<p><strong>Plan de l&#39;article :</strong></p> <p><strong>1. Cin&eacute;ma national&nbsp;?</strong></p> <ul> <li><b><i>a. &laquo;&nbsp;Cin&eacute;ma&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;nation&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma national&nbsp;&raquo; dans le contexte &nbsp;: &agrave; l&rsquo;origine du besoin de distinction</i></b></li> <li> <p><b><i>b. Le cas des Marocains R&eacute;sidant &agrave; l&rsquo;&Eacute;tranger (MRE)</i></b></p> </li> </ul> <p><strong>2. La cin&eacute;philie et la production cin&eacute;matographique &laquo;&nbsp;&agrave; la fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;</strong></p> <ul> <li><b><i>a. Influence de la France sur la mani&egrave;re de faire et de diffuser les films &ndash; la r&eacute;manence de la langue fran&ccedil;aise comme r&eacute;v&eacute;latrice d&rsquo;une r&eacute;elle probl&eacute;matique</i></b></li> <li><b><i>b. Influence de la France sur la mani&egrave;re de voir les films &ndash; la cin&eacute;philie &agrave; la fran&ccedil;aise et le travail des Instituts Fran&ccedil;ais</i></b></li> <li><b><i>c. Le r&ocirc;le de la cin&eacute;philie et de son caract&egrave;re &laquo;&nbsp;&eacute;crit&nbsp;&raquo; dans la constitution de l&rsquo;histoire d&rsquo;un cin&eacute;ma &ndash; le travail d&rsquo;Ahmed Bouanani</i></b></li> </ul> <p><strong>3.&nbsp;<em>Third cinema</em>, r&eacute;alisme social et panafricanisme &ndash; comment &laquo;&nbsp;d&eacute;coloniser les &eacute;crans&nbsp;&raquo;, dans la veine d&rsquo;une&nbsp;<i>herstory</i></strong></p> <ul> <li><b><i>a.</i>&nbsp;Third cinema<i>&nbsp;: &laquo;&nbsp;une alternative &agrave; une th&eacute;orie eurocentrique&nbsp;&raquo;</i></b></li> <li><b><i>b. La FEPACI pour un cin&eacute;ma panafricain &ndash; la francophonie comme piste de r&eacute;solution</i></b></li> </ul> <p>&nbsp;</p> <p>Quelles caract&eacute;ristiques incarnent un style proprement national qui l&rsquo;en d&eacute;marqueraient des autres&nbsp;? Et &laquo;&nbsp;dans quelle mesure le facteur ethnique est-il d&eacute;terminant pour d&eacute;finir l&rsquo;identit&eacute; [d&rsquo;un film]<sup><a href="#_ftn1" id="_ftnref1" name="_ftnref1">1</a></sup>&nbsp;?&nbsp;&raquo; Aborder la question d&rsquo;un cin&eacute;ma national semble d&rsquo;ordinaire compliqu&eacute; mais s&rsquo;av&egrave;re &ecirc;tre autrement plus complexe dans le cas des cin&eacute;matographies des pays anciennement colonis&eacute;s&nbsp;: le septi&egrave;me art s&rsquo;y est d&rsquo;abord impos&eacute; comme une invention occidentale, exploit&eacute;e sur le territoire par les colons, pour les colons, &eacute;loignant de ce cin&eacute;ma tout caract&egrave;re purement national. Les populations locales sont alors &laquo;&nbsp;quasi [absentes] partout. Que ce soit au sein du public de cin&eacute;ma, ou au sein de la profession elle-m&ecirc;me<sup><a href="#_ftn2" id="_ftnref2" name="_ftnref2">2</a></sup>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Sur ces territoires, tant le cin&eacute;ma que le concept de nation incarnent des r&eacute;alit&eacute;s difficiles &agrave; appr&eacute;hender, l&rsquo;acception de ces deux notions ayant &eacute;t&eacute; diffus&eacute;e selon des normes occidentales &agrave; l&rsquo;issue de la colonisation. Roy Armes a notamment &eacute;tudi&eacute; l&rsquo;imbrication de la culture et de l&rsquo;identification nationale<sup><a href="#_ftn3" id="_ftnref3" name="_ftnref3">3</a></sup>, ainsi que la constitution de cette derni&egrave;re dans un contexte postcolonial<sup><a href="#_ftn4" id="_ftnref4" name="_ftnref4">4</a></sup>. Selon lui, le nationalisme adopt&eacute; par les &eacute;lites au lendemain des ind&eacute;pendances n&eacute;gligeait tout une s&eacute;rie de composantes, telles que les d&eacute;terminations sociales et leurs articulations, ou encore les formes traditionnelles d&rsquo;organisation de la soci&eacute;t&eacute;. Cette n&eacute;gligence s&rsquo;est faite au profit d&rsquo;une conception occidentale de la nation avec, pour caract&egrave;re central, celui de l&rsquo;individualisme. Au-del&agrave; de l&rsquo;organisation politique et sociale de la nation, Roy Armes pointe la probl&eacute;matique de la langue dans la constitution d&rsquo;une identification nationale post-coloniale&nbsp;: comment &laquo;&nbsp;exprimer l&rsquo;identit&eacute; distincte de la nouvelle nation dans la langue h&eacute;rit&eacute;e des colons<sup><a href="#_ftn5" id="_ftnref5" name="_ftnref5">5</a></sup>&nbsp;&raquo;&nbsp;? Certes, comme nous aurons l&rsquo;occasion d&rsquo;y revenir, l&rsquo;utilisation d&rsquo;une langue h&eacute;rit&eacute;e des colons permet aujourd&rsquo;hui de maintenir une forme d&rsquo;unit&eacute; entre les nations anciennement colonis&eacute;es, mais ceci aux d&eacute;triments des populations moins privil&eacute;gi&eacute;es, souvent uniquement locutrices du dialecte local.</p> <p>Ainsi pos&eacute;es les premi&egrave;res probl&eacute;matiques inh&eacute;rentes &agrave; l&rsquo;appr&eacute;hension des notions de cin&eacute;ma et de nation dans un contexte postcolonial, int&eacute;ressons-nous en premier lieu aux &eacute;l&eacute;ments constitutifs d&rsquo;une cin&eacute;matographie nationale. La tradition cin&eacute;philique fran&ccedil;aise sera ensuite questionn&eacute;e dans son incidence sur la mani&egrave;re de faire et de voir les films au Maroc, pour enfin s&rsquo;int&eacute;resser aux suggestions amen&eacute;es par les th&eacute;oriciens du&nbsp;<em>Third Cinema</em>&nbsp;et de la F&eacute;d&eacute;ration Panafricaine des Cin&eacute;astes (FEPACI) pour un nouveau cin&eacute;ma africain. L&rsquo;objectif est ici de comprendre l&rsquo;imbrication d&rsquo;une cin&eacute;matographie nationale et des cin&eacute;philies locales dans leur co-construction et leurs influences mutuelles sur ledit territoire.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>1. Cin&eacute;ma national&nbsp;?</b></em></p> <p><em><b>a. &laquo;&nbsp;Cin&eacute;ma&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;nation&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma national&nbsp;&raquo; dans le contexte post-colonial&nbsp;: &agrave; l&rsquo;origine du besoin de distinction</b></em></p> <p>Dans un article consacr&eacute; au cin&eacute;ma des nations, Christophe Gauthier s&rsquo;interroge sur la gen&egrave;se des &eacute;coles nationales n&eacute;es entre les ann&eacute;es 1910 et 1930 en Europe et aux &Eacute;tats-Unis. Il y questionne les &eacute;l&eacute;ments &agrave; l&rsquo;origine du besoin de cr&eacute;ation d&rsquo;un cin&eacute;ma national, les pistes de d&eacute;finition du particularisme de ces cin&eacute;mas, ainsi que les apports d&rsquo;une telle distinction territoriale, ouvrant son article &agrave; une r&eacute;flexion plus g&eacute;n&eacute;rale sur les &laquo;&nbsp;styles nationaux&nbsp;&raquo;. L&rsquo;affirmation d&rsquo;un style national &laquo;&nbsp;doit participer d&rsquo;une formule enti&egrave;rement neuve qui associe r&eacute;ussite artistique et identit&eacute; nationale<sup><a href="#_ftn6" id="_ftnref6" name="_ftnref6">6</a></sup>&nbsp;&raquo;, permettant aux nations, par l&rsquo;interm&eacute;diaire du septi&egrave;me art, d&rsquo;affirmer leur singularit&eacute; aux yeux du monde, et r&eacute;v&eacute;lant les pr&eacute;occupations politiques et esth&eacute;tiques d&rsquo;un tel besoin de distinction. Inversement, la nationalisation d&rsquo;une cin&eacute;matographie en appelle &agrave; des pr&eacute;occupations plus &eacute;conomiques, dans l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t propre des producteurs&nbsp;: si le film porte une marque de sa culture, il pourra potentiellement s&eacute;duire les pouvoirs publics, et pr&eacute;tendre &agrave; des financements de leur part.</p> <p>Les sources de financement, la nationalit&eacute; du.de la r&eacute;alisateur.rice, les sujets trait&eacute;s comme ayant un trait particuli&egrave;rement national et les publics auxquels le film est d&eacute;di&eacute; font partie des pistes de d&eacute;finition d&rsquo;un cin&eacute;ma national. Au Maroc, aux d&eacute;buts de l&rsquo;Ind&eacute;pendance, en 1956, le gouvernement a vite pris conscience de l&rsquo;importance de la culture dans la construction et la consolidation d&rsquo;une identification marocaine. N&eacute;anmoins, &laquo;&nbsp;la culture [y] reste le parent pauvre des strat&eacute;gies de d&eacute;veloppement<sup><a href="#_ftn7" id="_ftnref7" name="_ftnref7">7</a></sup>&nbsp;&raquo;, le terme m&ecirc;me de &laquo;&nbsp;culture&nbsp;&raquo; ne faisant son apparition dans les &laquo;&nbsp;intitul&eacute;s des minist&egrave;res&nbsp;&raquo; qu&rsquo;&agrave; partir de 1968<sup><a href="#_ftn8" id="_ftnref8" name="_ftnref8">8</a></sup>. Le gouvernement adopte alors une double attitude&nbsp;: d&rsquo;une part, la patrimonialisation des monuments pour la valorisation d&rsquo;une identification arabo-musulmane (au d&eacute;triment des autres identifications pr&eacute;sentes sur le territoire) et d&rsquo;autre part le d&eacute;ni de certaines formes d&rsquo;expression artistique ainsi que du patrimoine immat&eacute;riel, folkloris&eacute; au profit du d&eacute;veloppement touristique. &laquo;&nbsp;En [&hellip;] limitant [sa politique culturelle] au domaine des Beaux-arts, l&rsquo;&Eacute;tat entendait affirmer sa volont&eacute; de circonscrire la sph&egrave;re de l&rsquo;identit&eacute; du Marocain &agrave; l&rsquo;arabit&eacute; et aux valeurs arabo-musulmanes<sup><a href="#_ftn9" id="_ftnref9" name="_ftnref9">9</a></sup>&nbsp;&raquo;. Comme le sugg&egrave;re Ahmed Massaia, la culture sert &agrave; revendiquer un certain type d&rsquo;identification&nbsp;; la mani&egrave;re dont l&rsquo;&Eacute;tat consid&egrave;re l&rsquo;art est donc li&eacute;e &agrave; la volont&eacute; de valoriser tel ou tel caract&egrave;re de l&rsquo;identification nationale.</p> <p>Certes, en ce qui concerne le cin&eacute;ma contemporain, au vu de &laquo;&nbsp;l&rsquo;internationalisation de l&rsquo;industrie et de la multiplicit&eacute; des participants &agrave; la conception d&rsquo;un film<sup><a href="#_ftn10" id="_ftnref10" name="_ftnref10">10</a></sup>&nbsp;&raquo;, la question d&rsquo;un &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma national&nbsp;&raquo; semble particuli&egrave;rement d&eacute;risoire. Mais, comme nous l&rsquo;avons vu pr&eacute;c&eacute;demment, l&rsquo;investissement de l&rsquo;&Eacute;tat dans une v&eacute;ritable politique culturelle lui permet de s&rsquo;inscrire dans la modernit&eacute; et, dans le cas du Maroc, &agrave; revendiquer non seulement une identification en rupture &ndash; ou en continuit&eacute;, c&rsquo;est selon &ndash; avec les valeurs anciennement pr&ocirc;n&eacute;es par les colons, mais &eacute;galement avec la vision de la nation voulue par les &eacute;lites au lendemain de l&rsquo;Ind&eacute;pendance. L&rsquo;investissement dans un cin&eacute;ma national permet donc la promotion d&rsquo;une identification sp&eacute;cifiquement locale, au contraire du mod&egrave;le de cin&eacute;ma &laquo;&nbsp;universel&nbsp;&raquo;. Christophe Gauthier illustre ce dernier par le cin&eacute;ma am&eacute;ricain, plus rentable &eacute;conomiquement car capable de s&rsquo;exporter partout mais, selon l&rsquo;auteur, d&eacute;nu&eacute; de tout caract&egrave;re purement sp&eacute;cifique.</p> <p>Ainsi le cin&eacute;ma national doit, pour s&rsquo;inscrire pleinement dans la modernit&eacute;, s&rsquo;inscrire &agrave; la fois dans le local et le global, &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un &ldquo;<em>think global, act local</em>&rdquo;&nbsp;: exporter des valeurs et une identification propre sur les &eacute;crans &eacute;trangers, mais sans prendre le risque de perdre tout particularisme et de faire des &laquo;&nbsp;&ldquo;films universels&rdquo; qui plaisent &agrave; tous parce que [&hellip;] ils &ldquo;ne parlent de nulle part&rdquo;<sup><a href="#_ftn11" id="_ftnref11" name="_ftnref11">11</a></sup>.&nbsp;&raquo; Ceci introduit la question des destinataires de ce cin&eacute;ma national. &Agrave; ce jour, aucune &eacute;tude du Centre Cin&eacute;matographique Marocain (CCM) ne recense les publics marocains, publics qui manifestent un int&eacute;r&ecirc;t certain pour les films nationaux, comme en attestent les chiffres du CCM<sup><a href="#_ftn12" id="_ftnref12" name="_ftnref12">12</a></sup>.</p> <p>Au Maroc, l&rsquo;organisme en charge de l&rsquo;attribution des aides publiques &agrave; la production, le CCM ne s&rsquo;engage dans l&rsquo;aide &agrave; la production filmique qu&rsquo;&agrave; partir de 1977, soit plus de trente ans apr&egrave;s sa cr&eacute;ation et vingt ans apr&egrave;s&nbsp;<em>Le Fils maudit</em>&nbsp;(Mohamed Osfour, 1958), premier long m&eacute;trage marocain. Pour le CCM, la nationalit&eacute; du.de la r&eacute;alisateur.rice suffisait initialement &agrave; octroyer des aides nationales, sans autre distinction, ouvrant la porte &agrave; toute une s&eacute;rie de &laquo;&nbsp;chasseurs de primes<sup><a href="#_ftn13" id="_ftnref13" name="_ftnref13">13</a></sup>&nbsp;&raquo; avides de b&eacute;n&eacute;ficier des aides plut&ocirc;t que de participer &agrave; la construction d&rsquo;un cin&eacute;ma national. Apr&egrave;s avoir connu une s&eacute;rie de modifications, notamment la transformation de ce &laquo;&nbsp;fonds de soutien&nbsp;&raquo; en &laquo;&nbsp;fonds d&rsquo;aide&nbsp;&raquo; en 1987, le CCM introduit en 2003 le principe de l&rsquo;avance sur recettes, h&eacute;rit&eacute; du mod&egrave;le fran&ccedil;ais<sup><a href="#_ftn14" id="_ftnref14" name="_ftnref14">14</a></sup>. Le Centre continue d&rsquo;exiger des soci&eacute;t&eacute;s de productions et des r&eacute;alisateur.rice.s d&rsquo;&ecirc;tre de nationalit&eacute; marocaine, mais pr&eacute;cise ses exigences, ordonnant la d&eacute;tention par le.la r&eacute;alisateur.rice d&rsquo;une &laquo;&nbsp;carte professionnelle<sup><a href="#_ftn15" id="_ftnref15" name="_ftnref15">15</a></sup>&nbsp;&raquo;, attestant donc d&rsquo;une certaine exp&eacute;rience de ce.tte dernier.&egrave;re. Toutefois, et malgr&eacute; toutes ces avanc&eacute;es en termes de financement sur le sol marocain afin de pr&eacute;ciser la nationalisation de l&rsquo;industrie, &laquo;&nbsp;s&rsquo;il convient en effet &ndash; pour sa r&eacute;ussite commerciale et son rayonnement moral &ndash; que le film soit pourvu d&rsquo;une &ldquo;&acirc;me nationale&rdquo; [&hellip;] les circonstances &eacute;conomiques de sa production n&rsquo;y suffisent pas<sup><a href="#_ftn16" id="_ftnref16" name="_ftnref16">16</a></sup>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Outre les sources de financement et l&rsquo;exposition de valeurs consid&eacute;r&eacute;es comme typiquement marocaines, la nationalit&eacute; du.de la r&eacute;alisateur.ice &eacute;tait &eacute;tablie en d&eacute;but de partie comme pouvant participer &agrave; la d&eacute;finition d&rsquo;une cin&eacute;matographie nationale. Or, dans un contexte &agrave; la fois postcolonial et de mondialisation, la nationalit&eacute; du.de la r&eacute;alisateur.rice ne semble pas non plus suffire &agrave; la d&eacute;finition d&rsquo;une caract&eacute;ristique nationale. L&rsquo;histoire du Maroc, c&rsquo;est aussi celle de ses citoyens &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger. Nous nous consacrerons donc &agrave; la question des Marocains R&eacute;sidant &agrave; l&rsquo;&Eacute;tranger et de leur cin&eacute;ma dans la partie suivante.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>b. Le cas des Marocains R&eacute;sidant &agrave; l&rsquo;&Eacute;tranger (MRE)</b></em></p> <p>Dans l&rsquo;introduction de leur ouvrage consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;immigration maghr&eacute;bine dans le cin&eacute;ma fran&ccedil;ais, Sylvie Durmelat et Vinay Swamy pointent la &laquo;&nbsp;porosit&eacute;&nbsp;&raquo; du cin&eacute;ma aujourd&rsquo;hui, qui plus est dans le cas des vagues migratoires. Dans un cadre de d&eacute;finition d&rsquo;un cin&eacute;ma marocain, peut-on n&eacute;gliger les r&eacute;alisateur.rice.s parti.e.s vivre &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, pour raisons &eacute;conomiques ou autres, ces r&eacute;alisateur.rice.s migrant.e.s ou issu.e.s de l&rsquo;immigration, de deuxi&egrave;me ou troisi&egrave;me g&eacute;n&eacute;ration, eux.elles-m&ecirc;mes marqu&eacute;.e.s par des probl&eacute;matiques maghr&eacute;bines par la transmission de leurs parents&nbsp;? La migration est-elle n&eacute;gligeable quand ces r&eacute;alisateur.rice.s r&ecirc;vent du retour au pays&nbsp;? Le lien peut-il &agrave; un moment se briser pour ces r&eacute;alisateur.rice.s aux inscriptions multiples&nbsp;? Le d&eacute;part du pays les exclut-il d&rsquo;un cin&eacute;ma national&nbsp;?</p> <p>Dans le cas de ces r&eacute;alisateur.rice.s Marocain.e.s R&eacute;sidant &agrave; l&rsquo;&Eacute;tranger, la question des origines se pose&nbsp;: &laquo;&nbsp;dans quelle mesure le facteur ethnique est-il d&eacute;terminant pour d&eacute;finir l&rsquo;identit&eacute; de ces films<sup><a href="#_ftn17" id="_ftnref17" name="_ftnref17">17</a></sup>&nbsp;?&nbsp;&raquo; Ces r&eacute;alisateur.rice.s aux inscriptions multiples doivent-il.elle.s se d&eacute;chirer entre leurs diff&eacute;rentes inscriptions, ou plut&ocirc;t les embrasser&nbsp;? Alec G. Hargreaves d&eacute;montre qu&rsquo;au contraire, si l&rsquo;on se fie exclusivement au marqueur ethnique pour la constitution d&rsquo;un corpus englobant ce qui peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma&nbsp;<em>beur</em>&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;de banlieue<sup><a href="#_ftn18" id="_ftnref18" name="_ftnref18">18</a></sup>&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;&agrave; la fois d&rsquo;un point de vue di&eacute;g&eacute;tique [&hellip;] et d&rsquo;un point de vue intertextuel [le corpus en question] s&rsquo;&eacute;tend bien au-del&agrave; de tels marqueurs ethniques<sup><a href="#_ftn19" id="_ftnref19" name="_ftnref19">19</a></sup>.&nbsp;&raquo; Il propose donc une approche qu&rsquo;il qualifie de &laquo;&nbsp;multipolaire&nbsp;&raquo; pour &eacute;tudier le travail de ces r&eacute;alisateur.rice.s, sans les exclure ni du cin&eacute;ma fran&ccedil;ais, ni du cin&eacute;ma maghr&eacute;bin, pour des &laquo;&nbsp;perspectives &agrave; la fois fond&eacute;es sur le local, inscrites dans un contexte national et tourn&eacute;es vers le monde<sup><a href="#_ftn20" id="_ftnref20" name="_ftnref20">20</a></sup>&nbsp;&raquo;. Leurs pr&eacute;occupations sont en cela diff&eacute;rentes de celles des r&eacute;alisateur.rice.s marocain.e.s, plus pr&eacute;occup&eacute;.e.s par la refondation d&rsquo;une identification marocaine contemporaine. En effet, ces citoyen.ne.s issu.e.s de l&rsquo;immigration maghr&eacute;bine</p> <p><q>partagent des trajectoires sociales et culturelles avec des migrants d&rsquo;autres origines [&hellip;] ainsi qu&rsquo;avec des citoyens fran&ccedil;ais issus des classes populaires. Dans la mesure o&ugrave; ils connaissent une s&eacute;gr&eacute;gation urbaine et des discriminations religieuses et culturelles semblables, les descendants de Maghr&eacute;bins et de migrants d&rsquo;autres origines font face &agrave; des difficult&eacute;s similaires pour faire entendre leurs voix<sup><a href="#_ftn21" id="_ftnref21" name="_ftnref21">21</a></sup>.</q></p> <p>&Agrave; l&rsquo;origine de ce cin&eacute;ma, un espace se d&eacute;marque, celui de la banlieue, des p&eacute;riph&eacute;ries urbaines. L&rsquo;espace sert alors de m&eacute;taphore &agrave; &laquo;&nbsp;la relation globalement in&eacute;gale entre la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise et ses marginaux<sup><a href="#_ftn22" id="_ftnref22" name="_ftnref22">22</a></sup>&nbsp;&raquo;, &agrave; la tension entre centre et p&eacute;riph&eacute;rie. Ainsi, l&rsquo;espace introduit la question de l&rsquo;int&eacute;gration, fil rouge de l&rsquo;ouvrage dirig&eacute; par Sylvie Durmelat et Vinay Swamy au sujet de l&rsquo;immigration maghr&eacute;bine dans le cin&eacute;ma fran&ccedil;ais<sup><a href="#_ftn23" id="_ftnref23" name="_ftnref23">23</a></sup>. Cette int&eacute;gration n&rsquo;est pas pens&eacute;e semblablement par les diff&eacute;rentes g&eacute;n&eacute;rations d&rsquo;immigrant.e.s&nbsp;: le &laquo;&nbsp;mythe du retour&nbsp;&raquo;, motif redondant dans le &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma&nbsp;<em>beur</em>&nbsp;&raquo; sera analys&eacute; par Will Higbee comme trait&eacute; diff&eacute;remment selon le rapport au Maghreb entretenu par les r&eacute;alisateur.rice.s<sup><a href="#_ftn24" id="_ftnref24" name="_ftnref24">24</a></sup>. Tout comme l&rsquo;espace dans leurs films, ces r&eacute;alisateur.rice.s se situent donc dans une tension constante entre ici et l&agrave;-bas, entre le pays h&ocirc;te, qui deviendra peu &agrave; peu le leur, et leurs origines. Notons cependant la nature &laquo;&nbsp;glocale<sup><a href="#_ftn25" id="_ftnref25" name="_ftnref25">25</a></sup>&nbsp;&raquo; du &laquo;&nbsp;cin&eacute;ma&nbsp;<i>beur</i>&nbsp;&raquo;: les p&eacute;riph&eacute;ries urbaines, par leur mixit&eacute; sociale et raciale, s&rsquo;ouvrent &agrave; une perspective mondiale bien plus complexe que binationale.</p> <p>Si la prise en compte de tou.te.s les r&eacute;alisateur.rice.s MRE comme contribuant au cin&eacute;ma national marocain afin d&rsquo;en faciliter l&rsquo;acception est donc tentante dans un premier temps, d&rsquo;autre part, l&rsquo;appartenance multiple de ces r&eacute;alisateur.rice.s les &eacute;loigne quelque peu de consid&eacute;rations purement locales et propres &agrave; la culture marocaine. De plus, la distinction entre les diff&eacute;rents statuts des MRE rend la qualification d&rsquo;une cin&eacute;matographie nationale particuli&egrave;rement floue et m&egrave;ne par l&agrave; &agrave; une forme de stigmatisation des individus<sup><a href="#_ftn26" id="_ftnref26" name="_ftnref26">26</a></sup>. Dans cette optique, l&rsquo;appr&eacute;hension de leur cin&eacute;ma se fait donc loin de toute attitude de r&eacute;ception primaire, poussant les spectateur.rice.s &agrave; sonder le pass&eacute; du.de la r&eacute;alisateur.rice et &agrave; juger de la capacit&eacute; de ce.tte m&ecirc;me r&eacute;alisateur.ice &agrave; aborder les th&eacute;matiques de son pays d&rsquo;origine. Or, sous quel pr&eacute;texte les publics seraient-ils plus qualifi&eacute;s que le.la r&eacute;alisateur.rice pour juger de la sinc&eacute;rit&eacute; du v&eacute;cu de ce.tte dernier.&egrave;re&nbsp;? Sans doute faut-il faire preuve de curiosit&eacute;, de tol&eacute;rance et de respect vis-&agrave;-vis de l&rsquo;expression d&rsquo;un v&eacute;cu, objectif pour celui.elle qui l&rsquo;exprime, mais tout &agrave; la fois subjectif aux yeux des publics.</p> <p>En cons&eacute;quence, une cin&eacute;matographie nationale serait tour &agrave; tour et tout &agrave; la fois unique et multiple, tenant compte d&rsquo;un v&eacute;cu, de traditions, d&rsquo;une nationalit&eacute;, des origines, des destinataires de ce cin&eacute;ma, d&rsquo;un pass&eacute; commun et/ou des financements publics.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>2. La cin&eacute;philie et la production cin&eacute;matographique &laquo;&nbsp;&agrave; la fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;</b></p> <p><em><b>a. Influence de la France sur la mani&egrave;re de faire et de diffuser les films &ndash; la r&eacute;manence de la langue fran&ccedil;aise comme r&eacute;v&eacute;latrice d&rsquo;une r&eacute;elle probl&eacute;matique</b></em></p> <p>En 1944 est cr&eacute;&eacute; au Maroc l&rsquo;&eacute;quivalent du CNC fran&ccedil;ais, &agrave; savoir le CCM. &Agrave; cette &eacute;poque, il n&rsquo;y a pas encore eu de film r&eacute;ellement marocain dans la r&eacute;alisation et les sujets trait&eacute;s. Et pourtant, nombre de films aujourd&rsquo;hui reconnus, tels que&nbsp;<em>Le Grand Jeu</em>&nbsp;de Jacques Feyder, y ont &eacute;t&eacute; tourn&eacute;s. En 1934 est &eacute;dit&eacute; le d&eacute;cret Laval, dont le but &eacute;tait, selon Manthia Diawara, de &laquo;&nbsp;contr&ocirc;ler le contenu des films tourn&eacute;s en Afrique et de minimiser le r&ocirc;le jou&eacute; par les Africains dans la r&eacute;alisation des films<sup><a href="#_ftn27" id="_ftnref27" name="_ftnref27">27</a></sup>&nbsp;&raquo;. Le constat est l&agrave;&nbsp;: l&rsquo;exotisme a sa place, par les tournages dans les colonies, mais l&rsquo;Afrique est &eacute;vinc&eacute;e hors de l&rsquo;Afrique, le but du CCM et autres instances locales mises en place par la France n&rsquo;&eacute;tant pas de produire des films locaux, mais bien des objets destin&eacute;s &agrave; l&rsquo;exportation, pour les publics fran&ccedil;ais. Jusqu&rsquo;ici rien de nouveau dans le contexte colonial. Ce qui, selon Manthia Diawara, est int&eacute;ressant &agrave; noter, c&rsquo;est l&rsquo;investissement de la France dans des coproductions avec les anciens pays colonis&eacute;s au lendemain des ind&eacute;pendances. Cet investissement ne sera pas sans effet.</p> <p>Val&eacute;rie Orlando observe dans son ouvrage consacr&eacute; au cin&eacute;ma et &agrave; son r&ocirc;le dans la soci&eacute;t&eacute; marocaine contemporaine que la question de la langue est structurante pour le cin&eacute;ma marocain<sup><a href="#_ftn28" id="_ftnref28" name="_ftnref28">28</a></sup>. En effet, l&rsquo;usage du fran&ccedil;ais, de l&rsquo;amazighe ou de l&rsquo;arabe a une incidence directe sur les guichets de financement concern&eacute;s dans la production filmique marocaine et donc indirectement sur les th&eacute;matiques trait&eacute;es, mais &eacute;galement sur la distribution des films en question&nbsp;: les films majoritairement francophones seront en grande partie financ&eacute;s par des pays occidentaux, tels que la France, le Canada ou la Belgique, tandis que les productions en amazighe ou en arabe reposeront sur les aides du CCM ou les ressources priv&eacute;es des r&eacute;alisateur.rice.s.</p> <p>C&rsquo;est apr&egrave;s 1956 que le CCM prend en charge la production nationale marocaine. Cependant, longtemps apr&egrave;s cette date, l&rsquo;essentiel du travail du Centre se r&eacute;sume &agrave; la production d&rsquo;actualit&eacute;s. Il faut attendre 1958 pour voir le premier long-m&eacute;trage de fiction marocain, soit deux ans apr&egrave;s la fin du protectorat. Toutefois, si le CCM prend en charge la production nationale, Roy Armes observe qu&rsquo;il refl&egrave;te son pass&eacute; colonial dans son fonctionnement. Les objets restent destin&eacute;s &agrave; l&rsquo;exportation dans les festivals et cin&eacute;math&egrave;ques &eacute;trang&egrave;res, signe du manque d&rsquo;investissement des gouvernements locaux dans la distribution et l&rsquo;exploitation cin&eacute;matographique, et l&rsquo;incapacit&eacute; de penser l&rsquo;industrie en termes de fili&egrave;re, malgr&eacute; la cr&eacute;ation d&rsquo;aides &agrave; la production.</p> <p>Outre le manque criant de salles dans le royaume, l&rsquo;une des pistes d&rsquo;explication, illustrant &eacute;galement une forme de domination, est l&rsquo;&eacute;crasante majorit&eacute; des parts de march&eacute; d&eacute;tenues par des groupes fran&ccedil;ais dans l&rsquo;exploitation et la distribution cin&eacute;matographique marocaine, et ce encore aujourd&rsquo;hui. En 2019, les chiffres du bilan annuel du CCM sont clairs&nbsp;: 48 des 77 salles que compte le royaume sont d&eacute;tenues par des groupes fran&ccedil;ais, tels que Megarama et Cin&eacute; Atlas<sup><a href="#_ftn29" id="_ftnref29" name="_ftnref29">29</a></sup>. Ces m&ecirc;mes groupes d&eacute;tiennent &eacute;galement une portion importante des parts de march&eacute; de la distribution nationale, soit pr&egrave;s de 38 %. La d&eacute;tention de la majorit&eacute; des parts de march&eacute; par des groupes fran&ccedil;ais n&rsquo;est pas sans cons&eacute;quences. En effet, cette domination a une incidence d&rsquo;une part sur le choix des films diffus&eacute;s, mais &eacute;galement sur la langue de diffusion de ces films, la version fran&ccedil;aise des films doubl&eacute;s &eacute;tant g&eacute;n&eacute;ralement pr&eacute;f&eacute;r&eacute;e &agrave; un travail de doublage en arabe classique, en darija<sup><a href="#_ftn30" id="_ftnref30" name="_ftnref30">30</a></sup>&nbsp;ou en amazighe. Si cette pratique a des explications &eacute;conomiques, elle n&rsquo;est pas sans effets. Indubitablement, elle tendra &agrave; favoriser les &eacute;lites marocaines, g&eacute;n&eacute;ralement francophones, creusant l&rsquo;&eacute;cart social entre les publics.</p> <p>Cependant, il serait injuste de porter sur cette industrie un regard uniquement fataliste. Si l&rsquo;on s&rsquo;int&eacute;resse au box-office des salles marocaines, recens&eacute; annuellement dans les bilans du CCM, un constat se dessine&nbsp;: la premi&egrave;re place &ndash; voire les trois premi&egrave;res places certaines ann&eacute;es &ndash; du box-office national est syst&eacute;matiquement occup&eacute;e par un film marocain, d&eacute;montrant l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t et la curiosit&eacute; des publics pour les productions nationales<sup><a href="#_ftn31" id="_ftnref31" name="_ftnref31">31</a></sup>. De plus, si l&rsquo;on jette un regard suppl&eacute;mentaire aux parts de march&eacute; des diff&eacute;rents pays dans l&rsquo;exploitation au Maroc, on constate que le march&eacute; est essentiellement divis&eacute; entre les &Eacute;tats-Unis et le Maroc, mais surtout, que le cin&eacute;ma marocain arrive &agrave; &ecirc;tre r&eacute;ellement comp&eacute;titif sur son propre territoire, parvenant, avec souvent trois fois moins de films diffus&eacute;s que les &Eacute;tats-Unis sur les &eacute;crans marocains, &agrave; dominer pr&egrave;s d&rsquo;un quart des parts de march&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>b. Influence de la France sur la mani&egrave;re de voir les films &ndash; la cin&eacute;philie &agrave; la fran&ccedil;aise et le travail des Instituts Fran&ccedil;ais</b></em></p> <p>&laquo;&nbsp;[Agir] politiquement et socialement dans le monde international par le biais de la culture, demeure en fait une tradition tr&egrave;s fran&ccedil;aise<sup><a href="#_ftn32" id="_ftnref32" name="_ftnref32">32</a></sup>&nbsp;&raquo;. Cette action culturelle offensive de la France a pu se d&eacute;velopper par l&rsquo;interm&eacute;diaire des Instituts et Alliances, engag&eacute;s dans le rayonnement de la culture fran&ccedil;aise. Le Maroc ayant connu le protectorat fran&ccedil;ais de 1912 &agrave; 1956, c&rsquo;est dans ce cadre et par le prisme colonial que les futur.e.s premier.e.s cin&eacute;astes marocain.e.s ont d&eacute;couvert le cin&eacute;ma. Il y a au Maroc un manque criant de salles de cin&eacute;ma, et pourtant, dans le domaine de l&rsquo;exploitation cin&eacute;matographique, force est de constater l&rsquo;importance des Instituts fran&ccedil;ais dans la diffusion du cin&eacute;ma sur le territoire. Leur effort de contribution &agrave; l&rsquo;exploitation est consid&eacute;rable, l&rsquo;organisation d&eacute;tenant un r&eacute;seau de neuf salles sur le territoire, ainsi que des accords avec deux salles partenaires<sup><a href="#_ftn33" id="_ftnref33" name="_ftnref33">33</a></sup>. Cependant, le travail des Instituts se fonde sur un mod&egrave;le fran&ccedil;ais, h&eacute;rit&eacute; de la diplomatie culturelle. Si l&rsquo;on en croit Antoine de Baecque, &laquo;&nbsp;l&rsquo;histoire culturelle du cin&eacute;ma<sup><a href="#_ftn34" id="_ftnref34" name="_ftnref34">34</a></sup>&nbsp;&raquo; en France s&rsquo;est constitu&eacute;e en partie gr&acirc;ce (ou autour) de la critique et de la cin&eacute;philie. La cin&eacute;philie, c&rsquo;est avant tout un regard, mais &eacute;galement une forme de r&eacute;flexivit&eacute; du cin&eacute;ma&nbsp;: &laquo;&nbsp;le cin&eacute;ma a besoin que l&rsquo;on parle de lui. Les mots qui le nomment, les r&eacute;cits qui le racontent, les discussions qui le font revivre, mod&egrave;lent sa v&eacute;ritable existence. L&rsquo;&eacute;cran de sa projection, le premier et le seul qui compte, est mental<sup><a href="#_ftn35" id="_ftnref35" name="_ftnref35">35</a></sup>&nbsp;&raquo;. Ce qui d&eacute;marque le travail des Instituts de l&rsquo;exploitation cin&eacute;matographique sur le territoire, c&rsquo;est avant tout l&rsquo;attitude &eacute;ducative des instituts, ces derniers investissant tr&egrave;s largement le champ scolaire et formatif, &agrave; travers&nbsp;<em>masterclass</em>&nbsp;et animations. Et l&rsquo;on retrouve, &agrave; l&rsquo;origine de la mission &eacute;ducative, les m&ecirc;mes id&eacute;es que celles &agrave; l&rsquo;origine des cin&eacute;-clubs et de la cin&eacute;philie des&nbsp;<em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, mais &eacute;galement du r&eacute;seau d&rsquo;&eacute;ducation populaire Peuple et Culture&nbsp;: &agrave; savoir celles de faire vivre le cin&eacute;ma, d&rsquo;en parler. Alexandre Labruffe et Nicolas Peyre &eacute;mettent d&rsquo;ailleurs l&rsquo;hypoth&egrave;se que &laquo;&nbsp;l&rsquo;essor des cin&eacute;-clubs en France dans les ann&eacute;es 1920 [&hellip;] a pr&eacute;c&eacute;d&eacute; de quelques ann&eacute;es l&rsquo;apparition de projections de films [&hellip;] dans ou&nbsp;<em>via</em>&nbsp;les Alliances fran&ccedil;aises<sup><a href="#_ftn36" id="_ftnref36" name="_ftnref36">36</a></sup>.&nbsp;&raquo;</p> <p>Cependant, la probl&eacute;matique reste la m&ecirc;me que dans l&rsquo;exploitation&nbsp;: le manque d&rsquo;investissement dans la communication li&eacute;e aux activit&eacute;s de l&rsquo;Institut Fran&ccedil;ais du Maroc, notamment<sup><a href="#_ftn37" id="_ftnref37" name="_ftnref37">37</a></sup>, limite la promotion des actions &eacute;ducatives &agrave; un public francophile, dans une d&eacute;marche &agrave; nouveau &eacute;litiste. Et cette m&ecirc;me attitude se reproduit en amont, dans la formation aux m&eacute;tiers du cin&eacute;ma&nbsp;: Roy Armes note que les r&eacute;alisateur.rice.s marocain.e.s font partie des metteurs en sc&egrave;ne les plus dipl&ocirc;m&eacute;.e.s de la profession. O&ugrave; se sont form&eacute;.e.s les premier.e.s cin&eacute;astes marocain.e.s, et o&ugrave; se forment-ils aujourd&rsquo;hui&nbsp;? Si les &eacute;tudiants africains partent &eacute;tudier dans de nombreux pays &eacute;trangers, Gabrielle Chomentowski identifie &laquo;&nbsp;[deux] flux de mobilit&eacute;s &eacute;tudiantes&nbsp;[&hellip;] particuli&egrave;rement int&eacute;ressants &agrave; analyser pour mieux comprendre ce qui distingue ou au contraire rapproche une m&ecirc;me g&eacute;n&eacute;ration de cin&eacute;astes, tous n&eacute;s au plus tard dans les ann&eacute;es 1940 et ayant connu la d&eacute;colonisation<sup><a href="#_ftn38" id="_ftnref38" name="_ftnref38">38</a></sup>&nbsp;&raquo;. Ces flux concernent deux villes, Paris et Moscou, mais surtout deux &laquo;&nbsp;mondes&nbsp;&raquo; dans le contexte politique international.</p> <p>Aux ind&eacute;pendances, nombre d&rsquo;&eacute;tudiants africains partent se former dans les anciennes colonies. En 1944, la m&ecirc;me ann&eacute;e que la cr&eacute;ation du Centre Cin&eacute;matographique Marocain est cr&eacute;&eacute; l&rsquo;IDHEC ou Institut des Hautes &Eacute;tudes Cin&eacute;matographiques (devenu La F&eacute;mis en 1986). Les r&eacute;alisateur.rice.s africain.e.s viennent s&rsquo;y former, ainsi qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&Eacute;cole technique de photographie et de cin&eacute;ma de Paris. Les conditions de vie n&rsquo;y sont pas enviables pour ces &eacute;tudiant.e.s &eacute;tranger.e.s&nbsp;: les logements qui leur sont allou&eacute;s &eacute;tant souvent d&eacute;labr&eacute;s, et l&rsquo;obtention de bourses incertaine. Beaucoup d&rsquo;&eacute;tudiant.e.s y sont re&ccedil;us sur &laquo;&nbsp;titre&nbsp;&raquo;, sans passer le concours d&rsquo;entr&eacute;e, sur base d&rsquo;accords entre les pays d&rsquo;origine et d&rsquo;accueil. Le but ultime n&rsquo;&eacute;tant pas tant de former les futur.e.s cin&eacute;astes de demain, mais plut&ocirc;t d&rsquo;en faire des ambassadeur.rice.s de la culture fran&ccedil;aise &agrave; leur retour au pays.</p> <p>De l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; du &laquo;&nbsp;rideau de fer&nbsp;&raquo;, l&rsquo;URSS s&rsquo;engage dans une politique d&rsquo;accueil des &eacute;tudiant.e.s &eacute;tranger.e.s d&egrave;s 1950, m&ecirc;me si &laquo;&nbsp;l&rsquo;Union sovi&eacute;tique s&rsquo;&eacute;tait d&eacute;j&agrave; distingu&eacute;e dans les ann&eacute;es 1920 et 1930 par son int&eacute;r&ecirc;t pour l&rsquo;acc&egrave;s au cin&eacute;ma pour toutes les populations anciennement opprim&eacute;es sous le tsarisme<sup><a href="#_ftn39" id="_ftnref39" name="_ftnref39">39</a></sup>.&nbsp;&raquo; Cet engagement dans l&rsquo;accueil des &eacute;tudiant.e.s provenant des pays anciennement colonis&eacute;s suit la d&eacute;claration de non-alignement de la Conf&eacute;rence de Bandung de 1955. &Agrave; l&rsquo;origine, les pays signataires de cette d&eacute;claration souhaitaient exprimer leur non-adh&eacute;sion aux deux &laquo;&nbsp;blocs&nbsp;&raquo; capitaliste et communiste, d&eacute;passant le dualisme des relations internationales sugg&eacute;r&eacute; par Churchill dans sa m&eacute;taphore du rideau de fer, et r&eacute;introdroduisant la notion de tiers-monde<sup><a href="#_ftn40" id="_ftnref40" name="_ftnref40">40</a></sup>. Dans ce contexte d&rsquo;&eacute;mulations politiques, l&rsquo;URSS voit l&rsquo;opportunit&eacute; de soutenir les mouvements d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;mancipation nationale<sup><a href="#_ftn41" id="_ftnref41" name="_ftnref41">41</a></sup>&nbsp;&raquo;, mais &eacute;galement de s&eacute;duire de potentiels partenaires sur l&rsquo;&eacute;chiquier de la politique internationale. Cet engagement n&rsquo;est pas sans effet pour les cin&eacute;astes africain.e.s ayant eu cette opportunit&eacute;, et garde une influence certaine sur leur cin&eacute;ma. Lors de leur formation, des excursions culturelles sont pr&eacute;vues, afin de &laquo;&nbsp;promouvoir le mod&egrave;le socialiste<sup><a href="#_ftn42" id="_ftnref42" name="_ftnref42">42</a></sup>&nbsp;&raquo;. Les cours semblent se faire sur un mod&egrave;le d&eacute;mocratique, favorisant le d&eacute;bat et la discussion au sujet des travaux des un.e.s et des autres. Des moyens sont m&ecirc;me allou&eacute;s aux &eacute;tudiant.e.s &eacute;tranger.e.s afin qu&rsquo;il.elle.s puissent r&eacute;aliser leur travail de fin d&rsquo;&eacute;tude en dehors de l&rsquo;URSS. Le VGIK est, pour beaucoup, un lieu dans lequel on peut r&eacute;fl&eacute;chir aux am&eacute;liorations &agrave; apporter aux pays nouvellement ind&eacute;pendants.</p> <p>Aujourd&rsquo;hui, l&rsquo;opportunit&eacute; est donn&eacute;e aux aspirant.e.s cin&eacute;astes d&rsquo;&eacute;tudier le cin&eacute;ma au Maroc, des &eacute;coles ayant fleuri &ccedil;&agrave; et l&agrave; sur le territoire. Cependant, ces &eacute;coles restent en majorit&eacute; francophones, et extr&ecirc;mement on&eacute;reuses<sup><a href="#_ftn43" id="_ftnref43" name="_ftnref43">43</a></sup>, reproduisant les probl&eacute;matiques pr&eacute;c&eacute;demment abord&eacute;es d&rsquo;un &eacute;litisme culturel.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>c. Le r&ocirc;le de la cin&eacute;philie et de son caract&egrave;re &laquo;&nbsp;&eacute;crit&nbsp;&raquo; dans la constitution de l&rsquo;histoire d&rsquo;un cin&eacute;ma &ndash; le travail d&rsquo;Ahmed Bouanani</b></em></p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;histoire culturelle du cin&eacute;ma<sup><a href="#_ftn44" id="_ftnref44" name="_ftnref44">44</a></sup>&nbsp;&raquo; en France s&rsquo;est constitu&eacute;e en partie gr&acirc;ce &agrave; la cin&eacute;philie. Cette attitude a notamment permis de sortir d&rsquo;une posture historique et archivistique froide afin de constituer une histoire vivante et dynamique du cin&eacute;ma. C&rsquo;est cette m&ecirc;me d&eacute;marche qu&rsquo;adopte Ahmed Bouanani dans la constitution de son anthologie du cin&eacute;ma, qui sera publi&eacute;e &agrave; titre posthume sous la direction de Touda Bouanani et Omar Berrada sous le titre de&nbsp;<em>Septi&egrave;me porte</em>. Les publications associ&eacute;es &agrave; une critique professionnelle manqueront de p&eacute;rennit&eacute;, inscrivant l&rsquo;histoire du cin&eacute;ma marocain dans une dynamique toute autre que celle du cin&eacute;ma fran&ccedil;ais&nbsp;:&nbsp;<em>Cin&eacute;ma 3</em>&nbsp;dispara&icirc;t au bout de quatre num&eacute;ros, tandis que la page cin&eacute;ma du quotidien&nbsp;<em>Maghreb informations</em>&nbsp;dispara&icirc;t au bout de deux ans<sup><a href="#_ftn45" id="_ftnref45" name="_ftnref45">45</a></sup>. Mais &laquo;&nbsp;<em>La</em>&nbsp;<em>Septi&egrave;me Porte</em>&nbsp;est le r&eacute;cit [de] la naissance d&rsquo;un cin&eacute;ma national marocain. C&rsquo;est une enqu&ecirc;te historique entreprise malgr&eacute; l&rsquo;absence de documentation. Ce n&#39;est pas une synth&egrave;se froide. L&rsquo;auteur est un cin&eacute;aste impliqu&eacute; dans l&rsquo;histoire qu&rsquo;il raconte<sup><a href="#_ftn46" id="_ftnref46" name="_ftnref46">46</a></sup>.&nbsp;&raquo;</p> <p>La d&eacute;marche de Bouanani se rapproche en cela de l&rsquo;attitude critique d&rsquo;Andr&eacute; Bazin, &laquo;&nbsp;figure de ralliement&nbsp;&raquo; des cin&eacute;philes&nbsp;: il revendique une subjectivit&eacute;. Cependant, la d&eacute;marche cin&eacute;philique au Maroc n&rsquo;adopte pas la d&eacute;marche des&nbsp;<em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, qui prend pour mesure l&rsquo;auteur de cin&eacute;ma, mesure que les critiques &eacute;l&egrave;veront au rang de politique. Ce qui d&eacute;finit avant tout le travail d&rsquo;Ahmed Bouanani, ce n&rsquo;est pas cette politique l&agrave;, mais bien celle de &laquo;&nbsp;d&eacute;coloniser les &eacute;crans&nbsp;&raquo; pour d&eacute;marquer le cin&eacute;ma marocain du cin&eacute;ma colonial. Cette d&eacute;marche passe notamment par la constitution de son anthologie, pour sortir le cin&eacute;ma marocain de l&rsquo;oubli et lui faire retrouver la m&eacute;moire, mais &eacute;galement par la r&eacute;habilitation de personnes telles que le cin&eacute;aste Mohamed Osfour, dont il parle en ces termes&nbsp;:</p> <p><q>Osfour, issu d&rsquo;un peuple priv&eacute; de la parole, analphab&egrave;te et fou de la douce folie, a eu, en allant au cin&eacute;ma, la r&eacute;action, &ocirc; combien saine, de se dire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Et pourquoi pas moi&nbsp;?&nbsp;&raquo; Et ce &laquo;&nbsp;pourquoi pas moi&nbsp;&raquo;, nous le vivons encore aujourd&rsquo;hui, peut-&ecirc;tre plus profond&eacute;ment, dans notre chair et dans notre sang. Le public actuel est en droit d&rsquo;exiger des films dignes de lui, nul n&rsquo;en disconvient. Mais comment atteindre ce public et d&eacute;truire le ghetto<sup><a href="#_ftn47" id="_ftnref47" name="_ftnref47">47</a></sup>&nbsp;?</q></p> <p>Comme le rappellent Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto<sup><a href="#_ftn48" id="_ftnref48" name="_ftnref48">48</a></sup>, la cin&eacute;philie n&rsquo;est ni l&rsquo;apanage d&rsquo;un groupe social (ou plut&ocirc;t d&rsquo;une &eacute;lite), ni d&rsquo;une nation. Elle fait l&rsquo;objet de r&eacute;actualisations et de r&eacute;appropriations au fil de son histoire, car il s&rsquo;agit bien d&rsquo;un concept &eacute;conomiquement et socio-historiquement construit<sup><a href="#_ftn49" id="_ftnref49" name="_ftnref49">49</a></sup>. Les auteurs relativisent la notion &laquo;&nbsp;cin&eacute;philie&nbsp;&raquo; en la d&eacute;tachant de la &laquo;&nbsp;profession de foi publique<sup><a href="#_ftn50" id="_ftnref50" name="_ftnref50">50</a></sup>&nbsp;&raquo; &agrave; laquelle celle-ci serait trop souvent rattach&eacute;e et en la ramenant &agrave; ses &eacute;l&eacute;ments constitutifs, &agrave; savoir&nbsp;: mettre fin &agrave; la cin&eacute;philie comme seul discours critique professionnel afin d&rsquo;y donner acc&egrave;s &agrave; tous, la r&eacute;inscrire dans la dialectique qui la caract&eacute;rise, insister sur l&rsquo;importance de l&rsquo;&eacute;crit dans sa construction, &laquo;&nbsp;et donner &agrave; chacun, y compris &agrave; nous, la place qui lui revient dans le cadre de la m&eacute;moire collective du cin&eacute;ma<sup><a href="#_ftn51" id="_ftnref51" name="_ftnref51">51</a></sup>.&nbsp;&raquo; Ces &eacute;l&eacute;ments constitutifs rappellent notamment le travail de m&eacute;moire initi&eacute; par Ahmed Bouanani &agrave; son &eacute;poque. Ce dernier ne pr&eacute;tend pas figer l&rsquo;histoire du cin&eacute;ma marocain, mais en pose plut&ocirc;t humblement les jalons, comme des pistes &agrave; suivre pour mener une r&eacute;flexion plus approfondie sur le cin&eacute;ma en Afrique.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>3.&nbsp;<i>Third cinema</i>, r&eacute;alisme social et panafricanisme &ndash; comment &laquo;&nbsp;d&eacute;coloniser les &eacute;crans &raquo;, dans la veine d&rsquo;une&nbsp;<i>herstory</i></b></em></p> <p><em><b>a. Third Cinema&nbsp;: &laquo;&nbsp;une alternative &agrave; une th&eacute;orie eurocentrique<sup><a href="#_ftn52" id="_ftnref52" name="_ftnref52">52</a></sup>&nbsp;&raquo;</b></em></p> <p>D&egrave;s ses d&eacute;buts, le cin&eacute;ma marocain est marqu&eacute; par une recherche d&rsquo;identification&nbsp;: comment s&rsquo;approprier un m&eacute;dium issu du monde colonial afin d&rsquo;en faire un moyen d&rsquo;expression &agrave; m&ecirc;me d&rsquo;exprimer une subjectivit&eacute; post-coloniale&nbsp;? Ce questionnement est &agrave; l&rsquo;origine de l&rsquo;&eacute;mergence du&nbsp;<em>Third Cinema</em>. Il s&rsquo;agit alors de revendiquer un cin&eacute;ma &laquo;&nbsp;en rupture&nbsp;&raquo; avec le cin&eacute;ma occidental et l&rsquo;&eacute;litisme social et culturel dont ce dernier se fait l&rsquo;exemple, dans une perspective d&eacute;colonialiste. Les cin&eacute;astes marocains vont se rapprocher d&rsquo;une veine proche du r&eacute;alisme social pr&ocirc;n&eacute; par des r&eacute;alisateurs tels qu&rsquo;Ousmane Semb&egrave;ne<sup><a href="#_ftn53" id="_ftnref53" name="_ftnref53">53</a></sup>, afin de proposer un discours &agrave; m&ecirc;me de supporter et d&rsquo;analyser les changements qu&rsquo;a travers&eacute;s la soci&eacute;t&eacute; marocaine depuis l&rsquo;Ind&eacute;pendance. Sur ce territoire, le cin&eacute;ma devient alors un outil capable de questionner la r&eacute;alit&eacute; sociale et les diverses oppressions v&eacute;cues par les diff&eacute;rents groupes sociaux.</p> <p>Les revendications du&nbsp;<em>Third Cinema</em>&nbsp;prennent leur origine dans un contexte historique marqu&eacute; par nombre de soul&egrave;vements dans les pays anciennement colonis&eacute;s ainsi que par la Conf&eacute;rence de Bandung de 1955 et la d&eacute;claration de non-alignement de certains des pays y si&eacute;geant. En 1973, les Argentins Fernando Solanas et Octavio Gettino r&eacute;digent &laquo;&nbsp;Vers un troisi&egrave;me cin&eacute;ma&nbsp;&raquo;, tandis qu&rsquo;en 1979, Julio Garc&iacute;a Espinosa, r&eacute;alisateur cubain, publie son manifeste &laquo;&nbsp;Pour un cin&eacute;ma imparfait&nbsp;&raquo;. Ces deux textes sont aujourd&rsquo;hui consid&eacute;r&eacute;s comme &eacute;tant &agrave; l&rsquo;origine de ce mouvement du&nbsp;<em>Third Cinema</em>. Dans leur manifeste, Solanas et Gettino identifient deux formes cin&eacute;matographiques &agrave; r&eacute;cuser, que sont le cin&eacute;ma commercial ou &laquo;&nbsp;premier cin&eacute;ma&nbsp;&raquo; et le cin&eacute;ma d&rsquo;auteur, qu&rsquo;ils qualifient de &laquo;&nbsp;deuxi&egrave;me cin&eacute;ma&nbsp;&raquo;, d&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;appellation pour leur pratique militante et engag&eacute;e de&nbsp;<em>Third Cinema</em>. Cette pratique se situerait pour les auteurs au c&oelig;ur d&rsquo;un double mouvement, &agrave; savoir la d&eacute;construction des repr&eacute;sentations issues du colonialisme dans le but de la cr&eacute;ation d&rsquo;un nouveau cin&eacute;ma qui &ndash; et il rejoint en cela les revendications d&rsquo;Espinosa &ndash; n&rsquo;analyserait pas, selon eux, les causes des probl&egrave;mes contemporains dans les soci&eacute;t&eacute;s anciennement colonis&eacute;es, mais bien leurs effets. Robert Stam, chercheur am&eacute;ricain sp&eacute;cialis&eacute; en s&eacute;miotique, met l&rsquo;accent sur trois des &eacute;l&eacute;ments constitutifs de ce cin&eacute;ma alternatif, &agrave; savoir&nbsp;: &laquo;&nbsp;son hybridit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;la multiplicit&eacute; de ses filiations spatio-temporelles&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;la r&eacute;habilitation des marginalit&eacute;s<sup><a href="#_ftn54" id="_ftnref54" name="_ftnref54">54</a></sup>&nbsp;&raquo;. &Agrave; ceci, Robert Stam ajoute l&rsquo;importance des croyances populaires dans l&rsquo;esth&eacute;tique filmique du&nbsp;<em>Third Cinema</em>, comme une tentative de rupture avec la logique spatio-temporelle lin&eacute;aire du cin&eacute;ma &laquo;&nbsp;dominant&nbsp;&raquo;. Robert Stam identifie ces &eacute;l&eacute;ments comme une m&eacute;thode de perversion du discours dominant. L&rsquo;hybridit&eacute; est donc pr&ocirc;n&eacute;e en r&eacute;action aux craintes de m&eacute;tissage des colons. Ces trois aspects rejoignent la critique &eacute;mise par Anthony Guneratne au sujet de la division herm&eacute;tique op&eacute;r&eacute;e entre&nbsp;<em>First</em>,&nbsp;<em>Second</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Third Cinema</em>. Ils compl&egrave;tent donc la pens&eacute;e de Guneratne, complexifiant l&rsquo;association simpliste de ces cin&eacute;mas &agrave; des cin&eacute;matographies nationales&nbsp;:</p> <p><q>l&rsquo;apparente division herm&eacute;tique des cin&eacute;mas entre ceux repr&eacute;sent&eacute;s par les films commerciaux &agrave; gros budget (le Premier Cin&eacute;ma), les films d&rsquo;auteur ind&eacute;pendants (le Deuxi&egrave;me Cin&eacute;ma) et les films r&eacute;alis&eacute;s par des collectifs militants (le Troisi&egrave;me Cin&eacute;ma) a men&eacute; &agrave; de nombreux malentendus tel que le postulat selon lequel le premier cin&eacute;ma serait n&eacute;cessairement un cin&eacute;ma du divertissement, le deuxi&egrave;me un cin&eacute;ma de l&rsquo;intellect et de l&rsquo;introspection, et le troisi&egrave;me du radicalisme politique<sup><a href="#_ftn55" id="_ftnref55" name="_ftnref55">55</a></sup>.</q></p> <p>La force du&nbsp;<em>Third Cinema</em>&nbsp;n&rsquo;est donc pas, selon ces deux th&eacute;oriciens, de repr&eacute;senter un bloc th&eacute;orique mais plut&ocirc;t une constellation de formes cin&eacute;matographiques &laquo;&nbsp;embrassant l&rsquo;hybridit&eacute; et le plurilinguisme<sup><a href="#_ftn56" id="_ftnref56" name="_ftnref56">56</a></sup>&nbsp;&raquo;, en r&eacute;ponse notamment &agrave; l&rsquo;homog&eacute;n&eacute;isation du&nbsp;<em>Third World</em>&nbsp;alors que ce dernier repr&eacute;sente une grande diversit&eacute; de r&eacute;alit&eacute;s et de v&eacute;cus. Le&nbsp;<em>Third Cinema&nbsp;</em>invite &eacute;galement &agrave; penser que ces diff&eacute;rents cin&eacute;mas pourraient aujourd&rsquo;hui cohabiter sur certains territoires, cr&eacute;ant des filiations parfois plus marqu&eacute;es entre des cin&eacute;astes situ&eacute;s aux antipodes g&eacute;ographiquement parlant, qu&rsquo;entre des r&eacute;alisateur.ice.s de m&ecirc;me nationalit&eacute;&nbsp;:</p> <p><q>Peut-&ecirc;tre que la plus grande gamme de probl&egrave;mes que ce mod&egrave;le des trois cin&eacute;mas &eacute;choue &agrave; prendre en compte [&hellip;] est celle des interactions entre les diff&eacute;rentes formes de cin&eacute;ma au sein m&ecirc;me des industries nationales suffisamment diverses pour supporter des formes coexistantes du premier, du deuxi&egrave;me et du troisi&egrave;me cin&eacute;ma<sup><a href="#_ftn57" id="_ftnref57" name="_ftnref57">57</a></sup>.</q></p> <p>L&rsquo;apport de ces th&eacute;ories latino-am&eacute;ricaines, applicables au cin&eacute;ma marocain, est selon Roy Armes, de nous permettre de ne plus voir ce troisi&egrave;me cin&eacute;ma comme lointain de nos cultures occidentales, mais plut&ocirc;t comme li&eacute; &agrave; nos pratiques cin&eacute;matographiques car ces th&eacute;ories nous poussent &agrave; questionner la prise en charge ainsi que la place donn&eacute;e aux groupes marginalis&eacute;s. Cette pens&eacute;e initi&eacute;e par les th&eacute;oriciens latino-am&eacute;ricains garde selon lui une pertinence tant que le film continuera &agrave; contribuer au changement social et politique et qu&rsquo;il donnera la parole aux groupes dont la parole a trop souvent &eacute;t&eacute; &eacute;touff&eacute;e.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em><b>b. La FEPACI pour un cin&eacute;ma panafricain &ndash; la francophonie comme piste de r&eacute;solution</b></em></p> <p>Dans son ouvrage consacr&eacute; au cin&eacute;ma africain, Manthia Diawara n&rsquo;exprime pas une adh&eacute;sion compl&egrave;te au&nbsp;<em>Third Cinema</em>, mais plut&ocirc;t la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;initier une r&eacute;flexion sur le cin&eacute;ma en Afrique de l&rsquo;ordre de celle initi&eacute;e par Solanas, Gettino et Espinosa pour l&rsquo;Am&eacute;rique du Sud. Il identifie donc trois tendances dans le cin&eacute;ma africain aujourd&rsquo;hui &ndash; li&eacute;es aux revendications du&nbsp;<em>Third Cinema</em>&nbsp;&ndash; que sont le r&eacute;alisme social, la confrontation coloniale et le retour aux sources. La premi&egrave;re de ces tendances est la veine la plus pr&eacute;sente dans le cin&eacute;ma marocain&nbsp;: s&rsquo;il est n&eacute;cessaire d&rsquo;initier une r&eacute;flexion similaire &agrave; celle du&nbsp;<em>Third Cinema</em>, c&rsquo;est l&rsquo;apport social et politique de ce dernier qui rejoint les enjeux chers au r&eacute;alisme social pr&ocirc;n&eacute; par les r&eacute;alisateurs panafricains. Ce cin&eacute;ma prend pour th&egrave;mes les probl&eacute;matiques socioculturelles contemporaines, et se qualifie par sa mise en opposition de la tradition et de la modernit&eacute;, de l&rsquo;oral et de l&rsquo;&eacute;crit, de l&rsquo;agraire et de l&rsquo;urbain. Ces films s&rsquo;adressent aux peuples africains en adoptant des th&egrave;mes et croyances populaires, ou en abordant la lib&eacute;ration et le v&eacute;cu des femmes dans l&rsquo;Afrique contemporaine. Parmi ces films, citons par exemple&nbsp;<em>L&rsquo;Enfant endormi</em>, de Yasmine Kassari (2004). Dans son long-m&eacute;trage, la r&eacute;alisatrice donne &agrave; voir le v&eacute;cu des femmes rest&eacute;es au pays, dans la campagne marocaine, alors que leurs maris sont partis trouver du travail en Europe. Le film de Yasmine Kassari tire son titre d&rsquo;une croyance populaire marocaine selon laquelle une femme pourrait endormir son f&oelig;tus au-del&agrave; des neuf mois grossesse afin d&rsquo;attendre le retour de son p&egrave;re lorsque ce dernier &eacute;tait absent pour une longue p&eacute;riode. Dans&nbsp;<em>L&rsquo;Enfant endormi</em>, les femmes ne sont pas d&eacute;peintes de mani&egrave;re passive mais comme ma&icirc;tresses de leur destin ainsi que de leur corps, &agrave; la mani&egrave;re des protagonistes du film de Julie Dash,&nbsp;<em>Daughters of the Dust</em>&nbsp;(&Eacute;tats-Unis, 1991). Ces deux films, identifiables comme appartenant &agrave; la veine du&nbsp;<em>Third Cinema</em>&nbsp;malgr&eacute; leurs origines g&eacute;ographiques antipodiques, affilient ce cin&eacute;ma militant &agrave; une d&eacute;marche digne de la&nbsp;<em>herstory</em>. La&nbsp;<em>herstory</em>, n&eacute;ologisme cr&eacute;&eacute; par les f&eacute;ministes afro-am&eacute;ricaines comme une f&eacute;minisation du terme &laquo;&nbsp;history&nbsp;&raquo;, consiste en une r&eacute;&eacute;criture de l&rsquo;histoire selon un point de vue f&eacute;minin, cette derni&egrave;re ayant &eacute;t&eacute; trop longtemps cont&eacute;e par les hommes. Sans doute faut-il voir en ce concept, con&ccedil;u par les th&eacute;oriciennes afro-am&eacute;ricaines comme une d&eacute;masculinisation et une r&eacute;appropriation de l&rsquo;histoire, une piste pour &agrave; son tour d&eacute;coloniser les &eacute;crans.</p> <p>Une autre instance importante dans le cin&eacute;ma africain et les r&eacute;flexions qui l&rsquo;entourent est la F&eacute;d&eacute;ration Panafricaine des Cin&eacute;astes, cr&eacute;&eacute;e en 1969 afin de favoriser le travail des r&eacute;alisateurs africains. Parmi les pistes de r&eacute;flexion initi&eacute;es par ce groupement, retenons ici la piste majeure sugg&eacute;r&eacute;e par ses membres, qui rejoint la volont&eacute; d&rsquo;Ahmed Bouanani de d&eacute;coloniser les &eacute;crans, &agrave; savoir&nbsp;: encourager la coop&eacute;ration entre les pays africains, que le Collectif de l&rsquo;&OElig;il Vert<sup><a href="#_ftn58" id="_ftnref58" name="_ftnref58">58</a></sup>&nbsp;appellera la coop&eacute;ration &laquo;&nbsp;Sud-Sud&nbsp;&raquo;. L&rsquo;absence de syst&egrave;mes de financement endog&egrave;nes et la d&eacute;pendance aux financements europ&eacute;ens sont, selon les r&eacute;alisateurs membres de la FEPACI, &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;une vision mis&eacute;rabiliste de l&rsquo;Afrique et de la redondance des th&egrave;mes abord&eacute;s. De plus, si les pays n&rsquo;ont pas suffisamment de publics nationaux pour faire vivre une industrie nationale, le futur de leurs cin&eacute;matographies est de penser en termes d&rsquo;union panafricaine. Cette derni&egrave;re piste permet &agrave; son tour d&rsquo;&eacute;clairer la francophonie d&rsquo;une nouvelle mani&egrave;re, pr&eacute;sentant l&rsquo;usage du fran&ccedil;ais non plus comme une tare du pass&eacute; colonial, mais comme une force pour aller de l&rsquo;avant en tant que groupe.</p> <p>&nbsp;</p> <p><b>Conclusion</b></p> <p>&laquo;&nbsp;T&acirc;cher de d&eacute;celer ce qui pr&eacute;side &agrave; l&rsquo;invention [des] styles nationaux revient &agrave; r&eacute;v&eacute;ler plus largement la perception du cin&eacute;ma qui leur est sous-jacente et qui finit par l&rsquo;emporter en grande partie dans l&rsquo;&eacute;criture de son histoire<sup><a href="#_ftn59" id="_ftnref59" name="_ftnref59">59</a></sup>.&nbsp;&raquo; Au Maroc, l&rsquo;enjeu de la constitution d&rsquo;un cin&eacute;ma national se r&eacute;v&eacute;lait d&rsquo;une importance cruciale pour la constitution d&rsquo;une identification marocaine aux lendemains de l&rsquo;Ind&eacute;pendance. La culture cin&eacute;matographique est rest&eacute;e le parent pauvre des strat&eacute;gies de d&eacute;veloppement du gouvernement marocain, plus pr&eacute;occup&eacute; par la patrimonialisation des monuments pour la valorisation d&rsquo;une identification arabo-musulmane que par le soutien d&rsquo;un art en train de se faire. Ceci n&rsquo;a pas emp&ecirc;ch&eacute; les initiatives priv&eacute;es de se faire en marge des financements &eacute;tatiques, tel le cin&eacute;ma de Mohamed Osfour ou la constitution d&rsquo;une anthologie du cin&eacute;ma marocain par Ahmed Bouanani.</p> <p>Le cin&eacute;ma national marocain est &laquo;&nbsp;une promesse en suspens<sup><a href="#_ftn60" id="_ftnref60" name="_ftnref60">60</a></sup>&nbsp;&raquo; pour Omar Berrada. Les r&eacute;alisateur.ice.s ne conna&icirc;tront pas la p&eacute;rennit&eacute;, se limitant souvent &agrave; un film, posant la question de ce qui d&eacute;finit une &laquo;&nbsp;&oelig;uvre cin&eacute;matographique&nbsp;&raquo; d&egrave;s lors qu&rsquo;elle n&rsquo;est constitu&eacute;e que d&rsquo;un seul film. N&eacute;anmoins, certains jalons permettent de poser les fondations de ce qui peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un cin&eacute;ma national marocain. Tout d&rsquo;abord, ce cin&eacute;ma peut se d&eacute;finir par ses m&eacute;thodes de financement, m&ecirc;me si les circonstances de sa production ne suffisent pas &agrave; lui octroyer une &acirc;me nationale. Ceci introduit de ce fait la question des th&eacute;matiques abord&eacute;es, des publics auxquels l&rsquo;&oelig;uvre est destin&eacute;e ainsi que la nationalit&eacute; des r&eacute;alisateur.rice.s comme constitutifs des caract&eacute;ristiques d&rsquo;un cin&eacute;ma national.</p> <p>C&rsquo;est le geste cin&eacute;philique en lui-m&ecirc;me qui permet de faire exister une cin&eacute;matographie nationale marocaine. L&rsquo;&eacute;crit a eu, d&egrave;s les d&eacute;buts du septi&egrave;me art, valeur de m&eacute;moire des films, une m&eacute;moire &agrave; laquelle se fier. En France &ndash; mais ailleurs &eacute;galement &ndash;, les premiers cin&eacute;philes n&rsquo;ayant l&rsquo;occasion ni de voir les films des premiers temps ni de revoir les films vus en salle, &laquo;&nbsp;les c&eacute;l&eacute;brations litt&eacute;raires du cin&eacute;ma des premiers temps par les intellectuels cin&eacute;philes des ann&eacute;es 30&nbsp;&raquo; deviennent &laquo;&nbsp;les traces &eacute;crites d&rsquo;une parole enchant&eacute;e sur le cin&eacute;ma par laquelle les spectateurs personnalisent leur jugement cin&eacute;matographique<sup><a href="#_ftn61" id="_ftnref61" name="_ftnref61">61</a></sup>.&nbsp;&raquo; La cin&eacute;philie ne pouvant faire l&rsquo;&eacute;conomie de l&rsquo;&eacute;crit, c&rsquo;est &agrave; travers son travail d&rsquo;anthologie du cin&eacute;ma marocain qu&rsquo;Ahmed Bouanani reconstitue une unit&eacute; du septi&egrave;me art dans son pays.</p> <p>La France garde, au Maroc, une influence sur la mani&egrave;re de faire et de voir les films, les groupes fran&ccedil;ais conservant entre autres une majorit&eacute; des parts de march&eacute; dans l&rsquo;exploitation. Or, les chiffres de cette m&ecirc;me exploitation ne mentent pas, exprimant une r&eacute;elle vitalit&eacute; du cin&eacute;ma marocain, ou tout du moins une v&eacute;ritable curiosit&eacute; des publics locaux pour une cin&eacute;matographie nationale. La r&eacute;manence de la langue fran&ccedil;aise sur ce territoire reste, elle aussi, une probl&eacute;matique de l&rsquo;ordre de la domination culturelle, mais les r&eacute;flexions de la FEPACI pour un cin&eacute;ma panafricain permettent de relativiser la francophonie comme une piste de reconstruction pour le groupe.</p> <p>En ce qui concerne la cin&eacute;philie marocaine en tant que telle, il est vrai qu&rsquo;Antoine de Baecque concluait sur le caract&egrave;re irr&eacute;m&eacute;diablement pass&eacute; d&rsquo;une telle pratique cin&eacute;philique, conclusion r&eacute;fut&eacute;e par Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto dans leur ouvrage sur le sujet.</p> <p><q>[Du] fait du caract&egrave;re cosmopolite de la consommation cin&eacute;matographique, la cin&eacute;philie [&hellip;] est une r&eacute;alit&eacute; transnationale, &agrave; l&#39;image de ce qu&#39;on appelle le cin&eacute;ma national, mais qui int&egrave;gre beaucoup de co-productions internationales. Elle ne se r&eacute;duit pas &agrave; un mouvement artistique (port&eacute; par un cercle d&#39;intellectuels et d&#39;artistes) ni &agrave; une culture nationale (d&eacute;fendue par une classe). Ni simplement &laquo;&nbsp;parisienne&nbsp;&raquo;, ni purement &laquo;&nbsp;fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;, elle est&nbsp;<em>la forme que prend localement la cin&eacute;philie mondiale</em><sup><a href="#_ftn62" id="_ftnref62" name="_ftnref62">62</a></sup>.</q></p> <p>Si la cin&eacute;philie au Maroc ne s&rsquo;accompagne pas d&rsquo;une politique des auteurs ni d&rsquo;auteurs institu&eacute;s, il est malgr&eacute; tout possible de parler d&rsquo;une cin&eacute;philie marocaine au sens politique du terme. En effet, cette derni&egrave;re s&rsquo;inscrit dans une combattivit&eacute;&nbsp;: la combattivit&eacute; pour la subsistance d&rsquo;un art, d&rsquo;une industrie, et pour la d&eacute;marcation de cet art des mod&egrave;les qui lui ont &eacute;t&eacute; impos&eacute;s &agrave; travers la colonisation. &laquo;&nbsp;Dans les contes populaires, il est toujours interdit d&rsquo;ouvrir la septi&egrave;me porte. Nous, cin&eacute;astes marocains de 1984, sommes les personnages imprudents de la tradition. Nous n&rsquo;avons pas peur de voler la clef et de voir ce qu&rsquo;il y a au-del&agrave; de cette fameuse porte&nbsp;: notre art<sup><a href="#_ftn63" id="_ftnref63" name="_ftnref63">63</a></sup>&hellip;&nbsp;&raquo; Notons que&nbsp;<em>La Septi&egrave;me porte</em>&nbsp;est &eacute;galement un film fran&ccedil;ais r&eacute;alis&eacute; par Andr&eacute; Zwobada (1947) &ndash; il reprend la fable arabe sur la septi&egrave;me porte, une fable sur le d&eacute;faut de curiosit&eacute;.</p> <p>Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto en appellent cependant &agrave; privil&eacute;gier la forme plurielle du terme de &laquo;&nbsp;cin&eacute;philie&nbsp;&raquo; afin de &laquo;&nbsp;redonner &agrave; la notion de cin&eacute;philie son sens large de la culture du plaisir cin&eacute;matographique<sup><a href="#_ftn64" id="_ftnref64" name="_ftnref64">64</a></sup>&nbsp;&raquo; et de rendre aux spectateurs r&eacute;guliers leur capacit&eacute; d&rsquo;expertise et de jugement de la qualit&eacute; cin&eacute;matographique. Sorte de point aveugle des bilans du CCM, mais &eacute;galement des r&eacute;flexions professionnelles de la FEPACI, les pratiques spectatorielles sur les territoires postcoloniaux doivent peut-&ecirc;tre &agrave; leur tour &ecirc;tre questionn&eacute;es afin de &laquo;&nbsp;donner &agrave; chacun [&hellip;] la place qui lui revient dans le cadre de la m&eacute;moire collective du cin&eacute;ma<sup><a href="#_ftn65" id="_ftnref65" name="_ftnref65">65</a></sup>.&nbsp;&raquo;</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><b>R&eacute;f&eacute;rences</b></p> <p>Armes Roy,&nbsp;<em>Les Cin&eacute;mas du Maghreb. Images postcoloniales</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006.</p> <p>Armes Roy,&nbsp;<em>Third World Film Making and the West</em>, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1987.</p> <p>Baecque (de) Antoine,&nbsp;<em>La Cin&eacute;philie. Invention d&rsquo;un regard, histoire d&rsquo;une culture 1944-1968</em>, Paris, Fayard, &laquo; Hachette Litt&eacute;ratures &raquo;, 2003.</p> <p>Bouanani Ahmed,&nbsp;<em>La Septi&egrave;me Porte. Une histoire du cin&eacute;ma au Maroc de 1907 &agrave; 1986</em>, Rabat, Kulte &eacute;ditions, 2021.</p> <p>Chomentowski Gabrielle, &laquo; Cam&eacute;ra au poing et valise &agrave; la main : les mobilit&eacute;s &eacute;tudiantes du Sud vers les &eacute;coles de cin&eacute;ma de l&rsquo;Est socialiste &raquo;,&nbsp;<em>Cahiers du monde russe</em>, vol. 63, mars-avril 2022, p. 619-646.</p> <p>Chomentowski Gabrielle, &laquo; D&eacute;colonisations et cin&eacute;ma. Les &eacute;tudiants africains en cin&eacute;ma &agrave; Paris et Moscou (ann&eacute;es 1940-1960) &raquo;,&nbsp;<em>Diasporas</em>, n&deg;37, f&eacute;vrier 2021, p. 41-59.</p> <p>Diawara Manthia,&nbsp;<i>African Cinema. Politics &amp; Culture</i>, Bloomington, Indiana University Press, 1992.</p> <p>Durmelat Sylvie et Swamy Vinay (dir),&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration : l&rsquo;immigration maghr&eacute;bine dans le cin&eacute;ma fran&ccedil;ais</i>, Saint Denis, Presses Universitaires de Vincennes, &laquo; Culture et Soci&eacute;t&eacute; &raquo;, 2015.</p> <p>Ganapathy-Dor&eacute; Geetha, &laquo; Du tiers-monde au monde multipolaire : l&rsquo;&eacute;volution du paradigme du non-alignement dans la reconfiguration de l&rsquo;ordre mondial &raquo;,&nbsp;<em>Revue Fran&ccedil;aise d&rsquo;Histoire des Id&eacute;es Politiques</em>, n&deg;42, f&eacute;vrier 2015, p. 117-139.</p> <p>Gauthier Christophe, &laquo; Le Cin&eacute;ma des nations : invention des &eacute;coles nationales et patriotisme cin&eacute;matographique (ann&eacute;es 1910 - ann&eacute;es 1930) &raquo;,&nbsp;<em>Revue d&rsquo;histoire moderne &amp; contemporaine</em>, n&deg;51-4, avril 2004, p. 58-77.</p> <p>Guneratne Anthony R. &laquo; Introduction: rethinking Third Cinema &raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Guneratne Anthony R. et Dissanayake Wimal (dir.),&nbsp;<em>Rethinking Third Cinema</em>, New York et Londres, Routledge, 2003, p. 1-28.</p> <p>Jullier Laurent et Leveratto Jean-Marc,&nbsp;<em>Cin&eacute;philes et cin&eacute;philies</em>, Paris, Armand Colin, 2010.</p> <p>Massaia Ahmed,&nbsp;<em>Un d&eacute;sir de culture. Essai sur l&rsquo;action culturelle au Maroc</em>, Casablanca, &Eacute;ditions La Crois&eacute;e des Chemins, 2013.</p> <p>Orlando Val&eacute;rie K.,&nbsp;<em>Screening Morocco. Contemporary Film in a Changing Society</em>, Athens, Ohio University Press, 2011.</p> <p>Pisano Giusy (dir.),&nbsp;<em>Des cin&eacute;-go&ucirc;ters aux s&eacute;ances pour les cin&eacute;philes. Le cin&eacute;ma dans les Instituts fran&ccedil;ais et les Alliances fran&ccedil;aises</em>, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 2021.</p> <p>Stam Robert, &laquo; Beyond Third Cinema: The Aesthetics of Hybridity &raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Guneratne Anthony R. et Dissanayake Wimal (dir.),&nbsp;<em>Rethinking Third Cinema</em>, New York et Londres, Routledge, 2003, p. 31-48.</p> <p>Touzani Amina,&nbsp;<em>La Politique culturelle au Maroc</em>, Casablanca, &Eacute;ditions La Crois&eacute;e des Chemins, 2016.</p> <p>Bilans</p> <p>Centre Cin&eacute;matographique Marocain, &laquo; Bilan cin&eacute;matographique 2017 &raquo;, 17 mars 2018. URL :&nbsp;<a href="https://www.ccm.ma/inter/bilans/13-bilan.pdf">https://www.ccm.ma/inter/bilans/13-bilan.pdf</a>&nbsp;[consult&eacute; le 16 juin 2022].</p> <p>Centre Cin&eacute;matographique Marocain, &laquo; Bilan cin&eacute;matographique 2018 &raquo;, 7 mars 2019. URL :&nbsp;<a href="https://www.ccm.ma/inter/bilans/14-bilan.pdf">https://www.ccm.ma/inter/bilans/14-bilan.pdf</a>&nbsp;[consult&eacute; le 16 juin 2022].</p> <p>Centre Cin&eacute;matographique Marocain, &laquo; Bilan cin&eacute;matographique 2019 &raquo;, 6 mars 2020. URL :&nbsp;<a href="https://www.ccm.ma/inter/bilans/15-bilan.pdf">https://www.ccm.ma/inter/bilans/15-bilan.pdf</a>&nbsp;[consult&eacute; le 16 juin 2022].</p> <p>Centre Cin&eacute;matographique Marocain, &laquo; Bilan cin&eacute;matographique 2020 &raquo;, 21 avril 2021. URL :&nbsp;<a href="https://www.ccm.ma/inter/bilans/16-bilan.pdf">https://www.ccm.ma/inter/bilans/16-bilan.pdf</a>&nbsp;[consult&eacute; le 16 juin 2022].</p> <hr /> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref1" id="_ftn1" name="_ftn1" title="&gt;&lt;span style=">1</a></sup>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy (dir),&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration&nbsp;: l&rsquo;immigration maghr&eacute;bine dans le cin&eacute;ma fran&ccedil;ais</i>, Saint Denis, Presses Universitaires de Vincennes, &laquo;&nbsp;Culture et Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, 2015, p. 25.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref2" id="_ftn2" name="_ftn2" title="&gt;&lt;span style=">2</a></sup>&nbsp;Abdelghani Megherbi,&nbsp;<i>Les Alg&eacute;riens au miroir du cin&eacute;ma colonial</i>, Alger, SNED, 1982, p. 12-13, cit&eacute; dans Roy Armes,&nbsp;<i>Les Cin&eacute;mas du Maghreb. Images postcoloniales</i>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006, p. 13.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref3" id="_ftn3" name="_ftn3" title="&gt;&lt;span style=">3</a></sup>&nbsp;Selon le terme sugg&eacute;r&eacute; par Rogers Brubaker et Fr&eacute;d&eacute;ric Junqua dans &laquo;&nbsp;Au-del&agrave; de l&rsquo;&ldquo;identit&eacute;&rdquo;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Actes de la recherche en sciences sociales</i>, vol. 19, septembre 2001, p. 75.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref4" id="_ftn4" name="_ftn4" title="&gt;&lt;span style=">4</a></sup>&nbsp;Roy Armes,&nbsp;<i>Third World Film Making and the West</i>, Berkeley et Los Angeles, University of California Press, 1987.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref5" id="_ftn5" name="_ftn5" title="&gt;&lt;span style=">5</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 29. Citation originale&nbsp;: &ldquo;to express the distinctive identity of the new nation in the language that had been inherited from the colonizer&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref6" id="_ftn6" name="_ftn6" title="&gt;&lt;span style=">6</a></sup>&nbsp;Christophe Gauthier, &laquo;&nbsp;Le Cin&eacute;ma des nations&nbsp;: invention des &eacute;coles nationales et patriotisme cin&eacute;matographique (ann&eacute;es 1910 - ann&eacute;es 1930)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Revue d&rsquo;histoire moderne &amp; contemporaine</i>, n&deg;51-4, avril 2004, p. 62.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref7" id="_ftn7" name="_ftn7" title="&gt;&lt;span style=">7</a></sup>&nbsp;Ahmed Massaia,&nbsp;<i>Un d&eacute;sir de culture. Essai sur l&rsquo;action culturelle au Maroc</i>, Casablanca, &Eacute;ditions La Crois&eacute;e des Chemins, 2013, p. 15.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref8" id="_ftn8" name="_ftn8" title="&gt;&lt;span style=">8</a></sup>&nbsp;Amina Touzani,&nbsp;<i>La Politique culturelle au Maroc</i>, Casablanca, &Eacute;ditions La Crois&eacute;e des Chemins, 2016, p. 37.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref9" id="_ftn9" name="_ftn9" title="&gt;&lt;span style=">9</a></sup>&nbsp;Ahmed Massaia,&nbsp;<i>Un d&eacute;sir de culture</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 44.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref10" id="_ftn10" name="_ftn10" title="&gt;&lt;span style=">10</a></sup>&nbsp;Christophe Gauthier,&nbsp;<i>art. cit.</i>, p. 68.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref11" id="_ftn11" name="_ftn11" title="&gt;&lt;span style=">11</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 71.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref12" id="_ftn12" name="_ftn12" title="&gt;&lt;span style=">12</a></sup>&nbsp;Nous aborderons ces chiffres en 2.b. Influence de la France sur la mani&egrave;re de voir les films &ndash; la cin&eacute;philie &agrave; la fran&ccedil;aise et le travail des Instituts Fran&ccedil;ais.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref13" id="_ftn13" name="_ftn13" title="&gt;&lt;span style=">13</a></sup>&nbsp;Fouad Souiba et Fatima Zahra El Alaoui,&nbsp;<i>Un si&egrave;cle de cin&eacute;ma au Maroc</i>, Rabat, World Design Communication, 1995, cit&eacute; dans Roy Armes,&nbsp;<i>Les Cin&eacute;mas du Maghreb. Images postcoloniales</i>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006, p. 48.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref14" id="_ftn14" name="_ftn14" title="&gt;&lt;span style=">14</a></sup>&nbsp;L&rsquo;avance sur recette est une aide &agrave; la production d&eacute;livr&eacute;e en France par le CNC. Elle a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;e en 1960 dans le but de renouveler la cr&eacute;ation cin&eacute;matographique et de soutenir les projets de premier film. Au Maroc, ce syst&egrave;me d&rsquo;avance sur recette ne sera adopt&eacute; qu&rsquo;&agrave; partir de 2003 afin de compl&eacute;ter les aides &agrave; la production d&eacute;j&agrave; existantes sur le territoire.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref15" id="_ftn15" name="_ftn15" title="&gt;&lt;span style=">15</a></sup>&nbsp;La carte d&rsquo;identit&eacute; professionnelle (CIP) est octroy&eacute;e aux professionnels du cin&eacute;ma marocains par le directeur du CCM. Elle s&rsquo;obtient sur dossier et atteste d&rsquo;une formation ou d&rsquo;une exp&eacute;rience pr&eacute;alable dans le domaine cin&eacute;matographique. Le Dahir n&deg; 1-01-36 du 21 kaada 1421 (15 f&eacute;vrier 2001) pr&eacute;cise que les soci&eacute;t&eacute;s de production souhaitant &ecirc;tre &eacute;ligibles &agrave; l&rsquo;obtention d&rsquo;un agr&eacute;ment de production du CCM doivent &laquo;&nbsp;engager des collaborateurs parmi les Marocains d&eacute;tenteurs de la carte d&rsquo;identit&eacute; professionnelle pr&eacute;vue &agrave; l&rsquo;article 12&nbsp;&raquo;. URL :&nbsp;<a href="https://www.ccm.ma/docs/Industrie.pdf">https://www.ccm.ma/docs/Industrie.pdf</a>&nbsp;[consult&eacute; le 29 septembre 2022].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref16" id="_ftn16" name="_ftn16" title="&gt;&lt;span style=">16</a></sup>&nbsp;Christophe Gauthier,&nbsp;<i>art. cit</i>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref17" id="_ftn17" name="_ftn17" title="&gt;&lt;span style=">17</a></sup>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy,&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration&nbsp;: l&rsquo;immigration maghr&eacute;bine dans le cin&eacute;ma fran&ccedil;ais</i>, Saint Denis, Presses Universitaires de Vincennes, &laquo;&nbsp;Culture et Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;, 2015, p. 25.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref18" id="_ftn18" name="_ftn18" title="&gt;&lt;span style=">18</a></sup>&nbsp;<i>Ibid</i>. Ces deux termes eux-m&ecirc;mes posent question.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref19" id="_ftn19" name="_ftn19" title="&gt;&lt;span style=">19</a></sup>&nbsp;Alec G. Hargreaves, &laquo;&nbsp;Hors des &ldquo;ghettos&rdquo;, ouverts sur le monde. Situer les r&eacute;alisateurs fran&ccedil;ais-maghr&eacute;bins&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy,&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 34.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref20" id="_ftn20" name="_ftn20" title="&gt;&lt;span style=">20</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 50.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref21" id="_ftn21" name="_ftn21" title="&gt;&lt;span style=">21</a></sup>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy,&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 16-17. Notons que cette observation ne concerne que les MRE en France, la situation variant certainement en fonction du pays d&rsquo;&eacute;migration.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref22" id="_ftn22" name="_ftn22" title="&gt;&lt;span style=">22</a></sup>&nbsp;Vinay Swamy, &laquo;&nbsp;Re-pr&eacute;senter les banlieues. La Trilogie urbaine de Malik Chibane&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy,&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 265-266.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref23" id="_ftn23" name="_ftn23" title="&gt;&lt;span style=">23</a></sup>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy,&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration</i>,&nbsp;<i>op. cit</i>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref24" id="_ftn24" name="_ftn24" title="&gt;&lt;span style=">24</a></sup>&nbsp;Will Higbee, &laquo;&nbsp;Circulages, ancrages et mythe du retour dans les films de voyage fran&ccedil;ais-maghr&eacute;bins&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy,&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 71-92.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref25" id="_ftn25" name="_ftn25" title="&gt;&lt;span style=">25</a></sup>&nbsp;Alec G. Hargreaves, &laquo;&nbsp;Hors des &ldquo;ghettos&rdquo;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Sylvie Durmelat et Vinay Swamy,&nbsp;<i>Les &Eacute;crans de l&rsquo;int&eacute;gration</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 36.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref26" id="_ftn26" name="_ftn26" title="&gt;&lt;span style=">26</a></sup>&nbsp;Notons que ceci rejoint la r&eacute;flexion de Maryse Tipier au sujet des statistiques ethniques et de leur interdiction dans la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise&nbsp;: &laquo;&nbsp;Insister sur les origines implique que l&rsquo;on consid&egrave;re d&eacute;sormais les diff&eacute;rences entre Fran&ccedil;ais anciens et moins anciens comme essentielles, ce qui est tr&egrave;s grave.&nbsp;&raquo; Voir Maryse Tipier, &laquo;&nbsp;De l&rsquo;usage de statistiques &ldquo;ethniquesˮ&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Hommes et migrations</i>, n&deg;1219, mai-juin 1999, p. 29.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref27" id="_ftn27" name="_ftn27" title="&gt;&lt;span style=">27</a></sup>&nbsp;Manthia Diawara,&nbsp;<i>African Cinema. Politics &amp; Culture</i>, Bloomington, Indiana University Press, 1992, p. 22. Citation originale&nbsp;: &ldquo;The purpose of the Laval decree was to control the content of films that were shot in Africa and to minimize the creative roles played by Africans in the making of films&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref28" id="_ftn28" name="_ftn28" title="&gt;&lt;span style=">28</a></sup>&nbsp;Val&eacute;rie K. Orlando,&nbsp;<i>Screening Morocco. Contemporary Film in a Changing Society</i>, Athens, Ohio University Press, 2011.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref29" id="_ftn29" name="_ftn29" title="&gt;&lt;span style=">29</a></sup>&nbsp;Centre Cin&eacute;matographique Marocain, &laquo;&nbsp;Bilan cin&eacute;matographique 2019&nbsp;&raquo;, 6 mars 2020. URL :&nbsp;<a href="https://www.ccm.ma/inter/bilans/15-bilan.pdf">https://www.ccm.ma/inter/bilans/15-bilan.pdf</a>, consult&eacute; le 09 septembre 2022, p. 67.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref30" id="_ftn30" name="_ftn30" title="&gt;&lt;span style=">30</a></sup>&nbsp;Le darija est l&rsquo;arabe dialectal marocain.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref31" id="_ftn31" name="_ftn31" title="&gt;&lt;span style=">31</a></sup>&nbsp;En 2020, la premi&egrave;re place du box-office marocain &eacute;tait occup&eacute;e par&nbsp;<i>Tlatine Melioune</i>&nbsp;(Rabii Chajid, 2020) avec 235.074 entr&eacute;es, contre 36.526 entr&eacute;es pour le deuxi&egrave;me film du box-office&nbsp;<i>Bad Boys For Life</i>&nbsp;(Adil El Arbi et Bilall Fallah, 2020), film am&eacute;ricano-mexicain r&eacute;alis&eacute; par deux MRE (Marocains r&eacute;sidant &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger). En 2019, la premi&egrave;re place du box-office &eacute;tait quant &agrave; elle occup&eacute;e par&nbsp;<i>Messaoud, Saida et Saadane</i>&nbsp;(Brahim Chkiri, 2018), tandis qu&rsquo;en 2018, les trois premi&egrave;res places du box-office &eacute;taient occup&eacute;es par des films marocains, &agrave; savoir&nbsp;:&nbsp;<i>Lahnech</i>&nbsp;(Driss Mrini, 2017),&nbsp;<i>Korsa</i>&nbsp;(Abdellah Ferkous, 2018) et&nbsp;<i>Razzia</i>&nbsp;(Nabyl Ayouch, 2017).</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref32" id="_ftn32" name="_ftn32" title="&gt;&lt;span style=">32</a></sup>&nbsp;Fran&ccedil;ois Chaubet, &laquo;&nbsp;L&rsquo;action culturelle fran&ccedil;aise dans le monde&nbsp;: 150 ans d&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Giusy Pisano (dir.),&nbsp;<i>Des cin&eacute;-go&ucirc;ters aux s&eacute;ances pour les cin&eacute;philes. Le cin&eacute;ma dans les Instituts fran&ccedil;ais et les Alliances fran&ccedil;aises</i>, Paris, Presses Universitaires du Septentrion, 2021, p. 19-28.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref33" id="_ftn33" name="_ftn33" title="&gt;&lt;span style=">33</a></sup>&nbsp;&Agrave; savoir, le Renaissance &agrave; Rabat et la Cin&eacute;math&egrave;que de Tanger. Voir Antoine Le Bihan, &laquo;&nbsp;La promotion du cin&eacute;ma fran&ccedil;ais &agrave; l&rsquo;Institut fran&ccedil;ais du Maroc, un r&eacute;seau de neuf salles&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Guisy Pisano (dir.),&nbsp;<i>Des cin&eacute;-go&ucirc;ters aux s&eacute;ances pour les cin&eacute;philes</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 120.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref34" id="_ftn34" name="_ftn34" title="&gt;&lt;span style=">34</a></sup>&nbsp;Antoine de Baecque,&nbsp;<i>La Cin&eacute;philie. Invention d&rsquo;un regard, histoire d&rsquo;une culture 1944-1968</i>, Paris, Fayard, &laquo;&nbsp;Hachette Litt&eacute;ratures&nbsp;&raquo;, 2003, p. 13.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref35" id="_ftn35" name="_ftn35" title="&gt;&lt;span style=">35</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 10-11.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref36" id="_ftn36" name="_ftn36" title="&gt;&lt;span style=">36</a></sup>&nbsp;Alexandre Labruffe et Nicolas Peyre, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Alliance fran&ccedil;aise et le cin&eacute;ma, une histoire m&eacute;connue&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Guisy Pisano (dir.),&nbsp;<i>Des cin&eacute;-go&ucirc;ters aux s&eacute;ances pour les cin&eacute;philes</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 41-56.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref37" id="_ftn37" name="_ftn37" title="&gt;&lt;span style=">37</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Le manque d&rsquo;outils pour qualifier le public se rendant aux s&eacute;ances de cin&eacute;ma, et plus g&eacute;n&eacute;ralement aux propositions culturelles des IF, ne permet pas de d&eacute;velopper des politiques de communication efficaces. Alors que l&rsquo;Institut fran&ccedil;ais du Maroc a comme objectif de s&rsquo;adresser aux jeunes marocain(e)s de 15-25 ans, la communication est bien souvent r&eacute;serv&eacute;e &agrave; un public francophile, et par l&agrave; m&ecirc;me &eacute;litiste.&nbsp;&raquo;&nbsp;<i>In</i>&nbsp;Antoine Le Bihan, &laquo;&nbsp;La promotion du cin&eacute;ma fran&ccedil;ais &agrave; l&rsquo;Institut fran&ccedil;ais du Maroc, un r&eacute;seau de neuf salles&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 120.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref38" id="_ftn38" name="_ftn38" title="&gt;&lt;span style=">38</a></sup>&nbsp;Gabrielle Chomentowski, &laquo;&nbsp;D&eacute;colonisations et cin&eacute;ma. Les &eacute;tudiants africains en cin&eacute;ma &agrave; Paris et Moscou (ann&eacute;es 1940-1960)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Diasporas</i>, n&deg;37, f&eacute;vrier 2021.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref39" id="_ftn39" name="_ftn39" title="&gt;&lt;span style=">39</a></sup>&nbsp;Gabrielle Chomentowski, &laquo;&nbsp;Cam&eacute;ra au poing et valise &agrave; la main : les mobilit&eacute;s &eacute;tudiantes du Sud vers les &eacute;coles de cin&eacute;ma de l&rsquo;Est socialiste&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Cahiers du monde russe</i>, vol. 63, mars-avril 2022, p. 622.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref40" id="_ftn40" name="_ftn40" title="&gt;&lt;span style=">40</a></sup>&nbsp;Geetha Ganapathy-Dor&eacute;, &laquo;&nbsp;Du tiers-monde au monde multipolaire&nbsp;: l&rsquo;&eacute;volution du paradigme du non-alignement dans la reconfiguration de l&rsquo;ordre mondial&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Revue Fran&ccedil;aise d&rsquo;Histoire des Id&eacute;es Politiques</i>, n&deg;42, f&eacute;vrier 2015, p. 117-139.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref41" id="_ftn41" name="_ftn41" title="&gt;&lt;span style=">41</a></sup>&nbsp;Gabrielle Chomentowski, &laquo;&nbsp;Cam&eacute;ra au poing et valise &agrave; la main&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 626.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref42" id="_ftn42" name="_ftn42" title="&gt;&lt;span style=">42</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 639.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref43" id="_ftn43" name="_ftn43" title="&gt;&lt;span style=">43</a></sup>&nbsp;Au Studio M de Casablanca, qui se qualifie d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;cole fran&ccedil;aise des arts et de l&rsquo;audiovisuel&nbsp;&raquo;, les formations co&ucirc;tent entre 45 000 et 50 000 DHS par an (soit environ 4 250 &agrave; 4 750 &euro;). &Agrave; l&rsquo;ISCA (Institut Sp&eacute;cialis&eacute; du Cin&eacute;ma et de l&rsquo;Audiovisuel), le montant de l&rsquo;inscription &agrave; l&rsquo;ann&eacute;e s&rsquo;&eacute;l&egrave;ve entre 25 000 et 33 000 DHS (environ 2 350 et 3 150 &euro;).</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref44" id="_ftn44" name="_ftn44" title="&gt;&lt;span style=">44</a></sup>&nbsp;Antoine de Baecque,&nbsp;<i>La Cin&eacute;philie</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 13.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref45" id="_ftn45" name="_ftn45" title="&gt;&lt;span style=">45</a></sup>&nbsp;<i>Cin&eacute;ma 3</i>&nbsp;est la premi&egrave;re revue d&eacute;di&eacute;e au cin&eacute;ma marocain, elle est cr&eacute;&eacute;e en 1970 et produite par la F&eacute;d&eacute;ration marocaine des cin&eacute;-clubs. Celle-ci prendra fin au bout de quatre num&eacute;ros. En 1972 est cr&eacute;&eacute;e la page cin&eacute;matographique de&nbsp;<i>Maghreb informations</i>, qui dispara&icirc;tra quant &agrave; elle au bout de deux ans.&nbsp;<i>In</i>&nbsp;Ahmed Bouanani,&nbsp;<i>La Septi&egrave;me porte</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 67.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref46" id="_ftn46" name="_ftn46" title="&gt;&lt;span style=">46</a></sup>&nbsp;Omar Berrada, &laquo;&nbsp;D&eacute;coloniser les &eacute;crans&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Ahmed Bouanani,&nbsp;<i>La Septi&egrave;me porte. Une histoire du cin&eacute;ma au Maroc de 1907 &agrave; 1986</i>, Rabat, Kulte Editions, 2021, p. 7-8.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref47" id="_ftn47" name="_ftn47" title="&gt;&lt;span style=">47</a></sup>&nbsp;Ahmed Bouanani,&nbsp;<i>La Septi&egrave;me porte</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 13.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref48" id="_ftn48" name="_ftn48" title="&gt;&lt;span style=">48</a></sup>&nbsp;Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto,&nbsp;<i>Cin&eacute;philes et cin&eacute;philies</i>, Paris, Armand Colin, 2010.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref49" id="_ftn49" name="_ftn49" title="&gt;&lt;span style=">49</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;Il faut prendre garde, cependant, de ne pas oblit&eacute;rer le r&ocirc;le du march&eacute; dans le processus de formation de la cin&eacute;philie en se focalisant sur la question de la l&eacute;gitimation de l&#39;art cin&eacute;matographique, c&rsquo;est-&agrave;-dire de la reconnaissance de sa dignit&eacute; par les &ldquo;instances de cons&eacute;cration&rdquo; intellectuelles, selon la formule de Pierre Bourdieu. [&hellip;] La &ldquo;cin&eacute;philie de masse&rdquo; pr&eacute;c&egrave;de, ou en tout cas soutient la cin&eacute;philie des intellectuels soucieux de l&#39;organiser, laquelle en fait partie. La cin&eacute;philie n&rsquo;est pas le produit de leur discours, c&rsquo;est leur discours qui est la r&eacute;alisation intellectuelle de cette cin&eacute;philie de masse, son actualisation.&nbsp;&raquo;&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto,&nbsp;<i>Cin&eacute;philes et cin&eacute;philies</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 39-40.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref50" id="_ftn50" name="_ftn50" title="&gt;&lt;span style=">50</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 30.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref51" id="_ftn51" name="_ftn51" title="&gt;&lt;span style=">51</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 31.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref52" id="_ftn52" name="_ftn52" title="&gt;&lt;span style=">52</a></sup>&nbsp;Anthony R. Guneratne, &laquo;&nbsp;Introduction: rethinking Third Cinema&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Anthony R. Guneratne et Wimal Dissanayake (dir.),&nbsp;<i>Rethinking Third Cinema</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 7.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref53" id="_ftn53" name="_ftn53" title="&gt;&lt;span style=">53</a></sup>&nbsp;Notons qu&rsquo;Ousmane Semb&egrave;ne s&rsquo;est form&eacute; au VGIK de Moscou, o&ugrave; il a &eacute;t&eacute; sensibilis&eacute; d&rsquo;une part aux questions socialistes, et d&rsquo;autre part &agrave; une dimension fortement interculturelle. Le r&eacute;alisateur syrien Oussama Mohamed qualifie en outre le VGIK d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;cole de la d&eacute;mocratie dans le pays de la dictature de Brežnev&nbsp;&raquo;. Voir &agrave; ce sujet l&rsquo;article de Gabrielle Chomentowski, &laquo;&nbsp;Cam&eacute;ra au poing et valise &agrave; la main&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>op. cit</i>.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref54" id="_ftn54" name="_ftn54" title="&gt;&lt;span style=">54</a></sup>&nbsp;Robert Stam, &ldquo;Beyond Third Cinema: the aesthetics of hybridity&rdquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Anthony R. Guneratne et Wimal Dissanayake (dir.),&nbsp;<i>Rethinking Third Cinema</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 32. Citation originale&nbsp;: &ldquo;(1) their constitutive hybridity; (2)&nbsp;their chronotopic multiplicity; and (3)&nbsp;their common motif of the redemption of detritus&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref55" id="_ftn55" name="_ftn55" title="&gt;&lt;span style=">55</a></sup>&nbsp;Anthony R. Guneratne, &ldquo;Introduction: rethinking Third Cinema&rdquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Anthony R. Guneratne et Wimal Dissanayake (dir.),&nbsp;<i>Rethinking Third Cinema</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 10. Citation originale&nbsp;: &ldquo;the seemingly hermetic division of cinemas into those represented by big-budget commercial films (First Cinema), independent,&nbsp;<i>auteur</i>&nbsp;films (Second Cinema) and films made by militant collectives (Third Cinema), led to various misinterpretations such as the automatic assumption that First Cinema was necessarily a cinema of entertainment, the Second one of intellect and interiority, and the Third one of political radicalism.&rdquo; [Traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref56" id="_ftn56" name="_ftn56" title="&gt;&lt;span style=">56</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 18-19. Citation originale&nbsp;: &ldquo;hybridity and polyglossia&rdquo; [traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref57" id="_ftn57" name="_ftn57" title="&gt;&lt;span style=">57</a></sup>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p. 20. Citation originale&nbsp;: &ldquo;Perhaps the most complex range of issues the three-cinema model fails to account for, let alone to address, are the interactions between varying forms of cinema within national industries diverse enough to sustain coexisting forms of First, Second and Third Cinema.&rdquo; [Traduction personnelle].</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref58" id="_ftn58" name="_ftn58" title="&gt;&lt;span style=">58</a></sup>&nbsp;Le Collectif de l&rsquo;&OElig;il Vert est un collectif de cin&eacute;astes dirig&eacute; par le r&eacute;alisateur s&eacute;n&eacute;galais Cheikh N&rsquo;Gaido B&acirc;. Ce collectif de jeunes cin&eacute;astes africain a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; en 1981 au Festival de Ouagadougou en r&eacute;action au manque de dynamisme de la FEPACI apr&egrave;s 1975. La coop&eacute;ration &laquo;&nbsp;Sud-Sud&nbsp;&raquo; est l&rsquo;une des propositions marquantes de leurs r&eacute;flexions pour un cin&eacute;ma panafricain. Son but est de rompre avec la coop&eacute;ration &laquo;&nbsp;Nord-Sud&nbsp;&raquo; et donc avec la domination culturelle europ&eacute;enne.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref59" id="_ftn59" name="_ftn59" title="&gt;&lt;span style=">59</a></sup>&nbsp;Christophe Gauthier,&nbsp;<i>art. cit.</i>, p. 59.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref60" id="_ftn60" name="_ftn60" title="&gt;&lt;span style=">60</a></sup>&nbsp;Omar Berrada, &laquo;&nbsp;D&eacute;coloniser les &eacute;crans&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Ahmed Bouanani,&nbsp;<i>La Septi&egrave;me porte</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 10.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref61" id="_ftn61" name="_ftn61" title="&gt;&lt;span style=">61</a></sup>&nbsp;Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto,&nbsp;<em>Cin&eacute;philes et cin&eacute;philies</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 87.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref62" id="_ftn62" name="_ftn62" title="&gt;&lt;span style=">62</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 6-7.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref63" id="_ftn63" name="_ftn63" title="&gt;&lt;span style=">63</a></sup>&nbsp;&laquo;&nbsp;D&eacute;coloniser les &eacute;crans&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>in</i>&nbsp;Ahmed Bouanani,&nbsp;<i>La Septi&egrave;me porte</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i></p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref64" id="_ftn62" name="_ftn64" title="&gt;&lt;span style=">64</a></sup>&nbsp;Laurent Jullier et Jean-Marc Leveratto,&nbsp;<i>Cin&eacute;philes et cin&eacute;philies</i>,&nbsp;<i>op. cit.</i>, p. 6.</p> <p><sup><a font-size:10.0pt="" href="#_ftnref65" id="_ftn65" name="_ftn65" title="&gt;&lt;span style=">65</a></sup>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 31.</p>