<h3>Abstract</h3> <p>The geek figure, a fan of computers and fantasy worlds, as an incarnation of the cultural tendencies of our time is highly visible in public sphere. It is especially observable by its presence in popular fictions. We can link it to the massive claiming of a cultural and collective identity. This double emergence invites us to go back to the origins of this archetypal character both familiar and still strange. This essay will deal with the trajectory of this figure in fictions. This will be done by contextualizing the birth of its typical characteristics and focusing on the issues of its places of living, its body, and its links with the theme of masculinity.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>informatique,&nbsp;geek,&nbsp;nerd,&nbsp;teen-movies,&nbsp;computer science</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>Un geek (/gik/) est une personne passionn&eacute;e par un ou plusieurs domaines pr&eacute;cis, plus souvent utilis&eacute; pour les domaines li&eacute;s aux &laquo;&nbsp;cultures de l&rsquo;imaginaire&nbsp;&raquo; (le cin&eacute;ma, la bande dessin&eacute;e, les jeux vid&eacute;o,&nbsp;etc.), ou encore aux sciences, &agrave; la technologie et l&rsquo;informatique&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>.</p> </blockquote> <p>Il sera question dans cet article de la naissance et de l&rsquo;&eacute;volution de la figure du &laquo;&nbsp;geek&nbsp;&raquo; dans la fiction populaire am&eacute;ricaine. Le geek en tant que st&eacute;r&eacute;otype souvent p&eacute;joratif (mais de moins en moins), ais&eacute;ment reconnaissable &agrave; quelques traits est en effet un personnage tr&egrave;s repr&eacute;sent&eacute; dans la fiction depuis le milieu du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. Encore aujourd&rsquo;hui, il n&rsquo;est pas un<em>&nbsp;blockbuster&nbsp;</em>produit par Hollywood, une s&eacute;rie de comics ou encore une s&eacute;rie t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e qui semble pouvoir se passer de pr&eacute;senter un tel personnage. Depuis la fin des ann&eacute;es 2000 que ce soit aux &Eacute;tats-Unis ou en France il est m&ecirc;me question d&rsquo;une &laquo;&nbsp;culture geek&nbsp;&raquo; qui fait l&rsquo;objet d&rsquo;un ph&eacute;nom&egrave;ne de mode m&eacute;diatique alors que, dans le m&ecirc;me temps, le sens de cet anglicisme est loin de faire consensus.</p> <p>Ainsi, en janvier 2009 le magazine&nbsp;<em>Technikart</em>&nbsp;affichait en Une d&rsquo;un num&eacute;ro hors-s&eacute;rie consacr&eacute; au ph&eacute;nom&egrave;ne, le titre &laquo;&nbsp;60 millions de geek&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>&nbsp;&raquo;, comme pour signaler que nous serions tous devenus au moins en partie des geeks. Quelques mois apr&egrave;s la sortie de cette revue, les &eacute;ditions Larousse annon&ccedil;aient que le vocable geek int&eacute;grait la version&nbsp;2010 de leur dictionnaire. Quasiment au m&ecirc;me moment, le premier ministre fran&ccedil;ais d&eacute;clarait dans une interview&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>&nbsp;qu&rsquo;il &eacute;tait un &laquo;&nbsp;vrai geek&nbsp;&raquo; et peu avant avait &eacute;t&eacute; &eacute;lu aux &Eacute;tats-Unis un pr&eacute;sident doublement symbolique, le premier &agrave; &ecirc;tre noir mais aussi le premier &agrave; se revendiquer geek&nbsp;: Barack Obama&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>. Depuis 2007, ont &eacute;t&eacute; produits deux documentaires consacr&eacute;s &agrave; la culture geek&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, ainsi qu&rsquo;un grand nombre de reportages dans la presse et la t&eacute;l&eacute;vision, se sont cr&eacute;&eacute;s plusieurs sites de rencontre visant les geeks, sont n&eacute;s&nbsp;<em>Nolife</em>, et&nbsp;<em>Geek le magazine</em>, une cha&icirc;ne de t&eacute;l&eacute;vision et une revue pour les geeks. Enfin, entre 2005 et 2015 le nombre d&rsquo;occurrences du terme geek a plus que doubl&eacute; dans les recherches Internet en France d&rsquo;apr&egrave;s&nbsp;<a href="http://www.google.fr/trends/explore#q=geek&amp;geo=FR" target="_blank">les chiffres</a>&nbsp;du moteur de recherche Google.</p> <p>Cette &eacute;mergence massive illustr&eacute;e ici par seulement quelques exemples est associ&eacute;e &agrave; la revendication de l&rsquo;existence d&rsquo;une v&eacute;ritable culture et d&rsquo;une identit&eacute; geek&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;ainsi qu&rsquo;&agrave; la multiplication d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements li&eacute;e &agrave; ce mouvement&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>. Au sein de ce mouvement, deux p&ocirc;les de d&eacute;finitions consid&eacute;r&eacute;s g&eacute;n&eacute;ralement comme li&eacute;s se d&eacute;tachent. Le premier est celui du go&ucirc;t pour l&rsquo;informatique et la culture num&eacute;rique. Le geek serait l&rsquo;&eacute;rudit, et l&rsquo;expert de cette nouvelle culture dont il ma&icirc;triserait le langage. Le second p&ocirc;le est celui de la fiction, les geeks seraient des fans d&rsquo;univers fantastiques et ludiques issus de la science-fiction et de la&nbsp;<em>fantasy</em>&nbsp;sur tous les supports. Et dans les deux cas, cela est associ&eacute; &agrave; une certaine attitude, une volont&eacute; de ma&icirc;trise et d&rsquo;immersion parfois extr&ecirc;mes, et une forme de malaise social qui conduirait &agrave; de nombreuses idiosyncrasies.</p> <p>Expliciter la mani&egrave;re dont ce construit la figure du geek s&rsquo;inscrit alors non pas uniquement dans une analyse interne des repr&eacute;sentations mais dans une d&eacute;marche sociologique qui part d&rsquo;ici et maintenant et des usages qui sont faits de cet arch&eacute;type. La g&eacute;n&eacute;alogie du geek au travers de la fiction populaire c&rsquo;est aussi la g&eacute;n&eacute;alogie d&rsquo;un des outils (parmi d&rsquo;autres) utilis&eacute;s au fil des ann&eacute;es par des collectifs pour se d&eacute;finir de mani&egrave;re r&eacute;flexive.</p> <p>Pour analyser cela, on peut faire r&eacute;f&eacute;rence aux travaux pionniers des&nbsp;<em>cultural studies&nbsp;</em>anglaises qui d&egrave;s les ann&eacute;es 1960 se sont int&eacute;ress&eacute;es &agrave; la mani&egrave;re dont pouvaient se construire des mouvements sous-culturels dans la jeunesse par l&rsquo;agr&eacute;gation et la mise en relations d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments tr&egrave;s disparates&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>. Qu&rsquo;il s&rsquo;agisse des mouvements&nbsp;<em>hipster</em>,&nbsp;<em>mod</em>,&nbsp;<em>hippie</em>&nbsp;ou&nbsp;<em>punk</em>, l&rsquo;affiliation &agrave; une sous-culture repose toujours sur un certain nombre de traits r&eacute;currents&nbsp;: appropriation et d&eacute;tournement d&rsquo;objets culturels, diff&eacute;renciation g&eacute;n&eacute;rationnelle, expertise dans un domaine pr&eacute;cis, style&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;de vie (mani&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre, de parler, de s&rsquo;habiller, lieux de socialisation sp&eacute;cifiques), et revendication globale d&rsquo;une diff&eacute;rence &agrave; partir de cet agencement.</p> <p>Or un style sous-culturel repose toujours sur une figure id&eacute;ale dont les membres reconnaissent &agrave; la fois l&rsquo;aspect totalisant et donc caricatural mais dans le m&ecirc;me temps auquel ils se r&eacute;f&egrave;rent pour effectuer une forme de socialisation et d&rsquo;affiliation anticipatrice. David Muggleton observe cela dans son &eacute;tude sur les n&eacute;o punks au d&eacute;but des ann&eacute;es 2000&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>. Selon l&rsquo;auteur, dans le contexte contemporain tous les mouvements culturels, m&ecirc;me revendiquant fortement une identit&eacute;, sont faits de liminalit&eacute;, et de proximit&eacute;s avec d&rsquo;autres. Il est &eacute;vident pour ceux qui s&rsquo;affilient au mouvement punk qu&rsquo;il n&rsquo;est pas oblig&eacute; de ressembler totalement &agrave; cette figure originelle pour &laquo;&nbsp;en &ecirc;tre&nbsp;&raquo;. Pourtant la r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un arch&eacute;type est toujours pr&eacute;sente. Par exemple, le terme punk renvoie toujours &agrave; un individu type, un style, une mani&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre iconis&eacute;e et tr&egrave;s identifiable par le grand public autant que par les membres du groupe (cr&ecirc;te, jeans d&eacute;chir&eacute;s, musique rock, etc.). Selon Muggleton, peu de punks, en particulier lors des discussions quotidiennes avec d&rsquo;autres, sont en permanence dans la revendication de cette identit&eacute; justement parce qu&rsquo;elle renvoie &agrave; un id&eacute;al auquel personne ou presque ne ressemble totalement. Il s&rsquo;agit plut&ocirc;t, de la cat&eacute;gorie g&eacute;n&eacute;rale qui se rapproche le plus de la mani&egrave;re dont ils se voient individuellement et collectivement, et en ce sens elle est utile pour se construire. Ils ne disent pas &laquo;&nbsp;je suis punk&nbsp;&raquo;, mais &laquo;&nbsp;punk est ce qu&rsquo;il y a de plus proche de ce que je suis&nbsp;&raquo;. Le nom de la sous-culture et le halo de sens qui l&rsquo;entoure deviennent alors ce que Harvey Sacks dans un article c&eacute;l&egrave;bre nomme une cat&eacute;gorie r&eacute;volutionnaire&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>, c&rsquo;est-&agrave;-dire un terme &eacute;mergent qui cat&eacute;gorise de mani&egrave;re endog&egrave;ne le r&eacute;el et fait de cette d&eacute;nomination un embl&egrave;me d&rsquo;appartenance. Cette cat&eacute;gorie est un processus. Elle est en perp&eacute;tuelle n&eacute;gociation, red&eacute;finition, et participe de l&rsquo;effet performatif du nom pour la cr&eacute;ation de fronti&egrave;res entre le groupe et l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;.</p> <p>Ce sentiment de proximit&eacute; avec une figure id&eacute;ale, parfois d&eacute;cri&eacute;e, parfois rejet&eacute;e mais aussi souvent utilis&eacute;e au quotidien est tr&egrave;s pr&eacute;sent dans le mouvement geek. C&rsquo;est le m&ecirc;me mouvement que dans la phrase &laquo;&nbsp;je ne suis pas punk, mais punk est la cat&eacute;gorie la plus proche de moi et du collectif auquel je me sens appartenir&nbsp;&raquo;, ce qui rend d&rsquo;autant plus pertinent le fait de se pencher sur ces repr&eacute;sentations pour mieux appr&eacute;hender leurs usages.</p> <p>Partir de la fiction poss&egrave;de ici alors plusieurs avantages pour une premi&egrave;re appr&eacute;hension de la construction sociale du geek comme figure. C&rsquo;est non seulement un point de d&eacute;part pratique du point de vue quantitatif (le geek est un personnage tr&egrave;s repr&eacute;sent&eacute;), mais aussi, une mani&egrave;re d&rsquo;aborder cette probl&eacute;matique par des objets qui sont eux-m&ecirc;mes mobilis&eacute;s par les acteurs et ont contribu&eacute; d&egrave;s les origines &agrave; la formation du mouvement. De ce point de vue les fictions ne sont pas un reflet du r&eacute;el, mais un des acteurs d&rsquo;un processus &agrave; replacer sur un temps long face &agrave; l&rsquo;apparente nouveaut&eacute; des usages.</p> <p>Le but n&rsquo;est pas d&rsquo;&ecirc;tre exhaustif, mais de traiter de quelques exemples significatifs. Les exemples choisis l&rsquo;ont &eacute;t&eacute; selon trois crit&egrave;res. Tout d&rsquo;abord, il s&rsquo;agit d&rsquo;&oelig;uvres populaires et/ou cultes c&rsquo;est-&agrave;-dire ayant eu un certain succ&egrave;s ou attirant un public tr&egrave;s engag&eacute; (et souvent jeune). Ensuite, il s&rsquo;agit de repr&eacute;sentations visuelles qui permettent une incarnation et une reconnaissance imm&eacute;diate des traits typiques du geek. Enfin, ces &oelig;uvres sont repr&eacute;sentatives d&rsquo;&eacute;tapes importantes dans l&rsquo;&eacute;volution de cette figure. L&rsquo;analyse s&rsquo;appuiera en particulier sur films et s&eacute;ries t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es produits aux &Eacute;tats-Unis, mais aussi comics et jeux vid&eacute;o. &Agrave; travers ce prisme, on pourra alors observer les &eacute;volutions du mot, depuis une insulte tr&egrave;s p&eacute;jorative issue des lyc&eacute;es et des universit&eacute;s, jusqu&rsquo;aux versions contemporaines. On pourra aussi s&rsquo;arr&ecirc;ter de mani&egrave;re plus th&eacute;matique que chronologique sur les traits principaux du geek essentialis&eacute; par la fiction populaire, notamment autour de la masculinit&eacute;, de la question du corps, du lieu et du style de vie.</p> <h2>1. Du Moyen-&Acirc;ge &agrave; l&rsquo;universit&eacute;, trajet d&rsquo;une insulte<br /> &nbsp;</h2> <h3>1.1. Du geck au geek</h3> <p>Avant d&rsquo;&ecirc;tre un collectif revendiqu&eacute;, et m&ecirc;me avant d&rsquo;&ecirc;tre un terme p&eacute;joratif ou un personnage typique de la fiction contemporaine, le terme geek avait une histoire d&eacute;j&agrave; riche. L&rsquo;anc&ecirc;tre le plus lointain que l&rsquo;on peut identifier avec certitude est n&eacute; en Europe du nord autour dans l&rsquo;an mil dans plusieurs langues&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>. La forme la plus r&eacute;pandue est celle de&nbsp;<em>geck&nbsp;</em>ou&nbsp;<em>gecken</em>&nbsp;qui vient du moyen bas allemand et d&eacute;signe alors un fou, une personne idiote, simple, na&iuml;ve et facile &agrave; duper. Ce sens est utilis&eacute; oralement durant toute la seconde partie du Moyen-&Acirc;ge et l&rsquo;on en trouve des traces dans de nombreux documents historiques tardifs sous la forme d&rsquo;insultes ou de moquerie.</p> <p>Le&nbsp;<em>geck</em>&nbsp;devient aussi rapidement une figure typique des carnavals. A Cologne o&ugrave; cette tradition est tr&egrave;s ancr&eacute;e, il est question ainsi du&nbsp;<em>Bellen-Geck&nbsp;</em><a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>, un personnage de bouffon apparu d&egrave;s les origines de cette manifestation. Sa particularit&eacute; est de se mouvoir et de danser de mani&egrave;re &eacute;trange tout en arborant des d&eacute;guisements hauts en couleur. Cela inspire en France le d&eacute;fil&eacute; des Gicques encore observable de nos jours lors du carnaval de Dunkerque. Le&nbsp;<em>geck</em>&nbsp;est donc d&egrave;s ses origines associ&eacute; &agrave; une figure p&eacute;jorative typifi&eacute;e et &agrave; la culture populaire telle que d&eacute;crite par Mikhail Bakhtine&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>.</p> <p>Ce n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; partir du milieu du XVIII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle que le sens du terme &eacute;volue et au cours du XIX<sup>e</sup>&nbsp;que l&rsquo;orthographe moderne appara&icirc;t. En effet, il est associ&eacute; &agrave; une pratique tr&egrave;s en vogue durant cette p&eacute;riode, celle des foires aux monstres aussi nomm&eacute;es&nbsp;<em>freakshows</em>&nbsp;ou&nbsp;<em>sideshows</em>&nbsp;en anglais. Il s&rsquo;agissait de spectacles d&rsquo;abord itin&eacute;rants puis parfois fixes, lors desquels &eacute;taient expos&eacute;s toutes sortes de cr&eacute;atures &eacute;tranges et autres individus aux particularit&eacute;s &eacute;tonnantes, femme &agrave; barbe, nains, hommes tronc, individus &agrave; la force surhumaine, etc.&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>&nbsp;Parmi ces &laquo;&nbsp;monstres&nbsp;&raquo;,&nbsp;on trouve donc le&nbsp;<em>geck</em>. Son num&eacute;ro lui-m&ecirc;me est assez simple, il avale tout ce qui se pr&eacute;sente &agrave; lui, objets, et animaux vivants. En particulier, le spectacle du geek le plus c&eacute;l&egrave;bre consiste en un l&acirc;chage de poulets dans une ar&egrave;ne qu&rsquo;il doit tuer en leur arrachant le cou &agrave; pleines dents.</p> <p>Cette tradition de la foire au monstre traverse l&rsquo;Atlantique au milieu du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle avec les nombreux migrants, et conna&icirc;t un &eacute;norme succ&egrave;s qui accompagne la mythique conqu&ecirc;te de l&rsquo;Ouest. Avec cette mode et ce changement g&eacute;ographique, le&nbsp;<em>geck</em>&nbsp;devient geek, et peut s&rsquo;&eacute;panouir pleinement en s&rsquo;inscrivant comme un membre indispensable de toute troupe.</p> <p>Malgr&eacute; la quasi-disparition des foires aux monstres, le terme geek garde encore aujourd&rsquo;hui ce sens outre-Atlantique. En particulier, il est tr&egrave;s pr&eacute;sent dans la culture populaire tout comme l&rsquo;esth&eacute;tique carnavalesque des&nbsp;<em>freakshows</em>. D&egrave;s 1932 Todd Browning mettait en sc&egrave;ne une troupe dans son film&nbsp;<em>Freaks</em>, et depuis les occurrences se sont multipli&eacute;es. On peut aussi penser &agrave;&nbsp;<em>Elephant Man</em>&nbsp;(1980) de David Lynch, qui montre le protagoniste en prise avec des montreurs de monstres peu scrupuleux. Plus r&eacute;cemment, on peut citer la s&eacute;rie&nbsp;<em>Carniv&agrave;le</em>&nbsp;(2003-2005) qui met en sc&egrave;ne une troupe itin&eacute;rante d&rsquo;un tel spectacle.</p> <p>Et parmi ces repr&eacute;sentations, le geek est souvent pr&eacute;sent. Ainsi, dans l&rsquo;&eacute;pisode douze de la saison neuf de la s&eacute;rie&nbsp;<em>The Simpsons&nbsp;</em>(1989-&hellip;), les deux h&eacute;ros, Homer et Bart, sont oblig&eacute;s de travailler comme geeks dans une foire afin de rembourser des dettes. De la m&ecirc;me mani&egrave;re, le film d&rsquo;horreur&nbsp;<em>Luther the Geek,&nbsp;</em>sorti en 1990, d&eacute;crit un tueur en s&eacute;rie qui, comme son nom l&rsquo;indique, tue ses victimes &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un geek traditionnel. Dans la s&eacute;rie&nbsp;<em>X-files</em>&nbsp;(1993-2002), le vingti&egrave;me &eacute;pisode de la seconde saison tourne autour d&rsquo;une enqu&ecirc;te dans un cirque et l&rsquo;un des personnages est un geek. L&rsquo;exemple le plus r&eacute;cent est celui de la s&eacute;rie&nbsp;<em>American Horror Story</em>&nbsp;(2011-) qui dans sa quatri&egrave;me saison d&eacute;crit la vie d&rsquo;un cirque et dont l&rsquo;un des personnages, nomm&eacute; Meep, est un geek que l&rsquo;on voit d&rsquo;ailleurs d&eacute;capiter un poulet selon la tradition. Est-il possible d&rsquo;approfondir le lien, au-del&agrave; de la chronologie et de la moquerie, entre le geek de la foire et geek contemporain&nbsp;?</p> <h3>1.2. L&rsquo;argot &eacute;tudiant et lyc&eacute;en</h3> <p>Il n&rsquo;est pas tr&egrave;s &eacute;tonnant que le monstre de foire qu&rsquo;&eacute;tait le geek soit devenu &agrave; partir du milieu du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle une insulte tr&egrave;s pris&eacute;e par les lyc&eacute;ens et les &eacute;tudiants. En effet, les cultures jeunes cultivent depuis longtemps un go&ucirc;t pour la cat&eacute;gorisation des d&eacute;viances face &agrave; la norme de leurs micro-castes. Durant les ann&eacute;es 1950 et 1960, traiter une personne de geek devient ainsi une mani&egrave;re de stigmatiser les bons &eacute;l&egrave;ves, ceux qui sont attentifs en cours, qui font leurs devoirs, voire qui se passionnent pour les activit&eacute;s extrascolaires. Nous retrouvons ici des couples d&rsquo;opposition binaire, pr&eacute;sents en particulier chez les gar&ccedil;ons&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>&nbsp;entre ce qui permet d&rsquo;&ecirc;tre populaire et ce qui au contraire rend moins &laquo;&nbsp;cool&nbsp;&raquo;. Les &eacute;tudiants populaires se doivent d&rsquo;&ecirc;tre rebelles face &agrave; l&rsquo;autorit&eacute;, mauvais &eacute;l&egrave;ves, pr&eacute;f&eacute;rer le sport ou les sorties &agrave; la lecture et aux autres activit&eacute;s d&rsquo;int&eacute;rieur. C&rsquo;est autour de ces binarit&eacute;s que se forment un certain nombre de figures renvoyant aussi &agrave; des pratiques sous-culturelles. Du c&ocirc;t&eacute; des mauvais gar&ccedil;ons rebelles, on trouve par exemple les&nbsp;<em>greasers</em>&nbsp;(du nom de la graisse qu&rsquo;ils se mettent dans les cheveux) qui donneront leur nom au fameux film&nbsp;<em>Grease</em>&nbsp;(1978), et de l&rsquo;autre, celui des bons &eacute;l&egrave;ves, les geeks et leurs proches cousins les&nbsp;<em>nerds&nbsp;</em><a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>.</p> <p>L&rsquo;opposition entre deux masculinit&eacute;s se fait alors jour, entre la virilit&eacute; du sportif et la fragilit&eacute; du doux r&ecirc;veur qui est exclu de ce que la chercheuse Raewyn Connell nomme la masculinit&eacute; h&eacute;g&eacute;monique&nbsp;<a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>. Les mots&nbsp;<em>nerd</em>&nbsp;et geek d&eacute;signent alors dans l&rsquo;argot &eacute;tudiant et lyc&eacute;en &agrave; partir de la fin des ann&eacute;es 1950, le bon &eacute;l&egrave;ve qui pr&eacute;f&egrave;re r&eacute;viser plut&ocirc;t que sortir, la lecture au sport, bref cette figure incarne tout ce qui est valoris&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;cole et l&rsquo;universit&eacute;. Comme le disent bien Fran&ccedil;ois Dubet et Danilo Martuccelli, &laquo;&nbsp;celui qui est grand dans le domaine scolaire est jug&eacute; petit dans l&rsquo;univers de l&rsquo;adolescence, puisque plus on se plie aux exigences de l&rsquo;adulte, plus on est petit&nbsp;<a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Tr&egrave;s vite on retrouve cette figure dans la fiction o&ugrave; elle vient s&rsquo;ins&eacute;rer parmi tout le bestiaire des personnages typiques du lyc&eacute;e et des membres de sous-cultures jeunes, comme le footballer viril, la&nbsp;<em>pom-pom girl</em>&nbsp;na&iuml;ve, le cancre rebelle, puis, le ou la gothique et le ou la fan de hip-hop, etc. En particulier, il est pr&eacute;sent dans un genre qui na&icirc;t dans les ann&eacute;es 1970, le&nbsp;<em>teen movie</em>, et en premier lieu au sein de l&rsquo;un des films fondateurs&nbsp;du genre&nbsp;:&nbsp;<em>American Graffiti</em>&nbsp;de Georges Lucas (1974). Dans ce film, des jeunes gens intelligents et de bonne famille s&rsquo;appr&ecirc;tent &agrave; quitter leur petite ville pour partir &agrave; l&rsquo;universit&eacute; et participent &agrave; fonder une repr&eacute;sentation du geek moderne. Citons en particulier le personnage de Terry Fields dit &laquo;&nbsp;la grenouille&nbsp;&raquo;. Il poss&egrave;de en germe &agrave; la fois des caract&eacute;ristiques physiques que l&rsquo;on retrouvera plus tard, comme une certaine maigreur, un visage tr&egrave;s adolescent et encore assez ingrat dont ses camarades se moquent, des lunettes &agrave; verre tr&egrave;s &eacute;pais, et aussi une attitude qui va &ecirc;tre reprise. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une certaine maladresse, une inaptitude dans les relations sociales les plus simples, une intelligence tr&egrave;s scolaire et peu pratique, une grande timidit&eacute;, un probl&egrave;me avec la masculinit&eacute; et avec les filles. On trouve aussi dans l&rsquo;intrigue, une structure qui sera pr&eacute;sente dans un tr&egrave;s grand nombre de repr&eacute;sentations des geeks&nbsp;: l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une revanche sur la vie, face aux filles ou aux figures de la masculinit&eacute; virile classique. En effet, ce sont eux qui gagnent la course de voitures finale contre le jeune homme plus rebelle qui s&eacute;duit les filles.</p> <p>La figure du geek incarne fort bien dans les<em>&nbsp;teen movies</em>&nbsp;naissants, la &laquo;&nbsp;tendance &agrave; choisir pour (anti)h&eacute;ros des personnages inadapt&eacute;s, doutant de leur virilit&eacute; &ndash;&nbsp;pour mieux &agrave; terme, faire triompher ces losers&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>&nbsp;&raquo;. D&rsquo;un point de vue plus industriel, l&rsquo;arriv&eacute;e de ces avatars de la jeunesse symbolise un changement dans la culture populaire, et en particulier au cin&eacute;ma et &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision, le fait de s&rsquo;adresser &agrave; un public plus jeune et donc de tenter de repr&eacute;senter la vie adolescente dans ses tourments. Le terme&nbsp;<em>nerd</em>, lui-m&ecirc;me, est popularis&eacute; par la s&eacute;rie&nbsp;<em>Happy Days</em>&nbsp;(1974-1984) o&ugrave; le h&eacute;ros, Richie, repr&eacute;sente ce jeune timide et mal dans sa peau qui aime lire et apprendre, tandis que Fonzie, le&nbsp;<em>greaser&nbsp;</em>amoureux de sa moto et de sa veste en cuir le traite de&nbsp;<em>nerd&nbsp;</em>&agrave; longueur d&rsquo;&eacute;pisodes.</p> <p>L&rsquo;autre grande figure de geek ou&nbsp;<em>nerd</em>&nbsp;qui elle aussi va conna&icirc;tre sa revanche, c&rsquo;est Peter Parker alias Spider-Man cr&eacute;&eacute; par Stan Lee pour Marvel Comics en 1962. L&rsquo;ambition du jeune cr&eacute;ateur &eacute;tait d&rsquo;imaginer des h&eacute;ros moins monolithiques et invincibles que les pr&eacute;c&eacute;dents et c&rsquo;est le cas d&egrave;s le premier. Pour Antonio Casilli, Stan Lee et ses h&eacute;ros &laquo;&nbsp;commenc&egrave;rent bient&ocirc;t &agrave; exercer un attrait sur les adolescents qui se reconnaissent dans des&nbsp;<em>freak</em>s m&eacute;pris&eacute;s par la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;<a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>&nbsp;&raquo;. La couleur est annonc&eacute;e d&egrave;s la premi&egrave;re page du premier num&eacute;ro d&rsquo;<em>Amazing Fantasy&nbsp;</em>o&ugrave; le h&eacute;ros appara&icirc;t. Il est repr&eacute;sent&eacute; devant son lyc&eacute;e, dans le fond de l&rsquo;image avec ses lunettes, stigmates iconiques de l&rsquo;intellectualit&eacute;. Ses camarades sont au premier plan et discutent du fait qu&rsquo;il n&rsquo;est pas invit&eacute; &agrave; une f&ecirc;te parce qu&rsquo;il est un &laquo;&nbsp;<em>bookworm</em>&nbsp;&raquo;, un ver de livre, une personne qui reste enferm&eacute;e avec ses livres et en particulier ici ses livres de sciences. Peter Parker, bon &eacute;l&egrave;ve passionn&eacute; de sciences, adolescent timide et maladroit, est r&eacute;guli&egrave;rement trait&eacute; de&nbsp;<em>nerd</em>&nbsp;et de geek tout en prenant sa revanche en virevoltant dans les airs. Il pr&eacute;figure le geek timide &agrave; la fois rat de biblioth&egrave;que et fan de technologies qui va prendre son essor &agrave; partir du milieu des ann&eacute;es 1970.</p> <p>En effet &agrave; cette p&eacute;riode un changement lent se fait sentir dans la repr&eacute;sentation de cette figure. Il n&rsquo;est plus simplement le bon &eacute;l&egrave;ve, mais commence &agrave; s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; des domaines plus pr&eacute;cis, sciences et techniques, informatique, mais aussi rapidement imaginaire fantastique de la science-fiction et de la&nbsp;<em>fantasy</em>, jeu de r&ocirc;le, et plus tard jeu vid&eacute;o. Cela marque la derni&egrave;re grande rupture, clairement g&eacute;n&eacute;rationnelle, qui forme les traits contemporains du geek et dont la fiction se fait, l&agrave; encore, l&rsquo;&eacute;cho.</p> <h3>1.3. Le geek comme fan</h3> <p>Il y a donc quelque chose de g&eacute;n&eacute;rationnel li&eacute; &agrave; la fin des ann&eacute;es 1960 et au d&eacute;but des ann&eacute;es 70 dans la naissance de cette figure, qui correspond &agrave; l&rsquo;arriv&eacute;e massive de la g&eacute;n&eacute;ration des&nbsp;<em>baby-boomers</em>&nbsp;&agrave; l&rsquo;universit&eacute;, &agrave; la naissance de ce que Philippe Breton nomme la seconde informatique&nbsp;<a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>, celle de la miniaturisation, et &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une culture populaire jeune bas&eacute;e sur des univers imaginaires. Les facteurs s&rsquo;entrem&ecirc;lent et l&rsquo;influence de chacun de ces domaines sur l&rsquo;autre est aujourd&rsquo;hui tr&egrave;s bien document&eacute;e.</p> <p>Tout cela s&rsquo;incarne dans le st&eacute;r&eacute;otype d&rsquo;abord largement p&eacute;joratif du geek qui pr&eacute;existait mais est accol&eacute; &agrave; ces pratiques vues comme li&eacute;es car sociologiquement proches, touchant un public jeune &eacute;duqu&eacute; et masculin, n&eacute;cessitant un certain enfermement, une grande immersion et une obsession pour les d&eacute;tails et la coh&eacute;rence. La mont&eacute;e en puissance de la nouvelle informatique et des premiers r&eacute;seaux qui plus tard aboutiront &agrave; la naissance d&rsquo;Internet, va ainsi de pair avec un imaginaire fantastique issu des&nbsp;<em>pulps</em>&nbsp;des ann&eacute;es 1930 et une approche ludique de la culture populaire dont le jeu de r&ocirc;le apparu en 1974 est le premier repr&eacute;sentant. Les premiers informaticiens puisent dans l&rsquo;imaginaire de la science-fiction et de la&nbsp;<em>fantasy</em>&nbsp;pour penser le code comme une mani&egrave;re de faire exister des mondes coh&eacute;rents&nbsp;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23">[23]</a>, et les ing&eacute;nieurs du Xerox Parc de Palo Alto, haut lieu de l&rsquo;innovation num&eacute;rique, nomment les salles de travail d&rsquo;apr&egrave;s des lieux issus de la Terre du Milieu de Tolkien&nbsp;<a href="#_ftn24" name="_ftnref24">[24]</a>. Ce moment est tr&egrave;s bien r&eacute;sum&eacute; par Fr&eacute;d&eacute;ric Weil lorsqu&rsquo;il dit &agrave; propos de la naissance du jeu vid&eacute;o que&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Les informaticiens des ann&eacute;es 70 lisent Tolkien et font des wargames. Le jeu de r&ocirc;le n&rsquo;aurait pas pu prendre son essor en dehors de cette &eacute;poque-l&agrave;. [&hellip;] On assiste alors &agrave; une hybridation tr&egrave;s &eacute;trange, qui aurait sans doute r&eacute;vuls&eacute; Tolkien, entre un imaginaire branch&eacute; sur les mythologies, et la culture des statistiques&nbsp;<a href="#_ftn25" name="_ftnref25">[25]</a>.</p> </blockquote> <p>De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, on retrouve cet entrelacement entre sciences et fictions lorsque Wenceslas Liz&eacute; d&eacute;crit le rapport aux univers de fiction dans les communaut&eacute;s de joueurs de jeu de r&ocirc;le&nbsp;: &laquo;&nbsp;On assiste en fait &agrave; un rapport paradoxal, d&rsquo;une certaine mani&egrave;re pragmatique, &agrave; un imaginaire qui se veut myst&eacute;rieux, exotique, &eacute;sot&eacute;rique, qui consiste d&rsquo;abord &agrave; le quantifier, le ma&icirc;triser, le rendre pr&eacute;visible et susceptible d&rsquo;&ecirc;tre la toile de fond d&rsquo;actions rationnelles&nbsp;<a href="#_ftn26" name="_ftnref26">[26]</a>.&nbsp;&raquo; Du fait de cette effervescence g&eacute;n&eacute;rationnelle et relativement circonscrite g&eacute;ographiquement (les campus am&eacute;ricains), il est alors consid&eacute;r&eacute; comme normal et logique de comparer l&rsquo;attitude d&rsquo;un individu qui pr&eacute;f&egrave;re ne pas sortir pour revoir ses &eacute;pisodes favoris de&nbsp;<em>Star Trek</em>&nbsp;afin d&rsquo;y chercher des incoh&eacute;rences scientifiques, et celle de celui qui passe sa nuit &agrave; relire des lignes de codes. Les deux peuvent m&ecirc;me &ecirc;tre r&eacute;unies au sein d&rsquo;une m&ecirc;me figure id&eacute;ale et synth&eacute;tique. Le geek contemporain, pionner et expert en technologies, ainsi qu&rsquo;arpenteur d&rsquo;univers imaginaires et ludiques par la seule force de sa pens&eacute;e, &eacute;tait n&eacute;, et sa repr&eacute;sentation change peu dans les d&eacute;cennies suivantes.</p> <p>Il n&rsquo;est alors plus une figure sans objet mais a des go&ucirc;ts pr&eacute;cis, des passions qui s&rsquo;embo&icirc;tent sur l&rsquo;attitude moqu&eacute;e. Traiter une personne de geek, est une nouvelle mani&egrave;re de le traiter de fan, un mot qui alors est moins p&eacute;joratif qu&rsquo;il ne l&rsquo;a &eacute;t&eacute;. Ce d&eacute;placement, ou plut&ocirc;t cette restriction, du sens du terme, est donc li&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;un certain nombre de pratiques ou de loisirs et au retour sur le devant de la sc&egrave;ne de certaines autres. C&rsquo;est l&agrave; que se lient les deux p&ocirc;les de ce que l&rsquo;on nomme aujourd&rsquo;hui &laquo;&nbsp;culture geek&nbsp;&raquo;, et c&rsquo;est &agrave; partir de ces objets que la figure du geek gagne en profondeur puisqu&rsquo;elle repose sur des pratiques et des r&eacute;f&eacute;rences tr&egrave;s identifiables et non seulement uniquement sur une attitude. Une aubaine pour la fiction populaire qui allie attitude geek, c&rsquo;est-&agrave;-dire expertise tatillonne sur les d&eacute;tails et culture geek c&rsquo;est-&agrave;-dire passion pour l&rsquo;informatique et pour l&rsquo;imaginaire de genre afin de pr&eacute;senter ce personnage en l&rsquo;incarnant dans un corps et des lieux sp&eacute;cifiques.</p> <h2>2. Un personnage cl&eacute; des fictions &laquo;&nbsp;<em>teen&nbsp;&raquo;&nbsp;</em>des ann&eacute;es 1980 &agrave; 2000<br /> &nbsp;</h2> <h3>2.1. Les lieux de vie du geek</h3> <p>Puisque les &eacute;volutions de la figure du geek se sont faites plus t&eacute;nues &agrave; partir de la fin des ann&eacute;es 1970, il est possible &agrave; pr&eacute;sent de sortir de l&rsquo;approche purement chronologique pour explorer deux traits de ce personnage&nbsp;: son lieu de vie, et son corps.</p> <p>Le premier de ces deux points est indissociable des &eacute;l&eacute;ments avanc&eacute;s pr&eacute;c&eacute;demment et de la culture adolescente. En effet, l&rsquo;un des traits principaux du&nbsp;<em>teen movie</em>&nbsp;et de ses d&eacute;clinaisons sur d&rsquo;autres supports est de mettre en avant le syst&egrave;me de caste qui r&eacute;git la vie quotidienne des adolescents dans leur rapport au collectif. Cela implique de mettre en sc&egrave;ne le lieu o&ugrave; ils passent le plus de temps, c&rsquo;est-&agrave;-dire celui des &eacute;tudes, ce qui permet aussi de les isoler des figures d&rsquo;autorit&eacute;s parentales (peu pr&eacute;sentes dans les fictions pour adolescents).</p> <p>On peut penser aux films de John Hughes ma&icirc;tre incontest&eacute; des&nbsp;<em>teen movies</em>&nbsp;des ann&eacute;es 1980 avec des films comme&nbsp;<em>Sixteen Candles&nbsp;</em>(1984),&nbsp;<em>Ferris Bueller</em>&nbsp;(1986) ou encore&nbsp;<em>Breakfast Club</em>&nbsp;(1985)<em>.</em>&nbsp;Ces films et les autres qui les prendront comme mod&egrave;les, jouent sur le lyc&eacute;e comme monde &agrave; part avec sa hi&eacute;rarchie dans laquelle le geek repr&eacute;sente l&rsquo;individu le moins valoris&eacute; , mais finit toujours par &ecirc;tre accept&eacute;.&nbsp;<em>Breakfast Club</em>&nbsp;est un exemple fondateur de cette m&eacute;canique puisque le film consiste en un huis clos dans un lyc&eacute;e un samedi, alors que des adolescents sont punis par le proviseur qui leur demande de r&eacute;diger un texte sur leur futur. Le geek va alors se confronter au sportif, au rebelle, &agrave; la jeune fille populaire, ainsi qu&rsquo;&agrave; la gothique timide. Au final, ils se rendent compte qu&rsquo;ils sont tous victimes de leurs r&ocirc;les arch&eacute;typaux et qu&rsquo;ils ont plus en commun qu&rsquo;ils ne le pensent et finissent par &eacute;crire une r&eacute;daction commune rejetant les probl&egrave;mes sur les adultes qui ne les comprennent pas.</p> <p>Le monde scolaire comme monde &agrave; part devient ainsi le premier lieu o&ugrave; l&rsquo;on trouve le geek dans la fiction &agrave; partir de la fin des ann&eacute;es 1970. Le geek peut alors y &ecirc;tre &agrave; la fois confront&eacute; &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; et &agrave; l&rsquo;incompr&eacute;hension des &eacute;l&egrave;ves populaires qui au mieux l&rsquo;ignorent et au pire se moquent ou le maltraitent. De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute;, dans ce cadre, il est aussi en contact avec des pairs qui le rejoignent au club, d&rsquo;&eacute;chec, d&rsquo;informatique ou de jeu de r&ocirc;le. C&rsquo;est illustr&eacute; clairement par la s&eacute;rie&nbsp;<em>Freaks and Geeks&nbsp;</em>produite en 1999 mais dont l&rsquo;action de d&eacute;roule en 1981. On y voit l&rsquo;importance des castes lyc&eacute;ennes et des couples d&rsquo;oppositions bas&eacute;es sur le physique, l&rsquo;attitude et les loisirs. Les&nbsp;<em>freaks</em>, les mauvais &eacute;l&egrave;ves, les rebelles, nonchalants, et d&eacute;tach&eacute;s passent leur temps &agrave; harceler les geeks et voler leur d&eacute;jeuner&nbsp;; ce sont ce qu&rsquo;on appelle en anglais des&nbsp;<em>bullies</em>, une autre figure classique. Les geeks se r&eacute;fugient dans de longues discussions sur&nbsp;<em>Star Trek</em>&nbsp;et s&rsquo;occupent &agrave; faire des bricolages techniques en r&ecirc;vant d&rsquo;un jour faire fortune dans l&rsquo;informatique, ce dont personne ne doute.</p> <p>On retrouve une id&eacute;e r&eacute;currente ici&nbsp;: le geek est celui qui a du potentiel mais pour qui le lyc&eacute;e n&rsquo;est pas le moment du plus haut de son &eacute;panouissement tandis que pour les autres c&rsquo;est le cas. Le geek va r&eacute;ussir dans la vie mais il doit passer l&rsquo;&eacute;preuve initiatique du lyc&eacute;e et de l&rsquo;universit&eacute;. La revanche contre les&nbsp;<em>bullies</em>, les petites frappes brutales incarn&eacute;es par les &eacute;l&egrave;ves populaires et sportifs &agrave; l&rsquo;universit&eacute;, est m&ecirc;me au centre d&rsquo;une s&eacute;rie de films tr&egrave;s populaires dans les ann&eacute;es 1980&nbsp;:&nbsp;<em>Revenge of the nerds</em>&nbsp;(1984 pour le premier) qui mettent en sc&egrave;ne des&nbsp;<em>nerds</em>&nbsp;tr&egrave;s caricaturaux venus &agrave; l&rsquo;universit&eacute; pour devenir ing&eacute;nieurs en informatique et qui se battront pour l&rsquo;acceptation, ridiculiseront les footballers et bien s&ucirc;r finiront par s&eacute;duire les pom-pom girls. Il y a aussi derri&egrave;re cette id&eacute;e une lutte des classes d&eacute;guis&eacute;e, incarn&eacute;e par les hi&eacute;rarchies lyc&eacute;ennes, puisque le geek est la plupart du temps une personne de classe moyenne, voire sup&eacute;rieure, tandis que le&nbsp;<em>bully</em>, celui qui harcelle le geek, est g&eacute;n&eacute;ralement plus modeste. Plus r&eacute;cemment, cette m&eacute;canique est reprise dans la s&eacute;rie&nbsp;<em>The Big Bang Theory</em>&nbsp;(2007-&hellip;) qui met en sc&egrave;ne une collocation de geeks. Un &eacute;pisode de la s&eacute;rie (saison cinq, &eacute;pisode onze) est consacr&eacute; aux retrouvailles quinze ans apr&egrave;s entre l&rsquo;un des h&eacute;ros et son&nbsp;<em>bully</em>&nbsp;de lyc&eacute;e et &agrave; la vengeance puis au pardon que cette rencontre engendre comme forme de &eacute;ni&egrave;me revanche du&nbsp;<em>loser</em>. Le lyc&eacute;e est un lieu qui marque le geek &agrave; vie, m&ecirc;me lorsque, comme dans la s&eacute;rie, il est un chercheur accompli en astrophysique.</p> <p>Quand il n&rsquo;est pas dans le domaine scolaire, le geek est chez lui. Il est enferm&eacute;, dans sa chambre, et surtout, devant son ordinateur avec qui il se sent beaucoup plus &agrave; l&rsquo;aise que dans les relations sociales. Cela renvoie &agrave; l&rsquo;id&eacute;e du geek comme autiste Asperger&nbsp;<a href="#_ftn27" name="_ftnref27">[27]</a>&nbsp;(maladie qui est aussi nomm&eacute;e &laquo;&nbsp;geek syndrome&nbsp;&raquo; aux &Eacute;tats-Unis), personne &agrave; la fois tr&egrave;s intelligente et qui comprend tr&egrave;s bien les rouages math&eacute;matiques de la machine mais est perdue d&egrave;s qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;aller vers le monde ext&eacute;rieur qu&rsquo;elle n&rsquo;arrive pas &agrave; appr&eacute;hender. La maison, son antre, est donc l&agrave; o&ugrave; le geek se sent enfin bien, dans sa chambre &agrave; bricoler son ordinateur, &agrave; surfer sur Internet. Cette repr&eacute;sentation est pr&eacute;sente d&egrave;s les ann&eacute;es 1980 et sert aussi la revanche du personnage. David Lightman, h&eacute;ros du film&nbsp;<em>Wargame</em>&nbsp;(1983), d&eacute;clenche des &eacute;v&eacute;nements dramatiques depuis sa chambre bien &eacute;quip&eacute;e et connect&eacute;e mais les r&eacute;sout gr&acirc;ce &agrave; ses comp&eacute;tences et son intelligence. Alex Rogan, protagoniste du film&nbsp;<em>Starfighter</em>&nbsp;(1984), passe ses journ&eacute;es &agrave; jouer sur sa borne d&rsquo;arcade mais finit par sauver la galaxie lorsque ses comp&eacute;tences de pilote de vaisseaux spatiaux virtuels s&rsquo;av&egrave;rent utiles dans la r&eacute;alit&eacute;. L&rsquo;ordinateur et le virtuel comme centre de la vie du geek, lieu du repos, du refuge et de l&rsquo;immersion, mais aussi de d&eacute;veloppement de ses comp&eacute;tences, sont alors mis en sc&egrave;ne de mani&egrave;re visuelle par une pr&eacute;sence massive au sein du lieu de vie du personnage.</p> <p>Dans le film&nbsp;<em>Die Hard 4</em>&nbsp;sorti en 2004, qui raconte la lutte du personnage de John McClane jou&eacute; par Bruce Willis contre une organisation de hacker<em>s</em>, on assiste &agrave; plusieurs repr&eacute;sentations de la marque de l&rsquo;identit&eacute; sur le lieu de vie. On y voit par exemple un geek qui a am&eacute;nag&eacute; la cave de la maison familiale pour installer ce qu&rsquo;il appelle son quartier g&eacute;n&eacute;ral rempli d&rsquo;ordinateurs et de figurines de films de science-fiction. Et comme souvent, le geek est utile gr&acirc;ce &agrave; ses comp&eacute;tences de&nbsp;<em>hacker</em>, il va pouvoir sauver la situation gr&acirc;ce &agrave; son expertise en piratant par exemple la cam&eacute;ra de l&rsquo;antagoniste, ce qui justifie et excuse son excentricit&eacute;. C&rsquo;est l&agrave; une constante de l&rsquo;usage de ce personnage dans les films d&rsquo;action, un adjuvant amusant et comp&eacute;tent. Si les hackers des premiers temps portaient un projet de soci&eacute;t&eacute; li&eacute; &agrave; la r&eacute;appropriation de la technique issue de la contre-culture, le geek est devenu une figure plus individuelle porteuse d&rsquo;une attitude, d&rsquo;une mani&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre et d&rsquo;un ensemble de r&eacute;f&eacute;rences culturelles. M&ecirc;me son lieu de vie dit qui il est.</p> <p>Dans le m&ecirc;me film, le h&eacute;ros John McClane est accompagn&eacute; d&rsquo;un jeune geek qui a particip&eacute; sans le savoir &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;un algorithme dangereux. Lui aussi, on le d&eacute;couvre jouant &agrave; des jeux vid&eacute;o dans son petit appartement dans lequel tr&ocirc;nent un ordinateur et de multiples &eacute;crans, entour&eacute; de figurines et posters qui font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des films de genre. L&rsquo;humour du film repose alors sur la rencontre entre le h&eacute;ros brut et viril mais que le terroriste traite de &laquo;&nbsp;flic analogique dans un monde digital&nbsp;&raquo;, et son acolyte Matthew qui est essouffl&eacute; apr&egrave;s trois marches d&rsquo;escalier mais peut hacker une base de donn&eacute;es gouvernementale en quelques minutes. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un personnage qui rend service au h&eacute;ros gr&acirc;ce &agrave; ses comp&eacute;tences et que le h&eacute;ros confronte au vrai monde alors qu&rsquo;il n&rsquo;existait que par la virtualit&eacute;.</p> <p>On vient le consulter comme un oracle pour qu&rsquo;il d&eacute;bloque une situation impliquant une technologie, pirater un satellite, obtenir des informations sensibles ou, comme dans le film catastrophe&nbsp;<em>Fusion/The Core</em>&nbsp;sorti en 2003, &laquo;&nbsp;hacker la plan&egrave;te.&nbsp;&raquo; Dans ce film, une bombe atomique est envoy&eacute;e au centre de la Terre pour faire red&eacute;marrer son c&oelig;ur arr&ecirc;t&eacute;, et l&rsquo;on demande &agrave; un jeune geek, que l&rsquo;on va chercher dans son minuscule appartement empli de technologie, de contr&ocirc;ler l&rsquo;information sur Internet en &eacute;change du pardon pour ses m&eacute;faits en tant que&nbsp;<em>hacker</em>&nbsp;(il demande aussi l&rsquo;int&eacute;gralit&eacute; de la s&eacute;rie&nbsp;<em>Xena, la princesse guerri&egrave;re</em>). Il porte jusque dans son surnom, &laquo;&nbsp;Le Rat&nbsp;&raquo;, l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un &ecirc;tre qui se r&eacute;fugie dans des coins sombres. Le lieu de vie du geek permet donc d&rsquo;agr&eacute;menter des sc&egrave;nes o&ugrave; il est question de technique par des &eacute;l&eacute;ments humoristiques li&eacute;s &agrave; ce lieu ou &agrave; l&rsquo;attitude du personnage.</p> <h3>2.2. Le corps du geek</h3> <p>Steven Levy notait que d&eacute;j&agrave; dans les ann&eacute;es 1970 les jeunes &eacute;tudiants passionn&eacute;s d&rsquo;informatique &eacute;taient moqu&eacute;s pour leurs yeux cern&eacute;s et rougis et leur p&acirc;leur extr&ecirc;me li&eacute;s au temps pass&eacute; devant un &eacute;cran&nbsp;<a href="#_ftn28" name="_ftnref28">[28]</a>. Et si l&rsquo;on observe la repr&eacute;sentation du geek dans la fiction, se d&eacute;gage un certain type de repr&eacute;sentation du corps, un type de corps, mais aussi une&nbsp;<em>hexis</em>&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire une mani&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre, de bouger et de s&rsquo;habiller. La premi&egrave;re &eacute;vidence concernant le geek est qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un homme. Dans la repr&eacute;sentation classique qui est n&eacute;e durant les ann&eacute;es 1970 l&rsquo;informatique a commenc&eacute; &agrave; s&rsquo;apparenter &agrave; la m&eacute;canique, &agrave; la science des machines, des choses qui ne sont pas cens&eacute;es int&eacute;resser les femmes, plus litt&eacute;raires et qui se concentrent sur l&rsquo;humain. Comme le note Sherry Turkle, cela s&rsquo;inscrit&nbsp;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29">[29]</a>&nbsp;dans une volont&eacute; globale de ma&icirc;trise qui se construit &agrave; l&rsquo;adolescence, ma&icirc;trise de la technique et aussi de la masculinit&eacute; virile qui passe justement par la connaissance des entrailles de la machine, ou des mondes imaginaires &ndash;&nbsp;tout comme cela &laquo;&nbsp;fait homme&nbsp;&raquo; de savoir r&eacute;parer une voiture.</p> <p>Tout cela a donc des cons&eacute;quences importantes sur l&rsquo;image du geek&nbsp;: c&rsquo;est un homme, et un homme qui est souvent mal &agrave; l&rsquo;aise avec lui-m&ecirc;me, avec son corps qu&rsquo;il voudrait post-humain voire&nbsp;<em>cyborg</em>, avec le sexe et avec les filles qui sont vues comme des &ecirc;tres &eacute;tranges et hostiles. Cette repr&eacute;sentation est pouss&eacute;e &agrave; son paroxysme va assez loin dans le film&nbsp;<em>Weird Science</em>&nbsp;(1985). On y voit deux geeks maltrait&eacute;s par l&rsquo;habituel&nbsp;<em>bully</em>&nbsp;et moqu&eacute;s par les filles du lyc&eacute;e. Ils se r&eacute;fugient donc dans la chambre de l&rsquo;un d&rsquo;eux remplie de mat&eacute;riel informatique et, en s&rsquo;inspirant de&nbsp;<em>Frankenstein,</em>&nbsp;d&eacute;cident de cr&eacute;er une femme num&eacute;rique parfaite pour assouvir leurs fantasmes gr&acirc;ce &agrave; leurs comp&eacute;tences en informatique.</p> <p>Pour le geek tel que la fiction le repr&eacute;sente la femme est donc plut&ocirc;t un pur objet de fantasme qu&rsquo;on ne peut atteindre que par le biais de ce pour quoi on est dou&eacute;, l&rsquo;informatique, car les relations sociales n&eacute;cessitent des comp&eacute;tences qu&rsquo;il n&rsquo;a pas mais qu&rsquo;il apprendra au cours du film. On retrouve cela aussi dans la s&eacute;rie&nbsp;<em>Buffy contre les vampires</em>&nbsp;(1997-2003) o&ugrave; trois geeks deviennent les opposants de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne en utilisant leurs comp&eacute;tences techniques pour imaginer des pi&egrave;ges qui vont contrer ses superpouvoirs. Et leurs m&eacute;faits commencent lorsqu&rsquo;ils programment une fille robotis&eacute;e pour remplacer la petite amie de l&rsquo;un d&rsquo;eux. Dans la s&eacute;rie&nbsp;<em>The Big Bang Theory</em>&nbsp;toutes les pr&eacute;misses reposent sur cet antagonisme puisque la s&eacute;rie d&eacute;marre sur l&rsquo;installation dans l&rsquo;appartement d&rsquo;en face d&rsquo;une jolie blonde, qui a &eacute;t&eacute;&nbsp;<em>pom-pom girl</em>&nbsp;et ne conna&icirc;t rien ni &agrave; l&rsquo;informatique ni &agrave; la science-fiction. Elle va perturber la vie de la collocation de geeks en brisant l&rsquo;entre-soi masculin classique de ce micro-monde.</p> <p>Du point de vue du corps lui-m&ecirc;me, il se d&eacute;gage deux tendances et donc deux morphotypes du geek qui toutes deux sont li&eacute;es &agrave; l&rsquo;attitude geek telle qu&rsquo;elle est per&ccedil;ue. La premi&egrave;re, la moins r&eacute;pandue, est celle du personnage ob&egrave;se ou en surpoids, avec de longs cheveux gras, qui mange des pizzas devant l&rsquo;&eacute;cran de son ordinateur et n&eacute;glige totalement son apparence pour se projeter dans des avatars virtuels. On trouve cela chez le vendeur de comics des&nbsp;<em>Simpsons</em>&nbsp;qui passe ses journ&eacute;es dans son arri&egrave;re-boutique &agrave; &eacute;crire des fanfictions ou &agrave; jouer &agrave; des jeux en ligne et qui repr&eacute;sente une version 2.0 du&nbsp;<em>couch potato</em>&nbsp;am&eacute;ricain o&ugrave; l&rsquo;ob&eacute;sit&eacute; est signe de la s&eacute;dentarit&eacute;. Cette repr&eacute;sentation est li&eacute;e &agrave; une version caricaturale et d&eacute;form&eacute;e de l&rsquo;utopie des premiers hackers li&eacute;e &agrave; la contre-culture et &agrave; leurs id&eacute;es post-humanistes toujours assez vivaces. Comme le note Fanny Georges cette image de soi comme pure virtualit&eacute; &laquo;&nbsp;porte en elle la r&eacute;alisation des r&ecirc;ves hippies de d&eacute;passer les contingences du corps&nbsp;: les effets du vieillissement, des marqueurs sociaux, du genre, du corps&nbsp;<a href="#_ftn30" name="_ftnref30">[30]</a>&nbsp;&raquo;. Le corps du geek ob&egrave;se en fusion avec sa machine est alors la forme dystopique de cette utopie tr&egrave;s&nbsp;<em>cyberpunk</em>&nbsp;o&ugrave; le corps souffre de sa plong&eacute;e vers l&rsquo;ailleurs virtuel ou imaginaire.</p> <p>Le second type de corps du geek, le plus r&eacute;pandu, se situe de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; du spectre de la corporalit&eacute;. Il s&rsquo;agit du morphotype dit ectomorphe, c&rsquo;est-&agrave;-dire grand, maigre avec tr&egrave;s peu de muscles et de formes. On peut penser imm&eacute;diatement &agrave; Sheldon de&nbsp;<em>The</em>&nbsp;<em>Big Bang Theory</em>, mais aussi aux h&eacute;ros de&nbsp;<em>Revenge of the Nerds</em>. L&agrave;, le corps est aussi un &eacute;l&eacute;ment contingent ce qui est tr&egrave;s clair dans le discours des personnages, mais il faut en prendre un minimum soin pour qu&rsquo;il n&rsquo;entrave pas l&rsquo;activit&eacute; c&eacute;r&eacute;brale. C&rsquo;est un corps malingre, faible, qui s&rsquo;oppose au corps musculeux du&nbsp;<em>bully</em>, un corps souvent maladroit pour les t&acirc;ches manuelles, qui est mis au service de l&rsquo;activit&eacute; de pens&eacute;e pure et connect&eacute;e.</p> <p>Cette repr&eacute;sentation du corps fin, p&acirc;le est aussi ancienne que celle du nerd et du geek. On la voyait d&eacute;j&agrave; dans&nbsp;<em>American Graffiti</em>, chez Le Rat, et on la retrouve dans&nbsp;<em>Freaks and geeks</em>. L&rsquo;avantage est qu&rsquo;elle permet de marquer une forme de diff&eacute;rence mais n&rsquo;emp&ecirc;che pas le geek de bouger et reste dans les canons esth&eacute;tiques de l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; il vaut mieux &ecirc;tre tr&egrave;s maigre qu&rsquo;ob&egrave;se. C&rsquo;est qu&rsquo;on observe avec N&eacute;o dans&nbsp;<em>Matrix</em>&nbsp;(1999), &agrave; la fois geek enferm&eacute;, &agrave; la peau p&acirc;le et au corps longiligne, mais aussi h&eacute;ros d&rsquo;action quand il arrive &agrave; atteindre l&rsquo;id&eacute;al de ma&icirc;trise de la machine, et finalement de nouveau faible quand il est confront&eacute; au &laquo;&nbsp;vrai monde&nbsp;&raquo;, non-simul&eacute;.</p> <p>On retrouve, accompagnant ce corps, un style vestimentaire particulier. Le geek ob&egrave;se porte g&eacute;n&eacute;ralement un ample tee-shirt (avec un imprim&eacute; faisant r&eacute;f&eacute;rence au code informatique ou &agrave; un obscur jeu vid&eacute;o) qui lui permet d&rsquo;&ecirc;tre &agrave; l&rsquo;aise devant son clavier. Le geek ectomorphe poss&egrave;de, lui, traditionnellement des pantalons port&eacute;s haut avec des bretelles, des chemises &agrave; carreaux boutonn&eacute;es jusqu&rsquo;en haut, un n&oelig;ud papillon et des lunettes.</p> <p>L&rsquo;exemple le plus typique et &agrave; la fois le plus populaire est le personnage de surdou&eacute; mais compl&egrave;tement maladroit dans les relations sociales de Steve Urkel dans la sitcom familiale&nbsp;<em>La Vie de famille&nbsp;</em>(1989-1997), un personnage qui a la grande particularit&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;un des rares de ce type &agrave; &ecirc;tre de peau noire. Et, bien s&ucirc;r, comme toujours, malgr&eacute; son &eacute;tranget&eacute; souvent moqu&eacute;e, il finit par sauver les situations gr&acirc;ce &agrave; ses comp&eacute;tences propres.</p> <p>La revanche du geek est donc permanente depuis quarante ans et renvoie &agrave; une tentative d&rsquo;&eacute;tablissement d&rsquo;un autre mod&egrave;le de virilit&eacute; qui ne passerait pas par le corps mais par le cerveau. C&rsquo;est ce que note Christine D&eacute;trez dans son travail sur les fans de mangas. Les jeunes passionn&eacute;s qu&rsquo;elle interroge reconnaissent dans ce type de personnages une revanche symbolique via l&rsquo;intelligence&nbsp;: &laquo;&nbsp;Cette intelligence est indissociable d&rsquo;une&nbsp;<em>hexis&nbsp;</em>corporelle bien particuli&egrave;re, tr&egrave;s &eacute;loign&eacute;e des muscles hypertrophi&eacute;s des supers h&eacute;ros&nbsp;: des corps grands et fins selon Pierre, voire d&eacute;gingand&eacute;s selon F&eacute;lix, de ceux qui passeraient plus de temps devant l&rsquo;ordinateur que sur les terrains de sport&nbsp;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31">[31]</a>.&nbsp;&raquo;&nbsp;La revanche du geek c&rsquo;est aussi celle de son corps.</p> <h2><strong>Conclusion. Le geek aujourd&rsquo;hui</strong><br /> &nbsp;</h2> <p>Si l&rsquo;image du geek est souvent li&eacute;e &agrave; une forme de st&eacute;r&eacute;otype, longtemps en grande partie p&eacute;joratif, il y a dans le m&ecirc;me temps le plus souvent une forme de tendresse envers ces personnages qui finissent par trouver une place dans l&rsquo;ordre social ou sont accept&eacute;s. C&rsquo;est le grand paradoxe de la figure du geek, surtout r&eacute;cemment&nbsp;: elle est &agrave; la fois insultante, fig&eacute;e dans des corps tr&egrave;s sp&eacute;cifiques et dans une sorte d&rsquo;&eacute;ternelle adolescence, mais au final, le geek gagne toujours &agrave; la fin. Si les repr&eacute;sentations n&rsquo;ont pas v&eacute;ritablement &eacute;volu&eacute; depuis les ann&eacute;es 1960, ce qui a &eacute;volu&eacute; c&rsquo;est que le geek devient de plus en plus un personnage central et positif au fur et &agrave; mesure que l&rsquo;outil informatique a pris de la place dans nos vies. C&rsquo;est ce que l&rsquo;on peut voir dans la s&eacute;rie&nbsp;<em>Silicon Valley</em>&nbsp;(2014-&hellip;) o&ugrave; les personnages en ont les traits classiques mais en m&ecirc;me temps sont les h&eacute;ros et ne sont pas moqu&eacute;s pour cela puisqu&rsquo;ils vivent dans un monde o&ugrave; leurs comp&eacute;tences sont synonymes de r&eacute;ussite dans l&rsquo;&eacute;conomie num&eacute;rique.</p> <p>Dans les ann&eacute;es 2000, le geek est devenu d&eacute;finitivement &laquo;&nbsp;chic&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;cool&nbsp;&raquo;, une figure positive et h&eacute;ro&iuml;que &agrave; l&rsquo;image de Scott Pilgrim, h&eacute;ros du&nbsp;<em>comic book</em>&nbsp;&eacute;ponyme (2004-2010), qui d&eacute;fait ses ennemis &agrave; l&rsquo;aide de mouvements puis&eacute;s dans sa grande culture vid&eacute;oludique. Nous vivons dans un monde o&ugrave; les r&eacute;f&eacute;rences culturelles du geek, de&nbsp;<em>Star Wars</em>&nbsp;aux superh&eacute;ros Marvel, triomphent et o&ugrave; la culture num&eacute;rique, dont il serait le premier des thurif&eacute;raires, envahit tout notre quotidien. Que lui reste-t-il alors &agrave; conqu&eacute;rir&nbsp;? La r&eacute;ponse appara&icirc;t &eacute;vidente face aux d&eacute;veloppements pr&eacute;c&eacute;dents&nbsp;: une certaine repr&eacute;sentativit&eacute;. Peu de femmes, peu de non-blancs, peu d&rsquo;homosexuels sont pr&eacute;sents dans la mise en sc&egrave;ne classique de cette figure. C&rsquo;est vers cela que tend aujourd&rsquo;hui la culture populaire m&ecirc;me si nous n&rsquo;en sommes qu&rsquo;&agrave; de timides d&eacute;buts.</p> <p>Citons Lisbeth Salander dans la saga de romans&nbsp;<em>Millenium</em>&nbsp;(2005-2007) adapt&eacute;e au cin&eacute;ma en 2009. Plus hackeuse que geek (elle arbore une posture de r&eacute;bellion face au syst&egrave;me, et si elle ma&icirc;trise l&rsquo;informatique elle ne fait aucune r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des go&ucirc;ts culturels), elle tranche n&eacute;anmoins avec la figure traditionnelle de l&rsquo;adolescent blanc de classe moyenne ou sup&eacute;rieure. Plus r&eacute;cemment, l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne du jeu vid&eacute;o&nbsp;<em>Life is Strange</em>&nbsp;(2014), Max, poss&egrave;de cette fois la plupart des attributs du geek (asocialit&eacute;, go&ucirc;t pour la technique et les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; la culture populaire de genre), ouvrant la porte &agrave; plus de personnages de ce type.</p> <p>Du c&ocirc;t&eacute; de la repr&eacute;sentation de personnages non blancs, nous avons cit&eacute; l&rsquo;exemple s&eacute;minal mais tr&egrave;s isol&eacute; de Steve Urkel et il a fallu attendre jusqu&rsquo;&agrave; ces derni&egrave;res ann&eacute;es pour que d&rsquo;autres apparaissent. En effet tout autant que celle de la f&eacute;minisation, la question raciale est centrale dans la culture geek. Aux &Eacute;tats-Unis, l&rsquo;opposition entre sous-cultures geek (caucasienne) et hip-hop (afro-am&eacute;ricaine) est souvent consid&eacute;r&eacute;e comme allant de soi&nbsp;<a href="#_ftn32" name="_ftnref32">[32]</a>. Cela sert m&ecirc;me de ressort humoristique lorsqu&rsquo;un comique populaire comme Al Jankovik s&rsquo;en moque en mettant en sc&egrave;ne des geeks tentant maladroitement de reprendre les codes du rap sans se d&eacute;faire de leurs r&eacute;f&eacute;rences obscures &agrave; des langages informatiques, ou des s&eacute;ries de science-fiction, dans la chanson parodique au titre &eacute;loquent&nbsp;<em>White and Nerdy</em>&nbsp;(2006).</p> <p>Les fictions contemporaines s&rsquo;emparent alors en toute conscience de cette opposition en affirmant la possibilit&eacute; d&rsquo;identit&eacute;s multiples. Abed l&rsquo;un des personnages principaux de la s&eacute;rie&nbsp;<em>Community</em>&nbsp;d&eacute;j&agrave; cit&eacute;e&nbsp;: il s&rsquo;affirme ainsi &agrave; la fois comme geek, mais aussi comme un musulman. De mani&egrave;re plus frappante encore, les h&eacute;ros du film&nbsp;<em>Dope</em>&nbsp;(2015) sont deuxgeeks afro-am&eacute;ricains vivant dans un quartier pauvre de Los Angeles dans les ann&eacute;es 1990. Une grande partie de l&rsquo;intrigue repose sur leurs difficult&eacute;s &agrave; &ecirc;tre noirs tout en &eacute;tant de bons &eacute;l&egrave;ves passionn&eacute;s de nouvelles technologies, collectionneurs de comics ou joueurs intensifs de jeux vid&eacute;o. Ils ne s&rsquo;int&egrave;grent pas parmi les geeks blancs, mais de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; sont rejet&eacute;s par leurs camarades noirs qui leur reprochent leur manque de r&eacute;bellion et leurs loisirs de riches blancs. L&agrave; aussi, ce type de tentative permet d&rsquo;entrevoir un d&eacute;but d&rsquo;&eacute;volution vers des repr&eacute;sentations plus nuanc&eacute;es de cette figure souvent monolithique.</p> <p>Avec la figure du geek et sa repr&eacute;sentation, c&rsquo;est donc &agrave; la fois tout un pan de l&rsquo;histoire de la culture populaire qui est mise en relief mais aussi des enjeux de classe, de genre et de race qui traversent largement la soci&eacute;t&eacute; am&eacute;ricaine contemporaine. Et si la revanche du geek se rejoue encore et encore, embrassant &agrave; chaque fois de nouveaux enjeux, c&rsquo;est probablement que nous n&rsquo;avons pas fini d&rsquo;en voir de nouvelles incarnations.</p> <p>&nbsp;</p> <h3><strong>Notes</strong></h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Geek&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Wikip&eacute;dia</em>. En ligne&nbsp;<a href="https://fr.wikipedia.org/wiki/Geek" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 16/02/2016)</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;<em>Technikart</em>, hors-s&eacute;rie &laquo;&nbsp;Geek&nbsp;&raquo;, janvier 2009.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Yann Gu&eacute;gan, &laquo;&nbsp;Fillon n&rsquo;est pas un geek (ou alors &ccedil;a ne veut plus rien dire)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Rue 89</em>, 20 juin 2009. En ligne&nbsp;<a href="http://rue89.nouvelobs.com/2009/06/20/fillon-nest-pas-un-geek-ou-alors-ca-ne-veut-plus-rien-dire-108138" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 15/07/2010).</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Diane Lisarelli, &laquo;&nbsp;Obama&nbsp;: Yes we Vulcan&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Les Inrockuptibles</em>, 12 avril 2012. En ligne&nbsp;<a href="http://www.lesinrocks.com/2012/04/12/actualite/obama-yes-we-vulcan-11248353/" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 28/07/2012).</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;<em>Suck My Geek</em>&nbsp;(Canal +<em>,</em>&nbsp;2007) et&nbsp;<em>La Revanche des geeks</em>&nbsp;(Arte, 2012).</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;David Peyron,&nbsp;<em>Culture Geek</em>, Limoges, FYP &Eacute;ditions, 2013.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;On ne compte plus les festivals et autres conventions consacr&eacute;s &agrave; la culture populaire de genre qui utilisent dans leur nom ou leur slogan le qualificatif geek (Geek Fa&euml;ries, Geekopolis, Bordeaux Geek Festival, Clermont Geek, etc.).</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Voir par exemple Stuart Hall &amp; Tony&nbsp;Jefferson (dir.),&nbsp;<em>Resistance through Rituals&nbsp;: Youth Subcultures in Post-War Britain</em>, Londres, Hutchinson, 2006.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Dick Hebdige,&nbsp;<em>Sous-culture&nbsp;: le sens du style</em>, Paris, Zones, 2008.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;David Muggleton,&nbsp;<em>Inside Subculture&nbsp;: The Postmodern Meaning of Style</em>, Londres, Berg Publishers, 2002.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Harvey Sacks &laquo;&nbsp;Hotrodder: A Revolutionary Category&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Everyday Language: Studies in Ethnomethodology,</em>&nbsp;G. Psathas (dir.), New York, Irvington Press, 1979, p.&nbsp;7-14.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;Geek&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Oxford dictionary</em>. &nbsp;En ligne&nbsp;<a href="https://www.oed.com/dictionary/geek_n?tl=true" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 26/02/2016).</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;James M. Brophy,&nbsp;<em>Popular Culture and the Public Sphere in the Rhineland, 1800-</em>1850, Cambridge University Press, 2007.</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Mikhail Bakhtine,&nbsp;<em>L&rsquo;&OElig;uvre de Fran&ccedil;ois Rabelais et la culture populaire au Moyen&nbsp;</em><em>&Acirc;ge et sous la Renaissance</em>, Paris, Gallimard, 1982.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;V. Robert Bogdan,&nbsp;<em>La Fabrique des monstres. Les &Eacute;tats-Unis et le Freak Show</em>, 1840-1940, Paris, Alma &Eacute;diteur, 2013.</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Pascal Duret,&nbsp;<em>Les jeunes et l&rsquo;identit&eacute; masculine</em>, Paris, Presses Universitaires de France, 1999.</p> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a>&nbsp;On consid&eacute;rera ici le terme&nbsp;<em>nerd</em>&nbsp;comme quasi synonyme de geek ; il est g&eacute;n&eacute;ralement encore plus p&eacute;joratif et plus orient&eacute; vers les sciences. V. Benjamin Nugent,&nbsp;<em>American Nerd. The Story of My People</em>, Londres, Scribner, 2008.</p> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;Raewyn Connell,&nbsp;<em>Masculinit&eacute;s. Enjeux sociaux de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie</em>, Paris, &Eacute;ditions Amsterdam, 2014.</p> <p><a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Dubet &amp; Danilo Martuccelli,&nbsp;<em>&Agrave; l&rsquo;&eacute;cole. Sociologie de l&rsquo;exp&eacute;rience scolaire</em>, Paris, Le Seuil, 1996, p.&nbsp;161.</p> <p><a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a>&nbsp;Adrienne Boutang &amp; C&eacute;lia Sauvage,&nbsp;<em>Les Teen Movies</em>, Paris, Vrin, 2011, p.&nbsp;49.</p> <p><a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;Antonio A. Casilli, &laquo;&nbsp;Les avatars bleus, autour de trois strat&eacute;gies d&rsquo;emprunts culturels au c&oelig;ur de la cyberculture&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Communications</em>, n&deg;77, 2005, p.&nbsp;197.</p> <p><a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a>&nbsp;Philippe Breton,&nbsp;<em>Une Histoire de l&rsquo;informatique</em>, Paris, La D&eacute;couverte, &laquo;&nbsp;Points Sciences&nbsp;&raquo;, 1988.</p> <p><a href="#_ftnref23" name="_ftn23">[23]</a>&nbsp;Patrice Flichy,&nbsp;<em>L&rsquo;imaginaire d&rsquo;Internet</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2001, p.&nbsp;155.</p> <p><a href="#_ftnref24" name="_ftn24">[24]</a>&nbsp;Fred Turner,&nbsp;<em>Aux sources de l&rsquo;utopie num&eacute;rique. De la contre-culture &agrave; la cyberculture</em>, Caen, C&amp;F &Eacute;ditions, 2013.</p> <p><a href="#_ftnref25" name="_ftn25">[25]</a>&nbsp;Fr&eacute;d&eacute;ric Weil, &laquo;&nbsp;Banquet Virtuel&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Culture d&rsquo;univers</em>, Frank Beau (dir.), Limoges, FYP &Eacute;ditions, 2007, p.&nbsp;159.</p> <p><a href="#_ftnref26" name="_ftn26">[26]</a>&nbsp;Wenceslas Liz&eacute;, &laquo;&nbsp;Imaginaire masculin et identit&eacute; sexuelle. Le jeu de r&ocirc;le et ses pratiquants&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Soci&eacute;t&eacute;s contemporaines</em>, n&deg;55, 2004/3, p.&nbsp;54.</p> <p><a href="#_ftnref27" name="_ftn27">[27]</a>&nbsp;Nombreux sont les personnages de geeks de fiction qualifi&eacute;s explicitement d&rsquo;autistes Asperger, par exemple Sheldon dans&nbsp;<em>The Big Bang Theory</em>&nbsp;ou encore Abed dans&nbsp;<em>Community</em>&nbsp;(2009-2015).</p> <p><a href="#_ftnref28" name="_ftn28">[28]</a>&nbsp;Steven Levy,&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;thique des hackers</em>, Paris, Globe, 2013.</p> <p><a href="#_ftnref29" name="_ftn29">[29]</a>&nbsp;Sherry Turkle,&nbsp;<em>Les enfants de l&rsquo;ordinateur</em>, Paris, Deno&euml;l, 1986.</p> <p><a href="#_ftnref30" name="_ftn30">[30]</a>&nbsp;Fanny Georges, &laquo; &Agrave; l&rsquo;image de l&rsquo;Homme  &nbsp;: cyborgs, avatars, identit&eacute;s num&eacute;riques&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Temps des m&eacute;dias</em>, n&deg;18, 2012, p.&nbsp;140.</p> <p><a href="#_ftnref31" name="_ftn31">[31]</a>&nbsp;Christine D&eacute;trez, &laquo;&nbsp;Des shonens pour les gar&ccedil;ons, des shojos pour les filles&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>R&eacute;seaux</em>, n&deg;168-169, 2011, p.&nbsp;173.</p> <p><a href="#_ftnref32" name="_ftn32">[32]</a>&nbsp;Voir par exemple Lori Kendall, &laquo;&nbsp;Geek may be chic, but nerd stereotype still exists&nbsp;&raquo;<em>, Physorg</em>, 3 mars 2009. En ligne&nbsp;<a href="http://www.physorg.com/news155305365.html">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 28/10/2010).</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Bibliographie<br /> &nbsp;</h3> <p>BAKHTINE, Mikhail,<em>&nbsp;L&rsquo;&OElig;uvre de Fran&ccedil;ois Rabelais et la culture populaire au Moyen &Acirc;ge et sous la Renaissance</em>, Paris, Gallimard, 1982.</p> <p>BOGDAN, Robert,<em>&nbsp;La Fabrique des monstres. Les &Eacute;tats-Unis et le Freak Show, 1840-1940</em>, Paris, Alma &Eacute;diteur, 2013.</p> <p>BOUTANG, Adrienne &amp; C&eacute;lia SAUVAGE,&nbsp;<em>Les Teen Movies</em>, Paris, Vrin, 2011.</p> <p>BRETON, Philippe,&nbsp;<em>Une Histoire de l&rsquo;informatique</em>, Paris, La D&eacute;couverte, &laquo;&nbsp;Points Sciences&nbsp;&raquo;, 1988.</p> <p>BROPHY, James M.,&nbsp;<em>Popular Culture and the Public Sphere in the Rhineland, 1800-1850</em>, Cambridge University Press, 2007.</p> <p>CASILLI, Antonio A., &laquo;&nbsp;Les avatars bleus, autour de trois strat&eacute;gies d&rsquo;emprunts culturels au c&oelig;ur de la cyberculture&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Communications</em>, n<sup>o</sup>77, 2005, p.&nbsp;183-209.</p> <p>CONNELL, Raewyn,&nbsp;<em>Masculinit&eacute;s. Enjeux sociaux de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie</em>, Paris, &Eacute;ditions Amsterdam, 2014.</p> <p>D&Eacute;TREZ, Christine. &laquo;&nbsp;Des shonens pour les gar&ccedil;ons, des shojos pour les filles&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>R&eacute;seaux</em>, n<sup>o</sup>168-169, 2011, p.&nbsp;165-186.</p> <p>DUBET, Fran&ccedil;ois &amp; Danilo MARTUCCELLI,&nbsp;<em>&Agrave; l&rsquo;&eacute;cole. Sociologie de l&rsquo;exp&eacute;rience scolaire</em>, Paris, Le Seuil, 1996.</p> <p>GEORGES, Fanny, &laquo; &Agrave; l&rsquo;image de l&rsquo;Homme&nbsp;:&nbsp;cyborgs, avatars, identit&eacute;s num&eacute;riques&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Temps des m&eacute;dias,</em>&nbsp;n<sup>o</sup>18, 2012, p.&nbsp;136-147.</p> <p>FLICHY, Patrice,&nbsp;<em>L&rsquo;Imaginaire d&rsquo;Internet,</em>&nbsp;Paris<em>,</em>&nbsp;La D&eacute;couverte, 2001.</p> <p>GU&Eacute;GAN, Yann, &laquo;&nbsp;Fillon n&rsquo;est pas un geek (ou alors &ccedil;a ne veut plus rien dire)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Rue 89</em>, 20 juin 2009. En ligne&nbsp;<a href="http://rue89.nouvelobs.com/2009/06/20/fillon-nest-pas-un-geek-ou-alors-ca-ne-veut-plus-rien-dire-108138" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 15/07/2010).</p> <p>HALL, Stuart &amp; Tony JEFFERSON&nbsp;(dir.),&nbsp;<em>Resistance through Rituals&nbsp;: Youth Subcultures in Post-War Britain</em>, Londres, Hutchinson, 2006.</p> <p>HEBDIGE, Dick,&nbsp;<em>Sous-culture. Le Sens du style</em>, Paris, Zones, 2008.</p> <p>KENDALL, Lori, &laquo;&nbsp;Geek may be chic, but nerd stereotype still exists&nbsp;&raquo;<em>,&nbsp;</em><em>Physorg</em>, 3 mars 2009. En ligne&nbsp;<a href="http://www.physorg.com/news155305365.html" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 28/10/2010).</p> <p>LISARELLI, Diane, &laquo;&nbsp;Obama: Yes we Vulcan&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Les Inrockuptibles</em>, 12 avril 2012. En ligne&nbsp;<a href="http://www.lesinrocks.com/2012/04/12/actualite/obama-yes-we-vulcan-11248353" target="_blank">ici</a>&nbsp;(consult&eacute; le 28/07/2012).</p> <p>LIZ&Eacute;, Wenceslas, &laquo;&nbsp;Imaginaire masculin et identit&eacute; sexuelle. Le jeu de r&ocirc;le et ses pratiquants&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Soci&eacute;t&eacute;s contemporaines</em>, n&deg;55, vol. 3, 2005, p.&nbsp;43-46.</p> <p>MUGGLETON, David,&nbsp;<em>Inside Subculture: The Postmodern Meaning of Style,&nbsp;</em>Londres<em>,</em>&nbsp;Berg Publishers, 2002.</p> <p>NUGENT, Benjamin,&nbsp;<em>American Nerd. The Story of My People</em>, Londres, Scribner, 2008.</p> <p>PEYRON, David,&nbsp;<em>Culture Geek</em>, Limoges, FYP &Eacute;ditions, 2013.</p> <p>SACKS, Harvey, &laquo;&nbsp;Hotrodder: A Revolutionary Category&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Everyday Language: Studies in Ethnomethodology</em>, G.&nbsp;PSATHAS (dir.), New York, Irvington Press, 1979, p.&nbsp;7-14.</p> <p>LEVY, Steven,&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;thique des hackers</em>, Paris, Globe, 2013.</p> <p>TURKLE, Sherry,&nbsp;<em>Les Enfants de l&rsquo;ordinateur</em>, Paris, Deno&euml;l, 1986.</p> <p>TURNER, Fred,&nbsp;<em>Aux sources de l&rsquo;utopie num&eacute;rique. De la contre-culture &agrave; la cyberculture</em>, Caen, C&amp;F &Eacute;ditions, 2013.</p> <p>WEIL, Fr&eacute;d&eacute;ric, &laquo;&nbsp;Banquet Virtuel&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Culture d&rsquo;univers,</em>&nbsp;Frank Beau (dir.), Limoges, FYP &Eacute;ditions, 2007, p.&nbsp;148-160.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>David Peyron</strong>&nbsp;est docteur en sciences de l&rsquo;information et de la communication et actuellement ATER &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paris 3 Sorbonne-Nouvelle. Son travail porte en particulier sur la question du lien entre identit&eacute; et fiction dans le domaine de l&rsquo;imaginaire fantastique, sur les cultures fans en contexte num&eacute;rique, les rapports entre fans et industries culturelles, et l&rsquo;appropriation ludique des univers fictionnels. Il est notamment l&rsquo;auteur de l&rsquo;ouvrage&nbsp;<em>Culture Geek</em>&nbsp;(FYP, 2013).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>