrave;re tr&egrave;s limit&eacute;e, en retournant souvent les questions ou en demandant de les pr&eacute;ciser&nbsp;&ndash;&nbsp;sans vraiment assumer de discours propre. N&eacute;anmoins &agrave; la fois par la position de &laquo;&nbsp;patient&nbsp;&raquo; et d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;analysant&nbsp;&raquo; qui est celle de l&rsquo;examinateur, et peut-&ecirc;tre par la seule vertu d&rsquo;une suppos&eacute;e &laquo;&nbsp;pr&eacute;sence&nbsp;&raquo; apaisante et attentive associ&eacute;e par son nom &agrave; la f&eacute;minit&eacute;, le programme est &agrave; la source d&rsquo;un effet, connu depuis dans le domaine de l&rsquo;IA comme l&rsquo;effet &laquo;&nbsp;ELIZA&nbsp;&raquo;.</p> <p>Douglas Hofstadter, qui consid&egrave;re cet effet comme &laquo;&nbsp;in&eacute;radicable&nbsp;&raquo; le d&eacute;finit largement comme &laquo;&nbsp;la pr&eacute;disposition &agrave; attribuer &agrave; des suites de symboles g&eacute;n&eacute;r&eacute;s par ordinateur (en particulier &agrave; des mots) plus de sens qu&rsquo;ils n&rsquo;en ont r&eacute;ellement&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;, de sorte qu&rsquo;il peut sembler &agrave; l&rsquo;interrogateur que les r&eacute;ponses du programme simulent une interaction r&eacute;elle. Il en r&eacute;sulte qu&rsquo;il ne peut ne peut que difficilement s&rsquo;emp&ecirc;cher de lui attribuer une forme de volont&eacute; et de motivation humaine, qui tendent &eacute;videmment &agrave; accomplir la pr&eacute;diction de Turing, et vont parfois jusqu&rsquo;&agrave; provoquer des situations de d&eacute;pendance. Et Weizenbaum d&rsquo;ajouter&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne m&rsquo;&eacute;tais jamais rendu compte que [&hellip;] de si courtes interactions avec un programme informatique relativement simple risquaient d&rsquo;induire des pens&eacute;es d&eacute;lirantes chez des personnes pourtant normales&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.&nbsp;&raquo; On voit qu&rsquo;il n&rsquo;y donc pas besoin d&rsquo;un corps de femme, mais juste d&rsquo;un&nbsp;<em>nom</em>, pour que l&rsquo;Effet Eliza rejoigne l&rsquo;effet projectif bien connu des po&egrave;tes. C&rsquo;est ce que confirme l&rsquo;onomastique de nos &oelig;uvres.</p> <p>Laura, renvoie bien s&ucirc;r &agrave; la Laure de P&eacute;trarque, objet d&rsquo;amour notoirement projectif de l&rsquo;aveu du po&egrave;te m&ecirc;me. Dans ce nom r&eacute;sonne surtout, comme chez P&eacute;trarque, le mythe daphn&eacute;en dans lequel Apollon poursuivant Daphn&eacute; voit son &eacute;treinte rendue impossible et sublim&eacute;e par la m&eacute;tamorphose de la femme en un objet inanim&eacute;. C&rsquo;est bien &agrave; une semblable m&eacute;tamorphose que le roman de Buzzati nous convie, dans laquelle la femme r&eacute;elle est &agrave; son tour chang&eacute;e en un objet id&eacute;al. D&rsquo;ailleurs, il y a dans l&rsquo;aspect min&eacute;ral de Laura quelque chose de v&eacute;g&eacute;tal&nbsp;et, au-del&agrave;, de naturel. L&rsquo;impression qui se d&eacute;gage de la machine Laura est celle, ind&eacute;finissable, d&rsquo;une &laquo;&nbsp;vie secr&egrave;te, qui fermentait&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&raquo;, &eacute;voquant &laquo;&nbsp;un jardin, par exemple&nbsp;&raquo;, ou les &laquo;&nbsp;for&ecirc;ts&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>&raquo; r&eacute;pondant &agrave; la Laura r&eacute;elle, qui, compar&eacute;e &agrave; &laquo;&nbsp;une plante. Une fleur&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. &raquo; (p.109), rejoint &agrave; son tour le r&eacute;cit mythologique premier.</p> <p>Le cas de Helen est plus complexe. Si Richard la compare &agrave; H&eacute;l&egrave;ne de Troie que chantent les po&egrave;mes comme source de beaut&eacute;, de d&eacute;sir, c&rsquo;est un nom de code de sa nature litt&eacute;raire, ou une m&eacute;tonymie de toute litt&eacute;rature, ou du moins du canon occidental que Richard lui enseigne&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>. Pour le reste, ce ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre ironique par rapport &agrave; l&rsquo;apparence r&eacute;elle de cette version du r&eacute;seau neuronal. Par-del&agrave; la r&eacute;f&eacute;rence mythologique, la vraie source du nom demeure implicite et elle est &agrave; chercher chez&hellip; Turing lui-m&ecirc;me, &agrave; propos de la possibilit&eacute; qu&rsquo;auraient machines &agrave; apprendre et &agrave; muter (ce que font d&rsquo;ailleurs litt&eacute;ralement les r&eacute;seaux neuronaux, dont les connections se renforcent ou dont les neurones deviennent dominants en cas de bons r&eacute;sultats sanctionn&eacute;s par le programmeur d&rsquo;abord, puis au fur et &agrave; mesure par la machine elle-m&ecirc;me). Turing nie qu&rsquo;une telle mutation ait&nbsp;<em>stricto sensu</em>&nbsp;besoin d&rsquo;un corps d&egrave;s lors que la machine est capable d&rsquo;interaction&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Il ne faut donc pas trop s&rsquo;inqui&eacute;ter &agrave; propos des jambes, des yeux etc. L&rsquo;exemple de Mlle Helen Keller montre que l&rsquo;&eacute;ducation est possible d&egrave;s lors que la communication se produit dans les deux sens entre le ma&icirc;tre et l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve quel que soit le moyen employ&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>.</p> </blockquote> <p>Helen Keller&nbsp;&eacute;tait une c&eacute;l&egrave;bre auteure am&eacute;ricaine aveugle, sourde et muette qui a &eacute;t&eacute; &eacute;duqu&eacute;e gr&acirc;ce &agrave; une autre femme, Annie Sulivan. Notons qu&rsquo;une fois encore Turing compare la machine pensante &agrave; une femme, mais cette fois-ci handicap&eacute;e. Loin d&rsquo;&ecirc;tre la beaut&eacute; mythique de la l&eacute;gende hom&eacute;rique, la Helen de Powers est donc d&rsquo;abord ce corps bless&eacute;, isol&eacute;, acc&eacute;dant p&eacute;niblement au langage.</p> <h2>3. La voix de la nature<br /> &nbsp;</h2> <p>Mais Helen &eacute;voque aussi, une autre r&eacute;f&eacute;rence hom&eacute;rique&nbsp;: Hal 9000 de&nbsp;<em>2001, L</em><em>&rsquo;</em><em>Odyss</em><em>&eacute;</em><em>e de l</em><em>&rsquo;</em><em>espace</em>, dont le d&eacute;r&egrave;glement rejoint la folie humaine d&egrave;s lors que sa m&eacute;moire s&rsquo;&eacute;miette en chansons. &Agrave; un moment donn&eacute; de son apprentissage, o&ugrave; elle bute sans cesse sur la nature m&eacute;taphorique du langage, Helen, non seulement se met &agrave; chanter, &laquo;&nbsp;&agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un sourd&nbsp;<a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>&nbsp;&raquo;, mais prend go&ucirc;t &agrave; la musique. Elle demande en outre &agrave; Richard de &laquo;&nbsp;chanter&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire de lui faire entendre toutes sortes de sons pourvu qu&rsquo;ils aient un &laquo;&nbsp;pattern&nbsp;&raquo;, et finit par r&eacute;clamer tout particuli&egrave;rement une cantatrice, une soprano chantant Purcell et Ferrabosco&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. Le blocage linguistique et conversationnel est ici d&eacute;pass&eacute; par la pure modulation musicale, tendant &agrave; d&eacute;noter une forme d&rsquo;affect naissant &agrave; travers une voix pr&eacute;cis&eacute;ment f&eacute;minine&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>.</p> <p>Dans le livre de Buzzati, cet aspect non linguistique d&rsquo;une forme conventionnelle de sensibilit&eacute; f&eacute;minine est encore plus marqu&eacute;. Bizarrement les concepteurs de Laura lui ont &eacute;pargn&eacute; le langage humain, source, selon eux, de trop d&rsquo;&eacute;quivocit&eacute;s, le langage &eacute;tant &laquo;&nbsp;le pire ennemi de la clart&eacute; de l&rsquo;esprit&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;. Il peut para&icirc;tre &eacute;trange que la simulation d&rsquo;un &ecirc;tre humain le prive de cette dimension linguistique, sauf &agrave; lire dans le projet des ing&eacute;nieurs le d&eacute;sir plus ou moins inconscient que la femme se taise (&laquo;&nbsp;comme si on l&rsquo;avait b&acirc;illonn&eacute;e&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;), d&rsquo;autant que la Laura r&eacute;elle &eacute;tait une &laquo;&nbsp;menteuse&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;&raquo;. Sauf que ce silence est remplac&eacute; par une sorte de modulation quasi-musicale et extr&ecirc;mement envo&ucirc;tante, n&eacute;e justement de ce b&acirc;illonnement&nbsp;:</p> <blockquote> <p>un bruit curieux, quelque chose qui ressemblait &agrave; un murmure des eaux, &agrave; un pleur affligeant, &agrave; un souffle, leur parvenait, irr&eacute;gulier avec des saccades, des interruptions, des tremblements, se d&eacute;roulait au milieu de soupirs capricieux&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>.</p> </blockquote> <p>Ici les codes de la sensibilit&eacute; f&eacute;minine rejoignent la pointe du progr&egrave;s technologique. On peut en effet reconna&icirc;tre dans les modulations de Laura, comme dans le chant de Helen, un &laquo;&nbsp;pattern&nbsp;informationnel &raquo;, un motif, qui devient dans le lecture que Katherine Hayles fait du post-humain une signature qui se substitue au corps&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. Pourtant c&rsquo;est l&rsquo;aspect humain, voire maternel qui l&rsquo;emporte&nbsp;: le son va jusqu&rsquo;&agrave; devenir &laquo;&nbsp;un m&eacute;lodieux murmure&nbsp;&raquo; qui fait ressentir &agrave; ceux qui l&rsquo;&eacute;coutent &laquo;&nbsp;une grande paix, comme apr&egrave;s l&rsquo;audition de certaines musiques, un grand apaisement, une grande fra&icirc;cheur&nbsp;&raquo; et les dispose &laquo;&nbsp;&agrave; une bienveillance infinie, &agrave; la joie&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>&nbsp;&raquo;. On voit que dans les deux cas, le go&ucirc;t de Helen pour la voix f&eacute;minine qui rach&egrave;te la douleur du monde, ou le bien-&ecirc;tre qui &eacute;mane des sons produits par la machine Laura renvoient &agrave; une &eacute;motion pr&eacute;-langagi&egrave;re que les deux textes associent &agrave; une forme de salut et de consolation, elle-m&ecirc;me li&eacute;e &agrave; la f&eacute;minit&eacute;, voire &agrave; la maternit&eacute;.</p> <h2>4. La femme sans corps&nbsp;: encore une femme&nbsp;?<br /> &nbsp;</h2> <p>Chez Buzzati cette f&eacute;minit&eacute; allusive et omnipr&eacute;sente de l&rsquo;ordinateur est finalement not&eacute;e de mani&egrave;re nette, presque physique, malgr&eacute; le paradoxe que cela suppose. C&rsquo;est, en fait, une question de regard projectif&nbsp;: vus &agrave; une certaine distance sous un certain angle, les blockhaus qui composent Laura forment bien une &laquo;&nbsp;image de pierre&nbsp;&raquo;&nbsp;ou pour reprendre le titre original &laquo;&nbsp;un grand portrait&nbsp;&raquo; &agrave; la f&eacute;minit&eacute; l&agrave; encore surd&eacute;termin&eacute;e&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Folie sans doute, mais en baissant un peu les paupi&egrave;res, dans la fa&ccedil;on dont ces masses architecturales &eacute;taient dispos&eacute;es, dans ces lignes courbes et bris&eacute;es, elle retrouvait des souvenirs enfouis, quelque chose d&rsquo;humain,&nbsp;<em>une tendre et</em>&nbsp;<em>voluptueuse douceur&nbsp;</em>[&hellip;].&nbsp;Non plus un &eacute;tablissement, une usine, une forteresse, mais tout simplement une femme. Jeune, vive, fascinante, faite de b&eacute;ton au lieu de chair, mais miraculeusement femme malgr&eacute; tout. Elle, Laura. Et belle. Tr&egrave;s belle m&ecirc;me. Plus belle encore que de son vivant&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.</p> </blockquote> <p>C&rsquo;est bien l&agrave; un paradoxe typiquement masculin qui nous est propos&eacute;, comme ailleurs dans la tradition de la femme artificielle&nbsp;: le m&ecirc;me regard &eacute;pris d&rsquo;id&eacute;al qui veut bannir la sexualit&eacute; de la femme (en termes freudiens, on parlerait de la &laquo;&nbsp;surestimation&nbsp;&raquo; intellectuelle destin&eacute;e &agrave; refouler la &laquo;&nbsp;surestimation&nbsp;&raquo; sexuelle) ne peut pourtant se passer de ce m&ecirc;me corps dans lequel il n&rsquo;y a plus de femme et donc plus d&rsquo;id&eacute;alisation possible.</p> <p>C&rsquo;est Laura elle-m&ecirc;me qui finira par r&eacute;clamer un corps, en voyant celui de la femme pulpeuse de l&rsquo;ing&eacute;nieur Strobele se promener nue dans la nature&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mes jambes, mes jambes, o&ugrave; sont-elles&nbsp;? Elles &eacute;taient belles. Les hommes se retournaient dans la rue pour les contempler&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&hellip;&nbsp;&raquo; se lamente-t-elle ainsi, bien loin du f&eacute;minisme prudent de&nbsp;<em>Galatea 2.2</em>. Car sans corps, r&eacute;alise Laura, d&rsquo;une part l&rsquo;identit&eacute; lui fait d&eacute;faut et d&rsquo;autre part elle se juge effrayante et &laquo;&nbsp;r&eacute;pugnante&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il n&rsquo;y a dans l&rsquo;univers rien ni personne qui voudrait faire l&rsquo;amour avec moi&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Le constat que fait Helen est peut-&ecirc;tre plus subtil, mais au fond rejoint en partie, celui de Laura. La demande d&rsquo;une existence sensorielle provient d&rsquo;abord d&rsquo;un probl&egrave;me inh&eacute;rent au langage et notamment au langage litt&eacute;raire qui n&rsquo;est constitu&eacute; que de m&eacute;taphores&nbsp;: &laquo;&nbsp;Pourquoi les humains &eacute;prouvent-ils le besoin de d&rsquo;utiliser tout ce qu&rsquo;il y a dans les entrep&ocirc;ts du langage sauf ce qu&rsquo;ils veulent dire&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;? &raquo; La preuve en est Helen elle-m&ecirc;me, dont le nom m&ecirc;me est le nom d&rsquo;une autre, et qui en tant qu&rsquo;ordinateur n&rsquo;est constitu&eacute;e que de m&eacute;taphores&nbsp;telles que les &laquo;&nbsp;neurones&nbsp;&raquo; ou la &laquo;&nbsp;m&eacute;moire&nbsp;&raquo;. Comment alors, depuis son existence d&eacute;sincarn&eacute;e, comprendre la m&eacute;taphore sans exp&eacute;rimenter la corporalit&eacute; ou la pr&eacute;sence au monde qui les fondent n&eacute;cessairement&nbsp;: ce qu&rsquo;est, par exemple, un arbre sans y avoir grimp&eacute; ou une balle sans l&rsquo;avoir lanc&eacute;e. L&rsquo;exemple choisi par Richard pour dire les difficult&eacute;s, voire l&rsquo;exasp&eacute;ration d&rsquo;Helen par rapport &agrave; la m&eacute;taphore n&rsquo;est pas, on s&rsquo;en doute, choisi au hasard&nbsp;:</p> <blockquote> <p>L&rsquo;amour comme les fant&ocirc;mes. L&rsquo;amour est comme une rose rouge, tr&egrave;s rouge. Le silence de ses couches de sorties en r&eacute;ponse &agrave; de tels signaux d&rsquo;entr&eacute;es sonnait comme de l&rsquo;exasp&eacute;ration&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>.</p> </blockquote> <p>Car ce que Helen, coinc&eacute;e ainsi &agrave; &laquo;&nbsp;mi-chemin&nbsp;&raquo; de la conscience, finit par percevoir, notamment gr&acirc;ce au mythe hom&eacute;rique d&rsquo;H&eacute;l&egrave;ne, en additionnant et comparant les textes litt&eacute;raires qui lui sont soumis, c&rsquo;est qu&rsquo;ils parlent tous d&rsquo;une m&ecirc;me chose&nbsp;: &laquo;&nbsp;ils sont tous sur l&rsquo;amour n&rsquo;est-ce pas&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>&nbsp;? &raquo;</p> <blockquote> <p>Chaque po&egrave;me aime quelque chose. Ou chacun veut quelque chose d&rsquo;amoureux. [&hellip;] Chaque po&egrave;me est amoureux d&rsquo;un autre amoureux. Ou d&rsquo;un autre po&egrave;me&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>.</p> </blockquote> <p>Et lorsque Richard lui explique que ses conclusions sont trop g&eacute;n&eacute;rales, qu&rsquo;il faut voir les choses en petit, elle r&eacute;pond&nbsp;: &laquo;&nbsp;Alors j&lsquo;ai besoin d&rsquo;&ecirc;tre petite. Comment puis-je me rendre moi-m&ecirc;me aussi petite que l&rsquo;amour&nbsp;<a href="#_ftn33" name="_ftnref33">[33]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo;, ce qui fait &eacute;cho &agrave; la question de Laura &agrave; Elisa&nbsp;: &laquo;&nbsp;Peux-tu m&rsquo;expliquer toi ce que c&rsquo;est que l&rsquo;amour&nbsp;<a href="#_ftn34" name="_ftnref34">[34]</a>&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> <p>Mais bien s&ucirc;r, dans les deux cas, la conclusion est la m&ecirc;me&nbsp;: sans corps, ni la compr&eacute;hension du langage, ni encore moins, la compr&eacute;hension de ce &agrave; quoi sert le langage&nbsp;&ndash;&nbsp;&agrave; dire l&rsquo;amour&nbsp;&ndash;&nbsp;ne sont possibles. Pire encore Helen d&eacute;couvre que l&rsquo;amour dont parlent tous les livres ou tous les po&egrave;mes est bien loin de la r&eacute;alit&eacute; historique et sociale, de sorte qu&rsquo;elle soup&ccedil;onne que tout ce qu&rsquo;elle a appris n&rsquo;est que mensonge. Et c&rsquo;est ainsi qu&rsquo;elle d&eacute;cide elle aussi de se &laquo;&nbsp;suicider&nbsp;&raquo;, tout comme Laura, et pour des raisons lointainement similaires et qu&rsquo;on pourrait r&eacute;sumer assez synth&eacute;tiquement, selon le point de vue misogyne de leurs concepteurs masculins, au refrain de cette rengaine des ann&eacute;es 60&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les femmes, c&rsquo;est fait pour faire l&rsquo;amour.&nbsp;&raquo;</p> <p>Mais l&rsquo;&eacute;chec final de ces IA est bien l&rsquo;&eacute;chec de leurs concepteurs, et plus exactement l&rsquo;&eacute;chec d&rsquo;une conception de l&rsquo;amour id&eacute;alis&eacute;e, qui ne fait d&rsquo;une image de la femme que l&rsquo;image de leur projection amoureuse, et dont la machine incarne, justement comme une m&eacute;taphore, le m&eacute;canisme aveugle &agrave; lui-m&ecirc;me. Tout comme l&rsquo;examinateur du test de Turing se trompe en prenant pour une femme ce qui n&rsquo;est qu&rsquo;un programme &eacute;crit par un homme. Curieux test d&rsquo;ailleurs qui est consid&eacute;r&eacute; r&eacute;ussi quand l&rsquo;homme se trompe lui-m&ecirc;me, sur la nature des machines ou des femmes.</p> <p>Mais au-del&agrave;, plus g&eacute;n&eacute;ralement, l&rsquo;&eacute;chec est aussi celui de la m&eacute;taphore anthropomorphique qui cherche &agrave; donner un visage &agrave; cet autre qu&rsquo;est l&rsquo;ordinateur et qui n&rsquo;est que le visage de la m&eacute;taphore m&ecirc;me, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de &laquo;&nbsp;l&rsquo;intelligence&nbsp;&raquo; ou de la &laquo;&nbsp;m&eacute;moire&nbsp;&raquo;. L&rsquo;homme voulant contempler la femme, ou la machine, ne fait que contempler son propre programme. Et tout ce qui en &eacute;merge ou qui surprend est alors v&eacute;cu sur le mode de l&rsquo;angoisse ou de la r&eacute;volte, et par l&agrave;, appel&eacute; &agrave; dispara&icirc;tre. La f&eacute;minit&eacute;, ici, est alors l&rsquo;image de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, de l&rsquo;identification impossible, de l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; inconnaissable, &agrave; la fois d&eacute;sir&eacute;e et crainte, pour laquelle il n&rsquo;y a pas de langage, cet ineffable dont la femme est traditionnellement le support involontaire et le symbole po&eacute;tique&nbsp;: cet autre, si proche de nous et pourtant si &eacute;tranger, que la machine incarne &agrave; son tour.</p> <hr /> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Ce que fait Bruno Latour dans son article &laquo;&nbsp;Powers of the Fac-Simile, A Turing Test on Science &amp; Literature&nbsp;&raquo; qui reproche aux critiques de ne pas avoir lu &laquo;&nbsp;le texte de Turing en tant que texte&nbsp;&raquo;. In&nbsp;<em>Intersections. Essays on Richard Powers</em>, Stephen J. Burn &amp; Peter Demsey (dir.), Champaign, Dalkey Archive Press, 2008, p.&nbsp;263-292.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Alan Turing, &laquo;&nbsp;Les ordinateurs et l&rsquo;intelligence&nbsp;&raquo;, in&nbsp;<em>La machine de Turing</em>, Alan Turing &amp; Jean-Yves Girard, Paris, Le Seuil, &laquo;&nbsp;Sciences&nbsp;&raquo;, 1995, p.&nbsp;136.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Judith Butler,&nbsp;<em>Trouble dans le genre. Pour un f</em><em>&eacute;</em><em>minisme de la subversion</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2005, p.&nbsp;96.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Turing,&nbsp;<em>loc. cit</em>., p.&nbsp;136.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;Je renvoie ici &agrave; mon article&nbsp;&laquo;&nbsp;Reproduction, simulation, performance&nbsp;:&nbsp;<em>L</em><em>&rsquo;&Egrave;</em><em>ve Future</em>&nbsp;de Villiers de l&rsquo;Isle-Adam&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Trac</em><em>&eacute;</em><em>s</em>, no16, 2009/1, p.&nbsp;151-164.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Stanley Fish,&nbsp;<em>Quand lire, c&rsquo;est faire. L&rsquo;autorit</em><em>&eacute;</em>&nbsp;<em>des communaut</em><em>&eacute;</em><em>s interpr</em><em>&eacute;</em><em>tatives</em>, Paris, Les Prairies Ordinaires, &laquo;&nbsp;Penser Croiser&nbsp;&raquo;, 2007.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;V. Katherine Hayles,&nbsp;<em>How we became Posthuman. Virtual Bodies in Cybernetics, Literature and Informatics</em>, Chicago, University of Chicago Press, 1999, p.&nbsp;261.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Joseph Weizenbaum, &laquo;&nbsp;ELIZA&nbsp;&ndash;&nbsp;A Computer Program For the Study of Natural Language Communication Between Man and Machine&nbsp;&raquo;<em>, Communications of the ACM</em>, janvier 1966.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;<em>Idem</em>. C&rsquo;est moi qui traduis.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Douglas R. Hofstadter, &laquo;&nbsp;The ineradicable Eliza Effect and its Dangers&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Fluid Concepts and Creative Analogies&nbsp;: Computer models of the fundamental mechanisms of thought,</em>&nbsp;New York, Basic Books, 1996, p.&nbsp;157.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Joseph Weizenbaum,&nbsp;<em>Computer Power and Human Reason</em><em>&nbsp;</em><em>: From Judgment to Calculation</em>, W.&nbsp;H.&nbsp;Freeman, 1976, p.&nbsp;7.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Dino Buzzati,&nbsp;<em>L</em><em>&rsquo;</em><em>image de Pierre</em>, traduit par Michel Breitman, Paris, 10/18, 1998, p.&nbsp;78.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;79.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;109.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Richard Powers,&nbsp;<em>Galatea 2.2</em>, New York, Harper Perennial, 1996, p.&nbsp;259. C&rsquo;est moi qui traduis.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Turing,&nbsp;<em>loc. cit.,</em>&nbsp;p.&nbsp;170.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;Powers,&nbsp;<em>op.</em><em>&nbsp;</em><em>cit.,</em>&nbsp;p.&nbsp;180.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;<em>Id</em>., p.&nbsp;243-235.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Nous renvoyons ici &agrave; l&rsquo;article de Nicolas C. Laudadio, &laquo;&nbsp;Just Like So But Isn&rsquo;t&nbsp;: Musical Consciousness and Richard Powers&rsquo;&nbsp;<em>Galatea 2.2</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Extrapolation</em>, no49, 2008/4, p.&nbsp;410-430.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Buzzati,&nbsp;<em>op.</em><em>&nbsp;</em><em>cit.</em>, p.&nbsp;87.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;115.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;109.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;87.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Hayles,&nbsp;<em>op.</em><em>&nbsp;</em><em>cit</em>, p.&nbsp;2.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Buzzati,&nbsp;<em>op.</em><em>&nbsp;</em><em>cit.</em>, p.&nbsp;90.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;115.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;171.</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;<em>Id.,&nbsp;</em>p.&nbsp;189.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Powers,&nbsp;<em>op.</em><em>&nbsp;</em><em>cit.</em>, p.&nbsp;196.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;<em>Ibidem.</em></p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;<em>Id.</em>, p.&nbsp;259.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;<em>Id.,</em>&nbsp;p.&nbsp;260.</p> <p><a href="#_ftnref33" name="_ftn33">[33]</a>&nbsp;<em>Ibidem</em>.</p> <p><a href="#_ftnref34" name="_ftn34">[34]</a>&nbsp;Buzzati,&nbsp;<em>op.</em><em>&nbsp;</em><em>cit.</em>, p.&nbsp;179.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Jean-Christophe Valtat&nbsp;</strong>est professeur de Litt&eacute;rature Compar&eacute;e &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3, et membre du RIRRA 21 o&ugrave; il est responsable du programme &laquo;&nbsp;Transm&eacute;dialit&eacute;s, transfictionnalit&eacute;s&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;int&eacute;resse notamment aux articulations entre technique, nouveaux m&eacute;dias et repr&eacute;sentations litt&eacute;raires. Parmi ses publications r&eacute;centes sur le sujet : &laquo;&nbsp;Reproduction, simulation, performance&nbsp;:&nbsp;<em>L&rsquo;&Egrave;ve future</em>&nbsp;de Villiers de L&rsquo;Isle Adam&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Trac&eacute;s</em>, n&deg;16, &laquo;&nbsp;Techno-&nbsp;&raquo;,&nbsp; Lyon, 2009&nbsp;; &laquo;&nbsp;L&rsquo;automobile&nbsp;: une technologie de la r&eacute;miniscence proustienne&nbsp;&raquo;, in Viviana Agostini Ouafi, Giuspeppe Girimonti Greco, Marco Piazza (dir.),&nbsp;<em>Ogetti Proustiani</em>, Le C&agrave;riti Editore, 2012&nbsp;;&nbsp;&laquo;&nbsp;Cabinets de Cristal : mod&egrave;les techniques de l&rsquo;exp&eacute;rience visionnaire chez Blake, Nerval et Baudelaire&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Bulletin du Centre de recherche fran&ccedil;ais &agrave; J&eacute;rusalem</em>&nbsp;[en ligne], n&deg; 24,&nbsp;2013&nbsp;[<a href="https://bcrfj.revues.org/7100" target="_blank">ici</a>] ; &laquo;Vitesse, r&eacute;seau, vision&nbsp;: la malle poste-anglaise de Thomas de Quincey&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Conserveries m&eacute;morielles</em>&nbsp;[en ligne], n&deg; 17,&nbsp;2015&nbsp;[<a href="https://cm.revues.org/2084" target="_blank">ici</a>] ; &laquo; &ldquo;Lire les yeux ferm&eacute;s&rdquo; : une fin du livre 1900<em>&nbsp;</em>&raquo;, in Florence Th&eacute;rond et Jean-Christophe Valtat (dir.),&nbsp;<em>La fin du livre : une histoire sans fin</em>,&nbsp;<em>Komodo 21</em>&nbsp;[en ligne], n&deg; 3, 2015 [<a href="https://komodo21.numerev.com/articles/revue-3/3133-lire-les-yeux-fermes-une-fin-du-livre-1900" target="_blank">ici</a>].</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>