<p><q><em>&nbsp;La sorcellerie de la fronti&egrave;re est sans &acirc;ge parce qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas trente-six mani&egrave;res de transformer un tas en tout. </em></q></p> <p>R&eacute;gis Debray, <em>&Eacute;loge des fronti&egrave;res.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>Comme nous invitent &agrave; le constater tant Jean-Marie Schaeffer dans <em>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un genre litt&eacute;raire&nbsp;?</em> que G&eacute;rard Genette dans <em>Seuils,</em> la l&eacute;gitimit&eacute; g&eacute;n&eacute;rique d&rsquo;une &oelig;uvre, &laquo;&nbsp;ressentie&nbsp;&raquo; par le lecteur et/ou le spectateur, &eacute;mane d&rsquo;une collection variable de signes (graphiques, picturaux, &eacute;ditoriaux, auctoriaux&hellip;) qui informent le r&eacute;cepteur sur ce qui l&rsquo;attend et impliquent de la part de l&rsquo;auteur le respect d&rsquo;un code&nbsp;; un contrat de lecture, auquel contribue le paratexte, &laquo;&nbsp;zone non seulement de transition mais de transaction<a href="#nbp1" id="footnoteref1_haickru" name="liennbp1" title="Gérard Genette, Seuils, p. 8.">1</a> &raquo;, produit une conduite de lecture (ainsi lorsque la Fontaine intitule son livre <em>Fables choisies mises en vers</em>, renvoie-t-il le lecteur &agrave; un genre r&eacute;pertori&eacute;, les animaux et la nature retra&ccedil;ant des comportements humains et sociaux). Une mention g&eacute;n&eacute;rique peut donc avoir un effet mod&eacute;lisant sur les textes &agrave; venir, garantir une unit&eacute; th&eacute;matique, une harmonie g&eacute;n&eacute;rale tout en permettant un changement progressif de tonalit&eacute;. La r&eacute;ception enregistrera &agrave; la fois cette continuit&eacute; et ces nuances&hellip;</p> <p>Pour un best-seller &laquo;&nbsp;<em>cross-age</em>&nbsp;&raquo; comme la saga <em>Twilight</em> de Stephenie Meyer l&rsquo;appartenance, ou l&rsquo;inappartenance, g&eacute;n&eacute;rique s&rsquo;actualise d&rsquo;abord visuellement, puisque c&rsquo;est le premier aspect que con&ccedil;oit notre polysensorialit&eacute;&nbsp;: les couvertures (de livres, dans un premier temps) disent-elles quelque chose du classement de l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;? Sans doute, car s&rsquo;y conjuguent &agrave; la fois les marqueurs symboliques (une rose, un ruban), sexuels (la dame du jeu d&rsquo;&eacute;chec, la plume souill&eacute;e) et enfin g&eacute;n&eacute;rationnels (le lettrage gothique des titres&hellip;).</p> <figure><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/Sans-titre.jpg" width="600" /></figure> <p>Les illustrations de couvertures fonctionnent g&eacute;n&eacute;ralement en reflet ou en sympt&ocirc;me du contenu&nbsp;; ici, elles ob&eacute;issent davantage &agrave; la strat&eacute;gie du sympt&ocirc;me, puisqu&rsquo;elles sont au croisement d&rsquo;une somme formidable de contraintes et d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts&nbsp;: elles portent au r&ecirc;ve &eacute;veill&eacute;, en n&rsquo;arr&ecirc;tant pas l&rsquo;imagination du lecteur par le f&eacute;tichisme oblit&eacute;rant d&rsquo;un visage pr&eacute;cis. Elles ouvrent les portes de l&rsquo;interpr&eacute;tation flottante, de l&rsquo;herm&eacute;neutique sans obligation de r&eacute;sultat&nbsp;; ce qu&rsquo;elles communiquent reste non-clair, et touche &agrave; l&rsquo;intime subjectivit&eacute;.</p> <p>Les &laquo;&nbsp;visuels&nbsp;&raquo; choisis ont puissamment contribu&eacute; &agrave; la popularit&eacute; mondiale de l&rsquo;<em>opus</em>&nbsp;; chaque fois d&eacute;clin&eacute;e dans les tons noir, blanc et rouge, l&rsquo;image archi-symbolique qui accompagne la descente au tombeau de Bella Swan &ndash; car c&rsquo;est bien de cela qu&rsquo;il s&rsquo;agit&nbsp; &ndash; informe et cache &agrave; la fois le contenu explicite de chaque volume. Ruban &agrave; demi-d&eacute;chir&eacute;, plume/fleur tremp&eacute;e de sang, pomme bibliquement offerte par on ne sait quelle tentatrice&hellip; distribuent une mythologie &laquo;&nbsp;<em>mainstream</em>&nbsp;<a href="#nbp2" id="footnoteref2_7keey23" name="liennbp2" title="En référence à l’ouvrage de Frédéric Martel, Mainstream, Enquête sur cette culture qui plaît à tout le monde, Paris, Flammarion, 2010. Il est clair aussi que les couvertures ne « choquent » pas des publics plus sensibles que les occidentaux, et correspondent ainsi à la fois aux attentes d’une édition pour la jeunesse ET aux pudeurs de cultures plus réservées.">2</a>&raquo; et servent de liage cataphorique avec le contenu &agrave; venir &ndash; au-del&agrave; de cette magique &laquo;&nbsp;une&nbsp;&raquo; qui, si l&rsquo;on sait la lire, chiffre merveilleusement et dit, &agrave; la fois transparente et opaque, le destin de Bella/Juliette en marche vers l&rsquo;au-del&agrave;.</p> <p>Tout se passe comme si, loin de rompre avec la tradition ou les pr&eacute;occupations esth&eacute;tiques &laquo;&nbsp;s&eacute;rieuses&nbsp;&raquo;, l&rsquo;irruption des litt&eacute;ratures de l&rsquo;imaginaire &ndash; dont <em>Twilight </em>est la parabole parfaite &ndash; confortait en quelque sorte les recherches de l&rsquo;ensemble des &eacute;crivains et des critiques de ce d&eacute;but du XXI<sup>e</sup> si&egrave;cle, et confirmait la n&eacute;cessit&eacute; des genres, tout en pr&eacute;voyant leur transformation. Si les &eacute;crivains des ann&eacute;es 50 (Nouveau Roman) s&rsquo;opposaient au roman et renon&ccedil;aient &agrave; toute appellation g&eacute;n&eacute;rique, les auteurs actuels visent plut&ocirc;t la polyphonie : un texte qui passe par tous les genres successivement comme une s&eacute;rie de phases initiatrices, ou qui repr&eacute;sente plusieurs genres &agrave; la fois. Il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;&oelig;uvres migrantes<a href="#nbp3" id="footnoteref3_o6k4y67" name="liennbp3" title="Pour reprendre les mots, et la position, de Gracq : « A notre époque où toute conception d’art est sollicitée par une incarnation double, triple et peut-être même quadruple […], je crois pouvoir annoncer le temps où un plus décisif s’attachera aux œuvres migrantes, à celles qu’une forme d’expression unique ne suffira plus à emprisonner », En lisant, en écrivant, Paris, Corti, 1986.">3</a> : l&rsquo;adaptation filmique, et ses propres codes de distributions (affiches, <em>teaser</em>, promotion, publicit&eacute;s), introduit de fait un recentrement fr&eacute;quent sur des visages et des silhouettes d&rsquo;acteurs, qui met fin &agrave; l&rsquo;ind&eacute;cision des symboles de couverture livresque et assume d&eacute;sormais, &agrave; lui seul, l&rsquo;engouement auparavant distribu&eacute; sur autant de supports fantasmatiques que de lecteurs&nbsp;; <em>de pluribus unus</em>&nbsp;!</p> <p>Quand Marguerite Duras, par exemple, qualifie <em>India Song</em> de &laquo;&nbsp;texte-film-roman&nbsp;&raquo;, elle pr&eacute;pare cette transformation et l&rsquo;ins&egrave;re dans le texte initial&nbsp;; une interaction existe entre les techniques contradictoires des deux arts: des s&eacute;quences filmiques s&rsquo;immiscent dans <em>La Pluie d&rsquo;&eacute;t&eacute;</em>, &laquo;&nbsp;roman&nbsp;&raquo; du sc&eacute;nario <em>Les Enfants</em>. Le regard y est particuli&egrave;rement aigu, les objets d&eacute;tach&eacute;s parfois de leur contexte : &eacute;l&eacute;ments symboliques que le film isole et utilise comme &laquo;&nbsp;ce fauteuil navrant&nbsp;&raquo; que les enfants installent au milieu de d&eacute;combres. Mais il est clair que la singularit&eacute; des deux formes d&rsquo;art persiste par-del&agrave; l&rsquo;affirmation de continuit&eacute;&nbsp;; l&rsquo;enjeu est capital : le lecteur ne lit que ce qui lui parle en images et en mots&nbsp;; et pour en revenir &agrave; <em>Twilight,</em> les couvertures, les affiches (du film), puis les jaquettes (des DVD) n&rsquo;ob&eacute;issent certes pas tout &agrave; fait aux m&ecirc;mes logiques, mais seront vues, et adoub&eacute;es, par les m&ecirc;mes personnes&hellip;</p> <p>L&rsquo;examen de ces quatre images<a href="#nbp4" id="footnoteref4_e89zdtn" name="liennbp4" title="La conception originale est due à Gail Doobinin, et la réalisation photographique à Roger Hagadonne, pour Little et Brown.">4</a>&ndash; qui dialoguent entre elles autant qu&rsquo;avec la di&eacute;g&egrave;se pr&eacute;cise de chaque volume &ndash; confront&eacute;es aux visualit&eacute;s &eacute;lues pour les adaptations cin&eacute;matographiques nous am&egrave;ne ainsi &agrave; un constat liminaire limpide&nbsp;: l&rsquo;esth&eacute;tique des affiches de films (et des DVD apr&egrave;s eux) substitue les visages des acteurs<a href="#nbp5" id="footnoteref5_bo7fwmt" name="liennbp5" title="On remarque tout de suite la vénusté des visages et des corps, leur pose doucement provocante mais finalement hiératique.">5</a> aux figures all&eacute;goriques des ouvrages, recourant ainsi &agrave; un tout autre clavier iconique et chromatique&nbsp;; ce &laquo;&nbsp;troisi&egrave;me&nbsp;&raquo; dialogue informe et nourrit, r&eacute;troactivement, les r&eacute;sonances &eacute;nigmatiques de la t&eacute;tralogie&nbsp;; pr&eacute;cisons encore que la traduction fran&ccedil;aise de la suite titulaire est assez distante des s&egrave;mes originaux, provoquant par l&agrave;-m&ecirc;me un effet suppl&eacute;mentaire d&rsquo;incommensurabilit&eacute; paradigmatique&nbsp;; en effet, &laquo;&nbsp;<em>Twilight&nbsp;&raquo; (</em>en fran&ccedil;ais &laquo;&nbsp;la saga du d&eacute;sir interdit&nbsp;&raquo;, traduction de fait r&eacute;serv&eacute;e au Canada francophone) se d&eacute;cline en <em>Fascination,</em> <em>Tentation</em>, <em>H&eacute;sitation, </em>et <em>R&eacute;v&eacute;lation</em> &ndash; ce qui transcrit de fa&ccedil;on lointaine et allusive les originaux fond&eacute;s sur la m&eacute;taphore fil&eacute;e d&rsquo;une nocturne : <em>Twilight (Fascination), New Moon (Tentation), Eclipse (H&eacute;sitation) </em>et<em> Breaking Dawn (R&eacute;v&eacute;lation)</em><a href="#nbp6" id="footnoteref6_t8lx9jf" name="liennbp6" title="La tétralogie est publiée à l’origine aux États-Unis par Little, Brown and Company, (New York) entre 2005 et 2008. Nous utiliserons désormais les abréviations respectives suivantes : Tw, Ec, NM et BD">6</a>.</p> <p>Le titre du premier volume le plus commun&eacute;ment re&ccedil;u, <em>Twilight,</em> est devenu de fait le titre g&eacute;n&eacute;ral de l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;; il donne d&rsquo;entr&eacute;e de jeu la caract&eacute;ristique cr&eacute;pusculaire du propos, le &laquo;&nbsp;clair-obscur&nbsp;&raquo; des commencements c&eacute;dant &agrave; la &laquo;&nbsp;nouvelle lune&nbsp;&raquo;, puis &agrave; l&rsquo;obscurit&eacute; relative de l&rsquo;&eacute;clipse, avant de s&rsquo;exaucer en aurore prometteuse mais pleine de p&eacute;ril, renaissance de souffrance et de splendeur pour celle qui, comme Aragorn, a march&eacute; aux pays des morts. Nous ne nous interdirons pas pour autant le d&eacute;tour &eacute;clairant vers d&rsquo;autres s&eacute;ries, d&rsquo;autres images pour d&rsquo;autres installations imag(in)eantes, bien s&ucirc;r toujours asymptotiques&nbsp;; car le &laquo;&nbsp;genre&nbsp;&raquo; (<em>chick-lit</em>, <em>bit-lit</em>..) peut-il commander l&rsquo;imagerie&nbsp;? L&rsquo;image, au contraire, conditionne-t-elle le genre, en s&rsquo;imposant comme interm&eacute;dialit&eacute; op&eacute;rative&nbsp;? Ce sera l&agrave; le biais majeur de notre questionnement.</p> <p>Nous nous proposons donc de d&eacute;tailler ces quelques remarques autour de trois grands items&nbsp;: une op&eacute;rativit&eacute; des symboles (oppos&eacute;e &agrave; celle des corps)&nbsp;; l&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une mutation&nbsp;; enfin l&rsquo;agencement de l&rsquo;innommable<a href="#nbp7" id="footnoteref7_5lphfk9" name="liennbp7" title="Rappelons que c’est le sens du mot « Nosferatu » (qui ne se peut nommer), titre et personnage éponyme du film de Murnau.">7</a>.</p> <p>&nbsp;</p> <h2><strong>1. Une op&eacute;rativit&eacute; des symboles</strong></h2> <p>&nbsp;</p> <p>G&eacute;n&eacute;ralement, la couverture fonctionne en &nbsp;inscription l&eacute;gitimante d&rsquo;un produit stabilis&eacute;, pour l&rsquo;insertion de cet objet litt&eacute;raire dans un univers tiss&eacute; d&rsquo;autres discours et d&rsquo;autres images. Les param&egrave;tres qui constituent cette sc&eacute;nographie rel&egrave;vent autant du rituel des genres (codifi&eacute;) que de la position suppos&eacute;e de l&rsquo;&eacute;nonciateur et du co-&eacute;nonciateur (le lecteur) par rapport aux discours tenus, dans la soci&eacute;t&eacute;, sur la cat&eacute;gorie en question&nbsp;; c&rsquo;est pourquoi on peut d&eacute;signer par &laquo;&nbsp;contexte&nbsp;&raquo; l&rsquo;ensemble des traces per&ccedil;ues dans la conception des images, observables &agrave; travers les &eacute;quivalents visuels de ce que seraient, dans le champ du texte, les embrayeurs, les d&eacute;ictiques et les modalisateurs &ndash; afin d&rsquo;articuler les choix graphiques avec les autres &laquo;&nbsp;lieux&nbsp;&raquo; d&rsquo;&eacute;laboration et de diffusion de l&rsquo;&oelig;uvre.</p> <p>Les illustrations qui (c)ouvrent les livres n&rsquo;&eacute;margent donc pas toutes au m&ecirc;me r&eacute;gime, ni s&eacute;miologique, ni r&eacute;f&eacute;rentiel.</p> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="786" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/Twilight_book_cover.jpg" width="500" /></p> <p>La premi&egrave;re couverture t&eacute;moigne d&rsquo;une &laquo;&nbsp;<em>kitschisation</em>&nbsp;&raquo; assez fr&eacute;quente en <em>chick lit</em>, et plus encore en <em>bit lit</em>, de l&rsquo;imagerie biblique&nbsp;: une pomme rouge, offerte au creux de deux mains marmor&eacute;ennes, invitant le regard &agrave; plonger vers le bas de la page pour accepter ou non l&rsquo;offrande propos&eacute;e. Ce &ndash; discret &ndash; <em>travelling</em> immersif est pour le sociologue Bruno Latour<a href="#nbp8" id="footnoteref8_fqytp3g" name="liennbp8" title="Auteur en particulier de Nous n’avons jamais été modernes, Paris, La Découverte, 1991.">8</a> une attente scopique r&eacute;pandue&nbsp;: notre lexique int&eacute;rieur (pour reprendre les th&egrave;ses de l&rsquo;&eacute;cole de Constance<a href="#nbp9" id="footnoteref9_ddkjnbk" name="liennbp9" title="Dans les années 1960-1970, l’École de Constance (du nom d’une ville du Sud de l’Allemagne, en Bavière) va établir le canon de la « réception », à partir d’un texte écrit en 1967 par H. R. Jauss, intitulé L’Histoire littéraire comme défi à la théorie littéraire, adossé aux travaux du polonais Roman Ingarden, (regardé comme le fondateur de l’esthétique phénoménologique) comme à la réflexion de Hans-Georg Gadamer, disciple de Heidegger et spécialiste de l’herméneutique. Les deux principaux chercheurs sont Wolfgang Iser (tenant de « l’acte individuel de lecture »), et Hans-Robert Jauss (tenant de la « réponse publique au texte »).">9</a>) nous informe du contraste saisissant entre, d&rsquo;une part, la blancheur excessive des bras, et, d&rsquo;autre part, la tentation que le fruit, rond et color&eacute;, doit sugg&eacute;rer pour un vampire, si tant est que la transposition avec le corps app&eacute;tissant de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne&nbsp;Bella Swan, soit r&eacute;alis&eacute;e&nbsp;; elle est semblable &agrave; ce fruit gorg&eacute; de vie et de promesse, d&eacute;j&agrave; soumis &agrave; la menace que le titre, par le &laquo;&nbsp;l&nbsp;&raquo; de <em>twilight </em>d&eacute;mesur&eacute;ment allong&eacute; et aiguis&eacute;, fait peser sur elle. Mais &agrave; front renvers&eacute;, nous pouvons d&eacute;coder aussi cette pomme comme l&rsquo;<em>analogon</em> de la connaissance ultime, offerte par le monde vampirique &agrave; l&rsquo;enfant encore humaine&nbsp;: la coupe de l&rsquo;immortalit&eacute; &agrave; laquelle elle devra boire, ou renoncer. Or l&rsquo;horizon de r&eacute;ception du c&oelig;ur de cible (adolescents et jeunes adultes, massivement f&eacute;minins de toute fa&ccedil;on), est particuli&egrave;rement sensible &agrave; l&rsquo;ensemble des hypoth&egrave;ses visuelles partag&eacute;es, ce qui am&egrave;ne de la part des concepteurs une prise en compte accrue des effets &agrave; produire (<em>Wirkung</em>).</p> <p>Jardin d&rsquo;Eden au fruit d&eacute;fendu, le livre peut alors s&rsquo;ouvrir sur l&rsquo;adolescence brumeuse de l&rsquo;hostie, promise au double et d&eacute;chirant amour d&rsquo;un vampire et d&rsquo;un loup-garou, sous la bl&ecirc;me clart&eacute; de la &laquo;&nbsp;<em>new moon</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;; si l&rsquo;humain est pr&eacute;sent &ndash; dans le premier visuel (si l&rsquo;on peut dire&nbsp;: c&rsquo;est la pomme qui para&icirc;t vivante, et les bras et les mains qui, blafards, ressortissent plus au marbre qu&rsquo;&agrave; la chair) &ndash; il s&rsquo;absente presque compl&egrave;tement ensuite.</p> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="689" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/newmoonbookcover.jpg" width="500" /></p> <p>La fleur blanche du second volume, semblable au duvet du cygne/swan<a href="#nbp10" id="footnoteref10_4f3n4hc" name="liennbp10" title="Anne-Sophie Warmont a attiré mon attention (qu’elle en soit ici remerciée !) sur le fait que l’héroïne de Pirates des Caraïbes s’appelle aussi Swann (Elizabeth…) et qu’elle attendra son époux, le Hollandais volant, tout au long de sa vie terrestre… Lui est devenu immortel, mais pas elle.">10</a>, est &eacute;clabouss&eacute;e de rouge&hellip; et pend au bout de sa mince tige comme pour accentuer sa fl&eacute;trissure prochaine et sa v&eacute;nust&eacute;&nbsp;; figure oblig&eacute;e et symbole facile, cette fleur souill&eacute;e accompagne contextuellement la douleur de Bella, arrach&eacute;e &agrave; ses illusions et &agrave; ses r&ecirc;ves, mais v&eacute;hicule un halo de signifiance qui d&eacute;passe la di&eacute;g&egrave;se pr&eacute;cise et parle &agrave; toutes les sensibilit&eacute;s, &agrave; toutes les imaginations&nbsp;; le succ&egrave;s de la saga est li&eacute; &agrave; cette compossibilit&eacute; de rencontres et d&rsquo;adh&eacute;sion entre des mondes de repr&eacute;sentations pourtant tr&egrave;s distants.</p> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="681" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/eclipse.jpg" width="450" /></p> <p>Le troisi&egrave;me visuel est sans doute le plus riche, parce que le plus simple&nbsp;: un ruban rouge, qui serpente jusqu&rsquo;&agrave; nous en montrant un large effilochement, exactement parall&egrave;le au &laquo;&nbsp;p&nbsp;&raquo; de <em>Eclipse</em>, lequel &eacute;voque aussi, bien entendu, les crocs ac&eacute;r&eacute;s du vampire et leur coruscante agressivit&eacute;&hellip; Bras humains et fruit dans le premier visuel, fleur rougie dans le second, simple objet dans le troisi&egrave;me&nbsp;: l&rsquo;all&eacute;gorisation de la d&eacute;floration de l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne se pr&eacute;cise en s&rsquo;absentant justement de toute pr&eacute;gnance trop charnelle &ndash; que ce soit la chair d&rsquo;un fruit ou le velout&eacute; d&rsquo;une fleur. L&rsquo;image raconte aussi, par avance, les deux sacrifices ult&eacute;rieurs qui attendent Bella&nbsp;: l&rsquo;accouchement &eacute;pouvantable, et la mort, in&eacute;vitable. Ainsi, si les signes s&rsquo;autonomisent les uns des autres en puisant dans des r&eacute;pertoires diff&eacute;rents, ils entrent bien en r&eacute;sonance pour marquer les &eacute;tapes du calvaire et de l&rsquo;assomption de la jeune fille&nbsp;: tour &agrave; tour tentatrice et tent&eacute;e, puis agress&eacute;e et bless&eacute;e, enfin &eacute;pouse, m&egrave;re d&rsquo;un &ecirc;tre qu&rsquo;elle ne peut mettre au monde qu&rsquo;en se brisant, et ressuscit&eacute;e d&rsquo;entre les morts<a href="#nbp11" id="footnoteref11_7iqhoos" name="liennbp11" title="Isabella Marie Swan naît le 13 septembre 1987 et s’éteint le 10 septembre 2006, à l’âge de 19 ans. Edward Masen-Cullen, son époux, est né en 1901 et est mort de la grippe espagnole en 1918. Il a donc 17 ans pour l’éternité.">11</a> dans son nouveau monde vampirique. &laquo;&nbsp;Non seulement, la litt&eacute;rature tient un discours sur le monde, mais elle g&egrave;re sa propre pr&eacute;sence dans ce monde<a href="#nbp12" id="footnoteref12_zccucf9" name="liennbp12" title="Dominique Maingueneau, Le Contexte de l’œuvre littéraire, Dunod, 1993, p. 20. Il ajoute « l’appartenance au champ littéraire serait une difficile négociation entre le lieu et le non-lieu, une localisation parasitaire, qui vit de l’impossibilité même de se stabiliser. Cette localisation particulière, nous la nommerons paratopie » ; là encore se dessinent des similitudes avec le « lieu » assigné à la bit-lit, sous-genre d’un sous-genre, émergeant pourtant et suscitant gloses et ré-articulations légitimantes.">12</a> &raquo;, rappelait Dominique Maingueneau en 1993&nbsp;; ne pourrait-on voir, dans la construction de ces couvertures, le m&ecirc;me souci de singularit&eacute; et de coh&eacute;sion&nbsp;?</p> <p>Dans ces conditions, peut-on imaginer des &laquo;&nbsp;thanatofictions&nbsp;&raquo; &ndash; r&eacute;cits sur la mort, sur les corps des morts &ndash; suffisamment constructives et supportables pour s&rsquo;adresser quand m&ecirc;me &agrave; un public <em>young adult</em>&nbsp;et lui apporter une paradoxale le&ccedil;on de vie &ndash; y compris par les <em>exempla</em> les plus loufoques&nbsp;(<em>Forever, True Calling </em>ou<em> I M Zombie</em>)&nbsp;?</p> <p>Toute la production contemporaine centr&eacute;e sur le corps adolescent monstrueux ou mort-vivant, s&rsquo;articule en trois myth&egrave;mes sp&eacute;cifiques dont seuls deux retiendront r&eacute;ellement l&rsquo;attention&nbsp;: le/la jeune vampire (qui est un mort se sachant &ecirc;tre mort), le/la jeune zombie (sans conscience dans <em>The Strain</em><a href="#nbp13" id="footnoteref13_xumyy6g" name="liennbp13" title="Guillermo del Toro, The Strain, 2014, deux saisons. Décapitée dans l’épisode 4 de la saison 1, l’enfant monstrueuse est en fait habitée par un parasite anthropophage qui l’a transformée en simple incubateur. Elle n’est donc plus « elle-même » quand Abraham Setrakian, le chasseur de vampire, l’exécute pour l’empêcher de nuire.">13</a> ou <em>The Walking dead</em><a href="#nbp14" id="footnoteref14_z0rya6p" name="liennbp14" title="… ou son prequel Fear of the Walking Dead.">14</a>, mais de plus en plus conscient ailleurs, en particulier dans <em>In The Flesh</em> ou <em>Warm Bodies</em>), enfin le m&eacute;tamorphe, g&eacute;n&eacute;ralement loup-garou, qui raconte une tout autre histoire puisque ind&eacute;pendante du passage par la mort.</p> <p>Ces innombrables fictions o&ugrave; les corps alt&eacute;r&eacute;s ou monstrueusement modifi&eacute;s forment un nouveau baroque, o&ugrave; l&rsquo;horrifique et l&rsquo;&eacute;mouvant s&rsquo;&eacute;pousent sans contrainte&nbsp;&eacute;crivent une esth&eacute;tique du &laquo;&nbsp;comble&nbsp;&raquo;, qui s&rsquo;actualise par exemple dans le choix du jeune fant&ocirc;me Victor/Louis Levanski<a href="#nbp15" id="footnoteref15_72pxg5d" name="liennbp15" title="Le jeune interprète, Swann Nambotin, a acquis une renommée foudroyante et immédiate, reléguant dans l’ombre quasiment l’ensemble du casting.">15</a>, comme &laquo;&nbsp;ic&ocirc;ne&nbsp;&raquo; du feuilleton <em>Les Revenants</em>&nbsp;; c&rsquo;est son regard noir, ses traits fig&eacute;s ind&eacute;finissablement inqui&eacute;tants et sa p&acirc;leur d&eacute;concertante qui &laquo;&nbsp;marquent&nbsp;&raquo; le best-seller inspir&eacute; par la s&eacute;rie<a href="#nbp16" id="footnoteref16_lousiph" name="liennbp16" title="Seth Patrick, Les Revenants, trad. Sébastien Baert, Paris, Michel Lafon, 2015.">16</a>, et c&rsquo;est aussi sa silhouette ch&eacute;tive et accusatrice qui, sur les jaquettes des DVD, focalise l&rsquo;attention en occupant la place centrale, celle &agrave; partir de laquelle s&rsquo;organisent et se hi&eacute;rarchisent les autres personnages du r&eacute;cit. Quant au passage &laquo;&nbsp;courant&nbsp;&raquo; du roman au film, il s&rsquo;inverse ici puisque la s&eacute;rie pr&eacute;-existe &agrave; la romance&nbsp;; ce r&eacute;-&eacute;chelonnement s&rsquo;inscrit &eacute;videmment dans une &eacute;poque pr&eacute;cise et donne &agrave; lire des indices, t&eacute;moins de genres distincts, car le cin&eacute;ma reste art de la pr&eacute;sence et la litt&eacute;rature celui de l&rsquo;absence : &laquo;&nbsp;Un instant&nbsp;&raquo;, rappelle J. Gracq dans <em>En lisant en &eacute;crivant</em>, &laquo;&nbsp;le courant du r&eacute;cit se fige (dans un roman, il n&rsquo;y a jamais, <em>jamais </em>d&rsquo;images, capables de se fixer sur la r&eacute;tine [&hellip;] et c&rsquo;est la singularit&eacute; du monde brusquement capt&eacute;e qui &eacute;merge seule, &eacute;trang&egrave;re et toute puissante&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="574" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/Victor-Louis-I.jpg" width="600" /></p> <p>Ajoutons encore que toutes ces images, affiches, couvertures&hellip; font l&rsquo;objet de ce que l&rsquo;on appelle les <em>midnight release parties,</em> qui ont concern&eacute; au premier titre les lecteurs qui ont grandi en m&ecirc;me temps que Harry Potter, mais qui se sont maintenant g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;es &agrave; d&rsquo;autres s&eacute;ries, films, DVD ou albums comme les <em>Twilight</em>&nbsp;<em>Midnight Release Parties </em>ou les &eacute;v&eacute;nements organis&eacute;s pour la sortie du dernier<em> Star Wars.</em></p> <p>&nbsp;</p> <h2><strong>2. L&rsquo;hypoth&egrave;se d&rsquo;une mutation</strong></h2> <p>&nbsp;</p> <p>&laquo;&nbsp;Ce m&eacute;lange des genres, consubstantiel du mythe contemporain du vampire, r&eacute;v&egrave;le la marque du fantastique, art bigarr&eacute;, fich&eacute; entre le grotesque chant&eacute; par Poe, le tragique issu de l&rsquo;antiquit&eacute;, et le sublime qui, par d&eacute;finition, confine au divin, entre terreur et fascination, superstition et religion, surnaturel et pr&eacute;ternaturel<em>&nbsp;</em><a href="#nbp17" id="footnoteref17_txlua4t" name="liennbp17" title="Brice Guérin, « Vampire », p. 984-990, dans Valérie Tritter (dir.), Encyclopédie du fantastique, Paris, Ellipses, 2010.">17</a>&raquo;<em>.</em></p> <p>L&rsquo;anthropo-thanatologue Louis-Vincent Thomas<a href="#nbp18" id="footnoteref18_tju99ti" name="liennbp18" title="Voir Louis-Vincent Thomas, La Mort en question : traces de morts, mort des traces, Paris, L’Harmattan, 1991.">18</a> explique que le d&eacute;ni de la mort prend souvent deux formes&nbsp;: faire comme si la mort n&rsquo;existait pas&hellip; ou bien agir comme si elle n&rsquo;avait pas d&rsquo;importance&nbsp;; ce qui est une tout autre chose. En effet, comme tout &laquo;&nbsp;grand r&eacute;cit&nbsp;&raquo; humain, act&eacute; et s&eacute;diment&eacute;, la confrontation au surnaturel proc&egrave;de &agrave; la fois d&rsquo;une &laquo;&nbsp;superstructure&nbsp;&raquo; culturelle (litt&eacute;raire mais aussi filmographique&hellip;) et d&rsquo;une &laquo;&nbsp;infrastructure&nbsp;&raquo; soci&eacute;tale, le chronotope bakhtinien que forme la couverture fantastique se pr&eacute;sente donc, par les fictions g&eacute;n&eacute;r&eacute;es et l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t d&ucirc; &agrave; un ph&eacute;nom&egrave;ne de masse qui ne se d&eacute;ment pas, comme l&rsquo;une des portes battantes vers l&rsquo;autre monde&nbsp;; les intercesseurs, les m&eacute;diateurs, en assurent &agrave; la fois le sacr&eacute; de coh&eacute;sion et le sacr&eacute; de transgression<a href="#nbp19" id="footnoteref19_atfjrc7" name="liennbp19" title="Ainsi que le distribue Roger Caillois dans L’Homme et le sacré, Paris, Gallimard 1970.">19</a>, ici marqu&eacute; par le corps glac&eacute; d&rsquo;un adolescent, en proie &agrave; toutes les lividit&eacute;s de la mort alors qu&rsquo;il devrait manifester l&rsquo;&eacute;lan chaleureux et lumineux vers l&rsquo;avenir. Le myth&egrave;me vampirique, discr&egrave;tement pr&eacute;sent dans nos quatre couvertures, ressortit aux deux attitudes, en proposant ce que les mormons appellent le moment de l&rsquo;exaltation divine. C&rsquo;est ce que nous allons maintenant d&eacute;couvrir.</p> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="755" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/chess.jpg" width="500" /></p> <p>Il semble en effet que la quatri&egrave;me image, qui re-g&eacute;om&egrave;trise la fluidit&eacute; t&eacute;n&eacute;breuse des trois premi&egrave;res, projette une figure aux inf&eacute;rences tr&egrave;s diff&eacute;rentes, dans la mesure o&ugrave; la reine du jeu d&rsquo;&eacute;chec, occupant le premier plan, est justement extraite d&rsquo;une &laquo;&nbsp;collection&nbsp;&raquo; d&eacute;j&agrave; r&eacute;alis&eacute;e&nbsp;: les pi&egrave;ces du jeu&nbsp;; il s&rsquo;agit donc d&rsquo;une citation&nbsp;; blanche comme Jadis, la sorci&egrave;re blanche de <em>Narnia</em>, elle l&rsquo;emporte bien s&ucirc;r en taille et en &eacute;clat sur l&rsquo;arri&egrave;re-plan, o&ugrave; se dresse un simple pion peint en rouge&nbsp;; &agrave; partir du moment o&ugrave; le motif de l&rsquo;&eacute;chiquier r&eacute;introduit une m&eacute;moire artistique li&eacute;e aux anamorphoses des toiles d&rsquo;Holbein (<em>Les Ambassadeurs</em>, par exemple), il nous pousse &agrave; voir ce qu&rsquo;il n&rsquo;y pas&nbsp;: la mort, le cr&acirc;ne, occult&eacute; mais non pas totalement &eacute;vacu&eacute;, de cet ultime visuel, puisque l&rsquo;&eacute;chiquier est comme macul&eacute; de sang&hellip; comme si la modeste petite figure rouge (Bella dans son &eacute;tat humain&nbsp;? les m&eacute;chants vampires finalement vaincus&nbsp;?) avait au prix d&rsquo;un terrible d&eacute;chirement accouch&eacute; d&rsquo;elle-m&ecirc;me &ndash; la reine du jeu redevenue le cygne immacul&eacute; que dit son nom, &laquo;&nbsp;Swan&nbsp;&raquo; &ndash; Triomphe, ou p&eacute;trification&nbsp;?</p> <p>En tout cas, euph&eacute;misation l&agrave; encore&nbsp;: ce n&rsquo;est pas du sang qui teint l&rsquo;&eacute;chiquier, mais par simple effet d&rsquo;optique le reflet du pion rouge. Le f&eacute;minisme ind&eacute;niable de la derni&egrave;re couverture, rach&egrave;te l&rsquo;ext&eacute;nuation trop programm&eacute;e des &eacute;quivoques, dans cette figure invers&eacute;e du commencement&nbsp;: le rouge est rel&eacute;gu&eacute; &agrave; l&rsquo;arri&egrave;re-plan, et ce qui nous est offert en ostension c&rsquo;est le blanc, une fois balay&eacute;es les autres pi&egrave;ces et sacrifi&eacute;e l&rsquo;humaine condition. Les caract&egrave;res choisis pour l&rsquo;&eacute;criture des titres accompagnent le&nbsp;message en cr&eacute;ant, par l&rsquo;allongement ou l&rsquo;aiguisement des jambages, un motif discr&egrave;tement mena&ccedil;ant&nbsp;; on se rappelle les &laquo;&nbsp;ff&nbsp;&raquo; de Buffy, trac&eacute;s comme des poignards, par m&eacute;tonymie avec l&rsquo;&eacute;pieu dont se servait la Tueuse pour supprimer les vampires&nbsp;: ici, ce serait plut&ocirc;t les crocs des pr&eacute;dateurs qui s&rsquo;actualisent, dialoguant avec la vuln&eacute;rabilit&eacute; des objets propos&eacute;s &agrave; notre sagacit&eacute;.</p> <p>Pourtant, s&rsquo;il faut en croire les r&eacute;flexions de Jacques Bouveresse dans l&rsquo;essai <em>Prodiges et vertiges de l&rsquo;analogie</em><a href="#nbp20" id="footnoteref20_ufnanrr" name="liennbp20" title="Jacques Bouveresse, Prodiges et vertiges de l’analogie, Paris, Éditions Raisons d’agir, 1999.">20</a><em>, </em>nous sommes peut-&ecirc;tre trop prodigues en interpr&eacute;tations, insuffisamment attentifs aux contraintes mat&eacute;rielles qui pr&eacute;sident &agrave; ce type de construction&nbsp;: c&rsquo;est vrai que les ambitions commerciales et artistiques se m&eacute;langent inextricablement, pour susciter une r&eacute;activit&eacute; imm&eacute;diate et si possible favorable &agrave; un objet&nbsp;; nous sommes au croisement de logiques per&ccedil;ues comme diff&eacute;rentes voire antagoniques, m&ecirc;me si s&rsquo;av&egrave;re de plus en plus la r&eacute;&eacute;valuation esth&eacute;tique d&rsquo;une production non homologu&eacute;e comme telle&nbsp;; cependant la lisibilit&eacute; de chaque figure &ndash; unique, suffisamment abstraite pour ne pas trop en dire, suffisamment &eacute;vocatrice pour accrocher le regard et l&rsquo;attention &ndash; s&rsquo;accompagne d&rsquo;une mobilisation inconsciente du fonds culturel de chaque bassin&nbsp;: le &laquo;&nbsp;ruban&nbsp;&raquo;, pour les Fran&ccedil;ais, c&rsquo;est le ruban vol&eacute; des &laquo; C<em>onfessions</em>&nbsp;&raquo; de J. J. Rousseau, le ruban de la comtesse Almaviva que Ch&eacute;rubin porte sur son c&oelig;ur dans <em>Le Mariage de Figaro</em>, ou mieux encore le &laquo;&nbsp;ruban&nbsp;&raquo; d&eacute;rob&eacute; par Horace &agrave; Agn&egrave;s, dans <em>L&rsquo;&Eacute;cole des femmes</em> de Moli&egrave;re &ndash; ruban qui, si l&rsquo;on s&rsquo;en souvient, d&eacute;signe d&eacute;j&agrave; par un quiproquo savoureux la virginit&eacute; peut-&ecirc;tre &laquo;&nbsp;endeuill&eacute;e&nbsp;&raquo; de la jeune fille. Pour les Am&eacute;ricains, le ruban r&eacute;f&egrave;re prioritairement &agrave; la chanson tr&egrave;s populaire &laquo;&nbsp;<em>She wore a yellow Ribbon</em>&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;elle portait un ruban jaune&nbsp;&raquo;), qui servira de titre au film de John Ford en 1949, lequel raconte l&rsquo;histoire d&rsquo;une jeune femme attendant le retour de son amoureux.</p> <p>Il n&rsquo;est en fait question ici que de tenir un discours de v&eacute;rit&eacute;, seul capable d&rsquo;accompagner la morte jusqu&rsquo;au bout de son chemin terrestre &ndash; avant de la remettre pour toujours &agrave; une autre mandature&nbsp;; ce discours, c&rsquo;est la <em>parresia</em>&hellip; et les &laquo;&nbsp;parr&eacute;siastes&nbsp;&raquo; opposent &agrave; la corruption de toute chair, surtout jeune et sacrificielle, l&rsquo;&eacute;vidence de leur <em>tekhn&eacute;</em> &ndash; mariant le myth&egrave;me de la N&eacute;m&eacute;sis (d&eacute;esse du juste partage, et donc de la vengeance) &agrave; celui de Tisiphone (furie arm&eacute;e de fouets, et charg&eacute;e de ch&acirc;tier, au fond de l&rsquo;Had&egrave;s, les meurtriers).</p> <p>De nombreuses s&eacute;ries fantastiques r&eacute;centes nous confrontent, en effet, &agrave; la survie des jeunes morts &ndash; survie spectrale dans <em>Afterlife</em> (pour Alison Mundy), <em>Medium</em> (pour Allison Dubois) et <em>Ghost Whisperer</em> (pour Melinda Gordon), physiologique dans <em>Les Revenants</em>, <em>In the Flesh</em> ou <em>Walking</em> <em>Dead</em>&hellip; mais d&rsquo;autres encore croisent deux ancrages <em>a priori</em> antinomiques&nbsp;: par exemple le r&eacute;cit d&rsquo;autopsie et la &laquo;&nbsp;surnaturelle&nbsp;&raquo; vie des morts&nbsp;; cette hybridation g&eacute;n&eacute;rique retransforme les cadavres en v&eacute;ritables acteurs de l&rsquo;enqu&ecirc;te, puisqu&rsquo;ils demandent r&eacute;paration ou, tout simplement, s&rsquo;en remettent au l&eacute;giste pour repartir 24 heures en arri&egrave;re et emp&ecirc;cher ainsi leur meurtre&hellip; (Jon Harmon Feldman, <em>Tru Calling, Compte &agrave; rebours</em>, USA, 2003). L&rsquo;intercession s&rsquo;accomplit donc sous une ferme centrip&egrave;te&nbsp;: aider &agrave; revenir sur terre, &agrave; r&eacute;-habiter son corps, &agrave; renouer le fil de sa vie<a href="#nbp21" id="footnoteref21_uxz6zhu" name="liennbp21" title="La série britannique The Fades (Jack Thorne, 2011) véhicule un autre message : les morts invisibles nous environnent, et il faut les empêcher de ressusciter pour anéantir les vivants ; heureusement, un « élu », Paul, les voit et lutte contre le plus maléfique d’entre eux.">21</a>.</p> <p>Cette r&eacute;cente figuralit&eacute; d&rsquo;enfants revenants, de jeunes spectres &agrave; demi bienveillants, &agrave; demi inqui&eacute;tants, suscite la perplexit&eacute; de William Marx&nbsp;: &laquo;&nbsp;Alors, mort de la litt&eacute;rature ou bien r&eacute;surrection&nbsp;? On le sait au moins depuis <em>&OElig;dipe roi</em>&nbsp;: bien des proph&eacute;ties provoquent leur propre accomplissement. Cassandre, n&rsquo;est-elle pas l&rsquo;autre nom de la fiction et de la litt&eacute;rature&nbsp;: celle qui dit le vrai sans qu&rsquo;on ose y croire?&nbsp;<a href="#nbp22" id="footnoteref22_z86lb0c" name="liennbp22" title="Marx William, « Ci-gît et renaît la littérature », in Le Magazine Littéraire n° 525, dossier « Ce que la littérature sait de la mort », novembre 2012, p. 79.">22</a>&raquo;.</p> <p>Proche de Bella Swan par la p&acirc;leur, le caract&egrave;re hybride et la destin&eacute;e incertaine, a surgi Olivia &laquo;&nbsp;Liv&nbsp;&raquo; Moore, une fille-zombie ravissante mais morte-vivante, qui a trouv&eacute; dans un IML mati&egrave;re &agrave; se nourrir (elle d&eacute;vore les cerveaux des morts, acqu&eacute;rant au passage leurs qualit&eacute;s propres). Engag&eacute;e par le l&eacute;giste Ravi Chakrabarti, elle se d&eacute;bat sentimentalement entre son ex-fianc&eacute; Major, et son alter ego zombie Blaine&hellip; Il s&rsquo;agit donc d&rsquo;une &laquo;&nbsp;<em>zom-com</em>&nbsp;&raquo;, une com&eacute;die zombique plus fantastique/fantaisiste que terrifiante. (<em>i</em><em>ZOMBIE</em><a href="#nbp23" id="footnoteref23_jwotjke" name="liennbp23" title="Série télévisée américaine développée par Rob Thomas (auteur de Veronica Mars) et Diane Ruggiero-Wright d’après la série de comic book éponyme de Chris Roberson et Mike Allred, et diffusée depuis le 17 mars 2015 sur le réseau The CW. (programmation sur France 4 à la rentrée 2015).">23</a><em>)</em>, sp&eacute;cialis&eacute;e dans le &laquo;&nbsp;burlesque atroce&nbsp;&raquo; (saison 1, &eacute;pisode 2) &ndash; sorte de transposition innocente de <em>Hannibal</em>.</p> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="667" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/492685.jpg" width="500" /></p> <p>On notera le g&eacute;n&eacute;rique BD (tr&egrave;s dr&ocirc;le, en partie d&eacute;j&agrave; utilis&eacute; dans <em>Desperate Housewives)</em>&hellip; En fait, tout est d&eacute;j&agrave; un peu utilis&eacute; ailleurs de toute fa&ccedil;on, avec des bulles pour retracer les diff&eacute;rentes &eacute;tapes (contagion, r&eacute;veil) du processus. Il y a m&ecirc;me un autre zombie, blond comme l&rsquo;&eacute;tait le Spike de <em>Buffy</em>, Blaines&nbsp;: David Anders&nbsp;; la sc&egrave;ne augurale est soign&eacute;e&nbsp;: Liv se r&eacute;veille en sac mortuaire, super-p&acirc;le, et vomit. Le policier qui la voit se sauve, persuad&eacute; d&rsquo;avoir mis une femme vivante dans une housse de morgue&nbsp;; en fait, oui et non&nbsp;<em>: &laquo;&nbsp;BUT I AM A ZOMBIE&nbsp;!</em>&nbsp;&raquo; est le leitmotiv qui vient scander toutes ses tentatives de retrouver une vie normale. Elle va faire &eacute;quipe avec Clive Babineaux, d&eacute;tective afro-am&eacute;ricain d&eacute;sabus&eacute; qui la croit m&eacute;dium&nbsp;: ainsi se trouve activ&eacute; un trio blanche-indien-noir, bonne image du <em>melting-pot</em>. Se croisent les r&eacute;miniscences d&rsquo;autres &laquo;&nbsp;grandes&nbsp;&raquo; s&eacute;ries, <em>Dollhouse </em>pour les dons soudains, <em>Tru Calling</em> pour les flashs m&eacute;moriels li&eacute;s aux tranches de cerveau.</p> <p>Puisque &laquo;&nbsp;ce qui est enfoui finit toujours par refaire surface&nbsp;<a href="#nbp24" id="footnoteref24_6s4fjpy" name="liennbp24" title="Jacques Morice, Télérama n°3313, 10/7/2013, p. 110.">24</a>&raquo;, la s&eacute;rialit&eacute; &laquo;&nbsp;<em>bit lit</em>&nbsp;&raquo; serait-elle en charge d&rsquo;une spiritualit&eacute; d&eacute;sormais opaque&nbsp;? Selon J.B. Pontalis dans <em>Travers&eacute;e des ombres</em>, &laquo;&nbsp;il nous faut croiser bien des revenants [&hellip;] converser avec bien des morts, donner la parole &agrave; bien des muets, [&hellip;] pour enfin, peut-&ecirc;tre trouver une identit&eacute; qui, si vacillante soit-elle, tienne et nous tienne&raquo;. C&rsquo;est pourquoi la s&eacute;rie de Bryan Fuller, <em>Pushing daisies </em>(2007), tient un discours in&eacute;dit sur la mort&nbsp;: le h&eacute;ros, Ned, a la facult&eacute; de r&eacute;veiller les morts en les touchant mais aussi celle de les replonger dans le n&eacute;ant en cas de second contact&nbsp;! Chaque r&eacute;surrection se prolongeant plus d&rsquo;une minute entra&icirc;ne in&eacute;luctablement une autre mort&nbsp;: amen&eacute; &agrave; ressusciter son amour de jeunesse, Chuck, il ne peut se r&eacute;soudre &agrave; la perdre de nouveau, lui sacrifiant un innocent. Le journaliste Lucas Armati, critique dans <em>T&eacute;l&eacute;rama</em>, r&eacute;sume avec pertinence le caract&egrave;re exceptionnel de cette s&eacute;rie m&eacute;connue&nbsp;: &laquo;&nbsp;Version fantastique des <em>Experts</em>&nbsp;? Non, car l&rsquo;emballage policier s&rsquo;effrite vite pour livrer un conte kitsch, hyper visuel et attachant sur l&rsquo;amour impossible de deux &ecirc;tres qui ne peuvent se toucher sous peine de mort&nbsp;&raquo;.</p> <p>Ce &laquo;&nbsp;myst&egrave;re&nbsp;&raquo; pressenti autour du retour, ou de la survie, des morts s&rsquo;actualise puissamment dans <em>Forever</em> (ou <em>&Eacute;ternel</em> au Qu&eacute;bec<a href="#nbp25" id="footnoteref25_0rr93cd" name="liennbp25" title="Série télévisée américaine comportant 22 épisodes de 42 minutes créée par Matt Miller, diffusée entre le 22 septembre 2014 et le 5 mai 2015 sur le réseau ABC aux États-Unis et 25 heures en avance sur le réseau CTV au Canada ; et en France : du 28 avril 2015 au 16 juin 2015 sur TF.">25</a>). De la m&ecirc;me fa&ccedil;on qu&rsquo;on a assist&eacute; au retour du tandem Mulder et Scully sur la Fox &ndash; et donc au retour des autopsies bizarro&iuml;des de la l&eacute;giste Scully (<em>X-Files</em>) &ndash; on suit l&rsquo;&eacute;l&eacute;gant l&eacute;giste (il est britannique, ce que surlignent son go&ucirc;t pour les &eacute;charpes en cachemire et son accent snob) dans son &eacute;ternit&eacute; douloureuse, comme le signale la journaliste Nathalie Schuck&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le docteur Henry Morgan (Ioan Gruffudd) est immortel depuis d&eacute;j&agrave; deux si&egrave;cles. Il en ignore la raison et n&rsquo;accepte pas cet &eacute;tat myst&eacute;rieux. [&hellip;] Dans sa vie pr&eacute;sente, il est m&eacute;decin l&eacute;giste &agrave; New York, ce qui lui permet d&rsquo;&eacute;tudier la mort sous toutes ses formes pour comprendre pourquoi il ne peut passer dans l&rsquo;au-del&agrave; &raquo; <em>(&laquo;&nbsp;Forever </em>d&eacute;gaine son h&eacute;ros immortel &raquo;).</p> <p>&nbsp;</p> <h2><strong>3. L&rsquo;agencement de l&rsquo;innommable&nbsp;?</strong></h2> <p>&nbsp;</p> <p>&laquo;&nbsp;Comme au d&eacute;but de toute r&eacute;volution, nous ne percevons pas encore les formes du monde futur, pris que nous sommes dans l&rsquo;effarement face &agrave; ce que nous voyons dispara&icirc;tre sous nos yeux, assis au milieu des d&eacute;bris du monde pass&eacute;, incapables d&rsquo;imaginer l&rsquo;avenir<a href="#nbp26" id="footnoteref26_ahsm4m5" name="liennbp26" title="Frédéric Martel, op.cit., p. 443.">26</a> &raquo;.</p> <p>En somme, les distinctions aristot&eacute;liciennes entre des modes d&rsquo;&eacute;nonciation tels que le narratif et le repr&eacute;sentatif seraient probablement op&eacute;rationnelles pour red&eacute;finir le champ de nos thanato-repr&eacute;sentations. Des r&eacute;cits en mutation pourraient s&rsquo;y mouvoir plus librement tout en connaissant les fronti&egrave;res qu&rsquo;ils franchissent et les territoires qu&rsquo;ils annexent. Tout se passe comme si le r&ecirc;ve de totalit&eacute; cher aux Romantiques retrouvait ici une vigueur inattendue : la recherche d&rsquo;un genre absolu s&rsquo;accommodant pourtant d&rsquo;une pr&eacute;sentation morcel&eacute;e et discontinue d&rsquo;un r&eacute;el lui-m&ecirc;me fragment&eacute;.</p> <p>Il n&rsquo;en demeure pas moins que ce qui pr&eacute;vaut aujourd&rsquo;hui, comme &laquo;&nbsp;<em>adynaton</em>&nbsp;&raquo; majeur de la repr&eacute;sentation d&eacute;viante du corps adolescent, reste le zombie&hellip; Popularis&eacute; &ndash; comme nous venons de le dire &ndash; par la s&eacute;rie <em>I&rsquo;M Zombie</em>, ce r&ocirc;le conna&icirc;t une formidable recrudescence, que ce soit dans &laquo;&nbsp;<em>God bless Zombies</em>&nbsp;&raquo; webs&eacute;rie fran&ccedil;aise de 6 &eacute;pisodes de Paul Germain sur plateforme internet MyTF1, tourn&eacute;e &agrave; Caen (novembre 2015), ou dans le roman <em>Zombie Nostalgie</em> (Acte Sud, &eacute;crit par le norv&eacute;gien Oystein Stene), qui raconte l&rsquo;histoire d&rsquo;un pays insulaire (dissimul&eacute; par les autres &Eacute;tats) nomm&eacute; Labofnia&nbsp;; le h&eacute;ros, Johannes van der Linden, essaie de sauver des jeunes gens parqu&eacute;s comme les aliens dans <em>District 9</em>&hellip; On renverra pour &laquo;&nbsp;suppl&eacute;ment d&rsquo;informations&nbsp;&raquo; &agrave; l&rsquo;article de Louise Flor&egrave;s intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Pourquoi on voit des zombies partout&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; ludique, tr&egrave;s document&eacute;, il incite &agrave; tirer, de cet amoncellement h&eacute;t&eacute;roclite mais cibl&eacute;, un enseignement &agrave; la mesure du ph&eacute;nom&egrave;ne&nbsp;: &laquo;&nbsp;Au-del&agrave; de son c&ocirc;t&eacute; exutoire, le monstre nous touche parce qu&rsquo;il cristallise l&rsquo;homme devant la mort&nbsp;; &laquo;&nbsp;Il est la maladie et le temps qui passe&nbsp;&raquo;, poursuit Thierry Mornet [&hellip;]. Une sorte d&rsquo;incarnation de la maladie d&rsquo;Alzheimer qu&rsquo;il ferait bon massacrer, en somme&nbsp;<a href="#nbp27" id="footnoteref27_c36i5ag" name="liennbp27" title="Louise Florès, « Pourquoi on voit des zombies partout ?, Marie-France, janvier 2013, p. 70.">27</a>&raquo;.</p> <p>Plus r&eacute;cemment encore, plusieurs <em>opus</em> ont prolong&eacute; d&rsquo;une fa&ccedil;on originale et int&eacute;ressante cette veine zombie&nbsp;; r&eacute;solument tourn&eacute;e vers le public adolescent, l&rsquo;&oelig;uvre de Jonathan Levine <em>Warm Bodies (Renaissance)</em> raconte les amours difficiles entre un jeune zombie et une ravissante humaine. De la m&ecirc;me veine, une autre r&eacute;ussite, la s&eacute;rie britannique <em>In the flesh</em> (Dominic Mitchell, 2013-2015), d&eacute;crit le difficile retour &agrave; la vie &laquo;&nbsp;normale&nbsp;&raquo; (&nbsp;?) d&rsquo;un zombie r&eacute;habilit&eacute;, jeune mort-vivant suicid&eacute; quatre ans avant et soucieux malgr&eacute; tout de reprendre la vie commune avec sa famille&nbsp;; Kieren Walker porte fond de teint et lentilles de couleur pour ne pas effrayer son entourage, deux fois traumatis&eacute;&nbsp;: par sa mort&hellip; et par sa r&eacute;surrection&nbsp;! Beaucoup plus proche, par la th&eacute;matique intimiste, des <em>Revenants</em> fran&ccedil;ais que des <em>Walking Dead</em> am&eacute;ricains, chaque saison ne comporte que trois &eacute;pisodes&nbsp;: le succ&egrave;s critique salue d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; &laquo;&nbsp;un patient et captivant r&eacute;cit sur le pardon et le courage d&rsquo;exister [&hellip;] en attendant la suite&nbsp;&raquo;. Le m&ecirc;me Pierre Langlais souligne toute la cruaut&eacute; et la possible d&eacute;sesp&eacute;rance de ce sort terrible : &laquo;&nbsp;Kieren aura 18 ans pour le restant de sa vie &ndash; ou de sa mort. Son entr&eacute;e dans l&rsquo;&acirc;ge adulte est repouss&eacute;e pour toujours. Sa chair, &agrave; l&rsquo;&acirc;ge o&ugrave; elle devrait fleurir, est fl&eacute;trie&nbsp;<a href="#nbp28" id="footnoteref28_8148hfi" name="liennbp28" title="Pierre Langlais, « Moi, zombie, 18 ans, mal dans ma peau », dans Télérama, n° 3336-3337, 18/12/13, p. 186.">28</a>&raquo;, pour conclure quelques pages plus loin son analyse&nbsp;: &laquo;&nbsp;Une r&eacute;ussite troublante et crue, aux accents soci&eacute;taux, un peu comme si Ken Loach s&rsquo;&eacute;tait aventur&eacute; dans le genre horrifique&nbsp;<a href="#nbp29" id="footnoteref29_ltgggcj" name="liennbp29" title="Op. cit., p. 216.">29</a>&raquo;. Le brutal &laquo;&nbsp;<em>rotten</em>&nbsp;&raquo; dont le qualifient, dans la version originale, les opposants (&laquo;&nbsp;pourri&nbsp;!&nbsp;&raquo;) est &agrave; peine att&eacute;nu&eacute; par la traduction, puisque en fran&ccedil;ais les zombies sont appel&eacute;s les &laquo;&nbsp;putr&eacute;fi&eacute;s&nbsp;&raquo;&nbsp;: l&rsquo;incommensurabilit&eacute; est la m&ecirc;me.</p> <p>M&eacute;taphore, analogie, all&eacute;gorie&hellip;, les r&eacute;gimes d&rsquo;images se superposent dans les &laquo;&nbsp;visuels&nbsp;&raquo; de ces s&eacute;ries, litt&eacute;raires ou filmiques, et cr&eacute;ent un objet ind&eacute;pendant&nbsp;: un objet de consommation, certes, mais un objet qui &laquo;&nbsp;pense&nbsp;&raquo;, un objet pensant (pour reprendre les positions de G&eacute;rard Wajcma<a href="#nbp30" id="footnoteref30_xoi3k83" name="liennbp30" title="Voir Gérard Wacjman, Les experts, la police des morts, PUF, Paris, 2012.">30</a>).</p> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="431" src="https://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/DVD-covers-twilight.jpg" width="600" /></p> <p>Par comparaison, la grande fixit&eacute; des jaquettes de DVD &nbsp;mime les g&eacute;n&eacute;riques des s&eacute;ries t&eacute;l&eacute;vis&eacute;es qui rassemblent les personnages dans une sorte de pr&eacute;cipit&eacute; de leurs postures et activit&eacute;s principales&nbsp;; souvent tourn&eacute;s vers nous mais en point de fuite, les h&eacute;ros nous convient tacitement &agrave; venir les rejoindre, install&eacute;s dans une anaphore r&eacute;somptive des situations r&eacute;ciproques&nbsp;: ni r&eacute;alistes, ni abstraites, ces imageries puisent leur efficace dans l&rsquo;engouement plan&eacute;taire pour le <em>casting</em> &ndash; qui a donc remplac&eacute; l&rsquo;impersonnalit&eacute; des premi&egrave;res couvertures. A l&rsquo;arri&egrave;re-plan, on distingue, comme par une sorte de bande-annonce fix&eacute;e dans l&rsquo;espace, les autres protagonistes mineurs, et quelques-uns des &laquo;&nbsp;moments forts&nbsp;&raquo;.</p> <p>Il est vrai qu&rsquo;on souligne souvent la &laquo;&nbsp;bassesse&nbsp;&raquo; des objets et la &laquo;&nbsp;hauteur&nbsp;&raquo; du sujet, mais ici les deux choix excipent d&rsquo;une m&ecirc;me pertinence&nbsp;: agencer l&rsquo;innommable, ou plut&ocirc;t l&rsquo;in-nomm&eacute;&nbsp;; le c&oelig;ur de cible de <em>Twilight</em>, plus f&eacute;minin, que masculin, re&ccedil;oit comme les pi&egrave;ces d&rsquo;un puzzle &agrave; interpr&eacute;ter et &agrave; reconstituer les messages successifs des compositions de couvertures&nbsp;: le ruban d&eacute;chiquet&eacute;, encore lui, renvoie &agrave; tout un engramme in&eacute;puisable de perte, de rupture, d&rsquo;attachement d&eacute;li&eacute; et d&eacute;nou&eacute;, et rejoint par syllepse herm&eacute;neutique, la &laquo;&nbsp;cruche cass&eacute;e<a href="#nbp31" id="footnoteref31_msgj249" name="liennbp31" title="Jean-Baptiste Greuze, entre 1772 et 1774 : une jeune fille, cotillon relevé sur une brassée d’œillets, ne sait quoi faire de ses fleurs une fois cassée la cruche qui devait les accueillir…">31</a> &raquo; de Greuze (un peu moins celle de Kleist<a href="#nbp32" id="footnoteref32_rlig4b9" name="liennbp32" title="La pièce Die zerbrochene Krug fut écrite en 1808.">32</a>), ou les allusions grivoises de Beaumarchais dans <em>Le Mariage de Figaro</em> : &laquo;&nbsp;tant va la cruche &agrave; l&rsquo;eau qu&rsquo;&agrave; la fin elle&hellip; s&rsquo;emplit&nbsp;&raquo;.</p> <p>Les quatre tableaux formant couverture ont &eacute;t&eacute; imm&eacute;diatement adoub&eacute;s par une communaut&eacute; lectante, partageant une po&eacute;ticit&eacute; &eacute;l&eacute;mentaire mais efficace&nbsp;; voici d&rsquo;ailleurs ce qu&rsquo;en dit textuellement l&rsquo;auteur, Stephenie Meyer&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le pomme sur la couverture de <em>Fascination</em> est &agrave; la fois le symbole du fruit d&eacute;fendu et le symbole du choix, le ruban d&rsquo;<em>H&eacute;sitation</em> repr&eacute;sente l&rsquo;impossibilit&eacute; de laisser son pass&eacute; derri&egrave;re soi, et la couverture de <em>R&eacute;v&eacute;lation</em> symbolise l&rsquo;&eacute;volution de Bella dans la s&eacute;rie&nbsp;<a href="#nbp33" id="footnoteref33_ukcdl72" name="liennbp33" title="Voir interview de Stéphanie Meyer sur http://www.lecture-academy.com/stephenie-meyer-vous-a-repondu/#.V58WsI7zY4A">33</a>&raquo;&nbsp;; on apprend incidemment que le troisi&egrave;me visuel a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute; sans l&rsquo;avis de l&rsquo;auteure, ce qui ne l&rsquo;invalide en rien, d&rsquo;ailleurs. La nouvelle d&eacute;riv&eacute;e <em>d&rsquo;Eclipse,</em> <em>L&rsquo;appel du sang</em><a href="#nbp34" id="footnoteref34_956rosm" name="liennbp34" title="Stephenie Meyer, L’Appel du sang, trad. par Luc Rigoureau, Paris, Hachette, 2010.">34</a> (titre &agrave; l&rsquo;explicite agressif, nullement contenu dans l&rsquo;original, plus &laquo;&nbsp;<em>soft</em>&nbsp;&raquo; et plus myst&eacute;rieux&nbsp;: <em>The short second life of Bree Tanner)</em> s&rsquo;orne d&rsquo;ailleurs d&rsquo;un sablier au sable rouge, parfaite transition entre le temps humain, mesur&eacute; et compt&eacute;, et l&rsquo;&eacute;ternit&eacute; vampirique &ndash; qui immobilise les lignes et fige le pr&eacute;sent en destin.</p> <p>Dans un registre mineur, la multiplication des adolescents vampires dans les <em>short com</em> (toujours suffisamment glamour pour ne pas susciter l&rsquo;horreur pure, mais assez inqui&eacute;tants pour marquer la rupture avec la norme) nous renvoie aussi &agrave; la m&ecirc;me mode &laquo;&nbsp;<em>bit lit</em>&nbsp;&raquo;, dont la canadienne &laquo;&nbsp;<em>Ma baby-sitter est un vampire</em>&nbsp;<a href="#nbp35" id="footnoteref35_36k9aq1" name="liennbp35" title="Série canadienne de 26 épisodes de 22 min, 2 saisons (2011-2012), créée par Bruce McDonald et inspirée du téléfilm éponyme, sorti en 2010 (My Babysitter’s a Vampire). Elle narre les aventures de Sarah, entourée de ses amis Ethan, Benny, Erica et Roy.">35</a>&raquo; ou la colombienne &laquo;&nbsp;<em>Chica Vampiro</em>&nbsp;<a href="#nbp36" id="footnoteref36_eairyui" name="liennbp36" title="Créée par Marcela Citterio, cette télénovela de 120 épisodes de 45 min chacun (mars-novembre 2013) raconte les amours et les catastrophes de Daisy, jeune vampire dont l’amoureux humain, Max, ignore tout de sa condition.">36</a>&raquo; sont de charmants &eacute;pigones.</p> <p>Ces s&eacute;ries sont surplomb&eacute;es par la puissante ambigu&iuml;t&eacute; qui gouverne notre confrontation au corps mort, au corps du mort, et rev&ecirc;tent une figure arch&eacute;typique particuli&egrave;rement riche en enseignement&nbsp;: la fascination &eacute;pouvant&eacute;e pour l&rsquo;objet-cadavre (et son cort&egrave;ge de fictions exorcisantes sur les spectres, zombies, vampires, revenants&hellip; qui en sont la textualisation fantasmagorique). Certaines s&eacute;ries cependant acceptent aussi d&rsquo;engager le spectateur sur la voie de la d&eacute;ception&nbsp;: en effet, ni la foi ni le discours posthumaniste n&rsquo;&eacute;liminent les incertitudes de la responsabilit&eacute; ou des difficult&eacute;s relationnelles. Il semble donc en d&eacute;finitive que le transgenre vampirique soit particuli&egrave;rement en ad&eacute;quation avec l&rsquo;esprit de l&rsquo;&eacute;poque, et son esth&eacute;tique disparitionniste.&nbsp;&Eacute;voquons bri&egrave;vement pour clore ce chapitre quelques autres couvertures, appartenant au m&ecirc;me canon &nbsp;: les nov&eacute;lisations<a href="#nbp37" id="footnoteref37_iinensf" name="liennbp37" title="Aux éditions M6-Fleuve Noir.">37</a> de <em>Buffy</em> mettent en surexposition le visage de Sarah Michelle Gellar, <em>Vampire diaries</em><a href="#nbp38" id="footnoteref38_irewur4" name="liennbp38" title="Aux éditions américaines Harperteen.">38</a> commence par le m&ecirc;me choix iconique que <em>Twilight</em> (objets crypt&eacute;s&nbsp;: cl&eacute;, plume, pomme &agrave; demi croqu&eacute;e, bougie, toujours tach&eacute;es de sang, en trichromie blanc/rouge/noir), puis propose rapidement, au fil des r&eacute;&eacute;ditions, des visages jeunes et sexy en couvertures &ndash; plus ou moins inspir&eacute;s des acteurs de la s&eacute;rie&nbsp;; enfin <em>True Blood</em> (en fait <em>La Communaut&eacute; du Sud</em> de Charlaine Harris) refuse toute euph&eacute;misation (visage f&eacute;minin en tr&egrave;s gros plan, l&eacute;chant d&rsquo;une langue cramoisie du sang qui d&eacute;gouline &agrave; la commissure des l&egrave;vres, avec vue sur croc surnum&eacute;raire &agrave; gauche de la m&acirc;choire<a href="#nbp39" id="footnoteref39_zcrd9t9" name="liennbp39" title="Aux éditions britanniques Gollancz, Orion Publishing.">39</a>). Mais nous sortons alors des litt&eacute;ratures pour adolescents, et la comparaison s&rsquo;&eacute;teint d&rsquo;elle-m&ecirc;me.</p> <p>&nbsp;</p> <p>En conclusion, il semble bien que la question de la valeur esth&eacute;tique du genre se pose. Disons qu&rsquo;il est indispensable d&rsquo;&eacute;tendre la notion d&rsquo;acceptabilit&eacute; &agrave; des marges autrefois exclues de la lecture et de la critique, &agrave; condition que ces accompagnements aient pour objectif de mettre en lumi&egrave;re le travail du texte proprement dit. En ce qui concerne l&rsquo;observation des forces et enjeux qui disent le contexte &eacute;nonciatif des images, leur accueil dans le public et plus largement toutes les relations qui les unissent &agrave; la soci&eacute;t&eacute;, la prise en compte des choix de couvertures semble l&eacute;gitime et indispensable, pour une acception &eacute;largie de la notion d&rsquo;art, certes, mais &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur duquel des fronti&egrave;res persistent, et pour une inscription de ce genre (la &laquo;&nbsp;bit-lit&nbsp;&raquo;) dans un tissu social (ou paratopie) complexe, n&eacute;cessaire et probl&eacute;matique, comme l&rsquo;indique Pierre Barb&eacute;ris&nbsp;: &laquo;&nbsp;Aussi la critique moderne a-t-elle habilit&eacute; le fragment et le brouillon, l&rsquo;avant-texte ou le p&eacute;ri-texte et ne s&rsquo;en tient-elle plus aux chefs-d&rsquo;&oelig;uvre en majest&eacute; des institutions<a href="#nbp40" id="footnoteref40_dbnq7f9" name="liennbp40" title="Pierre Barbéris, « La sociocritique », dans Introduction aux méthodes critiques pour l’analyse littéraire, Paris, Bordas, 1990.">40</a>&raquo;.</p> <p>Ouvrir un livre, aller au-del&agrave; de l&rsquo;illustration, tapageuse ou absconse, de la couverture, n&eacute;cessite que soit franchi un seuil, et que l&rsquo;appel du visuel ne soit ni trop singularisant, ni trop universel&nbsp;; c&rsquo;est cette transaction que semble bien r&eacute;ussir l&rsquo;entreprise de monstration contemporaine du jeune non-mort, ou d&eacute;j&agrave;-mort, ou devant mourir&hellip; Ornementation de dentelle noire quasi sculpt&eacute;e dans la couverture, larmes de sang au coin des lettres, mise en tensions de tous les poncifs du d&eacute;cor gothique ob&eacute;issent &agrave; la logique de la collection, en r&eacute;-assemblant autrement chaque fragment visuel du paradigme &laquo;&nbsp;bit-lit&nbsp;&raquo;&nbsp;; l&rsquo;objet ainsi obtenu peut embl&eacute;matiser une g&eacute;n&eacute;ration, un sexe, une obsession, au-del&agrave; ou en-de&ccedil;&agrave; des crit&egrave;res habituels du &laquo;&nbsp;bon go&ucirc;t&nbsp;&raquo; ou de &laquo;&nbsp;l&rsquo;apport&nbsp;&raquo;, g&eacute;n&eacute;ralement associ&eacute; &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art.</p> <p>C&rsquo;est sans doute ce dilemme, entre trace et lumi&egrave;re, que r&eacute;arme et sugg&egrave;re la posture nouvelle de l&rsquo;<em>aca-fan</em>, hybride mais intellectuellement productive, telle que d&eacute;crite dans l&rsquo;&eacute;tude de Cristofari et Guitton&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les contraintes sont donc asym&eacute;triques&nbsp;: il suffit de se d&eacute;clarer fan pour l&rsquo;&ecirc;tre, mais s&rsquo;identifier en tant qu&rsquo;universitaire pr&eacute;suppose de rigoureusement effectuer un travail correspondant. Un <em>aca-fan</em> serait donc avant tout par d&eacute;finition un universitaire, par ailleurs int&eacute;gr&eacute; &agrave; une communaut&eacute; de fans, plut&ocirc;t qu&rsquo;occupant une position exactement interm&eacute;diaire ou hybride<a href="#nbp41" id="footnoteref41_yx8kswt" name="liennbp41" title="Cécile Cristofari et Matthieu J. Guitton, « L’aca-fan : aspects méthodologiques, éthiques et pratiques », Revue française des sciences de l’information et de la communication [En ligne], 7 | 2015, mis en ligne le 30 septembre 2015, consulté le 24 juillet 2016. URL : http://rfsic.revues.org/1651">41</a>&raquo;.</p> <p>&nbsp;</p> <p>(<em>T&amp;C, Universit&eacute; d&rsquo;Artois</em>)</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <h2>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</h2> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> G&eacute;rard Genette, <em>Seuils</em>, p. 8.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2</a> En r&eacute;f&eacute;rence &agrave; l&rsquo;ouvrage de Fr&eacute;d&eacute;ric Martel, <em>Mainstream, Enqu&ecirc;te sur cette culture qui pla&icirc;t &agrave; tout le monde</em>, Paris, Flammarion, 2010. Il est clair aussi que les couvertures ne &laquo;&nbsp;choquent&nbsp;&raquo; pas des publics plus sensibles que les occidentaux, et correspondent ainsi &agrave; la fois aux attentes d&rsquo;une &eacute;dition pour la jeunesse ET aux pudeurs de cultures plus r&eacute;serv&eacute;es.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a> Pour reprendre les mots, et la position, de Gracq : &laquo;&nbsp;A notre &eacute;poque o&ugrave; toute conception d&rsquo;art est sollicit&eacute;e par une incarnation double, triple et peut-&ecirc;tre m&ecirc;me quadruple [&hellip;], je crois pouvoir annoncer le temps o&ugrave; un <em>plus</em> d&eacute;cisif s&rsquo;attachera aux &oelig;uvres migrantes, &agrave; celles qu&rsquo;une forme d&rsquo;expression unique ne suffira plus &agrave; emprisonner&nbsp;&raquo;, <em>En lisant, en &eacute;crivant</em>, Paris, Corti, 1986.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> La conception originale est due &agrave; Gail Doobinin, et la r&eacute;alisation photographique &agrave; Roger Hagadonne, pour Little et Brown.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> On remarque tout de suite la v&eacute;nust&eacute; des visages et des corps, leur pose doucement provocante mais finalement hi&eacute;ratique.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a> La t&eacute;tralogie est publi&eacute;e &agrave; l&rsquo;origine aux &Eacute;tats-Unis par Little, Brown and Company, (New York) entre 2005 et 2008. Nous utiliserons d&eacute;sormais les abr&eacute;viations respectives suivantes : <em>Tw, Ec, NM et BD</em></p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Rappelons que c&rsquo;est le sens du mot &laquo;&nbsp;Nosferatu&nbsp;&raquo; (qui ne se peut nommer), titre et personnage &eacute;ponyme du film de Murnau.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8</a> Auteur en particulier de <em>Nous n&rsquo;avons jamais &eacute;t&eacute; modernes</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 1991.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a> Dans les ann&eacute;es 1960-1970, l&rsquo;&Eacute;cole de Constance (du nom d&rsquo;une ville du Sud de l&rsquo;Allemagne, en Bavi&egrave;re) va &eacute;tablir le canon de la &laquo;&nbsp;r&eacute;ception&nbsp;&raquo;, &agrave; partir d&rsquo;un texte &eacute;crit en 1967 par H. R. Jauss, intitul&eacute; <em>L&rsquo;Histoire litt&eacute;raire comme d&eacute;fi &agrave; la th&eacute;orie litt&eacute;raire, </em>adoss&eacute; aux travaux du polonais Roman Ingarden, (regard&eacute; comme le fondateur de l&rsquo;esth&eacute;tique ph&eacute;nom&eacute;nologique) comme &agrave; la r&eacute;flexion de Hans-Georg Gadamer, disciple de Heidegger et sp&eacute;cialiste de l&rsquo;herm&eacute;neutique. Les deux principaux chercheurs sont&nbsp;Wolfgang Iser (tenant de &laquo;&nbsp;l&rsquo;acte individuel de lecture&nbsp;&raquo;), et Hans-Robert Jauss (tenant de la &laquo;&nbsp;r&eacute;ponse publique au texte&nbsp;&raquo;).</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10</a> Anne-Sophie Warmont a attir&eacute; mon attention (qu&rsquo;elle en soit ici remerci&eacute;e&nbsp;!) sur le fait que l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne de <em>Pirates des Cara&iuml;bes </em>s&rsquo;appelle aussi Swann (Elizabeth&hellip;) et qu&rsquo;elle attendra son &eacute;poux, le Hollandais volant, tout au long de sa vie terrestre&hellip; Lui est devenu immortel, mais pas elle.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11</a> Isabella Marie Swan na&icirc;t le 13 septembre 1987 et s&rsquo;&eacute;teint le 10 septembre 2006, &agrave; l&rsquo;&acirc;ge de 19 ans. Edward Masen-Cullen, son &eacute;poux, est n&eacute; en 1901 et est mort de la grippe espagnole en 1918. Il a donc 17 ans pour l&rsquo;&eacute;ternit&eacute;.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12</a> Dominique Maingueneau, <em>Le Contexte de l&rsquo;&oelig;uvre litt&eacute;raire</em>, Dunod, 1993, p. 20. Il ajoute &laquo;&nbsp;l&rsquo;appartenance au champ litt&eacute;raire serait une difficile n&eacute;gociation entre le lieu et le non-lieu, une localisation parasitaire, qui vit de l&rsquo;impossibilit&eacute; m&ecirc;me de se stabiliser. Cette localisation particuli&egrave;re, nous la nommerons paratopie&nbsp;&raquo;&nbsp;; l&agrave; encore se dessinent des similitudes avec le &laquo;&nbsp;lieu&nbsp;&raquo; assign&eacute; &agrave; la bit-lit, sous-genre d&rsquo;un sous-genre, &eacute;mergeant pourtant et suscitant gloses et r&eacute;-articulations l&eacute;gitimantes.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> Guillermo del Toro,<em> The Strain</em>, 2014, deux saisons. D&eacute;capit&eacute;e dans l&rsquo;&eacute;pisode 4 de la saison 1, l&rsquo;enfant monstrueuse est en fait habit&eacute;e par un parasite anthropophage qui l&rsquo;a transform&eacute;e en simple incubateur. Elle n&rsquo;est donc plus &laquo;&nbsp;elle-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; quand Abraham Setrakian, le chasseur de vampire, l&rsquo;ex&eacute;cute pour l&rsquo;emp&ecirc;cher de nuire.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> &hellip; ou son prequel <em>Fear of the Walking Dead</em>.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> Le jeune interpr&egrave;te, Swann Nambotin, a acquis une renomm&eacute;e foudroyante et imm&eacute;diate, rel&eacute;guant dans l&rsquo;ombre quasiment l&rsquo;ensemble du casting.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> Seth Patrick, <em>Les Revenants</em>, trad. S&eacute;bastien Baert, Paris, Michel Lafon, 2015.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Brice Gu&eacute;rin, &laquo;&nbsp;Vampire&nbsp;&raquo;, p. 984-990, dans Val&eacute;rie Tritter (dir.), <em>Encyclop&eacute;die du fantastique</em>, Paris, Ellipses, 2010.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18</a> Voir Louis-Vincent Thomas, <em>La Mort en question&nbsp;: traces de morts, mort des traces</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 1991.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19</a> Ainsi que le distribue Roger Caillois dans <em>L&rsquo;Homme et le sacr&eacute;</em>, Paris, Gallimard 1970.</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a> Jacques Bouveresse,&nbsp;<em>Prodiges et vertiges de l&rsquo;analogie</em>, Paris, &Eacute;ditions Raisons d&rsquo;agir, 1999.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21</a> La s&eacute;rie britannique <em>The Fades</em> (Jack Thorne, 2011) v&eacute;hicule un autre message&nbsp;: les morts invisibles nous environnent, et il faut les emp&ecirc;cher de ressusciter pour an&eacute;antir les vivants&nbsp;; heureusement, un &laquo;&nbsp;&eacute;lu&nbsp;&raquo;, Paul, les voit et lutte contre le plus mal&eacute;fique d&rsquo;entre eux.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22</a> Marx William, &laquo;&nbsp;Ci-g&icirc;t et rena&icirc;t la litt&eacute;rature&nbsp;&raquo;, in <em>Le Magazine Litt&eacute;raire</em> n&deg; 525, dossier &laquo;&nbsp;Ce que la litt&eacute;rature sait de la mort&nbsp;&raquo;, novembre 2012, p. 79.</p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23</a> S&eacute;rie t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e am&eacute;ricaine d&eacute;velopp&eacute;e par Rob Thomas (auteur de Veronica Mars)&nbsp;et Diane Ruggiero-Wright d&rsquo;apr&egrave;s la s&eacute;rie de <em>comic book</em> &eacute;ponyme de Chris Roberson et Mike Allred, et diffus&eacute;e depuis le 17 mars 2015 sur le r&eacute;seau The CW. (programmation sur France 4 &agrave; la rentr&eacute;e 2015).</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24</a> Jacques Morice, <em>T&eacute;l&eacute;rama </em>n&deg;3313, 10/7/2013, p. 110.</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25</a> S&eacute;rie t&eacute;l&eacute;vis&eacute;e am&eacute;ricaine comportant 22 &eacute;pisodes de 42 minutes cr&eacute;&eacute;e par Matt Miller, diffus&eacute;e entre le 22 septembre 2014 et le 5 mai 2015 sur le r&eacute;seau ABC aux &Eacute;tats-Unis et 25 heures en avance sur le r&eacute;seau CTV au Canada&nbsp;; et en France&nbsp;: du 28 avril 2015 au 16 juin 2015 sur TF.</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26</a> Fr&eacute;d&eacute;ric Martel, <em>op.cit.</em>, p. 443.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27</a> Louise Flor&egrave;s, &laquo;&nbsp;Pourquoi on voit des zombies partout&nbsp;?, <em>Marie-France</em>, janvier 2013, p. 70.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28</a> Pierre Langlais, &laquo;&nbsp;Moi, zombie, 18 ans, mal dans ma peau&nbsp;&raquo;, dans <em>T&eacute;l&eacute;rama, n&deg;</em> 3336-3337, 18/12/13, p. 186.</p> <p><a href="#liennbp29" name="nbp29">29</a><em> Op. cit</em>., p. 216.</p> <p><a href="#liennbp30" name="nbp30">30</a> Voir G&eacute;rard Wacjman, <em>Les experts, la police des morts</em>, PUF, Paris, 2012.</p> <p><a href="#liennbp31" name="nbp31">31</a> Jean-Baptiste Greuze, entre 1772 et 1774&nbsp;: une jeune fille, cotillon relev&eacute; sur une brass&eacute;e d&rsquo;&oelig;illets, ne sait quoi faire de ses fleurs une fois cass&eacute;e la cruche qui devait les accueillir&hellip;</p> <p><a href="#liennbp32" name="nbp32">32</a> La pi&egrave;ce <em>Die zerbrochene Krug</em> fut &eacute;crite en 1808.</p> <p><a href="#liennbp33" name="nbp33">33</a> Voir interview de St&eacute;phanie Meyer sur <a href="http://www.lecture-academy.com/stephenie-meyer-vous-a-repondu/#.V58WsI7zY4A">http://www.lecture-academy.com/stephenie-meyer-vous-a-repondu/#.V58WsI7zY4A</a></p> <p><a href="#liennbp34" name="nbp34">34</a> Stephenie Meyer, <em>L&rsquo;Appel du sang,</em>&nbsp;trad. par Luc Rigoureau, Paris, Hachette, 2010.</p> <p><a href="#liennbp35" name="nbp35">35</a> S&eacute;rie canadienne de 26 &eacute;pisodes de 22 min, 2 saisons (2011-2012), cr&eacute;&eacute;e par Bruce McDonald et inspir&eacute;e du t&eacute;l&eacute;film &eacute;ponyme, sorti en 2010 (<em>My Babysitter&rsquo;s a Vampire</em>). Elle narre les aventures de Sarah, entour&eacute;e de ses amis Ethan, Benny, Erica et Roy.</p> <p><a href="#liennbp36" name="nbp36">36</a> Cr&eacute;&eacute;e par Marcela Citterio, cette <em>t&eacute;l&eacute;novela</em> de 120 &eacute;pisodes de 45 min chacun (mars-novembre 2013) raconte les amours et les catastrophes de Daisy, jeune vampire dont l&rsquo;amoureux humain, Max, ignore tout de sa condition.</p> <p><a href="#liennbp37" name="nbp37">37</a> Aux &eacute;ditions M6-Fleuve Noir.</p> <p><a href="#liennbp38" name="nbp38">38</a> Aux &eacute;ditions am&eacute;ricaines Harperteen.</p> <p><a href="#liennbp39" name="nbp39">39</a> Aux &eacute;ditions britanniques Gollancz, Orion Publishing.</p> <p><a href="#liennbp40" name="nbp40">40</a> Pierre Barb&eacute;ris, &laquo; La sociocritique&nbsp;&raquo;, dans <em>Introduction aux m&eacute;thodes critiques pour l&rsquo;analyse litt&eacute;raire</em>, Paris, Bordas, 1990.</p> <p><a href="#liennbp41" name="nbp41">41</a> C&eacute;cile Cristofari et Matthieu&nbsp;J. Guitton, &laquo;&nbsp;L&rsquo;<em>aca-fan</em>&nbsp;: aspects m&eacute;thodologiques, &eacute;thiques et pratiques&nbsp;&raquo;, <em>Revue fran&ccedil;aise des sciences de l&rsquo;information et de la communication</em> [En ligne], 7&nbsp;|&nbsp;2015, mis en ligne le 30 septembre 2015, consult&eacute; le 24 juillet 2016. URL&nbsp;: <a href="http://rfsic.revues.org/1651">http://rfsic.revues.org/1651</a></p>