<p><em>Ce num&eacute;ro est d&eacute;di&eacute; &agrave; Andrew Orr (1948-2019) et Jean-Loup Rivi&egrave;re (1948-2019), animateurs exigeants de l&rsquo;</em>ACR<em>.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>Pourquoi impliquer des &eacute;crivains, habitu&eacute;s au livre ou &agrave; la sc&egrave;ne, dans des &eacute;missions de cr&eacute;ation radiophonique&nbsp;?</p> <p>Sans jamais y avoir &eacute;t&eacute; limit&eacute;e, la radio de cr&eacute;ation (et de r&eacute;cr&eacute;ation) a longtemps fait une tr&egrave;s large place au &laquo;&nbsp;th&eacute;&acirc;tre radiophonique&nbsp;&raquo;, justifiant la cour assidue men&eacute;e par les responsables de programmes, depuis les ann&eacute;es 1930, aupr&egrave;s de tous ceux qui savent b&acirc;tir un dialogue, une intrigue, des personnages, transformer un roman ou une pi&egrave;ce en &laquo;&nbsp;jeu de voix dans l&rsquo;espace&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;&raquo; ou&nbsp;<em>h&ouml;rspiel</em>, qu&rsquo;ils soient nativement ou non dramaturges ou romanciers. Paul Gilson, le flamboyant directeur des programmes artistiques de la radio d&rsquo;&Eacute;tat &agrave; son &acirc;ge d&rsquo;or (1946-1963), a &eacute;t&eacute; couvert d&rsquo;&eacute;loges pour avoir su attirer &agrave; la radio quantit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivains r&eacute;tifs ou timor&eacute;s &agrave; troquer le livre pour les ondes&nbsp;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Quant au Club d&rsquo;Essai, n&eacute; en 1946 de la petite graine du Studio d&rsquo;Essai de Pierre Schaeffer avec la mission de pousser ses branches dans toutes les directions de l&rsquo;art du micro, c&rsquo;est peu de dire que les &eacute;crivains y ont abond&eacute;, jusque dans le domaine des vari&eacute;t&eacute;s (Billetdoux, Dubillard, Andr&eacute; Fr&eacute;d&eacute;rique&hellip;)&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>. Et peut-&ecirc;tre ce petit service exp&eacute;rimental de la radio d&rsquo;&Eacute;tat n&rsquo;est-il devenu si c&eacute;l&egrave;bre que pour avoir su se faire reconna&icirc;tre dans le champ restreint de la &laquo;&nbsp;haute litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;, gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;action de son animateur le po&egrave;te et dramaturge Jean Tardieu, et au large r&eacute;seau de relations de ce dernier, chez Gallimard notamment.</p> <p>Or cet app&eacute;tit pour les &eacute;crivains et leurs talents semble changer dans les ann&eacute;es 1970, au sein du programme qui &agrave; partir de 1969, sous le nom d&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>, entend continuer &agrave; faire vivre, sur France Culture, l&rsquo;esprit de la radio d&rsquo;art et d&rsquo;essai. Quitte &agrave; pratiquer encore quelques ann&eacute;es le m&eacute;lange de l&rsquo;ancien et du nouveau, &agrave; regarder avec nostalgie ce que l&rsquo;on quitte, en pratiquant encore des lectures d&rsquo;&oelig;uvres, des entretiens avec des &eacute;crivains, des &eacute;missions d&rsquo;hommage (&agrave; Brecht, Proust, Deleuze, Apollinaire et Marinetti, Mallarm&eacute;, Val&eacute;ry, Artaud, William Burroughs&hellip;)&nbsp;; &agrave; respirer un air encore assez litt&eacute;raire. Quitte aussi, d&rsquo;autre part, &agrave; accepter de n&rsquo;avoir, pour les &eacute;missions les plus exp&eacute;rimentales, qu&rsquo;un auditoire de&nbsp;<em>happy few</em>, ceux qui prendront plaisir au jeu de patience et d&rsquo;attention que demande l&rsquo;&eacute;coute de ces &eacute;missions. Tr&egrave;s ambitieux dans son projet initial (trois soir&eacute;es par semaine), plus modeste &agrave; son lancement (trois heures le dimanche soir), ce &laquo;&nbsp;microprogramme&nbsp;&raquo; est progressivement r&eacute;duit &agrave; une &eacute;mission de deux heures puis 1h30. Les responsables n&rsquo;en sont pas des &eacute;crivains, comme Gilson et Tardieu, mais des &laquo;&nbsp;hommes de l&rsquo;art&nbsp;&raquo; (&eacute;minemment lettr&eacute;s certes), parmi lesquels Alain Trutat (conseiller de programmes depuis 1962, apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; r&eacute;alisateur) et Ren&eacute; Farabet (docteur &egrave;s-lettres, com&eacute;dien, r&eacute;alisateur), lequel en devient seul producteur-coordinateur apr&egrave;s 1980. Leur conception de la radio de cr&eacute;ation les am&egrave;ne &agrave; ouvrir tr&egrave;s largement le champ des auteurs possibles, &agrave; favoriser la &laquo;&nbsp;liaison&nbsp;&raquo; ou la &laquo;&nbsp;fusion&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;avec tous les courants d&rsquo;action cr&eacute;atrice&nbsp;: arts plastiques, musique, litt&eacute;rature, po&eacute;sie, cin&eacute;ma, th&eacute;&acirc;tre, sans oublier le domaine infini du v&eacute;cu&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; tous, il s&rsquo;agit de proposer l&rsquo;expression radiophonique dans sa sp&eacute;cificit&eacute;, comme complexe organique de bruits, paroles, musiques et silences. Face &agrave; quoi, l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;un &eacute;crivain peut &ecirc;tre mieux plac&eacute; que d&rsquo;autres, voire indispensable, est relativis&eacute;e.</p> <p>Pour Alain Trutat par exemple, qui comme Beckett ne con&ccedil;oit pas de cr&eacute;ation radiophonique sans l&rsquo;alliance de la parole et de la musique&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>, il vaut mieux &ecirc;tre compositeur&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les compositeurs de la musique actuelle mieux que les &eacute;crivains ont su jouer de la radiophonie (Jean-Claude &Eacute;loy acr 111, Mauricio Kagel acr 145-146, Stockhausen acr 133). Peut-&ecirc;tre y sont-ils mieux pr&eacute;par&eacute;s par la nature de leur travail&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.&nbsp;&raquo; Et, comme on sait, &agrave; c&ocirc;t&eacute; de r&eacute;alisateurs-auteurs de grande classe comme&nbsp;<a href="https://www.franceculture.fr/emissions/sur-les-docks-14-15/france-culture-50-ans-14-rene-jentet-une-vie-de-radio" target="_blank">Ren&eacute; Jentet</a>, Jos&eacute; Pivin, Andrew Orr ou Ren&eacute; Farabet, l&rsquo;auteur aujourd&rsquo;hui le plus connu de l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;est un chef op&eacute;rateur de son, Yann Parantho&euml;n, qui n&rsquo;aimait pas la litt&eacute;rature, sauf exceptions (Claude Ollier,&nbsp;Pierre Guyotat), et composait ses &laquo;&nbsp;documentaires&nbsp;&raquo; (il n&rsquo;aimait pas le mot) sans aucun texte pr&eacute;alable&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;‒ ce qui n&rsquo;a cependant pas &eacute;t&eacute; une doctrine de l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;: pour Trutat par exemple, &laquo;&nbsp;l&rsquo;&oelig;uvre radiophonique peut &ecirc;tre fond&eacute;e sur un texte&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me si &laquo;&nbsp;&eacute;crit r&eacute;sili&eacute; devenue parole, phrase oblit&eacute;r&eacute;e devenue phras&eacute;, elle n&rsquo;est pas ce texte&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Simultan&eacute;ment, pour Alain Trutat comme pour Ren&eacute; Farabet, l&rsquo;ACR se place sous le signe tr&egrave;s politique de 1968&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>, et le monde appelle &agrave; sortir des studios, &agrave; aller dans la rue, &agrave; se faire oreille de l&rsquo;&eacute;poque&nbsp;: &agrave; se faire reporter ou historien du monde contemporain. Il s&rsquo;agit de se tourner vers &laquo;&nbsp;l&rsquo;histoire en train de se faire&hellip; avec sa fi&egrave;vre, son effervescence&nbsp;&raquo;, de &laquo;&nbsp;prendre appui sur la &ldquo;r&eacute;alit&eacute; sensible&rdquo;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;le monde au pr&eacute;sent ‒ un immense chantier&nbsp;&raquo;&nbsp;; donc aussi de sortir du &laquo;&nbsp;studio-Gutenberg&nbsp;&raquo;, de r&eacute;pudier &laquo;&nbsp;la tyrannique typographie des &ldquo;brochures&rdquo;&nbsp;&raquo;, livrant le texte des pi&egrave;ces dites radiophoniques &laquo;&nbsp;&agrave; la r&eacute;citation com&eacute;dienne et &agrave; l&rsquo;illustration bruitiste&nbsp;&raquo;, de remplacer&nbsp; les &laquo;&nbsp;d&eacute;put&eacute;s ob&egrave;ses du savoir&nbsp;&raquo; par &laquo;&nbsp;de plus turbulents aventuriers, surgissant d&rsquo;horizons vari&eacute;s&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;&raquo;. De sorte que, pour se livrer &agrave; l&rsquo;expression radiophonique, le bon &eacute;crivain semble &ecirc;tre celui qui saura allier, au talent du musicien, celui du journaliste. Ren&eacute; Farabet est un des producteurs qui, au sein de l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;des ann&eacute;es 1970, &agrave; la diff&eacute;rence d&rsquo;un Jean-Loup Rivi&egrave;re notamment, tournent le plus r&eacute;solument le dos &agrave; l&rsquo;h&eacute;ritage du th&eacute;&acirc;tre radiophonique pour promouvoir, sous le nom de &laquo;&nbsp;film sonore&nbsp;&raquo;, le documentaire de cr&eacute;ation. Une des grandes orientations assum&eacute;es par l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;sous sa direction a &eacute;t&eacute; de d&eacute;valuer, dans le discours au moins, l&rsquo;&eacute;crivain de fiction au profit de l&rsquo;&eacute;crivain-reporter, produisant des reportages et documentaires &eacute;labor&eacute;s, ou tournant autour de ce qu&rsquo;on appelle aujourd&rsquo;hui des docu-fictions, comme Jean Thibaudeau imbriquant l&rsquo;un dans l&rsquo;autre, en 1970,&nbsp;<em>Dig it&nbsp;</em>(documentaire) et&nbsp;<em>A Western Memory&nbsp;</em>(fiction). La chose n&rsquo;est pas nouvelle dans l&rsquo;histoire de la litt&eacute;rature&nbsp;: on renvoie aux travaux de Myriam Boucharenc sur l&rsquo;&eacute;crivain-reporter dans les ann&eacute;es 1930&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>. Mais elle n&rsquo;&eacute;tait pas jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent aussi fortement revendiqu&eacute;e dans les milieux de l&rsquo;art radiophonique.</p> <p>S&rsquo;y ajoute, dans ces ann&eacute;es post-68 o&ugrave; l&rsquo;on remet en cause toutes les institutions, que la notion m&ecirc;me d&rsquo;auteur tend &agrave; changer de sens&nbsp;: &agrave; l&rsquo;<em>ACR</em>, l&rsquo;auteur, c&rsquo;est le collectif, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;l&rsquo;atelier&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est l&rsquo;&eacute;quipe, des preneurs de sons et monteurs aux r&eacute;alisateurs et producteurs. Un atelier&nbsp;: un lieu &laquo;&nbsp;o&ugrave; se poursuivent simultan&eacute;ment et en &eacute;quipe diff&eacute;rents travaux (et dans chaque&nbsp;<em>work in progress</em>&nbsp;le brouillon a aussi sa place), o&ugrave; le lent modelage d&rsquo;une mati&egrave;re sonore &ldquo;&eacute;lastique&rdquo; (oubli&eacute; le &ldquo;marbre&rdquo;&nbsp;!) est aviv&eacute; par le plaisir li&eacute; &agrave; toute recherche artisanale ‒ un &ldquo;atelier du cousu main&rdquo;&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>.&nbsp;&raquo; De m&ecirc;me la notion d&rsquo;&oelig;uvre bouge. On continue certes de parler d&rsquo;&oelig;uvres originales attribuables &agrave; tel ou tel artiste, dont plusieurs ont les honneurs de prix internationaux (Italia, Ondas, Paul-Gilson&hellip;) dans les cat&eacute;gories Fiction, Musique ou Documentaire. Mais ce qui est aussi consid&eacute;r&eacute; comme &oelig;uvre, et significativement dot&eacute; d&rsquo;un titre propre&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>, c&rsquo;est le programme tout entier d&rsquo;une &eacute;mission, vaste&nbsp;<em>work in progress&nbsp;</em>hybride, d&eacute;lib&eacute;r&eacute;ment compos&eacute; d&rsquo;une mosa&iuml;que d&rsquo;inserts, de citations (livresques&hellip;), de genres, de s&eacute;quences, d&eacute;bordant chaque &laquo;&nbsp;&oelig;uvre&nbsp;&raquo; au sens traditionnel du mot, dont le principal auteur, s&rsquo;il en faut un, est le r&eacute;alisateur.</p> <p>L&rsquo;app&eacute;tit pour les &eacute;crivains et leurs talents a donc chang&eacute; dans les ann&eacute;es 1970.</p> <p>Et pourtant, &agrave; parcourir les programmes de l&rsquo;<em>ACR</em>, &agrave; &eacute;couter les &eacute;missions, on constate que, dans les ann&eacute;es 1970 pr&eacute;cis&eacute;ment, ils sont encore l&agrave;, et m&ecirc;me en assez grand nombre, soit comme auteurs de textes nativement radiophoniques, soit comme auteurs et co-producteurs, ou comme lecteurs de leurs &oelig;uvres. Les quatre &eacute;crivains de la toute premi&egrave;re &eacute;mission sont aussi, en quelque sorte, ses parrains et des collaborateurs r&eacute;currents : Fran&ccedil;ois Billetdoux (dont quatre interventions rythment l&rsquo;&eacute;mission princeps), Claude Ollier, Severo Sarduy, Jean Thibaudeau.&nbsp;Peu nombreux aussi parmi&nbsp;ces &eacute;crivains sont ceux qui, comme Thibaudeau dont il est question dans ce num&eacute;ro, Jacques-Pierre Amette passag&egrave;rement, ou Michel Chaillou, se sont vraiment aventur&eacute;s sur les voies du reportage ou du documentaire. Qui sont ces &eacute;crivains de l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;? Relevons, &agrave; c&ocirc;t&eacute; de quelques anciens du Club d&rsquo;Essai comme Dubillard, Billetdoux, Tardieu ou Obaldia, qui font trait d&rsquo;union avec le pass&eacute; et soulignent des continuit&eacute;s, les noms de&nbsp;: Fran&ccedil;ois Billetdoux*, Jean Thibaudeau*, Severo Sarduy*, Jean-Pierre Faye*, Claude Ollier*, Alain Jouffroy*, Jacques-Pierre Amette*, Samuel Beckett&nbsp;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>*, Michel Butor, Edoardo Sanguineti, Nathalie Sarraute, Andr&eacute; Fr&eacute;naud (ami proche et po&egrave;te pr&eacute;f&eacute;r&eacute; de Trutat), Bernard Teyss&egrave;dre, Pierre Guyotat, Hubert Lucot, Jean Ristat, Maurice Roche, Georges Perec*, Danielle Collobert, H&eacute;l&egrave;ne Cixous*, Marguerite Duras, Colette Fellous*, Michell Chaillou*, Jean-Clarence Lambert*, Jean-Luc Parant, Matthieu B&eacute;n&eacute;zet* (l&rsquo;ast&eacute;risque signale ceux qui furent aussi co-producteurs d&rsquo;une ou plusieurs &eacute;missions) &hellip;</p> <p>C&rsquo;est en r&eacute;alit&eacute; dans les ann&eacute;es 1980, quand Ren&eacute; Farabet devient seul responsable du programme, que les noms se font plus rares, et que pour certains d&rsquo;entre eux (Monique Wittig, Michel Butor, Jean Echenoz&hellip;) un livre publi&eacute; redevient la base de leur collaboration au m&eacute;dium. Citons quand m&ecirc;me&nbsp;: Jean Daive*, Didier Pemerle, Bernard No&euml;l, Val&egrave;re Novarina*, Paul-Louis Rossi, Jean-Claude Montel, Christian Prigent*, Michel Butor (pour de belles &eacute;missions avec Kaye Mortley), Jean-Christophe Bailly*, Gherasim Luca, Monique Wittig, Julien Blaine, Marie Etienne, Michel Deguy*, Dominique Fourcade, Sabine Macher, Michelle Grangaud, Jean Echenoz&hellip; Dans ces ann&eacute;es 1980, la tendance &laquo;&nbsp;documentaire&nbsp;&raquo; promue par Ren&eacute; Farabet et partag&eacute;e par la talentueuse r&eacute;alisatrice Kaye Mortley, qui le rejoint &agrave; ce moment-l&agrave;, l&rsquo;emporte d&eacute;finitivement sur la tendance &laquo;&nbsp;pi&egrave;ce radiophonique&nbsp;&raquo; continu&eacute;e aussi bien par Jean-Pierre Faye que Nathalie Sarraute ou H&eacute;l&egrave;ne Cixous, mais aussi sur des formes de fiction radiophonique tr&egrave;s en phase avec les conceptions d&rsquo;Alain Trutat, celles d&rsquo;un Claude Ollier ou d&rsquo;un Georges Perec notamment. Peut-&ecirc;tre est-ce un des facteurs explicatifs de cette d&eacute;saffection.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p>Le num&eacute;ro propos&eacute; ici reprend l&rsquo;essentiel des communications pr&eacute;sent&eacute;es &agrave; la Scam et la BnF les 4 et 5 octobre 2018, dans le cadre d&rsquo;un colloque international consacr&eacute; &agrave; Paris, du 4 au 6 octobre, aux deux plus longs et plus prestigieux programmes de cr&eacute;ation radiophonique de France Culture des derni&egrave;res d&eacute;cennies du XXe si&egrave;cle&nbsp;: l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;(1969-2001) et&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;(1978-1999)&nbsp;<a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a>. Vu l&rsquo;ampleur des corpus, il avait &eacute;t&eacute; d&eacute;cid&eacute; de privil&eacute;gier pour l&rsquo;<em>ACR</em>, la &laquo;&nbsp;p&eacute;riode Farabet&nbsp;&raquo;, des d&eacute;buts en 1969 &agrave; son d&eacute;part &agrave; la retraite en d&eacute;cembre 2001, et de laisser de c&ocirc;t&eacute; la d&eacute;cennie 2002-2011, durant laquelle l&rsquo;Atelier a &eacute;t&eacute; confi&eacute; &agrave; Franck Smith, &eacute;crivain et Philippe Langlois, musicologue, accompagn&eacute;s dans les tout premiers mois de l&rsquo;artiste plasticienne Marina Babakoff&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>, ainsi que la derni&egrave;re &eacute;tape de l&rsquo;Atelier, quand Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko l&rsquo;accueille une fois par mois dans&nbsp;<em><a href="https://www.franceculture.fr/emissions/l-atelier-de-la-creation-14-15" target="_blank">L&rsquo;Atelier de la cr&eacute;ation</a></em>&nbsp;(2011-2015) puis dans&nbsp;<em><a href="https://www.franceculture.fr/emissions/creation-air" target="_blank">Cr&eacute;ation on Air</a></em>&nbsp;(2015-2018), en veillant &agrave; ce qu&rsquo;il soit bien identifi&eacute; comme tel, au sein d&rsquo;une s&eacute;rie, et&nbsp;en&nbsp;donnant &agrave; ses auteurs plus&nbsp;de moyens et libert&eacute; que les autres &eacute;missions. On ne nous en voudra pas, nous l&rsquo;esp&eacute;rons. Cela du reste n&rsquo;a pas enlev&eacute; grand-chose au caract&egrave;re in&eacute;vitablement limit&eacute; de nos explorations&nbsp;: quel collectif pourrait aujourd&rsquo;hui &eacute;couter et &eacute;tudier int&eacute;gralement ces milliers d&rsquo;&eacute;missions, m&ecirc;me en ciblant &laquo;&nbsp;la part des &eacute;crivains&nbsp;&raquo;&nbsp;? Le num&eacute;ro n&rsquo;a donc pas d&rsquo;autre ambition que de jeter des coups de sonde, capter des bribes et proposer un parcours d&rsquo;un peu haut et un peu loin, comme &agrave; vol d&rsquo;oiseau.</p> <p>Pour donner voix aux deux principales figures de fondation, on les fait ici pr&eacute;c&eacute;der de textes et propos d&rsquo;Alain Trutat sur les origines et l&rsquo;esprit de l&rsquo;<em>ACR</em>, et de Ren&eacute; Farabet sur son approche du documentaire de cr&eacute;ation. Andrew Orr, venu du journalisme et Christian Rosset, de la peinture et de la musique, esquissent ensuite dans les grandes lignes, l&rsquo;un pour les ann&eacute;es 1970, l&rsquo;autre pour les ann&eacute;es 1980-1990, l&rsquo;histoire de ce petit programme devenu &eacute;mission dont ils furent tous les deux des producteurs importants, et nous partagent souvenirs d&rsquo;&eacute;missions, d&rsquo;atmosph&egrave;res ou de collaborations, et convictions. Sandra Escamez fait le point en compagnie de Karine Le Bail sur les archives de l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;conserv&eacute;es &agrave; l&rsquo;Ina et leur traitement documentaire. Les contributions de Pierre-Marie H&eacute;ron, Carrie Landfried, Thomas Baumgartner&nbsp;et Marion Ch&eacute;netier-Alev s&rsquo;int&eacute;ressent ensuite &agrave; quelques &eacute;crivains marquants de la premi&egrave;re d&eacute;cennie surtout&nbsp;: Jean Thibaudeau, Claude Ollier, Georges Perec, Val&egrave;re Novarina.</p> <h2><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h2> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Paul Deharme,<em>&nbsp;Pour un art radiophonique</em>, &Eacute;ditions Le Rouge et le Noir, 1930.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Notamment dans le n&deg; sp&eacute;cial &laquo;&nbsp;Hommage &agrave; Paul Gilson&nbsp;&raquo; des&nbsp;<em>Cahiers litt&eacute;raires de la RTF</em>, d&eacute;cembre 1963.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;V. Pierre-Marie H&eacute;ron (dir.),&nbsp;<em>La radio d&rsquo;art et d&rsquo;essai en France apr&egrave;s 1945</em>, Montpellier, Publications de Montpellier 3, avec deux CD, 2007.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Alain Trutat, &laquo;&nbsp;Ce mardi 5 mars 1974&hellip;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;art vivant</em>, n&deg;47, mars 1974, p.&nbsp;33. Article reproduit en fac-simil&eacute; dans ce num&eacute;ro.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;V. Marie-Claude Hubert, &laquo;&nbsp;Beckett et le th&eacute;&acirc;tre radiophonique, ou le refus de l&rsquo;image&nbsp;&raquo;, dans Pierre-Marie H&eacute;ron, Fran&ccedil;oise Joly, Annie Pibarot (dir.),&nbsp;<em>Aventures radiophoniques du Nouveau Roman</em>, Rennes, PUR, coll. &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, 2017, p.&nbsp;59-70.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;&nbsp;Alain Trutat, art. cit., p. 34.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;V.&nbsp;Christian Rosset (dir.),&nbsp;<em>Yann Parantho&euml;n. L&rsquo;art de la radio</em>, Arles, phonurgia nova &eacute;ditions, 2009.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Alain Trutat, art. cit., p.&nbsp;33.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;Entre 1973 &agrave; 1976, l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;d&eacute;veloppe le dimanche soir (jusqu&rsquo;au 27 janvier 1974) puis le mardi soir (du 27 janvier 1974 au 21 janvier 1975), avant un retour au dimanche soir, un magazine sp&eacute;cial de 30 mn, nourris d&rsquo;entretiens et reportages, d&eacute;di&eacute; aux contre-cultures et turbulences du temps (guerre du Vietnam, luttes sociales, mouvement hippie, f&eacute;minisme, gourous, transsexuels&hellip;). Titre&nbsp;:&nbsp;<em>Court-circuit&nbsp;: courant alternatif</em>, puis&nbsp;<em>Courant alternatif</em>. Dernier num&eacute;ro dimanche 27 juin 1976. Producteurs&nbsp;: Louis-Charles Sirjacq et Andrew Orr jusqu&rsquo;en janvier 1975, Jean-Marc Fombonne ensuite.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Ren&eacute; Farabet, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Atelier&hellip; une aventure&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Cahiers d&rsquo;Histoire de la Radiodiffusion</em>, n&deg;92, avril-juin 2007, p.&nbsp;202, 203.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Myriam Boucharenc,<em>&nbsp;L&rsquo;&Eacute;crivain-reporter au c&oelig;ur des ann&eacute;es trente</em>, Lille, Presses universitaires du Septentrion, 2004, et, sous sa direction,&nbsp;<em>Roman et reportage XXe-XXIe si&egrave;cles. Rencontre crois&eacute;es</em>, Limoges, Presses universitaires de Limoges, 2015.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;Ren&eacute; Farabet, art. cit., p.&nbsp;204.</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;<em>Litt&eacute;rature &ndash; Rupture</em>&nbsp;;&nbsp;<em>&Eacute;cho &ndash; &Eacute;coutes&nbsp;</em>;&nbsp;<em>Mode &ndash; Effet &ndash; Tournure</em>&nbsp;;&nbsp;<em>Ex &ndash; Expo&nbsp;</em>;&nbsp;<em>Enfance fantasmes&nbsp;</em>;&nbsp;<em>Hippie Pop Hurrah</em>&nbsp;;&nbsp;<em>La vie Q comme quotidienne</em>&nbsp;;&nbsp;<em>Tom, Womb, Worm, Words&nbsp;: Dylan Thomas&nbsp;</em>;&nbsp;<em>Des antipodes aux antipodes&nbsp;</em>(avec Michel Butor)&hellip;</p> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;Co-producteur en 1971, avec Alain Trutat, de&nbsp;<em>Sans</em>, finalement non diffus&eacute;. Le texte de Beckett existe. Voir sa description dans Marie-Claude Hubert (dir.),&nbsp;<em>Dictionnaire Beckett</em>, Champion, 2011.</p> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a>&nbsp;Organisateurs : Pierre-Marie H&eacute;ron (universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier, IUF), Karine Le Bail (CRAL, CNRS/EHESS), Christophe Deleu (universit&eacute; de Strasbourg, CUEJ, SAGE / CNRS UMR 7363).</p> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a>&nbsp;Celle-ci part s&rsquo;installer quelques mois plus tard &agrave; New York.</p> <h3>Auteur</h3> <p><strong>Pierre-Marie H&eacute;ron</strong>, ancien membre de l&rsquo;Institut universitaire de France, est professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry Montpellier 3. Il y impulse depuis de nombreuses ann&eacute;es des recherches sur les &eacute;crivains et la radio en France (XXe et XXIe si&egrave;cles), au sein du&nbsp;<a href="https://rirra21.www.univ-montp3.fr/" target="_blank">Rirra 21</a>. Titres parus en 2021, dans la revue&nbsp;<em>Komodo 21</em>&nbsp;:&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques (1978-1999): la part des &eacute;crivains</em>&nbsp; (co-dir. Christophe Deleu et Karine Le Bail) ;&nbsp;<em>Michel Butor et la radio</em>&nbsp;(co-dir. Patrick Suter) ;&nbsp;<em>Le d&eacute;sir de belle radio aujourd&rsquo;hui / la fiction</em>&nbsp;(co-dir. &Eacute;liane Beaufils et Florence Vinas).</p> <p><strong>Copyright</strong></p> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>