<p>L&rsquo;art radiophonique est avant tout un art de l&rsquo;oreille&nbsp;: il suppose de la part de ses cr&eacute;ateurs une qualit&eacute; d&rsquo;&eacute;coute singuli&egrave;re, une attention aux sons aviv&eacute;e par la technique, d&eacute;multipli&eacute;e par les micros, les effets sonores, les manipulations propres au montage. Ce sont eux d&rsquo;abord &ndash; producteurs et r&eacute;alisateurs &ndash; les &laquo;&nbsp;sur-auditifs<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>&nbsp;&raquo;. Leurs &oelig;uvres constituent des propositions d&rsquo;&eacute;coute sollicitant de la part des auditeurs une autre mani&egrave;re d&rsquo;&eacute;couter &ndash; et d&rsquo;entendre &ndash; que dans la vie courante et la communication ordinaire. Je voudrais m&rsquo;int&eacute;resser ici &agrave; la question du traitement des voix &eacute;trang&egrave;res dans la cr&eacute;ation radiophonique. Hors radio, il y a d&eacute;j&agrave; l&agrave;, dans l&rsquo;attention aux voix que l&rsquo;on ne comprend pas du fait d&rsquo;en m&eacute;conna&icirc;tre la langue, une exp&eacute;rience puissante. C&rsquo;est sur elle que Roland Barthes, notamment, fonde sa r&eacute;flexion sur le &laquo;&nbsp;bruissement de la langue&nbsp;&raquo;, puis sur le &laquo;&nbsp;grain&nbsp;de la voix &raquo; comme possible &laquo;&nbsp;mati&egrave;re d&rsquo;un art&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>. &Agrave; la radio, et plus particuli&egrave;rement dans les productions &agrave; valeur r&eacute;flexive et/ou po&eacute;tique &ndash; productions que l&rsquo;on peut ranger par commodit&eacute;, comme le propose Christophe Deleu, dans la cat&eacute;gorie des documentaires po&eacute;tiques<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a> &ndash; cette exp&eacute;rience est d&eacute;cupl&eacute;e, la mat&eacute;rialit&eacute; des voix participant pleinement de la composition sonore, de sa port&eacute;e, de ses enjeux, de sa signifiance. Dans les productions de type journalistique au contraire (&agrave; but informationnel), la caract&eacute;risation sonore des voix ne compte pas&nbsp;; dans le cas des voix s&rsquo;exprimant en langue &eacute;trang&egrave;re, elle s&rsquo;&eacute;clipse m&ecirc;me totalement sous le doublage vocal du traducteur.</p> <p>Dans les productions radio-po&eacute;tiques, le traitement des voix &eacute;trang&egrave;res<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a> concentre et croise donc de nombreux enjeux. Enjeux esth&eacute;tiques d&rsquo;une part, car la voix &eacute;trang&egrave;re, surtout si elle est inintelligible, peut &ecirc;tre r&eacute;duite &agrave; sa pure musicalit&eacute;, ou tonalit&eacute; exotique ; sa pr&eacute;sence suscite alors un type de plaisir caract&eacute;ristique d&rsquo;une certaine &eacute;coute radiophonique, souvent mythifi&eacute;e dans l&rsquo;histoire de la radio, issue notamment de la captation al&eacute;atoire des voix du monde via les ondes courtes. Enjeux politiques&nbsp;d&rsquo;autre part : car la voix &eacute;trang&egrave;re, celle de l&rsquo;Autre, en dit moins sur le peuple et la culture &agrave; laquelle elle renvoie (dont elle est l&rsquo;&laquo;&nbsp;empreinte sonore<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a>&nbsp;&raquo;) que sur la culture et la langue depuis laquelle celle-ci est per&ccedil;ue et retransmise. Enjeux &eacute;thiques et techniques enfin, car si la mani&egrave;re dont l&rsquo;auteur du documentaire choisit de traiter ces voix r&eacute;v&egrave;le pour une part son rapport aux interview&eacute;s comme aux auditeurs, cette mani&egrave;re d&eacute;pend aussi de conditions et contraintes techniques&nbsp;qui varient fortement au cours du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle.</p> <p>Pour penser cette question des voix &eacute;trang&egrave;res dans tous ses enjeux et dans le temps long de la radio de cr&eacute;ation, j&rsquo;ai choisi de m&rsquo;appuyer sur quatre documentaires radio-po&eacute;tiques, produits par des &eacute;crivains de langue fran&ccedil;aise entre 1950 et 2006. Tous rel&egrave;vent de ce que l&rsquo;on pourrait appeler la radio de voyage (comme on dit &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature de voyage&nbsp;&raquo;). La premi&egrave;re &eacute;mission est une production de Philippe Soupault de 1950, &laquo;&nbsp;Instantan&eacute;s de Perse&nbsp;&raquo;, r&eacute;alis&eacute;e &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; sur le plan technique il &eacute;tait tr&egrave;s difficile d&rsquo;enregistrer en ext&eacute;rieur&nbsp;: le mat&eacute;riel &eacute;tait encombrant et peu mobile&nbsp;(on est avant le Nagra)&nbsp;; sur le plan politique, le fran&ccedil;ais restait une langue coloniale (&eacute;poque de &laquo; l&rsquo;Union fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;) quoique la d&eacute;colonisation f&ucirc;t en marche, notamment en Indochine. La deuxi&egrave;me production se situe &agrave; un autre &acirc;ge de la radio&nbsp;: il s&rsquo;agit d&rsquo;une &oelig;uvre de Jos&eacute; Pivin, &laquo;&nbsp;Le Transcamerounais&nbsp;&raquo;, diffus&eacute;e sur France Culture en 1977 et couronn&eacute;e du Prix Italia. La troisi&egrave;me, <em>Souvenirs d&rsquo;en Flandres</em>, s&eacute;rie produite par Franck Venaille dans le cadre du programme de <em>Nuits magn&eacute;tiques</em> sur France Culture, nous projette encore dix ans plus tard, en 1987. Enfin, la derni&egrave;re &oelig;uvre choisie, (S)no(w) borders, est un documentaire ind&eacute;pendant de l&rsquo;artiste et &eacute;crivain belge francophone Anne Penders produit en 2006. Productions de po&egrave;tes, ces &eacute;missions tentent toutes &agrave; leur mani&egrave;re d&rsquo;interroger les repr&eacute;sentations de l&rsquo;Autre et du M&ecirc;me, instaurant pour les auditeurs, par l&rsquo;&eacute;coute augment&eacute;e que permet la cr&eacute;ation sonore, la possibilit&eacute; de relations sensibles et mentales nouvelles.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>1. 1950, Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;Instantan&eacute;s de Perse&nbsp;&raquo;</h2> <p>&nbsp;</p> <p>Philippe Soupault, pionnier du surr&eacute;alisme aux c&ocirc;t&eacute;s de Breton et d&rsquo;Aragon dans les ann&eacute;es 1920, gagne sa vie comme journaliste. Depuis 1946 en particulier, charg&eacute; par l&rsquo;Unesco d&rsquo;enqu&ecirc;tes sur la presse, la radio et le cin&eacute;ma, il parcourt le monde. &Agrave; partir de 1950, certains de ses voyages donnent lieu &agrave; des restitutions &agrave; la RTF, sous forme d&rsquo;interviews mais aussi d&rsquo;&eacute;missions de cr&eacute;ation hybrides, &agrave; mi-chemin entre le r&eacute;cit de voyage, la dramatique et l&rsquo;&eacute;vocation sonore<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a>. Dans l&rsquo;&eacute;mission de 1950 dont il s&rsquo;agit ici<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a>, Soupault, auteur d&rsquo;un texte qu&rsquo;il prononce lui-m&ecirc;me au micro, propose de livrer aux auditeurs une s&eacute;rie d&rsquo;&laquo;&nbsp;instantan&eacute;s&nbsp;&raquo;&nbsp;sur la Perse, dont il revient. Le terme d&rsquo;&laquo;&nbsp;instantan&eacute;&nbsp;&raquo;, issu de l&rsquo;art photographique, est appliqu&eacute; tr&egrave;s sciemment par Soupault &agrave; la radio&nbsp;: il en retient la &laquo;&nbsp;rapidit&eacute;&nbsp;&raquo;, la &laquo;&nbsp;fid&eacute;lit&eacute;&nbsp;&raquo;, qui correspondent selon lui aux exigences du m&eacute;dia radiophonique, ainsi que le pouvoir de surprendre. Chez Soupault, la &laquo;&nbsp;surprise&nbsp;&raquo; est la valeur cl&eacute;, l&rsquo;alpha et l&rsquo;om&eacute;ga du travail po&eacute;tique&nbsp;: c&rsquo;est ce mouvement de l&rsquo;esprit et de la sensibilit&eacute; qui permet de &laquo;&nbsp;changer la vie&nbsp;&raquo;, d&rsquo;ouvrir dans le banal et le quotidien cette zone de questionnement propre &agrave; l&rsquo;action po&eacute;tique selon les Surr&eacute;alistes. Le d&eacute;fi &agrave; relever est bien de parvenir &agrave; produire cette exp&eacute;rience de l&rsquo;insolite &agrave; la radio, c&rsquo;est-&agrave;-dire uniquement par l&rsquo;oreille. Partant d&rsquo;un clich&eacute; sonore qu&rsquo;il commente avant d&rsquo;en diffuser un bref extrait (&laquo;&nbsp;un air c&eacute;l&egrave;bre, trop c&eacute;l&egrave;bre, une rengaine, disent certains, cet air si incroyablement populaire qu&rsquo;on nomme, on ne sait pourquoi, &ldquo;Sur un march&eacute; persan&rdquo;&nbsp;&raquo;), Soupault oppose au puissant imaginaire d&eacute;livr&eacute; par la musique (puissance du st&eacute;r&eacute;otype qu&rsquo;il veut ici &eacute;branler) la lecture de ses propres notes de voyage d&eacute;crivant le &laquo;&nbsp;bazar de T&eacute;h&eacute;ran&nbsp;&raquo;. On aurait pu imaginer qu&rsquo;il f&icirc;t entendre des sons pris sur le vif, ou au moins tir&eacute;s de la riche phonoth&egrave;que de la radio, comme Cendrars le fit peu apr&egrave;s<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title="">[8]</a>. Mais Soupault s&rsquo;appuie uniquement sur ses impressions &eacute;crites. L&rsquo;&eacute;vocation sonore passe enti&egrave;rement par la lecture de textes lus. Le st&eacute;r&eacute;otype doit plier devant la seule force suggestive de l&rsquo;&eacute;criture. L&rsquo;absence de sons r&eacute;els est particuli&egrave;rement frappante lorsque Soupault rapporte ses impressions auditives, comme ici, &agrave; propos des &laquo;&nbsp;frappeurs de cuivre&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p style="text-align:justify; text-indent:1cm">&nbsp;</p> <blockquote> <p>[&hellip;] j&rsquo;entends encore trois gaillards accroupis dans le fond d&rsquo;une petite boutique frapper &agrave; tour de bras et &agrave; grands coups de marteau sur des bourreaux de cuivre. G&ecirc;n&eacute;s sans doute par le bruit d&rsquo;enfer qu&#39;ils faisaient, ils avaient install&eacute; un poste de radio fonctionnant &agrave; pleins tubes &ndash; Wagner n&rsquo;a rien compos&eacute; de plus assourdissant<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title="">[9]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p>De m&ecirc;me que Soupault transcrit verbalement le monde visuel et sonore dont il cherche &agrave; transmettre ses impressions, de m&ecirc;me ne donne-t-il &agrave; entendre directement la langue persane qu&rsquo;en deux occurrences&nbsp;: d&rsquo;abord, apr&egrave;s trois po&egrave;mes lus dans leur traduction fran&ccedil;aise (et m&ecirc;me dans une traduction adapt&eacute;e par ses soins pour le premier), un po&egrave;me d&rsquo;Hafiz, auteur du xive si&egrave;cle, est &laquo;&nbsp;r&eacute;cit&eacute; en persan&nbsp;&raquo;&nbsp;; puis est diffus&eacute;e &laquo;&nbsp;la&nbsp;chanson la plus populaire en 1950 dans les grandes villes de l&rsquo;Iran&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est donc uniquement avec la po&eacute;sie &ndash; la chanson en &eacute;tant selon lui l&rsquo;avatar populaire &ndash; que Soupault bute sur la part d&rsquo;intranscriptible &ndash; intransmissible et intraduisible &ndash; que rec&egrave;le au fond toute r&eacute;alit&eacute; sonore. Cette conscience de po&egrave;te et de traducteur, explicite dans l&rsquo;&eacute;mission (&laquo;&nbsp;traduire un po&egrave;me, c&rsquo;est toujours le trahir, car il est impossible de faire passer dans une langue la sonorit&eacute;, le rythme, le balancement de l&rsquo;&oelig;uvre originale&nbsp;&raquo;, dit-il), reste cantonn&eacute;e au domaine po&eacute;tique, signe qu&rsquo;il n&rsquo;a sans doute pas encore pris toute la mesure des possibilit&eacute;s propres au micro, ni m&ecirc;me de la r&eacute;alit&eacute; sonore qui l&rsquo;environne, dans ses pouvoirs de suggestion et d&rsquo;expression sp&eacute;cifiques. La seule r&eacute;alit&eacute; qui vaille demeure pour lui celle du po&egrave;me. Peut-&ecirc;tre ne va-t-il pas non plus jusqu&rsquo;au bout de son intention d&rsquo;&eacute;branler la vision fran&ccedil;aise de cette Perse fantasm&eacute;e&nbsp;: s&rsquo;il d&eacute;nonce par l&rsquo;humour les st&eacute;r&eacute;otypes v&eacute;hicul&eacute;s dans les ann&eacute;es 1950 sur cette r&eacute;gion du monde, il ne les renverse pas, se contentant de s&rsquo;en amuser. Ainsi de cette s&eacute;quence finale, dramatis&eacute;e &agrave; la fa&ccedil;on d&rsquo;un H&ouml;rspiel, dans laquelle Soupault incarne un voyageur assailli de questions &agrave; son retour en France. Est-ce pour complaire aux auditeurs de son temps, convaincus de la grandeur de la France, qu&rsquo;il insiste &agrave; ce point sur la pr&eacute;sence de la langue fran&ccedil;aise &laquo;&nbsp;dans les milieux intellectuels&nbsp;&raquo;&nbsp;comme &laquo;&nbsp;dans la rue&nbsp;&raquo;&nbsp;? &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai souvent demand&eacute; mon ch&rsquo;min et &agrave; mon grand &eacute;tonnement on m&rsquo;a souvent r&eacute;pondu dans ma langue maternelle&nbsp;&raquo;, affirme-t-il. Son intention en tout cas est moins de d&eacute;payser l&rsquo;auditeur, de flatter ses repr&eacute;sentations exotisantes de la Perse, comme le fait alors toute une imagerie industrialo-touristique, que de r&eacute;v&eacute;ler les ressemblances, &eacute;quivalences et correspondances, de faire r&eacute;sonner ce monde lointain et pr&eacute;tendument exotique avec les r&eacute;f&eacute;rences culturelles des Fran&ccedil;ais et des Europ&eacute;ens&nbsp;: c&rsquo;est dans le rapprochement inattendu de r&eacute;alit&eacute;s a priori &eacute;loign&eacute;es que surgit pour Soupault le principe po&eacute;tique de la &laquo;&nbsp;surprise&nbsp;&raquo;. On mesure cependant ici les limites tant po&eacute;tiques que politiques de cet essai de transposition &agrave; la radio d&rsquo;un principe de cr&eacute;ation cher aux Surr&eacute;alistes.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>2. 1977, Jos&eacute; Pivin, &laquo;&nbsp;Le Transcamerounais&nbsp;&raquo;</h2> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p>Prim&eacute;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &nbsp;en 1977, &laquo;&nbsp;Le Transcamerounais<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title="">[10]</a>&nbsp;&raquo; est une &oelig;uvre hybride, entre le reportage et la dramatique, comme l&rsquo;est aussi l&rsquo;&eacute;mission de Soupault. Depuis cette derni&egrave;re cependant, les conditions d&rsquo;enregistrement ont beaucoup &eacute;volu&eacute;. Le Nagra, magn&eacute;tophone portatif avec lequel travaillent d&eacute;sormais les journalistes et reporters de la radio fran&ccedil;aise, permet une mobilit&eacute; d&rsquo;enregistrement en ext&eacute;rieur jusque-l&agrave; impossible. Jos&eacute; Pivin, producteur jusqu&rsquo;en 1958 &agrave; Radio-Alger, proche de Jean S&eacute;nac avec lequel il cr&eacute;e la revue litt&eacute;raire Soleil (1950-1952), est familier de plusieurs pays d&rsquo;Afrique, dont il collecte dans les ann&eacute;es c&nbsp;&nbsp; inquante, par &eacute;crit et par captations sonores, contes, chants et traditions diverses<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title="">[11]</a>. En 1975 et 1976, il effectue plusieurs s&eacute;jours au Cameroun, accompagn&eacute; de techniciens de France Culture et assist&eacute; sur place par une &eacute;quipe de Radio Cameroun. Il &eacute;coute, enregistre, &eacute;crit. Plusieurs &eacute;missions sont ainsi cr&eacute;&eacute;es&nbsp;: d&rsquo;abord &laquo;&nbsp;Op&eacute;ra du Cameroun&nbsp;&raquo;, diffus&eacute; pour la premi&egrave;re fois dans le cadre de l&rsquo;Atelier de Cr&eacute;ation radiophonique le 17 octobre 1976&nbsp;; puis cinq &eacute;missions, diffus&eacute;es en avril 1977 dans le cadre d&rsquo;une &laquo;&nbsp;Semaine camerounaise&nbsp;&raquo; sur France Culture. La premi&egrave;re d&rsquo;entre elles, &laquo;&nbsp;Le Transcamerounais&nbsp;&raquo;, entame le voyage sonore auquel est convi&eacute; l&rsquo;auditeur chaque soir de la semaine.</p> <p>C&rsquo;est Jos&eacute; Pivin lui-m&ecirc;me qui ouvre l&rsquo;&eacute;mission, lisant des impressions comme not&eacute;es dans un journal de bord. Par ce proc&eacute;d&eacute;, il fournit aux auditeurs quelques rep&egrave;res minimaux pour guider leur &eacute;coute et leur imagination :</p> <p style="text-align:justify; text-indent:1cm">&nbsp;</p> <blockquote> <p>Avril 1976. Cameroun, dans la for&ecirc;t tropicale, &Eacute;d&eacute;a, l&rsquo;apr&egrave;s-midi, chaud et humide. Lumi&egrave;re grise. Le train vient de Douala sur la lagune devant la mer. Le train, voie &eacute;troite, quelques vieux wagons bond&eacute;s, une matrice Diesel. Je voulais &ecirc;tre secou&eacute; au m&ecirc;me rythme que chacun. Se laisser conduire en m&ecirc;me temps que tous dans la for&ecirc;t, parler des pluies, s&rsquo;offrir une banane ou une mangue achet&eacute;e &agrave; l&rsquo;arr&ecirc;t des villages. Franchir des ravins sur des viaducs, &agrave; dix &agrave; l&rsquo;heure, et, en se penchant, d&eacute;border sur le vide et les feuillages. Puis, la nuit arriv&eacute;e, Yaound&eacute;, la capitale. Changer de train. Et traverser les fra&icirc;cheurs du plateau de l&rsquo;Adamaoua. Dormir. Respirer au milieu de souffles semblables, ballot&eacute; par les m&ecirc;mes chaos, &eacute;paules serr&eacute;es. Se r&eacute;veiller sans se rappeler o&ugrave; l&rsquo;on va, devant les &eacute;pineux jaun&acirc;tres, sur un sol rouge. Boire le caf&eacute; d&rsquo;une bouteille Thermos que prom&egrave;ne un employ&eacute;. Et arriver le matin, &agrave; Ngaound&eacute;r&eacute;, au soleil qui domine les savanes br&ucirc;l&eacute;es du Nord.</p> </blockquote> <p>Sit&ocirc;t apr&egrave;s ce pr&eacute;ambule, une longue s&eacute;quence de sons purs, sans commentaire, plonge l&rsquo;auditeur dans les lieux &eacute;voqu&eacute;s. Un sifflet de chef de gare, des voix indistinctes de voyageurs camerounais parlant dans leur langue, quelques mots fran&ccedil;ais &eacute;mergeant aussi de temps &agrave; autre, le bruit des wagons sur les rails&hellip;&nbsp;: autant d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments sonores permettant de placer mentalement l&rsquo;auditeur dans l&rsquo;espace recompos&eacute; (restitu&eacute; et non plus seulement &eacute;voqu&eacute;) d&rsquo;un Transcamerounais en partance. Puis cette s&eacute;quence s&rsquo;interrompt aussi abruptement qu&rsquo;elle avait commenc&eacute;, sans fading, laissant place &agrave; un long silence (pr&egrave;s de cinq secondes), lui-m&ecirc;me suivi d&rsquo;une voix de femme, aigu&euml; et fr&ecirc;le, presque enfantine, d&eacute;clarant soudain dans le silence abstrait d&rsquo;un studio&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Pourriez-vous me rendre noire&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> <p>Cet encha&icirc;nement, qui exhibe volontairement l&rsquo;artifice du montage, emp&ecirc;che tout confort auditif chez l&rsquo;auditeur, et toute illusion de pr&eacute;sence. Toute l&rsquo;&eacute;mission repose ensuite sur une alternance entre s&eacute;quences de reportage et s&eacute;quences de fiction, ce qui contraint l&rsquo;auditeur &agrave; op&eacute;rer en permanence des d&eacute;placements mentaux. Les premi&egrave;res sont constitu&eacute;es de sons enregistr&eacute;s sur le terrain puis mont&eacute;s&nbsp;; les secondes de dialogues lus et enregistr&eacute;s en studio&nbsp;: d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, un paysage sonore<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title="">[12]</a> dans lequel est brutalement projet&eacute; l&rsquo;auditeur&nbsp;; de l&rsquo;autre, un embryon de fiction, dialogu&eacute;, &eacute;labor&eacute; &agrave; partir de quatre voix-personnages aux fonctions plus symboliques que r&eacute;alistes. L&rsquo;auditeur distingue ainsi &agrave; l&rsquo;oreille&nbsp;: un couple de voyageurs blancs, Fran&ccedil;ais &agrave; l&rsquo;accent standard, une femme et un homme&nbsp;; un &laquo;&nbsp;fou&nbsp;&raquo;, personnage myst&eacute;rieux et d&eacute;positaire de toute une m&eacute;moire mythologique inconnue des Fran&ccedil;ais&nbsp;; enfin, un conteur camerounais, figure &agrave; mi-chemin entre la fiction et le r&eacute;el (les sons bruts du reportage), m&eacute;diateur entre les personnages et les auditeurs. Cette composition sonore altern&eacute;e produit un contraste saisissant&nbsp;: il s&rsquo;agit non seulement de cr&eacute;er pour l&rsquo;auditeur un effet d&rsquo;immersion et de d&eacute;paysement &ndash; Pivin l&rsquo;embarque auditivement dans les secousses du train, reproduisant l&rsquo;exp&eacute;rience qu&rsquo;il avait voulue pour lui-m&ecirc;me &ndash; mais aussi de le secouer au sens moral du terme, en le confrontant &agrave; un monde radicalement &eacute;tranger et &eacute;trange.</p> <p>La secousse sonore prend clairement ici une dimension politique&nbsp;: dans un Cameroun d&eacute;sormais ind&eacute;pendant, les Blancs (ici les Fran&ccedil;ais) apparaissent comme profond&eacute;ment &eacute;trangers au monde qu&rsquo;ils traversent.</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>[Le &laquo;&nbsp;fou&nbsp;&raquo;] - Ne tuez pas Akoumba&nbsp;!</p> <p>[La femme blanche] &ndash; Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;il raconte&nbsp;?</p> <p>[L&rsquo;homme blanc] &ndash; C&rsquo;est un fou. Ne prenez pas cet air &eacute;tonn&eacute;&nbsp;! Nous aussi nous avons des fous parmi nous.</p> <p>[La femme blanche] &ndash; Pourquoi dit-il cela&nbsp;?</p> <p>[L&rsquo;homme blanc] &ndash; Je ne sais pas, une id&eacute;e &agrave; lui&hellip; Personne ne peut tuer Akoumba le g&eacute;ant&nbsp;: lui et sa famille habitent la for&ecirc;t. Ils sont immortels&nbsp;!</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>Par la dramaturgie sonore des voix, en particulier via le personnage f&eacute;minin, avatar de la &laquo;&nbsp;petite Jeanne de France&nbsp;&raquo; cendrarsienne<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title="">[13]</a>, qui voudrait changer de couleur de peau pour mieux se fondre dans le milieu qu&rsquo;elle traverse, qui pose toutes sortes de questions sur ce qui l&rsquo;entoure, mi-curieuse, mi-effray&eacute;e, l&rsquo;auditeur est plac&eacute; en position d&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;&nbsp;: il est le spectateur d&rsquo;un monde dont il n&rsquo;a pas les cl&eacute;s, dont il a tout &agrave; apprendre, &agrave; commencer par les r&eacute;cits fondateurs que le personnage du conteur a pour fonction de lui transmettre.</p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <h2>3. 1987, Franck Venaille, Souvenirs d&rsquo;en Flandres</h2> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p>&Agrave; partir de 1976, Franck Venaille travaille pour France Culture. Il trouve d&rsquo;embl&eacute;e dans la radio un espace de r&eacute;flexion, de captation sensible du r&eacute;el et d&rsquo;&eacute;criture venant bouleverser en profondeur son travail litt&eacute;raire<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title="">[14]</a>. La plupart des reportages qu&rsquo;il compose, le plus souvent avec le r&eacute;alisateur Bruno Sourcis, constituent une matrice sonore et textuelle pour des livres &agrave; venir&nbsp;: ainsi de cette s&eacute;rie Souvenirs d&rsquo;en Flandres, diffus&eacute;e en quatre &eacute;pisodes dans Nuits magn&eacute;tiques (8-11 septembre 1987). Il s&rsquo;agit l&agrave; pour Venaille de la premi&egrave;re exploration sonore au long cours de la Belgique, en particulier des Flandres, dont il tirera par la suite plusieurs textes majeurs. Mais d&eacute;j&agrave; dans ce reportage atypique, fantasmagorique et po&eacute;tique plut&ocirc;t que journalistique, l&rsquo;&eacute;crivain-producteur donne &agrave; entendre les gens qu&rsquo;il interroge au travers d&rsquo;un cadre fictionnel dans lequel lui-m&ecirc;me se met en sc&egrave;ne. Ainsi Venaille d&eacute;clare-t-il, avec cette mani&egrave;re si singuli&egrave;re de lire ses textes, cette diction lente, grave et tendue, presque monocorde&nbsp;:</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>L&rsquo;enfant sera le narrateur de toute cette histoire. Il pourra en &ecirc;tre le narrateur parce qu&rsquo;il s&rsquo;appuie sur la m&eacute;moire imm&eacute;moriale de la b&ecirc;te. Voici les dix-huit stations du Chemin de Croix. Voici la mal&eacute;diction de la peste, les garnisons et les fonctionnaires espagnols, les marches nocturnes dans les rues des villages, des flagellants, voici tout ce qui fut ici, et jusqu&rsquo;&agrave; Rilke errant dans les &eacute;glises noires et &eacute;crivant du carillon de Nieuwpoort qu&rsquo;il joue pour lui-m&ecirc;me, comme un vieux musicien aveugle. Un enfant a dit qu&rsquo;il allait jouer &agrave; &ecirc;tre un cheval. Et moi, homme de cinquante ans n&eacute; autrefois &agrave; Ostende, il m&rsquo;arrivait ici et l&agrave; de partir dans un pr&eacute;, de marcher, de m&rsquo;approcher d&rsquo;un cheval et d&rsquo;attendre qu&rsquo;il pose ses naseaux contre mon &eacute;paule<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title="">[15]</a>.</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>Si cet &laquo;&nbsp;enfant&nbsp;&raquo; est le narrateur, c&rsquo;est en tant qu&rsquo;il est lui-m&ecirc;me une figure dans laquelle se projette le speaker/r&eacute;citant de l&rsquo;&eacute;mission, cet &laquo;&nbsp;homme de cinquante ans&nbsp;&raquo; incarn&eacute; vocalement par Venaille, mais qui, en se disant n&eacute; &agrave; Ostende plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; Paris, appara&icirc;t comme le double belge du po&egrave;te plut&ocirc;t que comme sa figure r&eacute;elle. D&egrave;s cette premi&egrave;re &eacute;mission, toute pr&eacute;tention objective de la parole radiophonique est sap&eacute;e&nbsp;: le montage invite l&rsquo;auditeur &agrave; &eacute;couter la s&eacute;rie non comme un documentaire sur les Flandres, mais comme un voyage subjectif &ndash; introspection et qu&ecirc;te po&eacute;tique par laquelle Venaille, interrogeant ses interlocuteurs (peintres, po&egrave;tes et &eacute;crivains flamands soit francophones soit n&eacute;erlandophones) sur ce que peut bien &ecirc;tre l&rsquo;identit&eacute; flamande, se cherche au fond lui-m&ecirc;me. C&rsquo;est ce que d&eacute;clare d&rsquo;embl&eacute;e, avec un fort accent flamand, l&rsquo;un des auteurs interrog&eacute;s&nbsp;:</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>Je pense que les &eacute;trangers&hellip; font une image&hellip; un peu&hellip; solitaire un peu&hellip; comme un r&ecirc;ve enfin heu&hellip; quelque chose f&eacute;erique&hellip; une image, m&eacute;taphore de Flandres&hellip; mais je ne pense pas qu&rsquo;on va comprendre tout &agrave; fait&hellip; l&rsquo;&eacute;tranger donc va pas comprendre tout &agrave; fait les Flandres comme ils sont. C&rsquo;est un pays r&eacute;el, ce n&rsquo;est pas un r&ecirc;ve, ce n&rsquo;est pas un Flandre&hellip; les Flandres qu&rsquo;on conna&icirc;t du moyen-&acirc;ge&hellip; je pense que les &eacute;trangers voient encore toujours ce pays comme on le voit dans les livres. Ya&hellip; c&rsquo;est aussi une Flandre r&eacute;elle, oui je suis d&rsquo;accord, mais ce n&rsquo;est pas, ce ne sont pas les Flandres de maintenant, actuelles, non, non non&hellip; Ce que tu cherches, c&rsquo;est une image de notre pays, mais pas la r&eacute;alit&eacute; m&ecirc;me de notre pays, je pense&hellip; oui&hellip; C&rsquo;est comme auteur que tu cherches les Flandres, pas comme homme r&eacute;el, pas comme homme concr&egrave;te de ce temps [&hellip;] C&rsquo;est une dualit&eacute;, donc, je pense&hellip; tu cherches comme auteur et comme homme&hellip; heu&hellip; ce que tu veux, le pays o&ugrave; tu es n&eacute;, le pays&hellip; tu cherches quelque chose chez nous, mais je ne sais pas quoi, je ne sais pas<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title="">[16]</a>&hellip;</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>Au c&oelig;ur de cette qu&ecirc;te, il y a la question si complexe &ndash; pour les Flamands comme pour tout &eacute;crivain &ndash; de la langue. C&rsquo;est le th&egrave;me central de la deuxi&egrave;me &eacute;mission de la s&eacute;rie, intitul&eacute;e &laquo;&nbsp;La langue rebelle&nbsp;&raquo;. Celle-ci s&rsquo;ouvre sur la voix d&rsquo;un enfant parlant flamand (extrait de film d&eacute;j&agrave; diffus&eacute; dans la premi&egrave;re &eacute;mission), puis sur des voix masculines anonymes capt&eacute;es en ext&eacute;rieur. Aucune traduction ici&nbsp;: Venaille d&eacute;cide de faire r&eacute;sonner cette langue pour elle-m&ecirc;me, pla&ccedil;ant ainsi l&rsquo;auditeur francophone dans une &eacute;coute sensorielle plut&ocirc;t qu&rsquo;intellectuelle. L&rsquo;incompr&eacute;hension linguistique ouvre un espace d&rsquo;imagination active. Puis ces deux s&eacute;quences en langue flamande s&rsquo;encha&icirc;nent avec un texte lu par Venaille, lequel imprime l&agrave; encore &agrave; tout ce qui suit un puissant filtre subjectif. Le reportage glisse dans la fiction&nbsp;et la m&eacute;ditation po&eacute;tique&nbsp;:</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>Pendant qu&rsquo;ils parlaient haut et fort, pendant qu&rsquo;ils riaient tout autour de la table, pendant que la vie offrait ici, pourquoi pas, son visage harmonieux, pendant tout cela, que faisaient les chevaux&nbsp;? &laquo;&nbsp;&Agrave; quoi songeaient-ils&nbsp;? Pourquoi se tenaient-ils immobiles sous la pluie&nbsp;? Est-ce pour faire partie int&eacute;grante du paysage&nbsp;?&nbsp;&raquo;, demanda l&rsquo;enfant du dessous, celui qui s&rsquo;exprimait dans chacun des corps adultes group&eacute;s autour de la table. Il fit nuit. Ils burent une nouvelle fois de la bi&egrave;re. C&rsquo;&eacute;tait bien d&rsquo;&ecirc;tre l&agrave;, &agrave; quelques-uns, chacun &agrave; tour de r&ocirc;le laissant parler en lui l&rsquo;innocent, l&rsquo;enfant des dunes, celui qui refusait d&rsquo;apprendre le fran&ccedil;ais. Le petit disait&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mes chevaux connaissent-ils cette langue&nbsp;? Ont-ils besoin de &ccedil;a pour travailler et forniquer&nbsp;?&nbsp;&raquo; Les adultes ne savaient pas quoi r&eacute;pondre, mais soudainement quelqu&rsquo;un cria&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je voudrais qu&rsquo;enfin l&rsquo;innocent qui habite en nous s&rsquo;exprime&nbsp;! Je voudrais qu&rsquo;enfin on l&rsquo;&eacute;coute&nbsp;! Toute ma longue vie, on m&rsquo;a demand&eacute; chaque jour d&rsquo;&ecirc;tre plus intelligent que je ne le fus la veille. Arr&ecirc;tez&nbsp;! Cessez&nbsp;! Je veux que ma b&ecirc;tise enfin s&rsquo;exprime&nbsp;!&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;He&hellip; Moi aussi j&rsquo;ai des inqui&eacute;tudes m&eacute;taphysiques&nbsp;&raquo;, r&eacute;pondit l&rsquo;enfant. Personne n&rsquo;eut envie de rire. Les hommes firent un signe. On apporta encore de la bi&egrave;re, tandis que dans un angle de la pi&egrave;ce, le petit se mit &agrave;&hellip; rugir.</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>Dans <em>Souvenirs d&rsquo;en Flandres</em>, Venaille cherche sa langue&nbsp;: sa langue d&rsquo;&eacute;criture, cette langue &eacute;trang&egrave;re &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du fran&ccedil;ais<a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title="">[17]</a> qu&rsquo;il recherche aussi bien en Belgique flamande que dans le cri animal. Le travail radiophonique co&iuml;ncide ici pleinement avec la qu&ecirc;te litt&eacute;raire.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>4. 2006, Anne Penders, (S)no(w) borders</h2> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p>Pour cette cr&eacute;ation sonore de 2006, produite de mani&egrave;re ind&eacute;pendante avec le soutien de la RTBF<a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title="">[18]</a>, Anne Penders, alors pr&eacute;sente dans le sud de la Chine (Canton, Xiamen), interroge les habitants sur leur rapport &agrave; la neige&nbsp;: Chinois du sud, exil&eacute;s du nord, &eacute;trangers, hommes, femmes, enfants, vieillards&hellip; Qu&rsquo;est-ce que la neige&nbsp;? Comment la rendre &laquo;&nbsp;avec les mots&nbsp;&raquo;, et &laquo;&nbsp;sans les mots&nbsp;&raquo;, se demande-t-elle&nbsp;? Comment en parler sans l&rsquo;avoir jamais vue&nbsp;? L&rsquo;autrice entrecroise les voix de ceux qu&rsquo;elle interroge avec ses propres pens&eacute;es et commentaires des t&eacute;moignages collect&eacute;s, par des textes murmur&eacute;s tout pr&egrave;s du micro. Travers&eacute; par les questionnements qu&rsquo;elle &eacute;graine tout au long du montage, ce documentaire po&eacute;tique s&rsquo;entend l&agrave; encore comme une qu&ecirc;te&nbsp;: qu&ecirc;te pour comprendre l&rsquo;autre et soi-m&ecirc;me, dans un aller-retour incessant. Mais cette compr&eacute;hension est-elle seulement possible&nbsp;?</p> <p>D&rsquo;embl&eacute;e l&rsquo;auditeur est frapp&eacute; par le plurilinguisme affich&eacute;&nbsp;(fran&ccedil;ais, anglais, mandarin, cantonais, n&eacute;erlandais&hellip;) et par la grande fluidit&eacute; du passage d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre, lequel est de temps en temps facilit&eacute; par la pr&eacute;sence d&rsquo;une interpr&egrave;te et par diff&eacute;rents proc&eacute;d&eacute;s de traduction. L&rsquo;impression premi&egrave;re, pour l&rsquo;auditeur, est que la diversit&eacute; des langues ne fait pas ou plus obstacle &agrave; la compr&eacute;hension mutuelle, qu&rsquo;on peut se comprendre malgr&eacute; l&rsquo;obscurit&eacute; et la r&eacute;sistance de la langue &eacute;trang&egrave;re. C&rsquo;est d&rsquo;ailleurs ce que sugg&egrave;re le titre par son jeu de mots&nbsp;et de parenth&egrave;ses : <em>Snow borders / no borders</em>&nbsp;; et l&rsquo;on peut entendre aussi <em>snowboarders</em>&hellip; Ces glissements d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre, cette fluidit&eacute; interlinguistique, cette impression de compr&eacute;hension humaine mondialis&eacute;e, &laquo;&nbsp;sans fronti&egrave;res&nbsp;&raquo;, n&rsquo;est-elle pas l&rsquo;une des utopies majeures de notre temps&nbsp;? C&rsquo;est elle du moins qu&rsquo;interroge implicitement Anne Penders dans cette cr&eacute;ation sonore.</p> <p>Partant de l&rsquo;id&eacute;e que la neige est un sujet universel, m&ecirc;me l&agrave; o&ugrave; elle ne tombe jamais, comme &agrave; Canton, l&rsquo;autrice s&rsquo;interroge sur l&rsquo;existence de&nbsp;lieux communs&nbsp;&agrave; notre humanit&eacute;. Elle parvient un temps &agrave; att&eacute;nuer, gr&acirc;ce &agrave; diff&eacute;rents dispositifs de traduction ou de pseudo-traduction (parfois au moyen de brefs po&egrave;mes plaqu&eacute;s et murmur&eacute;s sur les voix chinoises non traduites) le sentiment d&rsquo;&eacute;tranget&eacute; laiss&eacute; par de longues s&eacute;quences en mandarin ou en cantonais. Mais au fur et &agrave; mesure de l&rsquo;&eacute;coute, l&rsquo;auditeur comprend que la neige n&rsquo;est sans doute qu&rsquo;un pr&eacute;texte&nbsp;; que parler de neige, &laquo;&nbsp;de la pluie et du beau temps&nbsp;&raquo;, sert surtout &agrave; d&eacute;lier la parole, &agrave; l&rsquo;ouvrir &agrave; des sujets plus intimes comme les souvenirs d&rsquo;enfance, les exp&eacute;riences de d&eacute;placements et d&rsquo;exil. Or dans ces moments, parfois, la parole est emp&ecirc;ch&eacute;e, soit par autocensure (ainsi de ce vieil homme qui ne veut pas &ecirc;tre enregistr&eacute;), soit par refus ou impossibilit&eacute; de sortir des st&eacute;r&eacute;otypes (la neige c&rsquo;est blanc c&rsquo;est froid c&rsquo;est doux &ccedil;a brille).</p> <p>&nbsp;</p> <blockquote> <p>Y a-t-il des gens politiquement corrects pour parler de la neige ? Il y a ce vieux qui refuse d&rsquo;&ecirc;tre enregistr&eacute;. La crainte d&rsquo;un contr&ocirc;le du gouvernement&nbsp;? La parole musel&eacute;e, c&rsquo;est encore pr&eacute;sent, m&ecirc;me si on parle de la pluie et du beau temps, comme si confus&eacute;ment il sentait que la neige pouvait dire autre chose que le climat. Est-ce que dire ce qu&rsquo;on voit s&rsquo;apprend&nbsp;? Est-ce que parler s&rsquo;apprend&nbsp;? Quels mots pour quels sentiments&nbsp;? et qu&rsquo;est-ce que je perds forc&eacute;ment dans la traduction&nbsp;?</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p>Dans ce passage comme dans d&rsquo;autres transpara&icirc;t peu &agrave; peu chez l&rsquo;artiste une inqui&eacute;tude fondamentale&nbsp;: par-del&agrave; l&rsquo;apparente fluidit&eacute; des langues, se comprend-on vraiment&nbsp;? ne s&rsquo;agit-il pas plut&ocirc;t d&rsquo;une compr&eacute;hension superficielle, voire d&rsquo;une pure et simple illusion ? Le documentaire s&rsquo;&eacute;tait ouvert sur la lecture jubilatoire du dictionnaire par Anne Penders&nbsp;: on l&rsquo;entendait lire le mot <em>xuě</em>, &laquo;&nbsp;neige&nbsp;&raquo;, et tous les compos&eacute;s du caract&egrave;re chinois, sans traduction. S&rsquo;entendait aussi dans cette lecture l&rsquo;enthousiasme l&eacute;ger et na&iuml;f de qui commence &agrave; apprendre une langue&nbsp;: le pur plaisir des mots, de leurs sons, de leurs rythmes. Or la production se termine par une nouvelle lecture de cette m&ecirc;me liste, cette fois par l&rsquo;interpr&egrave;te belge qui, elle, ma&icirc;trise tr&egrave;s bien le mandarin, et qui la lit avec les traductions fran&ccedil;aises de chaque mot. C&rsquo;est moins jubilatoire et plus laborieux. D&rsquo;une lecture &agrave; l&rsquo;autre de cette m&ecirc;me page du dictionnaire, un parcours a eu lieu, ainsi qu&rsquo;une prise de conscience. Cette reprise s&rsquo;entend comme une morale&nbsp;: &agrave; l&rsquo;heure de la mondialisation, l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une communication universelle imm&eacute;diate n&rsquo;est qu&rsquo;un leurre, sans doute un mirage capitaliste&nbsp;; seule l&rsquo;&eacute;tude longue et patiente permet, et encore sans certitude, de se comprendre les uns les autres. Car d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre, la traduction ne suffit pas : toute langue et toute pens&eacute;e ont une profondeur culturelle, &agrave; la fois individuelle et collective, qui ne peut &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;e et partag&eacute;e que par une fr&eacute;quentation longue, sensible, intime. Telle est l&rsquo;exp&eacute;rience fondamentale qu&rsquo;Anne Penders, passant subtilement du jeu &agrave; une certaine intranquillit&eacute;, rend ici perceptible pour l&rsquo;auditeur.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Toutes ces productions radio-po&eacute;tiques, au-del&agrave; de leurs diff&eacute;rences formelles, esth&eacute;tiques et techniques, travaillent &agrave; une repr&eacute;sentation non-exotisante de l&rsquo;Autre. Si l&rsquo;usage des langues ou des accents &eacute;trangers concourt bien au charme de ces &eacute;missions, au plaisir d&rsquo;&eacute;coute, la valeur de ces sonorit&eacute;s linguistiques n&rsquo;a cependant rien d&rsquo;ornemental, ni m&ecirc;me de purement documentaire. La mise en &eacute;coute de langues autres que le fran&ccedil;ais, parfois sans traduction, ou de paroles en fran&ccedil;ais prononc&eacute;es avec un accent &eacute;tranger (et parfois avec une syntaxe fautive) vaut avant tout comme exp&eacute;rience&nbsp;: il s&rsquo;agit &agrave; chaque fois de confronter l&rsquo;auditeur de langue fran&ccedil;aise, par la m&eacute;diation du po&egrave;te-producteur, et par des moyens sonores, &agrave; la r&eacute;sistance et &agrave; l&rsquo;opacit&eacute; irr&eacute;ductible de toute alt&eacute;rit&eacute; culturelle. Non pour en faire le support d&rsquo;une fascination potentiellement perverse ou nourrir des clich&eacute;s pr&eacute;con&ccedil;us (souvent issus de regards colonialistes et capitalistes), mais au contraire pour d&eacute;stabiliser l&rsquo;auditeur dans ses repr&eacute;sentations et de l&rsquo;Autre et de lui-m&ecirc;me (ces deux p&ocirc;les &eacute;tant fondamentalement intervertibles et le premier auditeur &agrave; en faire l&rsquo;exp&eacute;rience, sur le terrain, &eacute;tant le po&egrave;te-producteur).</p> <p>Bien plus, il s&rsquo;agit, dans ces productions, d&rsquo;interroger les conditions de possibilit&eacute; m&ecirc;mes de la compr&eacute;hension inter-linguistique et inter-culturelle&nbsp;: sont ainsi point&eacute;es les insuffisances de la traduction ou encore la pr&eacute;sence in&eacute;vitable de filtres (imaginaires, culturels, politiques) transformant toute tentative de description, de repr&eacute;sentation, d&rsquo;&eacute;vocation du r&eacute;el en artefact fictionnel. Ni le signe verbal, ni le signe sonore ne donnent directement acc&egrave;s au r&eacute;el&nbsp;: nulle transparence des signes. Joignant, en les exhibant, les moyens sonores de l&rsquo;art radiophonique &ndash; captations, plans, montage &ndash; aux moyens verbaux de l&rsquo;art litt&eacute;raire &ndash; <em>ekphrasis</em>, transpositions fictionnelles, diction &ndash; ces productions d&rsquo;&eacute;crivains d&eacute;font ainsi, chacune &agrave; leur mani&egrave;re, le mythe de la pr&eacute;sence&nbsp;: cette id&eacute;e selon laquelle la radio permettrait de mettre en pr&eacute;sence l&rsquo;auditeur avec le r&eacute;el. Non seulement le r&eacute;el &eacute;chappe &ndash; et dans ces productions la mise en &eacute;coute de voix &eacute;trang&egrave;res vaut comme m&eacute;taphore de ce principe &ndash; mais encore toute &eacute;mission de radio ou cr&eacute;ation sonore n&rsquo;est qu&rsquo;un simulacre. L&rsquo;&eacute;crivain, y compris &agrave; la radio, travaille moins le r&eacute;el que ses multiples figurations. Si ces reportages radio-po&eacute;tiques donnent certes &agrave; entendre, ouvrent l&rsquo;oreille, invitent &agrave; une attention plus fine, accroissent l&rsquo;exp&eacute;rience esth&eacute;tique du monde sonore, ils valent plus fondamentalement encore dans leur capacit&eacute; &agrave; interroger non seulement les conditions de perception et d&rsquo;expression du r&eacute;el, mais encore les formes d&rsquo;intercommunication entre les &ecirc;tres. Ils constituent ainsi autant des op&eacute;rateurs de plaisir que d&rsquo;inqui&eacute;tude (philosophique ou cr&eacute;atrice), pour leurs auteurs comme pour leurs auditeurs.</p> <div>&nbsp; <h2>Notes</h2> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> Ce terme est celui par lequel Carlos Larronde d&eacute;signait les auditeurs de la radio en 1936 dans la pr&eacute;face de son <em>Th&eacute;&acirc;tre invisible</em>, Paris, Deno&euml;l &amp; Steele, p. V&nbsp;: &laquo;&nbsp;Non, il ne faut pas consid&eacute;rer les auditeurs comme des aveugles. Ils sont autre chose. Ils sont des &ldquo;sur-auditifs&rdquo;. Sachons leur donner tout ce que l&rsquo;ou&iuml;e, le sens subtil et int&eacute;rieur par excellence, peut accueillir de lyrisme, de r&ecirc;ve ou d&rsquo;&eacute;vocation. Sachons en faire des voyants.&nbsp;&raquo;</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> Roland Barthes, &laquo;&nbsp;Le Plaisir du texte&nbsp;&raquo; [1973],&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, &Eacute;.&nbsp;Marty (&eacute;d.), Paris, Le Seuil, 2002, t.&nbsp;IV, p.&nbsp;261. V. aussi Tiphaine Samoyault, &laquo;&nbsp;Les langues &eacute;trang&egrave;res de Roland Barthes&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Littera. Revue de langue et litt&eacute;rature fran&ccedil;aises de la Soci&eacute;t&eacute; japonaise de Langue et litt&eacute;rature fran&ccedil;aise</em>, Tokyo, 2016, p.&nbsp;5-13.&nbsp;</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a> Christophe Deleu, <em>Le Documentaire radiophonique</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2013.</p> </div> <div id="ftn4"> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title="">[4]</a> Par &laquo;&nbsp;voix &eacute;trang&egrave;re&nbsp;&raquo;, nous d&eacute;signons ici une voix qui s&rsquo;exprime dans une langue &eacute;trang&egrave;re (i.e. pour nous autre que le fran&ccedil;ais), mais aussi&nbsp;une voix s&rsquo;exprimant en fran&ccedil;ais, soit avec un accent &eacute;tranger (fran&ccedil;ais parl&eacute; comme une langue &eacute;trang&egrave;re), soit avec un accent non standard (accent r&eacute;gional, local, de France ou d&rsquo;un pays francophone).</p> </div> <div id="ftn5"> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title="">[5]</a> Raymond Murray Schafer d&eacute;finit l&rsquo;empreinte sonore comme les &laquo; sons d&rsquo;une communaut&eacute;, uniques ou poss&eacute;dant des qualit&eacute;s qui les font reconna&icirc;tre des membres de cette communaut&eacute; ou ont pour eux un &eacute;cho particulier&nbsp;&raquo; (<em>Le Paysage sonore&nbsp;: le monde comme musique</em>, trad. Sylvette Gleize [1979], Paris, &Eacute;ditions Wildproject, 2010, p.&nbsp;382).</p> </div> <div id="ftn6"> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title="">[6]</a> Sur ces &eacute;missions, voir Marie-Paule Berranger, &laquo;&nbsp;Les carnets de route de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, <em>Komodo 21</em>, n&deg;2, 2015, [en ligne], URL&nbsp;: <a href="https://komodo21.fr/les-carnets-de-route-de-philippe-soupault/">https://komodo21.fr/les-carnets-de-route-de-philippe-soupault</a>, derni&egrave;re consultation le 15 f&eacute;vrier 2024.</p> </div> <div id="ftn7"> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title="">[7]</a> Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;Instantan&eacute;s de Perse. Carnet de voyage de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, r&eacute;al. G&eacute;rard Herzog, diff. 22 octobre 1950, RTF, Programme National, archive INA.</p> </div> <div id="ftn8"> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title="">[8]</a> Par exemple <em>Rythmes et bruits du monde</em>, diff. 28 juin 1952, ou <em>Aux &icirc;les Cara&iuml;bes</em>, Paris Inter, diff. en deux parties les 14 janvier et 2 f&eacute;vrier 1953, archives INA.</p> </div> <div id="ftn9"> <p><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title="">[9]</a> Transcription d&rsquo;un extrait de Philippe Soupault, &laquo;&nbsp;Instantan&eacute;s de Perse. Carnet de voyage de Philippe Soupault&nbsp;&raquo;, &eacute;mission cit&eacute;e.</p> </div> <div id="ftn10"> <p><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title="">[10]</a> Jos&eacute; Pivin (prod. &amp; r&eacute;al.), &laquo;&nbsp;Le Transcamerounais&nbsp;&raquo;, diff. 25 avril 1977, France Culture. L&rsquo;&eacute;mission (sans son g&eacute;n&eacute;rique d&rsquo;origine) peut &ecirc;tre &eacute;cout&eacute;e via le site de France Culture&nbsp;: <a href="https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-atelier-de-la-creation-14-15/le-transcamerounais-r-8403588">https://www.radiofrance.fr/franceculture/podcasts/l-atelier-de-la-creation-14-15/le-transcamerounais-r-8403588</a>, derni&egrave;re consultation le 20 septembre 2024.&nbsp;</p> </div> <div id="ftn11"> <p><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title="">[11]</a> Il publie notamment deux disques au Chant du Monde&nbsp;: <em>Sahara. Chants des Touareg Ajjer</em>, Le Chant du Monde, LDY 4160, disque 33t., et&nbsp;<em>Au c&oelig;ur du Sahara. Avec les Touareg Ajjer</em>, Le Chant du Monde, LD-M-8239, disque 33 t.</p> </div> <div id="ftn12"> <p><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title="">[12]</a> La notion de &laquo;&nbsp;paysage sonore&nbsp;&raquo; de Murray Schafer vient alors d&rsquo;&ecirc;tre introduite en France&nbsp;; elle remplace la pratique du d&eacute;cor sonore, telle qu&rsquo;elle avait cours dans la plupart des dramatiques ou &eacute;vocations radiophoniques de l&rsquo;&eacute;poque. Sur ce point v. Marie-Madeleine Mervant-Roux, &laquo;&nbsp;De la bande-son &agrave; la sonosph&egrave;re. R&eacute;flexion sur la r&eacute;sistance de la critique th&eacute;&acirc;trale &agrave; l&rsquo;usage du terme &ldquo;paysage sonore&rdquo;&nbsp;&raquo;,<em>&nbsp;Images Re-vues</em>, n&deg;7, 2009, [en ligne], URL&nbsp;: <a href="http://journals.openedition.org/imagesrevues/428">http://journals.openedition.org/imagesrevues/428</a>, derni&egrave;re consultation le 15 f&eacute;vrier 2024.</p> </div> <div id="ftn13"> <p><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title="">[13]</a> &laquo;&nbsp;Quand arrivons-nous &agrave; Yaound&eacute;&nbsp;?&nbsp;&raquo; demande-t-elle &agrave; plusieurs reprises, comme Jeanne, dans la Prose du Transsib&eacute;rien, r&eacute;p&eacute;tant&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dis Blaise, sommes-nous bien loin de Montmartre&nbsp;?&nbsp;&raquo;. Au-del&agrave; d&rsquo;un simple clin d&rsquo;&oelig;il &agrave; l&rsquo;auditeur lettr&eacute;, Jos&eacute; Pivin pointe &agrave; la fois la continuit&eacute; entre radio et po&eacute;sie et le d&eacute;placement qu&rsquo;op&egrave;re la radiophonie par rapport aux moyens de la po&eacute;sie&nbsp;: dans le po&egrave;me, l&rsquo;&eacute;vocation passe par les mots seuls&nbsp;; l&rsquo;&oelig;uvre radiophonique quant &agrave; elle, en plus de recourir &agrave; l&rsquo;&eacute;vocation verbale, installe mentalement l&rsquo;auditeur &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me d&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; sonore recompos&eacute;e.</p> </div> <div id="ftn14"> <p><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title="">[14]</a> Pour une vue d&rsquo;ensemble sur son activit&eacute; radio-po&eacute;tique, voir C&eacute;line Pardo, &laquo;&nbsp;Venaille magn&eacute;tique&nbsp;&raquo;, <em>Komodo 21</em>, n&deg;13, 2021, [en ligne], URL&nbsp;: <a href="https://komodo21.fr/venaille-magnetique">https://komodo21.fr/venaille-magnetique</a>, derni&egrave;re consultation le 15 f&eacute;vrier 2024.</p> </div> <div id="ftn15"> <p><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title="">[15]</a> Transcription d&rsquo;un extrait de la premi&egrave;re &eacute;mission de la s&eacute;rie <em>Souvenirs d&rsquo;en Flandres</em>, &laquo;&nbsp;La procession des p&eacute;nitents&nbsp;&raquo;, <em>Nuits magn&eacute;tiques</em>, diff. 8 septembre 1987, 23h, archive INA.</p> </div> <div id="ftn16"> <p><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title="">[16]</a> Transcription d&rsquo;un autre extrait de l&rsquo;&eacute;mission cit&eacute;e. J&rsquo;ai cherch&eacute; &agrave; restituer autant que possible le d&eacute;bit, l&rsquo;accent et la langue du locuteur&nbsp;: les points de suspension marquent les h&eacute;sitations du discours, et je n&rsquo;ai &eacute;videmment pas rectifi&eacute; la syntaxe.&nbsp;</p> </div> <div id="ftn17"> <p><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title="">[17]</a> Sur la &laquo;&nbsp;langue litt&eacute;raire&nbsp;&raquo; comme &laquo;&nbsp;objet imaginaire&nbsp;&raquo;, v. Gilles Philippe et Julien Piat (dir.), <em>La Langue litt&eacute;raire. Une histoire de la prose en France de Gustave Flaubert &agrave; Claude Simon</em>, Paris, Fayard, 2009.</p> </div> <div id="ftn18"> <p><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title="">[18]</a> Anne Penders a &eacute;dit&eacute; cette &oelig;uvre sous forme de CD&nbsp;: (s)no(w)borders, cr&eacute;ation sonore, Sonoscaphe &amp; taraxacum, 2012. On peut en entendre un extrait sur le site de l&rsquo;autrice&nbsp;: <a href="http://www.annependers.net/snowborders">http://www.annependers.net/snowborders</a>, derni&egrave;re consultation le 15 f&eacute;vrier 2024.</p> <h2>Autrice</h2> <p><strong>C&eacute;line Pardo</strong> est agr&eacute;g&eacute;e de lettres classiques et docteure en litt&eacute;rature.&nbsp;Chercheuse associ&eacute;e au CELLF (Sorbonne Universit&eacute;), elle poursuit des recherches sur la place de l&rsquo;oralit&eacute; et du sonore dans les &eacute;critures po&eacute;tiques des XX<sup>e</sup>&nbsp;et XXI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles.&nbsp;Elle a publi&eacute; en 2015&nbsp;<em>La Po&eacute;sie hors du livre (1945-1965). Le po&egrave;me &agrave; l&rsquo;&egrave;re de la radio et du disque</em>&nbsp;(PUPS), co-dirig&eacute; plusieurs ouvrages collectifs (notamment :&nbsp;<em>Po&eacute;sie et m&eacute;dias XX-XXIe si&egrave;cle</em>, Nouveau monde &eacute;ditions, 2012 ;&nbsp;<em>Po&eacute;sie sur les ondes</em>, PUR, 2018 ;&nbsp;<em>Archives sonores de po&eacute;sie</em>, Presses du r&eacute;el, 2020) et &eacute;crit de nombreux articles sur&nbsp;la voix en po&eacute;sie, sur les formes et les enjeux (esth&eacute;tiques, culturels, politiques) de l&rsquo;oralisation des textes litt&eacute;raires, sur les rapports entre litt&eacute;rature et cr&eacute;ation sonore, sur l&rsquo;archivage sonore de la litt&eacute;rature et de la performance. Fondatrice du r&eacute;seau de chercheurs &laquo;&nbsp;Radiophonies litt&eacute;raires&nbsp;&raquo; consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;tude des relations entre radio et litt&eacute;rature, elle est &eacute;galement co-responsable scientifique du site&nbsp;Archives sonores&nbsp;de po&eacute;sie&nbsp;(<a href="https://asp.huma-num.fr/s/archives-sonores/page/accueil" target="_blank">https://asp.huma-num.fr/s/archives-sonores/page/accueil</a>).</p> </div> </div>