<p><q>Imaginez un prestidigitateur qui, las d&#39;abuser de la cr&eacute;dulit&eacute; de la foule qu&#39;il a entretenue jusqu&#39;ici dans une illusion mensong&egrave;re, se propose un beau jour de substituer &agrave; son plaisir d&#39;enchanter celui de d&eacute;senchanter.</q></p> <p>Comment ne pas comprendre que le narrateur du&nbsp;<em>Bavard</em>&nbsp;n&#39;est autre que ce prestidigitateur, fatigu&eacute; de ses propres tours de passe-passe, qui d&eacute;ciderait&nbsp;<em>in fine</em>, dans un geste de sinc&eacute;rit&eacute; complice, de r&eacute;v&eacute;ler &agrave; ses dupes la nature de leur mystification ? Ce serait sans doute encore sous-estimer le degr&eacute; de complexit&eacute; d&#39;une imposture qui ne se contentera &agrave; aucun moment d&#39;un simple masque ou d&#39;une seule supercherie stylistique pour tromper son auditoire. Ce serait r&eacute;soudre bien trop rapidement la question du d&eacute;fi que nous lance une &oelig;uvre dans laquelle &laquo; feindre de renoncer aux artifices, c&#39;&eacute;tait&nbsp;<em>aussi&nbsp;</em>un artifice, et autrement sournois&raquo; (147). L&rsquo;&oelig;uvre du&nbsp;<em>Bavard</em>, le plaisir si particulier qu&rsquo;en tire le lecteur, semble r&eacute;sider dans la mise en place d&rsquo;un jeu de dupes permanent &agrave; l&rsquo;occasion duquel s&rsquo;affrontent le narrateur et le lecteur. Prenant la forme parfois agressive d&rsquo;une confrontation des intelligences, le texte ne saurait se r&eacute;duire au sch&eacute;ma traditionnel d&rsquo;une &laquo;&nbsp;illusion comique&nbsp;&raquo;, dont la teneur dramatique s&rsquo;appuierait sur une r&eacute;v&eacute;lation finale r&eacute;tablissant, en abyme, l&rsquo;ordre du&nbsp;<em>r&eacute;el</em>&nbsp;contre l&rsquo;ordre de la fiction, la v&eacute;rit&eacute; contre le mensonge, et d&eacute;voilerait l&rsquo;imposture.&nbsp;<em>Le Bavard</em>&nbsp;demande un engagement plus profond du lecteur qui ne peut se contenter d&rsquo;esp&eacute;rer une r&eacute;ponse, une solution &agrave; l&rsquo;&eacute;nigme qui para&icirc;t sous-tendre toute la lecture&nbsp;: &laquo;&nbsp;et si enfin mon bavardage n&rsquo;&eacute;tait que mensonge&nbsp;?&nbsp;&raquo; (140). C&rsquo;est au lecteur d&rsquo;en d&eacute;cider&nbsp;; l&rsquo;auteur, lui, ne dira rien&hellip; ou plut&ocirc;t dira tout, ce qui revient finalement au m&ecirc;me.</p>