<p><q>&nbsp;Qu&rsquo;il n&rsquo;y ait pas eu, de mes t&eacute;n&eacute;breux amis &agrave; moi, enseignement efficace d&rsquo;une vertu ou d&rsquo;un vice &eacute;clatants, osmose ni m&ecirc;me simple contagion, je ne puis maintenant que m&rsquo;en r&eacute;jouir. Dans le temps de ma grande jeunesse, il m&rsquo;est arriv&eacute; d&rsquo;esp&eacute;rer que je deviendrais &laquo;&nbsp;quelqu&rsquo;un&nbsp;&raquo;. Si j&rsquo;avais eu le courage de formuler mon espoir tout entier, j&rsquo;aurais dit &laquo;&nbsp;quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre&nbsp;&raquo;. Mais j&rsquo;y ai vite renonc&eacute;. Je n&rsquo;ai jamais pu devenir quelqu&rsquo;un d&rsquo;autre.&nbsp;</q></p> <p>Ce manifeste de l&rsquo;anti-imposture, c&rsquo;est bien Colette qui nous le livre dans&nbsp;<em>Mes Apprentissages</em>, qui raconte sa jeunesse lorsqu&rsquo;elle &eacute;tait la femme du journaliste et &eacute;crivain Henry Gauthier-Villars, dit Willy. La citation est pleine de coquetterie&nbsp;: au moment o&ugrave; Colette l&rsquo;&eacute;crit, elle vient d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;lue &agrave; l&rsquo;Acad&eacute;mie Royale de litt&eacute;rature de Belgique, et sa pr&eacute;sence autant dans les recueils de dict&eacute;es que dans les anthologies annonce qu&rsquo;elle est sur le point de devenir un classique. C&rsquo;est donc avec toute la confiance d&rsquo;une auteure &eacute;tablie qu&rsquo;elle &eacute;voque sa premi&egrave;re incarnation en tant que Gabrielle-Sidonie Colette, et surtout la fin de si&egrave;cle, &agrave; travers une galerie de portraits qui dessinent en creux un moment de malaise et d&rsquo;h&eacute;donisme, et qui se veulent embl&eacute;matiques d&rsquo;un temps r&eacute;volu, mal connu et souvent repoussoir. L&rsquo;&eacute;vocation de cette p&eacute;riode est alors &agrave; la mode. En 1935, soit l&rsquo;ann&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dant la publication de&nbsp;<em>Mes Apprentissages,&nbsp;</em>Paul Morand publie&nbsp;<em>1900</em>, un livre &agrave; charge sur la g&eacute;n&eacute;ration qui a l&eacute;gu&eacute; la guerre &agrave; l&rsquo;Europe. Le ton de&nbsp;<em>Mes Apprentissages&nbsp;</em>est bien diff&eacute;rent. Colette utilise le prisme de ses souvenirs non pour offrir des perspectives socio-politiques, mais pour &eacute;voquer la belle Otero, Marcel Schwob, Anatole France, Natalie Barney, Pierre Lou&yuml;s, ainsi que Paul Masson. Alors qu&rsquo;il s&rsquo;en faut de beaucoup que ce dernier soit la plus c&eacute;l&egrave;bre des personnalit&eacute;s ainsi croqu&eacute;es, il tient cependant une place de choix dans les m&eacute;moires de Colette.</p>