<h3>Abstract</h3> <p>Faced with the difficulty of identifying figures of singular authors in the programming of creative documentaries within France Culture, the author of this article decided to conduct a survey of executive producers, directors and a coordinator to identify the manufacturing methods in force on the public service chain and historical production chain of creative sound documentaries. This survey sheds light on the modalities of collaboration as well as the effects of production contexts on actors and content.</p> <p><strong>Keywords</strong><br /> &nbsp;</p> <p>France Culture, Ir&egrave;ne Omelianenko, Kaye Mortley, creative documentary, production contexts, V&eacute;ronique Lamendour, &Eacute;ric Cordier, Laure-Anne Bomati, Nathalie Salles</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Le documentaire sonore de cr&eacute;ation offre une h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; de formes qui rend difficile son analyse, comme l&rsquo;a d&rsquo;embl&eacute;e relev&eacute; Christophe Deleu dans le chapitre qu&rsquo;il consacre &agrave; l&rsquo;essai de d&eacute;finition de cette forme de r&eacute;cit radiophonique dans son ouvrage&nbsp;<em>Le documentaire radiophonique &nbsp;</em><a href="#_ftn1" name="_ftnref1">[1]</a>, paru en 2013. Qui plus est, un auditeur en qu&ecirc;te d&rsquo;auteurs radiophoniques se trouve assez rapidement orient&eacute; vers les productions qui se situent apr&egrave;s les d&eacute;buts de l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;(ACR), cr&eacute;&eacute; en 1969 et dirig&eacute; par Ren&eacute; Farabet jusqu&rsquo;en 2001 comme l&rsquo;a soulign&eacute; l&rsquo;appel du colloque d&rsquo;o&ugrave; est issu ce num&eacute;ro. La multiplicit&eacute; des contenus pourrait-elle expliquer &agrave; elle seule la difficult&eacute; d&rsquo;entendre &eacute;merger des &eacute;critures qui font &oelig;uvre et d&eacute;passent l&rsquo;unicit&eacute; de l&rsquo;objet&nbsp;? La cha&icirc;ne France Culture a bien particip&eacute; au fil de nombreuses ann&eacute;es, dans le cas d&rsquo;une de Kaye Mortley<a href="#_ftn2" name="_ftnref2">[2]</a>, &agrave; la construction patiente d&rsquo;une &eacute;criture singuli&egrave;re que nul ne conteste, &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une &oelig;uvre radiophonique au sens propre, donc. Mais le parcours de Kaye Mortley ne repr&eacute;sente-t-il, pas dans le syst&egrave;me de production des documentaires de cr&eacute;ation, une survivance d&rsquo;un mode op&eacute;ratoire h&eacute;rit&eacute; des origines qui lui aura permis de construire une &oelig;uvre&nbsp;?</p> <p>Cela pose la question de la possibilit&eacute; du &laquo; devenir auteur &raquo;. Quelles conditions permettent ce d&eacute;veloppement ? Pour quelles raisons est-ce devenu si difficile de rep&eacute;rer des auteurs dans les diffusions de documentaires de cr&eacute;ation sur France Culture ? En parcourant, sur le site internet de la cha&icirc;ne, les &eacute;missions d&eacute;di&eacute;es aux documentaires de cr&eacute;ation depuis&nbsp;<em>L&rsquo;Atelier de la cr&eacute;ation</em>, quelques ACR maintenus avec parcimonie,&nbsp;<em>Cr&eacute;ation on Air</em>&nbsp;et maintenant&nbsp;<em>L&rsquo;Exp&eacute;rience</em>, on rel&egrave;ve une diversit&eacute; qui semble t&eacute;moigner d&rsquo;une grande libert&eacute; accord&eacute;e aux auteurs d&egrave;s lors que le traitement narratif du projet s&rsquo;annonce comme &eacute;tranger &agrave; un fonctionnement communicationnel de l&rsquo;objet radiophonique. Dans les espaces d&eacute;di&eacute;s &agrave; la production de documentaire radiophonique de cr&eacute;ation, la radio n&rsquo;est pas per&ccedil;ue comme un media de masse conditionn&eacute; par les r&egrave;gles de la communication mais comme une br&egrave;ve h&eacute;t&eacute;rotopie sonore qui s&rsquo;invite dans la programmation de la cha&icirc;ne. Les diverses pr&eacute;sentations des &eacute;missions annoncent cette volont&eacute; d&rsquo;ouverture &agrave; des aventures hors normes, des jeux avec le genre documentaires&nbsp;:</p> <blockquote> <p><em>L&rsquo;Atelier de la cr&eacute;ation</em>&nbsp;s&rsquo;aventure sans autre boussole que le go&ucirc;t de l&rsquo;intime et celui de l&rsquo;extime, le plaisir des enregistrements bruts autant que les montages cisel&eacute;s, le respect du recueillement et celui du vagabondage, le d&eacute;sir de donner &agrave; entendre les&nbsp;<em>Ateliers timides</em>&nbsp;autant que&nbsp;<em>L&rsquo;Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;(le premier jeudi de chaque mois), avec l&rsquo;espoir de toucher parfois des terres inconnues&hellip;</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p><em>Cr&eacute;ation On Air</em>, un espace d&rsquo;exp&eacute;rimentation sonore tous les mercredis et jeudis sur France Culture. S&rsquo;aventurer sans autre boussole que le plaisir des enregistrements bruts autant que les montages cisel&eacute;s, avec l&rsquo;espoir de toucher parfois des terres inconnues&hellip;</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>Documentaire d&rsquo;auteur et d&rsquo;&eacute;criture sonore,&nbsp;<em>L&rsquo;Exp&eacute;rience</em>&nbsp;est un espace lib&eacute;r&eacute; des genres radiophoniques (magazine, reportage, documentaire, fiction&hellip;), qui s&rsquo;en affranchit ou qui les m&ecirc;le. C&rsquo;est un temps d&rsquo;expression du singulier.</p> <p>[&hellip;] Ce nouvel espace se d&eacute;cline &eacute;galement sous forme de collections en accueillant&nbsp;<em>L&rsquo;Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;(ACR), et des productions pour le&nbsp;<em>Cin&eacute;ma sonore</em>.</p> <p>Intense exp&eacute;rience de l&rsquo;auteur, de l&rsquo;&eacute;quipe qui l&rsquo;enregistre, de ceux qui vont l&rsquo;&eacute;couter,&nbsp;<em>L&rsquo;Exp&eacute;rience</em>&nbsp;promet d&rsquo;&ecirc;tre un voyage unique de v&eacute;cus particuliers, de mises en situation originales, de moments de vie enregistr&eacute;s en temps r&eacute;el, de paysages sonores parcourus ou de moments performatifs en direct. Intimes ou rares, les limites de&nbsp;<em>L&rsquo;Exp&eacute;rience</em>&nbsp;sont inconnues&nbsp;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3">[3]</a>.</p> </blockquote> <p>On per&ccedil;oit dans cette volont&eacute; affich&eacute;e par les coordinateurs un h&eacute;ritage des pairs fondateurs&nbsp;: &laquo;&nbsp;la fondation d&rsquo;un Atelier de cr&eacute;ation radiophonique tend &agrave; r&eacute;affirmer par des &oelig;uvres nouvelles la vitalit&eacute; de l&rsquo;expression radiophonique originale et la primaut&eacute; de l&rsquo;invention permanente dans les arts&nbsp;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4">[4]</a>&nbsp;&raquo;. Mais si la libert&eacute; d&rsquo;&eacute;criture semble r&eacute;elle aux oreilles de l&rsquo;auditeur, qu&rsquo;en est-il au moment de la production&nbsp;? Quelle diff&eacute;rence entre la pr&eacute;sentation d&rsquo;une &eacute;mission cr&eacute;ant un horizon d&rsquo;attente chez les auditeurs comme chez les porteurs de projets et la r&eacute;alit&eacute; de la production&nbsp;? Peut-on valider l&rsquo;hypoth&egrave;se selon laquelle&nbsp;</p> <blockquote> <p>[l]e documentaire po&eacute;tique s&rsquo;appuie sur une &eacute;coute dite &laquo;&nbsp;r&eacute;duite&nbsp;&raquo;, et consid&egrave;re le son pour lui-m&ecirc;me. C&rsquo;est moins le sens des propos entendus qui est central, que la valeur esth&eacute;tique des univers sonores. [&hellip;] L&rsquo;&eacute;coute figurative (qui s&rsquo;int&eacute;resse &agrave; la provenance des sons) et l&rsquo;&eacute;coute codale (qui se fixe sur le sens du message d&eacute;livr&eacute;) seront ici au second plan&nbsp;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5">[5]</a>.</p> </blockquote> <p>L&rsquo;&eacute;coute d&rsquo;une quantit&eacute; significative de documentaires de cr&eacute;ation aura tendance &agrave; fragiliser cette d&eacute;finition, tant les auteurs semblent recourir &agrave; des modes narratifs vari&eacute;s, y compris des modes que l&rsquo;on serait tent&eacute; de classer du c&ocirc;t&eacute; des documentaires d&rsquo;interaction &agrave; vis&eacute;e informative. Pourtant leurs productions se trouvent accueillies dans les espaces d&eacute;di&eacute;s &agrave; la cr&eacute;ation. On pourrait se demander s&rsquo;il n&rsquo;y a pas un moment, dans la temporalit&eacute; de la fabrication, susceptible de modifier la trajectoire d&rsquo;une intention po&eacute;tique&nbsp;en l&rsquo;&eacute;loignant du p&eacute;rim&egrave;tre de la cr&eacute;ation. Pour r&eacute;pondre &agrave; cette question, il nous appara&icirc;t important de saisir les modalit&eacute;s de production d&rsquo;un geste documentaire qui entend ancrer son projet dans la dynamique du documentaire de cr&eacute;ation.</p> <p>&Agrave; France Culture, les modalit&eacute;s de production ont une particularit&eacute; que l&rsquo;on ne trouve nulle part ailleurs et qui placent l&rsquo;auteur d&rsquo;un projet dans un environnement de relations complexes. Apr&egrave;s avoir d&eacute;fini cet &eacute;cosyst&egrave;me singulier, nous en interrogerons les cons&eacute;quences. Derri&egrave;re les conditions de productions, c&rsquo;est la question de l&rsquo;auteur qui se dessine en creux,&nbsp;au point que l&rsquo;on est conduit &agrave; s&rsquo;interroger sur la fa&ccedil;on dont les acteurs d&rsquo;un processus de cr&eacute;ation s&rsquo;accordent dans un ensemble de flux et d&rsquo;imp&eacute;ratifs. Pour esquisser une r&eacute;ponse &agrave; ces nombreuses interrogations li&eacute;es, j&rsquo;ai choisi de convoquer la m&eacute;thode de l&rsquo;enqu&ecirc;te orale. Les t&eacute;moins rencontr&eacute;s sont au nombre de six et occupent des fonctions concern&eacute;es par le champ de cette &eacute;tude&nbsp;: coordination, r&eacute;alisation, production d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e et ont &eacute;volu&eacute; ou &eacute;voluent au sein des &eacute;missions consacr&eacute;es au documentaire po&eacute;tique sur l&rsquo;antenne de France Culture&nbsp;:&nbsp;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique</em>&nbsp;(ACR),&nbsp;<em>L&rsquo;Atelier de la cr&eacute;ation</em>,&nbsp;<em>Cr&eacute;ation on Air</em>,&nbsp;<em>L&rsquo;Exp&eacute;rience</em>. Au centre de mon enqu&ecirc;te, je situe la trajectoire de Kaye Mortley, qui aura ici le r&ocirc;le de mod&egrave;le.</p> <h2>1. &Eacute;tat des lieux des conditions de production<br /> &nbsp;</h2> <p>Lorsqu&rsquo;on est auteur et que l&rsquo;on a un projet de documentaire, on &eacute;crit son id&eacute;e de projet que l&rsquo;on adresse au coordonnateur de l&rsquo;&eacute;mission cibl&eacute;e. Si le projet retient l&rsquo;attention, il est alors propos&eacute; &agrave; un charg&eacute; de r&eacute;alisation qui entrera en contact avec l&rsquo;auteur pour les premiers &eacute;changes sur les intentions de ce dernier. Il arrive qu&rsquo;auteur&nbsp;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6">[6]</a>&nbsp;et r&eacute;alisateur aient d&eacute;j&agrave; &eacute;mis le d&eacute;sir de collaborer ensemble avant cette phase de s&eacute;lection, alors le bin&ocirc;me est d&eacute;j&agrave; form&eacute; et a souvent commenc&eacute; &agrave; &eacute;changer sur le projet. N&eacute;anmoins, au stade o&ugrave; le projet est retenu par la production, l&rsquo;&eacute;quipe technique &ndash; compos&eacute;e des techniciens preneurs de son en studio et sur le terrain et de l&rsquo;ing&eacute;nieur du son responsable du mixage &ndash; n&rsquo;est pas encore d&eacute;sign&eacute;e et le sera en fonction des plannings, souvent tardivement au moment du tournage et du mixage.</p> <p>Il convient de souligner que l&rsquo;auteur, bien que n&rsquo;&eacute;tant pas un permanent de l&rsquo;antenne, est responsable de son projet et qu&rsquo;il lui revient de planifier et organiser le tournage : ce qu&rsquo;il souhaite enregistrer et qui il souhaite interviewer. Il doit alors s&rsquo;assurer que cette organisation correspond au temps allou&eacute; par la production. On soulignera d&rsquo;embl&eacute;e qu&rsquo;il est ainsi question de composer une &eacute;quipe dont producteur et r&eacute;alisateur sont les acteurs constants pendant toute la dur&eacute;e de fabrication.</p> <p>Or la cr&eacute;ation de cette &eacute;quipe se fait dans un temps restreint et intense&nbsp;&ndash; de l&rsquo;ordre de dix &agrave; douze jours &ndash; et elle doit aboutir &agrave; la r&eacute;alisation d&rsquo;un documentaire au format d&eacute;fini par la programmation qui est actuellement de 58 minutes. On peut alors s&rsquo;interroger sur la fa&ccedil;on dont l&rsquo;auteur int&egrave;gre cette logique de production et devra d&eacute;sormais d&eacute;velopper son projet avec le r&eacute;alisateur et non plus seul avec ses d&eacute;sirs d&rsquo;&eacute;criture, lesquels peuvent &ecirc;tre plus ou moins d&eacute;velopp&eacute;s. De m&ecirc;me que l&rsquo;on peut s&rsquo;interroger &agrave; propos des r&eacute;alisateurs qui se trouvent associ&eacute;s tout aussi intens&eacute;ment au projet d&rsquo;un auteur qu&rsquo;ils ne connaissent pas le plus souvent et avec la n&eacute;cessit&eacute; de mener &agrave; bien la production selon les moyens techniques, financiers et temporels dont il dispose.</p> <p>Il n&rsquo;est pas encore question de se demander si la collaboration fonctionnera entre ces deux collaborateurs et si elle permettra un d&eacute;veloppement satisfaisant&nbsp;; &agrave; ce stade, on se rend d&eacute;j&agrave; compte que les r&ocirc;les sont distribu&eacute;s par un cadre et que les agents doivent s&rsquo;accommoder des moyens qui leurs sont allou&eacute;s. Cela est vrai pour toute activit&eacute;, y compris une activit&eacute; de cr&eacute;ation, car la production est le premier cadre dans lequel s&rsquo;inscrit tout acte soutenu financi&egrave;rement. Malgr&eacute; tout, la question des moyens et de leur compression, qui s&rsquo;est accrue dans le temps, est trop souvent revenue dans les t&eacute;moignages pour &ecirc;tre ignor&eacute;e. Il faudrait en effet d&eacute;finir un seuil minimal en de&ccedil;&agrave; duquel il devient difficile voire impossible de pr&eacute;tendre &agrave; l&rsquo;acte cr&eacute;ateur. En effet ceux de nos t&eacute;moins qui ont travers&eacute; plusieurs d&eacute;cennies d&rsquo;&eacute;missions d&eacute;di&eacute;es au documentaire de cr&eacute;ation radiophonique ont pu souligner l&rsquo;&eacute;rosion du temps mais aussi la modification du cadre de production dans le sens d&rsquo;une moindre libert&eacute; donn&eacute;e aux &eacute;quipes en cr&eacute;ation. Les auteurs ont vu le temps d&eacute;di&eacute; &agrave; la production d&rsquo;un documentaire passer de plusieurs mois pour l&rsquo;<em>Atelier de cr&eacute;ation radiophonique&nbsp;</em>dirig&eacute; par Ren&eacute; Farabet, &agrave; dix ou douze jours avec 43 heures de montage pour une heure de programme, aujourd&rsquo;hui. On assiste donc &agrave; une compression du temps d&rsquo;une part, mais aussi un d&eacute;placement dans la conception de l&rsquo;auteur qui &eacute;tait au centre de la production pendant les d&eacute;cennies Farabet. C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment cette libert&eacute; qui a int&eacute;ress&eacute; Kaye Mortley lorsqu&rsquo;elle y a forg&eacute; ses premi&egrave;res pi&egrave;ces pour France Culture.</p> <p>Dans cet &eacute;tat des lieux des conditions de production, il convient de pr&eacute;ciser que le temps de pr&eacute;paration n&rsquo;est pas compris dans le contrat conclu entre le producteur d&eacute;l&eacute;gu&eacute; et la cha&icirc;ne, mais seulement le temps de la fabrication. La pr&eacute;paration est la phase essentielle au cours de laquelle l&rsquo;auteur se nourrit, par exemple, des archives Ina qu&rsquo;il &eacute;coute et s&eacute;lectionne afin de les int&eacute;grer dans le montage, et commence &agrave; op&eacute;rer un dialogue entre ces contenus sonores et les enregistrements qui seront r&eacute;alis&eacute;s en &eacute;quipe. C&rsquo;est aussi une phase de rep&eacute;rage du terrain et des t&eacute;moins, de pr&eacute;paration approfondie de son projet qui comprend de nombreuses heures, les plus nombreuses sans doute. Or ce temps long de la pr&eacute;paration solitaire, qui est certainement un garant essentiel de la qualit&eacute; du projet, entre en confrontation avec le temps court de la fabrication, qui exclut ou r&eacute;duit tr&egrave;s consid&eacute;rablement la possibilit&eacute; du doute, des tentatives et des erreurs inh&eacute;rents &agrave; l&rsquo;acte cr&eacute;atif.</p> <p>Ajoutons que la compression du temps et des moyens s&rsquo;accompagne d&eacute;sormais d&rsquo;une acc&eacute;l&eacute;ration de la production,&nbsp;qui voit s&rsquo;encha&icirc;ner les &eacute;tapes&nbsp;: tournage, d&eacute;rushage, r&eacute;alisation, mixage. On assiste ainsi au d&eacute;ploiement d&rsquo;un &eacute;cosyst&egrave;me de production en inad&eacute;quation avec ce pour quoi il existe&nbsp;: produire des &oelig;uvres de pens&eacute;e et de cr&eacute;ation.</p> <p>Or, auteurs et r&eacute;alisateurs insistent sur le fait qu&rsquo;il faut pouvoir respirer entre le tournage et le montage, revenir sur une s&eacute;quence de montage, avoir une solitude d&rsquo;auteur pendant la fabrication, &laquo;&nbsp;se nettoyer&nbsp;&raquo; les oreilles avant le mixage. Cet &eacute;tat des lieux r&eacute;sulte &agrave; la fois de mon exp&eacute;rience de productrice d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e pour deux documentaires&nbsp;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7">[7]</a>&nbsp;r&eacute;alis&eacute;s &agrave; France Culture et de mon enqu&ecirc;te aupr&egrave;s des t&eacute;moins qu&rsquo;il est d&eacute;sormais temps de pr&eacute;senter.</p> <h2>2. Choix des personnes interview&eacute;es<br /> &nbsp;</h2> <p>L&rsquo;enqu&ecirc;te a &eacute;t&eacute; motiv&eacute;e par un d&eacute;sir de comprendre les impacts que les assignations de r&ocirc;les peuvent avoir tant sur les professionnels impliqu&eacute;s que sur les documentaires. J&rsquo;ai voulu atteindre une compl&eacute;mentarit&eacute; dans les t&eacute;moignages en choisissant d&rsquo;une part des duos d&rsquo;auteur-r&eacute;alisateur ayant pu collaborer &agrave; plusieurs reprises, d&rsquo;autre part des parcours vari&eacute;s dans la production sonore et radiophonique. Cette circulation dans la parole de chacun m&rsquo;a permis d&rsquo;entrapercevoir la singularit&eacute; des cheminements et de voir &eacute;merger des lignes saillantes dans le paysage ainsi cr&eacute;&eacute; au fil des t&eacute;moignages. Les six t&eacute;moins que j&rsquo;ai &eacute;cout&eacute;s occupent ou ont occup&eacute; des fonctions de conseill&egrave;re de programmes, coordination, r&eacute;alisation, production d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e.</p> <p>Pour son r&ocirc;le de conseill&egrave;re de programmes, coordinatrice de plusieurs &eacute;missions d&eacute;di&eacute;es au documentaire de cr&eacute;ation mais aussi pour son exp&eacute;rience de documentariste, j&rsquo;ai d&eacute;sir&eacute; m&rsquo;entretenir avec Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko. Aux fonctions de r&eacute;alisation, j&rsquo;ai entendu Nathalie Salles &ndash; &oelig;uvrant &agrave; la r&eacute;alisation de documentaires aussi bien de cr&eacute;ation qu&rsquo;informatifs &ndash; et V&eacute;ronique Lamendour, &eacute;galement r&eacute;alisatrice pour plusieurs &eacute;missions documentaires mais avec une sp&eacute;cialisation dans le documentaire de cr&eacute;ation depuis une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es. J&rsquo;avais &eacute;galement l&rsquo;intention de recueillir le t&eacute;moignage de Manoushak Fashahi pour analyser la relation singuli&egrave;re qu&rsquo;elle d&eacute;veloppe depuis les ann&eacute;es 2000 avec Kaye Mortley mais il nous fut impossible de nous rencontrer pour des raisons de disponibilit&eacute;. Du c&ocirc;t&eacute; des auteurs, j&rsquo;ai rencontr&eacute; &Eacute;ric Cordier, Laure-Anne Bomati et Kaye Mortley. &Eacute;ric Cordier est musicien, plasticien, performer et a produit une dizaine de documentaires de cr&eacute;ation avec Nathalie Salles. Laure-Anne Bomati s&rsquo;est form&eacute;e au CREADOC. Elle est engag&eacute;e dans plusieurs collectifs de cr&eacute;ation dont &laquo; &Eacute;trange miroir &raquo; &agrave; Nantes et r&eacute;alise des cr&eacute;ations sonores pour des spectacles et des expositions. Elle a produit trois documentaires de cr&eacute;ation avec V&eacute;ronique Lamendour. Enfin, Kaye Mortley est documentariste pour de nombreuses radios en France et &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle internationale&nbsp;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8">[8]</a>&nbsp;; elle a essentiellement collabor&eacute; avec Manoushak Fashahi depuis une vingtaine d&rsquo;ann&eacute;es dans ses productions pour France Culture.</p> <h2>3. Vu du c&ocirc;t&eacute; de la r&eacute;alisation<br /> &nbsp;</h2> <p>Lorsque j&rsquo;interroge Nathalie Salles sur la mani&egrave;re dont elle vit son r&ocirc;le de r&eacute;alisatrice dans l&rsquo;association avec un auteur, elle commence par me dire qu&rsquo;elle a besoin de rencontrer l&rsquo;auteur avant de commencer le travail, afin de sentir comment l&rsquo;auteur porte son projet et s&rsquo;il est plus ou moins conscient des enjeux li&eacute;s &agrave; la production radiophonique. Elle proc&egrave;de donc &agrave; un diagnostic op&eacute;rationnel pour v&eacute;rifier si l&rsquo;auteur est en capacit&eacute; de saisir les &eacute;l&eacute;ments importants dans la phase de tournage afin que son travail de r&eacute;alisation ne soit pas emp&ecirc;ch&eacute; par manque d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments. Elle a besoin d&rsquo;assister aux enregistrements car le tournage, ind&eacute;pendamment des consid&eacute;rations techniques, est n&eacute;cessaire pour lui permettre d&rsquo;entrer dans le projet de l&rsquo;auteur. Il lui est donc difficile de r&eacute;cup&eacute;rer des enregistrements men&eacute;s en amont de la production, bien que cela puisse se faire exceptionnellement.</p> <p>Si sa fonction de r&eacute;alisatrice veut qu&rsquo;elle soit davantage en position d&rsquo;observation immersive pendant le tournage et que ce moment soit celui de l&rsquo;auteur, elle entre n&eacute;anmoins en action d&egrave;s lors qu&rsquo;elle sent un auteur un peu en fragilit&eacute; sur son projet. Elle est alors en capacit&eacute; de forcer un peu en intervenant et en provoquant certaines prises ou en faisant reformuler des paroles car elle est d&eacute;j&agrave; dans la projection du montage et elle sait d&eacute;j&agrave; si elle aura la mati&egrave;re pour r&eacute;aliser. Ainsi l&rsquo;attitude prise par Nathalie Salles dans la production du documentaire la place dans un r&ocirc;le de superviseur en capacit&eacute; de garantir un r&eacute;sultat de production et une efficacit&eacute;. Elle se consid&egrave;re comme facilitatrice&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;accompagne l&rsquo;auteur et j&rsquo;y mets &eacute;videmment le savoir-faire du m&eacute;tier.&nbsp;&raquo;</p> <p>Mais si le m&eacute;tier permet de produire dans un cadre donn&eacute; il ne fait pas tout. Elle ajoute donc qu&rsquo;elle doit se sentir stimul&eacute;e et en relation avec l&rsquo;auteur pour s&rsquo;investir dans le projet car elle est anim&eacute;e par le d&eacute;sir et l&rsquo;&eacute;nergie de l&rsquo;autre. Sans cette relation qui va jusqu&rsquo;&agrave; la confiance et la capacit&eacute; de l&rsquo;auteur &agrave; collaborer avec elle, la production ne peut se faire dans de bonnes conditions. D&egrave;s lors qu&rsquo;elle sent qu&rsquo;une forme d&rsquo;accord est trouv&eacute;e entre les deux personnes elle se place l&agrave; o&ugrave; elle sent qu&rsquo;elle peut se placer, s&rsquo;adaptant &agrave; la nature de la collaboration.</p> <p>Lorsqu&rsquo;on aborde la fa&ccedil;on dont elle travaille avec les auteurs pour tenter de cerner la question de l&rsquo;auctorialit&eacute; comme garante d&rsquo;une singularit&eacute;, on obtient une r&eacute;ponse complexe&nbsp;: dans un documentaire de cr&eacute;ation, fond et forme se confondent, alors que dans un documentaire informatif la proc&eacute;dure diff&egrave;re, que le plus souvent l&rsquo;auteur y est en charge du contenu quand la r&eacute;alisation se concentre sur les ambiances et les musiques. &Agrave; partir du moment o&ugrave; le processus de cr&eacute;ation d&rsquo;un documentaire de cr&eacute;ation ne permet pas de s&eacute;parer clairement les r&ocirc;les, il revient aux &eacute;quipes &eacute;ph&eacute;m&egrave;res de trouver les modalit&eacute;s de leur collaboration et de faire na&icirc;tre des aventures forc&eacute;ment singuli&egrave;res. Cependant, il arrive que la rencontre ne se fasse pas. Les raisons &eacute;voqu&eacute;es par les deux r&eacute;alisatrices sont l&rsquo;instrumentalisation de leur fonction par un auteur omniscient.</p> <p>On per&ccedil;oit d&rsquo;embl&eacute;e dans ce t&eacute;moignage que la production d&rsquo;un documentaire port&eacute; par un auteur fait appel &agrave; cet impalpable qui est la capacit&eacute; des individus &agrave; s&rsquo;entendre, &agrave; &oelig;uvrer ensemble alors qu&rsquo;ils ne se sont pas choisis et qu&rsquo;ils ont peu de temps pour se conna&icirc;tre. En plus des conditions mat&eacute;rielles s&rsquo;ajoute donc l&rsquo;ad&eacute;quation des caract&egrave;res qui ne peut &ecirc;tre garantie. Je me souviens que c&rsquo;est une des premi&egrave;res choses que m&rsquo;avait dites Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko lorsque je l&rsquo;avais rencontr&eacute;e pour discuter de mon projet de documentaire sur Didier-Georges Gabily pour l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<em>Une vie, une &oelig;uvre</em>, ensuite r&eacute;alis&eacute; par Nathalie Salles.</p> <p>Certains des &eacute;l&eacute;ments soulev&eacute;s par Nathalie Salles reviennent dans le t&eacute;moignage de V&eacute;ronique Lamendour. Elles se rejoignent notamment sur la question de l&rsquo;investissement n&eacute;cessaire sans quoi il n&rsquo;y a pas de plaisir &agrave; faire ce m&eacute;tier. Pour toutes les deux, les premiers &eacute;changes avec l&rsquo;auteur sont essentiels. Ils permettent de saisir ce qui anime le projet et sont consid&eacute;r&eacute;s comme un premier temps essentiel &agrave; la collaboration qui a la vertu de pr&eacute;ciser le projet voire parfois de &laquo; le faire accoucher &raquo;, selon l&rsquo;expression employ&eacute;e par V&eacute;ronique Lamendour.</p> <p>Pour ce qui concerne les conditions de production, celle-ci insiste beaucoup sur le temps qui lui manque, ce qu&rsquo;elle vit mal, alors que Nathalie Salles ne soul&egrave;ve pas d&rsquo;embl&eacute;e ce probl&egrave;me comme pouvant g&eacute;n&eacute;rer un mal-&ecirc;tre dans sa fonction. Les rapports que l&rsquo;une et autre entretiennent avec cette question sont diff&eacute;rents : l&agrave; aussi la question du caract&egrave;re entre en jeu dans la fa&ccedil;on de vivre le m&eacute;tier et de s&rsquo;adapter &agrave; la situation. Nathalie Salles semble pouvoir s&rsquo;accommoder de la compression du temps et adopte l&rsquo;attitude qu&rsquo;il faut pour contr&ocirc;ler le bon d&eacute;roulement du projet dans un rythme soutenu, m&ecirc;me si elle reconna&icirc;t que la situation est inconfortable et qu&rsquo;elle g&eacute;n&egrave;re une tension nerveuse accus&eacute;e par le corps. De son c&ocirc;t&eacute;, V&eacute;ronique Lamendour a une pr&eacute;sence plus calme. Elle est observatrice et laisse travailler l&rsquo;auteur au moment du tournage, laissant les choses se d&eacute;rouler comme elles le doivent&nbsp;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9">[9]</a>. Mais pr&eacute;cis&eacute;ment le resserrement des conditions de production entre en conflit avec cette fa&ccedil;on d&rsquo;habiter la fonction. Dans son t&eacute;moignage, elle parle de la vitesse dans laquelle elle est prise dans les derni&egrave;res &eacute;missions&nbsp;et des cons&eacute;quences que cela peut avoir sur la possibilit&eacute; de faire na&icirc;tre une forme dite &laquo;&nbsp;documentaire de cr&eacute;ation&nbsp;&raquo;.&nbsp;Cet argument fait &eacute;cho &agrave; l&rsquo;entretien men&eacute; avec Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko : pour faire un documentaire, il faut non seulement avoir un projet et &ecirc;tre habit&eacute; par lui mais aussi avoir du temps et de la solitude pendant la fabrication, pas seulement avant.</p> <p>V&eacute;ronique Lamendour parle elle aussi de projet et non de sujet : lorsqu&rsquo;elle s&rsquo;engage dans la r&eacute;alisation, elle cherche un projet pour lequel elle trouve un int&eacute;r&ecirc;t. Revient encore une fois l&rsquo;&eacute;nergie d&eacute;gag&eacute;e par l&rsquo;auteur comme &eacute;l&eacute;ment vital &agrave; la possibilit&eacute; de collaboration. Elle pr&eacute;cise &eacute;galement ne pas aimer l&rsquo;habitude et pr&eacute;f&eacute;rer explorer, faisant alors entendre combien ce m&eacute;tier a besoin d&rsquo;&ecirc;tre nourri par des auteurs habit&eacute;s par un d&eacute;sir de cr&eacute;ation et en capacit&eacute; d&rsquo;explorer des formes et des approches non-conventionnelles. On sent poindre la relation complexe qui se noue entre d&eacute;sir d&rsquo;auteur, d&eacute;sir de r&eacute;alisateur et conditions de production qui sont aussi des conditions de travail.</p> <p>Du c&ocirc;t&eacute; de la production, les arguments en faveur du projet sont forts et garantissent la s&eacute;lection d&rsquo;une proposition, mais coordinatrice comme r&eacute;alisatrices reconnaissent aussi la situation de pr&eacute;carit&eacute; dans laquelle se trouvent les auteurs. Elles ont parfaitement conscience qu&rsquo;un documentaire peut &ecirc;tre propos&eacute; non parce qu&rsquo;il est m&ucirc;ri et r&ecirc;v&eacute; mais parce qu&rsquo;il permet d&rsquo;avoir des heures pour l&rsquo;intermittence, malgr&eacute; la faible r&eacute;mun&eacute;ration que per&ccedil;oivent les producteurs d&eacute;l&eacute;gu&eacute;s. Ceci est un fait qui pourrait &eacute;galement concourir &agrave; expliquer la difficult&eacute; &agrave; voir &eacute;merger des &oelig;uvres&nbsp;: l&rsquo;insuffisance de la r&eacute;mun&eacute;ration cumul&eacute;e &agrave; l&rsquo;insuffisance des moyens qui conditionnent les enregistrements et la r&eacute;alisation, puis l&rsquo;encha&icirc;nement des actions, aboutissent &agrave; un &eacute;cosyst&egrave;me d&eacute;favorable &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de documentaires sonores de cr&eacute;ation.</p> <p>C&rsquo;est notamment cette grande fragilit&eacute; financi&egrave;re qui r&egrave;gle la question de l&rsquo;auctorialit&eacute;, cette fois-ci du point de vue contractuel et juridique. Il est clairement &eacute;tabli que seul l&rsquo;auteur per&ccedil;oit des droits d&rsquo;auteurs redistribu&eacute;s par la SCAM&nbsp;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10">[10]</a>&nbsp;et que ce versement compense la faible r&eacute;mun&eacute;ration allou&eacute;e pour la production d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e d&rsquo;un documentaire. Ainsi, bien que les modalit&eacute;s de collaboration entre auteur et r&eacute;alisateur fassent intervenir la dimension artistique de la r&eacute;alisation, la reconnaissance de la production intellectuelle d&rsquo;une &oelig;uvre de cr&eacute;ation et &oelig;uvre de l&rsquo;esprit revient uniquement au producteur d&eacute;l&eacute;gu&eacute;. Cette r&eacute;partition reconna&icirc;t l&rsquo;origine du projet comme appartenant exclusivement &agrave; l&rsquo;une des deux parties quand bien m&ecirc;me elle serait associ&eacute;e &agrave; d&rsquo;autres parties dans l&rsquo;action de mettre en &oelig;uvre son id&eacute;e. Voyons &agrave; pr&eacute;sent les modalit&eacute;s de collaboration entre les deux r&eacute;alisatrices rencontr&eacute;es et deux auteurs avec lesquels elles ont pu collaborer &agrave; plusieurs reprises.</p> <h2>4. Deux exp&eacute;riences concr&egrave;tes de collaboration : &Eacute;ric Cordier et Nathalie Salles, V&eacute;ronique Lamendour et Laure-Anne Bomati<br /> &nbsp;</h2> <p>Lorsque je demande &agrave; &Eacute;ric Cordier et Nathalie Salles &ndash;&nbsp;dans des entretiens s&eacute;par&eacute;s&nbsp;&ndash; comment se passe leur collaboration, l&rsquo;enthousiasme est partag&eacute; et le plaisir est r&eacute;el pour chacun. &Eacute;ric Cordier me dit qu&rsquo;ils sont parfaitement compatibles parce que lui est musicien et que l&rsquo;articulation dramaturgique ne l&rsquo;int&eacute;resse pas au premier plan, ce pourquoi il suit sans difficult&eacute; les propositions narratives de Nathalie Salles lorsqu&rsquo;il les trouve pertinentes. Dans cet espace laiss&eacute; fluctuant par l&rsquo;auteur musicien, la r&eacute;alisatrice se voit offrir une place stimulante qui ne devient pas le lieu d&rsquo;une n&eacute;gociation mais celui d&rsquo;une libert&eacute; qui lui est offerte. D&rsquo;autres auteurs, plus engag&eacute;s dans la po&eacute;tique du r&eacute;cit, ne d&eacute;l&egrave;gueraient pas si facilement cet espace-l&agrave;. Tous deux forment un duo de collaborateurs artistiques faisant bouger les lignes des fonctions.</p> <p>Or, il est important de souligner que la qualit&eacute; de cette collaboration a m&ucirc;ri dans le temps long de l&rsquo;exp&eacute;rience partag&eacute;e et s&rsquo;est construite au fil de la dizaine de documentaires qu&rsquo;ils ont construits ensemble. On en revient toujours &agrave; la notion de temps, qui d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre permet &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;advenir. Chez Nathalie Salles et &Eacute;ric Cordier, les aventures pass&eacute;es nourrissent les aventures en devenir et il se construit une forme de compagnonnage qui s&rsquo;accommode des conditions de productions lib&eacute;rales. L&rsquo;un et l&rsquo;autre ont acquis la capacit&eacute; &agrave; &oelig;uvrer ensemble l&agrave; o&ugrave; des collaborations naissantes ne peuvent se reposer sur cet acquis de l&rsquo;exp&eacute;rience commune. C&rsquo;est gr&acirc;ce &agrave; leur connaissance mutuelle qu&rsquo;il leur est possible d&rsquo;atteindre rapidement la zone de cr&eacute;ation. Ce duo-l&agrave; m&rsquo;am&egrave;ne &agrave; questionner la circulation de l&rsquo;auctorialit&eacute;. Nathalie Salles se d&eacute;fend d&rsquo;&ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme autrice mais accepte d&rsquo;&ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme collaboratrice artistique. &Eacute;ric Cordier y souscrit &eacute;galement de son c&ocirc;t&eacute;.</p> <p>Concernant la collaboration entre V&eacute;ronique Lamendour et Laure-Anne Bomati, les entretiens ne permettent pas de mettre leur relation &agrave; un niveau de complicit&eacute; et de compl&eacute;mentarit&eacute; aussi d&eacute;velopp&eacute;, certainement pour les raisons &eacute;voqu&eacute;es pr&eacute;c&eacute;demment. N&eacute;anmoins, Laure-Anne Bomati insiste sur le fait qu&rsquo;un lien de confiance et un accord de travail a pu se construire au fil des trois collaborations. Il m&rsquo;a cependant &eacute;t&eacute; difficile de d&eacute;tecter les indices pour avancer dans la question sur l&rsquo;auctorialit&eacute;.</p> <p>C&rsquo;est la raison pour laquelle j&rsquo;ai pr&eacute;cis&eacute; mon enqu&ecirc;te sur la r&eacute;alisation du documentaire&nbsp;<em>T&ocirc;t ou tard&hellip; Quitter Tanger</em>&nbsp;pour lequel l&rsquo;autrice avait obtenu une bourse SCAM. La pr&eacute;paration de son terrain avait alors pu se faire&nbsp;<em>in situ</em>, &agrave; Tanger, o&ugrave; elle s&rsquo;&eacute;tait rendue plusieurs fois. Elle avait ainsi pu choisir ses personnages et nourrir son projet de la singularit&eacute; de leur parcours de vie. Le documentaire en question est pr&eacute;cis&eacute;ment centr&eacute; sur le d&eacute;sir de d&eacute;part qui anime les personnes rencontr&eacute;es. Au moment o&ugrave; la r&eacute;alisation est financ&eacute;e par l&rsquo;&eacute;mission&nbsp;<em>Cr&eacute;ation on air</em>, une &eacute;quipe compos&eacute;e de l&rsquo;autrice, la r&eacute;alisatrice et le technicien son se rend &agrave; Tanger pour enregistrer les voix et les sons d&rsquo;ambiances pour la composition du paysage sonore qui parcourt la cr&eacute;ation. Laure-Anne Bomati &eacute;tait arriv&eacute;e une semaine avant le tournage et avait pu constater que certains des t&eacute;moins qu&rsquo;elle souhaitait enregistrer avaient quitt&eacute; Tanger. C&rsquo;&eacute;tait l&agrave; un risque inh&eacute;rent au projet puisque tel &eacute;tait leur d&eacute;sir et que c&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce d&eacute;sir de d&eacute;part qui l&rsquo;int&eacute;ressait. Gr&acirc;ce &agrave; son long travail de rep&eacute;rage, elle a pu trouver de nouveaux personnages pour assurer le tournage lorsque les collaborateurs techniques sont arriv&eacute;s. L&rsquo;&eacute;quipe de production &eacute;tait alors pr&eacute;sente pour trois jours &agrave; Tanger ce qui est une dur&eacute;e tr&egrave;s courte qui ne peut supporter le contretemps. Or les al&eacute;as se sont impos&eacute;s lorsque le mat&eacute;riel d&rsquo;enregistrement a &eacute;t&eacute; confisqu&eacute; &agrave; l&rsquo;a&eacute;roport d&rsquo;arriv&eacute;e pour n&rsquo;&ecirc;tre restitu&eacute; que la veille du d&eacute;part. Heureusement, l&rsquo;autrice avait apport&eacute; son enregistreur &ndash;&nbsp;ce qui a pu sauver des enregistrements&nbsp;&ndash; mais le mat&eacute;riel professionnel a &eacute;t&eacute; rendu bien tardivement et a oblig&eacute; l&rsquo;&eacute;quipe &agrave; trouver des solutions pour effectuer les prises de son d&rsquo;ambiance avant le d&eacute;part.</p> <p>L&rsquo;entretien men&eacute;e avec l&rsquo;une et l&rsquo;autre m&rsquo;apprend par ailleurs que V&eacute;ronique Lamendour a accompagn&eacute; Laure-Anne Bomati dans la construction dramaturgique en la rassurant sur le fait qu&rsquo;elle pouvait laisser le temps &agrave; la parole de se d&eacute;ployer longuement. Ici, la r&eacute;alisatrice lui a donn&eacute; confiance pour aller dans le sens de son &eacute;criture. Mais, en tant que r&eacute;alisatrice, elle a aussi fait des propositions pour stimuler la narration et a invit&eacute; l&rsquo;autrice &agrave; faire entendre sa voix dans les interstices des t&eacute;moignages car il lui importait d&rsquo;entendre ce qui animait le projet. Il n&rsquo;est encore une fois pas question de se revendiquer auteur, mais d&rsquo;&ecirc;tre dans une relation de collaboration avec l&rsquo;auteur.</p> <h2>5. Autour de Kaye Mortley<br /> &nbsp;</h2> <blockquote> <p>Les sons sont comme des pens&eacute;es qui se m&eacute;langent. Ce n&rsquo;est jamais monochrome. Je ne cherche pas &agrave; restituer le r&eacute;el comme il s&rsquo;exprime. Je prends le r&eacute;el et je le retourne dans tous les sens jusqu&rsquo;&agrave; &ecirc;tre un kal&eacute;idoscope. Je trouve qu&rsquo;il y a trop de paroles, je voudrais qu&rsquo;il y en ait de moins en moins&nbsp;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11">[11]</a>.</p> </blockquote> <p>Ces phrases prononc&eacute;es par Kaye Mortley ont une densit&eacute; po&eacute;tique et lorsqu&rsquo;on l&rsquo;invite &agrave; parler de son travail, il y a ces &eacute;chapp&eacute;es dans le langage qui ponctuent la conversation. Des paroles, il y en a mais c&rsquo;est leur disposition, leur r&eacute;sonance qui les fait vivre plut&ocirc;t qu&rsquo;un sens organis&eacute; &agrave; la mani&egrave;re du discours. Le discours cadre le langage, il est une organisation &eacute;tablie dans la logique d&rsquo;une transmission d&rsquo;information. Et c&rsquo;est cela que fuit Kaye Mortley, nous semble-t-il. Il n&rsquo;est pas question d&rsquo;enfermer un auditeur ni de s&rsquo;enfermer soi-m&ecirc;me. Comment alors concilier un esprit qui aime vagabonder dans le r&eacute;el avec les logiques de production que nous venons d&rsquo;&eacute;noncer&nbsp;? Si les sons sont comme des pens&eacute;es qui se m&eacute;langent, est-ce qu&rsquo;on peut &ecirc;tre libre de penser quand on est contraint&nbsp;? Si le r&eacute;el est un kal&eacute;idoscope &agrave; force d&rsquo;&ecirc;tre retourn&eacute;, est-ce que l&rsquo;exercice peut se combiner &agrave; deux&nbsp;? Peut-on demander &agrave; deux esprits d&rsquo;&eacute;crire en &laquo;&nbsp;kal&eacute;idoscopie&nbsp;&raquo;&nbsp;? Ou l&rsquo;&eacute;nergie qui circule dans les jeux d&rsquo;associations entre les sons n&rsquo;est-elle pas si fragile qu&rsquo;elle doive &ecirc;tre seule avec elle-m&ecirc;me&nbsp;? Je me suis demand&eacute;e comment Kaye Mortley faisait pour produire des documentaires avec un tel sens du fragment dans le montage qu&rsquo;il en vient &agrave; ressembler &agrave; une composition musicale faites de motifs, d&rsquo;&eacute;clats, de virgules et parfois aussi d&rsquo;unit&eacute;s syntaxiques de discours organis&eacute;.</p> <p>N&rsquo;ayant pas eu acc&egrave;s au t&eacute;moignage de Manoushak Fashahi, il m&rsquo;est impossible de d&eacute;velopper les modalit&eacute;s de leur collaboration. N&eacute;anmoins, il n&rsquo;est pas incoh&eacute;rent d&rsquo;avancer que pour &ecirc;tre r&eacute;ellement auteur, il est n&eacute;cessaire de cr&eacute;er ses espaces de libert&eacute; tant que cela est possible. Une question s&rsquo;impose&nbsp;: est-ce que la logique de production &agrave; laquelle nous accordons notre attention est en accord &ndash;&nbsp;au sens musical du terme&nbsp;&ndash; avec la pratique de Kaye Mortley&nbsp;? Convenons que pour &eacute;crire avec des fragments de r&eacute;el, il est n&eacute;cessaire d&rsquo;enregistrer beaucoup de mati&egrave;re, ce qui implique une disponibilit&eacute; de temps mais aussi une attitude &agrave; l&rsquo;&eacute;gard du terrain. Cette disponibilit&eacute; est synonyme de libert&eacute; accord&eacute;e &agrave; l&rsquo;auteur, libert&eacute; qui se joue d&egrave;s l&rsquo;enregistrement, or la production de documentaires &agrave; France Culture repose sur une r&eacute;partition des t&acirc;ches. La technique n&rsquo;est pas l&rsquo;affaire de l&rsquo;auteur, car la technique est un m&eacute;tier n&eacute;cessitant un savoir-faire. Il est important de souligner que les m&eacute;tiers sont prot&eacute;g&eacute;s. Le probl&egrave;me survient quand les plannings de l&rsquo;organisation du travail restreignent les possibilit&eacute;s de r&eacute;colter, cueillir les sons qui pour certaines &oelig;uvres, dont celles de Kaye Mortley, sont comme des notes de musiques dans une partition. Nombreux sont les auteurs qui se sentent d&eacute;poss&eacute;d&eacute;s de leur &eacute;criture &agrave; partir du moment o&ugrave; ils ne peuvent assurer leurs enregistrements car c&rsquo;est dans ces moments d&eacute;cisifs que la mati&egrave;re commence &agrave; vivre et il faut pouvoir l&rsquo;&eacute;couter vivre, se laisser traverser par elle, se mettre en r&eacute;sonance avec elle, avec ces sons du monde, ces voix, ces rencontres qui se font au micro et qui parfois ne pourraient se faire autrement. La logique de l&rsquo;interview programm&eacute;e ne convient pas &agrave; toutes les &eacute;critures. Il faut parfois pouvoir mener de br&egrave;ves conversations, circuler et enregistrer des instantan&eacute;s de vie.</p> <p>&Agrave; France Culture, l&rsquo;auteur est pris dans un r&eacute;seau de relations, heureux pour certains, contraignant pour d&rsquo;autres, habitu&eacute;s, comme Kaye Mortley, &agrave; glisser parmi les fonctions sans distinction et qui consid&egrave;rent les phases de production non pas comme des phases techniques mais comme faisant partie du mouvement de l&rsquo;&eacute;criture. Un auteur se construit au fil des ann&eacute;es et, dans sa construction, les contextes de production &eacute;prouv&eacute;s sont d&eacute;cisifs. Kaye Mortley, en produisant des &eacute;missions pour la radio australienne o&ugrave; elle a commenc&eacute; sa carri&egrave;re, puis en circulant dans les radios europ&eacute;ennes, a &eacute;t&eacute; plac&eacute;e dans des situations d&rsquo;&eacute;critures divergentes. Il n&rsquo;y a qu&rsquo;&agrave; France Culture que les fonctions sont ainsi compartiment&eacute;es. Ailleurs, le producteur est responsable du fond comme de la forme et &oelig;uvre seul jusqu&rsquo;au moment du mixage o&ugrave; il travaille avec un ing&eacute;nieur du son. Alors ce moment du mixage est d&eacute;cisif. La majeure partie des t&eacute;moins entendus consid&egrave;rent les mixeurs comme des magiciens qui deviennent de plus en plus essentiels &agrave; mesure que le temps de la r&eacute;alisation est compress&eacute;. Tous ont parl&eacute; de l&rsquo;importance du mixage comme &eacute;tant le moment ultime o&ugrave; la rencontre se fait avec un nouveau collaborateur d&eacute;couvrant le projet et le r&eacute;v&eacute;lant par une nouvelle &eacute;coute. &Agrave; de nombreuses reprises il aura &eacute;t&eacute; question du mixage comme d&rsquo;une pratique myst&eacute;rieuse et alchimique.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p>Cette enqu&ecirc;te m&rsquo;am&egrave;ne &agrave; formuler une conclusion en demi-teinte quant &agrave; la capacit&eacute; qu&rsquo;aurait France Culture &agrave; faire &eacute;merger des voix singuli&egrave;res mais aussi &agrave; accompagner des auteurs pourtant reconnus dans le paysage du documentaire de cr&eacute;ation radiophonique, tant les contraintes p&egrave;sent sur tous les acteurs. Mais il n&rsquo;en reste pas moins vrai que la diffusion d&rsquo;un documentaire sur France Culture est symboliquement importante pour un auteur&nbsp;; il s&rsquo;y joue parfois une question de l&eacute;gitimit&eacute;. De m&ecirc;me que l&rsquo;on ne niera pas l&rsquo;importance des belles exp&eacute;riences de collaboration v&eacute;cues tant par des auteurs que par des r&eacute;alisateurs.</p> <h3><strong>Notes</strong><br /> &nbsp;</h3> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1">[1]</a>&nbsp;Christophe Deleu,&nbsp;<em>Le documentaire radiophonique</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan et Ina &eacute;ditions, &laquo;&nbsp;M&eacute;moires de radio&nbsp;&raquo; 2013.</p> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2">[2]</a>&nbsp;Nous employons ici le verbe &laquo;&nbsp;participer&nbsp;&raquo; pour souligner le fait que Kaye Mortley a construit son &oelig;uvre en circulant dans diverses radios &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle internationale et que les modalit&eacute;s de productions &eacute;prouv&eacute;es dans ces radios ont elles aussi fa&ccedil;onn&eacute; la fabrique de son &oelig;uvre.</p> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3">[3]</a>&nbsp;Pr&eacute;sentation des &eacute;missions sur le site internet de France Culture.</p> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4">[4]</a>&nbsp;Christophe Deleu,&nbsp;<em>op. cit</em>., p.172. C. Deleu cite Jean Tardieu, &laquo; Pour un Atelier de cr&eacute;ation radiophonique &ndash; projet &raquo;, texte dat&eacute; du 24 avril 1968, publi&eacute; dans&nbsp;<em>Cahiers de la Radiodiffusion</em>, n&deg;62, octobre-d&eacute;cembre 1999, p.153.</p> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5">[5]</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 171.</p> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6">[6]</a>&nbsp;Dans le vocabulaire en cours &agrave; Radio France, l&rsquo;auteur du projet investit la fonction de producteur d&eacute;l&eacute;gu&eacute;.</p> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7">[7]</a>&nbsp;<em>D&eacute;faut d&rsquo;ing&eacute;rence : paroles de casques bleus en ex-Yougoslavie</em>&nbsp;(production d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e avec Anne Kropotkine), V&eacute;ronique Lamendour (r&eacute;alisation), Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko (production), France Culture,&nbsp;<em>L&rsquo;atelier de la cr&eacute;ation</em>, 3 septembre 2014. Et&nbsp;<em>Didier-Georges Gabily (1955-1996) : Revenir sur les lieux</em>, Nathalie Salles (r&eacute;alisation), Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko (production), France Culture,&nbsp;<em>Une vie, une &oelig;uvre</em>, 3 juin 2017.</p> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8">[8]</a>&nbsp;Radios finnoises, suisses, belges, allemandes et australienne.</p> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9">[9]</a>&nbsp;C&rsquo;est ainsi que j&rsquo;ai v&eacute;cu la collaboration avec l&rsquo;une et l&rsquo;autre et je reconnais dans ces entretiens, l&rsquo;&eacute;nergie des deux r&eacute;alisatrices avec lesquelles j&rsquo;ai eu &agrave; collaborer.</p> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10">[10]</a>&nbsp;Soci&eacute;t&eacute; civile des auteurs multim&eacute;dias.</p> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11">[11]</a>&nbsp;Kaye Mortley, entretien avec S&eacute;verine Leroy, octobre 2021.</p> <p>&nbsp;</p> <h3>Bibliographie<br /> &nbsp;</h3> <p>Anne-Marie Autissier et Emmanuel Laurentin,&nbsp;<em>50 ans de France Culture</em>, Paris, Flammarion, 2013.</p> <p>Christophe Deleu,&nbsp;<em>Le documentaire radiophonique</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan et Ina &eacute;ditions, &laquo;&nbsp;M&eacute;moires de radio&nbsp;&raquo; 2013.</p> <p>Kaye Mortley,&nbsp;<em>La tentation du son</em>, Arles, Phonurgia Nova, 2013.</p> <p style="text-align: center;">*</p> <p>Laure-Anne Bomati (production d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e), V&eacute;ronique Lamendour (r&eacute;alisation),&nbsp;<em>T&ocirc;t ou tard&hellip; Quitter Tanger</em>, dans&nbsp;<em>Cr&eacute;ation on air</em>, prod. Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko, France Culture, 28 septembre 2016.</p> <p>&Eacute;ric Cordier (production d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e), Nathalie Salles (r&eacute;alisation),&nbsp;<em>XIE, Picabian night</em>, dans&nbsp;<em>Cr&eacute;ation on Air</em>, prod. Ir&egrave;ne Om&eacute;lianenko, France Culture, 2 d&eacute;cembre 2018.</p> <p>Kaye Mortley (production d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e), Manoushak Fashahi (r&eacute;alisation),&nbsp;<em>Le voyage</em>, dans&nbsp;<em>L&rsquo;Exp&eacute;rience</em>, prod. Aur&eacute;lie Charon, France Culture, 20 octobre 2019.</p> <h3>Autrice</h3> <p><strong>S&eacute;verine Leroy</strong>&nbsp;est ma&icirc;tresse de conf&eacute;rences en &eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Catholique de l&rsquo;Ouest &agrave; Angers et &laquo;&nbsp;apprentie documentariste&nbsp;&raquo; sonore. En fonction des productions, elle est autrice ind&eacute;pendante ou productrice d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e pour France Culture (<em>D&eacute;faut d&rsquo;ing&eacute;rence&nbsp;: paroles de casques bleus en ex-Yougoslavie</em>, avec A. Kropotkine en 2014 et&nbsp;<em>Didier-Georges Gabily 1955-1996&nbsp;: Revenir sur les lieux</em>, en 2017). Apr&egrave;s avoir consacr&eacute; sa th&egrave;se &agrave; la po&eacute;tique de la m&eacute;moire dans l&rsquo;&oelig;uvre th&eacute;&acirc;trale de Didier-Georges Gabily (2015), elle a essentiellement d&eacute;velopp&eacute; ses recherches en direction des processus de cr&eacute;ation en s&rsquo;int&eacute;ressant &agrave; l&rsquo;archivage, la documentation et d&eacute;sormais le documentaire sur le geste cr&eacute;ateur (<em>La fabrique du spectacle&nbsp;</em>:&nbsp;<a href="http://www.fabrique-du-spectacle.fr/" target="_blank">http://www.fabrique-du-spectacle.fr/</a>&nbsp;UOH, Univ.Rennes2, projet europ&eacute;en ARGOS). Elle est membre du consortium europ&eacute;en r&eacute;uni dans le projet ARGOS&nbsp;: observatoire des processus de cr&eacute;ation (Europe Cr&eacute;ative Culture 2018-2021). Elle m&egrave;ne des activit&eacute;s de recherche cr&eacute;ation en lien avec les pratiques sonores de la recherche et r&eacute;alise des documentaires sonores &agrave; dimension artistique ou de recherche. Ses documentaires sonores li&eacute;es aux processus de cr&eacute;ation sont&nbsp;:&nbsp;<em>Variation Rothko&nbsp;: une immersion sonore</em>, 30&rsquo;16, 2021&nbsp;;&nbsp;<em>&Agrave; l&rsquo;&eacute;coute du Purgatorio au TeatrO Bando</em>, 31&rsquo;06, 2021&nbsp;;&nbsp;<em>Sonorit&eacute;s d&rsquo;une partition sc&eacute;nique&nbsp;: La terra dei lombrichi</em>, 34&rsquo;22, 2021, tous trois issus des terrains europ&eacute;ens du projet ARGOS. Le documentaire audiovisuel&nbsp;:&nbsp;<em>C&rsquo;est quoi &ecirc;tre ensemble&nbsp;? Dans le processus de cr&eacute;ation de Sauvage</em>, r&eacute;al&nbsp;: S&eacute;verine Leroy et Henri Huchon, 44&rsquo;00, 2021, s&rsquo;ajoute &agrave; cet ensemble. Ces productions sont accessibles via le lien suivant&nbsp;:&nbsp;<a href="https://www.lairedu.fr/recherche/?re=argos" target="_blank">https://www.lairedu.fr/recherche/?re=argos</a>. S&eacute;verine Leroy a par ailleurs co-fond&eacute; le collectif Micro-sillons &agrave; Rennes en 2012 avec Anne Kropotkine et men&eacute; des r&eacute;alisations sonores (avec Gwendal Ollivier) en s&rsquo;int&eacute;ressant particuli&egrave;rement &agrave; la puissance po&eacute;tique des mat&eacute;riaux archivistiques (<em>Les sons de l&rsquo;arri&egrave;re</em>, 2015&nbsp;;&nbsp;<em>Sur les routes&nbsp;: petites et grande histoire de la d&eacute;centralisation th&eacute;&acirc;trale</em>, 2016 ;&nbsp;<em>Sur &eacute;coute</em>, 2016.) En 2019, elle signe un documentaire consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;histoire de l&rsquo;ADEC qu&rsquo;elle r&eacute;alise en compagnonnage avec Henry Puizillout (<em>Histoires d&rsquo;amateurs&nbsp;: les cinquante ans de l&rsquo;ADEC</em>, 2019). En avril 2022, elle sera en r&eacute;sidence de cr&eacute;ation avec le CNCA (Centre National pour la Cr&eacute;ation Adapt&eacute;e) de Morlaix pour un documentaire sonore dans le service enfance de la fondation Ildys &agrave; Brest.</p> <h3><strong>Copyright</strong></h3> <p>Tous droits r&eacute;serv&eacute;s.</p>