<h3>Abstract</h3> <p>Nicole-Lise Bernheim (1942-2003) was a writer, a journalist, a radio producer, a world traveler and a feminist activist. Since 1978 she was part of the team of&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;and produced about thirty broadcast, interrupting this work only during major trips in the 80s. Her choice of radio art is anchored in an aesthetic reflection that sees the priority of sound over image as an important creative potential. Her style as radio producer emphasized the sensitive elements: the music, the silence, and in an almost obsessive way, the noises of waves and the sounds of bells. Before it was a focus of&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, she often used autobiographical narrative. Finally, she employed a lot of questions that did not necessarily require answers. In an interview with Alain Veinstein, she summarized her way to be on the radio with the expression &ldquo;questioning look&rdquo;.</p> <h2>Keywords<br /> &nbsp;</h2> <p>Alain Veinstein,&nbsp;radio creation workshop,&nbsp;magnetic nights,&nbsp;Nicole-Lise Bernheim,&nbsp;Marguerite Duras,&nbsp;India Song, judaism,&nbsp; autobiographie</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Les premiers mots qui viennent &agrave; l&rsquo;esprit quand on d&eacute;couvre le travail litt&eacute;raire et radiophonique de Nicole-Lise Bernheim sont ceux de richesse et de diversit&eacute;. N&eacute;e en 1942 &agrave; P&eacute;rigueux o&ugrave; sa famille juive alsacienne <a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a> s&rsquo;&eacute;tait r&eacute;fugi&eacute;e apr&egrave;s l&rsquo;exode, d&eacute;c&eacute;d&eacute;e pr&eacute;matur&eacute;ment le 10 avril 2003 &agrave; Strasbourg, Nicole-Lise Bernheim a &eacute;t&eacute; &agrave; la fois &eacute;crivaine, journaliste, productrice &agrave; la radio et grande voyageuse, ainsi que de fa&ccedil;on plus marginale, sc&eacute;nariste et actrice de cin&eacute;ma. Elle &eacute;tait &eacute;galement f&eacute;ministe et femme engag&eacute;e.</p> <p>C&rsquo;est donc dans un contexte cr&eacute;atif et intellectuel particuli&egrave;rement large et diversifi&eacute; que s&rsquo;inscrit son travail pour la radio. Il s&rsquo;agira ici de cerner l&rsquo;originalit&eacute; de celui-ci, de voir comment il se situe par rapport &agrave; d&rsquo;autres pratiques et quelles &eacute;volutions il a connu mais aussi de mettre en &eacute;vidence les liens entre les activit&eacute;s de Nicole-Lise Bernheim comme productrice et les autres domaines o&ugrave; elle a cr&eacute;&eacute; ou exprim&eacute; ses convictions.</p> <h2>1. Une exp&eacute;rience fondatrice<br /> &nbsp;</h2> <p>Il y a eu dans le parcours intellectuel et artistique de Nicole-Lise Bernheim une exp&eacute;rience fondatrice&nbsp;: celle de la participation au tournage du film de Marguerite Duras,&nbsp;<em>India Song</em>. Celle-ci, contemporaine de ses d&eacute;buts &agrave; la radio, a &eacute;t&eacute; &agrave; l&rsquo;origine &agrave; la fois du premier livre qu&rsquo;elle a publi&eacute; et de ses choix esth&eacute;tiques comme productrice.</p> <p>Le lien entre Marguerite Duras et la radio est contradictoire <a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Il y a chez elle une prise en compte ambigu&euml; du statut artistique de ce media : elle a souvent eu recours &agrave; la radio pour faire conna&icirc;tre ou transposer des &oelig;uvres existantes et souvent particip&eacute; &agrave; des &eacute;missions mais, &agrave; la diff&eacute;rence de ses contemporains de l&rsquo;&eacute;cole du Nouveau Roman, elle n&rsquo;a jamais &eacute;crit directement de pi&egrave;ce radiophonique. On peut cependant constater une co&iuml;ncidence profonde entre le statut de la voix &agrave; la radio et celui qu&rsquo;elle lui donne &agrave; la fois au th&eacute;&acirc;tre et dans ses films. Son th&eacute;&acirc;tre est plus un th&eacute;&acirc;tre de la parole qu&rsquo;un th&eacute;&acirc;tre des images ou alors d&rsquo;images dans un sens particulier r&eacute;v&eacute;lant un &laquo; manque &agrave; voir &raquo;. M&ecirc;me chose dans son cin&eacute;ma qui r&eacute;&eacute;value constamment le statut du son. On conna&icirc;t la d&eacute;claration paradoxale de Duras : &laquo; On croit que le cin&eacute;ma c&rsquo;est l&rsquo;image, mais le cin&eacute;ma c&rsquo;est le son&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Duras, qui avait publi&eacute; en 1973 le livre&nbsp;<em>India Song</em>, a d&rsquo;abord enregistr&eacute; la pi&egrave;ce comme&nbsp;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;en avril 1974, puis tourn&eacute; le film durant l&rsquo;&eacute;t&eacute; de la m&ecirc;me ann&eacute;e, de fa&ccedil;on muette, cr&eacute;ant ensuite la bande-son en grande partie &agrave; partir de l&rsquo;enregistrement radiophonique. La pi&egrave;ce pour les ondes a &eacute;t&eacute; diffus&eacute;e pour la premi&egrave;re fois en novembre 1974 et le film est sorti au printemps suivant.</p> <p>Il s&rsquo;agit d&rsquo;une exp&eacute;rience cr&eacute;ative particuli&egrave;re qui inverse les priorit&eacute;s traditionnelles (de l&rsquo;image sur le son) &agrave; laquelle Nicole-Lise Bernheim a particip&eacute;. Dans le g&eacute;n&eacute;rique d&rsquo;<em>India Song</em>, son nom figure deux fois&nbsp;: elle est l&rsquo;une des &laquo;&nbsp;voix de la r&eacute;ception&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;stagiaire&nbsp;son &raquo;. Plus tard elle aimera affirmer que pour elle la radio est premi&egrave;re, ant&eacute;rieure &agrave; sa pratique du cin&eacute;ma ou du th&eacute;&acirc;tre, en parfaite harmonie donc avec la conception durassienne de la voix.</p> <p>De l&rsquo;exp&eacute;rience du tournage d&rsquo;<em>India Song</em>, elle tire son premier livre&nbsp;:&nbsp;<em>Marguerite Duras tourne un film</em>, publi&eacute; en 1975 chez Albatros. Ce livre est con&ccedil;u et structur&eacute; sur le m&ecirc;me mod&egrave;le qu&rsquo;une &eacute;mission de radio et ressemble &agrave; ce que sera plus tard le travail de Nicole-Lise Bernheim pour ce m&eacute;dia. Il est en effet constitu&eacute; d&rsquo;interviews successives, initi&eacute;es, comme elle le fera ult&eacute;rieurement pour&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;par une question tr&egrave;s large&nbsp;; ici, la fa&ccedil;on dont chacun ressent le fait de travailler avec un &laquo;&nbsp;metteur en sc&egrave;ne&nbsp;&raquo; qui est une femme. De fa&ccedil;on totalement d&eacute;mocratique et horizontale, cette question est pos&eacute;e &agrave; tous les participants au film (maquilleuse, coiffeuse, com&eacute;diens, producteurs, Duras elle-m&ecirc;me, tous les acteurs, dont Delphine Seyrig, Michael Lonsdale, etc.) et sert de pr&eacute;texte ou de point de d&eacute;part &agrave; l&rsquo;expression de points de vue sur le cin&eacute;ma, ce film en particulier, l&rsquo;&eacute;criture de Duras, le f&eacute;minisme&hellip;</p> <p>Dans l&rsquo;interview d&rsquo;elle-m&ecirc;me men&eacute; par l&rsquo;acteur Claude Mann, elle affirme le caract&egrave;re exceptionnel de ce tournage&nbsp;:</p> <p>Non, l&agrave;&hellip;c&rsquo;&eacute;tait le premier tournage auquel je participais. Et j&rsquo;ai &eacute;t&eacute; fascin&eacute;e, au sens tr&egrave;s fort du terme, par Marguerite Duras. J&rsquo;ai aussi eu l&rsquo;impression que, par rapport &agrave; ce que disent mes amis quand ils participent &agrave; des films, il se passait quelque chose de diff&eacute;rent sur ce tournage <a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>.</p> <p>Elle reconna&icirc;t la pr&eacute;sence d&rsquo;une d&eacute;marche radiophonique sous-jacente au livre. &Agrave; la question &laquo; Pourquoi as-tu eu envie d&rsquo;interviewer [&hellip;] ? &raquo;, elle r&eacute;pond : &laquo; [&hellip;] je fais de la radio depuis deux ans et demi. Avant, je faisais du travail de marketing. J&rsquo;ai l&rsquo;habitude de demander aux gens de r&eacute;pondre &agrave; mes questions. J&rsquo;aime bien parler avec les gens <a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>. &raquo;</p> <p>Il s&rsquo;agit pour Nicole-Lise Bernheim d&rsquo;une exp&eacute;rience fondatrice &agrave; partir de laquelle se sont d&eacute;velopp&eacute;s parall&egrave;lement une &oelig;uvre litt&eacute;raire polymorphe et une activit&eacute; de productrice radio. Malgr&eacute; son grand int&eacute;r&ecirc;t pour le cin&eacute;ma, auquel elle consacrera de nombreuses &eacute;missions, elle ne s&rsquo;engagera pas tr&egrave;s loin dans cette voie. Elle a n&eacute;anmoins jou&eacute; de petits r&ocirc;les &agrave; trois reprises (toujours dans des films de femmes) et son nom figure parmi les trois sc&eacute;naristes du film Clara de Helma Sanders-Brahms, sorti plusieurs ann&eacute;es apr&egrave;s son d&eacute;c&egrave;s&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>.</p> <h2>2. Nicole-Lise Bernheim, &eacute;crivaine et femme engag&eacute;e<br /> &nbsp;</h2> <p>Choix assum&eacute; de l&rsquo;autobiographie, humour, importance des voyages et de l&rsquo;ailleurs, arri&egrave;re-plan f&eacute;ministe, curiosit&eacute; pour des dispositifs originaux d&rsquo;&eacute;criture caract&eacute;risent les sept livres publi&eacute;s par Nicole-Lise Bernheim dans la foul&eacute;e de Marguerite Duras tourne un film.</p> <p>En 1978, les &eacute;ditions R&eacute;gine Deforges &eacute;ditent&nbsp;<em>Pourquoi les lions baissent la t&ecirc;te</em>, r&eacute;cit &agrave; partir de souvenirs d&rsquo;enfance.&nbsp;<em>Mersonne ne m&rsquo;aime</em>, publi&eacute; la m&ecirc;me ann&eacute;e, a &eacute;t&eacute; &eacute;crit &agrave; quatre mains par Nicole-Lise Bernheim et Mireille Cardot. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une romance polici&egrave;re, un ouvrage perecquien et plein d&rsquo;humour. Une &eacute;crivaine est assassin&eacute;e et un groupe de femmes se met en qu&ecirc;te de l&rsquo;assassin. Un policier devenu fou d&eacute;forme les mots et confond le&nbsp;<em>m</em>&nbsp;de m&egrave;re et le&nbsp;<em>p</em>&nbsp;de p&egrave;re, d&rsquo;o&ugrave; le titre. Cet ouvrage fera l&rsquo;objet d&rsquo;une adaptation pour la t&eacute;l&eacute;vision et sera diffus&eacute; sur Antenne 2, le 26 juin 1982. Suivra en 1980 le recueil de nouvelles&nbsp;<em>Les hommes-spirale</em>, livre constitu&eacute; de 49 courts r&eacute;cits, micro fictions avant la lettre, que l&rsquo;auteur d&eacute;signe comme des &laquo;&nbsp;portraits&nbsp;&raquo;, narrant des rencontres avec des hommes dans une perspective &agrave; la fois autobiographique et f&eacute;ministe. Elle explore &eacute;galement, comme elle l&rsquo;a fait sur le mode de l&rsquo;humour dans son livre pr&eacute;c&eacute;dent, la question de l&rsquo;appropriation par les femmes d&rsquo;un langage fa&ccedil;onn&eacute; par les hommes pour parler de sexualit&eacute;. Selon une d&eacute;marche plus tard consid&eacute;r&eacute;e comme caract&eacute;ristique de l&rsquo;autofiction, elle provoque des rencontres pour ensuite les d&eacute;crire et les int&eacute;grer &agrave; sa galerie de portraits masculins. Enfin en 1984, elle renonce au c&ocirc;t&eacute; exp&eacute;rimental et publie&nbsp;<em>L&rsquo;Aigle et la soie</em>, roman d&rsquo;aventure et r&eacute;cit historique, o&ugrave; se croisent les th&egrave;mes du voyage, de la libert&eacute; f&eacute;minine mais aussi du lien avec Strasbourg et l&rsquo;Alsace, lieu de l&rsquo;origine familiale. De ce livre, elle a dit qu&rsquo;il n&rsquo;avait aucun lien avec la radio mais davantage avec le cin&eacute;ma qui lui servi de mod&egrave;le <a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>. On peut constater &ndash;&nbsp;et il s&rsquo;agit d&rsquo;un point de vue assum&eacute;&nbsp;&ndash; que la radio est associ&eacute;e &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rimentation et le cin&eacute;ma &agrave; un retour vers un certain classicisme.</p> <p>Ses trois livres suivants seront des r&eacute;cits de voyage&nbsp;:&nbsp;<em>Chambres d&rsquo;ailleurs</em>&nbsp;en 1986,&nbsp;<em>Saisons japonaises</em>&nbsp;en 1999 et&nbsp;<em>Couleur cannelle</em>&nbsp;en 2002.</p> <p>Enfin en 2002, elle publie un essai,&nbsp;<em>La Cloche de 10 heures. Radiographie d&rsquo;une rumeur</em>, chez l&rsquo;&eacute;diteur alsacien La Nu&eacute;e bleue, ouvrage qui reprend la mati&egrave;re d&rsquo;une &eacute;mission de radio de deux ans ant&eacute;rieure <a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a> et qui, &agrave; l&rsquo;instar de son premier ouvrage, s&rsquo;inspire d&rsquo;un dispositif radiophonique, puisqu&rsquo;il est constitu&eacute; de r&eacute;cits de rencontres et d&rsquo;entretiens.</p> <p>Dans les ann&eacute;es 80, Marie-Lise Bernheim s&rsquo;est lanc&eacute;e dans l&rsquo;exp&eacute;rience de grands voyages. Dans l&rsquo;un des livres rapport&eacute;s de ses p&eacute;riples, elle explique que c&rsquo;est suite &agrave; un h&eacute;ritage <a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a> qu&rsquo;elle a pu s&rsquo;engager dans cette aventure. Elle est partie une premi&egrave;re fois en 1982 et 1983, en Asie, Chine, Inde, Japon, N&eacute;pal, Pakistan, Sri Lanka, etc. Elle a effectu&eacute; ensuite un voyage dans le Nord-Est du Canada en 1986 avant de retourner au Japon dans les ann&eacute;es 90 : en 1995 pour un travail de journalisme, puis en 1997 pour un s&eacute;jour plus long, invit&eacute;e par la Fondation du Japon. Outre trois livres, elle a rapport&eacute; de ses voyages mati&egrave;re &agrave; de nombreuses &eacute;missions de radio.</p> <p>Elle peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme un &laquo;&nbsp;&eacute;crivain voyageur&nbsp;&raquo; puisque ses voyages en Orient ne sont pas simplement du tourisme ou une exp&eacute;rience intellectuelle mais engagent compl&egrave;tement sa personne et sont partie prenante d&rsquo;un projet litt&eacute;raire.</p> <p>Parmi d&rsquo;autres caract&eacute;ristiques de ses s&eacute;jours, on peut noter le fait qu&rsquo;elle a voyag&eacute; de fa&ccedil;on aventureuse et pr&eacute;caire, dormant dans des lieux sans confort, utilisant tous types de moyens de transport, dont certains assez dangereux. Elle ne se prot&eacute;geait pas. Elle a &eacute;t&eacute; irradi&eacute;e en Inde. Le lecteur de&nbsp;<em>Chambres d&rsquo;ailleurs</em>&nbsp;ne peut que fr&eacute;mir en lisant :</p> <p>L&rsquo;oc&eacute;an est souill&eacute;, il s&rsquo;y produit une r&eacute;pugnante &eacute;cume grise qui modifie son go&ucirc;t et son odeur. Nous avions cru &agrave; une mar&eacute;e noire, nous nous y sommes baign&eacute;s, nous avons mang&eacute; ses poissons, ses langoustes [&hellip;] L&rsquo;Inde, jeune puissance nucl&eacute;aire, ne fait pas attention &agrave; ses d&eacute;chets, les rejette &agrave; la mer qui est faite pour &ccedil;a ; nous sommes contamin&eacute;s, les animaux aussi <a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>.</p> <p>Enfin, elle a &eacute;t&eacute; une femme d&rsquo;engagements. Elle se disait f&eacute;ministe mais d&rsquo;un f&eacute;minisme non agressif, ouvert aux hommes. Au moment de la publication du livre&nbsp;<em>Les hommes-spirale</em>, elle r&eacute;pond sur les ondes aux questions de Gilles Lapouge &agrave; propos de son &laquo; f&eacute;minisme &raquo; et se dit &laquo; &agrave; contre-courant de la ligne, s&rsquo;il y en a une, qui s&rsquo;est d&eacute;velopp&eacute;e dans beaucoup de livres de femmes&nbsp;&raquo;, d&eacute;clarant : &laquo; je ne revendique pas du tout, je d&eacute;cris des situations que je vis et que beaucoup de femmes partagent <a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a> &raquo;. Elle souhaite limiter son propos au v&eacute;cu f&eacute;minin, en &eacute;vitant la th&eacute;orie et le dogmatisme, d&rsquo;o&ugrave; quelques r&eacute;actions violentes au sein m&ecirc;me du camp qu&rsquo;elle d&eacute;fend.</p> <p>Il semble que l&rsquo;un de ses principaux combats ait consist&eacute; &agrave; faire conna&icirc;tre les femmes cin&eacute;astes. D&egrave;s ses d&eacute;buts &agrave; la radio, elle consacre une &eacute;mission &agrave; la pionni&egrave;re du cin&eacute;ma, Alice Guy. En 1974, elle a cr&eacute;&eacute; avec quatre femmes un festival international de films de femmes (<em>Musidora</em>) et une association du m&ecirc;me nom d&eacute;di&eacute;e au cin&eacute;ma f&eacute;minin <a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>. Ces choix sont embl&eacute;matiques d&rsquo;une d&eacute;marche constructive et non pol&eacute;mique. Elle ne se r&eacute;volte pas ouvertement contre le peu de place des femmes comme r&eacute;alisatrices de cin&eacute;ma, mais s&rsquo;efforce de mettre en avant celles qui se sont impos&eacute;es dans un univers masculin <a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>.</p> <h2>3. Son parcours de productrice pour la radio<br /> &nbsp;</h2> <p>Elle avait une voix &agrave; la fois douce et claire, aux tonalit&eacute;s juv&eacute;niles, qu&rsquo;elle utilisait fr&eacute;quemment dans le registre de la confidence mais aussi dans celui de l&rsquo;analyse ou de la d&eacute;monstration. Elle parlait de fa&ccedil;on pos&eacute;e et savait user de l&rsquo;ironie l&eacute;g&egrave;re.</p> <p>On peut distinguer quatre moments dans sa carri&egrave;re radiophonique.</p> <p>Entre 1973 et 1978, on trouve trace de son travail &agrave; France Culture dans quelques &eacute;missions&nbsp;:&nbsp;<em>Cin&eacute;magazine</em>,&nbsp;<em>Le Monde insolite</em>,&nbsp;<em>Cin&eacute;astes sans images</em>, etc. &Agrave; l&rsquo;exception d&rsquo;une &eacute;mission sur un march&eacute; aux puces, toutes ses productions sont en relation avec la question des femmes, de l&rsquo;image ou plut&ocirc;t du corps des femmes, du cin&eacute;ma fait par des femmes et de Marguerite Duras. Le 9 mars 1975, elle produit une &eacute;mission sur les reines de beaut&eacute;, le 2 juillet 1975, le reportage mentionn&eacute; ci-dessus sur Alice Guy. Les autres &eacute;missions sont toutes d&eacute;di&eacute;es &agrave; Marguerite Duras.</p> <p>Entre 1978 et 1981, elle s&rsquo;engage compl&egrave;tement dans l&rsquo;aventure des&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>. Elle int&egrave;gre cette &eacute;quipe d&egrave;s ses d&eacute;buts. Alain Veinstein a d&eacute;clar&eacute; lors de l&rsquo;&eacute;mission d&rsquo;hommage de France Culture apr&egrave;s son d&eacute;c&egrave;s : &laquo; Je l&rsquo;ai recrut&eacute;e <a href="#_ftn14" name="_ftnref14">[14]</a>. &raquo;</p> <p>Durant la seule ann&eacute;e 1978, elle produit quatorze&nbsp;<em>Nuits</em>, toujours avec un ou une partenaire (Gilbert Duprez, Claire Clouzot, Bruno Sourcis, Liliane de Kermadec) et est pr&eacute;sentatrice dans plusieurs autres. Six autres suivront entre 1979 et 1981.</p> <p>Certaines de ces s&eacute;ries ont fait date. Par exemple &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace des hommes&nbsp;&raquo;, diffus&eacute; la premi&egrave;re fois du 8 au 12 mai 1978, a &eacute;t&eacute; rediffus&eacute; &agrave; plusieurs reprises, notamment, le 6 mai 2003 lors de l&rsquo;hommage que France Culture lui a rendu apr&egrave;s son d&eacute;c&egrave;s.</p> <p>Mais on peut &eacute;galement citer des reportages comme celui qui est consacr&eacute; au 31e festival de Cannes, diffus&eacute; entre le 2 et le 6 mai 1978, dont elle a produit les cinq &eacute;missions hebdomadaires, qui toutes se terminent par une note subjective, d&eacute;sign&eacute;e &agrave; partir du troisi&egrave;me soir comme &laquo;&nbsp;Les lettres de Cannes de Nicole-Lise Bernheim&nbsp;&raquo;. Ou encore&nbsp;&laquo;&nbsp;En train pour 1979&nbsp;&raquo;, suite d&rsquo;&eacute;missions consacr&eacute;es au train, dans toutes ses dimensions et avec toutes les r&eacute;sonances affectives possibles (souvenirs d&rsquo;enfance, rencontres dans les trains, sexualit&eacute; dans les trains, etc.) Ou encore l&rsquo;&eacute;mission (unique cette fois) &laquo;&nbsp;Place des Abbesses&nbsp;&raquo;, r&ecirc;verie sur la place o&ugrave; elle habite, entretiens avec des habitants du quartier et des urbanistes, etc. &Agrave; l&rsquo;instar des&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;de ses coll&egrave;gues, il est difficile de d&eacute;finir le genre de ses productions&nbsp;: reportages quelquefois ou documentaires mixtes, majoritairement artistiques mais o&ugrave; la parole des experts n&rsquo;est pas absente.</p> <p>Une troisi&egrave;me &eacute;tape de son travail pour la radio se situe entre 1981 et 1991. Durant cette d&eacute;cennie, elle ne produit plus d&rsquo;&eacute;missions pour&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>. Ses contributions se diversifient et s&rsquo;interrompent pendant de longues p&eacute;riodes.</p> <p>Il y a d&rsquo;abord un blanc de trois ans. Elle est absente des ondes entre 1981 et 1984. Ce qui correspond &agrave; la premi&egrave;re &eacute;poque de ses voyages en Asie. Elle revient &agrave; la radio en 1984, mais dispara&icirc;t de nouveau en 1985 et en 1987. Elle travaille alors pour des &eacute;missions comme&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;chapp&eacute;e belle</em>,&nbsp;<em>La Matin&eacute;e des autres</em>&nbsp;ou&nbsp;<em>Perspectives scientifiques</em>. Elle &eacute;voque dans celles-ci des r&eacute;gions du Qu&eacute;bec, s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; l&rsquo;amiante, aux &eacute;crivains voyageurs ou &agrave; l&rsquo;alpinisme. On est dans une autre sph&egrave;re que pr&eacute;c&eacute;demment, plus documentaire, moins exp&eacute;rimentale.</p> <p>Parall&egrave;lement &agrave; cela, elle participe &agrave; la cr&eacute;ation de fictions radiophoniques&nbsp;:&nbsp;<em>La Grande Revue</em>&nbsp;gothique <a href="#_ftn15" name="_ftnref15">[15]</a> (avec Alfredo Arias), l&rsquo;adaptation pour la radio de son roman&nbsp;<em>Mersonne ne m&rsquo;aime</em>&nbsp;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16">[16]</a>, un journal de voyage dans le nord du Canada,&nbsp;<em>Voyage au pays des esprits, du vent et des &eacute;tendues sauvages&nbsp;</em><a href="#_ftn17" name="_ftnref17">[17]</a>, ainsi qu&rsquo;une adaptation pour la radio d&rsquo;une nouvelle d&rsquo;Oscar Wilde <a href="#_ftn18" name="_ftnref18">[18]</a>.</p> <p>Quatri&egrave;me &eacute;tape&nbsp;: dans les ann&eacute;es 90, elle revient vers la radio de cr&eacute;ation, produit quatre&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, ainsi que trois&nbsp;<em>Ateliers de cr&eacute;ation radiophonique</em>.</p> <p>Quand elle est productrice pour&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, il s&rsquo;agit toujours d&rsquo;une &eacute;mission unique (deux dans un cas) et non d&rsquo;une s&eacute;rie comme lors des d&eacute;buts de l&rsquo;&eacute;mission. Ces productions ont toujours un r&eacute;f&eacute;rent initial g&eacute;ographique. C&rsquo;est le cas pour &laquo;&nbsp;Rue des nostalgies&nbsp;&raquo; sur la rue des Rosiers, le quartier du Marais et le souvenir d&rsquo;un monde perdu li&eacute; au juda&iuml;sme, ou pour le reportage intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Bouvard et P&eacute;cuchet&nbsp;&raquo;, sur le quartier du canal Saint-Martin. Elle produit ensuite en 1992, toujours pour&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, deux &eacute;missions sur Monte-Carlo, originales car tournant le dos &agrave; toute approche touristique, riches en entretiens avec les personnes ordinaires qui y habitent et en r&eacute;flexions sur le c&ocirc;t&eacute; excentr&eacute;, marginal de la principaut&eacute;. Sa derni&egrave;re contribution &agrave;&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;est en 1997, deux ans avant la fin de cette &eacute;mission, une production en deux volets avec Colette Fellous sur le v&ecirc;tement dans le monde.</p> <p>On la retrouve pendant la m&ecirc;me p&eacute;riode, productrice de trois&nbsp;<em>Ateliers de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Jours d&rsquo;hiver &agrave; Berlin&nbsp;&raquo; (1992)&nbsp;; &laquo;&nbsp;Jours d&rsquo;&eacute;t&eacute; &agrave; Lavaur&nbsp;&raquo; (1996) et &laquo;&nbsp;Kyoto, vert mousse&nbsp;&raquo; (1998). Chaque fois, l&rsquo;ancrage de l&rsquo;&eacute;mission est g&eacute;ographique mais celui-ci ne constitue qu&rsquo;un point de d&eacute;part ou un pr&eacute;texte. Dans l&rsquo;&eacute;mission sur Berlin il est longuement question de la Shoah et du souvenir de la seconde guerre mondiale, tout comme de la chute du mur et de simples questions d&rsquo;urbanisme. Le reportage sur Lavaur, village de Dordogne, est un &laquo;&nbsp;essai radiophonique&nbsp;&raquo;, une enqu&ecirc;te autobiographique sur le village o&ugrave; elle a v&eacute;cu sous une fausse identit&eacute; pendant la seconde guerre mondiale, quand sa famille devait se cacher parce qu&rsquo;elle &eacute;tait juive. Cette &eacute;mission a re&ccedil;u le prix de la SCAM. De m&ecirc;me le reportage sur Kyoto ne porte pas seulement sur cette ville mais &eacute;galement sur l&rsquo;architecture et l&rsquo;art japonais.</p> <p>Comme lors de la p&eacute;riode pr&eacute;c&eacute;dente, Nicole-Lise Bernheim est aussi auteur de fictions radiophoniques. Elle produit avec Mireille Cardot une fable burlesque intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;Hourra sur le baudet&nbsp;&raquo;, qui a &eacute;t&eacute; diffus&eacute;e l&rsquo;apr&egrave;s-midi pendant cinq jours en novembre 1996.</p> <p>Parall&egrave;lement &agrave; ces contributions, elle est productrice ou pr&eacute;sentatrice d&rsquo;&eacute;missions li&eacute;es aux voyages pour&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;chapp&eacute;e belle</em>,<em>&nbsp;L&rsquo;Usage du monde</em>,<em>&nbsp;La Matin&eacute;e des autres</em>,<em>&nbsp;&Eacute;tat de faits</em>&nbsp;et<em>&nbsp;Carnets de voyage</em>. &Agrave; c&ocirc;t&eacute; du Japon et du Sri Lanka, on peut noter dans son travail un retour d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour des th&egrave;mes g&eacute;ographiquement proches&nbsp;: une enqu&ecirc;te sur une boucherie alsacienne et un reportage sur la culture de l&rsquo;olive &agrave; Nyons.</p> <h2>4. Ses choix comme productrice<br /> &nbsp;</h2> <p>Si l&rsquo;on tente de rassembler quelques constantes du travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim, on peut commencer par remarquer le fait qu&rsquo;elle a eu &agrave; c&oelig;ur de ne jamais oublier le sensible, c&rsquo;est-&agrave;-dire les voix, le silence, la musique. Le bruit des vagues et celui des cloches sont donn&eacute;s &agrave; entendre de fa&ccedil;on r&eacute;p&eacute;titive dans ses &eacute;missions. On entend la mer dans les contrepoints personnels sur lesquels se terminent les&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>&nbsp;consacr&eacute;es au festival de Cannes en 1978, o&ugrave; elle se met en sc&egrave;ne sur la plage. Le premier de ces contrepoints est une sorte de po&egrave;me sur fond de bruit de vagues, &agrave; partir de la r&eacute;p&eacute;tition de la phrase &laquo;&nbsp;Tu entends la mer&nbsp;&raquo;. Les deux &eacute;missions sur Monte-Carlo font constamment entendre le son des vagues. Il y a des bruits de cloche dans &laquo;&nbsp;Place des Abbesses&nbsp;&raquo;, dans &laquo;&nbsp;La cloche des Juifs&nbsp;&raquo; et dans la plupart des &eacute;missions qu&rsquo;elle a consacr&eacute;es &agrave; des quartiers de Paris. Elle arrive ainsi &agrave; cr&eacute;er un univers sensible personnel, facilement reconnaissable. &Agrave; propos de la place des Abbesses, elle dit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le vent se l&egrave;ve, cette place c&rsquo;est comme une plage&hellip; Paris au loin, c&rsquo;est comme la mer&hellip;&nbsp;&raquo;</p> <p>Le silence est &eacute;galement tr&egrave;s pr&eacute;sent dans ses &eacute;missions, non seulement quand elle parle seule au micro mais aussi quand elle s&rsquo;adresse &agrave; un interlocuteur, dont elle attend longuement les r&eacute;ponses, sans tenter de meubler les silences qui s&rsquo;intercalent. Par exemple les &laquo; Lettres de Cannes &raquo; &eacute;voqu&eacute;s ci-dessus donnent &agrave; entendre non seulement les vagues mais aussi le silence.</p> <p>On pourrait dire la m&ecirc;me chose des bruits de rue, de caf&eacute; lors d&rsquo;entretiens avec des personnes ordinaires, ou du train dans la s&eacute;rie qu&rsquo;elle lui a consacr&eacute; o&ugrave; on l&rsquo;entend, y compris dans la diction saccad&eacute;e des intervenants.</p> <p>La musique est &eacute;galement importante dans ses &eacute;missions. Difficile de se repr&eacute;senter &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace des hommes&nbsp;&raquo; sans les airs d&rsquo;Offenbach qui &agrave; la fois servent de contre-point, de clin d&rsquo;&oelig;il humoristique mais aussi de reformulation sensible des clich&eacute;s sur la masculinit&eacute; qui jalonnent l&rsquo;&eacute;mission. De m&ecirc;me toutes les &eacute;missions des ann&eacute;es&nbsp;80 et 90 dont le r&eacute;f&eacute;rent premier est g&eacute;ographique (lointain ou europ&eacute;en) donnent &agrave; entendre de larges extraits de musique populaire ou folklorique (accord&eacute;on parisien, chants juifs, musiques indiennes etc.), qui n&rsquo;illustrent pas simplement des paroles mais font partie du propos de l&rsquo;&eacute;mission.</p> <p>La nuit enfin, celle du titre des &eacute;missions et celle de l&rsquo;heure de diffusion est compl&egrave;tement prise en compte dans ses premi&egrave;res productions. Elle tente de la faire sentir, de la mettre dans le contenu et pas seulement dans le cadre de son travail, par exemple lorsqu&rsquo;elle pr&eacute;sente en 1978 le 4e festival du cin&eacute;ma de Paris, elle interroge des acteurs et des cin&eacute;astes sur ce qu&rsquo;est la nuit pour eux, tentant, par approches successives, de dire et d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on de faire entendre la nuit.</p> <p>Une autre mani&egrave;re pour elle de mettre le sensible en avant est l&rsquo;attention qu&rsquo;elle porte au corps et en particulier au corps des femmes. Cette question comme celle de la sexualit&eacute; ne sont jamais oubli&eacute;es dans son travail. En 1981, elle consacre une&nbsp;<em>Nuit magn&eacute;tique</em>&nbsp;&agrave; la question &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;on fera quand on sera gros&nbsp;?&nbsp;&raquo; dont le th&egrave;me est, comme l&rsquo;indique le titre, le fait d&rsquo;avoir un corps diff&eacute;rent de la norme, et le ressenti &eacute;motionnel de ceux qui sont dans cette situation. De m&ecirc;me &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace des hommes&nbsp;&raquo; donne &agrave; entendre des confidences sans tabou, o&ugrave; il est question de la fa&ccedil;on dont les hommes ressentent leur propre corps.</p> <p>Une autre constante de ses &eacute;missions est l&rsquo;&eacute;lan vers les marges et l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Elle s&rsquo;int&eacute;resse toujours aux autres les plus humbles, les plus ordinaires et les plus lointains. On peut mentionner &agrave; ce propos le recours constant dans ses reportages &agrave; la parole des anonymes, rencontr&eacute;s dans la rue. Par exemple dans la s&eacute;rie &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace des hommes&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est &agrave; des inconnus, dans un bar, qu&rsquo;elle pose en premier la question &laquo;&nbsp;qu&rsquo;est-ce que c&rsquo;est pour vous qu&rsquo;&ecirc;tre un homme&nbsp;&raquo;, avant de demander la m&ecirc;me chose &agrave; des artistes ou des psychologues. La parole de personnes ordinaires est pr&eacute;sente dans toutes ses enqu&ecirc;tes&nbsp;; dans &laquo;&nbsp;Place des Abbesses&nbsp;&raquo;, les anonymes sont &eacute;cout&eacute;s avant les experts en urbanisme et parmi eux se trouvent majoritairement des pauvres, des marginaux.</p> <p>L&rsquo;ailleurs g&eacute;ographique, celui de ses voyages, est &eacute;galement mati&egrave;re &agrave; &eacute;laboration radiophonique et m&ecirc;me la principale mati&egrave;re &agrave; partir de 1984. Lors de son reportage en 1978 sur le festival de Cannes, le soir elle s&rsquo;&eacute;loigne de la ville et enregistre depuis la plage, &agrave; distance de l&rsquo;agitation, dans une sorte de marge. Elle aime les lieux sauvages, oubli&eacute;s. Nombre de ses reportages portent sur des pays tr&egrave;s pauvres, exclus du d&eacute;veloppement, comme le Sri Lanka.</p> <p>Bien avant, semble-t-il, que la parole autobiographique ou autofictionnelle n&rsquo;acqui&egrave;re le statut qu&rsquo;elle a aujourd&rsquo;hui, Nicole-Lise Bernheim a int&eacute;gr&eacute; la parole sur soi et son histoire &agrave; de nombreuses &eacute;missions. Elle s&rsquo;est prise souvent elle-m&ecirc;me comme sujet de son discours radiophonique. Lorsqu&rsquo;elle est sur la plage en marge du festival de Cannes, elle parle d&rsquo;elle, de son &eacute;loignement d&rsquo;un homme auquel elle dit le d&eacute;sir de le revoir&nbsp;; un autre soir, elle avoue un &eacute;change de regards avec un autre homme qui lui a plu. Ces passages sont &agrave; la seconde personne et ces moments en viennent &agrave; &ecirc;tre d&eacute;sign&eacute;s comme des lettres de Nicole-Lise Bernheim. De tels moments de parole jouent aussi sur l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; du destinataire. Par exemple lorsqu&rsquo;elle d&eacute;clare au c&oelig;ur de la nuit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je pense &agrave; toi qui n&rsquo;es pas l&agrave;. Je me demande comment serait cette ville avec toi si tu &eacute;tais l&agrave; sur le sable. Que fais-tu ce soir&nbsp;?&nbsp;&raquo;, l&rsquo;auditeur peut avoir l&rsquo;impression que cette voix f&eacute;minine s&rsquo;adresse &agrave; lui et elle joue de cette ambigu&iuml;t&eacute;.</p> <p>De nombreux passages autobiographiques sont &eacute;galement pr&eacute;sents dans &laquo;&nbsp;En train pour 1979&nbsp;&raquo;. Dans un moment particuli&egrave;rement intense, elle &eacute;voque une rencontre en train avec son p&egrave;re qu&rsquo;elle n&rsquo;a pas vu depuis longtemps et qui revient du camp de concentration o&ugrave; il avait &eacute;t&eacute; d&eacute;port&eacute;. Plus tard dans la m&ecirc;me &eacute;mission, il y a des confidences sur des rencontres &eacute;rotiques en train. La place des Abbesses, &eacute;voqu&eacute;e dans une autre&nbsp;<em>Nuit magn&eacute;tique</em>, est la place o&ugrave; elle habite (elle dit &laquo;&nbsp;ma place&nbsp;&raquo;), elle se met en sc&egrave;ne chez elle (&laquo;&nbsp;De ma fen&ecirc;tre, l&agrave;, maintenant je la vois&hellip;&nbsp;&raquo;), les habitants du quartier qu&rsquo;elle interroge la connaissent, etc. M&ecirc;me recours &agrave; des souvenirs personnels dans &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;on fera quand on sera gros&nbsp;?&nbsp;&raquo; (le on du titre &eacute;tant d&eacute;j&agrave; r&eacute;v&eacute;lateur de cette perspective). L&rsquo;enqu&ecirc;te sur son enfance est enfin le th&egrave;me principal de l&rsquo;Atelier de cr&eacute;ation radiophonique &laquo;&nbsp;Jours d&rsquo;&eacute;t&eacute; &agrave; Lavaur&nbsp;&raquo; o&ugrave; elle tente de retrouver dans ce village des personnes ayant connu sa famille lorsqu&rsquo;elle se cachait pendant la guerre. Bien avant qu&rsquo;elle explicite son lien avec l&rsquo;Alsace et le monde juif dans les deux pans de son enqu&ecirc;te sur le juda&iuml;sme strasbourgeois, elle a fait ponctuellement r&eacute;f&eacute;rence &agrave; sa tante, ses parents, ses grands-p&egrave;res colporteurs, sa famille alsacienne, ses vacances &agrave; Mulhouse.</p> <p>Tout se passe donc comme si le travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim avait anticip&eacute; l&rsquo;&eacute;volution des&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, vers l&rsquo;exposition de soi du producteur et l&rsquo;usage d&rsquo;un je autobiographique assum&eacute;, &eacute;volution qu&rsquo;on situe quelquefois dans les ann&eacute;es 1990 <a href="#_ftn19" name="_ftnref19">[19]</a> et attribue &agrave; l&rsquo;influence de Colette Fellous.</p> <p>Une derni&egrave;re caract&eacute;ristique du travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim est&nbsp;le recours syst&eacute;matique aux questions, non pour arriver &agrave; des r&eacute;ponses mais pour d&eacute;velopper un th&egrave;me. Ses interviews se situent &agrave; la pointe extr&ecirc;me de l&rsquo;entretien non directif, puisqu&rsquo;elle aborde ses interlocuteurs avec des questions tr&egrave;s vastes, du type &laquo;&nbsp;Qu&rsquo;est-ce que pour toi qu&rsquo;&ecirc;tre un homme&nbsp;?&raquo; On est dans un empan tr&egrave;s large, laissant toute libert&eacute; quant au domaine de r&eacute;ponse. M&ecirc;me chose avec le train, avec le ressenti de maigreur ou grosseur, l&rsquo;&eacute;coute d&rsquo;une cloche, le lieu o&ugrave; on vit.</p> <p>Le questionnement est pour elle une d&eacute;marche heuristique. Dans de nombreuses &eacute;missions, Nicole-Lise Bernheim (capable &agrave; d&rsquo;autres moments d&rsquo;avoir une parole pleinement assum&eacute;e) se tait et donne toute la place &agrave; ses interlocuteurs, les laissant seuls face au trouble d&rsquo;une question pouvant &ecirc;tre comprise de diff&eacute;rentes fa&ccedil;ons. Dans &laquo; L&rsquo;espace des hommes &raquo;, cette d&eacute;marche lui permet de recevoir d&rsquo;une part des r&eacute;ponses st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es mais r&eacute;v&eacute;latrices de pr&eacute;jug&eacute;s, comme &laquo; &ecirc;tre un homme, c&rsquo;est &ecirc;tre grand, c&rsquo;est &ecirc;tre fort, c&rsquo;est &ecirc;tre mari&eacute;, c&rsquo;est &ecirc;tre responsable &raquo;, mais aussi des confidences tr&egrave;s intimes et une parole lib&eacute;r&eacute;e des tabous puisque les hommes en viennent &agrave; parler de choses comme l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;&eacute;rection, la bisexualit&eacute;, la transsexualit&eacute;, le viol.</p> <p>Le lien est &eacute;vident entre cette posture d&rsquo;intervieweuse et celle d&rsquo;un psychanalyste, qui se tait pour laisser toute sa place &agrave; la parole de l&rsquo;analysant. Nicole-Lise Bernheim (qui s&rsquo;est elle-m&ecirc;me soumise &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience de la psychanalyse) sait se taire pour qu&rsquo;&eacute;merge de fa&ccedil;on libre la parole de ceux qu&rsquo;elle questionne. Cette d&eacute;marche lui permet d&rsquo;explorer un sujet et d&rsquo;en dire plus que si elle avait recours &agrave; des questions frontales. Elle &eacute;claire, sans arriver &agrave; des certitudes. A aucun moment elle ne tente de d&eacute;construire les pr&eacute;jug&eacute;s des hommes qu&rsquo;elle interviewe. Son but n&rsquo;&eacute;tant pas la r&eacute;ponse juste mais le d&eacute;ploiement d&rsquo;une parole qui informe sur une question.</p> <h2>5. La Cloche de 10 heures<br /> &nbsp;</h2> <p>De m&ecirc;me qu&rsquo;on trouvait &agrave; l&rsquo;origine de l&rsquo;&eacute;criture et du travail radiophonique de Nicole-Lise Bernheim l&rsquo;exp&eacute;rience de la participation au tournage d&rsquo;<em>India Song</em>, une enqu&ecirc;te r&eacute;alis&eacute;e &agrave; Strasbourg croise une derni&egrave;re fois les deux fils de son activit&eacute; d&rsquo;&eacute;crivaine et de femme de radio. Elle produit (avec William Ducan) le 2 juillet 2000 un documentaire pour&nbsp;<em>&Eacute;tats de faits</em>, intitul&eacute; : &laquo; La cloche des Juifs, r&eacute;alit&eacute; ou fantasme ? &raquo; Pour r&eacute;aliser celui-ci elle a s&eacute;journ&eacute; trois jours &agrave; Strasbourg et enqu&ecirc;t&eacute; sur une sonnerie de cloche qui retentit tous les jours depuis la cath&eacute;drale dix minutes apr&egrave;s le carillon de 10 heures. &Eacute;tonnamment les Strasbourgeois pensent que cette cloche a pour origine le fait d&rsquo;&eacute;tablir un couvre-feu et de demander aux Juifs de quitter la ville o&ugrave; autrefois ils n&rsquo;&eacute;taient admis que durant la journ&eacute;e pour des activit&eacute;s marchandes. L&rsquo;enqu&ecirc;te r&eacute;v&egrave;le une confusion entre la cloche de 10 heures et une corne qui a &eacute;t&eacute; effectivement utilis&eacute;e comme signal pour autoriser les Juifs &agrave; entrer dans la ville ou leur demander d&rsquo;en sortir, mais dont l&rsquo;usage a &eacute;t&eacute; aboli au moment de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise. L&rsquo;objet du reportage est ensuite &eacute;largi au juda&iuml;sme strasbourgeois : description du quartier juif, pr&eacute;jug&eacute;s antis&eacute;mites et souvenir encore vivant d&rsquo;un massacre au XIVe si&egrave;cle des Juifs rendus suspects par le fait qu&rsquo;ils n&rsquo;&eacute;taient pas morts dans les m&ecirc;mes proportions que le reste de la population lors d&rsquo;une &eacute;pid&eacute;mie de peste. Nicole-Lise Bernheim associe, comme dans toutes ses &eacute;missions la parole d&rsquo;experts &agrave; celle des anonymes, donne longuement et &agrave; plusieurs reprises &agrave; entendre le myst&eacute;rieux carillon et ne dissimule &agrave; aucun moment sa propre identit&eacute; de Juive d&rsquo;origine alsacienne et sa proximit&eacute; &eacute;motionnelle avec les questions abord&eacute;es.</p> <p>Deux ans apr&egrave;s la diffusion de ce reportage et un an avant son d&eacute;c&egrave;s, elle publie son dernier livre&nbsp;<em>La cloche de 10 heures. Radiographie d&rsquo;une rumeur</em>&nbsp;<a href="#_ftn20" name="_ftnref20">[20]</a>. Elle dit avoir &eacute;t&eacute; troubl&eacute;e par le caract&egrave;re d&eacute;sagr&eacute;able de la riche mati&egrave;re d&eacute;couverte lors du reportage pour France Culture :</p> <p>Pendant les entretiens, le preneur de son, le charg&eacute; de r&eacute;alisation et moi-m&ecirc;me avions ressenti une impression identique de d&eacute;sarroi [&hellip;] Au fur et &agrave; mesure des discussions pendant la r&eacute;alisation de l&rsquo;&eacute;mission, le malaise a grandi en moi et aussi l&rsquo;impression d&eacute;sagr&eacute;able d&rsquo;avoir impoliment &eacute;voqu&eacute; un sujet tabou <a href="#_ftn21" name="_ftnref21">[21]</a>.</p> <p>Apr&egrave;s un premier temps o&ugrave; elle a &eacute;t&eacute;, comme elle l&rsquo;&eacute;crit, &laquo;&nbsp;heureuse&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;soulag&eacute;e&nbsp;&raquo; de quitter Strasbourg, elle est revenue y s&eacute;journer &agrave; deux reprises afin de reprendre et approfondir son enqu&ecirc;te. Dans le titre du livre, la mention &laquo;&nbsp;cloche des Juifs&nbsp;&raquo; a disparu&nbsp;et ne figure plus que la d&eacute;signation &laquo;&nbsp;cloche de 10 heures&nbsp;&raquo;, ne v&eacute;hiculant aucun pr&eacute;jug&eacute; antis&eacute;mite. L&rsquo;essai publi&eacute; ressemble par sa forme chorale &agrave; une enqu&ecirc;te radiophonique, car la parole y est donn&eacute;e successivement &agrave; des habitants de Strasbourg, des historiens, des pr&ecirc;tres, des sp&eacute;cialistes du juda&iuml;sme, etc. On retrouve parmi ceux-ci la totalit&eacute; de ceux qui avaient &eacute;t&eacute; interview&eacute;s pour l&rsquo;&eacute;mission de France Culture, dans un ordre rappelant celui du reportage radiophonique. Le nombre de t&eacute;moignages et de points de vue savants &agrave; la fois sur la sonnerie de la cloche et le juda&iuml;sme strasbourgeois a beaucoup augment&eacute;. Si le texte publi&eacute; n&rsquo;apporte rien de fondamentalement neuf quant au noyau de l&rsquo;enqu&ecirc;te (la confusion entre la sonnerie de cloche &agrave; 10 heures et l&rsquo;usage plus ancien d&rsquo;un cor), il amplifie la r&eacute;flexion sur l&rsquo;antis&eacute;mitisme, int&eacute;grant un point de vue sur d&rsquo;autres formes de racismes, donnant par exemple la parole &agrave; un Turc. Afin de conserver le lien avec l&rsquo;origine radiophonique du travail, quelques lignes intitul&eacute;es &laquo;&nbsp;Micro-trottoir&nbsp;&raquo; sont ins&eacute;r&eacute;es au bas de certaines pages, consistant toujours en la question &laquo;&nbsp;La cloche de 10 heures, c&rsquo;est quoi pour vous&nbsp;?&nbsp;&raquo; suivie d&rsquo;une r&eacute;ponse br&egrave;ve.</p> <p>Ce qui est nouveau ici est le fait que viennent s&rsquo;intercaler dans ces paroles d&rsquo;origine diverses, une sorte de &laquo;&nbsp;carnet de voyage&nbsp;&raquo; tenu par l&rsquo;auteur lors de la reprise de son enqu&ecirc;te. Dans celui-ci, on trouve non seulement un compte-rendu de rencontres et de d&eacute;placements mais aussi la formulation d&rsquo;&eacute;motions ayant accompagn&eacute; cette enqu&ecirc;te et des passages autobiographiques o&ugrave; &eacute;mergent des souvenirs d&rsquo;enfance et la revendication plus explicite encore que pr&eacute;c&eacute;demment d&rsquo;une &laquo;&nbsp;origine juive&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;elle raconte avoir accompli avec sa m&egrave;re et son oncle un rituel de souvenir sur des tombes de la famille, visit&eacute; l&rsquo;appartement d&rsquo;un autre oncle et rev&eacute;cu de fa&ccedil;on empathique l&rsquo;exclusion et l&rsquo;errance qui ont &eacute;t&eacute; celles de ses anc&ecirc;tres. Tout se passe comme si cette enqu&ecirc;te sur son origine venait prendre la place des r&eacute;cits de voyage dans des pays lointains, sugg&eacute;rant qu&rsquo;il s&rsquo;agit profond&eacute;ment de la m&ecirc;me d&eacute;marche et d&rsquo;un travail au centre duquel se trouve un questionnement sur l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. Elle mentionne dans l&rsquo;&eacute;mission radiophonique, comme dans le livre, l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle les Juifs sont des signifiants de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;.</p> <p>Si la th&eacute;matique de la diff&eacute;rence et donc de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; peut appara&icirc;tre comme le moteur du parcours esth&eacute;tique et id&eacute;ologique d&rsquo;Anne-Lise Bernheim, cela s&rsquo;articule, du point de vue du mode d&rsquo;expression choisi, avec un refus radical des certitudes, qu&rsquo;on peut associer au d&eacute;sir assum&eacute; d&rsquo;en rester au questionnement. Dans un entretien qui sert d&rsquo;introduction &agrave; &laquo;&nbsp;L&rsquo;espace des hommes <a href="#_ftn22" name="_ftnref22">[22]</a>&nbsp;&raquo;, Alain Veinstein lui a demand&eacute; comment elle abordait la question de la masculinit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Avec un regard hostile ou un regard critique&nbsp;?&nbsp;&raquo; Elle a r&eacute;pondu&nbsp;: &laquo;&nbsp;Un regard bienveillant, parfois agressif, parfois agac&eacute;&hellip; critique non&hellip; c&rsquo;est un regard si je puis dire questionneur.&nbsp;&raquo; On peut penser que cette derni&egrave;re formulation, qui associe l&rsquo;id&eacute;e de la vision &ndash; pr&eacute;sente de fa&ccedil;on pr&eacute;coce dans son int&eacute;r&ecirc;t pour le th&eacute;&acirc;tre et le cin&eacute;ma &ndash; &agrave; celle du choix de la posture de l&rsquo;interrogation, formule et r&eacute;sume les raisons de son choix de la radio de cr&eacute;ation comme mode d&rsquo;expression privil&eacute;gi&eacute;.</p> <h1><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h1> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a> Les informations donn&eacute;es &ccedil;&agrave; et l&agrave; par Nicole-Lise Bernheim sur sa famille permettent de savoir que celle-ci est d&rsquo;origine alsacienne et juive. Ils se sont r&eacute;fugi&eacute;s en Dordogne pendant la seconde guerre mondiale. Le p&egrave;re a &eacute;t&eacute; d&eacute;port&eacute;, est revenu du camp de Sachsenhausen mais est mort jeune. Nicole-Lise Bernheim est all&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;cole &agrave; Figeac, puis a habit&eacute; &agrave; Paris. Elle &eacute;tait tr&egrave;s attach&eacute;e &agrave; sa tante qui habitait &agrave; Mulhouse, chez qui elle a r&eacute;sid&eacute; quelques ann&eacute;es et qu&rsquo;elle allait voir en vacances. Elle mentionne souvent le fait que ses deux grands-p&egrave;res &eacute;taient colporteurs, m&eacute;tier modeste, souvent exerc&eacute; par des Juifs. Elle cite &eacute;galement le fait qu&rsquo;elle a grandi avec un secret de famille sur la naissance de sa m&egrave;re, non reconnue par son p&egrave;re.<br /> <a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a> V. mon article &laquo; L&rsquo;&eacute;criture radiophonique de Marguerite Duras : le sens exact de la th&eacute;&acirc;tralit&eacute; &raquo;, dans&nbsp;<em>Aventures radiophoniques du Nouveau Roman</em>, Pierre-Marie H&eacute;ron, Fran&ccedil;oise Joly, Annie Pibarot (dir.), Rennes, PUR, 2017, p. 89-100.<br /> <a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a> Marguerite Duras,&nbsp;<em>Le Ravissement de la parole</em>, disque III, extrait n&deg;6.<br /> <a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a> Nicole-Lise Bernheim,&nbsp;<em>Marguerite Duras tourne un film</em>, Paris, Albatros, p.78.<br /> <a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;<em>&nbsp;Ibid.</em>, p.77.<br /> <a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a> Figurante dans&nbsp;<em>Mon c&oelig;ur est rouge</em>&nbsp;de Mich&egrave;le Rosier (1977),&nbsp;<em>L&rsquo;homme fragile</em>&nbsp;de Claire Clouzot (1981),&nbsp;<em>Les Nanas</em>&nbsp;de Annick Lano&euml; (1984). Sc&eacute;nariste (posthume) avec Helma Sanders-Brahms et Colo Tavernier, du film&nbsp;<em>Clara</em>&nbsp;sur Clara Schuman de Helma Sander-Brahms, sorti en 2009.<br /> <a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp; Lors de l&rsquo;&eacute;mission &laquo; Hors-texte : Nicole-Lise Bernhein &raquo;, France Culture, 26 avril 1984.<br /> <a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a> &laquo; La cloche des Juifs, r&eacute;alit&eacute; ou fantasme &raquo;,&nbsp;<em>&Eacute;tat de faits</em>, France Culture, 2 juillet 2000.<br /> <a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a> &laquo; En 1982, &agrave; Mulhouse, tante Suzanne meurt. Avec l&rsquo;argent qu&rsquo;elle me l&egrave;gue, je d&eacute;cide de conna&icirc;tre un peu mieux la plan&egrave;te &raquo; (Nicole-Lise Bernheim,&nbsp;<em>Saisons japonaises</em>, Paris, Payot &amp; Rivages, 1999, Petite biblioth&egrave;que Payot, p.11).<br /> <a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a> Nicole-Lise Bernheim,&nbsp;<em>Chambres d&rsquo;ailleurs</em>, Paris, Arl&eacute;a, 1986, r&eacute;&eacute;dition Payot &amp; Rivages, Petite biblioth&egrave;que Payot /Voyageurs, 1999, p. 124 et 125.<br /> <a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;<em>Agora</em>, France Culture, 19 juin 1980, 24 min., producteur Gilles Lapouge, intervenante Nicole-Lise Bernheim.<br /> <a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a> V. Fran&ccedil;oise Marrou-Flamant,&nbsp;<em>&Agrave; tire d&rsquo;elles</em>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2007, p.&nbsp;41 &amp; Collectif Musidora,&nbsp;<em>Paroles&hellip; elles tournent !</em>, &eacute;ditions des femmes, 1979. L&rsquo;association a rassembl&eacute;&nbsp;: Fran&ccedil;oise Flamant, Nicole-Lise Bernheim,&nbsp;Dana Sardet,&nbsp;Claire Clouzot,&nbsp;Claudine Serre.<br /> <a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a> Elle a contribu&eacute; &agrave; la pr&eacute;face du livre d&rsquo;Alice Guy,&nbsp;<em>Autobiographie d&rsquo;une pionni&egrave;re du cin&eacute;ma 1873-1968 : Alice Guy</em>, Paris, Deno&euml;l-Gonthier, 1976.<br /> <a href="#_ftnref14" name="_ftn14">[14]</a>&nbsp;<em>Surpris par la nuit</em>, 6 mai 2003.<br /> <a href="#_ftnref15" name="_ftn15">[15]</a> Diffus&eacute;e le 26 avril 1984.<br /> <a href="#_ftnref16" name="_ftn16">[16]</a> Diffus&eacute;e le 19 avril 1986.<br /> <a href="#_ftnref17" name="_ftn17">[17]</a> Diffus&eacute;e le 18 d&eacute;cembre 1988.<br /> <a href="#_ftnref18" name="_ftn18">[18]</a>&nbsp;<em>L&rsquo;Anniversaire de l&rsquo;infante</em>, diffus&eacute;e le 14 janvier 1990.<br /> <a href="#_ftnref19" name="_ftn19">[19]</a> V. Clara Lacombe,&nbsp;<em>Nuits magn&eacute;tiques, la radio libre du service public, 1978-1999</em>, m&eacute;moire de master 2, session 2016, sous la direction de Pascal Ory, Universit&eacute; Paris 1, version en ligne sur le site Archives ouvertes HAL, p. 170.<br /> <a href="#_ftnref20" name="_ftn20">[20]</a> Nicole-Lise Bernheim,&nbsp;<em>La Cloche de 10 heure. Radiographie d&rsquo;une rumeur</em>, Strasbourg, &eacute;ditions de la Nu&eacute;e Bleue, 2002.<br /> <a href="#_ftnref21" name="_ftn21">[21]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 7.<br /> <a href="#_ftnref22" name="_ftn22">[22]</a> Diffus&eacute; pour la premi&egrave;re fois le 8 mai 1978.</p> <h3>Autrice</h3> <p><strong>Annie Pibarot</strong>&nbsp;est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences honoraire de l&rsquo;Universit&eacute; de Montpellier. Membre de l&rsquo;&eacute;quipe RIRRA21, elle a publi&eacute; deux livres et des contributions &agrave; des revues et ouvrages collectifs autour des questions de l&rsquo;autobiographie, l&rsquo;autofiction et la litt&eacute;rature de l&rsquo;extr&ecirc;me contemporain. On lui doit plusieurs articles sur l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp; ou l&rsquo;activit&eacute; radiophonique de Claude Ollier et Marguerite Duras. Elle a co-&eacute;dit&eacute; en 2017, avec Pierre-Marie H&eacute;ron et Fran&ccedil;ois Joly l&rsquo;ouvrage&nbsp;<em>Aventures radiophoniques du Nouveau Roman</em>, Presses universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, 276 p.</p> <h3 align="JUSTIFY"><b>Copyright</b></h3> <p align="JUSTIFY">Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>