<h3>Abstract</h3> <p>This article presents Jos&eacute; Pivin&rsquo;s three major Cameroonian works:&nbsp;<em>Un arbre acajou</em>&nbsp;(1975),&nbsp;<em>Op&eacute;ra du Cameroun</em>&nbsp;(1976) and&nbsp;<em>Le Transcamerounais&nbsp;</em>(1977). These works have made a considerable contribution to documentary reflection. Jos&eacute; Pivin was one of the few directors of the 1960s and 1970s to turn to Africa, which in itself would be sufficient reason to devote a study to his African plays. Furthermore, these three creations are the culmination of his career, both biographically &ndash; Jos&eacute; Pivin died in 1977 &ndash; and artistically: they concentrate the different facets of his radio work, which was awarded the Acad&eacute;mie Charles Cros prize for&nbsp;<em>Op&eacute;ra du Cameroun</em>. Last but not least, Jos&eacute; Pivin never ceased to question the documentary form, and in these three works he offers a radical and singular response.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>radio, sound documentary, mahogany tree, opera of Cameroon, Jos&eacute; Pivin, transcamerounais</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Jos&eacute; Pivin fait partie de cette liste des grands cr&eacute;ateurs radiophoniques dont la r&eacute;putation est inversement proportionnelle &agrave; l&rsquo;information disponible sur leurs parcours&nbsp;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>&nbsp;ou aux &eacute;tudes consacr&eacute;es &agrave; leurs &oelig;uvres. Pourtant, au fil des recherches dans les archives de l&rsquo;INA, leurs noms reviennent, associ&eacute;s aux projets originaux, aux &eacute;critures exp&eacute;rimentales, aux entreprises sonores aventureuses. Et leurs apparitions successives aux g&eacute;n&eacute;riques des &eacute;missions finissent par dessiner le portrait en creux d&rsquo;auteurs &eacute;nigmatiques et passionn&eacute;s, qui ne nous sont saisissables qu&rsquo;&agrave; travers la tentative fragile de reconstituer leur qu&ecirc;te, dont leur r&eacute;pertoire inattendu indique la trajectoire en pointill&eacute;s.</p> <p>Une telle tentative exc&egrave;derait les limites d&rsquo;un num&eacute;ro consacr&eacute; au &laquo; beau documentaire &raquo;, mais j&rsquo;ai saisi cette occasion pour proposer une premi&egrave;re approche de l&rsquo;&oelig;uvre de Jos&eacute; Pivin, qui essaie d&rsquo;en cerner la sp&eacute;cificit&eacute;, tant au regard des th&egrave;mes abord&eacute;s que des formes d&eacute;ploy&eacute;es, en m&rsquo;int&eacute;ressant, dans son r&eacute;pertoire documentaire, &agrave; son corpus africain, et plus particuli&egrave;rement aux trois grandes cr&eacute;ations camerounaises :&nbsp;<em>Un arbre acajou&nbsp;</em>(1975),&nbsp;<em>Op&eacute;ra du Cameroun&nbsp;</em>(1976) et&nbsp;<em>Le Transcamerounais</em>&nbsp;(1977). Trois raisons &agrave; ce choix&nbsp;: Jos&eacute; Pivin est d&rsquo;une part l&rsquo;un des tr&egrave;s rares metteurs en ondes des ann&eacute;es 60-70 &agrave; se tourner vers l&rsquo;Afrique, ce qui suffirait en soi pour que l&rsquo;on consacre une &eacute;tude &agrave; ses pi&egrave;ces africaines. D&rsquo;autre part ces trois cr&eacute;ations se pr&eacute;sentent comme l&rsquo;aboutissement de sa carri&egrave;re, &agrave; la fois au plan biographique &ndash; Jos&eacute; Pivin meurt en 1977 &ndash; et au plan artistique&nbsp;: en elles se condensent, se d&eacute;cantent et s&rsquo;&eacute;quilibrent les diff&eacute;rentes facettes de son travail radiophonique, r&eacute;compens&eacute; en 1976 par le prix de l&rsquo;Acad&eacute;mie Charles Cros pour&nbsp;<em>Op&eacute;ra du Cameroun</em>, cette &oelig;uvre et<em>&nbsp;Le Transcamerounais</em>&nbsp;ayant en outre &eacute;t&eacute; s&eacute;lectionn&eacute;es pour le prix Italia dans la cat&eacute;gorie Documentaire. Enfin et surtout, Jos&eacute; Pivin n&rsquo;aura cess&eacute;, au cours de sa carri&egrave;re radiophonique, d&rsquo;interroger la forme documentaire, pour lui apporter dans ces trois &oelig;uvres une r&eacute;ponse radicale et singuli&egrave;re.</p> <h2>1. Une veine documentaire t&ocirc;t nourrie par l&rsquo;exp&eacute;rience alg&eacute;rienne<br /> &nbsp;</h2> <p>Commen&ccedil;ons par pr&eacute;ciser le contexte et le parcours &ndash; historique, biographique, radiophonique et culturel &ndash; au sein desquels ces pi&egrave;ces ont vu le jour. Ils expliquent pour quels motifs circonstanciels et personnels Jos&eacute; Pivin est d&rsquo;embl&eacute;e confront&eacute; &agrave; la question documentaire. D&egrave;s 1940, &agrave; vingt-sept ans, il est envoy&eacute; pour raisons professionnelles &agrave; Alger, et c&rsquo;est en 1943 qu&rsquo;il entre &agrave; l&rsquo;Antenne Radio-Alger de Radio France comme metteur en ondes. Cette p&eacute;riode alg&eacute;rienne va durer longtemps, de 1940 &agrave; 1958, avec une br&egrave;ve interruption apr&egrave;s la guerre, et sera d&eacute;cisive &agrave; plus d&rsquo;un titre. Sur place en effet Jos&eacute; Pivin rencontre la culture alg&eacute;rienne non europ&eacute;enne, et d&egrave;s lors s&rsquo;efforce de faire conna&icirc;tre, aux Pieds-noirs en premier lieu, sinon &agrave; l&rsquo;ensemble des auditeurs ayant acc&egrave;s &agrave; Radio-Alger, la noblesse et la richesse des civilisations ant&eacute;rieures &agrave; la colonisation. Dans cette perspective, et parce qu&rsquo;il est d&rsquo;abord, et restera toujours, un homme de lettres, il cr&eacute;e en 1950, avec Jean S&eacute;nac, Emmanuel Robl&egrave;s et Jean Grenier, la revue litt&eacute;raire&nbsp;<em>Soleil&nbsp;</em><a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>. Huit num&eacute;ros para&icirc;tront, publiant les textes d&rsquo;auteurs alg&eacute;riens comme Mohamed Dib, Mouloud Feraoun, Kateb Yacine, Ahmed Sefrioui, mais aussi ceux de Senghor ou de S&eacute;nac et de Pivin eux-m&ecirc;mes. Jos&eacute; Pivin retrouvera ces auteurs &agrave; son retour en France, en y cr&eacute;ant sa premi&egrave;re &eacute;mission,&nbsp;<em>Tous les plaisirs du jour sont dans la matin&eacute;e</em>, qu&rsquo;il r&eacute;alisera de 1959 &agrave; 1963. Nous y reviendrons.</p> <p>Jos&eacute; Pivin s&rsquo;&eacute;prend &eacute;galement du Sahara et de la Kabylie o&ugrave; il s&eacute;journe chaque ann&eacute;e pour partager la vie des Kabyles et des Touaregs. Cela le conduit &agrave; produire en 1955, chez Chant du monde, deux disques 33 tours des chants des Touaregs Ajjer du Sahara&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>, dont la BnF conserve un exemplaire et qu&rsquo;on peut &eacute;couter sur Gallica. Consacr&eacute;s enti&egrave;rement &agrave; la musique des Kel-Ajjer, une conf&eacute;d&eacute;ration de tribus touareg, ces disques font entendre, d&eacute;j&agrave;, l&rsquo;arriv&eacute;e au campement des hommes venus du d&eacute;sert, la soir&eacute;e et la f&ecirc;te qui les attend, et enregistrent des morceaux de tind&eacute; et d&rsquo;imzad, instruments dont seules les femmes peuvent jouer ; une berceuse ; un chant de piste, et un de Sebe&iuml;ba, la grande f&ecirc;te traditionnelle touareg ; un chant de forgerons : autant de motifs qui scanderont les pi&egrave;ces africaines. Parall&egrave;lement le num&eacute;ro 3 de la revue&nbsp;<em>Soleil</em>&nbsp;avait permis de d&eacute;couvrir la po&eacute;sie des Touaregs Azguer. Ces enregistrements sont suivis de la r&eacute;alisation en 1956 d&rsquo;un film documentaire sur le Sahara,&nbsp;<em>Le Tassili des Ajjers</em>, diffus&eacute; &agrave; Alger et &agrave; Paris. Mais il semble que le film suscite peu de r&eacute;actions, et que Pivin renonce alors au m&eacute;dium cin&eacute;matographique.</p> <p>C&rsquo;est en Alg&eacute;rie aussi que Pivin commence son activit&eacute; d&rsquo;&eacute;criture, en composant une s&eacute;rie de contes pour enfants dans le cadre de&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;mission Enfantine de Pol&egrave;ne&nbsp;</em><a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;qui voit le jour en 1947 et dont il assurera la r&eacute;alisation jusqu&rsquo;en 1955.</p> <p>Jos&eacute; Pivin retourne en France en 1958, lorsque tout espoir d&rsquo;une solution pacifique au conflit entre la France et l&rsquo;Alg&eacute;rie est perdu, mais ses deux gestes fondamentaux en tant que cr&eacute;ateur radiophonique sont d&eacute;j&agrave; pos&eacute;s&nbsp;: le geste d&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;une part&nbsp;; le geste documentaire et politique de l&rsquo;autre. En tant que responsable des &eacute;missions dramatiques de l&rsquo;ORTF d&rsquo;Alger, il a produit et r&eacute;alis&eacute; une s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;missions sur les peuples et la culture alg&eacute;rienne&nbsp;; il est durant cette p&eacute;riode activement engag&eacute; dans la d&eacute;couverte, le partage, la promotion de la litt&eacute;rature et de la culture arabes, et pour cela, d&eacute;j&agrave; inscrit dans une d&eacute;marche de collecte et d&rsquo;enregistrement. De ces deux gestes d&eacute;coulera la singularit&eacute; de son &oelig;uvre africaine.</p> <h2>2. La production radiophonique fran&ccedil;aise de Jos&eacute; Pivin<br /> &nbsp;</h2> <p>C&rsquo;est &agrave; ce moment, au retour en France de Jos&eacute; Pivin, que commencent les archives de l&rsquo;INA dont je tire les &eacute;l&eacute;ments &agrave; partir desquels j&rsquo;ai &eacute;tabli mon &eacute;tude, &agrave; d&eacute;faut d&rsquo;autres sources d&rsquo;information sur son travail. Les premi&egrave;res &eacute;missions conserv&eacute;es datent de 1959, &agrave; l&rsquo;exception, essentielle, d&rsquo;une s&eacute;rie d&rsquo;enregistrements dont la datation est inconnue, qui constitue une collection de sons purs, livr&eacute;s bruts, sans op&eacute;ration de montage et sans autre cadre d&rsquo;&eacute;coute que les titres sous lesquels ils ont &eacute;t&eacute; r&eacute;f&eacute;renc&eacute;s, dont voici quelques exemples : &laquo; Grande gare italienne &raquo;, &laquo; Poules, &laquo; Bruits d&rsquo;auberge de France &raquo;, &laquo; Cigale, mouche, tracteur &raquo;, &laquo; Vent &raquo;, &laquo;&nbsp;Pluie&nbsp;&raquo;, &laquo; Chiens m&eacute;chants &raquo;. Dans ce corpus de documents sonores se trouvent aussi des mat&eacute;riaux li&eacute;s &agrave; la culture du continent africain : &laquo; Chants de Kabylie &raquo;, &laquo; Tind&eacute; &raquo;, &laquo;&nbsp;Tam tam et fl&ucirc;te &raquo;, etc. Ce pr&eacute;cieux r&eacute;pertoire de mati&egrave;res sonores nourrira nombre d&rsquo;&eacute;missions fran&ccedil;aises de Jos&eacute; Pivin.</p> <p>En France, Pivin poursuit le travail commenc&eacute; &agrave; Alger. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; court la veine documentaire, tr&egrave;s fournie, avec trois types d&rsquo;&eacute;missions. Un premier ensemble contient&nbsp;<em>Tous</em>&nbsp;<em>les plaisirs du jour sont dans la matin&eacute;e</em>&nbsp;(qu&rsquo;il anime de 1959 &agrave; 1963), &eacute;mission relay&eacute;e de 1963 &agrave; 1968 par&nbsp;<em>Au cours de ces instants</em>. Il y fait entendre sur les ondes tout ce que l&rsquo;&eacute;poque compte d&rsquo;&eacute;crivains engag&eacute;s dans le combat artistique et/ou politique contemporain. Le documentaire prend ici la forme, bien identifi&eacute;e, des entretiens avec les auteurs, questionn&eacute;s sur leurs origines et les &eacute;v&eacute;nements marquants de leur vie, et dont les propos sont entrecoup&eacute;s de lectures d&rsquo;extraits de leurs &oelig;uvres. &Agrave; cet &eacute;gard, l&rsquo;une des &eacute;missions les plus marquantes est celle qu&rsquo;il consacre &agrave; Jean Rouch, en juin 1961. &Agrave; cette date, Rouch a d&eacute;j&agrave; produit plusieurs de ses longs m&eacute;trages documentaires, dont&nbsp;<em>Moi un noir</em>&nbsp;en 1958, qui re&ccedil;oit le Prix Louis Delluc, et son corpus de courts m&eacute;trages sur la culture songha&iuml;, ainsi que&nbsp;<em>Les Ma&icirc;tres fous</em>&nbsp;en 1954. &laquo;&nbsp;Ces moments que nous allons passer avec Jean Rouch nous feront d&eacute;couvrir d&rsquo;autres limites que les n&ocirc;tres. [&hellip;] Nous entrerons ainsi dans un monde nouveau o&ugrave; pourtant nous ne nous sentirons pas &eacute;trangers&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: Pivin est &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence marqu&eacute; par la d&eacute;marche de Rouch, par rapport &agrave; laquelle il va se positionner dans ses propres r&eacute;alisations.&nbsp;<em>Au</em>&nbsp;<em>cours de ces instants&nbsp;</em>reprend les m&ecirc;mes principes. Les auteurs maghr&eacute;bins, sub-sahariens, n&eacute;o-cal&eacute;doniens, martiniquais sont nombreux &agrave; se succ&eacute;der au micro de Jos&eacute; Pivin (Driss Chra&iuml;bi, Mohammed Dib, Jean Mariotti, Albert Cossery, Aim&eacute; C&eacute;saire, Malek Ouary, les &eacute;poux Schwarz-Bart&hellip;), mais aussi les auteurs qu&eacute;b&eacute;cois, les dramaturges, les penseurs et les po&egrave;tes de son temps.</p> <p>Un deuxi&egrave;me ensemble regroupe des &eacute;missions &agrave; caract&egrave;re d&rsquo;enqu&ecirc;te&nbsp;: une enqu&ecirc;te de type historique dans&nbsp;<em>Analyse spectrale de l&rsquo;Occident</em>&nbsp;(1959-1962), o&ugrave; est interrog&eacute;e l&rsquo;histoire sociale, philosophique et &eacute;conomique de l&rsquo;Europe &agrave; partir de textes litt&eacute;raires mis en voix ; et une enqu&ecirc;te sur les r&eacute;alit&eacute;s et les grandes probl&eacute;matiques contemporaines dans&nbsp;<em>Recherche de notre temps</em>&nbsp;(1963-1964). Il s&rsquo;agit l&agrave; encore de s&rsquo;entretenir avec des personnalit&eacute;s repr&eacute;sentatives de la soci&eacute;t&eacute; civile&nbsp;: philosophes, m&eacute;decins, ing&eacute;nieurs, chefs d&rsquo;entreprise, directeurs d&rsquo;institutions, &eacute;tudiants, professeurs, d&eacute;l&eacute;gu&eacute;s du personnel, membres du clerg&eacute; etc., sur des th&egrave;mes aussi divers et vastes que la souffrance, la d&eacute;linquance, la religion, le sentiment du temps, la vieillesse, la famille, l&rsquo;homme et l&rsquo;objet, le bonheur&hellip;</p> <p>Un dernier apport de Pivin &agrave; cette veine documentaire est sa participation &agrave; l&rsquo;ample et remarquable &eacute;mission de recherche historique et archivistique sur le th&eacute;&acirc;tre, anim&eacute;e initialement par Jouvet puis par L&eacute;on Chancerel,&nbsp;<em>Prestige du th&eacute;&acirc;tre</em>. Jos&eacute; Pivin y succ&egrave;de en 1963 &agrave; Ren&eacute; Guinard et Alain Trutat en tant que r&eacute;alisateur.</p> <p>Cet ensemble d&rsquo;&eacute;missions documentaires ne se signale ni par un format novateur, ni par une mise en ondes qui se d&eacute;marque des pratiques de l&rsquo;&eacute;poque. En revanche, il frappe par l&rsquo;attention que Jos&eacute; Pivin y porte &agrave; situer m&eacute;thodiquement son auditeur dans la perspective pr&eacute;cise d&rsquo;une construction intellectuelle et culturelle europ&eacute;enne dont le r&eacute;alisateur s&rsquo;attache &agrave; poser les grands jalons id&eacute;ologiques et techniques, ainsi que par son souci &agrave; faire dialoguer cet Occident avec des porte-paroles d&rsquo;autres soci&eacute;t&eacute;s et d&rsquo;autres syst&egrave;mes de pens&eacute;e. Ce faisant, il pr&eacute;pare la voie au d&eacute;centrement que mettront en &oelig;uvre ses cr&eacute;ations camerounaises.</p> <p>De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; de la veine documentaire se constitue la production &eacute;crite, dramatique et po&eacute;tique, qui emprunte principalement deux axes. Le premier est celui des pi&egrave;ces unitaires&nbsp;: c&rsquo;est d&rsquo;une part la reprise des contes pour enfants compos&eacute;s en Alg&eacute;rie, avec l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<em>Fermez vos cahiers</em>&nbsp;qui d&eacute;marre en 1964 et propose des univers inspir&eacute;s tant de la tradition des contes europ&eacute;ens que de traditions africaines, comme en t&eacute;moignent les contes du &laquo;&nbsp;Chacal de la for&ecirc;t de Ba&iuml;nem&nbsp;&raquo;, de &laquo;&nbsp;La Djinnia du djebe Ouahch Ouahch&nbsp;&raquo;, ou de &laquo;&nbsp;La petite sir&egrave;ne du Saraha&nbsp;&raquo;&nbsp;; c&rsquo;est d&rsquo;autre part la production des vignettes d&rsquo;<em>Aquarium</em>&nbsp;(1971-1977) o&ugrave; l&rsquo;&eacute;criture de Pivin se lib&egrave;re de toute trame narrative et de toute contrainte de sens, donne libre cours &agrave; la fantaisie, et fait la part belle &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rimentation&nbsp;vocale, sonore, rythmique, servie par la voix de grands interpr&egrave;tes dont le grain met le son au premier plan.</p> <p>Le second axe concerne la production des feuilletons. En 1963 na&icirc;t&nbsp;<em>Le merveilleux voyage de Suzanne Michel&nbsp;</em>qui donnera lieu &agrave; huit &eacute;pisodes, puis&nbsp;<em>Jean Loup la pipe</em>&nbsp;(1971), le retentissant&nbsp;<em>&Agrave; la poursuite des Maillots Noirs</em>&nbsp;(1973), suivi du&nbsp;<em>Chevalier &agrave; la charrette</em>&nbsp;(1975). Dans l&rsquo;intervalle, entre 1964 et 1969, Georges Godebert r&eacute;alise dans son &eacute;mission engag&eacute;e&nbsp;<em>Th&eacute;&acirc;tre Noir</em>&nbsp;la mise en ondes d&rsquo;&oelig;uvres litt&eacute;raires d&rsquo;auteurs africains, interpr&eacute;t&eacute;es par les com&eacute;diens de la Compagnie des Griots (troupe &eacute;tudiante qui se constitue en 1956 et se f&eacute;d&egrave;re bient&ocirc;t autour de Roger Blin et de Toto Bissainthe, puis de Jean-Marie Serreau), enti&egrave;rement constitu&eacute;e de com&eacute;diens des territoires ultramarins, africains, carib&eacute;ens, r&eacute;unionnais. Or Godebert met d&eacute;j&agrave; en place ce que Pivin va radicaliser, en faisant alterner les s&eacute;quences parl&eacute;es des dialogues entre les personnages, sans aucun fond sonore ou tr&egrave;s rarement, avec des s&eacute;quences musicales constitu&eacute;es d&rsquo;authentiques documents pr&eacute;lev&eacute;s dans la r&eacute;alit&eacute; africaine dont ils font entendre les voix, les rythmes, les instruments, les bruits de la nature, ou des moments privil&eacute;gi&eacute;s de f&ecirc;te et de rassemblement.</p> <p>Pivin va ainsi concevoir ces objets hybrides que sont ses grands feuilletons radiophoniques, notamment&nbsp;<em>&Agrave; la poursuite des Maillots Noirs</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Le Chevalier &agrave; la charrette</em>, dans lesquels il syst&eacute;matise, &agrave; contre-courant des productions de l&rsquo;&eacute;poque, le principe de la juxtaposition des s&eacute;quences&nbsp;parl&eacute;es et des s&eacute;quences bruit&eacute;es&nbsp;: rejetant le mixage, il ins&egrave;re, entre les plages de texte qui restent majoritaires, les enregistrements de sons pour eux-m&ecirc;mes dont l&rsquo;isolement, soulign&eacute; par les silences qui les introduisent et les concluent, intensifie et dilate l&rsquo;expressivit&eacute;.</p> <p>Ces s&eacute;quences qui s&rsquo;autonomisent de la narration, que Pivin qualifie d&rsquo;enluminures sonores&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>, cr&eacute;ent une profondeur de champ qui ne repose pas sur la superposition des strates sonores, mais &agrave; l&rsquo;inverse sur le parti pris de ne faire &eacute;couter qu&rsquo;une seule chose &agrave; la fois, de dissocier les &eacute;coutes. Elle se renforce du contraste avec le plan textuel, sa lin&eacute;arit&eacute;, sa logique causale, ses rails cognitifs. L&rsquo;alternance de ces s&eacute;quences en studio et hors studio, par la gymnastique qu&rsquo;elle impose &agrave; l&rsquo;esprit de l&rsquo;auditeur, fait prendre conscience de la diff&eacute;rence de ces modes d&rsquo;&eacute;coute, constituant une sorte d&rsquo;application en direct de la th&eacute;orisation des &eacute;coutes schaefferiennes.</p> <p>Le proc&eacute;d&eacute; finit par faire basculer la production, et le genre de l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;: on a l&rsquo;impression que la narration devient, &agrave; la fin des&nbsp;<em>Maillots Noirs</em>, pur pr&eacute;texte &agrave; diffuser ces &laquo;&nbsp;objets sonores&nbsp;&raquo; autour desquels la trame se fait de plus en plus l&acirc;che, et qui d&eacute;s&eacute;quilibrent le feuilleton au profit du documentaire. Mais peut-&ecirc;tre serait-il plus juste de dire que la vis&eacute;e des&nbsp;<em>Maillots Noirs</em>&nbsp;&eacute;tait d&rsquo;embl&eacute;e documentaire. Le feuilleton en effet se fonde sur le premier voyage de Jos&eacute; Pivin au Mali et au B&eacute;nin, dont il rapporte une impressionnante collecte de vignettes sonores, r&eacute;pertori&eacute;es &agrave; l&rsquo;INA : &laquo; Gao : Landrover sur t&ocirc;le ondul&eacute;e &raquo;, &laquo; Ansongo : bruit de poissons et de vagues &raquo;, &laquo; Mali : entre Gohsi et Gourma-Rharous &raquo;, &laquo;&nbsp;Ambiance : Circulation sur la route de Porto Novo et march&eacute; de Sak&eacute;t&eacute; au B&eacute;nin &raquo;, &laquo; Porto Novo n&deg;2 : enfants et revenant &raquo;, &laquo; Bourdonnements de roussettes, tam tam, march&eacute; de Cotonou &raquo;, &laquo; Abomey : Tapisseries et feux de brousse &raquo;&hellip;</p> <p>Pivin ne se lasse pas d&rsquo;&eacute;couter et de capturer ses &eacute;coutes, afin de les transmettre, du m&ecirc;me geste qui le poussait avant &agrave; diffuser les &eacute;l&eacute;ments de la culture alg&eacute;rienne dans laquelle il se frayait un chemin selon ses moyens. Le saisissement de l&rsquo;oreille par ces sons &laquo; nouveaux&nbsp;&raquo; vis-&agrave;-vis desquels elle ne se sent pourtant pas &laquo; &eacute;trang&egrave;re &raquo;, et leur ressaisie gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;enregistrement puis aux diffusions radiophoniques, semblent avoir &eacute;t&eacute; pour Pivin l&rsquo;outil m&ecirc;me de l&rsquo;entr&eacute;e sensorielle, moins affect&eacute;e id&eacute;ologiquement, dans les autres cultures. &Agrave; la fois une mani&egrave;re de passer le barrage de la langue et des pr&eacute;jug&eacute;s, d&rsquo;entrer de plain-pied dans la r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;Autre ; et une mani&egrave;re d&rsquo;apporter cette exp&eacute;rience et cette pl&eacute;nitude sensibles jusqu&rsquo;&agrave; ceux qui ne peuvent ou ne veulent pas voyager : il n&rsquo;est pas fortuit que le feuilleton des&nbsp;<em>Maillots Noirs&nbsp;</em>mette en sc&egrave;ne monsieur et madame Terril, devenus marchands de bois tropicaux par amour des parfums que d&eacute;gagent ces arbres (dont l&rsquo;acajou), mais qui &laquo;&nbsp;n&rsquo;avaient pas foul&eacute; l&rsquo;Afrique, car ils n&rsquo;osaient pas, m&ecirc;me les noms leur faisaient peur&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;intrigue permet de parcourir le territoire africain, tandis que Pivin d&eacute;roule un r&eacute;cit quelque peu d&eacute;cousu qui puise largement &agrave; la r&eacute;alit&eacute; biographique puisque Sandar, le fils adopt&eacute; par les Terril, est interpr&eacute;t&eacute; dans l&rsquo;&eacute;pisode 1 par Sony Labou Tansi, &laquo;&nbsp;adopt&eacute;&nbsp;&raquo; amicalement et familialement par Jos&eacute; et Suzanne Pivin en 1973&nbsp;: c&rsquo;est le t&eacute;moignage de Labou Tansi, long et tr&egrave;s frappant, sur son arriv&eacute;e en France, qu&rsquo;on entend dans cet &eacute;pisode liminaire.</p> <p>De l&agrave; d&eacute;coule la composition rythmique et chromatique tr&egrave;s particuli&egrave;re des feuilletons de Pivin, o&ugrave; le geste d&rsquo;insertion documentaire dans le tissu narratif, loin de chercher &agrave; se fondre, s&rsquo;exhibe au contraire, rompant brutalement &ndash; politiquement, au sens que Ranci&egrave;re a conf&eacute;r&eacute; &agrave; ce mot &ndash; le rythme et la texture de l&rsquo;&eacute;change verbal en studio pour imposer sa mat&eacute;rialit&eacute; sonore, sa spatialit&eacute; et sa temporalit&eacute; propres. L&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; des deux r&eacute;gimes est soulign&eacute;e, revendiqu&eacute;e, dans un geste qui renverse la hi&eacute;rarchie des genres. Ce qui &eacute;tait illustration devient la substance m&ecirc;me du langage radiophonique, et la fiction bascule dans l&rsquo;anecdotique. Ces ruptures r&eacute;p&eacute;t&eacute;es produisent &agrave; l&rsquo;&eacute;coute un inconfort, assum&eacute; par Pivin qui s&rsquo;amuse avec d&eacute;sinvolture, irr&eacute;v&eacute;rence, de l&rsquo;incongruit&eacute; qui troue la fiction : ainsi des s&eacute;quences documentaires o&ugrave; on l&rsquo;entend lui-m&ecirc;me interroger ses interlocuteurs africains pour se faire expliquer les traditions et les agissements des tribus ou villages qu&rsquo;il traverse.</p> <p>&Agrave; ce stade la production de Pivin met en place une esth&eacute;tique du contraste et du d&eacute;s&eacute;quilibre, dont la radicalit&eacute; vient probl&eacute;matiser le positionnement de l&rsquo;auditeur&nbsp;: pas seulement sa position devant le son, mais aussi sa position id&eacute;ologique, son &eacute;chelle de valeurs et sa situation dans le monde. Pour reprendre la pens&eacute;e de Ranci&egrave;re&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>, les images sonores de Pivin agissent effectivement comme des &laquo;&nbsp;op&eacute;rateurs de transformation&nbsp;&raquo;, des &laquo;&nbsp;passages&nbsp;&raquo; d&rsquo;une &laquo;&nbsp;sc&egrave;ne&nbsp;&raquo; politique &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire de saisie sensible et intellectuelle, de structuration du monde &ndash; &agrave; une autre.</p> <h2>3. Les &oelig;uvres camerounaises ou le chant du document<br /> &nbsp;</h2> <p>Les trois grandes &oelig;uvres camerounaises se pr&eacute;sentent comme l&rsquo;aboutissement de cette d&eacute;marche et d&rsquo;une r&eacute;flexion sur la nature du son et sa fonction. Avec&nbsp;<em>Un arbre acajou</em>,&nbsp;<em>Op&eacute;ra du Cameroun</em>&nbsp;et le&nbsp;<em>Transcamerounais</em>, Pivin invente un objet radiophonique qui ne ressemble &agrave; aucun autre dans ces ann&eacute;es-l&agrave;, et dont on peut se demander s&rsquo;il est au c&oelig;ur ou aux limites du documentaire tant il en &eacute;branle le cadre et en rejette les conventions &ndash; tout en travaillant &agrave; lui redonner sa pleine acception. De cet objet on ne saurait tirer aucune r&egrave;gle, car c&rsquo;est d&rsquo;abord un objet qui prend sa forme de son sujet m&ecirc;me&nbsp;: en l&rsquo;occurrence cette partie du continent africain. C&rsquo;est pourquoi les aspects que j&rsquo;en rel&egrave;verai ne sont pas &eacute;largissables &agrave; un discours g&eacute;n&eacute;ral sur le documentaire chez Pivin, mais concernent pr&eacute;cis&eacute;ment ces trois pi&egrave;ces.</p> <p>Le premier geste qui les caract&eacute;rise est que le texte y tend vers sa disparition. Proportionnellement il occupe une place tr&egrave;s r&eacute;duite, qui va diminuant depuis&nbsp;<em>Un arbre acajou</em>&nbsp;jusqu&rsquo;au&nbsp;<em>Transcamerounais</em>. Du documentaire, Pivin retire en premier lieu deux &eacute;l&eacute;ments principaux de ses objectifs informatif et didactique d&eacute;clar&eacute;s&nbsp;: les questions et les commentaires. Jamais Pivin ne se met en position d&rsquo;expliquer &agrave; l&rsquo;auditeur ce qui est livr&eacute; &agrave; son &eacute;coute, refusant toute position de surplomb comme toute approche qui ne passerait pas d&rsquo;abord par la saisie sensible, intuitive, ph&eacute;nom&eacute;nologique (que produit ce son sur celui qui le per&ccedil;oit et s&rsquo;y adonne&nbsp;?) du mat&eacute;riau sonore. C&rsquo;est bien le contraire de l&rsquo;approche guid&eacute;e qui est en jeu&nbsp;:&nbsp;<em>c&rsquo;est dans la mesure o&ugrave; l&rsquo;auditeur ignore ce qu&rsquo;il &eacute;coute qu&rsquo;il &eacute;coute,&nbsp;</em>qu&rsquo;il peut &eacute;couter, qu&rsquo;il agrandit ses pavillons comme on &eacute;carquille les yeux pour mieux voir dans l&rsquo;obscurit&eacute;.</p> <p>&Agrave; la place des questions, Pivin travaille les&nbsp;<em>bruits questionnants</em>, dans un subtil dosage entre des motifs que l&rsquo;auditeur peut identifier, qui lui servent de rep&egrave;res ou de porte d&rsquo;entr&eacute;e dans cet univers &eacute;tranger, et des sons inou&iuml;s, non reconnaissables, qui irradient de l&rsquo;impossibilit&eacute; o&ugrave; est l&rsquo;auditeur de les r&eacute;duire &agrave; un sch&eacute;ma de compr&eacute;hension&nbsp;: alors le son se d&eacute;ploie dans sa logique propre et recouvre les caract&egrave;res concrets, physiques, dont les habitudes auditives le privent. Voici l&rsquo;auditeur oblig&eacute; de remonter&nbsp;<em>&agrave; la source du son</em>, se demandant quelle forme, quelle mati&egrave;re, quels usages peuvent donc produire une telle sonorit&eacute;. Ainsi, par exemple, du soufflet du forgeron d&rsquo;<em>Op&eacute;ra du Cameroun</em>, ou de la scie d&rsquo;<em>Un arbre acajou</em>. Le retrait de toute parole m&eacute;diatrice a pour imm&eacute;diat effet le transport et l&rsquo;inclusion de l&rsquo;auditeur dans une sc&egrave;ne o&ugrave; il est contraint d&rsquo;entrer, qu&rsquo;il est contraint d&rsquo;incorporer pour la comprendre&nbsp;: &agrave; cet &eacute;gard, la s&eacute;quence du conteur muet qui fait rire aux larmes les enfants, hommes et femmes de la communaut&eacute; dans&nbsp;<em>Op&eacute;ra</em>&nbsp;<em>du Cameroun</em>&nbsp;est exemplaire, autant que les &eacute;v&eacute;nements qui jalonnent le voyage en train du&nbsp;<em>Transcamerounais</em>.</p> <p>Dans ces documentaires de Pivin, il n&rsquo;est pas question d&rsquo;&ecirc;tre guid&eacute; mais de se perdre. &Agrave; cet effet l&rsquo;auteur conjugue plusieurs proc&eacute;d&eacute;s. J&rsquo;en rel&egrave;verai trois principaux. En premier lieu, l&rsquo;absence de tout fil narratif, qui va &agrave; l&rsquo;encontre des lois du genre, travaille avec l&rsquo;ouverture maximale du cadre spatial. &Agrave; aucun moment Pivin ne borne le regard en ins&eacute;rant ce qui ferait office de didascalies pr&eacute;cisant les diff&eacute;rents lieux parcourus. Et les tr&egrave;s laconiques phrases qui ouvrent&nbsp;<em>Un arbre acajou&nbsp;</em><a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>&nbsp;et&nbsp;<em>Le Transcamerounais&nbsp;</em><a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;produisent m&ecirc;me un effet de leurre&nbsp;: elles donnent l&rsquo;illusion rassurante, au seuil de l&rsquo;&eacute;mission, que cette voix narratrice continuera sur sa lanc&eacute;e et accompagnera l&rsquo;auditeur dans le p&eacute;riple. Il n&rsquo;en est rien, et l&rsquo;illusion est d&rsquo;autant plus am&egrave;re que ces pr&eacute;cisions sont donn&eacute;es pour mieux l&rsquo;&eacute;garer&nbsp;: d&egrave;s la fin de la derni&egrave;re phrase, l&rsquo;univers sonore se referme sur lui et le plonge dans l&rsquo;inconnu qu&rsquo;il a &agrave; charge d&rsquo;apprivoiser, seul. Qu&rsquo;importe qu&rsquo;il soit dans la for&ecirc;t tropicale d&rsquo;Edea ou au Nord du Dahomey&nbsp;: il n&rsquo;y voit plus rien et ne devra plus se fier qu&rsquo;&agrave; son ou&iuml;e.</p> <p>Ainsi le voyage advient-il vraiment, dans la mesure o&ugrave; le son ne vient plus d&eacute;signer un objet ou un territoire mais devient&nbsp;<em>le lieu m&ecirc;me</em>. Pivin ne travaille pas un son indiciel mais simultan&eacute;ment l&rsquo;<em>objet sonore&nbsp;</em>et le&nbsp;<em>fait sonore</em>, pour reprendre la terminologie de R.&nbsp;Murray Schafer, qu&rsquo;il parvient &agrave; rendre dans leur dimension r&eacute;elle, c&rsquo;est-&agrave;-dire toujours plus large, plus riche, plus complexe que ce que l&rsquo;auditeur n&rsquo;en peut saisir ou percevoir. &Agrave; rebours du documentaire qui cherche &agrave; circonscrire sa question, Pivin opte r&eacute;solument pour un son dont il met en sc&egrave;ne la capacit&eacute; &agrave; &eacute;chapper &agrave; une &eacute;coute qui refuserait de prendre le temps n&eacute;cessaire &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire toujours recommenc&eacute;.</p> <p>De ce point de vue, la prise de son joue un r&ocirc;le essentiel, qui fait bouger l&rsquo;audition du tr&egrave;s proche au tr&egrave;s lointain et ne cesse de se d&eacute;saxer, cr&eacute;ant litt&eacute;ralement un &eacute;quivalent sonore &agrave; l&rsquo;immensit&eacute;, &agrave; la profondeur, &agrave; la mobilit&eacute; de l&rsquo;espace africain. Se substituant &agrave; l&rsquo;histoire qui n&rsquo;est plus racont&eacute;e, le son devient narration, pleinement, &agrave; travers ses miroitements et ses &eacute;nigmes.</p> <p>Cette disparition du texte et de la lin&eacute;arit&eacute; d&rsquo;une enqu&ecirc;te se r&eacute;percute sur le traitement de la temporalit&eacute;. Un second proc&eacute;d&eacute; caract&eacute;ristique des documentaires africains de Pivin est l&rsquo;immersion de l&rsquo;auditeur dans une temporalit&eacute; longue. Au &laquo;&nbsp;pour &eacute;couter, il faut ignorer ce qu&rsquo;on &eacute;coute&nbsp;&raquo; fait ici pendant un autre parti pris&nbsp;: &laquo;&nbsp;pour &eacute;couter, il faut &eacute;couter longtemps&nbsp;&raquo;. Dilater le temps, c&rsquo;est dilater le son &ndash; et inversement. C&rsquo;est aussi l&rsquo;ouvrir &agrave; la multiplicit&eacute; des &eacute;v&eacute;nements, pass&eacute;s et pr&eacute;sents, qui le constituent. Rien n&rsquo;est plus efficace que les quarante minutes que dure l&rsquo;abattage de l&rsquo;arbre acajou. Derri&egrave;re l&rsquo;invraisemblable bruit de la scie qui s&rsquo;efforce &agrave; grands ahans, ce sont les cent cinquante ans de l&rsquo;arbre, sa pouss&eacute;e lente, son architecture fantastique, ses ramifications souterraines et les liens qu&rsquo;il a &eacute;tablis avec les hommes, les animaux et son milieu &ndash; mais ce sont aussi la patiente et p&eacute;rilleuse constitution du savoir-faire des hommes, leur lent apprentissage d&rsquo;eux-m&ecirc;mes et du monde qui les entoure, leurs rites, leurs alliances et leurs rivalit&eacute;s, qui se font entendre&nbsp;: rien de moins donc que la&nbsp;<em>l&eacute;gende</em>, ce<em>&nbsp;qui est &agrave; lire&nbsp;</em>dans le tronc d&rsquo;un arbre, ou dans le son de ce tronc qu&rsquo;on abat, ou dans le son des gestes de ceux qui l&rsquo;abattent. Le temps d&rsquo;&eacute;coute fait entrer dans la caverne du son, et lui redonne simultan&eacute;ment son histoire, son &eacute;paisseur, sa ph&eacute;nom&eacute;nologie&nbsp;<em>et</em>&nbsp;son &eacute;tranget&eacute; irr&eacute;ductible.</p> <p>&Agrave; la question&nbsp;: &laquo;&nbsp;comment faire &eacute;couter un train pendant cinquante minutes&nbsp;?&nbsp;&raquo;, Pivin r&eacute;pond&nbsp;: en traitant les diff&eacute;rentes facettes du son du train comme l&rsquo;interviewer recueille la parole des gens dans la rue. Pivin et son preneur de son font ainsi entendre le paysage qui d&eacute;file derri&egrave;re les vitres, les banquettes o&ugrave; les voyageurs mangent et s&rsquo;interpellent, les essieux, le ronflement du Diesel, le grincement des wagons, leur enfilade, les conversations &agrave; deux ou les voix se r&eacute;pondant &agrave; la cantonade, les &eacute;changes entre gens de la gare et voyageurs, les coups de sifflet, les klaxons de la motrice, le bruit de l&rsquo;air entrant par les fen&ecirc;tres, les boissons et les nourritures consomm&eacute;es &agrave; bord, les vendeurs de bananes, les altercations, les passe-temps, les explications du machiniste, ou encore l&rsquo;ennui des heures du voyage ou la bigarrure sonore des places de march&eacute;&hellip; Et &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de cette libre &eacute;coute d&eacute;ambulatoire, l&rsquo;auditeur est lui-m&ecirc;me libre de circuler, car le micro de Pivin est bien &eacute;lev&eacute;, il ne pointe pas vers son interlocuteur, il n&rsquo;est pas plus d&eacute;monstratif que la voix narratrice absente. Il d&eacute;ploie. Les codes du documentaire valsent. Le travail de la forme se fait depuis l&rsquo;int&eacute;rieur du son.</p> <p>Le troisi&egrave;me proc&eacute;d&eacute; majeur de cette production africaine est le traitement de la parole. Celle-ci intervient essentiellement de trois fa&ccedil;ons&nbsp;: par la voix de Pivin d&rsquo;abord, qui, on l&rsquo;a dit, ouvre la porte sur le monde &agrave; &eacute;couter en quelques phrases liminaires nommant un lieu, une ann&eacute;e, et un d&eacute;sir (<em>Le Transcamerounais</em>) ou un objet (<em>Un arbre acajou</em>). Cette voix intervient pour assumer une &eacute;thique et une po&eacute;tique du documentaire, elle les assume simultan&eacute;ment par sa pr&eacute;sence compt&eacute;e et par son retrait d&eacute;finitif aussit&ocirc;t apr&egrave;s l&rsquo;annonce.</p> <p>Par les voix, ensuite : si ces trois pi&egrave;ces sont d&eacute;pourvues de r&eacute;cit, elles fourmillent de voix. Et il semble que dans cette notion de voix vienne se cristalliser le geste documentaire de Pivin. Car il n&rsquo;&eacute;coute pas le monde selon une cat&eacute;gorisation qui distinguerait entre voix humaines, bruits de la nature, bruits m&eacute;caniques ; ni selon une hi&eacute;rarchie qui classerait entre discours individuel/rumeur collective ; bruits proches/bruits lointains ; bruits identifiables/bruits innommables ; sons harmonieux/sons discordants, etc. Il l&rsquo;&eacute;coute au contraire comme si tout son &eacute;tait voix.</p> <p>Ce postulat n&rsquo;a rien d&rsquo;une vague posture. Il implique une politique (au sens large et fondamental du terme&nbsp;: organiser une co-pr&eacute;sence dans la cit&eacute; et entre cit&eacute;s), une esth&eacute;tique, une dramaturgie. Qui dit voix, dit (au moins) pr&eacute;sence (donc dialogue possible)&nbsp;; alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;; expressivit&eacute;&nbsp;; organicit&eacute;. Qui dit voix dit aussi possibilit&eacute; d&rsquo;un chant, donc d&rsquo;une forme de lyrisme. Qui dit voix dit encore harmonie possible. Mais que serait donc l&rsquo;expressivit&eacute; d&rsquo;un train, d&rsquo;un tronc ? L&rsquo;organicit&eacute; d&rsquo;une mare&nbsp;? Le chant d&rsquo;une for&ecirc;t&nbsp;? La pr&eacute;sence (le dialogue avec) du vent&nbsp;? L&rsquo;harmonie entre la scie et le tronc&nbsp;? Quelle serait la voix d&rsquo;un groupe, d&rsquo;un village, d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;ration&nbsp;? D&rsquo;une immensit&eacute; spatiale&nbsp;? &Eacute;coutons Pivin&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je suis un sonneur sans sp&eacute;cialit&eacute;, cherchant &agrave; faire sonner mots et objets, pour les rendre capables de pr&eacute;sence de vie, et capables de communiquer leurs inimaginables envies&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>L&rsquo;extr&ecirc;me sensibilit&eacute; de Pivin aux qualit&eacute;s du sonore, sa capacit&eacute; instinctive &agrave; saisir la rythmique de chaque lieu comme de chaque situation humaine, le conduit &agrave; doter la texture de ses documentaires d&rsquo;un caract&egrave;re essentiellement musical. La vari&eacute;t&eacute; des langues et des usages de l&rsquo;appareil phonatoire, l&rsquo;infinie ponctuation des accents et des inflexions, la choralit&eacute; des groupements humains, les gammes singuli&egrave;res de l&rsquo;expression animale (&eacute;l&eacute;phants, grenouilles, hippopotames, oiseaux&hellip;), la rythmicit&eacute; et le son &laquo;&nbsp;juste&nbsp;&raquo; des techniques humaines (du b&ucirc;cheron au musicien, du pilon &agrave; la pagaie), l&rsquo;acoustique d&rsquo;une topographie, enfin les r&eacute;pertoires et pratiques musicales elles-m&ecirc;mes (vocales et instrumentales) dont la pr&eacute;sence est structurante dans les trois pi&egrave;ces africaines&nbsp;: tous ces &eacute;l&eacute;ments sont unis par la pens&eacute;e musicale de Pivin. C&rsquo;est elle qui rassemble &agrave; la fois les motifs composites et les s&eacute;quences autonomes de ces &oelig;uvres radiophoniques qu&rsquo;une appr&eacute;hension rapide pourrait juger d&eacute;cousues, d&eacute;pourvues de structure. Elles nous semblent au contraire relever d&rsquo;un m&ecirc;me principe d&rsquo;&eacute;criture et d&rsquo;une m&ecirc;me vision qui font ressortir le&nbsp;<em>chant</em>&nbsp;du monde et de la pr&eacute;sence humaine par-del&agrave; leur infinie diversit&eacute;. En ce sens, le motif unifiant du rire qui retentit partout et parfois comme son premier (ainsi de l&rsquo;ouverture d&rsquo;<em>Op&eacute;ra du Cameroun</em>&nbsp;!), et qu&rsquo;on suit comme un fil rouge dans ces trois &oelig;uvres, en dit long sur le regard que Pivin pose sur l&rsquo;homme et la mani&egrave;re dont il se positionne dans ses voyages en terre &laquo;&nbsp;nouvelle mais non pas &eacute;trang&egrave;re&nbsp;&raquo;. Mais l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;op&eacute;ra&nbsp;&raquo; du Cameroun n&rsquo;est pas une m&eacute;taphore, et le chant n&rsquo;est pas seulement celui des hommes, loin s&rsquo;en faut.</p> <p>Un principe de composition, il en faut pourtant un autre qui soit plus apparent peut-&ecirc;tre, sous peine d&rsquo;&eacute;garer l&rsquo;auditeur qui n&rsquo;ose pas s&rsquo;aventurer. Nous formulons l&rsquo;hypoth&egrave;se qu&rsquo;il est pris en charge par la voix des com&eacute;diens qui proposent ce faisant un troisi&egrave;me type de traitement de la parole. &Agrave; cette voix des acteurs, Pivin propose un r&eacute;gime d&rsquo;insertion particulier. Il ne met en effet jamais les acteurs en position de lecture ou de jeu conventionnels (c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;interpr&eacute;tation d&rsquo;un texte existant pr&eacute;alablement dont les acteurs endossent l&rsquo;&eacute;nonciation comme si la parole &eacute;manait directement d&rsquo;eux), mais en position de d&eacute;calage assum&eacute;, &agrave; la fois du point de vue de leur interpr&eacute;tation et du point de vue des paroles prononc&eacute;es. En fait, Pivin maintient dans les documentaires le m&ecirc;me hiatus entre les paroles prononc&eacute;es et les objets sonores qu&rsquo;il l&rsquo;avait fait dans ses feuilletons. Les voix des com&eacute;diens se tiennent dans une sorte d&rsquo;ind&eacute;termination assez virtuose entre vraie et fausse confidence, vraie et fausse conversation improvis&eacute;e, vraie et fausse sortie po&eacute;tique, bribes de r&eacute;cits vol&eacute;es ou &agrave; la commande, rires spontan&eacute;s ou orchestr&eacute;s, etc. De sorte que ce qu&rsquo;ils disent est toujours maintenu &agrave; distance des objets sonores, comme les voix des acteurs de Rohmer le sont de leurs personnages. Pas d&rsquo;identification, pas d&rsquo;adh&eacute;rence, pas de fiction. Rien qui viendrait orienter l&rsquo;&eacute;coute. Dans&nbsp;<em>Un arbre acajou</em>, les phrases elliptiques &eacute;gren&eacute;es au long de l&rsquo;agonie de l&rsquo;arbre&nbsp;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12">[12]</a>&nbsp;retentissent comme des contrepoints &agrave; la fois lointains (un langage &eacute;tranger &agrave; l&rsquo;arbre) et profond&eacute;ment reli&eacute;s &agrave; ce qui se joue dans cet abattage, elles maintiennent un &eacute;cart&egrave;lement entre les deux sc&egrave;nes qui r&eacute;active l&rsquo;attention au bruit dominant et r&eacute;p&eacute;titif des coups sur le tronc. Les objets sonores ne sont jamais enrob&eacute;s par une parole ext&eacute;rieure. Tout au plus cette parole vient-elle retentir &agrave; distance respectueuse, ouvrant l&rsquo;espace d&rsquo;un possible dialogue que l&rsquo;auditeur est libre d&rsquo;investir ou non. La pens&eacute;e de Pivin s&rsquo;inscrit comme un &eacute;cho, elle ouvre un espace de r&eacute;sonance.</p> <p>La seule exception &agrave; ce traitement appara&icirc;t exactement au centre d&rsquo;<em>Op&eacute;ra du</em>&nbsp;<em>Cameroun</em>, sous la forme d&rsquo;un long texte dit par Fran&ccedil;ois Marthouret d&eacute;crivant les effets atroces de la famine sur les hommes. Cette fois le d&eacute;calage n&rsquo;&eacute;mane plus de l&rsquo;interpr&eacute;tation du com&eacute;dien, mais du montage qui fait se succ&eacute;der ce r&eacute;cit de la famine avec la longue et splendide s&eacute;quence de la f&ecirc;te et des tourbillons dans&eacute;s de Rey Bouba. Ce trou noir au c&oelig;ur des tableaux africains provoque un double effet de rupture qui scelle la coh&eacute;rence du geste documentaire de Pivin. D&rsquo;une part il coupe court, tr&egrave;s fermement, au ton et au langage habituellement employ&eacute;s pour parler des famines en Afrique&nbsp;: le discours occidental, oscillant entre apitoiement et alignement de chiffres, est ici remplac&eacute; par le langage concret et imag&eacute; de la culture africaine, qui substitue aux clich&eacute;s m&eacute;diatiques les visions simples et inoubliables d&rsquo;un fl&eacute;au v&eacute;cu de l&rsquo;int&eacute;rieur&nbsp;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13">[13]</a>. Jamais Pivin ne faillira &agrave; tenir cette ligne id&eacute;ologique et po&eacute;tique, refusant tant le jugement ext&eacute;rieur que la mise en avant de ses impressions personnelles. D&rsquo;autre part, il court-circuite l&rsquo;impression d&rsquo;une Afrique id&eacute;ale, idyllique, qui pourrait na&icirc;tre de la succession de ces tableaux sonores.</p> <p>Force est donc d&rsquo;admettre ce constat joyeux&nbsp;: au terme de son voyage au Cameroun, l&rsquo;auditeur de Pivin ne sait rien, n&rsquo;a rien compris, ne s&rsquo;est rien fait expliquer. Il n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; document&eacute;. Tout au plus a-t-il tendu l&rsquo;oreille, devin&eacute;, entraper&ccedil;u, &eacute;t&eacute; embarqu&eacute;, s&rsquo;est-il abandonn&eacute;. Il a &eacute;t&eacute; d&eacute;-rout&eacute;. Pivin n&rsquo;a pas du tout rendu l&rsquo;Afrique proche ou compr&eacute;hensible. Il l&rsquo;a d&eacute;prise des discours port&eacute;s sur elle, des repr&eacute;sentations n&eacute;cessairement erron&eacute;es qui la remplacent dans l&rsquo;esprit des Europ&eacute;ens. Il l&rsquo;a rendue sensiblement pr&eacute;sente, dans la pl&eacute;nitude de son alt&eacute;rit&eacute;.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;&Agrave; titre d&rsquo;exemple, il n&rsquo;existe pas de notice Wikip&eacute;dia sur Georges Godebert, sur Ren&eacute; Jentet, sur Kaye Mortley, sur Andrew Orr&hellip;</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;La revue para&icirc;t tous les deux mois &agrave; Alger, le premier num&eacute;ro date de janvier 1950, le dernier num&eacute;ro, un num&eacute;ro double 7-8, sort en f&eacute;vrier 1952. La revue est accessible sous la c&ocirc;te 8-JO-17124 &agrave; la BnF.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Jos&eacute; Pivin,&nbsp;<em>Sahara : chants des Touaregs Ajjer</em>, &eacute;d. Le Chant du Monde LDY 4160, 1955&nbsp;; et&nbsp;<em>Au c&oelig;ur du Sahara avec les Touaregs Ajjer</em>, &eacute;d. Le Chant du Monde, LD-M-8239, 25 cm /33 t., cit&eacute;s in&nbsp;<em>&Eacute;tudes</em>&nbsp;<em>Touar&egrave;gues</em>, sous la direction de Salem Chaker, coll. &laquo; Travaux et documents&nbsp;&raquo; de l&rsquo;I.R.E.M.A.M.&nbsp;(Institut de recherche et d&rsquo;&eacute;tudes sur le monde arabe et musulman), n&deg;5, Aix-en-Provence, CNRS Universit&eacute;s d&rsquo;Aix-Marseille, et ACCT Paris, 1988 (en ligne&nbsp;:&nbsp;<a href="https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers18-05/27334.pdf" target="_blank">https://horizon.documentation.ird.fr/exl-doc/pleins_textes/divers18-05/27334.pdf</a>&nbsp;).</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Pol&egrave;ne est en r&eacute;alit&eacute; le surnom de la femme de Jos&eacute; Pivin, Odile Meyer, qui produit et anime l&rsquo;&eacute;mission. Ces informations proviennent du pr&eacute;cieux blog d&rsquo;Andr&eacute; Limoges&nbsp;: http://andrelimoges.unblog.fr/2010/02/21/lemission-enfantine-de-radio-alger/</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;<em>Tous les plaisirs du jour sont dans la matin&eacute;e</em>, &laquo;&nbsp;Jean Rouch&nbsp;&raquo;, RTF, production de Jos&eacute; Pivin, diffusion le 29 juillet 1961, n&deg; de notice INA&nbsp;: PHD89004597.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;<em>Radio archives</em>, &laquo;&nbsp;Cycle Jos&eacute; Pivin, 1&nbsp;: Jos&eacute; Pivin r&eacute;alisateur et auteur&nbsp;&raquo;, France Culture, production Claire Chancel, diffusion le 11 septembre 1992, n&deg; de notice INA&nbsp;: 00755118.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;<em>&Agrave; la poursuite des</em>&nbsp;<em>Maillots Noirs,&nbsp;</em>premier &eacute;pisode, France Culture, production Jos&eacute; Pivin, diffusion le 1<sup>er</sup>&nbsp;octobre 1973, n&deg; de notice INA&nbsp;: PHD99221577.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Voir notamment Jacques Ranci&egrave;re,&nbsp;<em>Le Travail des images</em>. Conversations avec Andrea Soto Calder&oacute;n, Dijon, Les Presses du r&eacute;el, 2019.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;&laquo; C&rsquo;&eacute;tait au d&eacute;but de mars en 1973, dans le Nord du Dahomey, avant les monts de l&rsquo;Atacora. La r&eacute;gion est foresti&egrave;re, plus particuli&egrave;rement le long des marigots, ce jour-l&agrave; &agrave; sec. Non loin du village de P&eacute;nisoulou, se dressait un arbre, &acirc;g&eacute; de 150 ans, 3m50 de diam&egrave;tre aux contreforts &raquo; (<em>Un arbre acajou</em>, France Culture, production Jos&eacute; Pivin, diffusion le 31 d&eacute;cembre 1975, n&deg; de notice INA&nbsp;: PHD99225326.)</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;&laquo; Avril 1976, Cameroun, dans la for&ecirc;t tropicale, Ed&eacute;a, l&rsquo;apr&egrave;s-midi, chaud et humide. Lumi&egrave;re grise. Le train vient de Douala sur la lagune devant la mer. Le train, voie &eacute;troite, quelques vieux wagons bond&eacute;s, une matrice Diesel. Je voulais &ecirc;tre secou&eacute; au m&ecirc;me rythme que chacun. Se laisser conduire en m&ecirc;me temps que tous dans la for&ecirc;t, parler des pluies, s&rsquo;offrir une banane ou une mangue, achet&eacute;es &agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t des villages. Franchir des ravins sur des viaduc, &agrave; 10 &agrave; l&rsquo;heure, et, en se penchant, d&eacute;border sur le vide et les feuillages. Puis, la nuit arriv&eacute;e, Yaound&eacute;, la capitale. Changer de train. Et traverser les fra&icirc;cheurs du plateau de l&rsquo;Adamaoua. Dormir. Respirer au milieu de souffles semblables, ballot&eacute;s par les m&ecirc;mes chaos, &eacute;paules serr&eacute;es. Se r&eacute;veiller sans se rappeler o&ugrave; l&rsquo;on va, devant les &eacute;pineux jaun&acirc;tres, sur un sol rouge. Boire le caf&eacute; d&rsquo;une bouteille Thermos que prom&egrave;ne un employ&eacute;, et arriver le matin, &agrave; Ngaound&eacute;r&eacute;, au soleil qui domine les savanes br&ucirc;l&eacute;es du Nord &raquo; (<em>Le</em>&nbsp;<em>Transcamerounais</em>, France Culture, production Jos&eacute; Pivin, diffusion le 18 ao&ucirc;t 1996, n&deg; de notice INA&nbsp;: 00160676.)</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;<em>Jos&eacute; Pivin&nbsp;: &eacute;coutes, hommage</em>, ACR, France Culture, diffusion le 2 avril 1978, n&deg; de notice INA&nbsp;: PHD99228976.</p> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12">[12]</a>&nbsp;&laquo; Pourquoi vouloir une fin ? Tableau fini, accord final. &raquo; // &laquo; La nuit &eacute;toil&eacute;e sur les yeux, il n&rsquo;avait pas peur de mourir. &raquo; // &laquo; Quand ma peau ne frissonnera plus au clair de lune, je serai bien morte. &raquo; // &laquo; Esclave de l&rsquo;&eacute;ternit&eacute;. Et tout &agrave; coup la libert&eacute; ‒ se d&eacute;tache l&rsquo;individu. &raquo; // &laquo; Comme un &ecirc;tre que la terre ne retient plus, ne supporte plus. Oh, fin de mariage. &raquo; (<em>Un arbre acajou</em>, &eacute;mission cit&eacute;e.)</p> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13">[13]</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;[&hellip;] Le trou du cul devient large comme un sac et on s&rsquo;aper&ccedil;oit que l&rsquo;homme a une queue par derri&egrave;re, comme un animal, un crapaud. [&hellip;] Dans un village on a d&eacute;couvert des vivres chez un homme, un autre l&rsquo;a tu&eacute;. La famine a ensuite attaqu&eacute; une jeune femme et la femme s&rsquo;est avilie, elle a mang&eacute; des coques d&rsquo;arachide et des salet&eacute;s. La famine est all&eacute;e trouver un homme qui s&rsquo;est jet&eacute; dans une mare profonde pour se noyer. La famine s&rsquo;est rendue &agrave; Pongola, et le boucher a mang&eacute; sa vache sans la tuer.&nbsp; La famine a rendu les gens comme les &acirc;nes qui mangent de la crotte. Je l&rsquo;ai vu, ils mangent la merde des enfants. [&hellip;]&nbsp;&raquo; (<em>Op&eacute;ra du Cameroun</em>, France Culture, production Jos&eacute; Pivin, diffusion le 3 ao&ucirc;t 1976, n&deg; de notice INA&nbsp;: PHD99225700.)</p> <h3>Autrice</h3> <p><strong>Marion Ch&eacute;netier-Alev</strong>&nbsp;est ma&icirc;tre de conf&eacute;rences en&nbsp;&eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales &agrave; l&rsquo;&Eacute;cole Normale Sup&eacute;rieure d&rsquo;Ulm,&nbsp;membre de l&rsquo;UMR 7172 THALIM (CNRS).&nbsp;Ses recherches portent&nbsp;notamment&nbsp;sur les liens entre th&eacute;&acirc;tre et radio,&nbsp;sur&nbsp;l&rsquo;histoire sonore du th&eacute;&acirc;tre, et sur l&rsquo;histoire de la cr&eacute;ation radiophonique. Elle a publi&eacute; avec H&eacute;l&egrave;ne Bouvier,&nbsp;<em>L&rsquo;&Eacute;cho du th&eacute;&acirc;tre&nbsp;: dynamiques et construction de la m&eacute;moire phonique, XXe-XXIe&nbsp;si&egrave;cles</em>&nbsp;(<em>Revue Sciences/Lettres</em>, n&deg;5, 2017) ; &laquo; Les archives radiophoniques du th&eacute;&acirc;tre : du th&eacute;&acirc;tre pour les aveugles &agrave; un th&eacute;&acirc;tre de sourds &raquo; (<em>Revue Sciences/Lettres</em>, n&deg;6, 2019).</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>