<h3>Abstract</h3> <p>Transcription of a dialogue between Karine Le Bail, historian, and Sandra Escamez, multimedia archivist at Ina, on the documentary treatment of the Atelier de cr&eacute;ation radiophonique programmes held by Ina and their current broadcasting.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>radio creation workshop,&nbsp;Ina archives,&nbsp;Karine Le Bail,&nbsp;Sandra Escamez</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><em>Retranscription du dialogue entre Karine Le Bail, historienne, et&nbsp;Sandra Escamez,&nbsp;documentaliste multim&eacute;dia &agrave; l&rsquo;Ina,&nbsp;sur le traitement documentaire des programmes de l&rsquo;</em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique<em>&nbsp;conserv&eacute;s &agrave; l&rsquo;Ina et leurs reprises aujourd&rsquo;hui sur les ondes.</em></p> <p style="text-align: center;">*</p> <p>Karine Le Bail &ndash; Lorsque le projet d&rsquo;un colloque consacr&eacute; aux programmes de l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;et de&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;a vu le jour, nous avons imm&eacute;diatement sollicit&eacute; l&rsquo;Institut national de l&rsquo;audiovisuel, qui conserve leurs archives. Par sa long&eacute;vit&eacute;, l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;constitue un corpus gigantesque&nbsp;: son projet m&ecirc;me, avec son principe d&rsquo;une &eacute;criture chorale, &agrave; plusieurs mains, sans hi&eacute;rarchie de fonction, et ses trois heures de radio pens&eacute;es comme &oelig;uvre, repr&eacute;sentent un d&eacute;fi documentaire. Il en est de m&ecirc;me de&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, dont la quotidiennet&eacute; a nourri le fonds Ina dans des proportions tout aussi impressionnantes. Consid&eacute;rons ici l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>, qui repr&eacute;sente &agrave; lui seul un d&eacute;fi pour l&rsquo;analyse documentaire. Comment en effet caract&eacute;riser la cr&eacute;ation, dans un langage documentaire&nbsp;? Comment&nbsp;indexer/classer/cat&eacute;goriser l&rsquo;inclassable revendiqu&eacute;, l&rsquo;&oelig;uvre collective qui entend brouiller les cat&eacute;gories ? Comment rep&eacute;rer qui parle, qui produit, qui r&eacute;alise, dans ces &eacute;missions ultra-mix&eacute;es&nbsp;de trois heures con&ccedil;ues comme une aventure&nbsp;? Dans le champ &laquo;&nbsp;r&eacute;sum&eacute;&nbsp;&raquo; des notices documentaires, donner la ligne directrice de la conception d&rsquo;un ACR repr&eacute;sente alors un v&eacute;ritable d&eacute;fi&hellip; et pour certains ACR il se r&eacute;v&egrave;le m&ecirc;me plus qu&rsquo;ardu de d&eacute;crire avec un r&eacute;sum&eacute; chronologique. Comment donc l&rsquo;Ina s&rsquo;empare&nbsp; de ces objets sonores ?</p> <p>Nous avons la chance ce soir d&rsquo;&ecirc;tre en compagnie de Sandra Escamez, laquelle, dans l&rsquo;optique du colloque, a &eacute;t&eacute; d&eacute;tach&eacute;e des urgences de l&rsquo;antenne pendant un mois pour plonger dans les archives de l&rsquo;<em>ACR</em>.</p> <p>Sandra Escamez&nbsp;&ndash; Oui, j&rsquo;ai pu me consacrer enti&egrave;rement &agrave; l&rsquo;&eacute;tude de ce fonds gigantesque. Je le connaissais un petit peu mais l&agrave;, je me suis un peu rendu compte de &laquo;&nbsp;l&rsquo;ampleur des d&eacute;g&acirc;ts&nbsp;&raquo;&nbsp;! 32 ans de programmation hebdomadaire ‒ sous la tutelle de Farabet et de Trutat ‒, cela repr&eacute;sente 1361 notices documentaires, soit 954 &eacute;missions (si l&rsquo;on exclut les rediffusions). Or, seulement 404 ACR sont index&eacute;s &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire identifi&eacute;s mais sans description du contenu. Puis quand j&rsquo;ai rencontr&eacute; des coll&egrave;gues plus anciens que moi, ils m&rsquo;ont dit &laquo;&nbsp;Sandra bon courage ! tu vas rentrer dans un monde&hellip;&nbsp;&raquo; C&rsquo;est vrai qu&rsquo;&eacute;couter un ACR de 3 heures, c&rsquo;est quand m&ecirc;me une d&eacute;marche&hellip; Et en plus, il faut avoir une certaine culture pour comprendre les auteurs, les artistes, les plasticiens, la jeune musique ‒ parce que c&rsquo;est aussi une &eacute;mission qui a beaucoup accueilli la cr&eacute;ation contemporaine musicale&hellip; Et l&agrave; en me mettant &agrave; &eacute;couter ces ACR, je me suis rendue compte que tout n&rsquo;est pas d&eacute;crit, qu&rsquo;il y a vraiment encore beaucoup de choses &agrave; d&eacute;couvrir. L&rsquo;autre jour je suis tomb&eacute;e sur une exposition &agrave; la Biennale de Vincennes avec un artiste du groupe Supports/Surfaces qui expliquait ses tableaux, et &ccedil;a n&rsquo;&eacute;tait pas du tout dans la notice. C&rsquo;est &eacute;mouvant&hellip;</p> <p>KLB &ndash; En fait, les&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;ont b&eacute;n&eacute;fici&eacute; d&rsquo;un travail d&rsquo;indexation syst&eacute;matique alors que ce n&rsquo;est pas le cas de l&rsquo;<em>ACR</em>.</p> <p>SE &ndash; Oui. L&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; en 1969. L&rsquo;Ina n&rsquo;existait pas. On a donc r&eacute;cup&eacute;r&eacute; les supports physiques et les fiches (d&rsquo;abord manuelles, dactylographi&eacute;es), les minutes et les rapports d&rsquo;&eacute;coutes fournis par la Documentation des &eacute;missions artistiques de la radio. Pour les &eacute;missions de&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;en revanche, les documentalistes de Radio France les avaient &eacute;cout&eacute;es et index&eacute;es, puis l&rsquo;Ina a r&eacute;alis&eacute; un travail d&rsquo;indexation suppl&eacute;mentaire. La description chronologique est m&ecirc;me parfois tr&egrave;s pointue. En plus c&rsquo;est un format peut-&ecirc;tre plus classique alors que l&rsquo;<em>ACR</em>&nbsp;c&rsquo;est compl&egrave;tement hors norme, d&rsquo;un point de vue radiophonique je veux dire. Et puis ce format&hellip; Il faut d&eacute;j&agrave; avoir le temps, le temps de l&rsquo;&eacute;coute, le temps de la retranscription&hellip; Pour faire un r&eacute;sum&eacute; avec une chronologie, c&rsquo;est un travail &eacute;norme&nbsp;!</p> <p>KLB &ndash; Tu vas peut-&ecirc;tre nous montrer comment tu es rentr&eacute;e dans les archives, ce qu&rsquo;il est possible de faire quand on est face &agrave; un fonds aussi gigantesque et complexe &agrave; informer&nbsp;?</p> <p>SE &ndash; Eh bien en fait, mon premier r&eacute;flexe a &eacute;t&eacute; de faire une mise &agrave; plat de ces ACR avec un tableau&nbsp;<em>[diapo]</em>. J&rsquo;ai besoin de voir. Rien que de regarder les titres c&rsquo;est assez agr&eacute;able. Il y en a parfois de tr&egrave;s po&eacute;tiques. Et puis on voit qu&rsquo;il y a parfois des zones vides. Parfois m&ecirc;me il y a juste le nom d&rsquo;un producteur, on ne sait pas qui va intervenir dans l&rsquo;&eacute;mission&hellip; J&rsquo;en ai r&eacute;pertori&eacute; &agrave; peu pr&egrave;s 400 comme &ccedil;a. Pour travailler sur cette collection on s&rsquo;appuie alors sur un ensemble de documents &agrave; notre disposition, tels que les avant-programmes, qui donnent parfois une id&eacute;e de qu&rsquo;il y a dans l&rsquo;&eacute;mission.&nbsp;<em>[diapo]</em><em>.</em></p> <p>KLB &ndash; Justement, en pr&eacute;parant cette intervention avec Sandra, on d&eacute;couvre l&rsquo;ACR&nbsp;<em>Dans ce joli pavillon allons&nbsp;</em>[23 octobre 1977], sign&eacute; Jean-Loup Rivi&egrave;re. Or il n&rsquo;&eacute;tait pas mentionn&eacute; dans la notice documentaire&nbsp;! On est donc parties &agrave; la recherche de cet ACR, on a fini par le retrouver, tu as corrig&eacute; la notice et rajout&eacute; Jean-Loup Rivi&egrave;re.</p> <p>SE &ndash; Oui. Il y aussi ma source documentaire pr&eacute;f&eacute;r&eacute;e, les &laquo;&nbsp;c&eacute;l&egrave;bres&nbsp;&raquo; rapports d&rsquo;&eacute;coute. Ils &eacute;taient r&eacute;dig&eacute;s &agrave; la main par des &laquo; &eacute;couteurs&nbsp;&raquo;, qui ont exist&eacute; &agrave; la radio d&egrave;s les ann&eacute;es 1930&nbsp;<em>[et jusque dans les ann&eacute;es 1970]</em>.</p> <p>KLB &ndash; Ces rapports d&rsquo;&eacute;coute, c&rsquo;est vraiment un mat&eacute;riau extraordinaire pour saisir la r&eacute;ception contemporaine de ces &oelig;uvres &hellip;</p> <p>SE &ndash; Par exemple les 19 pages du rapport d&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;ACR d&rsquo;Andrew Orr,&nbsp;<em>&Agrave; chaque porc vient la Saint-Martin&nbsp;</em>[15 avril 1979]. Simplement en le lisant, j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; assez terroris&eacute;e&nbsp;! C&rsquo;est une &eacute;mission assez violente en fait. Et puis il y a les bo&icirc;tes, les supports physiques. Maintenant ils sont stock&eacute;s aux Essarts-le-Roi puisque le fonds ACR a &eacute;t&eacute; num&eacute;ris&eacute; en 2009. L&rsquo;Ina, au moment de la num&eacute;risation, a eu la tr&egrave;s bonne id&eacute;e de conserver ce qu&rsquo;il y avait &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur. J&rsquo;ai ador&eacute; ce qu&rsquo;il y a d&rsquo;&eacute;crit sur cette bo&icirc;te&nbsp;<em>[diapo]</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les effets de bande pass&eacute;e sur le c&ocirc;t&eacute; mat sont volontaires, merci, et les blancs aussi.&nbsp;&raquo; Enfin, dans la bo&icirc;te, il y a les droits d&rsquo;auteur&hellip;</p> <p>KLB &ndash; &hellip; Ce qui fait foi, en fait, d&rsquo;un point de vue juridique&nbsp;: ces droits d&rsquo;auteur d&eacute;terminent la personne qui parle, qui produit l&rsquo;&eacute;mission. Il peut d&egrave;s lors y avoir une diff&eacute;rence entre ce qui est mentionn&eacute; dans les droits d&rsquo;auteur et les g&eacute;n&eacute;riques, dans lesquels les producteurs des ACR souhaitaient justement ne pas faire appara&icirc;tre de hi&eacute;rarchie avec le r&eacute;alisateur, etc. Soit une mise en tension entre un d&eacute;sir de radio et puis ce que &ccedil;a devient ensuite, &agrave; la fois pour d&eacute;terminer le statut de l&rsquo;auteur, pour savoir qui d&eacute;tient le droit moral, et puis aussi pour g&eacute;n&eacute;rer des droits d&rsquo;auteur&nbsp;; entre ceux qui ont d&eacute;sir&eacute; l&rsquo;&ecirc;tre-ensemble, collectivement, et ceux qui le restent d&rsquo;un point de vue juridique par le droit d&rsquo;auteur. Je ne sais pas s&rsquo;il y a beaucoup d&rsquo;&eacute;missions comme l&rsquo;<em>ACR</em>, qui mettent par-dessus t&ecirc;te, comme &ccedil;a, cette notion de l&rsquo;auteur&hellip;</p> <p>Et maintenant, qui r&eacute;utilise&nbsp;les ACR sur les ondes de Radio France ? Pour les&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, l&rsquo;atemporalit&eacute; des sujets trait&eacute;s comme les moyens qui &eacute;taient mis &agrave; disposition pour sortir rencontrer les anonymes, servent aujourd&rsquo;hui&nbsp;&agrave; illustrer les &eacute;missions de soci&eacute;t&eacute;. Les archives de&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques&nbsp;</em>redonnent ainsi une qualit&eacute; de t&eacute;moignage, une qualit&eacute; de son aux radios d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&hellip;</p> <p>SE &ndash; Les&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;sont &eacute;norm&eacute;ment r&eacute;utilis&eacute;es dans les &eacute;missions de Radio France. Pour les ACR j&rsquo;ai demand&eacute; un rapport statistique. Et il y a aussi une petite vie sur les ondes&nbsp;!&nbsp;France Culture bien s&ucirc;r (dans&nbsp;<em>Concordance des temps, Les Nuits de France Culture, Cr&eacute;ation on air, l&rsquo;Atelier de la cr&eacute;ation/LSD, Les Chemins de la philo</em>&hellip;) mais aussi France Inter&nbsp; (dans&nbsp;<em>L&rsquo;humeur vagabonde, EclectiK, Affaires sensibles, &Ccedil;a peut pas faire de mal</em>&hellip;) et France Musique (<em>Les Grands entretiens, &Eacute;tonnez-moi Beno&icirc;t, Les Routes de la musique, L&rsquo;Exp&eacute;rimentale</em>&hellip;). Les ACR sont m&ecirc;me de plus en plus utilis&eacute;s&nbsp;: entre 2009 et 2017, le nombre d&rsquo;extraits r&eacute;utilis&eacute;s a presque &eacute;t&eacute; multipli&eacute; par 3 (46 en 2009, 114 en 2017) et le nombre d&rsquo;int&eacute;grales rediffus&eacute;es par 5 (de 5 &agrave; 24).</p> <h3><strong>Auteurs</strong></h3> <p><strong>Sandra Escamez</strong>&nbsp;est documentaliste multim&eacute;dia &agrave; la Th&egrave;que m&eacute;dia de l&rsquo;Institut national de l&rsquo;audiovisuel &agrave; Bry sur Marne.</p> <p><strong>Karine Le Bail&nbsp;</strong>est<strong>&nbsp;</strong>historienne, chercheuse au CNRS (Centre de recherches sur les arts et le langage EHESS/CNRS).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>