<p>Artistique (fausses &oelig;uvres d&rsquo;art) ou historique (fausses archives, faux documents), la falsification &ndash; et ses cons&eacute;quences heuristiques, esth&eacute;tiques, &eacute;conomiques et politiques &ndash; est bien pr&eacute;sente dans le discours scientifique moderne et contemporain, notamment celui de l&rsquo;historien ou de l&rsquo;historien d&rsquo;art<a href="#nbp_1" id="footnoteref1_sbsj096" name="lien_nbp_1" title="En attestent les nombreux catalogues d’exposition publiés sur le sujet : Veri, falsi e ritrovati. Catalogo della mostra (Venezia, 17 giugno-7 settembre 2008), Venezia, Libreria Editrice Cafoscarina, 2008 ; Vrai ou faux ? Copier, imiter, falsifier. Catalogue de l’exposition du 6 mai au 29 octobre au Cabinet des Médailles, Paris, Bibliothèque Nationale, 1991 ; Mark Jones (dir.), Fakes? The Art of Deception, Catalogue d’exposition, Londres, British Museum publications, 1990 ; pour ne citer que quelques exemples.">1</a>. Il s&rsquo;agirait m&ecirc;me, pour citer Th. Lenain, d&rsquo;une &laquo;&nbsp;obsession<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_db2sptk" name="lien_nbp_2" title="Voir son ouvrage Art Forgery: the History of a Modern Obsession, Londres, Reaktion Books, 2011.">2</a>&nbsp;&raquo;, d&rsquo;une angoisse qui justifie le d&eacute;veloppement &agrave; la fois de techniques toujours plus fines de d&eacute;tection de la fraude<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_7f1sgx8" name="lien_nbp_3" title="Voir sur cette question Anthony Grafton, Forgers and Critics. Creativity and Duplicity in Western Scholarship, Princeton, Princeton University Press, 1990.">3</a>, et, corr&eacute;lativement, d&rsquo;un discours de condamnation et de d&eacute;nigrement du faussaire et de son &oelig;uvre<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_q229k68" name="lien_nbp_4" title="Voir par exemple le discours des commissaires Elizabeth Garouste et Mattia Bonnetti, dans le catalogue de l’exposition Vraiment faux à la Fondation Cartier de Jouy-en-Josas, les 11 juin-18 septembre 1988 (Jouy-en-Josas, Fondation Cartier pour l’art contemporain, 1988).">4</a>. Outre la persistance, dans le discours scientifique, de l&rsquo;image du faussaire comme artiste manqu&eacute; et frustr&eacute;, nombre de textes minimisent l&rsquo;impact de la falsification sur le march&eacute; de l&rsquo;art comme sur la recherche acad&eacute;mique, ou affirment,&nbsp;<em>in fine</em>, sa relative innocuit&eacute;&nbsp;: il n&rsquo;existerait pas de faux parfait<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_heanr1y" name="lien_nbp_5" title="Voir l’introduction de Marco Bona Castellotti dans Federico Zeri, Qu’est-ce qu’un faux ?, Marco Bona Castelloti (dir.), trad. Maël Renouard, Paris, Payot et Rivages, 2013, p. 9 sq.">5</a>,&nbsp;<em>l&rsquo;&oelig;il&nbsp;</em>finirait toujours, avec le temps, par triompher<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_dub62jo" name="lien_nbp_6" title="Voir par exemple Philippe Costamagna, Histoires d’œils, Paris, Grasset, 2016.">6</a>. Il en ressort, en filigrane, un portrait du faussaire &agrave; la fois fascinant par son g&eacute;nie mim&eacute;tique et m&eacute;diocre par son statut de p&acirc;le copiste, auquel l&rsquo;&eacute;rudit vient opposer la rigueur de son savoir et l&rsquo;acuit&eacute; de ses talents d&rsquo;observation.</p> <p>Mais un tel tableau fait l&rsquo;objet d&rsquo;une ind&eacute;niable remise en cause dans les fictions contemporaines qui mettent en sc&egrave;ne le faussaire ou son &oelig;uvre, en rendant &agrave; la figure tout son pouvoir de nuisance et de subversion&nbsp;: si le cr&eacute;ateur de faux n&rsquo;y est pas montr&eacute; bouleversant durablement l&rsquo;ordre social, ni d&rsquo;ailleurs les certitudes scientifiques, sa repr&eacute;sentation y demeure corrosive. D&rsquo;abord, parce qu&rsquo;elle exhibe les impens&eacute;s des discours scientifiques sur les falsificateurs&nbsp;: l&rsquo;&eacute;troite articulation du concept d&rsquo;authenticit&eacute; et du syst&egrave;me d&rsquo;attribution des &oelig;uvres &agrave; des enjeux de valorisation &eacute;conomique et de reconnaissance sociale&nbsp;; les limites de l&rsquo;autorit&eacute; de discours de savoir qui pr&eacute;tendent ne pas &ecirc;tre des discours de pouvoir&nbsp;; le retour en force, apr&egrave;s une p&eacute;riode de relativisme post-moderne, d&rsquo;une &eacute;thique de la v&eacute;rit&eacute; et de la sinc&eacute;rit&eacute;. Montrer le faussaire &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre reviendrait ensuite, jusqu&rsquo;&agrave; un certain point, &agrave; renvoyer l&rsquo;accusation d&rsquo;imposture du contrefacteur au savant. L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un faux ind&eacute;tect&eacute;, se confondant avec l&rsquo;archive authentique ou l&rsquo;&oelig;uvre de ma&icirc;tre, mine la pr&eacute;tention m&ecirc;me du d&eacute;positaire de l&rsquo;autorit&eacute; scientifique &agrave; dire le vrai. Se jouant des experts comme des institutions, d&eacute;construisant ou reconstruisant notre compr&eacute;hension contemporaine de l&rsquo;histoire ou de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art, les repr&eacute;sentations fictionnelles du faussaire, parce qu&rsquo;elles n&rsquo;h&eacute;sitent pas &agrave; recourir &agrave; des paradigmes similaires &agrave; ceux des th&eacute;ories du complot<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_z9zs3od" name="lien_nbp_7" title="Dans leur « Avant-Propos » au volume de la revue Diogène consacré aux théories du complot (Diogène, vol. 1, n°249-250, Presses Universitaires de France, 2015, p. 3-8, en ligne : https://www.cairn.info/revue-diogene-2015-1-p-3.htm, consulté le 10/01/18), Véronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard notent que la période contemporaine, marquée par la diffusion des théories du complot dans la culture de masse, produit des discours conspirationnistes fondés sur des caractéristiques récurrentes et aisément identifiables : « la dénonciation du ‘‘mensonge’’ ou de l’‘‘imposture’’ véhiculés par la ‘‘vérité officielle’’, la ‘‘révélation’’ ou le ‘‘dévoilement’’ d’une autre vérité (la ‘‘vérité cachée’’) » (p. 3). Ces caractéristiques fonctionnent comme le symétrique des discours anticonspirationnistes, qui recourent volontiers à l’accusation de mythe ou d’imposture et dont le « militantisme peut conduire […] à étendre abusivement la notion de théorie du complot à toute contestation d’un événement, alors que cette désignation devrait être réservée aux seules théories présentant une dimension historique et interprétant des pans entiers de l’Histoire, voire sa totalité, comme le résultat de l’intervention de ‘‘forces obscures’’. » (p. 4) Or, cet affrontement entre deux types de discours se réclamant de positions d’autorité institutionnnelles ou anti-institutionnelles, s’affrontant à travers des rapports de force construits autour de la notion d’imposture dans un champ social marqué par des systèmes de réappropriation ou de désappropriation de la valeur de véridicité n’est pas sans rappeler le fonctionnement des critiques romanesques portées contre l’attributionnisme, comme on le verra.">7</a>&nbsp;introduisent une inqui&eacute;tude dans notre rapport &agrave; des discours scientifiques d&eacute;nonc&eacute;s comme lacunaires, orient&eacute;s, inad&eacute;quats, et contre lesquels s&rsquo;organise une po&eacute;tique romanesque qui propose, plus qu&rsquo;une &eacute;thique de la v&eacute;rit&eacute;, une &eacute;thique de la responsabilit&eacute; du&nbsp;lecteur.</p> <p>Nous proposons donc un corpus d&rsquo;&oelig;uvres anglaises, italiennes et allemandes des ann&eacute;es 1990-2000 pour analyser la construction d&rsquo;un discours fictionnel sur l&rsquo;authenticit&eacute; et les syst&egrave;mes d&rsquo;authentification de l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art et de&nbsp;l&rsquo;archive comme r&eacute;&eacute;valuation des rapports entre fiction romanesque et litt&eacute;rature scientifique dans la litt&eacute;rature europ&eacute;enne contemporaine. Dans le roman policier de Iain Pears&nbsp;<em>The Raphael Affair</em>&nbsp;(1990), Flavia, membre d&rsquo;une unit&eacute; de la gendarmerie&nbsp;italienne dirig&eacute;e par le g&eacute;n&eacute;ral Bottando et sp&eacute;cialis&eacute;e dans le vol d&rsquo;&oelig;uvres d&rsquo;art, enqu&ecirc;te avec l&rsquo;historien d&rsquo;art Argyll pour prouver que le tableau de Rapha&euml;l &eacute;ponyme achet&eacute; une fortune par le Mus&eacute;e National est un faux de Jean-Luc Morneau.<em>&nbsp;Il Cimitero di Praga</em>&nbsp;d&rsquo;Umberto Eco (2010) fictionnalise les r&eacute;sultats des recherches de l&rsquo;auteur sur la gen&egrave;se des Protocoles des Sages de Sion, attribu&eacute;s au personnage fictif de Simonini. Enfin&nbsp;<em>F</em>&nbsp;(2013) de Daniel Kehlmann fait d&rsquo;Iwan Friedland, l&rsquo;un de ses trois protagonistes, un faussaire.</p> <p><strong>Les impens&eacute;s du discours scientifique&nbsp;: enjeux de valorisation &eacute;conomique et de reconnaissance sociale</strong></p> <p>D&eacute;tournant les clich&eacute;s li&eacute;s &agrave; la figure du faussaire, les romanciers contemporains pr&eacute;sentent des images de falsificateurs, capables de mettre &agrave; nu les impens&eacute;s du discours scientifique et l&rsquo;usage des m&eacute;thodes d&rsquo;attribution et d&rsquo;authentification comme outils de pouvoir politique, culturel, &eacute;conomique ou social. La peinture du monde de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art comme un milieu v&eacute;nal, mesquin, arriviste<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_d288af7" name="lien_nbp_8" title="Voir Federico Zeri, dans J’avoue m’être trompé. Fragments d’une autobiographie, avec la collaboration de Patrick Mauriès, Paris, Gallimard (Folio), 2002, p. 39 sq.">8</a>&nbsp;est un&nbsp;<em>topos</em>&nbsp;litt&eacute;raire des romans de faussaires, attach&eacute;s &agrave; d&eacute;montrer la pr&eacute;&eacute;minence des enjeux financiers sur les enjeux esth&eacute;tiques dans les circuits commerciaux et d&rsquo;expertise autour de l&rsquo;&oelig;uvre<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_3p1si49" name="lien_nbp_9" title="Voir plus bas le cas d’Iwan Friedman ; voir aussi dans Iain Pears, The Raphael Affair, New York, Penguin (Berkeley Prime Crime), 2001, p. 39, la peinture sardonique du monde des enchères et des marchands d’art.">9</a>. Deux attaques majeures sont port&eacute;es contre les historiens d&rsquo;art&nbsp;: d&rsquo;une part, leur discipline universitaire, telle qu&rsquo;ils la pratiquent, ignorerait la r&eacute;alit&eacute; de&nbsp;la production et de la commercialisation des &oelig;uvres d&rsquo;art, et ne proposerait donc de ces &oelig;uvres qu&rsquo;un savoir partiel&nbsp;; de l&rsquo;autre, leur collusion avec le march&eacute; de l&rsquo;art et des institutions politiques soucieuses de prestige national rendrait leur int&eacute;grit&eacute; douteuse<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_52ipri0" name="lien_nbp_10" title="Voir Federico Zeri, op. cit., p. 35, p. 36 ou p. 58.">10</a>. L&rsquo;attribution d&rsquo;une &oelig;uvre ne d&eacute;pendrait pas d&rsquo;une parole critique, ind&eacute;pendante, int&egrave;gre, mais de la construction d&rsquo;un discours&nbsp;<em>ad hoc&nbsp;</em>r&eacute;pondant directement aux besoins de sa commercialisation. Le cas d&rsquo;Iwan dans&nbsp;<em>F</em>&nbsp;est paradigmatique&nbsp;: il est &agrave; la fois expert d&rsquo;Heinrich Eulenb&ouml;ck, le peintre dont il falsifie les tableaux, vendeur de ses &oelig;uvres et g&eacute;rant de son trust. La structure du roman, qui juxtapose les narrations &agrave; la premi&egrave;re personne d&rsquo;Iwan et de ses deux fr&egrave;res, tous coupables d&rsquo;une forme d&rsquo;imposture (&eacute;conomique, religieuse, esth&eacute;tique), lui permet ainsi de pr&eacute;senter directement au lecteur, sur un ton sarcastique, les ressorts de sa manipulation du march&eacute; de l&rsquo;art&nbsp;:</p> <p><q>D&egrave;s qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;authentifier un Eulenb&ouml;ck, une personne a le dernier mot, et c&rsquo;est le pr&eacute;sident du trust Eulenb&ouml;ck, [&hellip;] c&rsquo;est-&agrave;-dire moi. [&hellip;] Dans six mois, la galerie de John Warsinsky proposera&nbsp;<em>Photo de vacances n&deg;</em>&nbsp;<em>9&nbsp;</em>&agrave; la vente [&hellip;] et le trust Eulenb&ouml;ck sera ensuite charg&eacute; de se prononcer sur son authenticit&eacute;. Chacun sait que le pr&eacute;sident du trust est aussi le vendeur [&hellip;]. Apr&egrave;s un examen approfondi, le trust [&hellip;] lui d&eacute;cernera le sceau d&rsquo;authenticit&eacute;, ce qui est d&rsquo;autant plus cr&eacute;dible que l&rsquo;expert principal d&rsquo;Eulenb&ouml;ck, c&rsquo;est-&agrave;-dire moi, a d&eacute;clar&eacute; il y a des ann&eacute;es qu&rsquo;il s&rsquo;agissait d&rsquo;une &oelig;uvre majeure et n&eacute;anmoins m&eacute;connue<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_j786gu2" name="lien_nbp_11" title="Daniel Kehlmann, F, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2013, p. 292 sq. : „Wo immer es um die Echtheit eines Eulenböck geht, gibt es eine Person, die das letzte Wort hat, und das ist der Vorstand des Eulenböck-Trusts, […] also ich. [...] In einem halben Jahr wird John Warsinskys Galerie Urlaubsfoto Nr.9 zum Verkauf anbieten […], dann wird der Eulenböck-Trust um eine Stellungnahme zur Echtheit gebeten werden. Jeder weiß, dass der Vorsitzende des Trusts auch der Verkäufer ist […]. Nach eingehender Prüfung wird der Trust dem Bild [...] das Siegel der Echtheit verleihen, was umso überzeugender ist, als der führende Eulenböck-Experte, also ich, das Bild schon vor Jahren als ein zu wenig bekanntes Hauptwerk bezeichnet hat.“, traduit par Juliette Aubert sous le titre Les Friedland, Arles, Actes Sud, 2014, p. 235.">11</a>.</q></p> <p>Une parole de v&eacute;rit&eacute; circulaire et autosuffisante se met ainsi en place, dont le contenu&nbsp;n&rsquo;est que fiction. Ainsi Iwan peut-il refuser ses propres tableaux, et authentifier des faux manifestes produits par d&rsquo;autres, pour faire figure &laquo;&nbsp;d&rsquo;autorit&eacute; caract&eacute;rielle et instable<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_8w0tupi" name="lien_nbp_12" title="Idem, p. 293 : „eine schwierige und erratische Autorität“, trad. cit. p. 236.">12</a>&raquo; et &eacute;loigner les soup&ccedil;ons de complaisance d&rsquo;&eacute;ventuels acheteurs&nbsp;: tout est &eacute;quivalent quand seule importe la construction d&rsquo;un&nbsp;<em>ethos</em>&nbsp;cr&eacute;dible d&rsquo;autorit&eacute;. Le caract&egrave;re arbitraire de ses d&eacute;cisions lui vaut toutefois de voir sa comp&eacute;tence d&rsquo;expert remise en doute, dans un renversement ironique de l&rsquo;imposture&nbsp;: ceux &ndash; marchands concurrents, critiques hostiles, acheteurs int&eacute;ress&eacute;s &ndash; qui pr&eacute;tendent l&rsquo;expert incomp&eacute;tent sont les m&ecirc;mes qui se laissent prendre au pi&egrave;ge du faussaire.</p> <p>Au c&oelig;ur, en effet, de la critique de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art par les fictions de faussaire se situe la question de l&rsquo;attributionnisme, qui ferait courir le risque &agrave; la discipline de proposer un r&eacute;cit articul&eacute; uniquement autour de grands noms<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_0rxnuux" name="lien_nbp_13" title="Federico Zeri, op. cit., p. 48 sq.">13</a>&nbsp;hi&eacute;rarchis&eacute;s<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_xpge1nt" name="lien_nbp_14" title=". Car l’activité d’attribution semble se doubler d’une activité de canonisation, voir Iain Pears, op. cit., p. 245 : “Argyll […] made steady progress in the task of restoring Carlo Mantini to his proper place in the artistic pantheon.”; « Argyll […] fit de rapides progrès dans sa tâche de restauration de Carlo Mantini à la place qui lui était due dans le panthéon des artistes ». Toutes les traductions des citations de cet ouvrage sont de l’auteure de l’article.">14</a>, l&rsquo;identification de la main du peintre prenant le dessus sur la compr&eacute;hension des enjeux esth&eacute;tiques et sociaux pr&eacute;sidant &agrave; la cr&eacute;ation de l&rsquo;&oelig;uvre<a href="#nbp_15" id="footnoteref15_87mgpo4" name="lien_nbp_15" title="Federico Zeri, op. cit., p. 48.">15</a>. Se figeant dans la transmission d&rsquo;un canon fond&eacute; sur une liste de noms monnayables<a href="#nbp_16" id="footnoteref16_z5lde7i" name="lien_nbp_16" title="Idem, p. 54 sq.">16</a>, la discipline contribuerait &agrave; perp&eacute;tuer un mythe d&rsquo;autorit&eacute;. L&rsquo;attributionnisme repose sur la mise en valeur de deux organes&nbsp;: la main de l&rsquo;artiste, dont on s&rsquo;attache &agrave; retrouver la trace, et l&rsquo;&oelig;il de l&rsquo;historien, capable de discerner instantan&eacute;ment la &laquo;&nbsp;paternit&eacute;&nbsp;&raquo; d&rsquo;une &oelig;uvre<a href="#nbp_17" id="footnoteref17_bbblpnl" name="lien_nbp_17" title="Philippe Costamagna, op. cit., p. 8.">17</a>.&nbsp;L&rsquo;instant de l&rsquo;attribution est celui o&ugrave; le corps de l&rsquo;historien d&rsquo;art identifie le corps de l&rsquo;auteur de l&rsquo;&oelig;uvre, celle-ci devenant relique<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_tc2mozc" name="lien_nbp_18" title="Sur l’œuvre comme relique auctoriale, voir Thierry Lenain, op. cit., p. 235.">18</a>&nbsp;et moyen de contact entre son producteur et son spectateur. L&rsquo;attributionnisme peut ainsi prendre les traits d&rsquo;une &laquo;&nbsp;mystique de&nbsp;la trace<a href="#nbp_19" id="footnoteref19_boh7o8x" name="lien_nbp_19" title="Idem, p. 237.">19</a>&nbsp;&raquo;, d&rsquo;une enqu&ecirc;te sous forme de paradigme indiciaire dans le sillage de la technique fond&eacute;e par G.&nbsp;Morelli<a href="#nbp_20" id="footnoteref20_qe53edp" name="lien_nbp_20" title="Sur le paradigme indiciaire et la méthode morellienne, voir Carlo Ginzburg, Mythes emblèmes traces. Morphologie et histoire, traduit par Monique Aymard, Christian Paoloni, Elsa Bonan et Martine Sancini-Vignet, révision par Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010.">20</a>, dont se revendiquent encore les historiens de l&rsquo;art actuels<a href="#nbp_21" id="footnoteref21_b4uk457" name="lien_nbp_21" title="Voir Philippe Costamagna, op. cit., p. 68.">21</a>. Les conditions d&rsquo;exposition de la peinture t&eacute;moigneraient de la conception implicitement sacr&eacute;e de l&rsquo;art<a href="#nbp_22" id="footnoteref22_g3hdewc" name="lien_nbp_22" title="Voir Bernard Lahire, Ceci n’est pas qu’un tableau. Essai sur l’art, la domination, la magie et le sacré, Paris, La Découverte (Laboratoire des sciences sociales), 2015, passim.">22</a>&nbsp;qui a cours dans les mus&eacute;es ou les salles de vente. Le narrateur de&nbsp;<em>The Raphael Affair</em>&nbsp;recourt ainsi &agrave; un lexique ironiquement religieux pour analyser la v&eacute;n&eacute;ration dont fait l&rsquo;objet un tableau que le r&eacute;cit r&eacute;v&eacute;lera comme faux&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il y &eacute;tait suspendu, baign&eacute; de lumi&egrave;re &ndash; comme l&rsquo;&eacute;crivit ensuite un journaliste de t&eacute;l&eacute;vision &agrave; l&rsquo;esprit po&eacute;tique &ndash; comme s&rsquo;il &eacute;tait de retour sur un autel comme objet de d&eacute;votion<a href="#nbp_23" id="footnoteref23_n1b3ch7" name="lien_nbp_23" title="Iain Pears, op. cit., p. 40.">23</a>&nbsp;&raquo;. Or ce portrait de la ma&icirc;tresse d&rsquo;un noble italien n&rsquo;a rien d&rsquo;un tableau d&rsquo;autel. Le culte pa&iuml;en adress&eacute; au tableau-relique de Rapha&euml;l ne tient pas compte de son iconographie, de l&rsquo;usage auquel il &eacute;tait destin&eacute;, ou de sa valeur esth&eacute;tique&nbsp;; il se fonde sur une impression mystique moins due &agrave; sa contemplation qu&rsquo;au sentiment de sacr&eacute; que son syst&egrave;me d&rsquo;exposition suscite&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans le Museo Nazionale lui-m&ecirc;me, Elisabetta &eacute;tait install&eacute;e comme une ic&ocirc;ne&nbsp;[&hellip;]. [L]&rsquo;effet produit &eacute;tait splendide, cr&eacute;ant une atmosph&egrave;re presque de r&eacute;v&eacute;rence religieuse et incitant les visiteurs &agrave; chuchoter respectueusement, ce qui ajoutait grandement &agrave; l&rsquo;impact de l&rsquo;&oelig;uvre<a href="#nbp_24" id="footnoteref24_23hbhss" name="lien_nbp_24" title="Idem, p. 46 : “In the Museo Nazionale itself, Elisabetta was set up like an icon […]. [T]he effect was splendid, creating an atmosphere of almost religious awe and causing visitors to speak in respectful, hushed tones which added greatly to the work’s impact.”">24</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>La sacralisation de l&rsquo;&oelig;uvre est ce qui permet le plus facilement aux faussaires de manipuler experts et institutions. Les faux d&rsquo;Iwan pourraient bien fonctionner comme des reliques&nbsp;: couverts, dans l&rsquo;&eacute;ventualit&eacute; d&rsquo;un test, des empreintes digitales de Heinrich Eulenb&ouml;ck<a href="#nbp_25" id="footnoteref25_rem78dw" name="lien_nbp_25" title="Daniel Kehlmann, op. cit., p. 298.">25</a>, ils portent la trace de son geste. Mais ce geste n&rsquo;est pas pictural&nbsp;: c&rsquo;est un simple effleurement de la main, pour d&eacute;poser les signes de contact entre l&rsquo;auteur suppos&eacute; et la toile que les experts recherchent &agrave; titre de confirmation de la paternit&eacute; de l&rsquo;&oelig;uvre et que les spectateurs veulent savoir pr&eacute;sents sur la surface du tableau pour appr&eacute;cier pleinement leur exp&eacute;rience esth&eacute;tique de contemplation. Le r&eacute;cit remet en question le mythe de la paternit&eacute;&nbsp;: il y a bien un lien organique entre Heinrich et la toile, de m&ecirc;me qu&rsquo;il y a un lien onomastique entre lui et elle&nbsp;; mais aucun de ces liens ne peut fonctionner comme lien auctorial, puisque Iwan est le cr&eacute;ateur de la toile, dans toutes ses dimensions &ndash; composition, sujet, r&eacute;alisation. Le r&eacute;cit renverse alors le paradigme d&rsquo;authenticit&eacute; sur lequel se fonde l&rsquo;attributionnisme&nbsp;: l&rsquo;imposture consiste &agrave; faire croire que l&rsquo;&oelig;uvre peut fonctionner comme relique d&rsquo;un auteur qui n&rsquo;existe que par la construction de discours que les &oelig;uvres du peintre allemand viennent illustrer plut&ocirc;t qu&rsquo;elles n&rsquo;en sont l&rsquo;origine&nbsp;: &laquo;&nbsp;Que&nbsp;lui importent mon atelier et une poign&eacute;e de faux qu&rsquo;on ne peut m&ecirc;me pas nommer ainsi, ils sont authentiques, la contrefa&ccedil;on, c&rsquo;est toi, pauvre Heinrich<a href="#nbp_26" id="footnoteref26_ot8fg8k" name="lien_nbp_26" title="Idem., p. 314 sq. : „Aber warum soll er das fragen, was kümmert ihn mein Studio, was eine Handvoll falscher Bilder, die man nicht einmal falsch nennen kann, sie sind echt, die Fälschung bist du, armer Heinrich“, trad. cit. p. 252.">26</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>La d&eacute;construction du &laquo;&nbsp;culte du &lsquo;&lsquo;grand artiste<a href="#nbp_27" id="footnoteref27_0rttcw9" name="lien_nbp_27" title="Voir Federico Zeri, op. cit., p. 150.">27</a>&rsquo;&rsquo;&nbsp;&raquo; que l&rsquo;attributionnisme engendrerait est l&rsquo;une des vis&eacute;es les plus &eacute;videntes des r&eacute;cits de faussaires. Les romanciers ont beau jeu de souligner que derri&egrave;re la magie du nom se cache une fiction &agrave; but commercial. Dans&nbsp;<em>F</em>, l&rsquo;&oelig;uvre se r&eacute;duit &agrave; un objet, soumis &agrave; des &eacute;valuations et des &eacute;tiquetages divers, qui en conditionnent seuls la valeur. &laquo;&nbsp;C&rsquo;est l&rsquo;art lui-m&ecirc;me, en tant que principe sacr&eacute;, qui n&rsquo;existe malheureusement pas. [&hellip;] Seules existent les &oelig;uvres [&hellip;] et le brouhaha des avis sur elles. Ainsi que des noms changeants, attribu&eacute;s selon l&rsquo;esprit du temps &agrave; un seul et m&ecirc;me objet<a href="#nbp_28" id="footnoteref28_ggy99ky" name="lien_nbp_28" title="Daniel Kehlmann, op. cit., p. 278 : „Es ist die Kunst selbst, als heiliges Prinzip, die es leider nicht gibt. [...] Es gibt nur Werke [...] und es gibt das Sturmgeflüster der Meinungen über sie. Wechselnde Namen gibt es, die man je nach Zeitstimmung an ein und denselben Gegenstand heftet.“, trad. cit. p. 223.">28</a>.&nbsp;&raquo; Le r&eacute;cit met ainsi en relief la disjonction entre le nom d&rsquo;artiste utilis&eacute; comme une marque ou un sceau de garantie, et le nom d&rsquo;auteur qui tisse un lien organique entre le cr&eacute;ateur d&rsquo;une &oelig;uvre et celle-ci. Le r&eacute;cit rappelle le cas d&rsquo;&Eacute;mile Schuffenecker, &agrave; qui &laquo;&nbsp;nous devons plusieurs tableaux pour lesquels nous admirons Van Gogh<a href="#nbp_29" id="footnoteref29_u2cj1as" name="lien_nbp_29" title="Idem, p. 279 : „stammen von ihm mehrere Bilder, für die wir van Gogh verehren.“, trad. cit. p. 224.">29</a>.&nbsp;&raquo; Le fait est &eacute;tabli, et pourtant le nom &laquo;&nbsp;Van Gogh&nbsp;&raquo; continue de faire r&eacute;f&eacute;rence &agrave; un ensemble d&rsquo;&oelig;uvres qui n&rsquo;ont pas toutes &eacute;t&eacute; peintes par l&rsquo;artiste &agrave; l&rsquo;oreille coup&eacute;e&nbsp;: le roman sugg&egrave;re ainsi que nous substituons un concept de l&rsquo;&oelig;uvre culturellement construit &agrave; la r&eacute;alit&eacute; de la production des tableaux que nous contemplons. Ce faisant, il incite &agrave; repenser radicalement notre notion de la &laquo;&nbsp;paternit&eacute;&nbsp;&raquo; artistique d&rsquo;une &oelig;uvre&nbsp;: comme Schuffenecker, Iwan est celui qui a produit les &oelig;uvres pour lesquelles le peintre Eulenb&ouml;ck est connu<a href="#nbp_30" id="footnoteref30_g5dmpo0" name="lien_nbp_30" title="Ibidem.">30</a>. &Agrave; la diff&eacute;rence pr&egrave;s, mais essentielle, que, plus le peintre qui lui sert au fond de pr&ecirc;te-nom, le faussaire est le&nbsp;<em>cr&eacute;ateur</em>&nbsp;de l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;&laquo;&nbsp;Eulenb&ouml;ck&nbsp;&raquo;, au sens o&ugrave; il a cr&eacute;&eacute; &agrave; la fois des &oelig;uvres&nbsp;<em>ad hoc</em>, aptes &agrave; satisfaire un public friand d&rsquo;ironie artistique postmoderne, et un personnage d&rsquo;artiste pens&eacute; pour s&eacute;duire m&eacute;dias et institutions<a href="#nbp_31" id="footnoteref31_fdmb3ew" name="lien_nbp_31" title="Idem, p. 281 : „Die Idee kam mir schon am dritten Tag. Heinrich schlief neben mir, […] und mir fiel ein, wie ich aus ihm einen berühmten Maler machen könnte. Was ihn auszeichnete, was ihm fehlte, was ich zu tun vermochte, das stand mir klar vor Augen. Er würde sich gut im Fernsehen und auf Magazinfotos machen, er würde blendende Interviews geben.“, trad. cit. p. 226 : « L’idée m’est venue dès le troisième jour. Heinrich dormait à côté de moi […] et j’ai compris comment faire de lui un peintre célèbre. Ce qui le définissait, ce qui lui manquait, ce que je pouvais lui apporter, tout me parut soudain évident. Il ferait bonne figure à la télévision et sur les photos des magazines, il donnerait de brillantes interviews. »">31</a>. Contre la mystique de la trace qui fait de l&rsquo;&oelig;uvre une relique de son cr&eacute;ateur, Iwan pense une &oelig;uvre accessible seulement &agrave; travers un encadrement discursif et des toiles &eacute;labor&eacute;es pour illustrer un discours pr&eacute;alable, renversant ainsi l&rsquo;ordre hi&eacute;rarchique qui veut que l&rsquo;&oelig;uvre prime sur le discours qu&rsquo;on peut tenir sur elle et existe de mani&egrave;re autonome par rapport &agrave; lui. Le faussaire pousse ainsi &agrave; son point extr&ecirc;me la logique de d&eacute;mystification et de d&eacute;sacralisation de l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art&nbsp;: simple objet support d&rsquo;un nom et d&rsquo;un texte, elle a pour vocation de r&eacute;pondre &agrave; un d&eacute;sir et d&rsquo;en susciter d&rsquo;autres.</p> <p>Mais les accusations de croyance mal fond&eacute;e ne visent pas uniquement les historiens d&rsquo;art&nbsp;: l&rsquo;usage de l&rsquo;archive par les historiens fait aussi l&rsquo;objet de la critique du&nbsp;<em>Cimitero di Praga</em>, qui met en sc&egrave;ne Simonini, un faussaire schizophr&egrave;ne qui perd la m&eacute;moire et prend des notes pour tenter de se rassurer&nbsp;: &laquo;&nbsp;Relire les notes ci-dessus. Si ce qui est &eacute;crit est &eacute;crit, cela m&rsquo;est vraiment arriv&eacute;. Pr&ecirc;ter foi aux &eacute;crits<a href="#nbp_32" id="footnoteref32_42iweeg" name="lien_nbp_32" title="Umberto Eco, op. cit., p. 33 : « Rileggere gli appunti qui sopra. Se quello che è scritto è scritto, mi è accaduto davvero. Prestare fede ai documenti scritti. », traduit par Jean-Noël Schifano, Paris, Grasset, 2011, p. 39.">32</a>.&nbsp;&raquo; Le lecteur est invit&eacute; &agrave; appr&eacute;cier l&rsquo;ironie d&rsquo;une situation o&ugrave; le faussaire cherche des preuves mat&eacute;rielles de son existence pass&eacute;e, des archives de ses activit&eacute;s, en historien, alors m&ecirc;me qu&rsquo;il s&rsquo;agit de ses propres actes et que son m&eacute;tier consiste &agrave; fabriquer de faux documents&nbsp;: la situation paradoxale relativise la valeur d&rsquo;authenticit&eacute; et de v&eacute;rit&eacute; du document &eacute;crit, par ailleurs porteur d&rsquo;une capacit&eacute; de nuisance inqui&eacute;tante. Simonini con&ccedil;oit ses faux comme de dangereuses &oelig;uvres capables de perdre ceux contre qui elles ont &eacute;t&eacute; fabriqu&eacute;es&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est beau d&rsquo;[&hellip;]&eacute;laborer des aveux compromettants, cr&eacute;er un document qui m&egrave;nera quelqu&rsquo;un &agrave; sa perdition. Le pouvoir de l&rsquo;art<a href="#nbp_33" id="footnoteref33_qo1iejl" name="lien_nbp_33" title="Idem, p. 23 : ‘‘È bello […] elaborare una confessione compromettente, creare un documento che condurrà qualcuno alla perdizione. Il potere dell’arte…”, trad. cit. p. 29.">33</a>&hellip;&nbsp;&raquo; L&rsquo;archive apparemment authentique permet &eacute;galement au faussaire d&rsquo;accr&eacute;diter sa falsification. Dans&nbsp;<em>F</em>, Iwan modifie les registres des &oelig;uvres d&rsquo;Eulenb&ouml;ck pour y ins&eacute;rer les titres d&rsquo;&oelig;uvres qu&rsquo;il ne peint que des ann&eacute;es plus tard, ou fait figurer ces titres dans des monographies avant que l&rsquo;&oelig;uvre ne soit rendue publique &ndash; et avant m&ecirc;me qu&rsquo;elle ne soit cr&eacute;&eacute;e<a href="#nbp_34" id="footnoteref34_ebrbee0" name="lien_nbp_34" title="Voir Daniel Kehlmann, op. cit., p. 292.">34</a>. Documents et discours savants attestent ainsi, par avance, de l&rsquo;authenticit&eacute; pr&eacute;sum&eacute;e du tableau. La falsification des archives op&eacute;r&eacute;e par le faussaire souligne le manque de fiabilit&eacute; de celles-ci d&egrave;s lors qu&rsquo;elles sont trait&eacute;es comme trace ou t&eacute;moignage d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement pass&eacute;, puisqu&rsquo;ici toutes les preuves sont circulaires. D&eacute;pourvue de valeur intrins&egrave;que, comme l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;art pouvait l&rsquo;&ecirc;tre, l&rsquo;archive est manipulable par quiconque entend lui faire dire ce qu&rsquo;il veut.</p> <p>Aussi une archive serait-elle toujours, au fond, le support d&rsquo;une intrigue dont un narrateur doit prendre la responsabilit&eacute; et qui n&rsquo;a de valeur d&rsquo;authenticit&eacute; que celle qu&rsquo;on veut bien accorder &agrave; sa parole<a href="#nbp_35" id="footnoteref35_hj9ip0o" name="lien_nbp_35" title="Voir p. 167.">35</a>. Cela ne revient pas &agrave; dire que Eco, dans la lign&eacute;e du&nbsp;<em>linguistic turn</em><a href="#nbp_36" id="footnoteref36_bneiw28" name="lien_nbp_36" title="Voir Ivan Jablonka, op. cit., p. 105 sq.">36</a>, sugg&egrave;rerait que tout r&eacute;cit d&rsquo;historien est une pure fiction qui n&rsquo;a de valeur que celle qu&rsquo;on veut bien lui conf&eacute;rer, puisque son roman tend &agrave; d&eacute;noncer l&rsquo;absurdit&eacute; et la dangerosit&eacute; des Protocoles des Sages de Sion. Le r&eacute;cit cherche plut&ocirc;t &agrave; nous mettre en garde contre une tendance &agrave; ne pas questionner suffisamment les positions d&rsquo;autorit&eacute; par lesquelles de pr&eacute;tendus experts r&eacute;clament de leurs lecteurs la confiance dans des discours dont la part d&rsquo;arbitraire et d&rsquo;incertitude n&rsquo;est pas suffisamment assum&eacute;e. Au contraire, le cr&eacute;ateur du&nbsp;<em>Cimitero di Praga</em>, dans un texte o&ugrave; est sans cesse rappel&eacute;e au lecteur la duplicit&eacute; du narrateur, s&rsquo;ing&eacute;nie &agrave; d&eacute;construire sa propre figure auctoriale qui fait pourtant autorit&eacute;, le savoir historique et s&eacute;miologique de Eco &eacute;tant largement reconnu. On constate alors la complexit&eacute; d&rsquo;un montage textuel qui refuse &agrave; la fois la pr&eacute;tention &agrave; l&rsquo;&eacute;criture v&eacute;ridictive et le simple jeu relativiste du texte ferm&eacute; sur lui-m&ecirc;me, palimpseste ironique qui d&eacute;montrerait les manipulations et les plagiats qui constituent le fond textuel du faux en se contentant de s&rsquo;adonner aux m&ecirc;mes jeux de pastiches cach&eacute;s. Comme le d&eacute;clare Simonini, la seule &laquo;&nbsp;v&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; possible (&laquo;&nbsp;la seule v&eacute;ridique d&rsquo;ailleurs, dans cette histoire de mensonges<a href="#nbp_37" id="footnoteref37_sbgqncg" name="lien_nbp_37" title="Idem, p. 428 : “l’unica verace tra l’altro, in quella vicenda di menzogne”, trad. cit. p. 455.">37</a>&nbsp;&raquo;) est la sienne, celle du faussaire d&eacute;construisant sa propre production, et ce n&rsquo;est qu&rsquo;en exhibant l&rsquo;ensemble des impens&eacute;s li&eacute;s &agrave; sa position d&rsquo;autorit&eacute; que l&rsquo;auteur peut penser entreprendre un r&eacute;cit capable de mettre &agrave; distance le faux.</p> <p>Cet avertissement prend tout son sens dans une intrigue qui montre que la pr&eacute;tendue preuve d&rsquo;un complot juif mondial que sont les Protocoles a &eacute;t&eacute; &eacute;labor&eacute;e &agrave; partir d&rsquo;un noyau romanesque identifiable, l&rsquo;ouverture du&nbsp;<em>Joseph Balsamo</em>&nbsp;d&rsquo;A. Dumas<a href="#nbp_38" id="footnoteref38_jhq3ilm" name="lien_nbp_38" title="Voir p. 76.">38</a>. Au c&oelig;ur du faux &eacute;rig&eacute; en archive se trouve aussi le texte fictionnel, d&rsquo;autant plus convaincant qu&rsquo;il est pens&eacute; pour s&eacute;duire son lecteur. La sc&egrave;ne au Mont Tonnerre pr&eacute;sente en effet une structure narrative isolable et reproductible &agrave; l&rsquo;envi, capable de mettre en forme l&rsquo;ensemble des complots imaginables&nbsp;: &laquo;&nbsp;Devant la mise en sc&egrave;ne de Dumas [&hellip;] je me demandais si l&rsquo;A&egrave;de n&rsquo;avait pas d&eacute;couvert pour ainsi dire, en ne racontant qu&rsquo;un seul complot, la Forme Universelle de tout complot possible<a href="#nbp_39" id="footnoteref39_fgy98a4" name="lien_nbp_39" title="Idem, p. 95 : “Di fronte alla messa in scena di Dumas […] mi domandavo se il Vate non avesse scoperto, nel raccontare di un solo complotto, la Forma Universale di ogni complotto possibile.”, trad. cit. p. 104.">39</a>.&nbsp;&raquo; Recoupant le format romanesque du r&eacute;cit &agrave; suspense publi&eacute; en feuilleton avec le fonctionnement des th&eacute;ories du complot, dramatique, la sc&egrave;ne d&rsquo;ouverture fait de l&rsquo;exposition de la conspiration une structure narrative efficace, susceptible d&rsquo;entra&icirc;ner l&rsquo;adh&eacute;sion du lecteur&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dumas n&rsquo;a rien invent&eacute;&nbsp;: il a seulement donn&eacute; forme narrative &agrave; ce qu&rsquo;avait d&eacute;voil&eacute; [&hellip;] l&rsquo;abb&eacute; Barruel. [&hellip;] Les gens ne croient qu&rsquo;&agrave; ce qu&rsquo;ils savent d&eacute;j&agrave;, et l&agrave; &eacute;tait la beaut&eacute; de la Forme Universelle du Complot<a href="#nbp_40" id="footnoteref40_4fdytn5" name="lien_nbp_40" title="Idem, p. 96 : ‘‘Dumas non aveva inventato nulla: aveva dato soltanto forma di narrazione a quanto […] aveva svelato l’abate Barruel. […] La gente crede solo a quello che sa già, e questa era la bellezza della Forma Universale del Complotto.’’, trad. cit. p. 105.">40</a>.&nbsp;&raquo; S&rsquo;en inspirant, Simonini choisit pour cadre de sa d&eacute;nonciation d&rsquo;un complot juif international&nbsp;le cimeti&egrave;re h&eacute;bra&iuml;que de Prague. D&eacute;cor gothique parfait avec son &laquo;&nbsp;atmosph&egrave;re de sabbat&nbsp;&raquo; et ses rabbins qui forment &laquo;&nbsp;une for&ecirc;t de fant&ocirc;mes recroquevill&eacute;s<a href="#nbp_41" id="footnoteref41_o6ob9rh" name="lien_nbp_41" title="Voir p. 237 : “atmosfera da tregenda”, “una foresta du fantasmi rattrappiti”, trad. cit. p. 253.">41</a>&nbsp;&raquo;, le cimeti&egrave;re prend des airs fantastiques qui visent autant &agrave; frapper l&rsquo;imagination qu&rsquo;&agrave; accr&eacute;diter la th&egrave;se d&rsquo;un p&eacute;ril juif imminent. Le pouvoir de s&eacute;duction de la forme narrative ne doit en effet pas &ecirc;tre minimis&eacute;&nbsp;: Simonini se prend au jeu de sa propre &eacute;criture et se met &agrave; ha&iuml;r compulsivement les Juifs<a href="#nbp_42" id="footnoteref42_7zgtyhx" name="lien_nbp_42" title="Voir p. 248 : ‘‘mercato antiebraico’’, trad. cit. p. 244.">42</a>, qu&rsquo;il n&rsquo;avait jusque-l&agrave; pris pour cible que parce que le &laquo;&nbsp;march&eacute; anti-juif<a href="#nbp_43" id="footnoteref43_fml60hb" name="lien_nbp_43" title="Idem, p. 228.">43</a>&nbsp;&raquo; lui paraissait financi&egrave;rement avantageux. Cette analyse du pouvoir de fascination du faux &agrave; travers la mise en sc&egrave;ne de sa construction sert de matrice au roman lui-m&ecirc;me&nbsp;: si la forme narrative prime sur un contenu pr&eacute;visible et interchangeable, le r&eacute;cit d&rsquo;U. Eco lui-m&ecirc;me se donne moins &agrave; lire comme la reconstitution historique romanc&eacute;e de la gen&egrave;se des Protocoles, que comme l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une forme romanesque capable de mettre en ab&icirc;me les modes de fonctionnement d&rsquo;un discours trompeur et s&eacute;duisant.</p> <p>La fiction et le rapport secret que sont suppos&eacute;s &ecirc;tre les Protocoles ob&eacute;issent aux m&ecirc;mes pratiques d&rsquo;&eacute;criture, comme en t&eacute;moigne le parcours de Goedsche, cens&eacute; avoir plagi&eacute; le complot de Simonini pour en faire un &eacute;pisode de son roman&nbsp;<em>Biarritz</em><a href="#nbp_44" id="footnoteref44_09i6ass" name="lien_nbp_44" title="Voir p. 265.">44</a>. S&rsquo;&eacute;claire ainsi la fluidit&eacute; des usages possibles d&rsquo;un m&ecirc;me texte&nbsp;: rien dans son aspect formel ni dans son contenu ne permet d&rsquo;en faire un &eacute;crit &agrave; pr&eacute;tention v&eacute;ridictive ou un texte de fiction. Car la vis&eacute;e du texte importe peu, comme le constate dans le roman L&eacute;o Taxil, auteur de pamphlets anti-ma&ccedil;onniques&nbsp;: &laquo;&nbsp;peut-&ecirc;tre ne me lit-on plus pour conna&icirc;tre les manigances des ennemis de la Croix mais par pure passion narrative<a href="#nbp_45" id="footnoteref45_bdppgwk" name="lien_nbp_45" title="Idem, p. 372 : “forse non mi leggono più per conoscere le trame dei nemici della Croce ma per pura passione narrativa”, trad. cit. p. 396.">45</a>&nbsp;&raquo;. Tout autant que le faussaire, le lecteur qui se laisse prendre au plaisir de sa lecture devient responsable de la manipulation des fictions dangereuses qu&rsquo;il lit. Si les formes textuelles n&rsquo;offrent ni contenu fiable, ni traits formels qui permettent d&rsquo;en v&eacute;rifier la valeur v&eacute;ridictive, la d&eacute;marche d&rsquo;U. Eco dans&nbsp;<em>Il Cimitero di Praga</em>&nbsp;n&rsquo;entend pas tant critiquer les invraisemblances des Protocoles que mener une enqu&ecirc;te textuelle sur la gen&egrave;se de textes qui sont devenus l&rsquo;une des justifications th&eacute;oriques de la Shoah. Si la d&eacute;nonciation du contenu ou de l&rsquo;authenticit&eacute; des Protocoles s&rsquo;av&egrave;re inutile, parce qu&rsquo;aucune d&eacute;monstration de la grossi&egrave;ret&eacute; de la falsification par laquelle ils ont &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute;s n&rsquo;a permis de d&eacute;truire d&eacute;finitivement leur pouvoir de nuisance<a href="#nbp_46" id="footnoteref46_dlscntq" name="lien_nbp_46" title="Voir Umberto Eco, « La forza del falso », dans Sulla letteratura, Milan, Bompiani, 2002, p. 314.">46</a>, il reste &agrave; l&rsquo;auteur &agrave; cr&eacute;er une fiction qui montre que ces textes ne sont que le r&eacute;sultat d&rsquo;un long processus transformationnel de noyaux narratifs &eacute;pars, d&eacute;pourvus de tout sens et de toute coh&eacute;rence. L&agrave; o&ugrave; le discours rationnel &eacute;choue, la fiction peut convaincre, pour peu qu&rsquo;elle exhibe m&eacute;tatextuellement ses proc&eacute;d&eacute;s propres, les m&ecirc;mes par lesquels le faux acquiert autant de pouvoir de conviction, car les &laquo;&nbsp;faux dont on narre l&rsquo;histoire sont avant tout des narrations, et comme les mythes, ils ont toujours un pouvoir de persuasion<a href="#nbp_47" id="footnoteref47_n8ak1d9" name="lien_nbp_47" title="Idem, p. 320 : “Il falsi raccontati sono anzitutto racconti, e i racconti, come i miti, sono sempre persuasivi.” (Je traduis).">47</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p><strong>D&eacute;placements de l&rsquo;imposture</strong></p> <p>Cette critique des limites informul&eacute;es des disciplines historiques conduit les fictions de faussaires &agrave; op&eacute;rer un d&eacute;placement de l&rsquo;imposture, du falsificateur au savant, en d&eacute;non&ccedil;ant une &laquo;&nbsp;pr&eacute;tention mal fond&eacute;e au savoir<a href="#nbp_48" id="footnoteref48_md2m8x8" name="lien_nbp_48" title="F. Zeri, op. cit., p. 135.">48</a>&nbsp;&raquo; de la part des historiens et historiens d&rsquo;art. La position des seconds dans leur champ disciplinaire g&eacute;n&egrave;re certaines contraintes&nbsp;: un savant non largement reconnu par ses pairs ne pourra pas remettre en cause une attribution pr&eacute;c&eacute;dente, surtout si elle est promue par des institutions puissantes ou des sp&eacute;cialistes en position de pouvoir<a href="#nbp_49" id="footnoteref49_g9hxx6c" name="lien_nbp_49" title="Voir Bernard Lahire, op. cit., p. 286.">49</a>&nbsp;; &agrave; l&rsquo;inverse, il sera difficile de se d&eacute;juger pour un expert reconnu s&rsquo;il s&rsquo;aper&ccedil;oit d&rsquo;une erreur qu&rsquo;il aurait commise<a href="#nbp_50" id="footnoteref50_4ngmcco" name="lien_nbp_50" title="Philippe Costamagna, op. cit., p. 161.">50</a>. Les romans de faussaires d&eacute;noncent ainsi le consensus autour d&rsquo;une attribution, g&eacute;n&eacute;ralement signe de la force de celle-ci, comme une potentielle illusion qui masque l&rsquo;ensemble des revirements souvent n&eacute;cessaires au rattachement d&rsquo;un nom &agrave; une toile. Argyll lui-m&ecirc;me con&ccedil;oit l&rsquo;histoire de l&rsquo;art comme le r&eacute;cit du d&eacute;menti d&rsquo;erreurs consensuelles et de la commission de nouvelles m&eacute;prises<a href="#nbp_51" id="footnoteref51_5b2akr5" name="lien_nbp_51" title="Iain Pears, op. cit., p. 73.">51</a>. Le consensus ne serait donc que le sympt&ocirc;me d&rsquo;un rapport de forces au sein de l&rsquo;institution acad&eacute;mique&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&rsquo;est une affaire d&rsquo;opinion. Si suffisamment de gens disent qu&rsquo;il est authentique, il l&rsquo;est<a href="#nbp_52" id="footnoteref52_h3u5bhr" name="lien_nbp_52" title="Idem, p. 74 : “It’s all a matter of opinion. If enough people say it’s genuine, then it is.”">52</a>.&nbsp;&raquo; Si le consensus scientifique a une valeur propre, c&rsquo;est celle, magique, d&rsquo;un acte performatif capable de m&eacute;tamorphoser un tableau sans nom, ou &eacute;tiquet&eacute; de celui d&rsquo;un peintre mineur, en tableau de ma&icirc;tre. L&rsquo;attribution ne pr&eacute;sume donc pas de l&rsquo;histoire de production d&rsquo;un tableau, mais simplement de sa perception sociale et scientifique &agrave; un moment donn&eacute;. L&rsquo;imposture survient lorsqu&rsquo;on tente de faire passer ce qui est un &eacute;nonc&eacute; performatif pour un &eacute;nonc&eacute; v&eacute;ridictif, et lorsque, devant le risque de r&eacute;v&eacute;lation d&rsquo;une falsification, on pr&eacute;f&egrave;re faire valoir la force de la performativit&eacute; sur le souci de la v&eacute;rit&eacute;. Bottando cite ainsi le cas d&rsquo;un faux Watteau&nbsp;:</p> <p><q>Il est certain &agrave; quatre-vingt quinze pourcent que c&rsquo;est un faux. Mais qui l&rsquo;admettra&nbsp;? Pas le mus&eacute;e, qui a pay&eacute; trois millions de dollars, ni le marchand d&rsquo;art, qui devra peut-&ecirc;tre rendre l&rsquo;argent, et pas les critiques ni les historiens, qui se sont d&eacute;j&agrave; extasi&eacute;s sur lui. Il est donc rest&eacute; en place, malgr&eacute; des preuves &eacute;videntes et d&eacute;finitives qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un canular monstrueux<a href="#nbp_53" id="footnoteref53_ke5quhe" name="lien_nbp_53" title="Idem p. 79 : “It’s ninety-five percent certain it’s a phoney. But who admits it? Not the museum, which paid three million dollars, not the art dealer who might have to give the money back, and not the critics and historians, who have already said how wonderful it is. So there it stays, despite clear and conclusive evidence that it’s a monstrous hoax.”">53</a>.</q></p> <p>S&rsquo;il &eacute;tait prouv&eacute; en effet que la performativit&eacute; des assertions des historiens et critiques n&rsquo;est pas &eacute;troitement corr&eacute;l&eacute;e &agrave; la v&eacute;ridicit&eacute; des &eacute;nonc&eacute;s, les cons&eacute;quences seraient catastrophiques pour l&rsquo;ensemble des institutions concern&eacute;es&nbsp;: Bottando &eacute;voque la d&eacute;mission du directeur du mus&eacute;e, celle du ministre de la culture, et m&ecirc;me la chute du gouvernement. Si mus&eacute;es et minist&egrave;res veulent pouvoir continuer &agrave; assurer leur r&ocirc;le social et politique, ils n&rsquo;ont d&rsquo;autre choix, loin d&rsquo;accueillir les voix critiques et de pratiquer la remise en cause de leur travail, que d&rsquo;&eacute;craser toute voix dissidente. Ainsi, dit Bottando, si Argyll s&rsquo;avisait de r&eacute;v&eacute;ler la supercherie, &laquo;&nbsp;ils l&rsquo;an&eacute;antiraient. Et ils auraient peut-&ecirc;tre m&ecirc;me raison<a href="#nbp_54" id="footnoteref54_nfrct24" name="lien_nbp_54" title="Idem, p. 80: “They’d wipe him out. They might even be right.”">54</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p>L&rsquo;autre imposture dont se rendraient coupables les savants consiste &agrave; faire croire que tout faux est d&eacute;tectable avec le temps. La technique morellienne fait de &laquo;&nbsp;l&rsquo;&oelig;il&nbsp;&raquo; un nouveau Sherlock Holmes capable de voir ce qui demeure cach&eacute; et de le r&eacute;v&eacute;ler comme une &eacute;vidence<a href="#nbp_55" id="footnoteref55_01cait3" name="lien_nbp_55" title="Voir Philippe Costamagna, op. cit., p. 120. Sur les rapports entre morellisme et Sherlock Holmes, voir Carlo Ginzburg, op. cit., p. 222 sq.">55</a>. Parall&egrave;lement, elle lui permet, mieux que toute analyse scientifique, de d&eacute;tecter un faux, selon l&rsquo;id&eacute;e martel&eacute;e qu&rsquo;il n&rsquo;existe pas de faux parfait<a href="#nbp_56" id="footnoteref56_s1t3wih" name="lien_nbp_56" title="Sur la certitude de l’impossibilité du faux parfait par les experts d’art et ses limites, voir Thierry Lenain, op. cit., p. 15 sqq.">56</a>. Ce postulat d&rsquo;une forme de puissance visuelle chez &laquo;&nbsp;l&rsquo;&oelig;il&nbsp;&raquo; est moqu&eacute;e dans les romans de faussaires<a href="#nbp_57" id="footnoteref57_lf4als6" name="lien_nbp_57" title="Voir Iain Pears. op. cit., p. 97 : “Flavia decided that recognition of painterly style was merely a matter of keeping the eye practised.” ; « Flavia décida que la reconnaissance d’un style pictural était une simple question d’entraînement de l’œil ».">57</a>, qui en soulignent l&rsquo;exag&eacute;ration, et r&eacute;v&egrave;lent ce qui la sous-tend&nbsp;: un fantasme d&rsquo;autorit&eacute;, une envie d&rsquo;&ecirc;tre cru sur parole et sans avoir &agrave; produire un discours de d&eacute;monstration de la preuve. Ainsi Ph. Costamagna regrette-t-il l&rsquo;&eacute;poque de Berenson o&ugrave; le catalogage de l&rsquo;&oelig;uvre peint d&rsquo;un artiste pouvait se r&eacute;sumer &agrave; une liste de tableaux sans aucune justification savante&nbsp;: &laquo;&nbsp;Apr&egrave;s avoir vu dans une &oelig;uvre ce qu&rsquo;il fallait voir, [&hellip; j&rsquo;ignore] pour quelle raison il faudrait [&hellip;] feindre de donner une justification pour appuyer une intuition. [&hellip;] Berenson&nbsp;[&hellip;] a fait ce que nous aimerions tous pouvoir &eacute;crire&nbsp;: &lsquo;&lsquo;Je vous le dis, croyez-moi<a href="#nbp_58" id="footnoteref58_4gpxrql" name="lien_nbp_58" title="Philippe Costamagna, op. cit., p. 79 sq.">58</a>.&rsquo;&rsquo;&nbsp;&raquo; Outre qu&rsquo;on ignore pr&eacute;cis&eacute;ment ce qu&rsquo;il &laquo;&nbsp;faut voir&nbsp;&raquo; et sur quels &eacute;l&eacute;ments se fonde l&rsquo;attribution &ndash; ce qui rend une r&eacute;futation impossible, et l&rsquo;hypoth&egrave;se inv&eacute;rifiable &ndash;, l&rsquo;injonction &agrave; la confiance sur la simple foi d&rsquo;un discours d&rsquo;autorit&eacute; rappelle &eacute;trangement le mode de fonctionnement du faussaire.</p> <p>Surtout, assumer cette position d&rsquo;autorit&eacute; et refuser d&rsquo;envisager la possibilit&eacute; d&rsquo;un faux parfait contribue &agrave; la cr&eacute;ation d&rsquo;un discours scientifique inconscient de ses propres failles, notamment lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;affirmer la s&ucirc;ret&eacute; du jugement du sp&eacute;cialiste. Ainsi Spello commente-t-il la th&eacute;orie de l&rsquo;impossibilit&eacute; du faux parfait en d&eacute;signant &agrave; Bottando des faux &eacute;trusques des ann&eacute;es 1930&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je les trouve merveilleux. Je suis soi-disant un expert, et je ne peux pas faire la diff&eacute;rence<a href="#nbp_59" id="footnoteref59_4e60mp2" name="lien_nbp_59" title="Iain Pears. op. cit., p. 86 : “I think they’re wonderful. I’m a expert, so-called, and I can’t tell.”">59</a>.&nbsp;&raquo; La n&eacute;cessaire m&eacute;fiance dans le jugement du sp&eacute;cialiste ne signifie pas pour autant, chez Iain Pears, une revalorisation particuli&egrave;re des rapports des examens de laboratoire, qui soulignent leur propre inutilit&eacute; quant &agrave; trancher la question de l&rsquo;attribution&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ils n&rsquo;avaient pas l&rsquo;intention de commenter les m&eacute;rites esth&eacute;tiques ou autre du tableau. &lsquo;&lsquo;C&rsquo;est aussi bien&rsquo;&rsquo;, songea Flavia, [&hellip;], &lsquo;&lsquo;sans spectrom&egrave;tre ils ne pourraient pas faire la diff&eacute;rence entre un Botticelli et un Chagall<a href="#nbp_60" id="footnoteref60_tbtlwr6" name="lien_nbp_60" title="Idem, p. 88 : “They did not intend to comment on the aesthetic merits or otherwise of the painting. ‘Just as well’, thought Flavia, […] ‘Without a spectrometer they couldn’t tell a Botticelli from a Chagall.’”">60</a>&rsquo;&rsquo;.&nbsp;&raquo; Leurs analyses s&rsquo;av&egrave;rent inefficaces pour rep&eacute;rer les faux&nbsp;: dans&nbsp;<em>The Raphael Affair</em>, parce que l&rsquo;&eacute;chantillon qu&rsquo;on leur donne &agrave; examiner appartient v&eacute;ritablement &agrave; une toile ancienne de Rapha&euml;l et ne permet pas de d&eacute;tecter le faux moderne qui la recouvre&nbsp;; dans&nbsp;<em>F</em>, parce qu&rsquo;Iwan prend soin d&rsquo;utiliser des mat&eacute;riaux anciens et de faire toucher les toiles par Heinrich Eulenb&ouml;ck&nbsp;: le faux est ainsi exact jusqu&rsquo;aux empreintes digitales. Les analyses en laboratoire manquent le faux parce qu&rsquo;elles se trompent de question. Elles cherchent sur la toile les traces pass&eacute;es d&rsquo;un artiste ou d&rsquo;une technique, qu&rsquo;elles trouvent, puisqu&rsquo;elles y sont. Mais ce faisant, elles demeurent aveugles aux alt&eacute;rations post&eacute;rieures ou au fait que le tableau &ndash; &nbsp;pourtant relique comme une autre puisqu&rsquo;il porte les empreintes de Heinrich ou de Rapha&euml;l &ndash; est enti&egrave;rement fabriqu&eacute; pour &ecirc;tre re&ccedil;u comme relique&nbsp;<em>auctoriale</em>&nbsp;alors m&ecirc;me que le peintre auquel il est attribu&eacute; ne peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme&nbsp;<em>l&rsquo;auteur</em>&nbsp;du tableau. Le roman, plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; se demander qui a l&rsquo;autorit&eacute; n&eacute;cessaire pour d&eacute;livrer une attribution, incite &agrave; relativiser radicalement la valeur de celle-ci en n&rsquo;y voyant qu&rsquo;une hypoth&egrave;se scientifique dont les motivations profondes ne sont pas toujours r&eacute;v&eacute;l&eacute;es au public et dont les dispositifs de test ne sont pas infaillibles. Aussi ne faudrait-il pas parler de peinture &laquo;&nbsp;par Rapha&euml;l&nbsp;&raquo; mais &laquo;&nbsp;<em>attribu&eacute;e &agrave;&nbsp;</em>Rapha&euml;l<a href="#nbp_61" id="footnoteref61_a4ca1us" name="lien_nbp_61" title="Idem, p. 104 : “By Raphael. Or perhaps we’d better begin to say, attributed to Raphael.”  ; « Par Raphaël. Or peut-être ferions-nous mieux de commencer à dire attribuée à Raphaël ».">61</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;: toute authentification est avant tout un geste discursif, qu&rsquo;on ne peut assimiler &agrave; la d&eacute;couverte de la gen&egrave;se de l&rsquo;&oelig;uvre.</p> <p><em>The Raphael Affair</em>&nbsp;s&rsquo;av&egrave;re particuli&egrave;rement ironique lorsque le marchand charg&eacute; de la vente propose d&eacute;j&agrave; des premi&egrave;res conclusions sur la mani&egrave;re dont la d&eacute;couverte va modifier l&rsquo;&eacute;criture de l&rsquo;histoire de l&rsquo;art<a href="#nbp_62" id="footnoteref62_grtu503" name="lien_nbp_62" title="Idem, p. 36 sq.">62</a>&nbsp;: l&rsquo;ensemble du discours scientifique des sp&eacute;cialistes de Rapha&euml;l se trouve min&eacute; par le faux. Celui-ci vient ainsi construire une histoire de l&rsquo;art parall&egrave;le, fond&eacute;e sur le fantasme qui se superpose &agrave;&nbsp;l&rsquo;histoire de l&rsquo;art pr&eacute;c&eacute;demment construite par les travaux scientifiques. Le faussaire peut alors appara&icirc;tre comme un contre-expert, proposer un discours sur l&rsquo;histoire de l&rsquo;art pr&eacute;sent&eacute; comme plus v&eacute;race parce que plus lucide sur ses propres limites, ou proposer des &oelig;uvres qui, une fois d&eacute;nonc&eacute;es comme faux, permettent de contourner le mythe de l&rsquo;authenticit&eacute; et la tentation de consid&eacute;rer l&rsquo;&oelig;uvre comme une relique pour la regarder vraiment. C&rsquo;est la conclusion vers laquelle semble tendre&nbsp;<em>F&nbsp;</em>: commentant un tableau d&rsquo;Iwan, Arthur confie &agrave; sa petite-fille Marie&nbsp;:</p> <p><q>&ndash;&nbsp; [&hellip;] En tout cas,&nbsp;l&rsquo;homme savait peindre. Penses-y et ne&nbsp;l&rsquo;oublie pas. Il savait peindre.</q></p> <p><q>&ndash; Qui&nbsp;?</q></p> <p><q>&ndash; Iwan.</q></p> <p><q>&ndash; Mais le tableau n&rsquo;est pas d&rsquo;Iwan<a href="#nbp_63" id="footnoteref63_nl88htw" name="lien_nbp_63" title="Daniel Kehlmann, op. cit., p. 364 sq. : „‘Aber malen konnte er. Denk daran, und vergiss es nicht. Malen konnte er.’ ‘Wer?’ ‘Iwan’ ‘Aber das ist nicht von Iwan.’“», trad. cit. p. 290.">63</a>.</q></p> <p>Dans ce dialogue se joue l&rsquo;impossible reconnaissance du faussaire en tant que peintre, alors qu&rsquo;il est peut-&ecirc;tre le seul personnage du roman &agrave; produire quelque chose qui ne soit pas de l&rsquo;ordre de l&rsquo;imposture &ndash; contrairement &agrave; ses fr&egrave;res&nbsp;: Eric, mentant pour masquer sa ruine, et Martin, pr&ecirc;tre catholique sans foi.</p> <p><strong>Po&eacute;tiques de l&rsquo;enqu&ecirc;te et responsabilit&eacute; du lecteur&nbsp;: une &eacute;thique de la fiction</strong></p> <p>Souligner &agrave; quel point la valeur d&rsquo;authenticit&eacute; reste &agrave; d&eacute;construire dans les discours scientifiques comme dans les pratiques sociales, c&rsquo;est aussi remettre en cause la pr&eacute;tention &agrave; la v&eacute;ridicit&eacute; revendiqu&eacute;e par les discours savants. L&rsquo;&eacute;thique qui r&eacute;girait une grande partie de&nbsp; la litt&eacute;rature contemporaine r&eacute;pudierait la fiction<a href="#nbp_64" id="footnoteref64_uyd31i4" name="lien_nbp_64" title="Qui concerne également une certaine tendance de la littérature contemporaine : voir Ivan Jablonka, op. cit., p. 225 sqq.">64</a>&nbsp;ou minimiserait son r&ocirc;le au profit d&rsquo;une morale de la v&eacute;rit&eacute; fond&eacute;e sur le recours aux archives ou aux t&eacute;moignages, sur la mise en sc&egrave;ne de la part du narrateur ou du locuteur d&rsquo;un processus d&rsquo;enqu&ecirc;te, et sur l&rsquo;exhibition de proc&eacute;d&eacute;s scientifiques de d&eacute;monstration de la preuve. Par opposition, les romans de faussaires assument pleinement l&rsquo;utilisation de la fiction comme outil pour mettre en question, non seulement notre capacit&eacute; &agrave; d&eacute;tecter le faux et les usages que nous en faisons, mais surtout la valorisation sociale, esth&eacute;tique, &eacute;thique de concepts tels que la v&eacute;rit&eacute;, la v&eacute;ridicit&eacute;, l&rsquo;authenticit&eacute;. Dans de telles fictions, la responsabilit&eacute; de l&rsquo;enqu&ecirc;te n&rsquo;incombe plus aux d&eacute;tenteurs ni aux producteurs de connaissances socialement valoris&eacute;es (le savant, l&rsquo;expert, l&rsquo;historien) mais au lecteur, que le texte invite &agrave; assumer un r&ocirc;le actif, non plus seulement herm&eacute;neutique, mais cognitif&nbsp;: il ne s&rsquo;agit plus uniquement d&rsquo;interpr&eacute;ter le texte, mais d&rsquo;en v&eacute;rifier et d&rsquo;en mettre en perspective les propositions, les pr&eacute;suppos&eacute;s, les allusions.</p> <p>C&rsquo;est la d&eacute;marche d&rsquo;Eco dans&nbsp;<em>Il Cimitero di Praga</em>, d&egrave;s le d&eacute;but du r&eacute;cit, quand le faussaire fait allusion aux faux de Denis Vrain Lucas et &agrave; l&rsquo;absurde cr&eacute;dulit&eacute; du math&eacute;maticien Chasles &agrave; leur &eacute;gard<a href="#nbp_65" id="footnoteref65_eig4y1s" name="lien_nbp_65" title="Voir par exemple Umberto Eco, Il Cimitero di Praga, op. cit., p. 16.">65</a>. Or, si l&rsquo;anecdote est av&eacute;r&eacute;e<a href="#nbp_66" id="footnoteref66_zsfh5fw" name="lien_nbp_66" title="Voir Lucien Terras, « Les faux autographes de Denis Vrain-Lucas », dans Vraiment faux, op. cit., p. 70 sqq.">66</a>, elle est rapport&eacute;e de fa&ccedil;on &agrave; laisser penser au lecteur que Simonini enjolive&nbsp;: une fois la falsification d&eacute;masqu&eacute;e, son succ&egrave;s semble invraisemblable. Le pouvoir heuristique&nbsp;<em>a posteriori</em>&nbsp;du faux d&eacute;concerte le lecteur, qui s&rsquo;aper&ccedil;oit que l&rsquo;anecdote n&rsquo;est pas trop grossi&egrave;re pour &ecirc;tre vraie, et que l&rsquo;ensemble de ses certitudes &ndash; &agrave; commencer par sa capacit&eacute; &agrave; distinguer le vraisemblable du mensonge &ndash; vacille. Le texte devient terrain min&eacute; o&ugrave; le lecteur ne sait s&rsquo;il doit accorder sa confiance au r&eacute;cit d&rsquo;&eacute;v&eacute;nements qui ont l&rsquo;air trop romanesques pour &ecirc;tre vrais &ndash; et pourtant renvoient &agrave; des faits attest&eacute;s &ndash; ou &agrave; un narrateur dont la fiabilit&eacute; est sans cesse mise en cause<a href="#nbp_67" id="footnoteref67_3yqd20b" name="lien_nbp_67" title="Umberto Eco, Il Cimitero di Praga, op. cit., p. 201.">67</a>.</p> <p>Il est en effet difficile de d&eacute;terminer la part du fictif et du v&eacute;ridique dans un roman qui m&eacute;lange constamment les genres et les sources. Simonini rencontre ainsi deux m&eacute;decins, Bourru et Burot, qui dissertent des &laquo;&nbsp;diff&eacute;rents syst&egrave;mes pour hypnotiser, depuis ceux encore charlatanesques d&rsquo;un certain abb&eacute; Faria (j&rsquo;ai dress&eacute; les oreilles &agrave; ce nom dumasien, mais on sait que Dumas pillait les vrais chroniques et faits divers) jusqu&rsquo;&agrave; ceux [&hellip;] du docteur Braid<a href="#nbp_68" id="footnoteref68_7q8fy1w" name="lien_nbp_68" title="Idem., p. 43 : “i vari sistemi per ipnotizzare, da quelli ancora ciarlataneschi di tale abate Faria (mi ha fatto rizzare le orecchie quel nome dumasiano, ma si sa che Dumas saccheggiava cronache vere) a quelli […] del dottor Braid”, trad. cit. p. 49.">68</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;abb&eacute; Faria est un personnage historique apparaissant dans le&nbsp;<em>Comte de Monte-Cristo,</em>&nbsp;Braid a r&eacute;ellement exist&eacute;, et Bourru et Burot pr&eacute;sent&eacute;s comme des sortes de Bouvard et P&eacute;cuchet, sont bien les auteurs d&rsquo;un article intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Variations de la personnalit&eacute;<a href="#nbp_69" id="footnoteref69_ojkyykz" name="lien_nbp_69" title="Consultable sur Gallica [en ligne] : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k851003, site consulté le 10/10/17.">69</a>&nbsp;&raquo;. Le narrateur entretient ainsi le brouillage entre faits et fiction, joue sur la ma&icirc;trise par le lecteur des indices de fictionnalit&eacute; pour mieux d&eacute;jouer ses d&eacute;ductions, &eacute;labore des fausses pistes qui s&rsquo;appuient sur la v&eacute;racit&eacute; de faits historiques attest&eacute;s pour induire en erreur. Si le personnage de Simonini est fictif, les &eacute;v&eacute;nements culturels, historiques et politiques mentionn&eacute;s dans le roman ne le sont pas&nbsp;: les fronti&egrave;res sont incertaines entre un discours qui ne pr&eacute;tend pas &agrave; la v&eacute;ridicit&eacute; et exhibe son caract&egrave;re fictionnel et un contenu historique soigneusement &eacute;tabli et av&eacute;r&eacute;, notamment par les travaux pr&eacute;c&eacute;dents de Eco. Se construit ainsi un syst&egrave;me de suspension de croyance qui permet, &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;une fiction mettant en sc&egrave;ne ses propres codes (narrateur non-fiable, manuscrit trouv&eacute;, narration en premi&egrave;re personne d&rsquo;une conscience &eacute;clat&eacute;e), de cr&eacute;er une forme de po&eacute;tique de la v&eacute;ridicit&eacute; ironique. Le montage des allusions n&rsquo;est pas simplement un collage de r&eacute;f&eacute;rences postmodernes que le lecteur doit s&rsquo;amuser &agrave; d&eacute;chiffrer selon les mod&egrave;les du palimpseste et celui de la qu&ecirc;te du d&eacute;tail-indice signifiant, mais un pi&egrave;ge textuel qui incite le lecteur &agrave; questionner ses propres syst&egrave;mes de croyance et de confiance, ses propres r&eacute;flexes pour attribuer une qualit&eacute; v&eacute;ridictive ou non &agrave; un texte&nbsp;: &eacute;valuation de la probabilit&eacute; de l&rsquo;information donn&eacute;e (les noms des m&eacute;decins, Dumas), de la forme et du ton du texte (ironie de Simonini et du narrateur), prise en compte du contexte d&rsquo;inscription de l&rsquo;information (un roman explicitement d&eacute;sign&eacute; en tant que tel). Exhibant&nbsp;la fiction comme telle, le texte fonctionne comme une machine &agrave; d&eacute;faire le pouvoir de fascination des Protocoles&nbsp;: plus qu&rsquo;un texte scientifique, sur lequel, &agrave; moins d&rsquo;&ecirc;tre professionnel, on ex&eacute;cute peu d&rsquo;op&eacute;rations de v&eacute;rification, le texte fictif est un outil d&rsquo;analyse des faux et des th&eacute;ories d&eacute;lirantes, parce qu&rsquo;il montre &agrave; quel point tout fait est inventable, manipulable, r&eacute;cup&eacute;rable, effa&ccedil;able.</p> <p>Deux &eacute;cueils sont mis en sc&egrave;ne&nbsp;: d&rsquo;une part la confiance aveugle dans une parole de t&eacute;moin non situ&eacute;e, non critiqu&eacute;e&nbsp;; d&rsquo;autre part un discours d&rsquo;autorit&eacute; qui ne soup&ccedil;onne pas la part de palimpseste et de pr&eacute;jug&eacute;s qui est la sienne. Eco a le souci de mettre &agrave; mal le mythe mortif&egrave;re que continuent &agrave; v&eacute;hiculer les Protocoles. Significativement, il choisit ici, contrairement &agrave; ses textes pr&eacute;c&eacute;dents<a href="#nbp_70" id="footnoteref70_nuzml3i" name="lien_nbp_70" title="Voir « La forza del falso », art. cit., et Sei passeggiate nei boschi narrrativi, Milan, Bompiani, 1994.">70</a>, de ne pas le faire dans un discours savant, mais par le biais d&rsquo;une complexe ironie textuelle o&ugrave;, si v&eacute;rit&eacute; il y a, elle est &agrave; construire par le lecteur &agrave; travers une herm&eacute;neutique du texte sous forme d&rsquo;une enqu&ecirc;te &agrave; mener&nbsp;: rep&eacute;rage des incoh&eacute;rences, des erreurs, des pi&egrave;ges narratifs&nbsp;; rep&eacute;rage des indices (allusions historiques et culturelles, pastiches, clins d&rsquo;&oelig;il, iconographies, citations implicites ou explicites&hellip;)&nbsp;; v&eacute;rification de l&rsquo;historicit&eacute; des personnages et des &eacute;v&eacute;nements par le recours au hors-texte. Le r&eacute;cit implique une participation active du lecteur, qui doit se faire l&rsquo;historien critique du texte de fiction. Cette n&eacute;cessit&eacute; lui est impos&eacute;e par deux r&eacute;v&eacute;lations finales, d&rsquo;une part l&rsquo;affirmation en fin d&rsquo;ouvrage que tous les personnages sont r&eacute;els, sauf Simonini<a href="#nbp_71" id="footnoteref71_uidgjf2" name="lien_nbp_71" title="Voir p. 515.">71</a>, d&rsquo;autre part la r&eacute;v&eacute;lation du r&ocirc;le actif des Protocoles dans la construction d&rsquo;un antis&eacute;mitisme virulent qui aboutit &agrave; l&rsquo;horreur nazie<a href="#nbp_72" id="footnoteref72_06z9pm9" name="lien_nbp_72" title="Voir p. 499 sq.">72</a>. Le discours historique pare l&rsquo;&eacute;nonciateur d&rsquo;une posture d&rsquo;autorit&eacute; requ&eacute;rant une certaine suspension de l&rsquo;incr&eacute;dulit&eacute; de son lecteur&nbsp;: on lit parce que l&rsquo;auteur garantit que l&rsquo;enqu&ecirc;te a &eacute;t&eacute; men&eacute;e de mani&egrave;re s&eacute;rieuse&nbsp;; la collection&nbsp;&eacute;ditoriale, l&rsquo;affiliation universitaire, les codes de l&rsquo;&eacute;criture acad&eacute;mique, tout concourt &agrave; dispenser le lecteur d&rsquo;un travail de v&eacute;rification qu&rsquo;on sugg&egrave;re au fond ne pouvoir &ecirc;tre men&eacute; s&eacute;rieusement que par des professionnels. Au contraire, la fiction, refusant une po&eacute;tique v&eacute;ridictive qui se veut instructive mais cantonne le lecteur dans une position de passivit&eacute;, rev&ecirc;t une qualit&eacute; p&eacute;dagogique nouvelle&nbsp;: elle est moins discours de la v&eacute;rit&eacute; qu&rsquo;&eacute;ducation &agrave; l&rsquo;enqu&ecirc;te.</p> <p><em>The Raphael Affair&nbsp;</em>met lui aussi en place une po&eacute;tique de l&rsquo;enqu&ecirc;te qui vaut comme r&eacute;flexion sur notre rapport au faux. Un pacte de lecture annonc&eacute; par une note de l&rsquo;auteur<a href="#nbp_73" id="footnoteref73_4xw6fwn" name="lien_nbp_73" title="Iain Pears, op. cit., hors pagination.">73</a>&nbsp;conditionne la lecture de l&rsquo;ouvrage&nbsp;: certains &eacute;l&eacute;ments sont vrais, d&rsquo;autres faux, sans que ne soient pr&eacute;cis&eacute;s lesquels&nbsp;; au lecteur de d&eacute;terminer ce qu&rsquo;il peut consid&eacute;rer comme r&eacute;f&eacute;rentiel. De mani&egrave;re presque sym&eacute;trique, la conf&eacute;rence finale d&rsquo;Argyll, qui d&eacute;couvre le devenir du tableau &eacute;ponyme, sugg&egrave;re des clefs de lecture. Pour sa r&eacute;v&eacute;lation, &laquo;&nbsp;Argyll avait sacrifi&eacute; un peu de la rigueur scientifique sur l&rsquo;autel du plus grand impact possible sur le public, mais cela avait peu de chances d&rsquo;insucc&egrave;s. Par comparaison avec des communications comme &lsquo;&lsquo;La conception du progr&egrave;s humain par Manet&rsquo;&rsquo; [&hellip;] c&rsquo;&eacute;tait rock and roll<a href="#nbp_74" id="footnoteref74_ecagnss" name="lien_nbp_74" title="Idem, p. 250 : “Argyll had sacrificed something of scholarly rigour for the sake of maximum impact, but it could hardly fail. Compared with papers on ‘Manet’s Conception of Human Progress,’ […] this was rock and roll.”">74</a>.&nbsp;&raquo; Pour exposer les tenants et les aboutissants de la falsification, Argyll d&eacute;laisse les codes de la science au profit d&rsquo;une forme discursive s&eacute;duisante&nbsp;: pour combattre le faux, mieux vaut privil&eacute;gier le plaisir du texte.</p> <p>Dans&nbsp;<em>F</em>, la po&eacute;tique nouvelle engendr&eacute;e par le faux ne passe pas par une invitation &agrave; l&rsquo;enqu&ecirc;te mais par la mise en sc&egrave;ne d&rsquo;un glissement de la mystification &agrave; la falsification qui aboutit &agrave; une confusion d&eacute;finitive entre faux et r&eacute;el. La d&eacute;cision de Heinrich et d&rsquo;Iwan de fabriquer de faux tableaux commence comme un canular classique, mais &eacute;volue vers la production de faux. Or, de la mystification &agrave; la falsification, le geste prend un sens diff&eacute;rent&nbsp;: l&rsquo;une est une r&eacute;action conservatrice et un message politique destin&eacute;, &agrave; travers la r&eacute;v&eacute;lation de la supercherie, &agrave; moquer les contemporains et &agrave; critiquer les &eacute;volutions esth&eacute;tiques r&eacute;centes<a href="#nbp_75" id="footnoteref75_rdhbyfh" name="lien_nbp_75" title="Sur cette question, voir par exemple Charles Berstein, « Fraud's phantoms: a brief yet unreliable account of fighting fraud with fraud (no pun on Freud intended), with special reference to the poetics of Ressentiment », Textual Practice 22(2), 2008, p. 207-227, [en ligne], http://www.tandfonline.com.proxy.rubens.ens.fr/doi/full/10.1080/09502360802044927, site consulté le 27/09/17. Voir aussi Daniel Kehlmann, op. cit., p. 282.">75</a>&nbsp;; l&rsquo;autre n&rsquo;a pas vocation &agrave; &ecirc;tre d&eacute;couverte et entra&icirc;ne une attitude ambigu&euml; sur le rapport &agrave;&nbsp;l&rsquo;autorit&eacute;. Eulenb&ouml;ck finit en effet par refuser de r&eacute;v&eacute;ler la supercherie&nbsp;: peu &agrave; peu, le jeu o&ugrave; l&rsquo;imposture est consciente et ma&icirc;tris&eacute;e c&egrave;de la place &agrave; la falsification, o&ugrave; l&rsquo;identit&eacute; du faussaire et du cr&eacute;ateur se superposent au point de cr&eacute;er un vertige. &laquo;&nbsp;[I]l avait pris l&rsquo;habitude de ressortir les phrases bien rod&eacute;es de ses interviews m&ecirc;me en l&rsquo;absence de micro. Il raconta par le menu sa rencontre avec Picasso, et [je] savais qu&rsquo;il ne l&rsquo;avait jamais rencontr&eacute;<a href="#nbp_76" id="footnoteref76_j78i63k" name="lien_nbp_76" title="Idem, p. 288 : „hatte er sich angewöhnt, die gut eingeübten Interviewsätze auch dann von sich zu geben, wenn kein Mikrophon in der Nähe war. Er beschrieb ausführlich seine Begegnung mit Picasso, und ich [...] wusste, dass er Picasso nie getroffen hatte“, trad. cit. p. 232.">76</a>.&nbsp;&raquo; Heinrich devient ainsi Eulenb&ouml;ck, sans plus savoir ce qui lui appartient ou ce que son double est cens&eacute; avoir v&eacute;cu. Le canular a perdu son sens d&rsquo;origine. Il ne s&rsquo;agit plus d&rsquo;exposer le mauvais go&ucirc;t d&rsquo;un art contemporain enti&egrave;rement tourn&eacute; vers une esth&eacute;tique postmoderne<a href="#nbp_77" id="footnoteref77_7b2b8u2" name="lien_nbp_77" title="Voir ibidem.">77</a>, mais de vivre une identit&eacute; fictive&nbsp;: Heinrich&nbsp;<em>incarne</em>&nbsp;Eulenb&ouml;ck, sans pour autant avoir jamais peint une de ses toiles, dans une dissociation du corps de l&rsquo;artiste d&rsquo;avec son &oelig;uvre qui remet en jeu la question de l&rsquo;autorit&eacute; et de son l&eacute;gitime d&eacute;tenteur&nbsp;: s&rsquo;agit-il de celui qui repr&eacute;sente le discours, la&nbsp;<em>figure</em>&nbsp;de l&rsquo;artiste, dans une enveloppe charnelle garante de l&rsquo;authenticit&eacute; de l&rsquo;&oelig;uvre par-del&agrave; sa mort&nbsp;; ou de celui qui r&eacute;alise les toiles&nbsp;? Le r&eacute;cit, laissant la question en suspens, introduit une inqui&eacute;tude dans notre rapport &agrave; l&rsquo;artiste et &agrave; sa fonction sociale et esth&eacute;tique.</p> <p>Ainsi, fond&eacute;e en partie sur la position de l&rsquo;historien qui s&rsquo;&eacute;rige en garant de la validit&eacute; de ses conclusions, et sur celle de l&rsquo;attributionniste qui voudrait &ecirc;tre cru sur parole sans devoir &eacute;laborer un discours scientifique dont au fond il d&eacute;daigne les fondements, l&rsquo;&eacute;thique de la v&eacute;rit&eacute; et de l&rsquo;authenticit&eacute; semble caract&eacute;riser une partie du discours contemporain, scientifique et m&ecirc;me litt&eacute;raire dans le cas d&rsquo;une fiction qui se fonde sur le recours aux archives ou aux t&eacute;moignages. C&rsquo;est alors une mani&egrave;re de retour &agrave; une autorit&eacute; qui aimerait se passer de justifications, une revalorisation implicite de la figure de l&rsquo;<em>auctor</em>&nbsp;qui exige qu&rsquo;on lui accorde cr&eacute;dit, et qui se veut capable de conf&eacute;rer cr&eacute;dit et valeur mon&eacute;taire &agrave; ce qu&rsquo;il authentifie. Contre les impens&eacute;s d&rsquo;une telle vision, les fictions de faussaires d&eacute;construisent les valeurs d&rsquo;authenticit&eacute; et de v&eacute;ridicit&eacute; pour redonner un r&ocirc;le actif au lecteur que les historiens ou les &eacute;crivains de la &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature du r&eacute;el&nbsp;&raquo; tendent &agrave; maintenir dans une position de passivit&eacute;<a href="#nbp_78" id="footnoteref78_a5g11j2" name="lien_nbp_78" title="Contrairement à la valorisation, dans le champ littéraire, à partir de la seconde moitié du XXe siècle et dans le cadre des théories de la réception, du rôle actif du lecteur comme co-constructeur du sens du texte. On se reportera notamment, bien entendu, aux travaux d’Umberto Eco sur la question, de Lector in fabula aux Limites de l’interprétation.">78</a>. Pour autant, il faudrait se d&eacute;faire d&rsquo;une vision id&eacute;alis&eacute;e des &laquo;&nbsp;puissances du faux&nbsp;&raquo; comme simple dynamique cr&eacute;ative<a href="#nbp_79" id="footnoteref79_18njd0y" name="lien_nbp_79" title="Dans le sillage des analyses de Gilles Deleuze dans L’Image-Temps, la notion de « faux » a pu faire l’objet de réévaluations littéraires qui en réduisent toute la dimension nocive ou inquiétante au profit de la célébration univoque de ses pouvoirs de création. Voir, entre mille, un exemple de ce traitement du concept dans Antony Larson, « Introduction », dans  « L’Imposture. Fakery », Revue française d’études américaines, n°150, janvier 2017, p. 3-8, en ligne : http://www.cairn.info.proxy.rubens.ens.fr/revue-francaise-d-etudes-americaines-2017-1-page-3.htm, consulté le 27/09/2017.">79</a>. Ce que montrent les textes, c&rsquo;est aussi l&rsquo;ambivalence &eacute;thique et politique de ces falsifications, capables, lorsqu&rsquo;elles sont manipul&eacute;es contre des communaut&eacute;s enti&egrave;res, de justifier les pires atrocit&eacute;s historiques. Le faux est g&eacute;n&eacute;rateur d&rsquo;inqui&eacute;tude et de d&eacute;stabilisation&nbsp;: mettant &agrave; nu les syst&egrave;mes de sacralisation et de hi&eacute;rarchisation &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans la soci&eacute;t&eacute; contemporaine, il peut, comme le montre&nbsp;<em>F</em>, provoquer une crise g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e des valeurs, de la croyance, et de la confiance. C&rsquo;est peut-&ecirc;tre la raison pour laquelle les fictions de faussaires le condamnent m&eacute;taphoriquement &agrave; mort&nbsp;: Iwan, Morneau, Simonini disparaissent &agrave; la fin des romans, laissant aux autres personnages &ndash; et au lecteur &ndash; le soin de tirer les cons&eacute;quences du succ&egrave;s de leur tromperie.</p> <hr /> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Corpus</strong></p> <p>Eco, Umberto,&nbsp;<em>Il Cimitero di Praga</em>, Milan, Bompiani, 2010, traduit par Jean-No&euml;l Schifano sous le titre&nbsp;<em>Le Cimeti&egrave;re de Prague</em>, Paris, Grasset, 2011.</p> <p>Kehlmann, Daniel,&nbsp;<em>F</em>, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2013, traduit par Juliette Aubert sous le titre&nbsp;<em>Les Friedland</em>, Arles, Actes Sud, 2014.</p> <p>Pears, Iain,&nbsp;<em>The Raphael Affair&nbsp;</em>[Londres, Gollancz, 1990], New York, Penguin (Berkeley Prime Crime), 2001.</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Ouvrages cit&eacute;s</strong></p> <p><em>Veri, falsi e ritrovati. Catalogo della mostra</em>&nbsp;(Venezia, 17 giugno-7 settembre 2008), Venezia, Libreria Editrice Cafoscarina, 2008.</p> <p><em>Vraiment faux</em>, Catalogue de l&rsquo;exposition &agrave; la Fondation Cartier de Jouy-en-Josas, les 11 juin-18 septembre 1988, Jouy-en-Josas, Fondation Cartier pour l&rsquo;art contemporain, 1988.</p> <p><em>Vrai ou faux&nbsp;? Copier, imiter, falsifier. Catalogue de l&rsquo;exposition du 6 mai au 29 octobre au Cabinet des M&eacute;dailles</em>, Paris, Biblioth&egrave;que Nationale, 1991.</p> <p>Costamagna, Philippe,&nbsp;<em>Histoires d&rsquo;&oelig;ils</em>, Paris, Grasset, 2016.</p> <p>Eco, Umberto, &laquo;&nbsp;La forza del falso&nbsp;&raquo;, dans<em>&nbsp;Sulla letteratura</em>, Milan, Bompiani, 2002.</p> <p>Eco, Umberto,&nbsp;<em>Sei passeggiate nei boschi narrrativi</em>, Milan, Bompiani, 1994.</p> <p>Ginzburg, Carlo,&nbsp;<em>Miti emblemi spie. Morfologia e storia,</em>&nbsp;Turin, Einaudi, 2000, traduit par Monique Aymard, Christian Paoloni, Elsa Bonan et Martine Sancini-Vignet sous le titre&nbsp;<em>Mythes embl&egrave;mes traces. Morphologie et histoire</em>, r&eacute;vision par Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010.</p> <p>Grafton<em>,&nbsp;</em>Anthony,&nbsp;<em>Forgers and Critics. Creativity and Duplicity in Western Scholarship</em>, Princeton, Princeton University Press, 1990.</p> <p>Guarnieri Luigi,&nbsp;<em>La doppia vita di Vermeer</em>, Milan, Mondadori, 2004.</p> <p>Jones, Mark (dir.),&nbsp;<em>Fakes? The Art of Deception</em>, Catalogue d&rsquo;exposition, Londres, British Museum publications, 1990.</p> <p>Jablonka, Ivan,&nbsp;<em>L&rsquo;Histoire est une litt&eacute;rature contemporaine. Manifeste pour les sciences sociales</em>, Paris, Seuil (La librairie du XXI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle), 2014.</p> <p>Laclotte Michel, &laquo;&nbsp;Le faux et le regard de l&rsquo;historien de&nbsp;l&rsquo;art. Questions d&rsquo;attribution&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>De main de ma&icirc;tre. L&rsquo;artiste et le faux</em>, Paris, Mus&eacute;e du Louvre, Hazan, 2009.</p> <p>Lahire, Bernard,&nbsp;<em>Ceci n&rsquo;est pas qu&rsquo;un tableau. Essai sur l&rsquo;art, la domination, la magie et le sacr&eacute;</em>, Paris, La D&eacute;couverte (Laboratoire des sciences sociales), 2015.</p> <p>Lenain, Thierry,&nbsp;<em>Art Forgery: the History of a Modern Obsession</em>, Londres, Reaktion Books, 2011.</p> <p>Zeri, Federico,&nbsp;<em>J&rsquo;avoue m&rsquo;&ecirc;tre tromp&eacute;. Fragments d&rsquo;une autobiographie</em>, avec la collaboration de Patrick Mauri&egrave;s, Paris, Gallimard (Folio), 2002.</p> <p>Zeri, Federico,&nbsp;<em>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un faux&nbsp;?</em>, Marco Bona Castelloti (&eacute;d.), trad. Ma&euml;l Renouard, Paris, Payot et Rivages, 2013.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</strong></p> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;En attestent les nombreux catalogues d&rsquo;exposition publi&eacute;s sur le sujet&nbsp;:&nbsp;<em>Veri, falsi e ritrovati. Catalogo della mostra</em>&nbsp;(Venezia, 17 giugno-7 settembre 2008), Venezia, Libreria Editrice Cafoscarina, 2008 ;&nbsp;<em>Vrai ou faux&nbsp;? Copier, imiter, falsifier. Catalogue de l&rsquo;exposition du 6 mai au 29 octobre au Cabinet des M&eacute;dailles</em>, Paris, Biblioth&egrave;que Nationale, 1991&nbsp;; Mark Jones (dir.),&nbsp;<em>Fakes? The Art of Deception</em>, Catalogue d&rsquo;exposition, Londres, British Museum publications, 1990&nbsp;; pour ne citer que quelques exemples.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;Voir son ouvrage&nbsp;<em>Art Forgery: the History of a Modern Obsession</em>, Londres, Reaktion Books, 2011.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;Voir sur cette question Anthony Grafton,&nbsp;<em>Forgers and Critics. Creativity and Duplicity in Western Scholarship</em>, Princeton, Princeton University Press, 1990.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Voir par exemple le discours des commissaires Elizabeth Garouste et Mattia Bonnetti, dans le catalogue de l&rsquo;exposition&nbsp;<em>Vraiment faux</em>&nbsp;&agrave; la Fondation Cartier de Jouy-en-Josas, les 11 juin-18 septembre 1988 (Jouy-en-Josas, Fondation Cartier pour l&rsquo;art contemporain, 1988).</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;Voir l&rsquo;introduction de Marco Bona Castellotti dans Federico Zeri,&nbsp;<em>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un faux&nbsp;?</em>, Marco Bona Castelloti (dir.), trad. Ma&euml;l Renouard, Paris, Payot et Rivages, 2013, p.&nbsp;9&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;Voir par exemple Philippe Costamagna,&nbsp;<em>Histoires d&rsquo;&oelig;ils</em>, Paris, Grasset, 2016.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;Dans leur &laquo;&nbsp;Avant-Propos&nbsp;&raquo; au volume de la revue&nbsp;<em><u>Diog&egrave;ne</u></em><u>&nbsp;consacr&eacute; aux th&eacute;ories du complot (<em>Diog&egrave;ne</em>, vol. 1, n&deg;249-250, Presses Universitaires de France, 2015, p. 3-8, en ligne&nbsp;:&nbsp;<a href="https://www.cairn.info/revue-diogene-2015-1-p-3.htm">https://www.cairn.info/revue-diogene-2015-1-p-3.htm</a>, consult&eacute; le 10/01/18),</u>&nbsp;<u>V&eacute;ronique Campion-Vincent et Jean-Bruno Renard</u>&nbsp;notent que la p&eacute;riode contemporaine, marqu&eacute;e par la diffusion des th&eacute;ories du complot dans la culture de masse, produit des discours conspirationnistes fond&eacute;s sur des caract&eacute;ristiques r&eacute;currentes et ais&eacute;ment identifiables&nbsp;: &laquo;&nbsp;la d&eacute;nonciation du &lsquo;&lsquo;mensonge&rsquo;&rsquo; ou de l&rsquo;&lsquo;&lsquo;imposture&rsquo;&rsquo; v&eacute;hicul&eacute;s par la &lsquo;&lsquo;v&eacute;rit&eacute; officielle&rsquo;&rsquo;, la &lsquo;&lsquo;r&eacute;v&eacute;lation&rsquo;&rsquo; ou le &lsquo;&lsquo;d&eacute;voilement&rsquo;&rsquo; d&rsquo;une autre v&eacute;rit&eacute; (la &lsquo;&lsquo;v&eacute;rit&eacute; cach&eacute;e&rsquo;&rsquo;)&nbsp;&raquo; (p. 3). Ces caract&eacute;ristiques fonctionnent comme le sym&eacute;trique des discours anticonspirationnistes, qui recourent volontiers &agrave; l&rsquo;accusation de mythe ou d&rsquo;imposture et dont le &laquo;&nbsp;militantisme peut conduire [&hellip;] &agrave; &eacute;tendre abusivement la notion de th&eacute;orie du complot &agrave; toute contestation d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement, alors que cette d&eacute;signation devrait &ecirc;tre r&eacute;serv&eacute;e aux seules th&eacute;ories pr&eacute;sentant une dimension historique et interpr&eacute;tant des pans entiers de l&rsquo;Histoire, voire sa totalit&eacute;, comme le r&eacute;sultat de l&rsquo;intervention de &lsquo;&lsquo;forces obscures&rsquo;&rsquo;.&nbsp;&raquo; (p. 4) Or, cet affrontement entre deux types de discours se r&eacute;clamant de positions d&rsquo;autorit&eacute; institutionnnelles ou anti-institutionnelles, s&rsquo;affrontant &agrave; travers des rapports de force construits autour de la notion d&rsquo;imposture dans un champ social marqu&eacute; par des syst&egrave;mes de r&eacute;appropriation ou de d&eacute;sappropriation de la valeur de v&eacute;ridicit&eacute; n&rsquo;est pas sans rappeler le fonctionnement des critiques romanesques port&eacute;es contre l&rsquo;attributionnisme, comme on le verra.</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;Voir Federico Zeri, dans&nbsp;<em>J&rsquo;avoue m&rsquo;&ecirc;tre tromp&eacute;. Fragments d&rsquo;une autobiographie</em>, avec la collaboration de Patrick Mauri&egrave;s, Paris, Gallimard (Folio), 2002, p.&nbsp;39&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;Voir plus bas le cas d&rsquo;Iwan Friedman&nbsp;; voir aussi dans Iain Pears,&nbsp;<em>The Raphael Affair,</em>&nbsp;New York, Penguin (Berkeley Prime Crime), 2001, p.&nbsp;39,&nbsp;la peinture sardonique du monde des ench&egrave;res et des marchands d&rsquo;art.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Voir Federico Zeri,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;35, p.&nbsp;36 ou p.&nbsp;58.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Daniel Kehlmann,&nbsp;<em>F</em>, Reinbek bei Hamburg, Rowohlt, 2013, p.&nbsp;292&nbsp;<em>sq</em>.&nbsp;: &bdquo;Wo immer es um die Echtheit eines Eulenb&ouml;ck geht, gibt es eine Person, die das letzte Wort hat, und das ist der Vorstand des Eulenb&ouml;ck-Trusts, [&hellip;] also ich. [...] In einem halben Jahr wird John Warsinskys Galerie&nbsp;<em>Urlaubsfoto Nr.9</em>&nbsp;zum Verkauf anbieten [&hellip;], dann wird der Eulenb&ouml;ck-Trust um eine Stellungnahme zur Echtheit gebeten werden. Jeder wei&szlig;, dass der Vorsitzende des Trusts auch der Verk&auml;ufer ist [&hellip;]. Nach eingehender Pr&uuml;fung wird der Trust dem Bild [...] das Siegel der Echtheit verleihen, was umso &uuml;berzeugender ist, als der f&uuml;hrende Eulenb&ouml;ck-Experte, also ich, das Bild schon vor Jahren als ein zu wenig bekanntes Hauptwerk bezeichnet hat.&ldquo;, traduit par Juliette Aubert sous le titre&nbsp;<em>Les Friedland</em>, Arles, Actes Sud, 2014, p.&nbsp;235.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;293&nbsp;: &bdquo;eine schwierige und erratische Autorit&auml;t&ldquo;, trad. cit. p.&nbsp;236.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;Federico Zeri,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;48&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;Car l&rsquo;activit&eacute; d&rsquo;attribution semble se doubler d&rsquo;une activit&eacute; de canonisation, voir Iain Pears,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;245&nbsp;: &ldquo;Argyll [&hellip;] made steady progress in the task of restoring Carlo Mantini to his proper place in the artistic pantheon.&rdquo;; &laquo;&nbsp;Argyll [&hellip;] fit de rapides progr&egrave;s dans sa t&acirc;che de restauration de Carlo Mantini &agrave; la place qui lui &eacute;tait due dans le panth&eacute;on des artistes&nbsp;&raquo;. Toutes les traductions des citations de cet ouvrage sont de l&rsquo;auteure de l&rsquo;article.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;Federico Zeri,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;48.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p. 54&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;Philippe Costamagna,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;8.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;Sur l&rsquo;&oelig;uvre comme relique auctoriale, voir Thierry Lenain,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;235.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;237.</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20</a>&nbsp;Sur le paradigme indiciaire et la m&eacute;thode morellienne, voir Carlo Ginzburg,&nbsp;<em>Mythes embl&egrave;mes traces. Morphologie et histoire</em>, traduit par Monique Aymard, Christian Paoloni, Elsa Bonan et Martine Sancini-Vignet, r&eacute;vision par Martin Rueff, Lagrasse, Verdier, 2010.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21</a>&nbsp;Voir Philippe Costamagna,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;68.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22</a>&nbsp;Voir Bernard Lahire,&nbsp;<em>Ceci n&rsquo;est pas qu&rsquo;un tableau. Essai sur l&rsquo;art, la domination, la magie et le sacr&eacute;</em>, Paris, La D&eacute;couverte (Laboratoire des sciences sociales), 2015, passim.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23</a>&nbsp;Iain Pears,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;40.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;46&nbsp;: &ldquo;In the Museo Nazionale itself, Elisabetta was set up like an icon [&hellip;]. [T]he effect was splendid, creating an atmosphere of almost religious awe and causing visitors to speak in respectful, hushed tones which added greatly to the work&rsquo;s impact.&rdquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25</a>&nbsp;Daniel Kehlmann,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;298.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26</a>&nbsp;<em>Idem.</em>, p.&nbsp;314&nbsp;<em>sq.&nbsp;</em>: &bdquo;Aber warum soll er das fragen, was k&uuml;mmert ihn mein Studio, was eine Handvoll falscher Bilder, die man nicht einmal falsch nennen kann, sie sind echt, die F&auml;lschung bist du, armer Heinrich&ldquo;, trad. cit. p.&nbsp;252.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27</a>&nbsp;Voir Federico Zeri,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;150.</p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28</a>&nbsp;Daniel Kehlmann,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;278&nbsp;: &bdquo;Es ist die Kunst selbst, als heiliges Prinzip, die es leider nicht gibt. [...] Es gibt nur Werke [...] und es gibt das Sturmgefl&uuml;ster der Meinungen &uuml;ber sie. Wechselnde Namen gibt es, die man je nach Zeitstimmung an ein und denselben Gegenstand heftet.&ldquo;, trad. cit. p.&nbsp;223.</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;279&nbsp;: &bdquo;stammen von ihm mehrere Bilder, f&uuml;r die wir van Gogh verehren.&ldquo;, trad. cit. p.&nbsp;224.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30</a>&nbsp;<em>Ibidem</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;281&nbsp;: &bdquo;Die Idee kam mir schon am dritten Tag. Heinrich schlief neben mir, [&hellip;] und mir fiel ein, wie ich aus ihm einen ber&uuml;hmten Maler machen k&ouml;nnte. Was ihn auszeichnete, was ihm fehlte, was ich zu tun vermochte, das stand mir klar vor Augen. Er w&uuml;rde sich gut im Fernsehen und auf Magazinfotos machen, er w&uuml;rde blendende Interviews geben.&ldquo;, trad. cit. p.&nbsp;226&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;id&eacute;e m&rsquo;est venue d&egrave;s le troisi&egrave;me jour. Heinrich dormait &agrave; c&ocirc;t&eacute; de moi [&hellip;] et j&rsquo;ai compris comment faire de lui un peintre c&eacute;l&egrave;bre. Ce qui le d&eacute;finissait, ce qui lui manquait, ce que je pouvais&nbsp;lui apporter, tout me parut soudain &eacute;vident. Il ferait bonne figure &agrave; la t&eacute;l&eacute;vision et sur les photos des magazines, il donnerait de brillantes interviews.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32</a>&nbsp;Umberto Eco,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;33&nbsp;: &laquo;&nbsp;Rileggere gli appunti qui sopra. Se quello che &egrave; scritto &egrave; scritto, mi &egrave; accaduto davvero. Prestare fede ai documenti scritti.&nbsp;&raquo;, traduit par Jean-No&euml;l Schifano, Paris, Grasset, 2011, p.&nbsp;39.</p> <p><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;23&nbsp;: &lsquo;&lsquo;&Egrave; bello [&hellip;] elaborare una confessione compromettente, creare un documento che condurr&agrave; qualcuno alla perdizione.&nbsp;Il potere dell&rsquo;arte&hellip;&rdquo;, trad. cit. p.&nbsp;29.</p> <p><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34</a>&nbsp;Voir Daniel Kehlmann,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;292.</p> <p><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35</a>&nbsp;Voir p.&nbsp;167.</p> <p><a href="#lien_nbp_36" name="nbp_36">36</a>&nbsp;Voir Ivan Jablonka,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;105 sq.</p> <p><a href="#lien_nbp_37" name="nbp_37">37</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;428&nbsp;: &ldquo;l&rsquo;unica verace tra l&rsquo;altro, in quella vicenda di menzogne&rdquo;, trad. cit. p.&nbsp;455.</p> <p><a href="#lien_nbp_38" name="nbp_38">38</a>&nbsp;Voir p.&nbsp;76.</p> <p><a href="#lien_nbp_39" name="nbp_39">39</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;95&nbsp;: &ldquo;Di fronte alla messa in scena di Dumas [&hellip;] mi domandavo se il Vate non avesse scoperto, nel raccontare di un solo complotto, la Forma Universale di ogni complotto possibile.&rdquo;, trad. cit. p.&nbsp;104.</p> <p><a href="#lien_nbp_40" name="nbp_40">40</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;96&nbsp;: &lsquo;&lsquo;Dumas non aveva inventato nulla: aveva dato soltanto forma di narrazione a quanto [&hellip;] aveva svelato l&rsquo;abate Barruel. [&hellip;] La gente crede solo a quello che sa gi&agrave;, e questa era la bellezza della Forma Universale del Complotto.&rsquo;&rsquo;, trad. cit. p.&nbsp;105.</p> <p><a href="#lien_nbp_41" name="nbp_41">41</a>&nbsp;Voir p.&nbsp;237&nbsp;: &ldquo;atmosfera da tregenda&rdquo;, &ldquo;una foresta du fantasmi rattrappiti&rdquo;, trad. cit. p.&nbsp;253.</p> <p><a href="#lien_nbp_42" name="nbp_42">42</a>&nbsp;Voir p.&nbsp;248&nbsp;: &lsquo;&lsquo;mercato antiebraico&rsquo;&rsquo;, trad. cit. p.&nbsp;244.</p> <p><a href="#lien_nbp_43" name="nbp_43">43</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;228.</p> <p><a href="#lien_nbp_44" name="nbp_44">44</a>&nbsp;Voir p.&nbsp;265.</p> <p><a href="#lien_nbp_45" name="nbp_45">45</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;372&nbsp;: &ldquo;forse non mi leggono pi&ugrave; per conoscere le trame dei nemici della Croce ma per pura passione narrativa&rdquo;, trad. cit. p.&nbsp;396.</p> <p><a href="#lien_nbp_46" name="nbp_46">46</a>&nbsp;Voir Umberto Eco, &laquo;&nbsp;La forza del falso&nbsp;&raquo;, dans<em>&nbsp;Sulla letteratura</em>, Milan, Bompiani, 2002, p.&nbsp;314.</p> <p><a href="#lien_nbp_47" name="nbp_47">47</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;320&nbsp;: &ldquo;Il falsi raccontati sono anzitutto racconti, e i racconti, come i miti, sono sempre persuasivi.&rdquo; (Je traduis).</p> <p><a href="#lien_nbp_48" name="nbp_48">48</a>&nbsp;F. Zeri,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;135.</p> <p><a href="#lien_nbp_49" name="nbp_49">49</a>&nbsp;Voir Bernard Lahire,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;286.</p> <p><a href="#lien_nbp_50" name="nbp_50">50</a>&nbsp;Philippe Costamagna,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;161.</p> <p><a href="#lien_nbp_51" name="nbp_51">51</a>&nbsp;Iain Pears,&nbsp;<em>op. cit.,</em>&nbsp;p.&nbsp;73.</p> <p><a href="#lien_nbp_52" name="nbp_52">52</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;74&nbsp;: &ldquo;It&rsquo;s all a matter of opinion. If enough people say it&rsquo;s genuine, then it is.&rdquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_53" name="nbp_53">53</a>&nbsp;<em>Idem</em>&nbsp;p.&nbsp;79&nbsp;: &ldquo;It&rsquo;s ninety-five percent certain it&rsquo;s a phoney. But who admits it? Not the museum, which paid three million dollars, not the art dealer who might have to give the money back, and not the critics and historians, who have already said how wonderful it is. So there it stays, despite clear and conclusive evidence that it&rsquo;s a monstrous hoax.&rdquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_54" name="nbp_54">54</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;80: &ldquo;They&rsquo;d wipe him out. They might even be right.&rdquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_55" name="nbp_55">55</a>&nbsp;Voir Philippe Costamagna,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;120. Sur les rapports entre morellisme et Sherlock Holmes, voir Carlo Ginzburg,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;222&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_56" name="nbp_56">56</a>&nbsp;Sur la certitude de l&rsquo;impossibilit&eacute; du faux parfait par les experts d&rsquo;art et ses limites, voir Thierry Lenain,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;15&nbsp;<em>sqq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_57" name="nbp_57">57</a>&nbsp;Voir Iain Pears.&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;97&nbsp;: &ldquo;Flavia decided that recognition of painterly style was merely a matter of keeping the eye practised.&rdquo;&nbsp;; &laquo;&nbsp;Flavia d&eacute;cida que la reconnaissance d&rsquo;un style pictural &eacute;tait une simple question d&rsquo;entra&icirc;nement de l&rsquo;&oelig;il&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_58" name="nbp_58">58</a>&nbsp;Philippe Costamagna,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;79&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#" name="nbp_59" style="font-size: 12pt;">59</a>&nbsp;<span style="font-size: 12pt;">Iain Pears.&nbsp;</span><em style="font-size: 12pt;">op. cit.</em><span style="font-size: 12pt;">, p.&nbsp;86&nbsp;: &ldquo;I think they&rsquo;re wonderful. I&rsquo;m a expert, so-called, and I can&rsquo;t tell.&rdquo;</span></p> <p><a href="#lien_nbp_60" name="nbp_60">60</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;88&nbsp;: &ldquo;They did not intend to comment on the aesthetic merits or otherwise of the painting. &lsquo;Just as well&rsquo;, thought Flavia, [&hellip;] &lsquo;Without a spectrometer they couldn&rsquo;t tell a Botticelli from a Chagall.&rsquo;&rdquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_61" name="nbp_61">61</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;104&nbsp;: &ldquo;By Raphael. Or perhaps we&rsquo;d better begin to say,&nbsp;<em>attributed</em>&nbsp;to Raphael.&rdquo; &nbsp;; &laquo;&nbsp;Par Rapha&euml;l. Or peut-&ecirc;tre ferions-nous mieux de commencer &agrave; dire&nbsp;<em>attribu&eacute;e &agrave;&nbsp;</em>Rapha&euml;l&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_62" name="nbp_62">62</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;36&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_63" name="nbp_63">63</a>&nbsp;Daniel Kehlmann<em>, op. cit.</em>, p.&nbsp;364&nbsp;<em>sq</em>. : &bdquo;&lsquo;Aber malen konnte er. Denk daran, und vergiss es nicht. Malen konnte er.&rsquo; &lsquo;Wer?&rsquo; &lsquo;Iwan&rsquo; &lsquo;Aber das ist nicht von Iwan.&rsquo;&ldquo;&raquo;, trad. cit. p.&nbsp;290.</p> <p><a href="#lien_nbp_64" name="nbp_64">64</a>&nbsp;Qui concerne &eacute;galement une certaine tendance de la litt&eacute;rature contemporaine&nbsp;: voir Ivan Jablonka<em>, op. cit.</em>, p.&nbsp;225&nbsp;<em>sqq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_65" name="nbp_65">65</a>&nbsp;Voir par exemple Umberto Eco,&nbsp;<em>Il Cimitero di Praga</em>, op. cit., p.&nbsp;16.</p> <p><a href="#lien_nbp_66" name="nbp_66">66</a>Voir Lucien Terras, &laquo;&nbsp;Les faux autographes de Denis Vrain-Lucas&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Vraiment faux</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;70&nbsp;<em>sqq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_67" name="nbp_67">67</a>&nbsp;Umberto Eco,&nbsp;<em>Il Cimitero di Praga</em>, op. cit., p.&nbsp;201.</p> <p><a href="#lien_nbp_68" name="nbp_68">68</a>&nbsp;<em>Idem</em>., p.&nbsp;43&nbsp;: &ldquo;i vari sistemi per ipnotizzare, da quelli ancora ciarlataneschi di tale abate Faria (mi ha fatto rizzare le orecchie quel nome dumasiano, ma si sa che Dumas saccheggiava cronache vere) a quelli [&hellip;] del dottor Braid&rdquo;, trad. cit. p.&nbsp;49.</p> <p><a href="#lien_nbp_69" name="nbp_69">69</a>Consultable sur Gallica [en ligne]&nbsp;:&nbsp;<a href="http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k851003">http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k851003</a>, site consult&eacute; le 10/10/17.</p> <p><a href="#lien_nbp_70" name="nbp_70">70</a>&nbsp;Voir &laquo;&nbsp;La forza del falso&nbsp;&raquo;, art. cit., et Sei passeggiate nei boschi narrrativi, Milan, Bompiani, 1994.</p> <p><a href="#lien_nbp_71" name="nbp_71">71</a>&nbsp;Voir p.&nbsp;515.</p> <p><a href="#lien_nbp_72" name="nbp_72">72</a>&nbsp;Voir p.&nbsp;499&nbsp;<em>sq</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_73" name="nbp_73">73</a>&nbsp;Iain Pears,&nbsp;<em>op. cit.</em>, hors pagination.</p> <p><a href="#lien_nbp_74" name="nbp_74">74</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;250&nbsp;: &ldquo;Argyll had sacrificed something of scholarly rigour for the sake of maximum impact, but it could hardly fail. Compared with papers on &lsquo;Manet&rsquo;s Conception of Human Progress,&rsquo; [&hellip;] this was rock and roll.&rdquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_75" name="nbp_75">75</a>&nbsp;Sur cette question, voir par exemple Charles Berstein, &laquo;&nbsp;Fraud&#39;s phantoms: a brief yet unreliable account of fighting fraud with fraud (no pun on Freud intended), with special reference to the poetics of Ressentiment&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Textual Practice</em>&nbsp;22(2), 2008, p.&nbsp;207-227, [en ligne],&nbsp;<a href="http://www.tandfonline.com.proxy.rubens.ens.fr/doi/full/10.1080/09502360802044927">http://www.tandfonline.com.proxy.rubens.ens.fr/doi/full/10.1080/09502360802044927</a>, site consult&eacute; le 27/09/17. Voir aussi Daniel Kehlmann,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p.&nbsp;282.</p> <p><a href="#lien_nbp_76" name="nbp_76">76</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.&nbsp;288&nbsp;: &bdquo;hatte er sich angew&ouml;hnt, die gut einge&uuml;bten Interviews&auml;tze auch dann von sich zu geben, wenn kein Mikrophon in der N&auml;he war. Er beschrieb ausf&uuml;hrlich seine Begegnung mit Picasso, und ich [...] wusste, dass er Picasso nie getroffen hatte&ldquo;, trad. cit. p.&nbsp;232.</p> <p><a href="#lien_nbp_77" name="nbp_77">77</a>&nbsp;Voir&nbsp;<em>ibidem</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_78" name="nbp_78">78</a>&nbsp;Contrairement &agrave; la valorisation, dans le champ litt&eacute;raire, &agrave; partir de la seconde moiti&eacute; du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle et dans le cadre des th&eacute;ories de la r&eacute;ception, du r&ocirc;le actif du lecteur comme co-constructeur du sens du texte. On se reportera notamment, bien entendu, aux travaux d&rsquo;Umberto Eco sur la question, de&nbsp;<em>Lector in fabula</em>&nbsp;aux&nbsp;<em>Limites de l&rsquo;interpr&eacute;tation</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_79" name="nbp_79">79</a>&nbsp;Dans le sillage des analyses de Gilles Deleuze dans&nbsp;<em>L&rsquo;Image-Temps</em>, la notion de &laquo;&nbsp;faux&nbsp;&raquo; a pu faire l&rsquo;objet de r&eacute;&eacute;valuations litt&eacute;raires qui en r&eacute;duisent toute la dimension nocive ou inqui&eacute;tante au profit de la c&eacute;l&eacute;bration univoque de ses pouvoirs de cr&eacute;ation. Voir, entre mille, un exemple de ce traitement du concept dans&nbsp;<u>Antony Larson, &laquo;&nbsp;Introduction&nbsp;&raquo;, dans &nbsp;<strong>&laquo;&nbsp;</strong>L&rsquo;Imposture. Fakery&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Revue fran&ccedil;aise d&rsquo;&eacute;tudes am&eacute;ricaines</em>, n&deg;150, janvier 2017<strong>,&nbsp;</strong>p. 3-8, en ligne&nbsp;:&nbsp;</u><a href="http://www.cairn.info.proxy.rubens.ens.fr/revue-francaise-d-etudes-americaines-2017-1-page-3.htm">http://www.cairn.info.proxy.rubens.ens.fr/revue-francaise-d-etudes-americaines-2017-1-page-3.htm</a><u>, consult&eacute; le 27/09/2017.</u></p>