<p><q>Imaginez un prestidigitateur qui, las d&#39;abuser de la cr&eacute;dulit&eacute; de la foule qu&#39;il a entretenue jusqu&#39;ici dans une illusion mensong&egrave;re, se propose un beau jour de substituer &agrave; son plaisir d&#39;enchanter celui de d&eacute;senchanter<a href="#nbp_1" id="footnoteref1_023brac" name="lien_nbp_1" title=" Louis-René des Forêts, Le Bavard, Paris, Gallimard (L'imaginaire), 1973, p. 137. Les indications paginales mentionnées entre parenthèses font, dans la suite de l'article, référence à cette édition de l'œuvre. ">1</a>.</q></p> <p>Comment ne pas comprendre que le narrateur du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;n&#39;est autre que ce prestidigitateur, fatigu&eacute; de ses propres tours de passe-passe, qui d&eacute;ciderait&nbsp;<em>in fine</em>, dans un geste de sinc&eacute;rit&eacute; complice, de r&eacute;v&eacute;ler &agrave; ses dupes la nature de leur mystification ? Ce serait sans doute encore sous-estimer le degr&eacute; de complexit&eacute; d&#39;une imposture qui ne se contentera &agrave; aucun moment d&#39;un simple masque ou d&#39;une seule supercherie stylistique pour tromper son auditoire. Ce serait r&eacute;soudre bien trop rapidement la question du d&eacute;fi que nous lance une &oelig;uvre dans laquelle &laquo; feindre de renoncer aux artifices, c&#39;&eacute;tait&nbsp;<em>aussi&nbsp;</em>un artifice, et autrement sournois<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_te1ro28" name="lien_nbp_2" title="C'est l'auteur qui souligne.">2</a>&raquo; (147). L&rsquo;&oelig;uvre du&nbsp;<em>Bavard</em>, le plaisir si particulier qu&rsquo;en tire le lecteur, semble r&eacute;sider dans la mise en place d&rsquo;un jeu de dupes permanent &agrave; l&rsquo;occasion duquel s&rsquo;affrontent le narrateur et le lecteur. Prenant la forme parfois agressive d&rsquo;une confrontation des intelligences, le texte ne saurait se r&eacute;duire au sch&eacute;ma traditionnel d&rsquo;une &laquo;&nbsp;illusion comique&nbsp;&raquo;, dont la teneur dramatique s&rsquo;appuierait sur une r&eacute;v&eacute;lation finale r&eacute;tablissant, en abyme, l&rsquo;ordre du&nbsp;<em>r&eacute;el</em>&nbsp;contre l&rsquo;ordre de la fiction, la v&eacute;rit&eacute; contre le mensonge, et d&eacute;voilerait l&rsquo;imposture.&nbsp;<em>Le Bavard</em>&nbsp;demande un engagement plus profond du lecteur qui ne peut se contenter d&rsquo;esp&eacute;rer une r&eacute;ponse, une solution &agrave; l&rsquo;&eacute;nigme qui para&icirc;t sous-tendre toute la lecture&nbsp;: &laquo;&nbsp;et si enfin mon bavardage n&rsquo;&eacute;tait que mensonge&nbsp;?&nbsp;&raquo; (140). C&rsquo;est au lecteur d&rsquo;en d&eacute;cider&nbsp;; l&rsquo;auteur, lui, ne dira rien&hellip; ou plut&ocirc;t dira tout, ce qui revient finalement au m&ecirc;me.</p> <p>L&rsquo;imposture fondamentale du livre r&eacute;side dans cette mystification qui consiste &agrave; faire croire que le probl&egrave;me du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;serait celui de la v&eacute;rit&eacute; de la fiction, et plus profond&eacute;ment, celui de l&#39;authenticit&eacute; d&#39;une int&eacute;riorit&eacute;. La structure m&ecirc;me du livre r&eacute;pond &agrave; une strat&eacute;gie complexe dans laquelle un certain nombre de &laquo; pactes de lecture &raquo; sont exp&eacute;riment&eacute;s, puis &eacute;vacu&eacute;s sans m&eacute;nagement. Le premier d&#39;entre eux appartient au genre autobiographique, parodi&eacute; d&#39;entr&eacute;e de jeu. Mais il est loin d&#39;&ecirc;tre le seul, et toute la malice du narrateur du Bavard est de savoir att&eacute;nuer sa pr&eacute;sence et ses interventions, du moins jusqu&#39;au chapitre III, en se dissimulant derri&egrave;re de longues s&eacute;quences narratives. Le dernier chapitre, qui se pr&eacute;sente comme le dernier acte d&rsquo;une tragi-com&eacute;die ou encore comme la synth&egrave;se d&rsquo;une dialectique savamment construite, nous imposera d&rsquo;interroger la logique profonde du&nbsp;<em>Bavard</em>, sans en rester au caract&egrave;re spectaculaire et fascinant de ce d&eacute;montage, qui pourrait nous induire en erreur. La force de l&rsquo;emprise du Bavard r&eacute;side peut-&ecirc;tre justement dans une forme de flatterie du lecteur, qui croit devancer les stratag&egrave;mes mis en place par le narrateur et, ce faisant, oublie de se m&eacute;fier d&rsquo;une complicit&eacute; somme toute illusoire. En effet, si plusieurs niveaux de lecture sont volontairement d&eacute;ploy&eacute;s au fil du texte, la vraie t&acirc;che du lecteur n&rsquo;est pas de choisir celui qui lui convient, mais de trouver le moyen de s&rsquo;extraire d&rsquo;une logique dont il semble ne pas pouvoir sortir, &agrave; moins de l&acirc;cher le livre. En le for&ccedil;ant &agrave; se poser la question de la nature mensong&egrave;re &ndash; fictive &ndash; du discours, le narrateur s&rsquo;assure un auditoire, et &eacute;ventuellement une consistance, un &laquo;&nbsp;volume&nbsp;&raquo; (148). Or tout l&rsquo;enjeu est bien l&agrave;&nbsp;: non pas &laquo;&nbsp;quoi dire&nbsp;? &raquo; mais &laquo;&nbsp;qu&rsquo;est-ce que dire&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; non pas &laquo; de quoi parler&nbsp;?&nbsp;&raquo; mais &laquo;&nbsp;comment parler&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp;; non pas &laquo;&nbsp;qu&#39;&eacute;crire&nbsp;?&nbsp;&raquo; mais &laquo;&nbsp;qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;&eacute;crire&nbsp;?&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est&nbsp;<em>in fine</em>&nbsp;l&rsquo;acte litt&eacute;raire lui-m&ecirc;me qui est interrog&eacute; et embarqu&eacute; dans la spirale de l&rsquo;imposture. Si chaque chapitre se termine par un silence, dont le dernier semble r&eacute;sonner &eacute;ternellement, cela signifie-t-il pour autant que toute litt&eacute;rature est vou&eacute;e au mutisme&nbsp;? Que tout auteur est un imposteur lui-m&ecirc;me dupe de l&rsquo;illusion qu&rsquo;il a con&ccedil;ue&nbsp;?&nbsp;<em>Le Bavard</em>&nbsp;n&rsquo;est pas l&rsquo;histoire d&rsquo;une maladie&nbsp;: c&rsquo;est un manuel critique, une langue mode d&rsquo;emploi dont les implications ressortissent au domaine &eacute;nonciatif, &eacute;thique et philosophique.</p> <p><strong>Le Palais des glaces : les multiples faux-semblants du&nbsp;<em>Bavard</em></strong></p> <p>Au Palais des glaces, le Bavard est Roi. Le h&eacute;ros de Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts porte la manipulation des impostures &agrave; un niveau de virtuosit&eacute; rarement &eacute;gal&eacute;, au point que l&#39;on puisse consid&eacute;rer son livre comme l&#39;&oelig;uvre d&#39;un prestidigitateur de g&eacute;nie. Si l&#39;on pr&eacute;tend envisager le d&eacute;passement de ces multiples jeux d&#39;illusion, il faut au pr&eacute;alable en explorer les m&eacute;andres, en saisir les enjeux. Notre hypoth&egrave;se de d&eacute;part est que la teneur&nbsp;<em>dramatique</em>&nbsp;du texte &ndash; entendue au sens m&eacute;taphorique de ce qui assure &agrave; la progression du r&eacute;cit un certain relief &ndash; repose essentiellement sur le montage et le d&eacute;montage des impostures du narrateur. Autrement dit, le discours imprime &agrave; la relation entre le narrateur et le lecteur un tour conflictuel et contrariant, fond&eacute; sur une alternance binaire entre illusion et d&eacute;sillusion, provocation et apaisement<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_q1ny3xz" name="lien_nbp_3" title="C'est ce que Dominique Rabaté appelait la &quot;logique du retournement&quot;, et qu'il considérait déjà comme la pierre angulaire d'une dramatisation du récit : « J'ai déjà marqué la fréquence de ces inversions dans ma lecture du Bavard : le récit fait tout pour en exagérer la tension, pour en dramatiser le conflit. Toute une série de couples d'opposés structure ainsi le livre : triomphe et échec, silence contre parole, proximité contre éloignement, froid contre chaud, sincérité contre mensonge » (Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts. La Voix et le volume, Paris, José Corti, 2002, p. 189).">3</a>. Les mystifications dont il est alors question se d&eacute;roulent &agrave; plusieurs niveaux qu&#39;il s&#39;agit pour nous de traiter les uns apr&egrave;s les autres. Au premier d&#39;entre eux, le Bavard se pr&eacute;sente comme un avatar d&eacute;figur&eacute; du Rousseau des&nbsp;<em>Confessions.</em></p> <p><em><strong>L&#39;imposture di&eacute;g&eacute;tique : le dispositif confessionnel</strong></em></p> <p>Les deux premiers chapitres constituent le premier niveau de lecture du&nbsp;<em>Bavard</em>, &agrave; savoir le niveau de la di&eacute;g&egrave;se, du contenu premier du r&eacute;cit. Or, tr&egrave;s vite, le lecteur prend conscience que la revendication de sinc&eacute;rit&eacute; du narrateur est une supercherie et que le r&eacute;cit se pr&eacute;sente comme un pastiche du discours autobiographique ou confessionnel. D&egrave;s les premi&egrave;res pages, on reconna&icirc;t les p&eacute;titions de principe qui occupent g&eacute;n&eacute;ralement les pr&eacute;faces des r&eacute;cits de soi, et proposent au lecteur ce &laquo; pacte autobiographique &raquo; qu&#39;a d&eacute;crit Philippe Lejeune<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_4sgk6dc" name="lien_nbp_4" title="Philippe Lejeune, Le Pacte autobiographique, Paris, Seuil, 1975.">4</a>&nbsp;:</p> <p><q>Je disais que je ne me soucie pas le moins du monde de l&#39;expression que j&#39;emprunte pour coucher ces lignes sur le papier. Pas le moins du monde est sans doute de trop. Mon go&ucirc;t me porte naturellement vers le style allusif, color&eacute;, passionn&eacute;, sombre et d&eacute;daigneux et j&#39;ai pris aujourd&#39;hui, non sans r&eacute;pugnance, la r&eacute;solution de laisser de c&ocirc;t&eacute; toute recherche formelle, de sorte que je me trouve &eacute;crire avec un style qui n&#39;est pas le mien ; c&#39;est dire que j&#39;ai &eacute;cart&eacute; tous les charmes d&eacute;risoires dont il m&#39;arrive parfois de jouer [&hellip;] (10).</q></p> <p>Les enjeux d&#39;une telle d&eacute;claration d&#39;intention sont peut-&ecirc;tre plus complexes qu&#39;il n&#39;y parait &agrave; premi&egrave;re vue. Tout d&#39;abord, ces pr&eacute;ventions &agrave; valeur d&#39;avant-propos pr&eacute;sentent le discours &agrave; suivre comme un moment d&#39;exception dans la po&eacute;tique de l&#39;auteur : la volont&eacute; stylistique affich&eacute;e correspond &agrave; une dynamique asc&eacute;tique dont l&#39;objectif est un d&eacute;lestage de la teneur litt&eacute;raire du propos. En effet, l&#39;&eacute;criture y est assimil&eacute;e &agrave; un contre-style (&laquo; laisser de c&ocirc;t&eacute; toute recherche formelle &raquo;) qui est ainsi cens&eacute;, &agrave; l&#39;oppos&eacute; de l&#39;artifice romanesque, assurer l&#39;authenticit&eacute; de la confession<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_pr4h6hm" name="lien_nbp_5" title="Jean Roudaut a bien mis en évidence le « jeu des citations » qui marque ce début de discours, et qui unit le texte du Bavard à d'autres entreprises confessionnelles, comme celle de Breton ou de Constant (voir Jean Roudaut, Louis-René des Forêts, Paris, Seuil, 1995, p. 103 et suiv.). De son côté, Dominique Rabaté a montré la dette de ce même passage au livre de Michel Leiris, L'Âge d'homme (voir Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts. La Voix et le volume, op. cit., p. 32 et suiv.). Sur la poétique de la citation chez des Forêts, voir Emmanuel Delaplanche, Les lectures clandestines, thèse de doctorat, université Paris 7, 2001.">5</a>. De ce point de vue, le Bavard rejoue le dispositif confessionnel tel qu&#39;on le trouvait expos&eacute; d&egrave;s le &laquo; pr&eacute;ambule &raquo; du livre de Jean-Jacques Rousseau :</p> <p><q>Si je veux faire un ouvrage &eacute;crit comme les autres, je ne me peindrai pas, je me farderai. C&#39;est ici de mon portrait qu&#39;il s&#39;agit et non pas d&#39;un livre. [&hellip;] Je prends donc mon parti sur le style comme sur les choses. Je ne m&#39;attacherai point &agrave; le rendre uniforme<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_wcmm3z5" name="lien_nbp_6" title="Jean-Jacques Rousseau, Confessions, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 791.">6</a>.</q></p> <p>On lit ici un m&ecirc;me rejet de l&#39;ornement, un m&ecirc;me refus de la composition litt&eacute;raire. Mais chez des For&ecirc;ts, ce refus prend un tour paradoxal en ce qu&#39;il aboutit &agrave; l&#39;envers de l&#39;exigence d&#39;authenticit&eacute; rousseauiste. En effet, si l&#39;auteur des&nbsp;<em>Confessions</em>&nbsp;souhaite par ce biais ne ressembler &agrave; aucun autre, le Bavard en fait justement le moyen d&#39;une ali&eacute;nation radicale de soi&nbsp;:</p> <p><q>Ajoutez &agrave; cela que mon style naturel n&#39;est pas celui du confessionnal, rien d&#39;&eacute;tonnant s&#39;il ressemble &agrave; une foule d&#39;autres, mais je n&#39;ai pas de pr&eacute;tention, vous &ecirc;tes avertis (10).</q></p> <p>L&#39;avertissement au lecteur a donc de quoi surprendre : pour vous dire toute la v&eacute;rit&eacute;, j&#39;adopterai le style... des autres. Cet &eacute;cart &agrave; soi est le premier paradoxe qui fonctionne comme l&#39;indice flagrant d&#39;une imposture. Comment dire la v&eacute;rit&eacute; tout en produisant un tel effort pour ne pas se ressembler? Le dispositif confessionnel paradoxal du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;aboutit ainsi &agrave; placer en amorce d&#39;un texte d&#39;aveu un gage d&#39;inauthenticit&eacute;.</p> <p>D&egrave;s lors, le narrateur indique en m&ecirc;me temps au lecteur sa requ&ecirc;te d&#39;une &laquo; suspension du jugement &raquo; envers son histoire et les moyens de ne pas y croire. Cette apparente position de sup&eacute;riorit&eacute; du lecteur fait tout le plaisir de la premi&egrave;re lecture du&nbsp;<em>Bavard</em>, que l&rsquo;on peut qualifier d&rsquo;ironique ou de savante&nbsp;: elle consiste &agrave; rep&eacute;rer les abus, les d&eacute;tournements, les r&eacute;&eacute;critures, les st&eacute;r&eacute;otypes qui viennent contredire l&rsquo;exigence d&rsquo;authenticit&eacute; affirm&eacute;e par le narrateur... et prouver aux yeux du lecteur l&#39;imposture en actes &agrave; laquelle il est en train d&#39;assister. Parmi ces entorses &agrave; la bonne foi, outre le &laquo; jeu des citations &raquo; que nous avons &eacute;voqu&eacute;, beaucoup ont d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; &eacute;tudi&eacute;es par la critique. En particulier, l&#39;inspiration romanesque a retenu l&#39;attention de Dominique Rabat&eacute;. Pour lui, l&#39;image d&#39;une &oelig;uvre &laquo; aux antipodes du romanesque &raquo; v&eacute;hicul&eacute;e d&#39;abord par Maurice Blanchot est &agrave; nuancer : &laquo; la part de v&eacute;rit&eacute; de ces caract&eacute;risations est ind&eacute;niable mais ne doit pas faire oublier trop vite le substrat dramatique qui en est le fond<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_kgxdwct" name="lien_nbp_7" title="Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts. La Voix et le volume, op. cit., p. 73.">7</a>&nbsp;&raquo;. De la m&ecirc;me mani&egrave;re, Florence Delay reconna&icirc;t aux &oelig;uvres de des For&ecirc;ts une &laquo; ardeur narrative&nbsp;&raquo; qui provoque chez le lecteur une v&eacute;ritable &laquo;&nbsp;excitation romanesque&nbsp;&raquo;. Pour Dominique Rabat&eacute;, cette veine romanesque tient par exemple &agrave; l&#39;utilisation de&nbsp;<em>topo&iuml;&nbsp;</em>:</p> <p><q>Ces lieux [inspir&eacute;s du roman noir] ont par eux-m&ecirc;mes, &agrave; la fa&ccedil;on d&#39;&eacute;l&eacute;ments cod&eacute;s, une fonction d&#39;indices dramatiques. Ils donnent un certain ton, th&eacute;&acirc;tralisant l&#39;action en la concentrant, en lui d&eacute;limitant un d&eacute;cor. Quoique plus &eacute;pur&eacute;s, ce sont eux que l&#39;on peut retrouver dans&nbsp;<em>Le Bavard&nbsp;</em>avec le dancing enfum&eacute;, participant allusivement d&#39;un certain genre cin&eacute;matographique, ou le parc enneig&eacute; de la deuxi&egrave;me partie<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_t65pq51" name="lien_nbp_8" title="Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts. La Voix et le volume, op. cit., p. 175.">8</a>.</q></p> <p>L&#39;imaginaire romanesque trahit, aux yeux du lecteur, un manque de sinc&eacute;rit&eacute;, d&#39;autant qu&#39;il s&#39;accompagne de ce qui para&icirc;t &ecirc;tre une v&eacute;ritable &laquo; recherche formelle &raquo; visant &agrave; dramatiser l&#39;action. Ainsi reconna&icirc;t-on assez facilement, dans le chapitre II, les st&eacute;r&eacute;otypes d&#39;&eacute;criture du roman policier :</p> <p><q>Je repris mon chemin en acc&eacute;l&eacute;rant mon allure, mais je n&#39;avais pas fait vingt pas qu&#39;il me sembla de nouveau entendre derri&egrave;re moi un r&acirc;le l&eacute;ger et r&eacute;gulier qui scandait ma marche ; au lieu de stopper et de me retourner comme j&#39;avais fait pr&eacute;c&eacute;demment, je me mis &agrave; courir &agrave; toutes jambes au milieu de la chauss&eacute;e du boulevard... (87)</q></p> <p>La mont&eacute;e de l&#39;angoisse est d&#39;autant plus sensible ici qu&#39;elle ne sera pas d&eacute;&ccedil;ue et conduira &agrave; une v&eacute;ritable p&eacute;rip&eacute;tie : la filature et la course poursuite aboutiront bien &agrave; une confrontation physique qui laissera le narrateur au seuil de la mort (107-108). Les multiples protestations de v&eacute;rit&eacute; ou de mensonge du narrateur ne changent pas fonci&egrave;rement la nature de cette premi&egrave;re imposture. Qu&#39;il clame sa sinc&eacute;rit&eacute; (&laquo; pour dire enfin la v&eacute;rit&eacute; &raquo;) ou confesse sa feintise (&laquo; Je mens ! Je viens de mentir... &raquo; (76)), le portrait et le r&eacute;cit du narrateur apparaissent comme une image risible de l&#39;imposteur, autrement dit pr&eacute;cis&eacute;ment comme la &laquo;&nbsp;bouffonnerie &raquo; contre laquelle s&#39;&eacute;l&egrave;ve le Bavard lui-m&ecirc;me (78). D&egrave;s lors, le narrateur, cern&eacute; par l&#39;ironie du lecteur, ne peut pr&eacute;tendre &agrave; maintenir la supercherie bien longtemps, et la rupture qui intervient au d&eacute;but du chapitre III modifie&nbsp;<em>qualitativement</em>&nbsp;la teneur du texte :</p> <p><q>Prenez garde que je ne tienne en r&eacute;serve une r&eacute;ponse propre &agrave; saper tout l&#39;&eacute;difice de votre ironie. Je parie que vous hochez la t&ecirc;te avec le sourire entendu de celui &agrave; qui on n&#39;en fait pas accroire, vous pensez sans doute que je cherche un dernier recours dans l&#39;intimidation, faute de ne pouvoir me tirer plus habilement d&#39;un mauvais pas (135).</q></p> <p>Cette adresse directe au lecteur, si elle est loin d&#39;&ecirc;tre la premi&egrave;re du r&eacute;cit, &eacute;tonne tout de m&ecirc;me par sa longueur et sa radicalit&eacute; : c&#39;est que nous sommes pass&eacute;s du discours au m&eacute;ta-discours correspondant, et l&#39;on ne quittera plus ce niveau d&#39;analyse. Toutefois, ce dernier chapitre n&#39;a pas pour seule fonction de r&eacute;futer la dimension v&eacute;ridique (autobiographique) des deux premiers. Ce que l&#39;on pensait &ecirc;tre la fin de l&#39;imposture (sa mise au jour) appara&icirc;t en r&eacute;alit&eacute; comme l&#39;&eacute;dification d&#39;une nouvelle imposture ; et le triomphe du lecteur est l&#39;occasion d&#39;une duperie plus profonde.</p> <p><em><strong>Le d&eacute;voilement sans fin</strong></em></p> <p>Le deuxi&egrave;me niveau de lecture&nbsp;renverse la balance des forces. En posant comme cible des sp&eacute;culations le probl&egrave;me de la v&eacute;rit&eacute; du r&eacute;cit premier, le narrateur trompe le lecteur qui se fie &agrave; ce nouveau discours&hellip; et redevient la dupe du bavard. Un discours qui d&eacute;nonce une mystification ne peut pas, &agrave; proprement parler, &ecirc;tre faux. Aussi acquiert-il toutes les apparences du discours vrai, sinc&egrave;re. Le premier niveau de discours n&#39;appara&icirc;t plus que comme une mani&egrave;re de l&eacute;gitimer le second niveau. Si, en apparence, le lecteur pense toujours avoir le dessus, le narrateur ne faisant que d&eacute;voiler ce que le lecteur avait d&eacute;j&agrave; parfaitement compris, ce m&eacute;ta-discours entre lui-m&ecirc;me parfaitement dans la logique du bavardage.</p> <p>L&agrave; encore, en effet, les choses ne peuvent &ecirc;tre aussi simples. Et si ce changement de niveau lui-m&ecirc;me &eacute;tait une illusion ? Si, en r&eacute;alit&eacute;, nous nous situions toujours &agrave; un m&ecirc;me niveau, celui du d&eacute;ploiement potentiellement infini de la parole - du bavardage ? Le dernier chapitre serait, relativement au degr&eacute; d&#39;illusion, strictement &eacute;gal au pr&eacute;c&eacute;dent ; seul l&#39;objet de l&#39;imposture aurait chang&eacute;. Car, du point de vue de la composition du discours, les &eacute;l&eacute;ments logiques restent strictement les m&ecirc;mes. Seule la dimension narrative s&#39;est vue &eacute;vinc&eacute;e du chapitre III, tout comme la dimension discursive avait en grande partie d&eacute;sert&eacute; le chapitre II. Il y a l&agrave; variation, mais en aucun cas progression. &laquo; La d&eacute;nonciation des effets litt&eacute;raires est pr&eacute;sent&eacute;e dans le r&eacute;cit comme une nouvelle duperie. Au mensonge n&#39;est pas oppos&eacute;e la v&eacute;rit&eacute;, mais un autre mensonge, &agrave; une fiction (celle qui s&#39;abreuve d&#39;aventures) une contre-fiction (celle qui raconte la construction du r&eacute;cit d&#39;aventures)<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_f31l9zg" name="lien_nbp_9" title="Jean Roudaut, Louis-René des Forêts, op. cit., p. 97.">9</a>&nbsp;&raquo;. L&#39;imposture se recompose, se m&eacute;tamorphose, mais elle ne se dissipe pas.</p> <p>Les indices de la continuation de l&#39;imposture abondent. Comme pour le premier temps, nous pouvons relever, dans le texte, les effets qui montrent combien le discours est construit sur une m&ecirc;me sp&eacute;culation&nbsp;<em>bavarde</em>, c&#39;est-&agrave;-dire priv&eacute;e de toute pertinence locutoire, centr&eacute;e sur la seule assurance d&#39;une perp&eacute;tuation de la parole. Stylistiquement, cette derni&egrave;re s&#39;appuie donc moins sur le registre romanesque et dramatique (qui alimentait l&#39;illusion di&eacute;g&eacute;tique) que sur l&#39;extraordinaire arsenal logique que d&eacute;ploie le narrateur, compos&eacute; de deux &eacute;l&eacute;ments micro-structuraux&nbsp;principaux : la relance et la r&eacute;cursivit&eacute;. La combinaison de ces deux m&eacute;canismes produit l&#39;effet de &laquo; fuite en avant &raquo; que remarquait d&eacute;j&agrave; Dominique Rabat&eacute; :</p> <p><q>Chaque question angoiss&eacute;e appelle la suivante dans une sorte d&#39;emballement rh&eacute;torique sans fin. [&hellip;] Si les choses se passent ainsi et si nous gardons l&#39;impression d&#39;un r&eacute;cit abstrait, c&#39;est parce qu&#39;il manque au&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;un centre. Toute la narration se d&eacute;roule en effet comme si elle devait trouver un point fixe, s&#39;arr&ecirc;ter en une exp&eacute;rience cruciale d&#39;o&ugrave; le reste du livre rayonnerait<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_kr7h35o" name="lien_nbp_10" title="Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts. La voix et le volume, op. cit., p. 48-49.">10</a>.</q></p> <p>La structure de la relance est particuli&egrave;rement visible au niveau des articulations majeures du texte, &agrave; savoir les changements de chapitre. Elle consiste en une modification du point de vue ou du registre qui permet d&#39;&eacute;viter le mutisme auquel invite la fin du mouvement pr&eacute;c&eacute;dent - et donc l&#39;arr&ecirc;t du&nbsp;<em>bavardage</em>. Par exemple, le premier chapitre se termine sur la violente interruption du monologue du narrateur par le &laquo; brusque &eacute;clat de rire &raquo; (70) de la &laquo;&nbsp;femme &raquo;. Au m&eacute;ta-discours permanent qui caract&eacute;risait ce long passage de discours narrativis&eacute; succ&egrave;de un registre narratif d&#39;une &eacute;tonnante simplicit&eacute; :</p> <p><q>Je courus en titubant vers la porte mais, avant de l&#39;ouvrir, je me retournai (71).</q></p> <p>En quelque sorte, le rire de la femme a neutralis&eacute; le registre analytique, sans venir tout &agrave; fait &agrave; bout du&nbsp;<em>bavardage</em>&nbsp;lui-m&ecirc;me. Le niveau de la di&eacute;g&egrave;se et le niveau de l&#39;&eacute;nonciation se confondent le temps d&#39;un instant, la figure de la femme &eacute;tant une image parmi d&#39;autres du lecteur lui-m&ecirc;me. La fin du chapitre II pr&eacute;sente un m&ecirc;me processus, qui, bien s&ucirc;r, n&#39;utilise pas les m&ecirc;mes leviers de la relance :</p> <p><q>Il me sembla alors qu&#39;un trait fulgurant me trouait le cr&acirc;ne derri&egrave;re les yeux, l&#39;eau qui scintillait sous moi me br&ucirc;lait les paupi&egrave;res, remontait le sang &agrave; mes tempes.<br /> - Assez ! m&#39;&eacute;criai-je en sanglotant, assez ! apr&egrave;s un tel chant, comment oserais-je encore ouvrir la bouche (133) !</q></p> <p>L&agrave; encore, les niveaux di&eacute;g&eacute;tique et &eacute;nonciatif se rejoignent : &agrave; la th&eacute;matisation du mutisme r&eacute;pond le l&eacute;ger &laquo; suspens &raquo; produit par le blanc de la fin du chapitre. Mais d&egrave;s la page suivante&nbsp;:</p> <p><q>Et maintenant, j&#39;attends que vous me posiez la question qui vous br&ucirc;le les l&egrave;vres. Allez-y (135).</q></p> <p>Au r&eacute;cit succ&egrave;de, de mani&egrave;re encore relativement brutale, le discours adress&eacute; et la r&eacute;flexion m&eacute;ta-discursive (&laquo; Alors, il est vrai que je pouvais me jeter dans le canal... &raquo;). Le m&eacute;canisme de la relance fonctionne selon un mod&egrave;le de balancement que l&#39;auteur th&eacute;matise lui-m&ecirc;me &agrave; propos d&#39;un autre sujet :</p> <p><q>[&hellip;] [&Eacute;]prouvant subitement une r&eacute;pugnance insurmontable pour la vie en soci&eacute;t&eacute; [&hellip;], je n&#39;aspirais qu&#39;&agrave; m&#39;en d&eacute;gager pour go&ucirc;ter aux bienfaits de l&#39;air pur et du silence, mais je n&#39;avais pas plut&ocirc;t ob&eacute;i &agrave; ce d&eacute;sir qu&#39;effray&eacute; &agrave; la perspective de me trouver d&eacute;sormais priv&eacute; de tout contact humain [&hellip;], je courais me souiller avec d&eacute;lice au contact du monde [&hellip;], et ainsi de suite. Cet &eacute;tat de perp&eacute;tuelle alternative &eacute;tait des plus p&eacute;nibles [&hellip;] (74).</q></p> <p>Le trait psychologique ici d&eacute;not&eacute; peut servir d&#39;exemple&nbsp;: le mod&egrave;le binaire du balancement se mue en une &laquo; perp&eacute;tuelle alternative &raquo;, c&#39;est-&agrave;-dire qu&#39;il assure dans la diff&eacute;rence la continuit&eacute; du mouvement. C&#39;est, dans un autre domaine, ce qui a lieu &agrave; l&#39;&eacute;chelle globale du texte du&nbsp;<em>Bavard&nbsp;</em>et en assure la structuration logique.</p> <p>Si cet effet de bascule est aussi perceptible &agrave; l&#39;int&eacute;rieur m&ecirc;me des chapitres, un autre m&eacute;canisme logique garantit la tenue du discours &agrave; une plus petite &eacute;chelle, &agrave; savoir la r&eacute;cursivit&eacute;. Celle-ci n&#39;est rien d&#39;autre que la loi qui &eacute;tablit qu&#39;un commentaire &ndash; un &eacute;l&eacute;ment de discours m&eacute;ta-textuel &ndash; peut toujours &ecirc;tre lui-m&ecirc;me l&#39;objet d&#39;un nouveau commentaire, etc. Ce tour d&#39;&eacute;criture est une constante du&nbsp;<em>Bavard</em>, et ce quel que soit le chapitre. Ainsi dans le premier des trois :</p> <p><q>Mais &agrave; quoi bon ces frais d&#39;exposition, voil&agrave; bien des d&eacute;tours pour en venir enfin &agrave; &eacute;crire cette simple phrase : j&#39;avais envie de danser avec elle (32).</q></p> <p>Le d&eacute;monstratif &laquo; ces &raquo; et le pr&eacute;sentatif &laquo; voil&agrave; &raquo; renvoient tous deux au discours pr&eacute;c&eacute;dent, quand le d&eacute;monstratif &laquo; cette &raquo; anticipe sur le suivant. Non seulement ce m&eacute;ta-discours constitue en soi un discours, mais il permet en plus de justifier une poursuite de la parole virtuellement sans fin. Voil&agrave; une cheville du discours parfaitement constitu&eacute;e par le passage au niveau r&eacute;flexif.&nbsp;<em>A fortiori</em>, cette cheville elle-m&ecirc;me pourrait &ecirc;tre la cible d&#39;un nouveau commentaire<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_iucu5db" name="lien_nbp_11" title="Maxime Decout aborde un exemple encore plus particulier en ce que s'y rencontrent à la fois le mécanisme de la récursivité du commentaire et celui du paradoxe du menteur (voir Maxime Decout, En toute mauvaise foi. Sur un paradoxe littéraire, Paris, Les Editions de Minuit, 2015, p. 59).">11</a>. Dans le chapitre II, on trouve par exemple :</p> <p><q>Les suites des coups que j&#39;avais re&ccedil;us se faisaient &agrave; pr&eacute;sent durement sentir ; ma magnifique exaltation n&#39;&eacute;tait plus qu&#39;une immense lassitude. Rien qu&#39;&agrave; l&#39;&eacute;voquer, je frissonne, moins &agrave; la pens&eacute;e de la souffrance qu&#39;au sentiment de mon &eacute;chec d&#39;alors (109).</q></p> <p>La premi&egrave;re phrase place d&eacute;j&agrave; le contenu du discours &agrave; un certain niveau de r&eacute;flexion : il s&#39;agit d&#39;identifier l&#39;&eacute;volution des sentiments provoqu&eacute;s par la douleur physique. Ce premier niveau se double d&#39;un second qui prend appui sur l&#39;&eacute;nonciation elle-m&ecirc;me, et qui est &agrave; proprement parler m&eacute;ta-discursif. L&#39;extr&ecirc;me proximit&eacute; du temps de l&#39;&eacute;criture et du temps du r&eacute;cit aboutit &agrave; l&#39;image d&#39;un narrateur commentant son propre acte d&#39;&eacute;criture.</p> <p>On comprend donc que le geste de d&eacute;voilement qui marquait la rupture du chapitre III, et semblait faire tendre le discours vers une fin, n&#39;est que la reprise de faits micro-structurels qui, depuis le d&eacute;but, assurent l&#39;&eacute;dification et la perp&eacute;tuation du discours. L&#39;imposture di&eacute;g&eacute;tique, facilement d&eacute;masqu&eacute;e, se double d&#39;une imposture logique plus profonde dans laquelle le lecteur peut moins facilement se complaire. Cette apparence de logique permet de garantir l&#39;efficience<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_w53sma3" name="lien_nbp_12" title="Selon Jean Roudaut, « l'opposé du bavardage n'est pas le silence mais la parole efficiente » (Jean Roudaut, Louis-René des Forêts, op. cit., p. 96). Il nous semble que cette assertion n'est vraie que dans le cas où le bavardage est un échec. Toute l'imposture du bavardage réside dans sa capacité à adopter l'apparence d'une parole efficiente.">12</a>&nbsp;de la parole du Bavard. Toutefois, malgr&eacute; les remises en question perp&eacute;tuelles, il existe peut-&ecirc;tre un v&eacute;ritable drame dans&nbsp;<em>Le Bavard</em>, qui engage une rupture plus radicale en ce qu&#39;elle an&eacute;antit&nbsp;<em>in fine</em>&nbsp;la dynamique de renouvellement de l&#39;imposture.</p> <p><em><strong>Le dispositif sp&eacute;culaire ou la disparition du lecteur</strong></em></p> <p>Si l&#39;on postule que le bavardage est une cha&icirc;ne ininterrompue de commentaires et de relances, il est absolument n&eacute;cessaire de consid&eacute;rer le premier &eacute;l&eacute;ment de la cha&icirc;ne, sur lequel repose la totalit&eacute; du discours. En l&#39;occurrence :</p> <p><q>Je me regarde souvent dans la glace (7).</q></p> <p>Ce premier tableau de l&#39;homme face &agrave; lui-m&ecirc;me est fort de sens : il contient en puissance toutes les questions propres au geste d&#39;introspection (qui suis-je ? suis-je un autre&nbsp;?, etc.) qui seront mentionn&eacute;es et d&eacute;velopp&eacute;es au cours du texte. Pour l&#39;auteur d&#39;un r&eacute;cit intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Dans un miroir&nbsp;&raquo;, cette posture poss&egrave;de une v&eacute;ritable dimension matricielle, confirm&eacute;e par les nombreux rappels des chapitres suivants. Ainsi est-il attentif &agrave; &laquo; l&#39;image que se fait de moi la personne que j&#39;aime &raquo; (39), &agrave; &laquo; l&#39;id&eacute;e que je pensais qu&#39;ils se faisaient de moi &raquo; (56), ou &agrave; &laquo;&nbsp;l&#39;image m&eacute;prisable qu&#39;on peut se faire de moi &raquo; (152). Ainsi a-t-il aussi tir&eacute; les le&ccedil;ons de &laquo;&nbsp;ce que des ann&eacute;es d&#39;auto-observation [lui] avaient appris &raquo; (129). Enfin, et la r&eacute;p&eacute;tition de ce motif ne cesse de renvoyer &agrave; la sc&egrave;ne initiale, &laquo; il y a pour celui qui parle une &eacute;trange source d&#39;encouragement dans le visage humain qui est en face de lui &raquo; (142). Cette th&eacute;matisation du dispositif sp&eacute;culaire a &eacute;t&eacute; analys&eacute;e diversement par la critique, qui en a fait le symbole d&#39;une impossible r&eacute;conciliation de soi &agrave; soi<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_ck7mrqp" name="lien_nbp_13" title="Jean Roudaut, Louis-René des Forêts, op. cit., p. 40 et suiv.">13</a>, ou le signe le plus flagrant du solipsisme du Bavard<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_kqd495n" name="lien_nbp_14" title="Dominique Rabaté, Louis-René des Forêts. La voix et le volume, op. cit., p. 51.">14</a>. Dans notre cas, il s&#39;agit de voir combien cette posture r&eacute;v&egrave;le une des impasses du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;: plus que d&#39;un tableau matriciel, il s&#39;agirait en r&eacute;alit&eacute; de la posture d&eacute;finitive du Bavard dont toutes les prouesses stylistiques ne seraient qu&#39;autant de vaines tentatives pour fuir son propre reflet... sans jamais y parvenir.</p> <p>Pour d&eacute;velopper ce troisi&egrave;me niveau de lecture, il s&#39;agit de cesser de consid&eacute;rer le &laquo; lecteur&nbsp;&raquo; dont nous parlions comme une figure en partie identifiable au &laquo; lecteur &raquo; auquel s&#39;adresse le narrateur. En r&eacute;alit&eacute;, le &laquo;&nbsp;lecteur &raquo; du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;n&rsquo;est qu&rsquo;un &eacute;l&eacute;ment de plus du personnel fictionnel qu&#39;il convoque, une instance sur laquelle p&egrave;se aussi le soup&ccedil;on de l&rsquo;imposture. Si le narrateur cherche partout son reflet, l&#39;image de soi qu&#39;il renvoie aux autres et &agrave; lui-m&ecirc;me, cette disposition est en m&ecirc;me temps la seule qu&#39;il n&#39;interroge pas, dont il n&#39;arrive pas &agrave; se d&eacute;faire :</p> <p><q>Ce &agrave; quoi ne se r&eacute;sout pas le Bavard, c&#39;est &agrave; se confronter &agrave; lui-m&ecirc;me. Il fuit le monstre en lui ; ce monstre n&#39;est pas, sous l&#39;aspect d&#39;un Minotaure, une figure de p&egrave;re terrible. Il est, en nous, notre faiblesse d&eacute;vorante : il a notre visage, le visage que nous ne voulons pas voir, et, pour cela, nous nous regardons souvent dans la glace. Ce serait, au contraire, en l&#39;affrontant que le Bavard trouverait des forces : elles le dispenseraient de vouloir &eacute;laborer une image de lui avec laquelle il ne co&iuml;ncide pas, mais en quoi il pense trouver protection. [...] Le Bavard se fuit dans le bavardage<a href="#nbp_15" id="footnoteref15_6k2ccl0" name="lien_nbp_15" title="Jean Roudaut, Louis-René des Forêts, op. cit., p. 96.">15</a>.</q></p> <p>C&#39;est ainsi que, perp&eacute;tuellement, le Bavard ne rencontre qu&#39;une image d&eacute;form&eacute;e de sa propre figure :</p> <p><q>Quand j&#39;&eacute;tais enfant, j&#39;&eacute;prouvais une joie singuli&egrave;re et assez &eacute;nigmatique, &agrave; circuler avec indolence entre les man&egrave;ges d&#39;une foire, les mains dans les poches, &agrave; observer successivement et avec une avidit&eacute; aussi inlassable que si j&#39;&eacute;tais moi-m&ecirc;me participant, les &eacute;bats turbulents des enfants de mon &acirc;ge qui poussaient des cris de d&eacute;licieuse angoisse sur des balan&ccedil;oires - et je tremblais pour eux [&hellip;] (24).</q></p> <p>Dans ce renversement perp&eacute;tuel entre soi et l&#39;autre, le &laquo; lecteur &raquo; intra-di&eacute;g&eacute;tique appara&icirc;t comme l&#39;image d&eacute;form&eacute;e du narrateur lui-m&ecirc;me, ce &laquo; visage humain qui est en face de lui &raquo; et en qui il trouve une &laquo; source d&#39;encouragement &raquo; au bavardage. Le &laquo; lecteur &raquo; du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;ne serait que le reflet que le narrateur cherche &eacute;perdument &agrave; saisir, &agrave; modeler &agrave; son image, et dont il finira par douter : &laquo; Je me demande si quelqu&#39;un est encore pr&egrave;s de moi &agrave; m&#39;&eacute;couter ?&nbsp;&raquo; (155). C&#39;est ce soup&ccedil;on qui tarira la source du bavardage et cl&ocirc;turera le livre. Le dernier degr&eacute; de l&#39;imposture semble donc &ecirc;tre celle du processus de r&eacute;flexion lui-m&ecirc;me : une imposture de soi &agrave; soi, une &laquo; supercherie avec soi-m&ecirc;me &raquo; (139) que &laquo; m&eacute;prise &raquo; le narrateur, et qui an&eacute;antit toute la force perlocutoire du discours du Bavard. Sans plus d&#39;efficacit&eacute;, sa parole se perd en &eacute;chos r&eacute;p&eacute;t&eacute;s de sa propre voix. Le Bavard est finalement pris au pi&egrave;ge du palais des glaces qu&#39;il avait lui-m&ecirc;me si minutieusement &eacute;difi&eacute;.</p> <p>Le dispositif sp&eacute;culaire agit &agrave; l&#39;&eacute;chelle du texte comme un dispositif d&#39;enfermement : syst&eacute;matiquement, l&#39;objet en vient&nbsp;<em>in fine</em>&nbsp;&agrave; se constituer comme simple r&eacute;flexion du sujet. Le narrateur fait montre d&#39;une tendance syst&eacute;matique &agrave; substituer au r&eacute;gime de l&#39;action celui de la vision, si bien que toutes les sc&egrave;nes auxquelles il participe deviennent autant de tableaux auxquels, presque ext&eacute;rieurement, il&nbsp;<em>assiste</em>&nbsp;:</p> <p><q>Je me prenais &agrave; tort pour un spectateur quand il &eacute;tait bien clair que j&#39;&eacute;tais un des acteurs (43).</q></p> <p>Ce d&eacute;sengagement passe donc par la spectacularisation de l&#39;&eacute;v&eacute;nement, c&#39;est-&agrave;-dire par sa transformation en image...&nbsp;<em>a</em>&nbsp;<em>fortiori</em>, en image de soi. Cette obsession de l&#39;image devient en effet probl&eacute;matique lorsqu&#39;elle implique un rabattement permanent de l&#39;objet sur le sujet. Ainsi, &agrave; deux reprises, lorsque le Bavard souhaite entamer une conversation, il se met &laquo; faute d&#39;un autre sujet, &agrave; lui parler de [lui]-m&ecirc;me &raquo; (48), ou &agrave; &laquo; parler de [s]on besoin de de parler&nbsp;&raquo; (145). Ce renfermement solipsiste atteint forc&eacute;ment le lecteur lui-m&ecirc;me, qui devient une figure de double :</p> <p><q>[...] [V]ous auriez &eacute;prouv&eacute; un trouble analogue &agrave; celui auquel j&#39;&eacute;tais en proie, et, y eussiez-vous seulement song&eacute;, vous n&#39;auriez pas mieux su le dominer (69).</q></p> <p>Mais l&#39;enjeu principal n&#39;est pas tant la transformation de la figure du lecteur en figure de soi, somme toute assez traditionnelle, que la disparition compl&egrave;te de celui-ci. En effet, il semblerait que le lecteur reste assez ext&eacute;rieur &agrave; un jeu d&#39;illusion construit par le narrateur mais dont il finit, paradoxalement, et malgr&eacute; sa &laquo; peur d&#39;&ecirc;tre dupe &raquo; (99), par &ecirc;tre la seule cible. L&#39;argument le plus visible de ce retournement de l&#39;illusion se trouve &ecirc;tre la surabondance, exceptionnelle y compris dans le genre autobiographique, des constructions pronominales r&eacute;flexives. Il serait difficile d&#39;en r&eacute;v&eacute;ler la densit&eacute; exacte, mais certaines pages, parmi les plus fournies, en comportent pr&egrave;s d&#39;une dizaine. &Agrave; ces structures syntaxiques d&eacute;j&agrave; r&eacute;v&eacute;latrices s&#39;ajoutent par ailleurs des effets de sens qui en renforcent la port&eacute;e. Il en va ainsi du suremploi de la tournure &laquo; se trouver &raquo; dont le sens entre en parfaite r&eacute;sonance avec la qu&ecirc;te de soi dont le livre est l&#39;objet, de m&ecirc;me que des tr&egrave;s nombreux modalisateurs &eacute;pist&eacute;miques en emploi r&eacute;fl&eacute;chi (&laquo; il me para&icirc;t &raquo;, &laquo; il me semble &raquo;...) qui soulignent la dimension illusoire dans laquelle se compla&icirc;t le narrateur. Dans une logique similaire, on trouve des effets de sens plus ponctuels et ambivalents, mais qui ne laissent d&#39;&ecirc;tre particuli&egrave;rement signifiants : &laquo; je m&#39;enchantais &raquo; (69), &laquo; un homme qui s&#39;emm&ecirc;le dans les fils de ses contradictions &raquo; (136), &eacute;ventuellement, &laquo; je me tais &raquo; (145)...</p> <p>Le v&eacute;ritable lecteur serait au-del&agrave; de l&rsquo;ironie, refusant les sollicitations nombreuses du discours, et contemplant l&rsquo;engluement du narrateur dans sa propre imposture. Le rapport de force se renverse une nouvelle fois : le narrateur devient sa propre dupe, dont la faiblesse est en r&eacute;alit&eacute; r&eacute;v&eacute;l&eacute;e d&egrave;s la premi&egrave;re phrase du livre. Mais ce dernier niveau de lecture et d&rsquo;imposture n&rsquo;est pas sans poser un probl&egrave;me d&rsquo;ordre plus g&eacute;n&eacute;ral. En derni&egrave;re instance, le message du Bavard semble en effet &ecirc;tre le suivant : toute litt&eacute;rature construit son univers et son lecteur &agrave; partir d&rsquo;un acte de parole ; partant, et n&eacute;cessairement, elle est amen&eacute;e &agrave; se prendre au jeu de sa propre illusion, min&eacute;e par le doute, vou&eacute;e au silence, rong&eacute;e par l&rsquo;angoisse du vide. Toute narration se r&eacute;duit au spectacle du r&ecirc;ve d&eacute;sesp&eacute;r&eacute; d&rsquo;une sortie du livre, d&rsquo;une existence au sens fort &ndash; d&rsquo;une pr&eacute;sence ontologique &ndash; hors des mots. D&egrave;s lors, l&rsquo;imposture deviendrait le tout de la litt&eacute;rature.</p> <p><strong>La menace du nihilisme et les contours d&rsquo;une &eacute;thique&nbsp;: vers un d&eacute;passement de l&rsquo;imposture</strong></p> <p>Prise dans une spirale de retournements et de d&eacute;saveux successifs, la parole du Bavard se stabilise ainsi, &agrave; la fin de son parcours, dans une posture nihiliste qui semble le d&eacute;calque de la d&eacute;finition de Nietzsche, celle qui m&egrave;ne &agrave; l&rsquo;apathie confortable du&nbsp;<em>dernier homme&nbsp;</em>:</p> <p><q>C&rsquo;est l&rsquo;&eacute;puisement progressif de toutes les significations, le r&egrave;gne grandissant des significations vid&eacute;es, ext&eacute;nu&eacute;es &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me [&hellip;] Tous les sens anciens (moraux, religieux, m&eacute;taphysiques) se d&eacute;robent, s&rsquo;&eacute;loignent, se refusent&nbsp;: les buts manquent [&hellip;] Nihilisme, comme exp&eacute;rience de la fatigue du sens, se traduit par la grande lassitude, le grand d&eacute;go&ucirc;t, en l&rsquo;homme, et de l&rsquo;homme pour lui-m&ecirc;me<a href="#nbp_16" id="footnoteref16_c2yg09e" name="lien_nbp_16" title="Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, Paris, Gallimard, 1993, p.31-32.">16</a></q>.</p> <p>Le Bavard surjoue cette &laquo;&nbsp;fatigue du sens&nbsp;&raquo; dans les derni&egrave;res pages du livre&nbsp;: non seulement il insiste sur son &eacute;tat mental, &laquo;&nbsp;je suis &eacute;puis&eacute; par tant d&rsquo;exc&egrave;s&nbsp;&raquo;, mais l&rsquo;&eacute;tend aux mots eux-m&ecirc;mes, &laquo;&nbsp;tous ces mots sans vie qui semblent perdre jusqu&rsquo;au sens de leur son &eacute;teint&nbsp;&raquo; (155), d&eacute;claration qui permet au livre de s&rsquo;achever et autorise le Bavard &agrave; rejoindre symboliquement ce silence dont il &eacute;prouve &laquo;&nbsp;la nostalgie cuisante &raquo; (154). La fin du livre marque donc une forme de contagion irr&eacute;sistible et calcul&eacute;e qui prend sa source dans le cas particulier du Bavard pour s&rsquo;&eacute;tendre au tout de la langue, et de la litt&eacute;rature. Enferm&eacute; dans la logique du&nbsp;<em>ressentiment</em><a href="#nbp_17" id="footnoteref17_ej25x1f" name="lien_nbp_17" title="Concept que Nietzsche a développé dans La Généalogie de la Morale, traduit en français en 1900 par Henri Albert aux éditions Mercure de France.">17</a>, il atteint un curieux point d&rsquo;&eacute;quilibre qui passe par la r&eacute;pudiation du lecteur et l&rsquo;expression d&rsquo;un soulagement rempli d&rsquo;amertume&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais dans l&rsquo;ensemble, je suis arriv&eacute; &agrave; ce que je voulais obtenir. Je me suis soulag&eacute;, et qu&rsquo;on ne me dise pas que ce n&rsquo;&eacute;tait pas la peine&nbsp;&raquo; (155). A nouveau, cette satisfaction perverse correspond &agrave; l&rsquo;attitude nihiliste du&nbsp;<em>dernier homme&nbsp;</em>:</p> <p><q>Parce qu&rsquo;il est d&eacute;sorientation compl&egrave;te, un tel Nihilisme peut brusquement renverser sa&nbsp;<em>Stimmung</em>&nbsp;[= sa tonalit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale], cesser d&rsquo;&ecirc;tre inqui&eacute;tude pour devenir qui&eacute;tude b&eacute;ate. C&rsquo;est alors l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;une volont&eacute; satisfaite du non-sens, heureuse qu&rsquo;il n&rsquo;y ait plus de sens &agrave; chercher, ayant trouv&eacute; son confort dans le vide du sens, son bonheur dans la certitude qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de r&eacute;ponse &agrave; la question &rdquo;pourquoi&ldquo;&nbsp;?, ou m&ecirc;me &rdquo;qu&rsquo;est-ce que&nbsp;?&ldquo;<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_ngubkz8" name="lien_nbp_18" title="Michel Haar, Nietzsche et la métaphysique, op. cit., p. 31-32.">18</a>.</q></p> <p>Cette &laquo;&nbsp;qui&eacute;tude b&eacute;ate&nbsp;&raquo; relative d&eacute;montre que la posture du Bavard, au-del&agrave; de ses effets de manche vertigineux, est d&rsquo;une coh&eacute;rence remarquable. Cultivant son ressentiment, selon son propre aveu &ndash; &laquo;&nbsp;Quand je suis dans le marasme, je ne prends pas sur moi d&rsquo;en sortir, j&rsquo;y reste jusqu&rsquo;au cou&nbsp;&raquo; (18) &ndash; le Bavard nous offre le parcours d&rsquo;une &laquo;&nbsp;auto-intoxication, la s&eacute;cr&eacute;tion n&eacute;faste, en vase clos, d&rsquo;une impuissance prolong&eacute;e<a href="#nbp_19" id="footnoteref19_l8aj2mt" name="lien_nbp_19" title="Albert Camus, L’Homme révolté, Paris, Gallimard, 1951, p. 32. Camus évoque également la notion de ressentiment, à partir de Max Scheler, L’Homme du ressentiment, Paris, Gallimard, 1933.">19</a>&nbsp;&raquo;. Pour Nietzsche, le propre de notre modernit&eacute; est de fuir l&rsquo;&eacute;preuve du&nbsp;<em>vrai&nbsp;</em>nihilisme, celui qui permettrait de saper les fondements mensongers des normes sociales. Le&nbsp;<em>dernier homme&nbsp;</em>s&rsquo;arr&ecirc;te en chemin, n&rsquo;affronte pas ses propres manques pour les d&eacute;passer, mais s&rsquo;en sert comme faire-valoir de sa m&eacute;diocrit&eacute;&nbsp;:</p> <p><q>La modernit&eacute; est malade de ne pas d&eacute;ployer jusqu&rsquo;&agrave; ses ultimes cons&eacute;quences son nihilisme de fond. Alors, il se&nbsp;<em>retournerait</em>&nbsp;[&hellip;] On ne peut donc identifier simplement la modernit&eacute; avec le nihilisme. La n&eacute;vrose moderne s&rsquo;explique bien plut&ocirc;t par l&rsquo;&eacute;puisante t&acirc;che d&rsquo;&eacute;vitement, de&nbsp;<em>retardement</em>, du nihilisme<a href="#nbp_20" id="footnoteref20_qe51u0e" name="lien_nbp_20" title="Benoît Goetz, « Le “ dernier homme ” de Nietzsche », Le Portique, n°1, 1998 [En ligne], : http://journals.openedition.org/leportique/349 [consulté le 10 février 2018].">20</a>.</q></p> <p>Il faudrait donc parler d&rsquo;une parodie de nihilisme chez le Bavard, si l&rsquo;on suit la logique nietzsch&eacute;enne, au sens o&ugrave; la mise &agrave; sac des r&egrave;gles &eacute;tablies ne fonde aucune valeur, aucun sursaut &eacute;mancipateur, mais plut&ocirc;t un enfermement dans le r&egrave;gne des images, des reflets vertigineux&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si l&rsquo;homme est l&rsquo;&ecirc;tre autour de qui un monde s&rsquo;&eacute;pand, le dernier homme est celui qui aura proc&eacute;d&eacute; &agrave; la&nbsp;<em>r&eacute;duction</em>&nbsp;de ce monde &agrave; l&rsquo;&eacute;tat de spectacles et d&rsquo;images<a href="#nbp_21" id="footnoteref21_a5q1qlz" name="lien_nbp_21" title=" Idem.[/fn}». Pourtant, le Bavard n’est pas un homme, fût-ce le dernier. Il est à peine une voix, qui se dérobe à toute tentative d’identification ; le « je » qui s’exprime n’est plus un sujet, mais une figure vide qui imite les traits de l’homme en chair et en os. Dominique Rabaté, dans ses travaux, a encore analysé cette « spectralisation » de la voix, qui s’épuise au fil des pages jusqu’à ne laisser subsister qu’un « simulacre » ou un « fantôme » de présence. Ce phénomène apparaît comme un trait caractéristique de cette « littérature de l’épuisement » d’après-guerreDominique Rabaté, Poétiques de la voix, Paris, José Corti, 1999, p. 92.">21</a>. Cette parole angoiss&eacute;e traduirait le malaise d&rsquo;une humanit&eacute; d&eacute;compos&eacute;e et atomis&eacute;e, qui a v&eacute;cu l&rsquo;effondrement des valeurs qui la fondaient : une soci&eacute;t&eacute; des &laquo; grandes villes, de la production de masse, de l&rsquo;&acirc;ge de la &laquo;&nbsp;reproductibilit&eacute; technique&nbsp;&raquo;, pour parler comme Walter Benjamin&nbsp;. Cette perspective prolonge d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on les r&eacute;flexions de Blanchot dans &laquo;&nbsp;la parole vaine&nbsp;&raquo; en 1963, qui &laquo;&nbsp;soup&ccedil;onne un livre comme&nbsp;<em>Le Bavard</em>&nbsp;d&rsquo;un nihilisme presque infini [&hellip;] le nihilisme de la fiction r&eacute;duite &agrave; son essence<a href="#nbp_22" id="footnoteref22_8u6a2i7" name="lien_nbp_22" title="Maurice Blanchot, « la parole vaine », dans Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 2015, p. 607.">22</a>&nbsp;&raquo;. La parole du Bavard sape toutes les tentatives d&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;un sens et vide la fiction de ses rep&egrave;res traditionnels, jusqu&rsquo;&agrave; nier sa propre existence. Mais ce mouvement infini de destruction se nourrit d&rsquo;une&nbsp;<em>dramatisation&nbsp;</em>constante et simul&eacute;e, comme nous l&rsquo;avons vu, et cette dimension ludique, parfois bouffonne, doit nous interroger. C&rsquo;est pourquoi le nihilisme du&nbsp;<em>Bavard&nbsp;</em>est indissociable de l&rsquo;imposture, dans sa d&eacute;finition m&ecirc;me&nbsp;: si tous les id&eacute;aux se valent, et si aucun&nbsp;<em>modus vivendi</em>&nbsp;ne vient r&eacute;gler la conduite des hommes, la seule attitude envisageable, avant la chute, est celle du&nbsp;<em>cabotinage,&nbsp;</em>pour jouir du n&eacute;ant, du n&eacute;ant en soi. Ainsi, Laurent Demanze, &agrave; partir de l&rsquo;&oelig;uvre de Pierre Michon, propose de d&eacute;crire la notion d&rsquo;imposture comme une cons&eacute;quence de la perte des valeurs dans la modernit&eacute;&nbsp;:</p> <p><q>Nulle croyance ext&eacute;rieure, nulle foi religieuse ne sauraient plus garantir l&rsquo;acte litt&eacute;raire, et nulle d&eacute;cision souveraine et c&eacute;leste authentifier l&rsquo;&eacute;criture. L&rsquo;imposteur, c&rsquo;est donc avant tout celui qui s&rsquo;affronte &agrave; la disparition des anciennes valeurs. Il est le ma&icirc;tre de la contrefa&ccedil;on, l&rsquo;expert en fausses monnaies, une figure diabolique en quelque sorte qui simule et fait semblant. C&rsquo;est un acteur qui cabotine en multipliant les signes ext&eacute;rieurs et les poses, sur la sc&egrave;ne litt&eacute;raire ou dans son petit th&eacute;&acirc;tre int&eacute;rieur<a href="#nbp_23" id="footnoteref23_4ymdh02" name="lien_nbp_23" title="Laurent Demanze, « Pierre Michon et l’épreuve de la grandeur : imposture et illégitimité du contemporain », [en ligne]. https://www.academia.edu/30823802/Pierre_Michon_et_l%C3%A9preuve_de_la_grandeur._Imposture_et_ill%C3%A9gitimit%C3%A9_du_contemporain [consulté le 26/10/2017].">23</a>.</q></p> <p>L&rsquo;imposture est donc une mani&egrave;re de r&eacute;soudre un conflit int&eacute;rieur en le projetant vers l&rsquo;ext&eacute;rieur, ici vers le lecteur, ce que nous avons d&eacute;j&agrave; analys&eacute; dans une perspective strictement litt&eacute;raire. Mais ce ph&eacute;nom&egrave;ne d&eacute;bouche n&eacute;cessairement sur des consid&eacute;rations m&eacute;taphysiques, que des For&ecirc;ts ne cessera d&rsquo;explorer dans son &oelig;uvre. Fondamentalement, l&rsquo;imposture ne se d&eacute;partit pas d&rsquo;une dialectique du plein et de vide. &Eacute;tymologiquement, elle d&eacute;signe bien l&rsquo;action de &laquo;&nbsp;peser sur&nbsp;&raquo; (<em>imponere</em><em>)</em>, de contraindre, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;imposer &agrave; autrui un fardeau dont le porteur se d&eacute;leste. Le Bavard ob&eacute;it &agrave; ce mouvement&nbsp;: il somme au lecteur de lui donner son poids, c&rsquo;est-&agrave;-dire son &ecirc;tre&nbsp;:</p> <p><q>Suis-je un homme, une ombre, ou rien, absolument rien&nbsp;? Pour avoir longuement bavard&eacute; avec vous, ai-je pris du volume&nbsp;? M&rsquo;imaginez-vous pourvu d&rsquo;autres organes que ma langue (148)&nbsp;?</q></p> <p>Nous retrouvons le m&ecirc;me dispositif &eacute;nonciatif que dans&nbsp;<em>La Chute</em>&nbsp;de Camus, dont l&rsquo;incipit et ses adresses au lecteur rappellent les sollicitations du Bavard que nous venons de citer, m&ecirc;me si le r&eacute;cit de 1956 maintient un semblant de cadre romanesque, l&agrave; o&ugrave; celui de 1946 prend directement &agrave; partie le lecteur, dans le troisi&egrave;me chapitre. Plus la voix clame l&rsquo;inanit&eacute; de toutes les valeurs et faux-semblants du lecteur, plus elle r&eacute;clame un suppl&eacute;ment d&rsquo;&acirc;me qui viendrait combler son angoisse existentielle. En effet, le dernier chapitre, sous couvert d&rsquo;une d&eacute;nonciation radicale de la fiction, s&rsquo;affranchit des limites que la voix avait artificiellement pos&eacute;es initialement. Il ne s&rsquo;agit plus de l&rsquo;expos&eacute; d&rsquo;un cas pathologique qui pr&eacute;sente &laquo;&nbsp;tous les sympt&ocirc;mes d&rsquo;une maladie incurable&nbsp;&raquo; (18) mais d&rsquo;un discours qui a la pr&eacute;tention de s&rsquo;ouvrir &agrave; des questionnements relevant de l&rsquo;ontologie. D&eacute;sormais, le Bavard d&eacute;veloppe explicitement ses th&egrave;ses sur l&rsquo;homme et le langage, et pose le bavardage comme l&rsquo;exp&eacute;rience fondatrice de notre rapport au monde :</p> <p><q>[&hellip;] Je suis un bavard, un inoffensif et f&acirc;cheux bavard, comme vous l&rsquo;&ecirc;tes vous-m&ecirc;mes, et par surcro&icirc;t un menteur comme le sont tous les bavards, je veux dire les hommes (139).</q></p> <p>Cette &eacute;panorthose, &laquo;&nbsp;je veux dire les hommes&nbsp;&raquo;, nous r&eacute;v&egrave;le que le vide singulier qui habitait le parleur s&rsquo;est m&eacute;tamorphos&eacute; en v&eacute;rit&eacute; g&eacute;n&eacute;rale. Ce &laquo;&nbsp;besoin f&acirc;cheux&nbsp;&raquo; est un d&eacute;faut &laquo;&nbsp;qui nous est commun&nbsp;&raquo; (139). Le n&eacute;ant est un fardeau lourd &agrave; porter, dont il charge le lecteur et tous les hommes avec lui. Le mensonge et la logorrh&eacute;e sont devenus des&nbsp;<em>mani&egrave;res de vivre</em>, les seules acceptables dans un monde sans valeurs. Ce renversement, des For&ecirc;ts l&rsquo;a lui-m&ecirc;me sugg&eacute;r&eacute; dans&nbsp;<em>Voies et d&eacute;tours de la fiction&nbsp;</em>:</p> <p><q>L&rsquo;&eacute;nergie angoiss&eacute;e avec laquelle il emprunte le mouvement oratoire pour lutter contre le discours [&hellip;] s&rsquo;&eacute;puise en ivresse agressive jusqu&rsquo;&agrave; la plus radicale r&eacute;cusation de soi&nbsp;: il y retrouve peut-&ecirc;tre une pl&eacute;nitude, mais c&rsquo;est une pl&eacute;nitude n&eacute;gative<a href="#nbp_24" id="footnoteref24_m789cgg" name="lien_nbp_24" title="Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, op. cit., p. 894.">24</a>.&nbsp;</q></p> <p>Par cons&eacute;quent, nous ne sortons jamais de la dialectique, et cette &laquo;&nbsp;pl&eacute;nitude n&eacute;gative&nbsp;&raquo; n&rsquo;est qu&rsquo;un approfondissement de l&rsquo;attitude nihiliste.</p> <p>Devant une performance aussi d&eacute;sarmante, faut-il en conclure, comme Pascal Quignard, que la &laquo;&nbsp;violence [&hellip;] d&eacute;sastreuse&nbsp;&raquo; du livre ne d&eacute;bouche que sur une destruction des &laquo;&nbsp;fonctions dont les soci&eacute;t&eacute;s et les cultures se pr&eacute;tendent porteuses<a href="#nbp_25" id="footnoteref25_r1kz2ep" name="lien_nbp_25" title="Pascal Quignard, « Quatrième de couverture » in Louis-René des Forêts, Le Bavard, op. cit.">25</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;? Ne sommes-nous pas victimes de l&rsquo;ultime imposture orchestr&eacute;e par le Bavard&nbsp;? La coh&eacute;rence de la posture dialectique de cette myst&eacute;rieuse voix appelle effectivement un d&eacute;passement. Le dernier mot du Bavard n&rsquo;est pas celui de Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts, l&rsquo;auteur raill&eacute; justement par le parleur &agrave; la fin du monologue&nbsp;: &laquo;&nbsp;&ldquo;L&rsquo;auteur&nbsp;! L&rsquo;auteur&rdquo; je parie qu&rsquo;il ne montrera pas le bout de son nez&nbsp;; on conna&icirc;t la l&acirc;chet&eacute; de ces gens-l&agrave; (148)&nbsp;&raquo;. L&rsquo;objectif du Bavard est de produire une &eacute;quivalence des postures et des actes, toutes fondues dans un bavardage apparemment inoffensif.&nbsp;<em>Parler pour ne rien dire</em>, c&rsquo;est d&eacute;nier toute port&eacute;e &agrave; ses paroles et &agrave; sa propre existence, puisque comme le remarque Anthony Wahl, dans ce texte, l&rsquo;&ecirc;tre se constitue par la parole, &laquo;&nbsp;la chair s&rsquo;est faite verbe&nbsp;&raquo; dans une performance qui &laquo;&nbsp;s&rsquo;authentifie toute seule&nbsp;&raquo;, sans &laquo;&nbsp;aucun corps ext&eacute;rieur qui soit capable de fonder cet acte<a href="#nbp_26" id="footnoteref26_tal4p26" name="lien_nbp_26" title="Anthony Wall, « Au-delà du langage, c’est la mort du bavard », dans Etudes littéraires, vol. 22, n°2, 1989, p. 137.">26</a>.&nbsp;&raquo; La voix cherche en r&eacute;alit&eacute; &agrave; nous persuader qu&rsquo;il n&rsquo;existe aucune ext&eacute;riorit&eacute; vis &agrave; vis de la langue, sinon le silence, qui signifie la mort dans ce contexte. Si bien que l&rsquo;erreur fondamentale du parleur est de croire &eacute;chapper au sort commun par la &laquo;&nbsp;jouissance&nbsp;&raquo; de sa parole ext&eacute;nu&eacute;e et d&rsquo;une solitude orgueilleuse. &laquo;&nbsp;La revanche&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il revendique contre un public imaginaire ne masque que bien difficilement sa profonde passivit&eacute; et son h&eacute;b&eacute;tude devant l&rsquo;existence. De fait, nous avons not&eacute; le &laquo;&nbsp;d&eacute;sengagement&nbsp;&raquo; du Bavard qui r&eacute;sulte de l&rsquo;enfermement dans sa propre image d&egrave;s l&rsquo;incipit du r&eacute;cit. La figure du lecteur intra-di&eacute;g&eacute;tique sert elle-m&ecirc;me de relance &agrave; ce dispositif sp&eacute;culaire. Toutes les formes romanesques propos&eacute;es, puis d&eacute;nonc&eacute;es, ne font que retarder et masquer l&rsquo;interrogation majeure du livre&nbsp;: comment assumer sa parole&nbsp;? Une fois le vide de l&rsquo;identit&eacute; du Bavard d&eacute;voil&eacute;, une fois ses tours expos&eacute;s, le lecteur ne se retrouve pas seulement d&eacute;sempar&eacute;, mais interpell&eacute; dans sa pratique quotidienne de la langue. Ind&eacute;niablement, c&rsquo;est la question de la passivit&eacute; du narrateur comme du lecteur potentiel qui se trouve au c&oelig;ur du r&eacute;cit. C&rsquo;est pourquoi derri&egrave;re la mauvaise foi du Bavard, sensible jusqu&rsquo;au bout, se glisse peut-&ecirc;tre un avertissement de l&rsquo;auteur, notamment dans ses derni&egrave;res interpellations aux lecteurs&nbsp;:</p> <p><q>On ne peut me demander de rester dans mon coin, silencieux et modeste, &agrave; &eacute;couter se payer de mots des gens dont j&rsquo;ai bien le droit de penser qu&rsquo;ils n&rsquo;ont ni plus d&rsquo;exp&eacute;rience ni plus de r&eacute;flexion que moi-m&ecirc;me. Lequel d&rsquo;entre vous me jettera la pierre&nbsp;(139) ?</q></p> <p>La d&eacute;nonciation de l&rsquo;attitude du Bavard n&rsquo;est en aucun cas la garantie d&rsquo;une sortie hors du bavardage. Donner une densit&eacute; &agrave; la langue, ce n&rsquo;est pas s&rsquo;interroger sans fin sur l&rsquo;identit&eacute; du sujet qui se l&rsquo;approprie, mais rendre sa parole n&eacute;cessaire en affrontant un dehors mena&ccedil;ant.</p> <p>Or, des For&ecirc;ts a toujours pens&eacute; la langue en lien avec le rythme, avec un certain dynamisme ou au contraire un engourdissement et une apathie mortif&egrave;res. D&egrave;s&nbsp;<em>Les Mendiants&nbsp;</em>en 1943, le choix de la forme et du rythme, qu&rsquo;il emprunte au roman am&eacute;ricain, influe sur le destin des personnages&nbsp;: les monologues entra&icirc;nent in&eacute;luctablement l&rsquo;action vers la trag&eacute;die&nbsp;:</p> <p>&nbsp;</p> <p><q>Chacun de mes personnages est enferm&eacute; dans une solitude inexorable. Le monologue qu&rsquo;il fait entendre exprime un point de vue incommunicable. Qu&rsquo;il s&rsquo;associe aux autres par son action ou qu&rsquo;il soit mur&eacute; dans une obsession solitaire, son destin est d&rsquo;avancer dans la vie comme dans un &eacute;troit tunnel d&rsquo;o&ugrave; il cherche d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;ment &agrave; sortir et o&ugrave; il ne parle que pour lui seul<a href="#nbp_27" id="footnoteref27_b194g70" name="lien_nbp_27" title="Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, op.cit., p. 503.">27</a>.&nbsp;</q></p> <p>Parler, c&rsquo;est choisir une forme qui d&eacute;termine une posture et une mani&egrave;re de vivre. Qu&rsquo;elle soit litt&eacute;raire, quotidienne, ou m&eacute;diatique, la parole qui ne s&rsquo;assume pas, pour des For&ecirc;ts, est dangereuse&nbsp;: en t&eacute;moignent ces propos sur la passivit&eacute; engendr&eacute;e par la langue des m&eacute;dias&nbsp;:</p> <p><q>La soci&eacute;t&eacute;, pour appeler simplement les relations des hommes entre eux &agrave; un moment donn&eacute;, est fond&eacute;e sur une parole brouill&eacute;e, faussaire ou convenue, dont l&rsquo;abondance est orchestr&eacute;e par les m&eacute;dias. Cette hyst&eacute;rie m&rsquo;impressionne. Je suis tr&egrave;s &eacute;tonn&eacute;, par exemple, quand j&rsquo;&eacute;coute la radio, des quantit&eacute;s de paroles &eacute;chang&eacute;es. La majorit&eacute; de ce qui se dit ne semble avoir pour objet que d&rsquo;augmenter le brouhaha. Et dans le brouhaha on est passif. Que vous le subissiez ou que vous le grossissiez ne change rien. Le verbe ne perd pas seulement en force, mais en couleur<a href="#nbp_28" id="footnoteref28_gqu8h1y" name="lien_nbp_28" title="Idem, p. 135.">28</a>.</q></p> <p>Nous retrouvons par un autre biais la question essentielle du poids des mots et de l&rsquo;&ecirc;tre. Le bavardage manifeste ainsi un &laquo;&nbsp;conformisme mental&nbsp;&raquo; et une &laquo;&nbsp;incurable scl&eacute;rose&nbsp;&raquo; alors que fondamentalement des For&ecirc;ts croit au mouvement et au d&eacute;racinement&nbsp;: &laquo;&nbsp;La vie exige que tout en nous meure et renaisse dans un tumulte incessant<a href="#nbp_29" id="footnoteref29_zxg9zsi" name="lien_nbp_29" title="Louis-René des Forêts, Ostinato, Paris, Gallimard, 1997, p. 121.">29</a>&nbsp;&raquo;. La langue doit nous inqui&eacute;ter, nous secouer, nous projeter hors de nous-m&ecirc;mes&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce qu&rsquo;on doit attendre du langage, c&rsquo;est de nous d&eacute;raciner de nos habitudes<a href="#nbp_30" id="footnoteref30_29n8wb9" name="lien_nbp_30" title="Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, op. cit., p. 1024.">30</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Par ailleurs, il ne faut pas oublier que ce livre a &eacute;t&eacute; &eacute;crit pendant la Seconde Guerre mondiale, alors m&ecirc;me que des For&ecirc;ts &eacute;tait engag&eacute; activement dans la R&eacute;sistance. Il avait rejoint la cellule belge&nbsp;<em>Com&egrave;te,&nbsp;</em>qui s&rsquo;occupait de cacher et d&rsquo;&eacute;vacuer les aviateurs alli&eacute;s tomb&eacute;s en territoire occup&eacute;. &Agrave; cette p&eacute;riode plus qu&rsquo;&agrave; aucune autre, l&rsquo;existence ne se r&eacute;sume pas &agrave; l&rsquo;&eacute;criture, ni &agrave; la parole, c&rsquo;est au contraire dans un engagement sans concession, qui ne se discute pas, que le sens d&rsquo;une vie se d&eacute;voile. Dans le r&eacute;cit&nbsp;<em>Un malade en for&ecirc;t</em><a href="#nbp_31" id="footnoteref31_ysyotnp" name="lien_nbp_31" title="Récit autobiographique, « le récit à peine transposé d’un épisode lié aux événements de la guerre » dira-t-il dans sa prière d’insérer de 1960. Le récit évoque les actes de Résistance liés au réseau Comète dans la forêt de Fréteval, entre Châteaudun et Vendôme.">31</a>&nbsp;et de fa&ccedil;on saisissante dans&nbsp;<em>Ostinato,&nbsp;</em>il insiste sur l&rsquo;exp&eacute;rience &eacute;tonnante d&rsquo;une solidarit&eacute; silencieuse, &agrave; l&rsquo;&eacute;coute des bruits de la nature, apaisants et mena&ccedil;ants &agrave; la fois, dans ce &laquo;&nbsp;camp de verdure&nbsp;&raquo; avec des Anglais qu&rsquo;il ne comprend pas toujours&nbsp;:</p> <p><q>Sous le couvert des bois, d&egrave;s la premi&egrave;re ardeur du jour, l&rsquo;alouette &agrave; pleine gorge tire les corps ensommeill&eacute;s de leur tani&egrave;re v&eacute;g&eacute;tale, et c&rsquo;est la surprise de se retrouver sans toit, prisonnier des arbres, parmi ces vagabonds d&rsquo;outremer aux mani&egrave;res si &eacute;tranges qu&rsquo;un sort commun a exil&eacute;s en for&ecirc;t fran&ccedil;aise o&ugrave; il suffit d&rsquo;un fugace bruit de feuille, d&rsquo;une pierre qui roule, d&rsquo;un &eacute;clair entre les ch&ecirc;nes pour les rendre anxieux comme des b&ecirc;tes d&eacute;busqu&eacute;es dans leur g&icirc;te<a href="#nbp_32" id="footnoteref32_6x8se59" name="lien_nbp_32" title="Louis-René des Forêts, Ostinato, op. cit., p. 93-94.">32</a>.</q></p> <p>Ces heures d&rsquo;angoisse &eacute;prouv&eacute;es par ses compagnons d&rsquo;infortune transforment en profondeur le rapport &agrave; la langue, qui n&rsquo;a plus du tout la m&ecirc;me signification qu&rsquo;en temps de paix. A la fois insuffisante et vitale, elle acquiert une fonction imm&eacute;diate en cas d&rsquo;attaque ou d&rsquo;action strat&eacute;gique. Si bien qu&rsquo;&laquo; un mot de trop met tout en p&eacute;ril<a href="#nbp_33" id="footnoteref33_j58kh33" name="lien_nbp_33" title="Idem, p. 93.">33</a>&nbsp;&raquo; &agrave; chaque instant. Il devient n&eacute;cessaire d&rsquo;assumer une parole performative lorsque la situation l&rsquo;exige, de &laquo;&nbsp;tenir le langage de l&rsquo;espoir<a href="#nbp_34" id="footnoteref34_ji2pwn1" name="lien_nbp_34" title="Idem, p. 94.">34</a>&nbsp;&raquo; pour les autres. C&rsquo;est dans cette sortie hors de soi et de son quotidien qu&rsquo;une &eacute;thique de la parole se joue et se d&eacute;couvre. Le contexte d&rsquo;&eacute;criture &eacute;claire la tension qui innerve le discours du Bavard, au-del&agrave; des effets d&rsquo;intertextualit&eacute; et de mises en sc&egrave;ne de la vacuit&eacute;. La lecture&nbsp;<em>postmoderne&nbsp;</em>du livre a conduit &agrave; n&eacute;gliger pendant longtemps l&rsquo;aspect politique (au sens noble du terme) de ces pages que l&rsquo;on accueillait comme l&rsquo;exutoire savoureux d&rsquo;un &eacute;crivain s&rsquo;adressant &agrave; ses pairs. La notori&eacute;t&eacute; du&nbsp;<em>Bavard&nbsp;</em>s&rsquo;est construite autour de l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une &oelig;uvre-limite, d&rsquo;un exercice de style remarquable, mais au fond un peu vain. Or, le parcours de des For&ecirc;ts et l&rsquo;ensemble de son &oelig;uvre aident &agrave; relire autrement la violence ravageuse de l&rsquo;ouvrage. Ils nous invitent &agrave; l&rsquo;interpr&eacute;ter comme une mise en garde. Pour autant, il serait abusif d&rsquo;y voir un appel &agrave; l&rsquo;action silencieuse. En refusant de s&rsquo;extraire de son palais des glaces, le Bavard manque l&rsquo;&eacute;preuve qui aurait pu lui &ecirc;tre salutaire m&ecirc;me dans sa radicalit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;A un certain degr&eacute; d&rsquo;exub&eacute;rance, le langage est tout ensemble un facteur d&rsquo;&eacute;mancipation et d&rsquo;ouverture vers le dehors, en quoi il se distingue du silence guind&eacute; qui n&rsquo;est qu&rsquo;une forme tacite de soumission &agrave; la fatalit&eacute;<a href="#nbp_35" id="footnoteref35_g1ul08h" name="lien_nbp_35" title="Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, op. cit., p. 1253.">35</a>&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;La passivit&eacute; du non-dire&nbsp;&raquo; comme la &laquo;&nbsp;boulimie langagi&egrave;re<a href="#nbp_36" id="footnoteref36_1d3ojxl" name="lien_nbp_36" title="Louis-René des Forêts, Ostinato, op. cit., p. 206.">36</a>&nbsp;&raquo; sont des impostures solitaires qui ne fondent aucune &laquo;&nbsp;parole commune&nbsp;&raquo;, celle que notre auteur voit &eacute;merger plus tard dans le mouvement de mai 68 et qui poss&egrave;de pour lui &laquo;&nbsp;une force d&rsquo;&eacute;branlement&nbsp;&raquo; inou&iuml;e&nbsp;:</p> <p><q>Dans les heures d&eacute;cisives o&ugrave; le refus s&rsquo;exprime au grand jour, la parole cesse d&rsquo;&ecirc;tre le privil&egrave;ge de quelques-uns&nbsp;; elle renonce &agrave; s&rsquo;affirmer dans celui qui l&rsquo;exerce pour s&rsquo;effacer devant la v&eacute;rit&eacute; d&rsquo;une parole commune qui, surgie d&rsquo;un monde livr&eacute; &agrave; l&rsquo;assoupissement, traduit l&rsquo;effervescence de la vie<a href="#nbp_37" id="footnoteref37_ufsbl5y" name="lien_nbp_37" title="Idem, p.79.">37</a>.&nbsp;</q></p> <p>Voil&agrave; pourquoi l&rsquo;imposture est au c&oelig;ur de l&rsquo;&oelig;uvre de des For&ecirc;ts. Elle est une menace inscrite dans la langue qui entra&icirc;ne des cons&eacute;quences politiques et sociales. L&rsquo;&eacute;crivain, plus que tout autre, doit prendre garde &agrave; ne pas glorifier sa propre voix au d&eacute;triment du mouvement qui la porte et la pousse &agrave; s&rsquo;effacer devant une communaut&eacute; qui invente ses r&egrave;gles. Ce fardeau doit &ecirc;tre partag&eacute; par le lecteur qui nourrit ou non les fureurs nihilistes ou id&eacute;ologiques. &Agrave; la derni&egrave;re page du&nbsp;<em>Bavard,&nbsp;</em>des For&ecirc;ts souligne que l&rsquo;agitateur public (comment ne pas penser aux harangues de Hitler entre autres&nbsp;?) au-del&agrave; de la fascination qu&rsquo;il exerce un temps, ne produit finalement qu&rsquo;une d&eacute;ception am&egrave;re et d&eacute;mobilisatrice&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il y a d&eacute;j&agrave; un moment que j&rsquo;ai le sentiment de m&rsquo;obstiner &agrave; poursuivre un ridicule et futile monologue sur une place d&rsquo;o&ugrave; le public d&eacute;&ccedil;u s&rsquo;est retir&eacute; en haussant les &eacute;paules&hellip;&nbsp;&raquo; (155). Tout au long de l&rsquo;&oelig;uvre de des For&ecirc;ts, depuis&nbsp;<em>Les Mendiants&nbsp;</em>jusqu&rsquo;&agrave;&nbsp;<em>Ostinato</em>, nous retrouvons une m&ecirc;me expression, comme le rappel d&rsquo;une exigence ind&eacute;passable&nbsp;: &laquo;&nbsp;d&eacute;masquer les impostures<a href="#nbp_38" id="footnoteref38_38lcfxz" name="lien_nbp_38" title="Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, op. cit., p. 991, p. 1121, p. 1318.">38</a>&nbsp;&raquo; et toujours celles que nous n&rsquo;osons pas nous avouer, avant de s&rsquo;int&eacute;resser &agrave; celles des autres&nbsp;: &laquo;&nbsp;Son premier devoir, d&eacute;masquer les impostures, les siennes d&rsquo;abord et tant d&rsquo;autres d&rsquo;ailleurs qui r&egrave;gnent sous de nobles appellations<a href="#nbp_39" id="footnoteref39_z2mma99" name="lien_nbp_39" title="« …Ainsi qu’il en va d’un cahier de brouillon plein de ratures et d’ajouts… » (Louis-René des Forêts, Œuvres Complètes, op. cit., p. 1318).">39</a>&nbsp;&raquo;. Car m&ecirc;me au fond d&rsquo;une douleur sinc&egrave;rement v&eacute;cue se cache la forme insidieuse de la complaisance &agrave; soi-m&ecirc;me, que des For&ecirc;ts d&eacute;nonce m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit des deuils qu&rsquo;il a endur&eacute;s tout au long de sa vie&nbsp;: &laquo;&nbsp;Jusque dans le malheur le plus extr&ecirc;me se glisse l&rsquo;imposture. La com&eacute;die en est la face d&eacute;risoire et honteuse<a href="#nbp_40" id="footnoteref40_xyiaq4e" name="lien_nbp_40" title="Louis-René des Forêts, Ostinato, op. cit., p. 156.">40</a>&nbsp;&raquo;. Pour autant, il ne pr&eacute;tendra jamais atteindre une v&eacute;rit&eacute; par la parole, qui mettrait fin &agrave; ses investigations. L&rsquo;authenticit&eacute; est un leurre, il faut &laquo;&nbsp;se garder de jouer franc jeu<a href="#nbp_41" id="footnoteref41_338ixfu" name="lien_nbp_41" title="Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, op. cit., p. 1318.">41</a>&nbsp;&raquo; d&rsquo;o&ugrave; sa d&eacute;nonciation du &laquo;&nbsp;roman psychologique&nbsp;&raquo; d&egrave;s les ann&eacute;es trente et son refus de l&rsquo;autobiographie et des &laquo;&nbsp;maniaques de la confession&nbsp;&raquo; (79). La t&acirc;che des contemporains est de ne jamais refr&eacute;ner cette &eacute;nergie troublante port&eacute;e par la langue&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je voulais indiquer que l&rsquo;essentiel n&rsquo;est pas de se retrancher en soi-m&ecirc;me ou de s&rsquo;&eacute;tendre sur le monde, mais de ne pas se fixer une position du degr&eacute; le plus haut ou du degr&eacute; le plus bas. Il s&rsquo;agit de bouger<a href="#nbp_42" id="footnoteref42_b76m0go" name="lien_nbp_42" title="Louis-René des Forêts, Œuvres complètes, op. cit., p. 632.">42</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>&nbsp;</p> <p>Ainsi, la notion d&rsquo;imposture se r&eacute;v&egrave;le essentielle pour analyser les enjeux qui traversent&nbsp;<em>Le Bavard&nbsp;</em>de Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La force de ce r&eacute;cit hypnotique est de sembler comprendre en son sein toute tentative de d&eacute;passement ou de r&eacute;flexion critique. L&rsquo;&eacute;nergie d&eacute;ploy&eacute;e par le Bavard pour construire et d&eacute;construire sa figure et son r&eacute;cit fascine et &eacute;puise tout &agrave; la fois ses lecteurs. Les trois actes du livre, extr&ecirc;mement compos&eacute;s, d&eacute;voilent une s&eacute;rie de postures qui se r&eacute;pondent &agrave; l&rsquo;infini : parmi elles, celles de l&rsquo;autobiographe, du conteur et du nihiliste, chacune se refl&eacute;tant dans le miroir d&eacute;formant du Bavard, toujours en qu&ecirc;te de sa pr&eacute;tendue &laquo; singularit&eacute; &raquo;. Si la lecture nihiliste du texte, celle qui correspond au&nbsp;<em>dernier homme&nbsp;</em>de Nietzsche, est s&eacute;duisante, elle ne correspond pas &agrave; la po&eacute;tique de des For&ecirc;ts, qui n&rsquo;a jamais eu pour but de c&eacute;l&eacute;brer la destruction de toutes les valeurs, aussi scandaleuses soient-elles. Par cons&eacute;quent, le mouvement qui anime la parole du Bavard appara&icirc;t comme un contre-mod&egrave;le, en m&ecirc;me temps qu&rsquo;une &eacute;preuve pour se d&eacute;barrasser de cette passivit&eacute; qui m&egrave;ne aux pires catastrophes. Contre le Bavard, qui scrute son int&eacute;riorit&eacute; et ne trouve qu&rsquo;un manque intenable, et contre sa tendance &agrave; &eacute;tendre ce vide &agrave; toute l&rsquo;existence, des For&ecirc;ts invite les lecteurs &agrave; une vigilance critique qui doit conduire &agrave; un&nbsp;<em>ethos&nbsp;</em>&ndash; une posture langagi&egrave;re &ndash; qui fait la part belle &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience, &agrave; l&rsquo;accueil de l&rsquo;autre et de sa diff&eacute;rence. Le langage, toujours menac&eacute; par l&rsquo;imposture, doit ainsi se garder de toutes les facilit&eacute;s admises par la soci&eacute;t&eacute; dans son ensemble. Vou&eacute; &agrave; &eacute;chouer, il doit malgr&eacute; tout servir &agrave; d&eacute;signer notre condition dans son instabilit&eacute; et son ambigu&iuml;t&eacute;, ce que des For&ecirc;ts nomme &laquo; la d&eacute;chirure de l&rsquo;&ecirc;tre &raquo; :</p> <p><q>Il faut en passer par la mis&egrave;re des mots, quitte &agrave; trahir, ce qui, leur &eacute;chappant de toute parts, se r&eacute;duit &agrave; la nudit&eacute; d&rsquo;un cri, au sourd g&eacute;missement d&rsquo;une b&ecirc;te prise le pied dans un pi&egrave;ge &ndash; pas m&ecirc;me&nbsp;: &agrave; la perte de souffle, &agrave; un atterrement sans fin [&hellip;] le langage fait obstacle &agrave; la d&eacute;chirure de l&rsquo;&ecirc;tre, mais li&eacute; au malheur qu&rsquo;il d&eacute;signe, il est aussi cet &ecirc;tre d&eacute;chir&eacute;, en d&eacute;saccord avec lui-m&ecirc;me, et qui ne joue jamais qu&rsquo;en perdant<a href="#nbp_43" id="footnoteref43_1pktkp8" name="lien_nbp_43" title="Louis-René des Forêts, Ostinato, op., cit., p. 156-157.">43</a>.</q></p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</strong></p> <p>&nbsp;<strong>Bibliographie</strong></p> <p>- Bataille, Georges,&nbsp;<em>L&#39;Exp&eacute;rience int&eacute;rieure</em>, Paris, Gallimard (Tel), 1978.</p> <p>- Camus, Albert,&nbsp;<em>L&rsquo;Homme r&eacute;volt&eacute;</em>, Paris, Gallimard, 1951.</p> <p>- Decout, Maxime,&nbsp;<em>En toute mauvaise foi. Sur un paradoxe litt&eacute;raire</em>, Paris, Les Editions de Minuit, 2015.</p> <p>- Delaplanche, Emmanuel,&nbsp;<em>Les lectures clandestines</em>, th&egrave;se de doctorat, universit&eacute; Paris 7, 2001.</p> <p>- Demanze, Laurent, &laquo; Pierre Michon et l&rsquo;&eacute;preuve de la grandeur : imposture et ill&eacute;gitimit&eacute; du contemporain &raquo;, [en ligne].&nbsp;<a href="https://www.academia.edu/30823802/Pierre_Michon_et_l%C3%A9preuve_de_la_grandeur._Imposture_et_ill%C3%A9gitimit%C3%A9_du_contemporain">https://www.academia.edu/30823802/Pierre_Michon_et_l%C3%A9preuve_de_la_grandeur._Imposture_et_ill%C3%A9gitimit%C3%A9_du_contemporain</a>&nbsp;[consult&eacute; le 26/10/2017].</p> <p>- Des For&ecirc;ts, Louis-Ren&eacute;,&nbsp;<em>Le Bavard</em>, Paris, Gallimard (L&#39;imaginaire), 1973.</p> <p>- Des For&ecirc;ts, Louis-Ren&eacute;,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, Paris, Gallimard, 2015.</p> <p>- Des For&ecirc;ts, Louis-Ren&eacute;,&nbsp;<em>Ostinato</em>, Paris, Gallimard, 1997.</p> <p>- Haar, Michel,&nbsp;<em>Nietzsche et la m&eacute;taphysique</em>, Paris, Gallimard, 1993.</p> <p>- Lejeune, Philippe,&nbsp;<em>Le Pacte autobiographique</em>, Paris, Seuil, 1975.</p> <p>- Puech, Jean-Beno&icirc;t et Dominique Rabat&eacute; (dir.),&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts</em>, Le Temps qu&#39;il fait, n&deg; 6-7, 1991.</p> <p>- Quignard, Pascal, &laquo; Quatri&egrave;me de couverture &raquo;&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>Le Bavard</em>, Paris, Gallimard, 1978.</p> <p>- Rabat&eacute;, Dominique,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La Voix et le volume</em>, Paris, Jos&eacute; Corti, 2002.</p> <p>- Rabat&eacute;, Dominique,&nbsp;<em>Po&eacute;tiques de la voix</em>, Paris, Jos&eacute; Corti, 1999.</p> <p>- Roudaut, Jean,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts</em>, Paris, Seuil, 1995.</p> <p>- Wall, Anthony, &laquo; Au-del&agrave; du langage, c&rsquo;est la mort du bavard &raquo;, dans&nbsp;<em>&Eacute;tudes litt&eacute;raires</em>, vol. 22, n&deg;2, 1989.</p> <p>&nbsp;</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>Le Bavard</em>, Paris, Gallimard (L&#39;imaginaire), 1973, p. 137. Les indications paginales mentionn&eacute;es entre parenth&egrave;ses font, dans la suite de l&#39;article, r&eacute;f&eacute;rence &agrave; cette &eacute;dition de l&#39;&oelig;uvre.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;C&#39;est l&#39;auteur qui souligne.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;C&#39;est ce que Dominique Rabat&eacute; appelait la &quot;logique du retournement&quot;, et qu&#39;il consid&eacute;rait d&eacute;j&agrave; comme la pierre angulaire d&#39;une dramatisation du r&eacute;cit : &laquo; J&#39;ai d&eacute;j&agrave; marqu&eacute; la fr&eacute;quence de ces inversions dans ma lecture du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;: le r&eacute;cit fait tout pour en exag&eacute;rer la tension, pour en dramatiser le conflit. Toute une s&eacute;rie de couples d&#39;oppos&eacute;s structure ainsi le livre : triomphe et &eacute;chec, silence contre parole, proximit&eacute; contre &eacute;loignement, froid contre chaud, sinc&eacute;rit&eacute; contre mensonge &raquo; (Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La Voix et le volume</em>, Paris, Jos&eacute; Corti, 2002, p. 189).</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Philippe Lejeune,&nbsp;<em>Le Pacte autobiographique</em>, Paris, Seuil, 1975.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;Jean Roudaut a bien mis en &eacute;vidence le &laquo; jeu des citations &raquo; qui marque ce d&eacute;but de discours, et qui unit le texte du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;&agrave; d&#39;autres entreprises confessionnelles, comme celle de Breton ou de Constant (voir Jean Roudaut,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts</em>, Paris, Seuil, 1995, p. 103 et suiv.). De son c&ocirc;t&eacute;, Dominique Rabat&eacute; a montr&eacute; la dette de ce m&ecirc;me passage au livre de Michel Leiris,&nbsp;<em>L&#39;&Acirc;ge d&#39;homme</em>&nbsp;(voir Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La Voix et le volume, op. cit.</em>, p. 32 et suiv.). Sur la po&eacute;tique de la citation chez des For&ecirc;ts, voir Emmanuel Delaplanche,&nbsp;<em>Les lectures clandestines</em>, th&egrave;se de doctorat, universit&eacute; Paris 7, 2001.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>Jean-Jacques Rousseau,&nbsp;<em>Confessions</em>, Paris, Classiques Garnier, 2011, p. 791.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La Voix et le volume, op. cit.</em>, p. 73.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La Voix et le volume, op. cit.</em>, p. 175.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;Jean Roudaut,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 97.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La voix et le volume</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 48-49.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Maxime Decout aborde un exemple encore plus particulier en ce que s&#39;y rencontrent &agrave; la fois le m&eacute;canisme de la r&eacute;cursivit&eacute; du commentaire et celui du paradoxe du menteur (voir Maxime Decout,&nbsp;<em>En toute mauvaise foi. Sur un paradoxe litt&eacute;raire</em>, Paris, Les Editions de Minuit, 2015, p. 59).</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;Selon Jean Roudaut, &laquo; l&#39;oppos&eacute; du bavardage n&#39;est pas le silence mais la parole efficiente &raquo; (Jean Roudaut,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts</em>,&nbsp;<em>op. cit.,&nbsp;</em>p. 96). Il nous semble que cette assertion n&#39;est vraie que dans le cas o&ugrave; le bavardage est un &eacute;chec. Toute l&#39;imposture du bavardage r&eacute;side dans sa capacit&eacute; &agrave; adopter l&#39;apparence d&#39;une parole efficiente.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;Jean Roudaut,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts</em>,&nbsp;<em>op. cit.,&nbsp;</em>p. 40 et suiv.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts. La voix et le volume</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 51.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;Jean Roudaut,&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 96.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a>&nbsp;Michel Haar,&nbsp;<em>Nietzsche et la m&eacute;taphysique</em>, Paris, Gallimard, 1993, p.31-32.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;Concept que Nietzsche a d&eacute;velopp&eacute; dans&nbsp;<em>La G&eacute;n&eacute;alogie de la Morale</em>, traduit en fran&ccedil;ais en 1900 par Henri Albert aux &eacute;ditions Mercure de France.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;Michel Haar,&nbsp;<em>Nietzsche et la m&eacute;taphysique</em>,&nbsp;<em>op. cit.,&nbsp;</em>p. 31-32.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19</a>&nbsp;Albert Camus,&nbsp;<em>L&rsquo;Homme r&eacute;volt&eacute;,&nbsp;</em>Paris, Gallimard, 1951, p. 32. Camus &eacute;voque &eacute;galement la notion de ressentiment, &agrave; partir de Max Scheler,&nbsp;<em>L&rsquo;Homme du ressentiment</em>, Paris, Gallimard, 1933.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20</a>&nbsp;Beno&icirc;t Goetz, &laquo; Le &ldquo; dernier homme &rdquo; de Nietzsche &raquo;,&nbsp;<em>Le Portique,&nbsp;</em>n&deg;1, 1998 [En ligne], :&nbsp;<a href="http://journals.openedition.org/leportique/349%20">http://journals.openedition.org/leportique/349</a>&nbsp;[consult&eacute; le 10 f&eacute;vrier 2018].</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21</a>&nbsp;<em>Idem</em>.[/fn}&raquo;. Pourtant, le Bavard n&rsquo;est pas un homme, f&ucirc;t-ce le dernier. Il est &agrave; peine une voix, qui se d&eacute;robe &agrave; toute tentative d&rsquo;identification&nbsp;; le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;exprime n&rsquo;est plus un sujet, mais une figure vide qui imite les traits de l&rsquo;homme en chair et en os. Dominique Rabat&eacute;, dans ses travaux, a encore analys&eacute; cette &laquo;&nbsp;spectralisation&nbsp;&raquo; de la voix, qui s&rsquo;&eacute;puise au fil des pages jusqu&rsquo;&agrave; ne laisser subsister qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;simulacre&nbsp;&raquo; ou un &laquo;&nbsp;fant&ocirc;me&nbsp;&raquo; de pr&eacute;sence. Ce ph&eacute;nom&egrave;ne appara&icirc;t comme un trait caract&eacute;ristique de cette &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature de l&rsquo;&eacute;puisement&nbsp;&raquo; d&rsquo;apr&egrave;s-guerreDominique Rabat&eacute;,&nbsp;<em>Po&eacute;tiques de la voix</em>, Paris, Jos&eacute; Corti, 1999, p. 92.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22</a>&nbsp;Maurice Blanchot, &laquo;&nbsp;la parole vaine&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts, &OElig;uvres compl&egrave;tes,&nbsp;</em>Paris, Gallimard, 2015, p. 607.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23</a>&nbsp;Laurent Demanze, &laquo;&nbsp;Pierre Michon et l&rsquo;&eacute;preuve de la grandeur&nbsp;: imposture et ill&eacute;gitimit&eacute; du contemporain&nbsp;&raquo;, [en ligne].&nbsp;<a href="https://www.academia.edu/30823802/Pierre_Michon_et_l%C3%A9preuve_de_la_grandeur._Imposture_et_ill%C3%A9gitimit%C3%A9_du_contemporain">https://www.academia.edu/30823802/Pierre_Michon_et_l%C3%A9preuve_de_la_grandeur._Imposture_et_ill%C3%A9gitimit%C3%A9_du_contemporain</a>&nbsp;[consult&eacute; le 26/10/2017].</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>,&nbsp;<em>op. cit.,&nbsp;</em>p. 894.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25</a>&nbsp;Pascal Quignard, &laquo;&nbsp;Quatri&egrave;me de couverture&nbsp;&raquo;&nbsp;<em>in&nbsp;</em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>Le Bavard, op. cit.</em></p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26</a>&nbsp;Anthony Wall, &laquo;&nbsp;Au-del&agrave; du langage, c&rsquo;est la mort du bavard&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Etudes litt&eacute;raires</em>, vol. 22, n&deg;2, 1989, p. 137.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27</a>&nbsp;<em>Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts, &OElig;uvres compl&egrave;tes, op.cit.,&nbsp;</em>p. 503.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28</a>&nbsp;<em>Idem,&nbsp;</em>p. 135.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>Ostinato,&nbsp;</em>Paris, Gallimard, 1997, p. 121.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts<em>, &OElig;uvres compl&egrave;tes, op. cit.,&nbsp;</em>p. 1024.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31</a>&nbsp;R&eacute;cit autobiographique, &laquo;&nbsp;le r&eacute;cit &agrave; peine transpos&eacute; d&rsquo;un &eacute;pisode li&eacute; aux &eacute;v&eacute;nements de la guerre&nbsp;&raquo; dira-t-il dans sa&nbsp;<em>pri&egrave;re d&rsquo;ins&eacute;rer&nbsp;</em>de 1960. Le r&eacute;cit &eacute;voque les actes de R&eacute;sistance li&eacute;s au r&eacute;seau&nbsp;<em>Com&egrave;te</em>&nbsp;dans la for&ecirc;t de Fr&eacute;teval, entre Ch&acirc;teaudun et Vend&ocirc;me.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts<em>, Ostinato, op. cit.,&nbsp;</em>p. 93-94.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33</a>&nbsp;<em>Idem,&nbsp;</em>p. 93.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34</a>&nbsp;<em>Idem,&nbsp;</em>p. 94.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes, op. cit.,&nbsp;</em>p. 1253.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_36" name="nbp_36">36</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>Ostinato, op. cit.,&nbsp;</em>p. 206.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_37" name="nbp_37">37</a>&nbsp;<em>Idem,&nbsp;</em>p.79.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_38" name="nbp_38">38</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes, op. cit.,&nbsp;</em>p. 991, p. 1121, p. 1318.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_39" name="nbp_39">39</a>&nbsp;&laquo;&nbsp;&hellip;Ainsi qu&rsquo;il en va d&rsquo;un cahier de brouillon plein de ratures et d&rsquo;ajouts&hellip;&nbsp;&raquo; (Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>&OElig;uvres Compl&egrave;tes, op. cit.,&nbsp;</em>p. 1318).</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_40" name="nbp_40">40</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>Ostinato, op. cit.,&nbsp;</em>p. 156.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_41" name="nbp_41">41</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes, op. cit.,&nbsp;</em>p. 1318.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_42" name="nbp_42">42</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes, op. cit.,&nbsp;</em>p. 632.</p> <p style="text-align: left;"><a href="#lien_nbp_43" name="nbp_43">43</a>&nbsp;Louis-Ren&eacute; des For&ecirc;ts,&nbsp;<em>Ostinato</em>,&nbsp;<em>op., cit.</em>, p. 156-157.</p>