<p><strong>Plan de l&#39;article :</strong></p> <ul> <li><strong>Cin&eacute;ma et foule, une relation ambivalente</strong> <ul> <li> <p><b><i>Un art des foules</i></b></p> </li> <li> <p><b><i>La crainte des foules</i></b></p> </li> <li> <p><b><i>La &laquo; masse &eacute;pique &raquo;</i></b></p> </li> </ul> </li> <li><strong>Tch&eacute;coslovaquie, ann&eacute;es 1960, un changement de perspective</strong> <ul> <li><b><i>Les jeunes, une nouvelle classe sociale</i></b></li> <li><b><i>La fin du prol&eacute;tariat ?</i></b></li> <li><b><i>Les meneurs de foules</i></b></li> </ul> </li> <li><strong>En marge de la foule</strong> <ul> <li><b><i>L&rsquo;exclu des masses</i></b></li> <li><b><i>Le fou et la foule</i></b></li> <li><b><i>Sortir de la foule ?</i></b></li> </ul> </li> </ul> <p>&nbsp;</p> <p>Le m&eacute;dium cin&eacute;matographique depuis ses origines entretient des liens &eacute;troits avec la foule&nbsp;: tout d&rsquo;abord parce qu&rsquo;elle y est un motif fr&eacute;quent, des gardes sanguinaires de&nbsp;<em>L&rsquo;Assassinat du Duc de Guise</em>&nbsp;d&rsquo;Andr&eacute; Calmettes et Charles Le Bargy<sup><a href="#_ftn1" id="_ftnref1" name="_ftnref1">1</a></sup>&nbsp;&agrave; la masse de travailleurs dans&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;(<em>The Crowd</em>) de King Vidor<sup><a href="#_ftn2" id="_ftnref2" name="_ftnref2">2</a></sup>, mais aussi parce que le cin&eacute;ma est lui-m&ecirc;me un art des foules. &Agrave; ce titre, il a pu &ecirc;tre suspect&eacute; d&rsquo;exercer un pouvoir n&eacute;faste sur les centaines de spectateurs qui se rejoignent chaque soir dans les salles obscures. Cependant, si les relations entre foule et cin&eacute;ma inqui&egrave;tent les classes bourgeoises en France ou aux &Eacute;tats-Unis, les Sovi&eacute;tiques en font tr&egrave;s t&ocirc;t un art au service de la R&eacute;volution en raison de sa capacit&eacute; &agrave; repr&eacute;senter les masses prol&eacute;taires sur l&rsquo;&eacute;cran et &agrave; les f&eacute;d&eacute;rer dans la salle. &Agrave; l&rsquo;instar de Sergue&iuml; M. Eisenstein qui fait des masses les h&eacute;ro&iuml;nes d&rsquo;<em>Octobre</em>&nbsp;en 1927<sup><a href="#_ftn3" id="_ftnref3" name="_ftnref3">3</a></sup>, les cin&eacute;astes sovi&eacute;tiques c&eacute;l&egrave;brent &laquo;&nbsp;le pouvoir des films &agrave; transformer l&rsquo;audience en une foule politique<sup><a href="#_ftn4" id="_ftnref4" name="_ftnref4">4</a></sup>&nbsp;&raquo;, &agrave; l&rsquo;&eacute;poque m&ecirc;me o&ugrave; Hollywood semble de plus en plus repr&eacute;senter la foule comme une force r&eacute;actionnaire et incontr&ocirc;lable. En effet, dans le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique des ann&eacute;es 1920, la masse semble constituer la premi&egrave;re phase de l&rsquo;&eacute;mancipation politique &agrave; l&rsquo;inverse de la dimension p&eacute;jorative qu&rsquo;elle rev&ecirc;t dans le monde occidental depuis l&rsquo;ouvrage fondateur de Gustave Le Bon en 1895<sup><a href="#_ftn5" id="_ftnref5" name="_ftnref5">5</a></sup>. Toutefois la repr&eacute;sentation de la foule &eacute;volue dans la seconde moiti&eacute; du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, notamment dans les nouveaux pays du bloc de l&rsquo;Est. Certains cin&eacute;astes questionnent la place de l&rsquo;individu dans la masse en prenant pour r&eacute;f&eacute;rence les films des ann&eacute;es 1920 pour mieux s&rsquo;en distancier.</p> <p>Cet article propose d&rsquo;analyser le motif de la foule dans un corpus de films produits en Tch&eacute;coslovaquie communiste dans les ann&eacute;es 1960, p&eacute;riode charni&egrave;re dans l&rsquo;histoire de la soci&eacute;t&eacute; tch&eacute;coslovaque, mais &eacute;galement dans celle de son cin&eacute;ma. En effet, celle-ci co&iuml;ncide avec l&rsquo;&eacute;mergence de la &laquo;&nbsp;Nouvelle Vague tch&eacute;coslovaque&nbsp;&raquo;, marqu&eacute;e par la figure de plus en plus pr&eacute;gnante de l&rsquo;auteur, &agrave; l&rsquo;instar de ce qui se passe en France &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque. Dans ce contexte, la foule devient un &laquo;&nbsp;personnage&nbsp;&raquo; ambivalent&nbsp;: tant&ocirc;t mar&eacute;e d&rsquo;anonymes, dont des individus ordinaires tentent de s&rsquo;extraire, tant&ocirc;t force mena&ccedil;ante, tant&ocirc;t masse ob&eacute;issante et inoffensive. Notre hypoth&egrave;se est que ces films jouent sur une neutralisation des effets &laquo;&nbsp;attractionnels&nbsp;&raquo; de la repr&eacute;sentation de la foule (qui comprend &agrave; la fois le cin&eacute;ma comme attraction chez Andr&eacute; Gaudreault et Tom Gunning<sup><a href="#_ftn6" id="_ftnref6" name="_ftnref6">6</a></sup>&nbsp;et les moyens formels et effets du &laquo;&nbsp;montage des attractions&nbsp;&raquo; chez Eisenstein). Il s&rsquo;agit de permettre &agrave; l&rsquo;individu de retrouver son identit&eacute; en dehors du groupe. Apr&egrave;s avoir rappel&eacute; le r&ocirc;le de la foule dans le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique, nous analyserons le devenir-foule de la masse, c&rsquo;est-&agrave;-dire lorsqu&rsquo;elle se constitue en force agissante, qu&rsquo;elle soit docile ou mena&ccedil;ante, et la mani&egrave;re dont ce &laquo;&nbsp;personnage&nbsp;&raquo; est repr&eacute;sent&eacute; dans les films. Nous nous interrogerons ensuite sur l&rsquo;identit&eacute; de la foule dans ce corpus et ce qu&rsquo;elle dit de la soci&eacute;t&eacute; tch&eacute;coslovaque, entre foule urbaine ou rurale, foule &eacute;tudiante, prol&eacute;taire, etc. Enfin, nous verrons comment ce corpus semble structur&eacute; par l&rsquo;opposition entre masse(s) et individu et la mani&egrave;re dont celui-ci se d&eacute;finit par rapport au groupe auquel il appartient.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Cin&eacute;ma et foule, une relation ambivalente</b></p> <p><em><b>Un art des foules</b></em></p> <p>Le cin&eacute;matographe des Fr&egrave;res Lumi&egrave;re na&icirc;t de la foule&nbsp;; tout d&rsquo;abord parce que d&egrave;s les premi&egrave;res bandes film&eacute;es il met en sc&egrave;ne des foules, celle des travailleurs de l&rsquo;usine Lumi&egrave;re &agrave; Lyon ou celle des voyageurs attendant le train sur le quai de la gare de La Ciotat&nbsp;; mais aussi parce qu&rsquo;il est &agrave; son origine un spectacle &agrave; destination des foules. Emmanuel Plasseraud rappelle la &laquo;&nbsp;tactique commerciale&nbsp;&raquo; des op&eacute;rateurs Lumi&egrave;re&nbsp;: &laquo;&nbsp;filmant la foule arpentant les quais de gare, les grands boulevards ou les places publiques, et avisant les passants du lieu o&ugrave; les images allaient &ecirc;tre projet&eacute;es dans la soir&eacute;e, l&rsquo;op&eacute;rateur les transformait en acteurs malgr&eacute; eux, puis en spectateurs potentiels d&rsquo;eux-m&ecirc;mes, attir&eacute;s par la curiosit&eacute; de voir leur propre photographie bouger<sup><a href="#_ftn7" id="_ftnref7" name="_ftnref7">7</a></sup>&nbsp;&raquo;. Jan Kř&iacute;ženeck&yacute;&nbsp;&ndash;&nbsp;le premier cin&eacute;aste tch&egrave;que&nbsp;&ndash;&nbsp;filme des vues similaires &agrave; Prague au d&eacute;but du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;: la sortie de caserne des pompiers de Staroměstka (<em>Staroměst&scaron;t&iacute; hasiči</em>)<sup><a href="#_ftn8" id="_ftnref8" name="_ftnref8">8</a></sup>&nbsp;qui par un effet de cadrage semble se ruer sur les spectateurs, ou les baigneurs de Žof&iacute;n (<em>Žof&iacute;nsk&aacute; plov&aacute;rna</em><sup><a href="#_ftn9" id="_ftnref9" name="_ftnref9">9</a></sup>&nbsp;effectuant multiples acrobaties pour la cam&eacute;ra, dans deux films r&eacute;alis&eacute;s en 1898. Cependant, si ces films jouent sur des effets de d&eacute;monstration des capacit&eacute;s techniques du cin&eacute;matographe, Jan Kř&iacute;ženeck&yacute; prend tr&egrave;s t&ocirc;t conscience que l&rsquo;enjeu est aussi de garder une trace des grands &eacute;v&eacute;nements de l&rsquo;histoire de la nation tch&egrave;que qui commence &agrave; r&eacute;clamer son ind&eacute;pendance. Il filme ainsi l&rsquo;exposition jubilaire<sup><a href="#_ftn10" id="_ftnref10" name="_ftnref10">10</a></sup>&nbsp;de la chambre de commerce en 1908 (<em>Jubilejn&iacute; v&yacute;stava obchodn&iacute; a živnostensk&eacute; komory</em>)<sup><a href="#_ftn11" id="_ftnref11" name="_ftnref11">11</a></sup>&nbsp;et sa foule de bourgeois venus admirer le progr&egrave;s en marche ou encore l&rsquo;inauguration du Nouveau Pont Čech (<em>Slavnost otevřen&iacute; nov&eacute;ho Čechova mostu</em>)<sup><a href="#_ftn12" id="_ftnref12" name="_ftnref12">12</a></sup>, symbole du rayonnement de la culture nationale, construit entre 1905 et 1908 par les architectes Jan Koula and Jiř&iacute; Soukup et nomm&eacute; d&rsquo;apr&egrave;s l&rsquo;&eacute;crivain Svatopluk Čech. Prague y appara&icirc;t comme la quintessence de la ville moderne et &eacute;clair&eacute;e, tourn&eacute;e vers le progr&egrave;s et les inventions techniques, dont le c&oelig;ur bat au rythme de sa foule de citoyens tch&egrave;ques progressivement &eacute;mancip&eacute;s de l&rsquo;Empire austro-hongrois.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>La crainte des foules</b></em></p> <p>M&ecirc;me au-del&agrave; des premi&egrave;res vues du cin&eacute;matographe, lorsque les films sont devenus davantage narratifs qu&rsquo;attractionnels, la foule est rest&eacute;e l&rsquo;un des&nbsp;<em>sujets</em>&nbsp;de pr&eacute;dilection du cin&eacute;ma. Comme le remarque Michael Tratner, &laquo;&nbsp;sans surprise, les films les plus populaires ont toujours &eacute;t&eacute; remplis d&rsquo;immense plans de foule, de&nbsp;<em>Naissance d&rsquo;une Nation</em>, en passant par&nbsp;<em>Autant en emporte le vent&nbsp;</em>jusqu&rsquo;&agrave;&nbsp;<em>Titanic</em><sup><a href="#_ftn13" id="_ftnref13" name="_ftnref13">13</a></sup>&nbsp;&raquo;, avec cependant une oscillation entre fascination et r&eacute;pulsion pour cette force agissante qui menace sans cesse de provoquer le chaos. C&rsquo;est que la foule inqui&egrave;te, elle menace de se laisser aller &agrave; sa &laquo;&nbsp;rage destructrice&nbsp;&raquo;, voire de se transformer en &laquo;&nbsp;masses de renversement&nbsp;&raquo;, pour reprendre les termes d&rsquo;Elias Canetti dans&nbsp;<em>Masse et puissance</em><sup><a href="#_ftn14" id="_ftnref14" name="_ftnref14">14</a></sup>. Si la foule n&rsquo;est en rien l&rsquo;apanage des soci&eacute;t&eacute;s modernes, il suffit de lire Canetti pour s&rsquo;en convaincre, c&rsquo;est cependant au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, dans l&rsquo;&egrave;re de la R&eacute;volution industrielle, qu&rsquo;elle commence &agrave; &ecirc;tre identifi&eacute;e, &eacute;tudi&eacute;e comme groupe social, et repr&eacute;sent&eacute;e comme un th&egrave;me litt&eacute;raire<sup><a href="#_ftn15" id="_ftnref15" name="_ftnref15">15</a></sup>. En 1895, ann&eacute;e de l&rsquo;invention du cin&eacute;matographe, Gustave Le Bon synth&eacute;tise dans&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>, pr&egrave;s d&rsquo;un si&egrave;cle d&rsquo;analyse et d&rsquo;inqui&eacute;tudes provoqu&eacute;es par l&rsquo;entr&eacute;e dans l&rsquo;&egrave;re des foules Le Bon consid&egrave;re en effet que &laquo;&nbsp;la psychologie des foules montre &agrave; quel point les lois et les institutions exercent peu d&rsquo;action sur leur nature impulsive et combien elles sont incapables d&rsquo;avoir des opinions quelconques en dehors de celles qui leur sont sugg&eacute;r&eacute;es<sup><a href="#_ftn16" id="_ftnref16" name="_ftnref16">16</a></sup>&nbsp;&raquo; ou encore que la foule &laquo;&nbsp;forme un seul &ecirc;tre et se trouve soumise &agrave; la loi de l&rsquo;unit&eacute; mentale des foules&nbsp;&raquo;. Il est saisissant de voir les liens que ces r&eacute;flexions entretiennent avec des films qui font de la foule un v&eacute;ritable personnage, notamment<em>&nbsp;La Foule</em>&nbsp;de King Vidor, o&ugrave; le protagoniste John Sims, finit par &ecirc;tre absorb&eacute; dans cette masse informe compos&eacute;e de centaines d&rsquo;individus ali&eacute;n&eacute;s qui ne sont qu&rsquo;un seul corps. Mais c&rsquo;est une foule qui ne pense pas, qui ne fait qu&rsquo;avancer sans volont&eacute; au risque de pi&eacute;tiner ceux qui sont &agrave; contre-courant. Michael Tratner remarque que &laquo;&nbsp;pendant la premi&egrave;re moiti&eacute; du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, il y a souvent une crainte r&eacute;p&eacute;t&eacute;e que toute foule qui commence &agrave; penser &agrave; la politique menace de se transformer en une foule &eacute;pousant une politique anti-individualiste<sup><a href="#_ftn17" id="_ftnref17" name="_ftnref17">17</a></sup>&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire balayant aussi l&rsquo;id&eacute;al du &laquo;&nbsp;r&ecirc;ve am&eacute;ricain&nbsp;&raquo; et de son &laquo;&nbsp;<em>self-made man</em>&nbsp;&raquo;. &Agrave; la m&ecirc;me p&eacute;riode, dans la jeune Tch&eacute;coslovaquie fond&eacute;e en 1918, les personnages sont aussi des travailleurs qui veulent se faire une place dans la foule d&rsquo;anonymes. Celle-ci appara&icirc;t surtout comme d&eacute;s&oelig;uvr&eacute;e, &agrave; l&rsquo;image des bandes de travailleurs joyeusement d&eacute;cadents dans&nbsp;<em>De Samedi &agrave; dimanche&nbsp;</em>(<em>Ze soboty na nedeli</em>) de Gustav Machat&yacute;<sup><a href="#_ftn18" id="_ftnref18" name="_ftnref18">18</a></sup>&nbsp;qui cherchent &agrave; se distraire dans la vie nocturne praguoise, ou de la mar&eacute;e humaine des bas-fonds que l&rsquo;avocat Franti&scaron;ek Uher tente de sauver dans&nbsp;<em>Batalion</em>&nbsp;de Miroslav Cik&aacute;n<sup><a href="#_ftn19" id="_ftnref19" name="_ftnref19">19</a></sup>. Elle peut devenir nettement plus dangereuse lorsqu&rsquo;elle se transforme en &laquo;&nbsp;foule criminelle&nbsp;&raquo; pour reprendre le terme de Le Bon dans<em>&nbsp;La Peste blanche</em>&nbsp;(<em>B&iacute;l&aacute; nemoc</em>) d&rsquo;Hugo Haas<sup><a href="#_ftn20" id="_ftnref20" name="_ftnref20">20</a></sup>&nbsp;d&rsquo;apr&egrave;s la pi&egrave;ce de Karel Čapek o&ugrave; une horde fanatique se met &agrave; tout d&eacute;truire sur son passage. Mais d&eacute;j&agrave; dans les ann&eacute;es 1930, sous l&rsquo;influence du cin&eacute;ma de la d&eacute;cennie pr&eacute;c&eacute;dente en URSS, des cin&eacute;astes commencent &agrave; repr&eacute;senter la n&eacute;cessit&eacute; pour les individus de se constituer en masse pour devenir une force politique.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>La &laquo;&nbsp;masse &eacute;pique&nbsp;&raquo;</b></em></p> <p>En effet, dans le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique, la foule jouit d&rsquo;une repr&eacute;sentation cin&eacute;matographique nettement plus positive, mais se veut &eacute;galement un spectacle qui s&rsquo;adresse aux foules, pour les &eacute;lever vers une r&eacute;v&eacute;lation politique. &Agrave; l&rsquo;oppos&eacute;e d&rsquo;une &laquo;&nbsp;cin&eacute;phobie&nbsp;&raquo; qui se d&eacute;veloppe dans la critique, en France notamment, craignant les effets potentiellement hallucinatoires du spectacle cin&eacute;matographique sur les masses populaires<sup><a href="#_ftn21" id="_ftnref21" name="_ftnref21">21</a></sup>, L&eacute;nine &eacute;lit le cin&eacute;ma &laquo;&nbsp;le plus important de tous les arts&nbsp;&raquo;, phrase qui sera reprise par Staline lors de son accession au pouvoir<sup><a href="#_ftn22" id="_ftnref22" name="_ftnref22">22</a></sup>. Sergue&iuml; M. Eisenstein, l&rsquo;un des artisans de cet art au service de la R&eacute;volution, &eacute;crit que &laquo;&nbsp;le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique, avant toute chose, a pour but l&rsquo;&eacute;ducation des masses. Il tend &agrave; leur donner culture g&eacute;n&eacute;rale et formation politique. [&hellip;] La situation doit &ecirc;tre rendue claire&nbsp;; les masses, alors, doivent &ecirc;tre soulev&eacute;es par l&rsquo;enthousiasme. Un th&egrave;me fascinant pour un film<sup><a href="#_ftn23" id="_ftnref23" name="_ftnref23">23</a></sup>&nbsp;&raquo;. Ainsi, le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique, loin de craindre la masse, s&rsquo;y adresse, tentant de transformer le public des spectateurs individuels en un collectif politis&eacute; par une s&eacute;rie de chocs &eacute;motionnels. Dans le c&eacute;l&egrave;bre texte sur le montage des attractions au cin&eacute;ma, Eisenstein consid&egrave;re le cin&eacute;ma &laquo;&nbsp;comme un facteur d&rsquo;influence &eacute;motionnelle sur les masses&nbsp;&raquo; dont le but est de parvenir au &laquo;&nbsp;<em>fa&ccedil;onnage [du] spectateur dans le sens d&eacute;sir&eacute;</em>&nbsp;&agrave; travers toute une s&eacute;rie de pressions calcul&eacute;es sur son psychisme<sup><a href="#_ftn24" id="_ftnref24" name="_ftnref24">24</a></sup>&nbsp;&raquo;. Aussi le collectif de la salle est-il amen&eacute; &agrave; s&rsquo;identifier avec le collectif qui appara&icirc;t &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, dont Eisenstein fait un v&eacute;ritable personnage.&nbsp;<em>Octobre</em>, avec sa structure dialectique, met en sc&egrave;ne la constitution d&rsquo;une foule r&eacute;volutionnaire, non plus d&eacute;sorganis&eacute;e et vuln&eacute;rable comme l&rsquo;&eacute;tait le peuple victime des exactions des soldats tsaristes dans la premi&egrave;re partie du film, mais unie et pr&ecirc;te &agrave; renverser les rapports de force pr&eacute;&eacute;tablis. Par le montage, les images d&rsquo;individus &eacute;pars constituent une v&eacute;ritable force agissante et d&eacute;termin&eacute;e. Eisenstein utilise notamment la figure de la m&eacute;tonymie, en alternant des gros plans sur les visages des travailleurs et des plans d&rsquo;ensemble sur la foule pour lui donner une identit&eacute;, celle des prol&eacute;taires qui s&rsquo;appr&ecirc;tent &agrave; r&eacute;cup&eacute;rer le pouvoir. Comme le souligne Pierre Sorlin, l&rsquo;av&egrave;nement de la classe des prol&eacute;taires en tant que groupe trouve son apog&eacute;e dans la s&eacute;quence de la d&eacute;faite de Kornilov&nbsp;:</p> <p><q>[de] mani&egrave;re insistante, dans un montage rapide mais tr&egrave;s clair, des mains s&rsquo;emparent de fusils. L&rsquo;image du d&eacute;but, dit-il est invers&eacute;e, les armes ne se d&eacute;placent pas seules&nbsp;: le peuple les saisit parce que, cessant d&rsquo;&ecirc;tre un groupe amorphe, il est devenu un corps actif qui se constitue en classe&nbsp;; il est d&eacute;sormais le prol&eacute;tariat. Dans tout le film, L&eacute;nine ne fait que trois br&egrave;ves apparitions. Il montre une voie, mais c&rsquo;est la masse politis&eacute;e qui, au pas de charge, se saisit du pouvoir<sup><a href="#_ftn25" id="_ftnref25" name="_ftnref25">25</a></sup>.</q></p> <p>D&eacute;laissant les &laquo;&nbsp;h&eacute;ros romantiques vendus&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;fabuleuses figures, glorifi&eacute;es par des &eacute;rudits acquis aux int&eacute;r&ecirc;ts de leur classe et &agrave; leurs descendants<sup><a href="#_ftn26" id="_ftnref26" name="_ftnref26">26</a></sup>&nbsp;&raquo;, Eisenstein fait de la masse le v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;h&eacute;ros&nbsp;&raquo; d&rsquo;<em>Octobre</em>, en tant que force agissante r&eacute;volutionnaire. C&rsquo;est dans une certaine mesure le r&ocirc;le qui lui est assign&eacute; dans les vues repr&eacute;sentant les exercices gymnastiques effectu&eacute;s dans un m&ecirc;me geste par les groupes Sokol<sup><a href="#_ftn27" id="_ftnref27" name="_ftnref27">27</a></sup>&nbsp;que Kř&iacute;ženeck&yacute; filme &agrave; Prostějov en 1908, o&ugrave; la masse n&rsquo;incarne plus le Prol&eacute;tariat mais la Nation. R&eacute;unis dans un plan large, les individus effectuent les m&ecirc;mes gestes &agrave; l&rsquo;unisson. La cam&eacute;ra les filme comme un seul corps, vigoureux, qui par l&rsquo;interm&eacute;diaire du cin&eacute;ma s&rsquo;inscrit d&eacute;sormais dans l&rsquo;histoire. Dans les ann&eacute;es 1930, un cin&eacute;ma social se d&eacute;veloppe en Tch&eacute;coslovaquie et met au premier plan la lutte des travailleurs qui d&eacute;fendent leurs int&eacute;r&ecirc;ts. En 1934, Martin Frič r&eacute;alise&nbsp;<em>Ho ! Hisse !</em>&nbsp;(<em>Hej-Rup !</em>)<sup><a href="#_ftn28" id="_ftnref28" name="_ftnref28">28</a></sup>&nbsp;d&rsquo;apr&egrave;s un sc&eacute;nario de Jiř&iacute; Voskovec et Jan Werich, deux des acteurs du Th&eacute;&acirc;tre lib&eacute;r&eacute; (<em>Osvobozen&eacute; divadlo</em>) de Prague qui raconte comment des ouvriers au ch&ocirc;mage fondent une coop&eacute;rative. La popularit&eacute; de ces th&egrave;mes va aller croissant lorsque le Parti communiste tch&eacute;coslovaque arrive au pouvoir apr&egrave;s la Seconde Guerre mondiale.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Tch&eacute;coslovaquie, ann&eacute;es 1960, un changement de perspective</b></p> <p><em><b>Les jeunes, une nouvelle classe sociale</b></em></p> <p>Le nouveau gouvernement instaur&eacute; apr&egrave;s le &laquo;&nbsp;coup de Prague&nbsp;&raquo; est tout &agrave; fait conscient de l&rsquo;importance du cin&eacute;ma en tant qu&rsquo;outil de propagande. Les cin&eacute;astes participent activement &agrave; l&rsquo;exaltation de la grandeur des classes populaires, notamment &agrave; partir d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements historiques comme le soul&egrave;vement national slovaque contre les nazis dans&nbsp;<em>La Tani&egrave;re des loups</em>&nbsp;(<em>Vlčie diery</em>) de Pal&rsquo;o Bielik<sup><a href="#_ftn29" id="_ftnref29" name="_ftnref29">29</a></sup>&nbsp;en 1948, ou la r&eacute;sistance tch&egrave;que des derniers jours de la Deuxi&egrave;me Guerre mondiale dans&nbsp;<em>La Barricade muette</em>&nbsp;(<em>Něm&aacute; barik&aacute;da</em>) d&rsquo;Otakar V&aacute;vra<sup><a href="#_ftn30" id="_ftnref30" name="_ftnref30">30</a></sup>&nbsp;en 1949. Les premiers r&eacute;alisateurs form&eacute;s &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie du Film de Prague (FAMU) fond&eacute;e en 1945, tels que Karel Kachyňa ou Vojtěch Jasn&yacute;, dans un premier temps &eacute;pousent l&rsquo;esth&eacute;tique et les th&egrave;mes du &laquo;&nbsp;r&eacute;alisme socialiste&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;impose dans tout le bloc de l&rsquo;Est. Cependant, &agrave; la fin des ann&eacute;es 1950, alors que s&rsquo;amorce un processus de d&eacute;stalinisation, le cin&eacute;ma tch&eacute;coslovaque s&rsquo;essouffle et les productions satisfont de moins en moins le public comme le Parti. En 1959 a lieu la premi&egrave;re &eacute;dition du Festival du film tch&egrave;que et slovaque de Bansk&aacute; Bystrica, officiellement lieu de rencontre des cin&eacute;astes de la production contemporaine, afin de discuter de l&rsquo;orientation que doit prendre le cin&eacute;ma tch&eacute;coslovaque dans les ann&eacute;es 1960. L&rsquo;objectif est de permettre le rayonnement du pays &agrave; l&rsquo;international. Peu de temps apr&egrave;s l&rsquo;ouverture du Festival, trois films programm&eacute;s sont interdits pour des raisons &agrave; la fois id&eacute;ologiques et esth&eacute;tiques, ce qui provoque une crise de confiance entre la profession et le gouvernement<sup><a href="#_ftn31" id="_ftnref31" name="_ftnref31">31</a></sup>. Sans doute les frustrations des cin&eacute;astes et de leurs collaborateurs, qui enseignent pour certains &agrave; la FAMU, vont-elles encourager la g&eacute;n&eacute;ration suivante &agrave; s&rsquo;affranchir des repr&eacute;sentations devenues st&eacute;r&eacute;otypiques des productions des d&eacute;cennies pr&eacute;c&eacute;dentes pour proposer un regard singulier sur la soci&eacute;t&eacute; tch&eacute;coslovaque contemporaine. Un nouveau groupe social &eacute;merge &agrave; cette &eacute;poque, celui des &laquo;&nbsp;jeunes&nbsp;&raquo;. Comme le remarque Martine Godet &agrave; partir de l&rsquo;exemple de l&rsquo;URSS de la fin des ann&eacute;es 1950&nbsp;:</p> <p><q>La jeunesse occupe une place centrale dans le syst&egrave;me symbolique du D&eacute;gel. C&rsquo;est &agrave; ce moment qu&rsquo;elle &eacute;merge en tant que g&eacute;n&eacute;ration autonome, en lien avec le retour de l&rsquo;individu qui caract&eacute;rise la p&eacute;riode. Beaucoup de ces jeunes n&rsquo;ont plus de p&egrave;res, morts &agrave; la guerre &ndash; et donc plus de mod&egrave;le. Les anciens canaux de communication interg&eacute;n&eacute;rationnelle ne fonctionnent plus. Sur les a&icirc;n&eacute;s p&egrave;se par ailleurs le poids de l&rsquo;h&eacute;ritage stalinien<sup><a href="#_ftn32" id="_ftnref32" name="_ftnref32">32</a></sup>.</q></p> <p>Pareillement, au d&eacute;but des ann&eacute;es 1960 une nouvelle g&eacute;n&eacute;ration de cin&eacute;astes, anciens &eacute;tudiants de l&rsquo;Acad&eacute;mie du film de Prague (FAMU) vont faire de la jeunesse, le sujet central de leurs films. Ainsi le premier long-m&eacute;trage de Milo&scaron; Forman,&nbsp;<em>L&rsquo;As de pique</em>&nbsp;(<em>Čern&yacute; Petr</em>)<sup><a href="#_ftn33" id="_ftnref33" name="_ftnref33">33</a></sup>&nbsp;en 1963 d&rsquo;apr&egrave;s un sc&eacute;nario co-&eacute;crit par M. Forman et Jaroslav Papou&scaron;ek, s&rsquo;attarde sur les soir&eacute;es dansantes auxquelles assistent les jeunes Praguois pendant leur temps libre. La cam&eacute;ra filme tout d&rsquo;abord la piste de danse en plan large o&ugrave; l&rsquo;accumulation d&rsquo;individus dans le cadre provoque un sentiment d&rsquo;&eacute;touffement, comme si de la masse il n&rsquo;&eacute;tait pas possible de sortir. Elle s&rsquo;infiltre ensuite parmi les jeunes gens gr&acirc;ce &agrave; des plans tourn&eacute;s en cam&eacute;ra &agrave; l&rsquo;&eacute;paule o&ugrave; il est presque impossible de distinguer des visages ou des signes distinctifs. Ce nouveau rituel social y appara&icirc;t extr&ecirc;mement codifi&eacute;, les gar&ccedil;ons et les filles faisant table &agrave; part, les premiers invitant les secondes &agrave; danser. Les deux groupes se retrouvent sur la piste o&ugrave; ils effectuent des pas de rock&rsquo;n&rsquo;roll, sous le regard de leurs chaperons. Mais c&rsquo;est aussi une ar&egrave;ne impitoyable pour celles et ceux qui n&rsquo;ont pas de partenaire ou qui sont trop timides pour danser. La repr&eacute;sentation de cette foule d&rsquo;adolescents blas&eacute;s que rien n&rsquo;impressionne contraste en tous points avec les foules &eacute;piques des films d&rsquo;exaltation de la souverainet&eacute; nationale. Ici la masse n&rsquo;a pas d&rsquo;identit&eacute; particuli&egrave;re ni ne cherche un but collectif autre que celui d&rsquo;attendre que le temps passe.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>La fin du prol&eacute;tariat ?</b></em></p> <p>Le cin&eacute;ma des ann&eacute;es 1960 n&rsquo;abandonne cependant pas la repr&eacute;sentation d&rsquo;une foule urbaine nettement plus h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne qui partage avec les jeunes un certain d&eacute;s&oelig;uvrement. Dans&nbsp;<em>Du courage pour chaque jour</em>&nbsp;(<em>Každ&yacute; den odvahu</em>)<sup><a href="#_ftn34" id="_ftnref34" name="_ftnref34">34</a></sup>, r&eacute;alis&eacute; par Evald Schorm, d&rsquo;apr&egrave;s un sc&eacute;nario d&rsquo;Anton&iacute;n M&aacute;&scaron;a, le personnage principal Jarda, ouvrier et militant communiste, croit au d&eacute;but du film appartenir &agrave; une classe dont il se sent solidaire, celle des prol&eacute;taires auxquels il d&eacute;die son engagement politique. Pourtant, au fur et &agrave; mesure, il se sent de plus en plus isol&eacute; dans le groupe auquel il est suppos&eacute; appartenir, ses efforts pour convaincre les travailleurs des bienfaits de l&rsquo;id&eacute;ologie socialiste se r&eacute;v&eacute;lant toujours plus vains. Il assiste au congr&egrave;s du Parti communiste tch&eacute;coslovaque o&ugrave; est annonc&eacute;e une prise de distance avec le &laquo; culte de la personnalit&eacute;&nbsp;&raquo;. Jarda se retrouve progressivement sans rep&egrave;res. Dans l&rsquo;une des s&eacute;quences, il prononce un discours sur l&rsquo;importance de la responsabilit&eacute; individuelle dans le bien-&ecirc;tre collectif pour d&eacute;buter une soir&eacute;e consacr&eacute;e &agrave; une repr&eacute;sentation de music-hall destin&eacute;e aux habitants du quartier. Mais le discours n&rsquo;a pas l&rsquo;effet escompt&eacute;, la plupart des membres de l&rsquo;audience ne l&rsquo;&eacute;coutant que d&rsquo;une oreille, et il finit par s&rsquo;embrouiller avant de conclure pr&eacute;cipitamment et de quitter la sc&egrave;ne sous les rires amus&eacute;s des spectateurs. Par l&rsquo;interm&eacute;diaire de la sc&egrave;ne qui sert de s&eacute;paration physique entre le personnage et la foule, et par le montage en plan contre-champs, Schorm rejoue la s&eacute;quence du discours de l&rsquo;ouvrier bolchevique dans&nbsp;<em>Les Derniers Jours de Saint-P&eacute;tersbourg de Vsevolod Poudovkine</em><sup><a href="#_ftn35" id="_ftnref35" name="_ftnref35">35</a></sup>&nbsp;en la d&eacute;tournant. Acclam&eacute; par la foule battant des mains, l&rsquo;ouvrier &eacute;tait le relai du peuple en opposition avec les hommes du tsar qui ne s&rsquo;exprimaient que par des paroles vides.&nbsp;<em>A contrario</em>, Jarda, tout en reprenant le discours r&eacute;volutionnaire, est irr&eacute;m&eacute;diablement s&eacute;par&eacute; de la foule devant laquelle il appara&icirc;t comme un pantin. Quelques instants plus tard, il est pris &agrave; parti pour une d&eacute;monstration de magie, achevant ainsi le r&ocirc;le clownesque qu&rsquo;il joue malgr&eacute; lui dans ce&nbsp;<em>theatrum mundi</em>. C&rsquo;est que la foule qu&rsquo;il a devant lui n&rsquo;est pas celle de travailleurs &eacute;clair&eacute;s conscients de leur r&ocirc;le dans une soci&eacute;t&eacute; collectiviste, mais plut&ocirc;t celle d&rsquo;hommes et de femmes d&rsquo;&acirc;ges diff&eacute;rents venus se divertir. Jarda fait ainsi l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;un basculement identifi&eacute; par Sa&scaron;a Vojković selon laquelle &laquo;&nbsp;avant la Seconde Guerre mondiale, les cin&eacute;astes sovi&eacute;tiques et am&eacute;ricains croyaient que les &ldquo;masses&rdquo; repr&eacute;sent&eacute;es dans les films &eacute;taient des cat&eacute;gories factuelles et non fictionnelles, tandis que le cin&eacute;ma politique d&rsquo;apr&egrave;s-guerre a perdu la foi en l&rsquo;existence r&eacute;elle d&rsquo;un prol&eacute;tariat ou de toute autre entit&eacute; collective<sup><a href="#_ftn36" id="_ftnref36" name="_ftnref36">36</a></sup>&nbsp;&raquo;. Tout le film d&eacute;crit ainsi la d&eacute;sillusion de Jarda envers l&rsquo;existence de ce que l&rsquo;on pourrait appeler les deux param&egrave;tres n&eacute;cessaires au cycle d&rsquo;&eacute;mancipation politique moderne &eacute;tudi&eacute; par Alain Badiou, &agrave; savoir les masses et le Parti<sup><a href="#_ftn37" id="_ftnref37" name="_ftnref37">37</a></sup>. Conscient de la vanit&eacute; de son combat politique, il se replie peu &agrave; peu sur lui-m&ecirc;me, apr&egrave;s avoir compris qu&rsquo;il a &oelig;uvr&eacute; pour une id&eacute;ologie moralement condamnable plut&ocirc;t que d&rsquo;&eacute;couter sa conscience individuelle.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>Les meneurs de foules</b></em></p> <p>Si la masse n&rsquo;est plus cet ensemble d&rsquo;individus qui &laquo;&nbsp;partagent un point de vue commun sur le monde et consid&egrave;rent que leur exp&eacute;rience est partag&eacute;e par les autres<sup><a href="#_ftn38" id="_ftnref38" name="_ftnref38">38</a></sup>&nbsp;&raquo; telle qu&rsquo;elle pouvait &ecirc;tre c&eacute;l&eacute;br&eacute;e dans les ann&eacute;es 1950, les cin&eacute;astes des ann&eacute;es 1960 vont aussi interroger ce qui soude la foule et la constitue en un collectif. Dans le film de Schorm, le protagoniste est frapp&eacute; de d&eacute;couvrir &agrave; quel point il a &eacute;t&eacute; tromp&eacute; par une id&eacute;ologie qui masquait la d&eacute;cadence morale dans laquelle est plong&eacute; le monde contemporain. La fa&ccedil;on dont ces fausses id&eacute;es se diffusent est peu montr&eacute;e dans<em>&nbsp;Du courage pour chaque jour</em>, Jarda n&rsquo;&eacute;tant pas suffisamment bien plac&eacute; dans le Parti pour en saisir le fonctionnement. Peu de films s&rsquo;y sont essay&eacute;s au risque d&rsquo;&ecirc;tre rattrap&eacute;s par la censure, &agrave; l&rsquo;instar de&nbsp;<em>L&rsquo;Oreille</em>&nbsp;(<em>Ucho</em>) de Karel Kachyňa<sup><a href="#_ftn39" id="_ftnref39" name="_ftnref39">39</a></sup>&nbsp;d&rsquo;apr&egrave;s un sc&eacute;nario de Jan Proch&aacute;zka qui d&eacute;crit le processus de surveillance jusque dans les plus hautes sph&egrave;res du gouvernement. En 1966, un autre cin&eacute;aste, Jan Němec, dans un film co-&eacute;crit avec Ester Krumbachov&aacute;, peint le portrait d&rsquo;une foule manipul&eacute;e, voire ali&eacute;n&eacute;e par d&rsquo;inqui&eacute;tants meneurs. Dans&nbsp;<em>La F&ecirc;te et les invit&eacute;s&nbsp;</em>(<em>O slavnosti a hostech</em>)<sup><a href="#_ftn40" id="_ftnref40" name="_ftnref40">40</a></sup>, des individus ordinaires s&rsquo;appr&ecirc;tent &agrave; partager ensemble un pique-nique avant de rejoindre une f&ecirc;te. Sur le chemin, ils se font surprendre par un homme et ses associ&eacute;s qui les soumettent &agrave; un humiliant et violent interrogatoire en les mena&ccedil;ant avec des fusils. C&rsquo;est le fils adoptif de leur h&ocirc;te, Rudolf, qui s&rsquo;est diverti &agrave; leurs d&eacute;pens. Le groupe finit par rejoindre les autres invit&eacute;s dans les bois et prend place &agrave; leurs tables. Au cours du repas, une femme &eacute;clate en sanglots. Son &eacute;poux a quitt&eacute; la f&ecirc;te sans dire un mot. Contrari&eacute; par cette absence, Rudolf demande l&rsquo;autorisation de partir &agrave; la recherche du fugitif. Il part arm&eacute; avec une vingtaine d&rsquo;invit&eacute;s et l&acirc;che un chien pour retrouver sa trace. Le film a souvent &eacute;t&eacute; analys&eacute; comme une parabole dont &laquo;&nbsp;les implications politiques [...] sont si &eacute;videntes qu&rsquo;il semble impossible que n&rsquo;importe quel Tch&egrave;que all&eacute;goriquement &eacute;clair&eacute; [<em>allegory-conscious</em>] ne comprenne pas le message<sup><a href="#_ftn41" id="_ftnref41" name="_ftnref41">41</a></sup>&nbsp;&raquo; selon les mots de Peter Hames. Celui-ci remarque d&rsquo;ailleurs que l&rsquo;h&ocirc;te ressemble &eacute;trangement &agrave; L&eacute;nine. L&rsquo;une des analyses possibles de&nbsp;<em>La F&ecirc;te et les invit&eacute;s</em>&nbsp;est d&rsquo;y voir la mise en place d&rsquo;un syst&egrave;me totalitaire contr&ocirc;l&eacute; arbitrairement par des hommes cruels contre lesquels les invit&eacute;s, progressivement ali&eacute;n&eacute;s, sont incapables de se rebeller. Les cadrages restent tr&egrave;s serr&eacute;s sur les personnages, souvent des plans rapproch&eacute;s &agrave; la poitrine, mais il y a une telle accumulation de visages que les seuls personnages identifiables par les spectateurs sont ceux du pique-nique initial, ainsi que l&rsquo;h&ocirc;te et Rudolf. Ce n&rsquo;est ici pas une masse organis&eacute;e ou solidaire qui est repr&eacute;sent&eacute;e, mais l&rsquo;agglom&eacute;ration de multiples individualit&eacute;s &eacute;go&iuml;stes, justement incapables de se constituer en collectif pour se soulever contre le r&ocirc;le qui leur est assign&eacute;<sup><a href="#_ftn42" id="_ftnref42" name="_ftnref42">42</a></sup>. Rudolf incarne un v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;meneur de foule&nbsp;&raquo;, selon le terme de Gustave Lebon, non pas &laquo;&nbsp;des hommes de pens&eacute;e, mais d&rsquo;action. Ils sont peu clairvoyants, et ne pourraient l&rsquo;&ecirc;tre, la clairvoyance conduisant g&eacute;n&eacute;ralement au doute et &agrave; l&rsquo;inaction. Ils se recrutent surtout parmi ces n&eacute;vros&eacute;s, ces excit&eacute;s, ces demi-ali&eacute;n&eacute;s qui c&ocirc;toient les bords de la folie<sup><a href="#_ftn43" id="_ftnref43" name="_ftnref43">43</a></sup>&nbsp;&raquo;. Rudolf, par ailleurs l&rsquo;un des seuls personnages &agrave; &ecirc;tre identifi&eacute; par un nom, se laisse emporter par son d&eacute;sir narcissique de contr&ocirc;ler la foule d&rsquo;anonymes qui l&rsquo;entoure. Dans l&rsquo;une des s&eacute;quences du film, il se lance &agrave; lui-m&ecirc;me une sorte de salut nazi. Mais en v&eacute;rit&eacute;, il pr&eacute;serve le pouvoir de l&rsquo;h&ocirc;te, qui tout habill&eacute; de blanc, ne salira pas ses mains jusqu&rsquo;&agrave; la traque finale men&eacute;e par Rudolf. Ainsi, par l&rsquo;interm&eacute;diaire de ces deux personnages, &eacute;merge une figure individuelle inqui&eacute;tante. Mais d&rsquo;autres individus vont &eacute;galement se d&eacute;marquer, non parce qu&rsquo;ils sont au-dessus de la foule comme les meneurs mais parce qu&rsquo;ils en sont continuellement en marge.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>En marge de la foule</b></p> <p><em><b>L&rsquo;exclu des masses</b></em></p> <p>Si ces films viennent op&eacute;rer un changement de perspective sur la foule,&nbsp;<em>a contrario</em>&nbsp;du cin&eacute;ma des masses &eacute;piques de la d&eacute;cennie pr&eacute;c&eacute;dente, c&rsquo;est aussi parce qu&rsquo;ils proposent une r&eacute;flexion sur les relations entre le groupe et l&rsquo;individu. Il pourrait d&rsquo;ailleurs s&rsquo;agir de l&rsquo;un des d&eacute;nominateurs communs des films de la Nouvelle Vague tch&eacute;coslovaque. Ce renouveau du traitement des personnages est d&eacute;j&agrave; rep&eacute;r&eacute; par Martine Godet dans le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique dit du &laquo;&nbsp;D&eacute;gel&nbsp;&raquo; des ann&eacute;es 1950, dont &laquo;&nbsp;l&rsquo;essence [...] r&eacute;side dans une mouvance anti-h&eacute;ro&iuml;que qui s&rsquo;&eacute;carte des th&egrave;mes li&eacute;s &agrave; l&rsquo;exaltation de la patrie pour se tourner vers l&rsquo;individu<sup><a href="#_ftn44" id="_ftnref44" name="_ftnref44">44</a></sup>&nbsp;&raquo;. Cela passe, dit-elle, par une simplification du message filmique en opposition tranch&eacute;e avec le cin&eacute;ma h&eacute;ro&iuml;que, l&rsquo;abandon du solennel et de l&rsquo;emphatique pour davantage de simplicit&eacute; et de spontan&eacute;it&eacute;<sup><a href="#_ftn45" id="_ftnref45" name="_ftnref45">45</a></sup>&nbsp;&raquo;. En effet, les personnages des films de la Nouvelle Vague sont souvent des individus ordinaires et sans histoires, des ouvriers &agrave; l&rsquo;instar de Jarda dans&nbsp;<em>Du courage pour chaque jour</em>, ou des jeunes en qu&ecirc;te d&rsquo;un sens &agrave; leur existence tels Petr dans&nbsp;<em>L&rsquo;As de pique</em>. Au moment o&ugrave; le film rattrape le fil de leur vie, la plupart sont des &laquo;&nbsp;hommes des foules&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire des individus qui n&rsquo;existent que dans la masse, o&ugrave; ils peuvent &eacute;chapper &agrave; leur irr&eacute;ductible solitude comme le soulignent les choix de cadrage, tant&ocirc;t larges tant&ocirc;t tr&egrave;s resserr&eacute;s. Mais certains ne peuvent pas parvenir &agrave; cette existence collective, lorsqu&rsquo;ils sont exclus de la foule et contraints &agrave; ne vivre qu&rsquo;en marge de la communaut&eacute;. En 1968, Jaromil Jire&scaron; adapte avec Zdeněk Bl&aacute;ha le roman de Milan Kundera&nbsp;<em>La Plaisanterie&nbsp;</em>(<em>Žert</em>)<sup><a href="#_ftn46" id="_ftnref46" name="_ftnref46">46</a></sup>&nbsp;qui raconte justement l&rsquo;amertume d&rsquo;un individu exclu du groupe &agrave; cause d&rsquo;une raillerie politique &eacute;crite dans sa jeunesse et pour laquelle il a &eacute;t&eacute; s&eacute;v&egrave;rement puni. Dans le roman, la sc&egrave;ne de la punition est relat&eacute;e au discours indirect en quelques lignes. Ludv&iacute;k apr&egrave;s un moment d&rsquo;introspection o&ugrave; il s&rsquo;admet coupable d&rsquo;une faute, fait son autocritique sinc&egrave;re aupr&egrave;s de ses camarades &eacute;tudiants et propose lui-m&ecirc;me son exclusion du Parti. Personne ne prend alors la parole pour le d&eacute;fendre&nbsp;:</p> <p><q>La discussion ouverte &agrave; la suite de mon intervention autocritique tourna &agrave; mon d&eacute;savantage&nbsp;; personne ne vint &agrave; mon secours, si bien qu&rsquo;&agrave; la fin, tous (une centaine, dont mes professeurs et mes condisciples les plus proches), oui, tous, jusqu&rsquo;au dernier, lev&egrave;rent la main pour approuver non pas seulement mon exclusion du Parti, mais de surcro&icirc;t (&agrave; ceci je ne m&rsquo;attendais pas du tout) l&rsquo;interdiction de poursuivre mes &eacute;tudes<sup><a href="#_ftn47" id="_ftnref47" name="_ftnref47">47</a></sup>.</q></p> <p>Dans l&rsquo;adaptation cin&eacute;matographique, l&rsquo;exclusion de Ludv&iacute;k d&eacute;bute par un travelling en vue subjective o&ugrave; le personnage est d&eacute;visag&eacute; par une foule d&rsquo;anonymes au rythme de l&rsquo;air russe&nbsp;<em>Kalinka</em>&nbsp;qui constitue un leitmotiv sonore tout au long du film. La s&eacute;quence de la punition est ins&eacute;r&eacute;e en flashback dans un montage parall&egrave;le avec une c&eacute;r&eacute;monie de bienvenue aux nouveau-n&eacute;s &agrave; laquelle assiste Ludv&iacute;k sans y avoir &eacute;t&eacute; invit&eacute; et o&ugrave; il reconna&icirc;t son vieil ami Jaroslav. L&rsquo;entrem&ecirc;lement des temporalit&eacute;s sugg&egrave;re &agrave; quel point le pass&eacute; continue de hanter Ludv&iacute;k, m&ecirc;me des ann&eacute;es apr&egrave;s. Pavel Zem&aacute;nek d&eacute;bute la discussion du &laquo;&nbsp;cas de Jahn&nbsp;&raquo; avec la lecture d&rsquo;une lettre de Julius Fuč&iacute;k, militant communiste et r&eacute;sistant, assassin&eacute; par les nazis en 1943. Le montage qui m&ecirc;le le c&eacute;r&eacute;monial tr&egrave;s ritualis&eacute; et le simulacre de proc&egrave;s vient d&eacute;voiler la facticit&eacute; de chaque sc&egrave;ne, r&eacute;v&eacute;lant que Ludv&iacute;k n&rsquo;avait aucune chance d&rsquo;&eacute;chapper &agrave; son exclusion. C&rsquo;est aussi l&rsquo;une des s&eacute;quences o&ugrave; le commentaire en voix-off qui accompagne tout le film se tait et o&ugrave; la cam&eacute;ra adopte de nouveau le point de vue subjectif du protagoniste, assis au milieu de la foule, face aux &eacute;tudiants qui se sont improvis&eacute;s juges. L&rsquo;une d&rsquo;entre eux lui demande &laquo;&nbsp;ce qu&rsquo;auraient pens&eacute; les camarades qui n&rsquo;ont pas surv&eacute;cu&nbsp;?&nbsp;&raquo; et l&rsquo;exclusion du Parti est sugg&eacute;r&eacute;e par Zem&aacute;nek. Tandis que les mains se l&egrave;vent pour approuver, la musique interpr&eacute;t&eacute;e par l&rsquo;orchestre qui accompagne le c&eacute;r&eacute;monial de bienvenue reprend comme un contrepoint &agrave; la gravit&eacute; de la sc&egrave;ne, et c&rsquo;est le Ludv&iacute;k du pr&eacute;sent qui regarde ses camarades et anciens professeurs voter pour son exclusion. La sc&egrave;ne pourrait s&rsquo;analyser en regard des propos de Ren&eacute; Girard sur la fabrique du bouc &eacute;missaire&nbsp;:</p> <p><q>La foule, par d&eacute;finition, cherche l&rsquo;action mais elle ne peut pas agir sur les causes naturelles. Elle cherche donc une cause accessible et qui assouvisse son app&eacute;tit de violence. Les membres de la foule sont toujours des pers&eacute;cuteurs en puissance, car ils r&ecirc;vent de purger la communaut&eacute; des &eacute;l&eacute;ments impurs qui la corrompent, des tra&icirc;tres qui la subvertissent<sup><a href="#_ftn48" id="_ftnref48" name="_ftnref48">48</a></sup>.</q></p> <p>Ainsi la punition de Ludv&iacute;k est-elle le moyen d&rsquo;expurger la communaut&eacute;, ici l&rsquo;universit&eacute;, d&rsquo;un &eacute;l&eacute;ment qui menace son &eacute;quilibre &ndash; dans le roman il est pr&eacute;cis&eacute; que &laquo;&nbsp;d&eacute;j&agrave; auparavant (et sans doute avec raison) les camarades [lui] reprochaient des &ldquo;r&eacute;sidus d&rsquo;individualisme&rdquo;<sup><a href="#_ftn49" id="_ftnref49" name="_ftnref49">49</a></sup>&nbsp;&raquo;. Mais ce bannissement masque aussi les d&eacute;sirs individuels de Zem&aacute;nek d&rsquo;&eacute;carter un rival ou d&rsquo;assouvir son app&eacute;tence pour &ecirc;tre un meneur de foules, ni le roman ni le film ne sont clairs &agrave; ce sujet. Cependant&nbsp;<em>La Plaisanterie</em>&nbsp;met aussi en sc&egrave;ne la vengeance rat&eacute;e d&rsquo;un exclu de la foule qui comprend &agrave; ses d&eacute;pens &laquo;&nbsp;qu&rsquo;un destin souvent s&rsquo;ach&egrave;ve bien avant la mort<sup><a href="#_ftn50" id="_ftnref50" name="_ftnref50">50</a></sup>&nbsp;&raquo;.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>Le fou et la foule</b></em></p> <p>D&rsquo;autres personnages sont d&rsquo;irr&eacute;ductibles exclus, lorsqu&rsquo;ils ne se fondent pas dans la foule parce qu&rsquo;ils sont diam&eacute;tralement diff&eacute;rents. C&rsquo;est le cas des fous et autres monstres, figures de l&rsquo;&eacute;tranger par excellence, qui sont sans cesse &agrave; contre-courant de la foule. Dans&nbsp;<em>La Fable mystique</em>, Michel de Certeau consid&egrave;re que les personnages de fou op&egrave;rent &laquo;&nbsp;un point de fuite par o&ugrave; ils nous d&eacute;tournent vers un absolu<sup><a href="#_ftn51" id="_ftnref51" name="_ftnref51">51</a></sup>&nbsp;&raquo;. Il ajoute&nbsp;: &laquo;&nbsp;il s&rsquo;agit d&rsquo;un &eacute;cart vers un autre pays, o&ugrave; la folle (la femme qui se perd) et le fou (l&rsquo;homme qui rit) cr&eacute;ent le d&eacute;fi d&rsquo;un d&eacute;li&eacute;<sup><a href="#_ftn52" id="_ftnref52" name="_ftnref52">52</a></sup>&nbsp;&raquo;. Dans&nbsp;<em>Le Septi&egrave;me jour, la huiti&egrave;me nuit</em>&nbsp;(<em>Den sedm&yacute;, osm&aacute; noc</em>)<sup><a href="#_ftn53" id="_ftnref53" name="_ftnref53">53</a></sup>, r&eacute;alis&eacute; entre 1968 et 1969 mais qui n&rsquo;atteignit jamais les &eacute;crans &agrave; cause de la censure, Evald Schorm et son sc&eacute;nariste Zdeněk Mahler renouent avec la tradition du &laquo;&nbsp;fou mystique&nbsp;&raquo;. Le film se d&eacute;roule dans un petit village remu&eacute; par l&rsquo;arriv&eacute;e d&rsquo;une troupe de com&eacute;diens itin&eacute;rants venus interpr&eacute;ter un spectacle sur la r&eacute;surrection du Christ. Dans la s&eacute;quence d&rsquo;ouverture, Josef, surnomm&eacute; &laquo;&nbsp;Blaz&eacute;n&nbsp;&raquo;, litt&eacute;ralement le fou, fait des pr&eacute;dictions apocalyptiques que personne ne prend au s&eacute;rieux. Pour le ridiculiser, un habitant lui enfile autour du coup un licol et Josef se met imm&eacute;diatement &agrave; imiter un cheval se laissant cravacher par ses pers&eacute;cuteurs. Dans la soci&eacute;t&eacute; communiste des ann&eacute;es 1960, le fou du village est un parasite&nbsp;: il ne travaille pas pour la collectivit&eacute;, il vit de la g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; de ceux qui l&rsquo;entourent et dit tout haut ce qu&rsquo;il pense, m&ecirc;me si ses paroles ne sont comprises que de lui-m&ecirc;me. Mais &agrave; mesure qu&rsquo;une s&eacute;rie d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements inqui&eacute;tants se produit et commence &agrave; alarmer les habitants, les pr&eacute;dictions de Josef font sens, appuy&eacute;es par des plans en plong&eacute;e totale qui sugg&egrave;rent qu&rsquo;une chose d&rsquo;un autre monde s&rsquo;appr&ecirc;te &agrave; s&rsquo;&eacute;craser sur la terre. Les uns s&rsquo;organisent en milices, tentant de tirer profit de la situation, tandis que les autres c&egrave;dent &agrave; la panique. Les com&eacute;diens commencent &agrave; &ecirc;tre tenus pour responsables du malheur &agrave; venir. Lors de la derni&egrave;re repr&eacute;sentation, les habitants sont pris d&rsquo;une folie g&eacute;n&eacute;rale et se mettent &agrave; agir de mani&egrave;re inconsid&eacute;r&eacute;e, s&rsquo;adonnant tant&ocirc;t &agrave; des acc&egrave;s de violence, tant&ocirc;t &agrave; des actions insens&eacute;es, se transformant en foule o&ugrave; il devient impossible de distinguer les individus. Dans ce renversement quasi carnavalesque, la folie devient la norme et laisse la place &agrave; l&rsquo;anarchie. Ainsi, le professeur s&rsquo;appr&ecirc;tant &agrave; assassiner le chef de gare se justifie-t-il en lui affirmant qu&rsquo; &laquo;&nbsp;il y a plus de morts que de vivants. Rien n&rsquo;est faux&nbsp;&raquo;. La s&eacute;quence finale participe &agrave; une d&eacute;mystification de la fausse tranquillit&eacute; de ce village calme de province o&ugrave; toutes les figures d&rsquo;autorit&eacute; sont renvers&eacute;es&nbsp;: l&rsquo;actrice incarnant la Vierge est viol&eacute;e par un groupe de villageois dont le maire du village&nbsp;&ndash; arguant que &laquo;&nbsp;lorsque tout le monde est coupable, personne n&rsquo;est coupable&nbsp;&raquo;&nbsp;&ndash;, le Christ est poursuivi par des matrones, le professeur se transforme en assassin. Seul Josef ne participe pas au d&eacute;cha&icirc;nement g&eacute;n&eacute;ral, et erre dans la ville d&eacute;sert&eacute;e. Le film se cl&ocirc;t sur une image christique de Josef, attendant les bras ouverts les myst&eacute;rieux envahisseurs de la terre. Le marginal devient alors l&rsquo;ambassadeur malgr&eacute; lui de l&rsquo;humanit&eacute; toute enti&egrave;re.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>Sortir de la foule ?</b></em></p> <p>Si&nbsp;<em>Le Septi&egrave;me jour, la huiti&egrave;me nuit&nbsp;</em>est un film all&eacute;gorique, voire spectaculaire, un ensemble de films de la m&ecirc;me p&eacute;riode, dont&nbsp;<em>L&rsquo;As de pique</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Du courage</em>&nbsp;pour chaque jour, se d&eacute;marque en mettant l&rsquo;accent sur l&rsquo;anti-spectaculaire, la repr&eacute;sentation du quotidien et les personnages ordinaires. Dans ces productions o&ugrave; l&rsquo;individualit&eacute; d&rsquo;un ou d&rsquo;une seul(e) est mise au premier plan, la foule est mise &agrave; distance, &agrave; l&rsquo;instar de ce qui se produit dans&nbsp;<em>&Eacute;clairage intime</em>&nbsp;(<em>Intimn&iacute; osvětlen&iacute;</em>) d&rsquo;Ivan Passer<sup><a href="#_ftn54" id="_ftnref54" name="_ftnref54">54</a></sup>&nbsp;o&ugrave; le personnage principal Petr, violon soliste &agrave; Prague, se retire temporairement de l&rsquo;agitation de la grande ville pour revenir dans son village natal. Mais d&rsquo;autres personnages ordinaires semblent anim&eacute;s par le besoin de se d&eacute;marquer de la foule en sortant de l&rsquo;anonymat de la masse. C&rsquo;est tout le sujet de&nbsp;<em>L&rsquo;Audition</em>&nbsp;(<em>Konkurs</em>)<sup><a href="#_ftn55" id="_ftnref55" name="_ftnref55">55</a></sup>, r&eacute;alis&eacute; par Milo&scaron; Forman autour d&rsquo;une audition des futures chanteuses du th&eacute;&acirc;tre populaire Semafor de Prague. Dans la succession des d&eacute;monstrations des aspirantes, Forman ins&egrave;re les portraits fictifs de deux jeunes Praguoises, une p&eacute;dicure ambitieuse et une chanteuse amatrice emp&ecirc;ch&eacute;e par sa timidit&eacute;. Forman, plus que tous les cin&eacute;astes de cette m&ecirc;me &eacute;poque, se distingue par son utilisation des plans rapproch&eacute;s, qui par leur multiplication dans ses films ont tendance &agrave; ne pas singulariser les individus qu&rsquo;ils isolent, mais au contraire, par un montage rapide, &agrave; les perdre encore davantage dans la masse. Ainsi dans&nbsp;<em>L&rsquo;Audition</em>, les jeunes filles se succ&egrave;dent, toutes particuli&egrave;res avec des voix souvent tr&egrave;s diff&eacute;rentes, certaines se d&eacute;marquant des autres, mais leur identit&eacute; n&rsquo;est pas nomm&eacute;e, car seules celles qui seront s&eacute;lectionn&eacute;es&nbsp;<em>deviendront quelqu&rsquo;un</em>, selon l&rsquo;expression consacr&eacute;e.&nbsp;<em>L&rsquo;Audition</em>&nbsp;renoue avec la culture du spectacle &agrave; laquelle le cin&eacute;ma des premiers temps &eacute;tait intrins&egrave;quement li&eacute; et que Tom Gunning et Andr&eacute; Gaudreault d&eacute;finissent comme un &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma des attractions&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p><q>un moment de pure &laquo;&nbsp;manifestation visuelle<sup><a href="#_ftn56" id="_ftnref56" name="_ftnref56">56</a></sup>&nbsp;&raquo;, qui se caract&eacute;riserait par une reconnaissance implicite de la pr&eacute;sence du spectateur auquel l&rsquo;attraction se confronte directement et de mani&egrave;re, disons, exhibitionniste. L&rsquo;attraction est l&agrave;, devant lui, le spectateur, pour &ecirc;tre vue. Elle n&rsquo;existe,&nbsp;<em>stricto sensu</em>, que pour&nbsp;<em>se donner &agrave; voir</em><sup><a href="#_ftn57" id="_ftnref57" name="_ftnref57">57</a></sup>.</q></p> <p>Andr&eacute; Gaudreault remarque aussi la parent&eacute; de l&rsquo;attraction dans le cin&eacute;ma des premiers temps et le montage des attractions chez Eisenstein, dans la mesure o&ugrave; elles &laquo;&nbsp;d&eacute;rivent toutes deux, directement, du m&ecirc;me fonds commun de la culture du spectacle ayant cours en ce d&eacute;but du vingti&egrave;me si&egrave;cle<sup><a href="#_ftn58" id="_ftnref58" name="_ftnref58">58</a></sup>&nbsp;&raquo;. Or, tout en reprenant des &eacute;l&eacute;ments primitifs du spectacle cin&eacute;matographique, la mise en sc&egrave;ne et le montage de&nbsp;<em>L&rsquo;Audition</em>&nbsp;semblent plut&ocirc;t produire des effets &laquo;&nbsp;anti-attractionnels&nbsp;&raquo;. La multiplication des plans n&rsquo;acc&eacute;l&egrave;re pas le rythme des s&eacute;quences, mais en dilate la dur&eacute;e, des interminables prestations des jeunes femmes qui chantent le plus faux, &agrave; l&rsquo;installation des spectateurs pour assister &agrave; la prestation d&rsquo;un groupe amateur. Dans cette foule d&rsquo;individus anonymes, qui reste au fond tr&egrave;s banale, les deux protagonistes anim&eacute;es par le d&eacute;sir d&rsquo;&ecirc;tre reconnues comme singuli&egrave;res sont &eacute;touff&eacute;es et manquent d&rsquo;air, l&rsquo;une d&rsquo;entre elles aura m&ecirc;me le souffle quasi coup&eacute; par la timidit&eacute;. Car rien &agrave; proprement parler ne se manifeste &agrave; l&rsquo;&eacute;cran&nbsp;: pas de prestation remarquable, pas de naissance de la star. Et pourtant c&rsquo;est dans&nbsp;<em>L&rsquo;Audition</em>&nbsp;que se distingue le regard d&rsquo;un cin&eacute;aste. Ainsi Milo&scaron; Forman ouvre-t-il en 1963 les quelques ann&eacute;es o&ugrave; le jeune cin&eacute;ma tch&egrave;que sort de la foule en repr&eacute;sentant les individus les plus ordinaires r&eacute;clamant le droit &agrave; la singularit&eacute; et &agrave; l&rsquo;existence en dehors du groupe.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Conclusion&nbsp;: attendre le retour des foules</b></p> <p>En ao&ucirc;t 1968, apr&egrave;s le Printemps de Prague o&ugrave; la soci&eacute;t&eacute; tch&eacute;coslovaque conna&icirc;t des avanc&eacute;es politiques r&eacute;volutionnaires dans la reconnaissance des droits de l&rsquo;individu, les troupes du Pacte de Varsovie envahissent Prague et destituent le Premier secr&eacute;taire du Parti communiste tch&eacute;coslovaque, Alexander Dubček. Le 16 janvier 1969, pour protester contre la confiscation des libert&eacute;s et l&rsquo;indiff&eacute;rence de l&rsquo;Europe occidentale et de ses concitoyens face &agrave; l&rsquo;invasion, Jan Palach, un &eacute;tudiant de l&rsquo;Universit&eacute; Charles de Prague, s&rsquo;immole par le feu sur la place Venceslas. Ce sacrifice ultime de l&rsquo;individu face &agrave; la machine totalitaire accompagne l&rsquo;entr&eacute;e du pays dans une p&eacute;riode dite de &laquo;&nbsp;normalisation&nbsp;&raquo; o&ugrave; le gouvernement renoue avec un socialisme autoritaire. Cependant, au m&ecirc;me moment, en 1969 Jaromil Jire&scaron; r&eacute;alise le conte surr&eacute;aliste&nbsp;<em>Val&eacute;rie au pays des merveilles</em>&nbsp;(<em>Valerie a t&yacute;den divů</em>)<sup><a href="#_ftn59" id="_ftnref59" name="_ftnref59">59</a></sup>&nbsp;d&rsquo;apr&egrave;s le roman de V&iacute;tězslav Nezval qui relate les errances confuses d&rsquo;une adolescente de 13 ans dans un r&ecirc;ve sans rep&egrave;re o&ugrave; elle est s&eacute;duite par des pr&ecirc;tres, des vampires. Pendant cette p&eacute;riode, des films &agrave; destination du grand public, moins apparents que ceux de la Nouvelle Vague dans leurs interrogations politiques, vont continuer d&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;alis&eacute;s comme&nbsp;<em>Ad&egrave;le n&rsquo;a pas encore d&icirc;n</em>&eacute; (<em>Ad&eacute;la je&scaron;tě nevečeřela</em>) d&rsquo;Oldřich Lipsk&yacute;<sup><a href="#_ftn60" id="_ftnref60" name="_ftnref60">60</a></sup>&nbsp;o&ugrave; une plante carnivore d&eacute;vore litt&eacute;ralement les individus qui s&rsquo;en approchent. Sans en faire des manifestes anti-socialistes, on pourrait consid&eacute;rer ces films comme des traces de la r&eacute;surgence de certaines probl&eacute;matiques que l&rsquo;invasion de 1968 a tent&eacute; de r&eacute;primer. Il faudrait pour conclure souligner le r&ocirc;le majeur que jouera vingt ans plus tard une autre foule, celle de la R&eacute;volution de Velours, dont les protestations conduiront &agrave; la chute du gouvernement communiste tch&eacute;coslovaque en d&eacute;cembre 1989.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><b>R&eacute;f&eacute;rences</b></p> <p><em><b>Corpus primaire</b></em></p> <p>Bielik, Pal&rsquo;o,&nbsp;<em>La Tani&egrave;re des loups</em>&nbsp;[<em>Vlčie</em>&nbsp;<em>diery</em>], &Scaron;t&uacute;dio umeleck&yacute;ch filmov Bratislava, Tch&eacute;coslovaquie, 1948, 104 min.</p> <p>Cik&aacute;n, Miroslav,&nbsp;<em>Batalion</em>, Metropolitan, Tch&eacute;coslovaquie, 1937, 93 min.</p> <p>Eisenstein, Sergue&iuml; M.,&nbsp;<em>Octobre</em>&nbsp;[<em>Октябрь</em>], Sovkino, URSS, 1927, 102 min.</p> <p>Forman, Milo&scaron;,&nbsp;<em>L&rsquo;Audition</em>&nbsp;[<em>Konkurs</em>], Tch&eacute;coslovaquie, Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1963, 81 min.</p> <p>Forman, Milo&scaron;,&nbsp;<em>L&rsquo;As de pique</em>&nbsp;[<em>Čern&yacute; Petr</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, Tch&eacute;coslovaquie, 1963, 83 min.</p> <p>Frič, Martin,&nbsp;<em>Ho ! Hisse !</em>&nbsp;[<em>Hej-Rup!</em>], Meissner, Tch&eacute;coslovaquie, 1934, 110 min.</p> <p>Haas, Hugo,&nbsp;<em>La Peste blanche</em>&nbsp;[<em>B&iacute;l&aacute; nemoc</em>], Moldavia, Tch&eacute;coslovaquie, 1937, 105 minutes.</p> <p>Jire&scaron;, Jaromil,&nbsp;<em>La Plaisanterie</em>&nbsp;[<em>Žert</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1968, 81 min.</p> <p>Kachyňa, Karel,<em>&nbsp;L&rsquo;Oreille</em>&nbsp;[<em>Ucho</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, Tch&eacute;coslovaquie, 1969, 95 min.</p> <p>Kř&iacute;ženeck&yacute;, Jan,&nbsp;<em>Les Pompiers de Staroměstka</em>&nbsp;[<em>Staroměst&scaron;t&iacute; hasiči</em>], Autriche-Hongrie, 1898, 1 min.</p> <p>Kř&iacute;ženeck&yacute;, Jan,&nbsp;<em>Une baignade &agrave; Žof&iacute;n&nbsp;</em>[<em>V&yacute;jev z l&aacute;zn&iacute; žof&iacute;nsk&yacute;ch</em>], Autriche-Hongrie, 1898, 1 min.</p> <p>Kř&iacute;ženeck&yacute;, Jan,&nbsp;<em>Exposition jubilaire de la chambre de commerce et de l&rsquo;artisanat</em>&nbsp;[<em>Jubilejn&iacute; v&yacute;stava obchodn&iacute; a živnostensk&eacute; komory</em>], Autriche-Hongrie, 1908, 1 min.</p> <p>Kř&iacute;ženeck&yacute;, Jan,&nbsp;<em>Inauguration du Nouveau Pont Čech</em>&nbsp;[<em>Slavnost otevřen&iacute; nov&eacute;ho Čechova mostu</em>], Autriche-Hongrie, 1908, 1 min.</p> <p>Kundera, Milan,&nbsp;<em>La Plaisanterie&nbsp;</em>[<em>Žert</em>], Marcel Aymonin (trad.), Paris, Gallimard, 2020, [1967].</p> <p>Machat&yacute;, Gustav,&nbsp;<em>De Samedi &agrave; dimanche</em>&nbsp;[<em>Ze soboty na nedeli</em>], A.B. Production, Tch&eacute;coslovaquie, 1931, 72 min.</p> <p>Němec, Jan,&nbsp;<em>La F&ecirc;te et les invit&eacute;s</em>&nbsp;[<em>O slavnosti a hostech</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1966, 71 min.</p> <p>Passer, Ivan,&nbsp;<em>&Eacute;clairage intime</em>&nbsp;[<em>Intimn&iacute; osvětlen&iacute;</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1965, 66 min.</p> <p>Poudovkine, Vsevolod,&nbsp;<em>Les Derniers Jours de Saint-P&eacute;tersbourg</em>, Mezhrabpom-Rus, URSS, 1927, 91 min.</p> <p>Schorm, Evald,&nbsp;<em>Du courage pour chaque jour</em>&nbsp;[<em>Každ&yacute; den odvahu</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1964, 86 min.</p> <p>Schorm, Evald,&nbsp;<em>Le Septi&egrave;me jour, la huiti&egrave;me nuit</em>&nbsp;[<em>Den sedm&yacute;, osm&aacute; noc</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1969, 104 min.</p> <p>V&aacute;vra, Otakar,&nbsp;<em>La Barricade muette</em>&nbsp;[<em>Něm&aacute;</em>&nbsp;<em>barik&aacute;da</em>], Hostivař, Tch&eacute;coslovaquie, 1948, 118 min.</p> <p>Vidor, King,&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;[<em>The Crowd</em>], Metro-Goldwyn-Mayer Pictures, &Eacute;tats-Unis, 1928, 98 minutes.</p> <p><em><b>Corpus secondaire</b></em></p> <p>Badiou, Alain,&nbsp;<em>Th&eacute;orie du sujet</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, 2008.</p> <p>Barrows, Susanna,&nbsp;<em>Miroirs d&eacute;formants, r&eacute;flexions sur la foule en France &agrave; la fin du dix-neuvi&egrave;me si&egrave;cle</em>, Suzanne Le Foll (trad.), Paris, Aubier, 1990.</p> <p>Canetti, Elias,&nbsp;<em>Masse et puissance</em>, Robert Rovini (trad.), Paris, Gallimard, 1966 [1960].</p> <p>Certeau, Michel de,&nbsp;<em>La Fable mystique&nbsp;: XVI<sup>e</sup>-XVII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Gallimard, 1987.</p> <p>Bon, Gustave Le,&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>&nbsp;[1895], Paris, &Eacute;ditions Payot &amp; Rivages, 2020, URL&nbsp;:&nbsp;<a href="https://doi-org.ezproxy.u-paris.fr/10.3917/puf.bon.2013.01">https://doi-org.ezproxy.u-paris.fr/10.3917/puf.bon.2013.01</a>, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p>Eisenstein, Sergue&iuml; M.,&nbsp;<em>Ma conception du cin&eacute;ma</em>, Fran&ccedil;oise Vernan (trad.), Paris, &Eacute;ditions Buchet/Chastel, 1971.</p> <p>Eisenstein, Serge&iuml; M., &laquo;&nbsp;Le montage des attractions&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Sergei M. Eisenstein,&nbsp;<em>Au-del&agrave; des &eacute;toiles</em>, Jacques Aumont, Bernard Eisenschitz, Sylviane Moss&eacute;, Andr&eacute;e Robel (trad.), Paris, Union g&eacute;n&eacute;rale d&rsquo;&eacute;ditions, 1974, p. 127.</p> <p>Gaudreault, Andr&eacute;,&nbsp;<em>Cin&eacute;ma et attraction&nbsp;: pour une nouvelle histoire du cin&eacute;matographe</em>, Paris, CNRS &Eacute;ditions, 2008. Girard, Ren&eacute;, Le Bouc &eacute;missaire, Paris, Grasset, 1982.</p> <p>Godet, Martine,&nbsp;<em>La Pellicule et les ciseaux&nbsp;: la censure dans le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique du D&eacute;gel &agrave; la Perestro&iuml;ka</em>, Paris, CNRS, 2010.</p> <p>Gunning, Tom, &laquo;&nbsp;Attractions, truquages et photog&eacute;nie&nbsp;: l&rsquo;explosion du pr&eacute;sent dans les films &agrave; truc fran&ccedil;ais produits entre 1896 et 1907&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Jean A. Gili, Mich&egrave;le Lagny, Michel Marie et Vincent Pinel (dir.),&nbsp;<em>Les Vingt premi&egrave;res ann&eacute;es du cin&eacute;ma fran&ccedil;ais</em>, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle/AFRHC, 1995, p. 177-193.</p> <p>Hames, Peter,&nbsp;<em>The Czechoslovak New Wave</em>, Londres-New-York, Wallflower Press, 2005.</p> <p>Khokhlova, Ekaterina, &laquo;&nbsp;La salle de cin&eacute;ma en union sovi&eacute;tique dans les ann&eacute;es 1930&nbsp;&raquo;, Natacha Laurent (trad.),&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Natacha Laurent,&nbsp;<em>Le Cin&eacute;ma stalinien, questions d&rsquo;histoire&nbsp;</em>[en ligne], Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2003, URL&nbsp;:&nbsp;<a href="https://books.openedition.org/pumi/19432">https://books.openedition.org/pumi/19432</a>, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p>Plasseraud, Emmanuel,&nbsp;<em>L&rsquo;Art des foules, Th&eacute;ories de la r&eacute;ception filmique comme ph&eacute;nom&egrave;ne collectif en France (1908-1930)</em>&nbsp;[en ligne], Villeneuve-d&rsquo;Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2011, URL&nbsp;:&nbsp;<a href="https://books.openedition.org/septentrion/46052">https://books.openedition.org/septentrion/46052</a>, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p>Skupa, Luk&aacute;&scaron;,&nbsp;<em>Vad&iacute; - nevad&iacute;</em>, Prague, N&aacute;rodn&iacute; filmov&yacute; archiv, 2016.</p> <p>Sorlin, Pierre, &laquo;&nbsp;Des corps sans visages&nbsp;: ce que le cin&eacute;ma fait avec les foules&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;J&eacute;r&ocirc;me Game (dir.),&nbsp;<em>Images des corps / Corps des images au cin&eacute;ma</em>&nbsp;[en ligne], Paris, ENS &Eacute;ditions, 2019, URL&nbsp;:&nbsp;<a href="http://books.openedition.org/enseditions/9107">http://books.openedition.org/enseditions/9107</a>, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p>Reicher, Stephen, &ldquo;Crowds, agency and passion. Reconsidering the roots of the social bond&rdquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Ruth Parkin-Gounelas (dir.),&nbsp;<em>The Psychology and Politics of the Collective</em>, p. 67-85.</p> <p>Tratner, Michael,&nbsp;<em>Crowd Scenes: Movies and Mass Politics</em>, New York, Fordham University Press, 2008.</p> <p>Vojković, Sa&scaron;a, &ldquo;Factum documentary films: searching for the present&rdquo;,&nbsp;<em>Cineaste</em>, n&deg;32/3, &eacute;t&eacute; 2007, p. 41-44.</p> <hr /> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref1" id="_ftn1" name="_ftn1" title="&gt;&lt;span style=">1</a></sup>&nbsp;Andr&eacute; Calmettes et Charles Le Bargy,&nbsp;<em>L&rsquo;Assassinat du Duc de Guise</em>, Le Film d&rsquo;art, France, 1908, 18 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref2" id="_ftn2" name="_ftn2" title="&gt;&lt;span style=">2</a></sup>&nbsp;King Vidor,&nbsp;<em>La Foule</em>&nbsp;[<em>The</em>&nbsp;<em>Crowd</em>], Metro-Goldwyn-Mayer Pictures, &Eacute;tats-Unis, 1928, 98 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref3" id="_ftn3" name="_ftn3" title="&gt;&lt;span style=">3</a></sup>&nbsp;Sergue&iuml; M. Eisenstein,&nbsp;<em>Octobre</em>&nbsp;[<em>Октябрь</em>], Sovkino, URSS, 1927, 102 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref4" id="_ftn4" name="_ftn4" title="&gt;&lt;span style=">4</a></sup>&nbsp;Michael Tratner,&nbsp;<em>Crowd Scenes: Movies and Mass Politics</em>, New York, Fordham University Press, 2008, p. 6 [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref5" id="_ftn5" name="_ftn5" title="&gt;&lt;span style=">5</a></sup>&nbsp;Gustave Le Bon,&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>&nbsp;[en ligne], Paris, &Eacute;ditions Payot &amp; Rivages, 2020 [1895], URL :&nbsp;<a href="https://doi-org.ezproxy.u-paris.fr/10.3917/puf.bon.2013.01">https://doi-org.ezproxy.u-paris.fr/10.3917/puf.bon.2013.01</a>, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref6" id="_ftn6" name="_ftn6" title="&gt;&lt;span style=">6</a></sup>&nbsp;Voir Andr&eacute; Gaudreault,&nbsp;<em>Cin&eacute;ma et attraction : pour une nouvelle histoire du cin&eacute;matographe</em>, Paris, CNRS &Eacute;ditions, 2008 et Tom Gunning, &laquo;&nbsp;Cin&eacute;ma des attractions et modernit&eacute;&nbsp;&raquo;, Vincente Duchel (trad.),&nbsp;<em>Cin&eacute;math&egrave;que</em>, n&deg;5, printemps 1994.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref7" id="_ftn7" name="_ftn7" title="&gt;&lt;span style=">7</a></sup>&nbsp;Emmanuel Plasseraud,&nbsp;<em>L&rsquo;Art des foules, Th&eacute;ories de la r&eacute;ception filmique comme ph&eacute;nom&egrave;ne collectif en France (1908-1930)&nbsp;</em>[en ligne], Villeneuve-d&rsquo;Ascq, Presses universitaires du Septentrion, 2011, URL :&nbsp;<a href="https://books.openedition.org/septentrion/46052">https://books.openedition.org/septentrion/46052</a>, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref8" id="_ftn8" name="_ftn8" title="&gt;&lt;span style=">8</a></sup>&nbsp;Jan Kř&iacute;ženeck&yacute;,&nbsp;<em>Les Pompiers de Staroměstka</em>&nbsp;[<em>Staroměst&scaron;t&iacute; hasiči</em>], Autriche-Hongrie, 1898, 1 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref9" id="_ftn9" name="_ftn9" title="&gt;&lt;span style=">9</a></sup>&nbsp;Jan Kř&iacute;ženeck&yacute;,&nbsp;<em>Une baignade &agrave; Žof&iacute;n</em>&nbsp;[<em>V&yacute;jev z l&aacute;zn&iacute; žof&iacute;nsk&yacute;ch</em>], Autriche-Hongrie, 1898, 1 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref10" id="_ftn10" name="_ftn10" title="&gt;&lt;span style=">10</a></sup>&nbsp;Les Expositions jubilaires ou&nbsp;<em>Jubilejn&eacute; zemsk&eacute; v&yacute;stavy</em>&nbsp;sont des foires industrielles et commerciales organis&eacute;es dans l&rsquo;Empire austro-hongrois &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et au d&eacute;but du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle. Dans la lign&eacute;e des expositions universelles, il s&rsquo;agissait de pr&eacute;senter et de vanter les m&eacute;rites des progr&egrave;s techniques et inventions r&eacute;alis&eacute;es. Les expositions de Prague furent aussi l&rsquo;occasion de diffuser des id&eacute;es nationalistes, et d&rsquo;effectuer un premier pas vers l&rsquo;ind&eacute;pendance.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref11" id="_ftn11" name="_ftn11" title="&gt;&lt;span style=">11</a></sup>&nbsp;Jan Kř&iacute;ženeck&yacute;,&nbsp;<em>Exposition jubilaire de la chambre de commerce et de l&rsquo;artisanat</em>&nbsp;[<em>Jubilejn&iacute; v&yacute;stava obchodn&iacute; a živnostensk&eacute; komory</em>], Autriche-Hongrie, 1908, 1 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref12" id="_ftn12" name="_ftn12" title="&gt;&lt;span style=">12</a></sup>&nbsp;Jan Kř&iacute;ženeck&yacute;,&nbsp;<em>Inauguration du nouveau pont Čech</em>&nbsp;[<em>Slavnost otevřen&iacute; nov&eacute;ho Čechova mostu</em>], Autriche-Hongrie, 1908, 1 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref13" id="_ftn13" name="_ftn13" title="&gt;&lt;span style=">13</a></sup>&nbsp;Michael Tratner,&nbsp;<em>Crowd Scenes</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 3, &ldquo;<em>not surprisingly, the most popular movies have always been full of immense crowd shots, from&nbsp;</em>The Birth of a Nation<em>&nbsp;through&nbsp;</em>Gone with the Wind<em>&nbsp;to&nbsp;</em>Titanic&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref14" id="_ftn14" name="_ftn14" title="&gt;&lt;span style=">14</a></sup>&nbsp;Elias Canetti,&nbsp;<em>Masse et puissance</em>&nbsp;[1960], Robert Rovini (trad.), Paris, Gallimard, 1966.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref15" id="_ftn15" name="_ftn15" title="&gt;&lt;span style=">15</a></sup>&nbsp;Voir aussi Susanna Barrows,&nbsp;<em>Miroirs d&eacute;formants, r&eacute;flexions sur la foule en France &agrave; la fin du dix-neuvi&egrave;me si&egrave;cle</em>, Suzanne Le Foll (trad.), Paris, Aubier, 1990.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref16" id="_ftn16" name="_ftn16" title="&gt;&lt;span style=">16</a></sup>&nbsp;Gustave Le Bon,&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref17" id="_ftn17" name="_ftn17" title="&gt;&lt;span style=">17</a></sup>&nbsp;Michael Tratner,&nbsp;<em>Crowd Scenes</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 3 : &ldquo;<em>throughout the first half of the twentieth century there was an often-repeated fear that any crowd that began thinking about politics was in danger of turning into a mob espousing anti-individualist politics</em>&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref18" id="_ftn18" name="_ftn18" title="&gt;&lt;span style=">18</a></sup>&nbsp;Gustav Machat&yacute;,<em>&nbsp;De Samedi &agrave; dimanche</em>&nbsp;[<em>Ze soboty na nedeli</em>], AB Barrandov, Tch&eacute;coslovaquie, 1931, 72 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref19" id="_ftn19" name="_ftn19" title="&gt;&lt;span style=">19</a></sup>&nbsp;Miroslav Cik&aacute;n,&nbsp;<em>Batalion</em>, Metropolitan, Tch&eacute;coslovaquie, 1937, 93 minutes.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref20" id="_ftn20" name="_ftn20" title="&gt;&lt;span style=">20</a></sup>&nbsp;Hugo Haas,&nbsp;<em>La Peste blanche</em>&nbsp;[<em>B&iacute;l&aacute;</em>&nbsp;<em>nemoc</em>], Moldavia, Tch&eacute;coslovaquie, 1937, 105 minutes.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref21" id="_ftn21" name="_ftn21" title="&gt;&lt;span style=">21</a></sup>&nbsp;Emmanuel Plasseraud,&nbsp;<em>L&rsquo;Art des foules</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref22" id="_ftn22" name="_ftn22" title="&gt;&lt;span style=">22</a></sup>&nbsp;Voir aussi Ekaterina Khokhlova, &laquo;&nbsp;La salle de cin&eacute;ma en union sovi&eacute;tique dans les ann&eacute;es 1930&nbsp;&raquo;, Natacha Laurent (trad.),&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Natacha Laurent,&nbsp;<em>Le Cin&eacute;ma stalinien, questions d&rsquo;histoire</em>&nbsp;[en ligne], Toulouse, Presses universitaires du Midi, 2003, URL : 10.4000/books.pumi.19432, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref23" id="_ftn23" name="_ftn23" title="&gt;&lt;span style=">23</a></sup>&nbsp;Sergue&iuml; M. Eisenstein, &laquo;&nbsp;Cin&eacute;ma sovi&eacute;tique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Sergue&iuml; M. Eisenstein,&nbsp;<em>Ma conception du cin&eacute;ma</em>, Fran&ccedil;oise Vernan (trad.), Paris, &Eacute;ditions Buchet/Chastel, 1971, p. 30-31.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref24" id="_ftn24" name="_ftn24" title="&gt;&lt;span style=">24</a></sup>&nbsp;Sergue&iuml; M. Eisenstein, &laquo;&nbsp;Le montage des attractions&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Sergue&iuml; M. Eisenstein,&nbsp;<em>Au-del&agrave; des &eacute;toiles,</em>&nbsp;Jacques Aumont, Bernard Eisenschitz, Sylviane Moss&eacute;, Andr&eacute;e Robel (trad.), Paris, Union g&eacute;n&eacute;rale d&rsquo;&eacute;ditions, 1974, p. 127.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref25" id="_ftn25" name="_ftn25" title="&gt;&lt;span style=">25</a></sup>&nbsp;Pierre Sorlin, &laquo;&nbsp;Des corps sans visages&nbsp;: ce que le cin&eacute;ma fait avec les foules&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;J&eacute;r&ocirc;me Game (dir.),&nbsp;<em>Images des corps / Corps des images au cin&eacute;ma</em>&nbsp;[en ligne], ENS &Eacute;ditions, 2019, URL :&nbsp;<a href="http://books.openedition.org/enseditions/9107">http://books.openedition.org/enseditions/9107</a>, consult&eacute; le 6 d&eacute;cembre 2022.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref26" id="_ftn26" name="_ftn26" title="&gt;&lt;span style=">26</a></sup>&nbsp;Sergue&iuml; M. Eisenstein, &laquo;&nbsp;Cin&eacute;ma sovi&eacute;tique&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 33.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref27" id="_ftn27" name="_ftn27" title="&gt;&lt;span style=">27</a></sup>&nbsp;Le Sokol est un mouvement de gymnastique national tch&egrave;que fond&eacute; &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle par Miroslav Tyr&scaron; et Jindřich F&uuml;gner. M&ecirc;lant activit&eacute;s culturelles et sportives, il est &eacute;troitement li&eacute; &agrave; la renaissance nationale tch&egrave;que et aux mouvements pour l&rsquo;ind&eacute;pendance de la Tch&eacute;coslovaquie.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref28" id="_ftn28" name="_ftn28" title="&gt;&lt;span style=">28</a></sup>&nbsp; Martin Frič,&nbsp;<em>Ho ! Hisse !</em>&nbsp;[<em>Hej-Rup !</em>], Meissner, Tch&eacute;coslovaquie, 1934, 110 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref29" id="_ftn29" name="_ftn29" title="&gt;&lt;span style=">29</a></sup>&nbsp;Pal&rsquo;o Bielik,&nbsp;<em>La Tani&egrave;re des loups&nbsp;</em>[<em>Vlčie diery</em>], &Scaron;t&uacute;dio umeleck&yacute;ch filmov Bratislava, Tch&eacute;coslovaquie, 1948, 104 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref30" id="_ftn30" name="_ftn30" title="&gt;&lt;span style=">30</a></sup>&nbsp;Otakar V&aacute;vra,&nbsp;<em>La Barricade muette</em>&nbsp;[<em>Něm&aacute;</em>&nbsp;<em>barik&aacute;da</em>], Hostivař, Tch&eacute;coslovaquie, 1948, 118 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref31" id="_ftn31" name="_ftn31" title="&gt;&lt;span style=">31</a></sup>Voir Luk&aacute;&scaron; Skupa,&nbsp;<em>Vad&iacute; - nevad&iacute;</em>, Prague, N&aacute;rodn&iacute; filmov&yacute; archiv, 2016.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref32" id="_ftn32" name="_ftn32" title="&gt;&lt;span style=">32</a></sup>&nbsp;Martine Godet,&nbsp;<em>La Pellicule et les ciseaux : la censure dans le cin&eacute;ma sovi&eacute;tique du D&eacute;gel &agrave; la Perestro&iuml;ka</em>, Paris, CNRS, 2010, p. 23.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref33" id="_ftn33" name="_ftn33" title="&gt;&lt;span style=">33</a></sup>&nbsp;Milo&scaron; Forman,&nbsp;<em>L&rsquo;As de pique</em>&nbsp;[<em>Čern&yacute; Petr</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, Tch&eacute;coslovaquie, 1963, 83 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref34" id="_ftn34" name="_ftn34" title="&gt;&lt;span style=">34</a></sup>&nbsp;Evald Schorm,&nbsp;<em>Du courage pour chaque jour</em>&nbsp;[<em>Každ&yacute;</em>&nbsp;<em>den</em>&nbsp;<em>odvahu</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1964, 86 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref35" id="_ftn35" name="_ftn35" title="&gt;&lt;span style=">35</a></sup>&nbsp;Vsevolod Poudovkine,<em>&nbsp;Les Derniers Jours de Saint-P&eacute;tersbourg</em>, Mezhrabpom-Rus, URSS, 1927, 91 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref36" id="_ftn36" name="_ftn36" title="&gt;&lt;span style=">36</a></sup>&nbsp;Sa&scaron;a Vojković, &ldquo;<em>Factum documentary films : searching for the present</em>&rdquo;,&nbsp;<em>Cineaste</em>&nbsp;n&deg;32/3, &eacute;t&eacute;, 2007, p. 41. &ldquo;<em>Before World War II, Soviet and American filmmakers believed that the &rsquo;masses&rsquo; represented in films were factual, not fictional categories, while postwar political cinema lost faith that a proletariat or any other collective entity really existed</em>&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref37" id="_ftn37" name="_ftn37" title="&gt;&lt;span style=">37</a></sup>&nbsp;Alain Badiou,&nbsp;<em>Th&eacute;orie du Sujet</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, 2008.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref38" id="_ftn38" name="_ftn38" title="&gt;&lt;span style=">38</a></sup>&nbsp;Stephen Reicher, &ldquo;<em>Crowds, agency and passion. Reconsidering the roots of the social bond</em>&rdquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Ruth Parkin-Gounelas (dir.),&nbsp;<em>The Psychology and Politics of the Collective</em>, p. 78 : &ldquo;<em>they share a common perspective on the world and see their experience as shared by others</em>&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref39" id="_ftn39" name="_ftn39" title="&gt;&lt;span style=">39</a></sup>&nbsp;Karel Kachyňa,&nbsp;<em>L&rsquo;Oreille</em>&nbsp;[<em>Ucho</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, Tch&eacute;coslovaquie, 1969, 95 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref40" id="_ftn40" name="_ftn40" title="&gt;&lt;span style=">40</a></sup>&nbsp;Jan Němec,&nbsp;<em>La F&ecirc;te et les invit&eacute;s</em>&nbsp;[<em>O slavnosti a hostech</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1966, 71 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref41" id="_ftn41" name="_ftn41" title="&gt;&lt;span style=">41</a></sup>&nbsp;Peter Hames,&nbsp;<em>The Czechoslovak New Wave</em>, Londres-New-York, Wallflower Press, 2005, p. 171 : &ldquo;<em>the political implications of the film are so obvious that it seems impossible that any allegory-conscious Czech could fail to get the point</em>&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref42" id="_ftn42" name="_ftn42" title="&gt;&lt;span style=">42</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 174.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref43" id="_ftn43" name="_ftn43" title="&gt;&lt;span style=">43</a></sup>&nbsp;Gustave Le Bon,&nbsp;<em>Psychologie des foules</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em></p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref44" id="_ftn44" name="_ftn44" title="&gt;&lt;span style=">44</a></sup>&nbsp;Martine Godet,&nbsp;<em>La Pellicule et les ciseaux</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 26.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref45" id="_ftn45" name="_ftn45" title="&gt;&lt;span style=">45</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref46" id="_ftn46" name="_ftn46" title="&gt;&lt;span style=">46</a></sup>&nbsp;Jaromil Jire&scaron;,&nbsp;<em>La Plaisanterie</em>&nbsp;[<em>Žert</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1968, 81 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref47" id="_ftn47" name="_ftn47" title="&gt;&lt;span style=">47</a></sup>&nbsp;Milan Kundera,&nbsp;<em>La Plaisanterie</em>&nbsp;[<em>Žert</em>, 1967], Marcel Aymonin (trad.), Paris, Gallimard, 2020, p. 78-79.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref48" id="_ftn48" name="_ftn48" title="&gt;&lt;span style=">48</a></sup>&nbsp;Ren&eacute; Girard,&nbsp;<em>Le Bouc &eacute;missair</em>e, Paris, Grasset, 1982, p. 28.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref49" id="_ftn49" name="_ftn49" title="&gt;&lt;span style=">49</a></sup>&nbsp;Milan Kundera,&nbsp;<em>La Plaisanterie</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 78.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref50" id="_ftn50" name="_ftn50" title="&gt;&lt;span style=">50</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 477.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref51" id="_ftn51" name="_ftn51" title="&gt;&lt;span style=">51</a></sup>&nbsp;Michel de Certeau,&nbsp;<em>La Fable mystique</em>&nbsp;<em>: XVI<sup>e</sup>-XVII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Gallimard, 1987, p. 49.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref52" id="_ftn52" name="_ftn52" title="&gt;&lt;span style=">52</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref53" id="_ftn53" name="_ftn53" title="&gt;&lt;span style=">53</a></sup>&nbsp;Evald Schorm,&nbsp;<em>Le Septi&egrave;me jour, la huiti&egrave;me nuit</em>&nbsp;[<em>Den</em>&nbsp;<em>sedm&yacute;</em>,&nbsp;<em>osm&aacute;</em>&nbsp;<em>noc</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1969, 104 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref54" id="_ftn54" name="_ftn54" title="&gt;&lt;span style=">54</a></sup>&nbsp;Ivan Passer,&nbsp;<em>&Eacute;clairage intime</em>&nbsp;[<em>Intimn&iacute;</em>&nbsp;<em>osvětlen&iacute;</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1965, 66 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref55" id="_ftn55" name="_ftn55" title="&gt;&lt;span style=">55</a></sup>&nbsp;Milo&scaron; Forman,&nbsp;<em>L&rsquo;Audition</em>&nbsp;[<em>Konkurs</em>], Tch&eacute;coslovaquie, Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1963, 81 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref56" id="_ftn56" name="_ftn56" title="&gt;&lt;span style=">56</a></sup>&nbsp;Tom Gunning, &laquo;&nbsp;Attractions, truquages et photog&eacute;nie : l&rsquo;explosion du pr&eacute;sent dans les films &agrave; truc fran&ccedil;ais produits entre 1896 et 1907&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Jean A. Gili, Mich&egrave;le Lagny, Michel Marie et Vincent Pinel (dir.),&nbsp;<em>Les Vingt premi&egrave;res ann&eacute;es du cin&eacute;ma fran&ccedil;ais</em>, Paris, Presses de la Sorbonne nouvelle/AFRHC, 1995, p. 179.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref57" id="_ftn57" name="_ftn57" title="&gt;&lt;span style=">57</a></sup>&nbsp;Andr&eacute; Gaudreault,&nbsp;<em>Cin&eacute;ma et attraction : pour une nouvelle histoire du cin&eacute;matographe</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 93.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref58" id="_ftn58" name="_ftn58" title="&gt;&lt;span style=">58</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 90.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref59" id="_ftn59" name="_ftn59" title="&gt;&lt;span style=">59</a></sup>&nbsp;Jaromil Jire&scaron;,&nbsp;<em>Val&eacute;rie au pays des merveilles</em>&nbsp;[<em>Valerie a t&yacute;den divů</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1969, 73 min.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref60" id="_ftn60" name="_ftn60" title="&gt;&lt;span style=">60</a></sup>&nbsp;Oldřich Lipsk&yacute;,&nbsp;<em>Ad&egrave;le n&rsquo;a pas encore d&icirc;n&eacute;</em>&nbsp;[<em>Ad&eacute;la je&scaron;tě nevečeřela</em>], Filmov&eacute; Studio Barrandov, 1977, 105 min.</p>