<p>La filmographie de David Lean constitue une &oelig;uvre &agrave; la forte unit&eacute; stylistique malgr&eacute; la diversit&eacute; des genres qui la compose (m&eacute;lodrame, romance, film de guerre, adaptation litt&eacute;raire, drame historique, com&eacute;die), et une nette c&eacute;sure entre les productions britanniques de ses d&eacute;buts et les films spectaculaires coproduits avec les Etats-Unis des ann&eacute;es 1960. Cette identit&eacute; stylistique s&rsquo;organise autour de motifs r&eacute;currents et structurants dont le paysage est l&rsquo;un des plus pr&eacute;gnants, particuli&egrave;rement avec le&nbsp;<em>Pont de la rivi&egrave;re Kwa&iuml;&nbsp;</em>(1957) et les films qui lui ont succ&eacute;d&eacute; o&ugrave; le drame se confond avec l&rsquo;exploration d&rsquo;un territoire:&nbsp;<em>Le Pont de la rivi&egrave;re Kwai&nbsp;</em>et la jungle birmane,&nbsp;<em>Lawrence d&rsquo;Arabie</em>&nbsp;(1960) et le d&eacute;sert, les steppes sib&eacute;riennes de&nbsp;<em>Docteur Jivago</em>&nbsp;(1965), les plages et les falaises d&rsquo;Irlande de&nbsp;<em>La Fille de Ryan</em>&nbsp;(1970), les montagnes et les for&ecirc;ts indiennes dans&nbsp;<em>La Route des Indes</em>&nbsp;(1984). L&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;aube dans le d&eacute;sert de&nbsp;<em>Lawrence d&rsquo;Arabie</em>&nbsp;synth&eacute;tise les traits formels constitutifs du paysage chez David Lean: &agrave; perte de vue s&rsquo;&eacute;tend un d&eacute;sert dont le gigantisme est exag&eacute;r&eacute; par un cadrage en plan g&eacute;n&eacute;ral, et par le format cin&eacute;mascope, dans une tentative de repousser toujours plus loin les limites du cadre pour embrasser la totalit&eacute; d&rsquo;un espace. La ligne d&rsquo;horizon structure l&rsquo;image entre haut et bas, ciel et terre, et derri&egrave;re elle surgit un troisi&egrave;me &eacute;l&eacute;ment,&nbsp;dans ce plan il s&rsquo;agit du soleil, le plus souvent c&rsquo;est une silhouette humaine. &Agrave; ces consid&eacute;rations compositionnelles vient s&rsquo;ajouter une remarque d&rsquo;ordre narratif. Le paysage, ou le ph&eacute;nom&egrave;ne naturel, entre en r&eacute;sonance avec le drame: l&rsquo;aurore exprime autant l&rsquo;<em>hubris</em>&nbsp;de Lawrence, qu&rsquo;elle marque le commencement de son &eacute;pop&eacute;e arabe. Le lever du soleil est donn&eacute; par la coupe et le raccord sonore comme la cons&eacute;quence du plan pr&eacute;c&eacute;dent: un gros plan d&rsquo;une allumette souffl&eacute;e par Lawrence. La coupe intervient avant que la flamme ne s&rsquo;&eacute;teigne et laisse le souffle se r&eacute;percuter dans le d&eacute;sert cr&eacute;ant ainsi la sensation d&rsquo;un lien de cause &agrave; effet: en soufflant la flamme, Lawrence illumine les cieux.</p> <p>Le paysage est particuli&egrave;rement remarquable dans les films historiques comme&nbsp;<em>Lawrence d&rsquo;Arabie</em>, car il r&eacute;pond aux besoins d&rsquo;&eacute;pique animant ces films: pour que se d&eacute;ploie dans toute sa puissance le souffle des guerres et des r&eacute;volutions, il faut de grands espaces spectaculaires. N&eacute;anmoins le paysage existe chez David Lean avant cette p&eacute;riode &eacute;pique des co-productions hollywoodiennes, dans les films des ann&eacute;es 1940 et 1950.&nbsp;<em>Madeleine</em>&nbsp;(1950) et&nbsp;<em>Les Amants passionn&eacute;s</em>&nbsp;(1949) offrent des moments de contemplation o&ugrave; la cam&eacute;ra s&rsquo;attarde sur la nature, souvent par la m&eacute;diation du regard des personnages. Le paysage est peu pr&eacute;sent, voire compl&egrave;tement absent dans&nbsp;<em>L&rsquo;Esprit s&rsquo;amuse</em>&nbsp;(1945) et&nbsp;<em>Heureux mortels</em>&nbsp;(1944), mais&nbsp;<em>Ceux qui servent en mer</em>&nbsp;(1942) et&nbsp;<em>Br&egrave;ve Rencontre</em>&nbsp;(1945), offrent quelques plans de nature. C&rsquo;est avec le diptyque dickensien que le paysage commence &agrave; &ecirc;tre trait&eacute; comme un motif esth&eacute;tique d&eacute;passant le r&ocirc;le de toile de fond. Dans les s&eacute;quences introductives des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;(1947) et d&rsquo;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;(1948), le paysage n&rsquo;est plus un simple d&eacute;cor, mais joue un r&ocirc;le pivot dans les discours narratif et esth&eacute;tique &eacute;labor&eacute;s par ces deux films. C&rsquo;est dans ces deux s&eacute;quences introductives que se construit une po&eacute;tique du paysage propre &agrave; David Lean. Nous entendons montrer par l&rsquo;analyse compar&eacute;e des deux s&eacute;quences les fondements de cette po&eacute;tique du paysage qui, partant de l&rsquo;inspiration gothique reprise directement de Charles Dickens, convoque le sublime terrible th&eacute;oris&eacute; par Edmund Burke et ouvre sur une conception romantique du paysage comme exp&eacute;rience de l&rsquo;absolu.</p> <p><strong>Le paysage gothique et le sublime terrible</strong></p> <p>Les paysages mis en sc&egrave;ne dans ces deux s&eacute;quences ne sont pas seulement tous deux plac&eacute;s en d&eacute;but de film, ils font appel aux m&ecirc;mes &eacute;l&eacute;ments constitutifs, ils se pr&eacute;sentent comme des variations autour d&rsquo;un th&egrave;me.&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;introduit le paysage en plan d&rsquo;ensemble: un grand espace compos&eacute; d&rsquo;&eacute;tangs s&eacute;par&eacute;s par une bande de terre o&ugrave; se d&eacute;tache en contrejour, sur fond de ciel, la mince et lointaine silhouette d&rsquo;un enfant. Son chemin est parsem&eacute; de barri&egrave;res effondr&eacute;es et de potences. La sc&egrave;ne se d&eacute;roule au cr&eacute;puscule et l&rsquo;&eacute;clairage en clair-obscur intensifie les ombres alors que le ciel se charge de nuages. Le second d&eacute;cor, continuation directe du premier, est un cimeti&egrave;re dont les murs s&rsquo;effondrent et o&ugrave; les tombes s&rsquo;&eacute;l&egrave;vent au milieu d&rsquo;arbres d&eacute;pouill&eacute;s par l&rsquo;hiver, en arri&egrave;re-plan se dresse une petite &eacute;glise visiblement d&eacute;sert&eacute;e. La bande son est essentiellement constitu&eacute;e du souffle du vent, entrecoup&eacute; de craquement de bois sec.&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;reprend aux&nbsp;<em>Grandes Esp&eacute;rances&nbsp;</em>le cr&eacute;puscule, le personnage solitaire, les eaux stagnantes, les nuages et le vent. D&rsquo;autres &eacute;l&eacute;ments changent: l&rsquo;enfant du film pr&eacute;c&eacute;dent est remplac&eacute; par une femme enceinte, le cimeti&egrave;re est absent et laisse place &agrave; la masse lointaine et t&eacute;n&eacute;breuse d&rsquo;un&nbsp;<em>workhouse</em>&nbsp;isol&eacute; au sommet d&rsquo;une colline. Ces deux paysages se distinguent par leur noirceur, noirceur d&rsquo;un &eacute;clairage avivant les ombres du cr&eacute;puscule, noirceur de lieux hant&eacute;s par la mort: les potences et le cimeti&egrave;re dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>, la temp&ecirc;te et l&rsquo;architecture sombre et inqui&eacute;tante du&nbsp;<em>workhouse</em>&nbsp;dans&nbsp;<em>Oliver Twist</em>. La b&acirc;tisse solitaire domine une lande d&eacute;serte et d&eacute;sol&eacute;e, elle apparait comme un refuge mais ne se d&eacute;part d&rsquo;un aspect sinistre. La suite du film en fait le tombeau de la jeune femme et un lieu de souffrance pour son enfant.</p> <p>&nbsp;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="265" src="https://tefnout-pprod.univ-montp3.fr/alepreuve/sites/alepreuve/files/Image%201%20Les%20Grandes%20esp%C3%A9rances%201946.jpg#overlay-context=users/fabien-meynier" width="700" /></p> <figcaption><em>Les Grandes esp&eacute;rances&nbsp;</em>(1946)</figcaption> </figure> <p>&nbsp;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="262" src="https://tefnout-pprod.univ-montp3.fr/alepreuve/sites/alepreuve/files/Image%202%20Oliver%20Twist%201948.jpg#overlay-context=content/le-paysage-chez-david-lean-du-sublime-d%25E2%2580%2599edmund-burke-au-paysage-romantique-l%25E2%2580%2599exemple-des" width="700" /></p> <figcaption><em>Oliver Twist</em>&nbsp;(1948)</figcaption> </figure> <p>&nbsp;</p> <p>Cette atmosph&egrave;re cr&eacute;pusculaire associ&eacute;e &agrave; l&rsquo;omnipr&eacute;sence de la mort renvoie aux &eacute;l&eacute;ments constitutifs du d&eacute;cor du roman gothique. La sensibilit&eacute; gothique est d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sente chez Charles Dickens. Le romancier victorien use des ressources de l&rsquo;angoisse d&eacute;velopp&eacute;es par le genre gothique pour appuyer sa propre rh&eacute;torique, comme le rappelle Maurice L&eacute;vy: &laquo;le moraliste ne r&eacute;pugne pas &agrave; utiliser le sensationnel pour faire entendre sa le&ccedil;on<a href="#nbp_1" id="footnoteref1_wm673oa" name="lien_nbp_1" title="Maurice Levy,&amp;nbsp; Le roman «gothique» anglais 1764-1824, Paris, Albin Michel, 1995, p.656.">1</a>&raquo;. &nbsp;Bien qu&rsquo;il s&rsquo;agisse l&agrave; d&rsquo;un &eacute;l&eacute;ment fondamental du gothique litt&eacute;raire<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_hxbkpbr" name="lien_nbp_2" title="Idem, p.7-8">2</a>, aucun des &eacute;l&eacute;ments architecturaux pr&eacute;sents dans les deux films ne rel&egrave;vent de l&rsquo;architecture gothique. N&eacute;anmoins le cimeti&egrave;re et l&rsquo;&eacute;glise en arri&egrave;re-plan renvoient &agrave; la religion et &agrave; la pr&eacute;sence obs&eacute;dante de l&rsquo;au-del&agrave; constitutive de l&rsquo;atmosph&egrave;re gothique. Quant au&nbsp;<em>workhouse,</em>&nbsp;il se pr&eacute;sente comme une masse de t&eacute;n&egrave;bres isol&eacute;e dominant une terre st&eacute;rile et d&eacute;sert&eacute;e. Silhouette noire et lointaine, la b&acirc;tisse est nimb&eacute;e d&rsquo;une aura inqui&eacute;tante et se r&eacute;v&egrave;le par la suite un lieu de mort et de souffrance &agrave; l&rsquo;image du ch&acirc;teau gothique. Ces d&eacute;cors macabres et inqui&eacute;tants indiquent dans ces adaptations de Dickens une influence fondamentale du gothique, celle de l&rsquo;esth&eacute;tique du sublime d&eacute;finie par Edmund Burke dans ses&nbsp;<em>Recherches philosophiques sur l&rsquo;origine de nos id&eacute;es du sublime et du beau</em>. Burke, contemporain des romanciers gothiques, permet avec la nouvelle cat&eacute;gorie du sublime d&rsquo;offrir une valeur artistique &laquo;au sombre, &agrave; l&rsquo;inqui&eacute;tant, au terrible<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_sekkd26" name="lien_nbp_3" title="Idem, p.69">3</a>&raquo;. Sa d&eacute;finition du sublime correspond aux effets de terreur recherch&eacute;s par cette litt&eacute;rature. Burke &eacute;crit:&nbsp;&laquo;Tout ce qui est propre &agrave; susciter d&rsquo;une mani&egrave;re quelconque les id&eacute;es de douleurs et de dangers, c&rsquo;est-&agrave;-dire tout ce qui est d&rsquo;une certaine mani&egrave;re terrible, tout ce qui traite d&rsquo;objets terribles ou agit de fa&ccedil;on analogue &agrave; la terreur est source de sublime<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_91oheon" name="lien_nbp_4" title="Edmund Burke, Recherches philosophiques sur l’origine de nos idées du sublime et du beau, Paris, Librairie philosophique J. Vrin (Bibliothèque des textes philosophiques), 2014, p.96.">4</a>&raquo;.</p> <p>Pour Burke, le sublime provient donc de tout ce qui peut sugg&eacute;rer &laquo;les id&eacute;es de douleurs et de dangers&raquo;. Le sublime est &acirc;pre et dur, il na&icirc;t des privations telles que &laquo;&nbsp;la vacuit&eacute;, l&rsquo;obscurit&eacute;, la solitude et le silence<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_ur4n52z" name="lien_nbp_5" title="Idem, p.141">5</a>&raquo;, car celles-ci sont toutes &agrave; m&ecirc;me de susciter la terreur qui est le principe qui le gouverne<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_qunuuzd" name="lien_nbp_6" title="Idem, p.121">6</a>. Le sublime est vaste et obscur, parce que ces notions renvoient aux limites de la perception, et t&eacute;moignent de l&rsquo;&eacute;chec des sens &agrave; rendre compte de la totalit&eacute; de ce qui les entoure. L&rsquo;obscurit&eacute; met en &eacute;chec le regard, et le vaste suscite ais&eacute;ment l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;infini et d&rsquo;illimit&eacute;. Le d&eacute;cor macabre et l&rsquo;atmosph&egrave;re cr&eacute;pusculaire du roman gothique rejoignent l&rsquo;esth&eacute;tique du sublime d&eacute;crite par Burke<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_bl3j8ed" name="lien_nbp_7" title="S’il s’agit au départ d’une sensibilité commune émergeant au milieu du XVIIIe siècle plutôt que d’une influence directe, le roman gothique se nourrira néanmoins des théories de Burke en la personne d’Ann Radcliffe qui s’en inspire et le cite ouvertement. Cf. Maurice Levy,&amp;nbsp; Le roman «gothique» anglais 1764-1824, Paris, Albin Michel, 1995, p.72">7</a>, dont&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;h&eacute;ritent &agrave; leur tour. La vastitude et l&rsquo;obscurit&eacute; sont les qualit&eacute;s des deux paysages qui nous int&eacute;ressent. Le cr&eacute;puscule et les nuages lourds peuplent l&rsquo;espace d&rsquo;ombres mena&ccedil;antes. Le plan g&eacute;n&eacute;ral joue sur le contraste entre la petitesse du personnage r&eacute;duit &agrave; une silhouette lointaine et l&rsquo;immensit&eacute; du paysage.&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;sugg&egrave;re l&rsquo;infini par la fragmentation de l&rsquo;espace. Le film s&rsquo;ouvre sur une s&eacute;rie de plans reprenant chacun un &eacute;l&eacute;ment d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sent dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>: le ciel noir charg&eacute; de nuages, un arbre mort, une &eacute;tendue d&rsquo;eau stagnante. Ces &eacute;l&eacute;ments n&rsquo;apparaitront jamais rassembl&eacute;s dans un m&ecirc;me plan. Ces fragments, li&eacute;s les uns aux autres par le montage, ne sont jamais pr&eacute;sent&eacute;s ensemble dans le champ et donnent ainsi le sentiment d&rsquo;un paysage exc&eacute;dant tellement les limites du cadre que ses parties ne peuvent &ecirc;tre embrass&eacute;es d&rsquo;un seul regard. Le tableau d&rsquo;ensemble est impossible, et chaque plan renvoie &agrave; un tout plus vaste que lui-m&ecirc;me. Terrible, le sublime de Burke na&icirc;t du danger et de la douleur, il fait envisager sa propre mort au sujet. L&rsquo;omnipr&eacute;sence de la mort dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>, et la temp&ecirc;te dans&nbsp;<em>Oliver Twist</em>, sugg&egrave;rent &agrave; des degr&eacute;s divers la possibilit&eacute; de l&rsquo;an&eacute;antissement des personnages. Cette possibilit&eacute; est entretenue par leur vuln&eacute;rabilit&eacute;: il s&rsquo;agit d&rsquo;un enfant et d&rsquo;une femme enceinte, qui donnent une image exacerb&eacute;e de la faiblesse humaine.</p> <p><strong>Le paysage et l&rsquo;individuation&nbsp;</strong></p> <p>Pour Burke le sublime na&icirc;t des &laquo;passions relatives &agrave; la conservation de soi<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_qoz4gd0" name="lien_nbp_8" title="Idem, p.95.">8</a>&raquo;, il s&rsquo;&eacute;panouit dans la repr&eacute;sentation du danger ou la mise en sc&egrave;ne de la terreur devant laquelle le sujet, prenant conscience de sa fragilit&eacute;, entrevoit sa possible disparition. Tout ce qui menace l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; du sujet est susceptible d&rsquo;&ecirc;tre source de sublime. Le sublime appelle donc la pr&eacute;sence d&rsquo;une subjectivit&eacute; qui en fait l&rsquo;exp&eacute;rience: subjectivit&eacute; du spectateur qui lira la sc&egrave;ne comme sublime, mais aussi une subjectivit&eacute; repr&eacute;sent&eacute;e &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me de la repr&eacute;sentation subissant la peur et le danger qui permet d&rsquo;en appeler au path&eacute;tique et &agrave; la sympathie, c&rsquo;est-&agrave;-dire, selon Burke, la capacit&eacute; &agrave; faire siens les malheurs d&rsquo;un autre<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_0cnw1dx" name="lien_nbp_9" title="Idem, p.103-104.">9</a>. D&rsquo;o&ugrave; l&rsquo;importance des personnages dans les paysages que nous commentons et de leur vuln&eacute;rabilit&eacute;. La lagune et le cimeti&egrave;re des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances&nbsp;</em>sont mena&ccedil;ants relativement au personnage de Pip, et dans&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;le paysage nous touche car la temp&ecirc;te s&rsquo;abat sur une jeune femme perdue dans une lande d&eacute;serte. De m&ecirc;me, le sentiment d&rsquo;immensit&eacute;, ouvrant sur l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;infini, ne prend sens et n&rsquo;impressionne que relativement &agrave; l&rsquo;&eacute;loignement du personnage et &agrave; sa petitesse. Paysage et personnage se d&eacute;terminent l&rsquo;un par rapport &agrave; l&rsquo;autre, le personnage r&eacute;agit &agrave; son environnement et sa r&eacute;action oriente notre propre perception du paysage. Dans&nbsp;<em>Oliver Twist&nbsp;</em>la relation entre personnage et paysage se manifeste &agrave; travers un ensemble de correspondances tiss&eacute;es par le montage entre la jeune femme et la nature: film&eacute;e en contre-plong&eacute;e, la jeune m&egrave;re saisie par la douleur se penche en arri&egrave;re, le plan suivant montre une ronce dont la courbure reproduit exactement le mouvement de la jeune femme. Elle s&rsquo;avance sous la pluie battante, l&rsquo;image suivante montre un arbre ballott&eacute; par le vent et des trombes d&rsquo;eau. Ces correspondances jouent sur des rapprochements plastiques (la forme d&rsquo;un corps et celle d&rsquo;une ronce), ou sur des rapprochements de situations (l&rsquo;arbre et la femme subissent tous deux les effets de la temp&ecirc;te). Elles cr&eacute;ent un r&eacute;seau de comparaisons entre le personnage et la nature qui fait du paysage l&rsquo;ext&eacute;riorisation du drame int&eacute;rieur du personnage, l&rsquo;expression de ses sensations et sentiments. Ces &eacute;changes entre le personnage et la nature rel&egrave;vent d&rsquo;un trope narratif qu&rsquo;Andr&eacute; Gardies nomme le &laquo;paysage expression<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_rje9dht" name="lien_nbp_10" title="André Gardies, «Le paysage comme moment narratif» dans Jean Motet [Dir] Les paysages du cinéma, Seyssel, Champ Vallon, 1999, p.148.">10</a>&raquo;, un paysage pens&eacute; comme l&rsquo;extension du personnage, qui refl&egrave;te ses &eacute;motions et sa subjectivit&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="262" src="https://tefnout-pprod.univ-montp3.fr/alepreuve/sites/alepreuve/files/Image%203%20Oliver%20Twist%201948.jpg#overlay-context=content/le-paysage-chez-david-lean-du-sublime-d%25E2%2580%2599edmund-burke-au-paysage-romantique-l%25E2%2580%2599exemple-des" width="700" /></p> <figcaption><em>Oliver Twist&nbsp;</em>(1948)</figcaption> </figure> <p>&nbsp;</p> <p>Dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances,</em>&nbsp;il y a toujours projection de la subjectivit&eacute; du personnage vers le paysage, mais cette projection se manifeste par la centralit&eacute; et l&rsquo;omnipr&eacute;sence du personnage dans le champ plut&ocirc;t que par un r&eacute;seau de correspondances. Les mouvements de cam&eacute;ra consistent &agrave; suivre ses d&eacute;placements et, alors que la lagune et le cimeti&egrave;re sont s&eacute;par&eacute;s par le montage, le personnage assure la transition par sa pr&eacute;sence dans les deux espaces. Les plans o&ugrave; le personnage s&rsquo;absente du champ sont le plus souvent des plans donn&eacute;s comme subjectifs par un raccord regard, et lorsque ce n&rsquo;est pas le cas, sa voix assure sa pr&eacute;sence continue depuis le hors-champ. Il est le point focal du dispositif filmique et de la narration, d&rsquo;autant plus que le film s&rsquo;ouvre par sa voix-off d&eacute;clinant son identit&eacute;: son nom, son pr&eacute;nom et son surnom dont il explicite m&ecirc;me l&rsquo;origine. Cette subjectivit&eacute; ne se manifeste pas simplement par l&rsquo;omnipr&eacute;sence du personnage mais &eacute;galement &agrave; travers l&rsquo;&eacute;laboration du paysage, comme l&rsquo;a rappel&eacute; David Lean lui-m&ecirc;me:</p> <p><q>Nous nous sommes servis d&#39;un nuage artificiel, peint sur verre, en surimpression au sommet de l&#39;&eacute;cran, qui n&#39;a pas l&#39;air artificiel, sauf si on regarde bien. [&hellip;] Les arbres du cimeti&egrave;re ont &eacute;t&eacute; con&ccedil;us de mani&egrave;re &agrave; ce que l&#39;on puisse y deviner le contour d&#39;un visage. Le cimeti&egrave;re a &eacute;t&eacute; construit en studio et l&#39;&eacute;glise mesurait trois m&egrave;tres de haut. La perspective forc&eacute;e avait l&#39;air &agrave; la fois parfaitement naturelle et artificielle, et c&#39;&eacute;tait formidable. Tous les d&eacute;cors emploient cette technique<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_xedlqlz" name="lien_nbp_11" title="Brownlow Kevin, David Lean, une vie de cinéma, Paris, Cinémathèque Française-Corlet, 2003, p.236.">11</a>.</q></p> <p>Au-del&agrave; de l&rsquo;esth&eacute;tique de studio propre &agrave; l&rsquo;&eacute;poque du tournage, ce t&eacute;moignage du r&eacute;alisateur nous informe sur la tension entre le &laquo;naturel&raquo; et l&rsquo;&laquo;artificiel&raquo; guidant la conception du d&eacute;cor. L&rsquo;exigence de vraisemblance doit &ecirc;tre contrebalanc&eacute;e par de subtiles exag&eacute;rations introduisant un l&eacute;ger d&eacute;calage avec la simple reproduction de la r&eacute;alit&eacute;: le premier plan de Pip, ce plan d&rsquo;ensemble o&ugrave; il court le long du chemin, semblait trop plat &agrave; David Lean<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_fb4tw2r" name="lien_nbp_12" title="Ibidem">12</a>, il montrait une nature encore trop paisible en d&eacute;pit de l&#39;&eacute;clairage clair-obscur et du noir et blanc contrast&eacute;. Le nuage peint sur verre de John Bryan vient lui donner le relief qui lui manquait. L&rsquo;arbre construit, sugg&eacute;rant les traits d&rsquo;un visage monstrueux, participe de ce d&eacute;calage. En lui-m&ecirc;me, l&#39;arbre n&#39;a rien d&#39;exceptionnel et son artificialit&eacute; ne peut se r&eacute;v&eacute;ler qu&#39;au spectateur tr&egrave;s attentif, mais par sa facticit&eacute; il contribue &agrave; diffuser un sentiment d&#39;&eacute;tranget&eacute; qui passe par ce visage sugg&eacute;r&eacute; uniquement par des contours indistincts &eacute;voquant la forme des yeux, d&#39;un nez ou d&#39;une bouche. Le paysage entretient cette impression d&rsquo;&eacute;tranget&eacute; &agrave; travers la tension entre le vraisemblable et l&rsquo;artifice, c&rsquo;est un trompe-l&rsquo;&oelig;il, fait de fausses perspectives, d&rsquo;arbres construits et de nuages peints, fabriqu&eacute; pour correspondre &agrave; la perception d&rsquo;un enfant apeur&eacute;.</p> <p>&nbsp;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="264" src="https://tefnout-pprod.univ-montp3.fr/alepreuve/sites/alepreuve/files/Image%204%20Les%20Grandes%20esp%C3%A9rances%201946.jpg#overlay-context=content/le-paysage-chez-david-lean-du-sublime-d%25E2%2580%2599edmund-burke-au-paysage-romantique-l%25E2%2580%2599exemple-des" width="700" /></p> <figcaption><em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;(1946)</figcaption> </figure> <p>&nbsp;</p> <p>Cette mise en sc&egrave;ne fait directement &eacute;cho au mode de narration du roman.&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;est racont&eacute; &agrave; la premi&egrave;re personne, c&rsquo;est un roman de formation o&ugrave; le h&eacute;ros &agrave; travers le r&eacute;cit de son enfance et adolescence parle de son cheminement vers la maturit&eacute;. L&rsquo;incipit introduit d&egrave;s les premi&egrave;res lignes le th&egrave;me de l&rsquo;identit&eacute; en explicitant les origines du nom et du surnom du h&eacute;ros. Le r&eacute;cit se poursuit avec la prise de conscience par Pip de &laquo;l&rsquo;identit&eacute; des choses&raquo;:</p> <p><q>Il me semble que j&#39;acquis pour la premi&egrave;re fois une impression fort claire et pr&eacute;cise de l&#39;identit&eacute; des choses par une froide et m&eacute;morable fin d&#39;apr&egrave;s-midi. C&#39;est en un tel moment que je me rendis compte avec certitude que ce terrain d&eacute;sol&eacute; et couvert d&#39;orties &eacute;tait le cimeti&egrave;re; et que feu Philip Pirrip, habitant de la paroisse, ainsi que Giorgianna son &eacute;pouse, &eacute;taient morts et enterr&eacute;s [&hellip;] et que la zone plate, sombre et inhabit&eacute;e qui s&#39;&eacute;tendait au-del&agrave; du cimeti&egrave;re, coup&eacute;e de petits murs, de tertres et de barri&egrave;res, o&ugrave; passaient quelques b&ecirc;tes &eacute;parses, n&#39;&eacute;tait autre que les marais; et que la ligne basse et grise qui la limitait &eacute;tait le fleuve; et que le lointain repaire sauvage d&#39;o&ugrave; accourait le vent &eacute;tait la mer; et que le petit ballot frissonnant qui commen&ccedil;ait &agrave; avoir peur de toutes ses choses et se mettait &agrave; pleurer, c&#39;&eacute;tait Pip<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_nl44lna" name="lien_nbp_13" title="Charles Dickens, Les Grandes espérances, Paris, Gallimard, 1999, p.32.">13</a>.</q></p> <p>&nbsp;D&eacute;j&agrave; chez Dickens l&rsquo;exp&eacute;rience du paysage s&rsquo;apparente &agrave; la peur. C&rsquo;est l&rsquo;effroi suscit&eacute; par la solitude et la d&eacute;couverte de la mort dans ces espaces d&eacute;sol&eacute;s qui am&egrave;ne le personnage &agrave; prendre pleinement conscience de lui-m&ecirc;me comme individu. Ce qui est d&eacute;crit ici, c&rsquo;est un processus d&rsquo;individuation passant par la d&eacute;couverte de sa propre faiblesse &agrave; travers la perspective de son an&eacute;antissement. Il y a l&agrave; un &eacute;cho du sublime d&rsquo;Edmund Burke o&ugrave; l&rsquo;individu &eacute;prouve une satisfaction paradoxale (Burke parle de d&eacute;lice<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_on4o52q" name="lien_nbp_14" title="Edmund Burke, op.cit., p.92-93.">14</a>) en contemplant la possibilit&eacute; de sa destruction, parce qu&rsquo;il n&rsquo;est jamais aussi vivant et conscient de lui-m&ecirc;me que confront&eacute; au danger.</p> <p>Malgr&eacute; sa grande fid&eacute;lit&eacute; &agrave; l&rsquo;incipit du roman, le film ne transpose pas litt&eacute;ralement ce r&eacute;cit d&rsquo;individuation, mais il lui fait subtilement &eacute;cho en introduisant dans la repr&eacute;sentation le passage d&rsquo;un personnage litt&eacute;raire, &agrave; un personnage de cin&eacute;ma. Ce processus de figuration occupe tout le d&eacute;but du film, il transforme une abstraction intellectuelle, qui ne prend forme que dans l&rsquo;&eacute;change entre les indications du texte et l&rsquo;interpr&eacute;tation du lecteur, en un &ecirc;tre disposant d&rsquo;un corps fix&eacute; par l&rsquo;image qui ferme toute possibilit&eacute; d&rsquo;interpr&eacute;tation quant &agrave; son apparence. Le personnage s&rsquo;incarne progressivement &agrave; l&rsquo;&eacute;cran: la premi&egrave;re image du film montre le livre ouvert o&ugrave; nous pouvons lire les premi&egrave;res phrases du roman, la voix de Pip reprend les mots &eacute;crits, puis c&rsquo;est une silhouette noire et lointaine vue en plan d&rsquo;ensemble qui se manifeste devant nous, et enfin, en plan rapproch&eacute; taille, apparait le visage de Pip. Le nom de ses parents grav&eacute; sur la tombe devant laquelle il s&rsquo;agenouille, nous confirme qu&rsquo;il s&rsquo;agit bien de Pip, narrateur du livre et possesseur de la voix-off. Nous assistons &agrave; une incarnation progressive du personnage, qui se voit d&rsquo;abord donner une voix, puis un corps et enfin un visage, tandis que la r&eacute;p&eacute;tition du nom du h&eacute;ros et ses origines familiales d&rsquo;abord inscrits sur le papier, repris par la voix off et enfin grav&eacute;s sur la pierre tombale de ses parents, fait de l&rsquo;identit&eacute; de Pip un motif r&eacute;curent et un enjeu de la s&eacute;quence.&nbsp;</p> <p><strong>L&rsquo;oubli du &laquo;moi&raquo; dans le paysage</strong></p> <p><em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;&eacute;labore donc un syst&egrave;me narratif dont le personnage est la clef de vo&ucirc;te, dans une tentative de transposer en termes cin&eacute;matographiques la narration autodi&eacute;g&eacute;tique du roman. La pr&eacute;sence de sa voix-off lui donne le statut de narrateur et de personnage focal: notre r&eacute;ception de la di&eacute;g&egrave;se est r&eacute;gl&eacute;e par sa perspective, le paysage est &eacute;labor&eacute; pour refl&eacute;ter ses angoisses, le montage et les mouvements de cam&eacute;ra sont r&eacute;gl&eacute;s par ses r&eacute;actions et mouvements. L&rsquo;organisation de l&rsquo;espace par la cam&eacute;ra traduit cette perspective unique en privil&eacute;giant le panoramique, mouvement qui permet &agrave; la cam&eacute;ra de balayer une vaste portion d&rsquo;espace, sinon la totalit&eacute;, depuis un point fixe. Le panoramique, associ&eacute; au plan d&rsquo;ensemble, sugg&egrave;re un observateur fixe et unique qui organise l&rsquo;espace tel que nous le percevons sur l&rsquo;&eacute;cran. Ainsi, sans se confondre totalement, le point de vue oculaire et le point de vue narratif se r&eacute;pondent. La sc&egrave;ne d&rsquo;ouverture d&rsquo;<em>Oliver Twist,</em>&nbsp;nous l&rsquo;avons vu, pr&eacute;sente une situation narrative tr&egrave;s proche de celle des&nbsp;<em>Grandes Esp&eacute;rances</em>, et reprend certains de ses &eacute;l&eacute;ments visuels les plus caract&eacute;ristiques&nbsp;: les arbres morts, le cr&eacute;puscule, les nuages orageux, et comme cette sc&egrave;ne n&rsquo;existe pas dans le roman de Dickens elle peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une reprise des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances</em>. Bien que le montage lie &eacute;troitement le personnage &agrave; la flore et aux variations du temps,&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;se distingue des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;par l&rsquo;absence de perspective unique et englobante. Pip pr&eacute;existe au paysage par sa voix-off et par le texte de Dickens, alors que dans&nbsp;<em>Oliver Twist</em>, le paysage appara&icirc;t avant le personnage, et ce dernier n&rsquo;a pas le privil&egrave;ge d&rsquo;une voix-off. Le film s&rsquo;ouvre sur des fragments de nature: morceau de ciel, d&eacute;tail d&rsquo;un arbre, d&rsquo;une &eacute;tendue d&rsquo;eau. Consid&eacute;r&eacute; &agrave; l&rsquo;aune des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances</em>, cet &eacute;clatement du paysage en plusieurs fragments jamais rassembl&eacute;s dans un plan d&rsquo;ensemble souligne l&rsquo;absence d&rsquo;un point de vue unique et stable. Dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>, l&rsquo;axe lat&eacute;ral de la prise de vue, les cadrages larges et le panoramique, aplatissent et mettent &agrave; distance le paysage, soumis au regard unificateur d&rsquo;un sujet souverain. La voix-off participe &agrave; cet &eacute;loignement du paysage. Voix d&rsquo;adulte, elle se distingue de l&rsquo;enfant qui apparait &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, elle ancre donc l&rsquo;action dans le pass&eacute;. Le paysage cristallise les peurs de l&rsquo;enfant, mais ce sont des peurs qui ont &eacute;t&eacute; surmont&eacute;es par un individu devenu adulte. Le paysage d&rsquo;<em>Oliver Twist&nbsp;</em>n&rsquo;est pas l&rsquo;&eacute;cho d&rsquo;un pass&eacute; lointain surgi des tr&eacute;fonds d&rsquo;une m&eacute;moire individuelle, mais une donn&eacute;e imm&eacute;diate et ind&eacute;pendante.</p> <p>Le paysage des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;est structur&eacute; horizontalement par les panoramiques et les d&eacute;placements du personnage de gauche &agrave; droite.&nbsp;<em>Oliver Twist,</em>&nbsp;au contraire, structure le paysage autour de l&rsquo;axe vertical, avec de nombreuses contre-plong&eacute;es. La branche d&rsquo;un arbre sec se dresse sur un fond de ciel noir qu&rsquo;&eacute;claire ponctuellement les &eacute;clats d&rsquo;un orage lointain, une feuille tombe au sol emport&eacute;e par le vent qui vient rider une marre entour&eacute;e d&rsquo;herbe. Dans le premier plan d&rsquo;ensemble de la s&eacute;quence, l&rsquo;&eacute;clairage clair-obscur privil&eacute;gie une perception de l&rsquo;image partag&eacute;e entre deux grandes masses noires: le sol et les nuages. Le mouvement de ces nuages effectue une diagonale qui vient se heurter &agrave; la ligne d&rsquo;horizon, et incarne cette opposition entre ciel et terre. Cette s&eacute;rie initiale de fragments est tout enti&egrave;re construite sur le principe du conflit entre haut et bas, ciel et terre. L&#39;alternance entre contre-plong&eacute;es tourn&eacute;es vers le ciel et cadrages horizontaux plus &laquo;terriens&raquo;, participe de cette mise en tension. Cette tension se retrouve &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur m&ecirc;me des plans. Que la cam&eacute;ra se tourne vers le ciel ou la terre, le champ est toujours travers&eacute; par un &eacute;l&eacute;ment se rapportant &agrave; l&rsquo;espace oppos&eacute;: les branches d&rsquo;arbre barrant le ciel, le vent qui emporte les feuilles et vient perturber le calme de l&rsquo;eau. L&rsquo;&eacute;clairage accentue les ombres et joue sur les contrastes: la lumi&egrave;re sculpte les contours, d&rsquo;un bois plaqu&eacute; sur le ciel par contre la plong&eacute;e et le d&eacute;tache de son arri&egrave;re-plan de nuages. Avec sa forme anguleuse et tortueuse, ce bois ressemble &agrave; un &eacute;clair, il est comme une d&eacute;chirure sur le ciel. L&rsquo;eau et les hautes herbes agit&eacute;es par le vent constituent un micro-&eacute;v&egrave;nement isol&eacute; par la cam&eacute;ra et gard&eacute; au montage comme incarnation de cette tension entre le ciel et la terre: le vent, &eacute;l&eacute;ment c&eacute;leste, vient perturber l&rsquo;eau et l&rsquo;herbe, composantes terrestres. Ces conflits, inscrits dans la composition plastique de l&rsquo;image et incarn&eacute;s dans des micro-&eacute;v&egrave;nements m&eacute;t&eacute;orologiques, construisent un drame &eacute;l&eacute;mentaire ind&eacute;pendant de toute pr&eacute;sence humaine. Au contraire dans l&rsquo;ouverture des<em>&nbsp;Grandes esp&eacute;rances,</em>&nbsp;le drame ne saurait &ecirc;tre purement &eacute;l&eacute;mentaire, il est d&eacute;termin&eacute; par la pr&eacute;sence du sujet et l&rsquo;ensemble de la repr&eacute;sentation s&rsquo;organise autour de la distinction et de la hi&eacute;rarchie entre sujet et objet: le paysage est un objet soumis au point de vue unique et englobant du sujet souverain. La logique du raccord regard, si elle ne structure pas l&rsquo;ensemble de la s&eacute;quence, n&rsquo;en incarne pas moins cette relation o&ugrave; sujet et objet sont nettement s&eacute;par&eacute;s et hi&eacute;rarchis&eacute;s par le montage, le second &eacute;tant subordonn&eacute; au premier.</p> <p>Si ces deux paysages convoquent les qualit&eacute;s d&rsquo;obscurit&eacute; et de rudesse du sublime terrible th&eacute;oris&eacute; par Burke, ils en proposent deux usages oppos&eacute;s. Dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances,</em>&nbsp;l&rsquo;esth&eacute;tique sombre de Burke renforce par contraste l&rsquo;individualit&eacute; de Pip au moment o&ugrave; elle se r&eacute;v&egrave;le dans toute sa fragilit&eacute;. La mort est pr&eacute;sent&eacute;e mais fig&eacute;e dans des objets pr&eacute;cis: les potences, les tombes qui la mettent &agrave; distance.&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;ne reprend pas cet attirail fun&egrave;bre mais il en exacerbe les &eacute;l&eacute;ments les plus terribles: les ombres sont plus t&eacute;n&eacute;breuses, les nuages plus noirs et leur pr&eacute;sence d&eacute;bouche sur une v&eacute;ritable temp&ecirc;te, la v&eacute;g&eacute;tation est plus rare, plus s&egrave;che et h&eacute;riss&eacute;e de ronces. Le danger et la mort, cette &laquo;reine des terreurs<a href="#nbp_15" id="footnoteref15_codx9yz" name="lien_nbp_15" title="Edmund Burke, op.cit., p.123.">15</a>&raquo; selon Burke, sont partout dans l&rsquo;hostilit&eacute; de cette nature sauvage et dans le d&eacute;chainement des &eacute;l&eacute;ments, mais ils ne s&rsquo;incarnent jamais dans une symbolique litt&eacute;rale &agrave; la port&eacute;e forc&eacute;ment plus r&eacute;duite. Dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;la terreur est domin&eacute;e, domestiqu&eacute;e par le sujet souverain. Dans&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;le sujet se dissout dans un paysage agressif qui r&eacute;pond &agrave; ses propres d&eacute;faillances int&eacute;rieures. Ce naufrage du moi dans le paysage n&rsquo;&eacute;voque pas simplement le sublime burk&eacute;en relatif &agrave; la conservation de soi, il ouvre une perc&eacute;e vers le paysage romantique o&ugrave; le moi sid&eacute;r&eacute; devant la puissance de la nature s&rsquo;ab&icirc;me et s&rsquo;oublie dans le paysage<a href="#nbp_16" id="footnoteref16_h22tjxn" name="lien_nbp_16" title="Yvon le scamff, Le paysage romantique et l'expérience du sublime, Seyssel, Champ Vallon, 2007, p.160.">16</a>.</p> <p>L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t des romantiques, po&egrave;tes et peintres, pour les grands espaces, les montagnes et les temp&ecirc;tes qui manifestent les aspects les plus dynamiques de la nature et en exhibent la puissance<a href="#nbp_17" id="footnoteref17_651kdd2" name="lien_nbp_17" title="Idem, p.48.">17</a>, s&rsquo;accompagne d&rsquo;un effacement de la figure humaine. Les peintres romantiques la r&eacute;duisent &agrave; un passant ou un observateur anonyme, comme dans&nbsp;<em>Le Moine au bord de la mer</em>&nbsp;(1808-1810) de Caspard David Friedrich o&ugrave; le moine du titre est rel&eacute;gu&eacute; &agrave; l&rsquo;insignifiance dans le bas du cadre &eacute;cras&eacute; par ce paysage marin, quand le personnage ne disparait pas tout simplement devant l&rsquo;ampleur du paysage. John Constable dans&nbsp;<em>Old Sarum</em>&nbsp;(1829) transcende le sujet historique en transformant en paysage les ruines d&rsquo;une cit&eacute; antique. L&rsquo;attention de l&rsquo;artiste se porte sur le climat et la m&eacute;t&eacute;orologie, il se concentre sur les nuages annonciateurs d&rsquo;orages qui s&rsquo;accumulent dans le ciel et leurs ombres projet&eacute;es au sol&nbsp;tandis que les ruines de l&rsquo;ancienne cit&eacute; de Sarum se confondent dans le lointain avec la montagne. Le&nbsp;<em>Regulus</em>&nbsp;(1828-1837) de Turner, au lieu de repr&eacute;senter directement sur la toile ce h&eacute;ros romain tortur&eacute; par les carthaginois et forc&eacute; de contempler le soleil jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;aveuglement, &eacute;limine le personnage titre du tableau pour le confondre avec le spectateur et le r&eacute;duire &agrave; son regard au moment m&ecirc;me o&ugrave; il perd la vue. Depuis le centre de la toile, les rayons du soleil envahissent le tableau, dissolvent les formes, personnages et lieux, pour ne laisser que la puissance aveuglante de la lumi&egrave;re. Les romantiques, comme le rappelle Pierre Watt, subvertissent la hi&eacute;rarchie des genres en d&eacute;tournant la peinture d&rsquo;histoire vers le paysage, la nature &eacute;tant l&rsquo;expression du divin<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_ie1tel9" name="lien_nbp_18" title="Pierre Watt, Naissance de l’art romantique: Peinture et théorie de l’imitation en Allemagne et en Angleterre, Flammarion, Paris, 1998-2012, p.151.">18</a>. Aux grands drames humains se m&ecirc;lent, voire se substituent, la trag&eacute;die des &eacute;l&eacute;ments.</p> <p>Un mouvement semblable anime l&rsquo;ouverture d&rsquo;<em>Oliver Twist</em>, le drame se rapporte encore &agrave; un personnage donn&eacute;, mais&nbsp; la trag&eacute;die individuelle trouve un &eacute;cho dans la nature elle-m&ecirc;me. Il en r&eacute;sulte une confusion entre int&eacute;riorit&eacute; et ext&eacute;riorit&eacute;, qui met en &eacute;chec les fronti&egrave;res tranch&eacute;es entre sujet et objet. Ici, la relation entre le personnage et le paysage est r&eacute;versible. Le montage &eacute;tablit des comparaisons entre la jeune femme et la v&eacute;g&eacute;tation. Si ces comparaisons assimilent le paysage &agrave; l&rsquo;expression des sensations de douleur et d&rsquo;angoisse, elles impliquent aussi la substitution &agrave; l&rsquo;&eacute;cran du personnage par cette v&eacute;g&eacute;tation qui devient elle-m&ecirc;me un v&eacute;hicule du drame et du path&eacute;tique. Le paysage pr&eacute;existe au personnage, et exprime d&eacute;j&agrave; en lui-m&ecirc;me un conflit tragique qui se r&eacute;sout dans le d&eacute;chainement des &eacute;l&eacute;ments. La s&eacute;quence est ambigu&euml;, le paysage refl&egrave;te-t-il les sentiments, craintes et sensations du personnage, ou est-ce le personnage qui vient se fondre dans la lande et la v&eacute;g&eacute;tation environnante? Il ne s&rsquo;agit plus ici d&rsquo;affirmation de soi. Ce qui est en jeu c&rsquo;est au contraire le d&eacute;litement d&rsquo;une individualit&eacute;.&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;s&rsquo;ouvre sur l&rsquo;affirmation de l&rsquo;identit&eacute; de Pip et le pose comme sujet souverain. Dans&nbsp;<em>Oliver Twist</em>, il n&rsquo;y a rien de tel car le personnage de la m&egrave;re est d&eacute;pourvu d&rsquo;identit&eacute;, c&rsquo;est une anonyme dont les origines nous sont inconnues et dont la seule fonction est de donner naissance au h&eacute;ros et de disparaitre.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&Agrave; travers le prisme du gothique et de son usage du sublime, le paysage tel qu&rsquo;il est utilis&eacute; dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Oliver Twist</em>&nbsp;ouvre sur des perspectives romantiques. Cependant le paysage romantique est une voie d&rsquo;acc&egrave;s au divin et &agrave; l&rsquo;absolu et les paysages des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances&nbsp;</em>et d&rsquo;<em>Oliver Twist&nbsp;</em>ont une port&eacute;e plus r&eacute;duite. Dans ces deux films, le paysage participe &agrave; la construction d&rsquo;une sc&egrave;ne path&eacute;tique, bien plus qu&rsquo;&agrave; la fusion entre l&rsquo;humain et la nature, ou &agrave; l&rsquo;expression directe du sublime, bien qu&rsquo;il en convoque l&rsquo;imagerie. L&rsquo;esth&eacute;tique du sublime terrible et le paysage ont essentiellement une fonction rh&eacute;torique dans l&rsquo;&eacute;conomie du r&eacute;cit. Ils jouent un r&ocirc;le hyperbolique en ext&eacute;riorisant les peurs et failles intimes du personnage &agrave; l&rsquo;&eacute;cran ou en dramatisant sa mort sur le mode du spectaculaire. Il s&rsquo;agit avant tout de trouver une expression visuelle frappante plus que de d&eacute;velopper une mystique panth&eacute;iste du paysage au cin&eacute;ma. D&rsquo;autant plus que la pr&eacute;sence du paysage est nettement localis&eacute;e et circonscrite en d&eacute;but de film, la nature ne jouant plus de r&ocirc;le significatif par la suite.</p> <p>Il n&rsquo;en reste pas moins que l&rsquo;on entrevoit ici une conception du paysage li&eacute;e &agrave; l&rsquo;expression de la subjectivit&eacute; et fond&eacute;e sur la mise en parall&egrave;le de la vie int&eacute;rieure avec la v&eacute;g&eacute;tation et les ph&eacute;nom&egrave;nes atmosph&eacute;riques. Ce qu&rsquo;il ne fait qu&rsquo;esquisser dans&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Oliver Twist</em>, David Lean va cependant le reprendre et le travailler de film en film. Cette dimension subjective et ces correspondances sont les fondations de sa po&eacute;tique du paysage. Le raccord de l&rsquo;allumette et du soleil dans&nbsp;<em>Lawrence d&rsquo;Arabie</em>&nbsp;constitue une de ces correspondances cosmiques entre l&rsquo;individu et l&rsquo;univers. Dans&nbsp;<em>Docteur Jivago</em>, le raccord regard entre le h&eacute;ros &eacute;ponyme et son environnement transforme le monde: se penchant sur une vitre gel&eacute;e, son regard r&eacute;v&egrave;le en gros plan un flocon de neige fig&eacute; dans la glace qui se change en jonquille printani&egrave;re. Le regard du po&egrave;te enchante le monde et r&eacute;v&egrave;le ce qui n&rsquo;est pas visible ordinairement. Dans&nbsp;<em>La Fille de Ryan,&nbsp;</em>une sc&egrave;ne d&rsquo;amour dans les bois relie les &eacute;treintes des amants &agrave; la flore environnante et au soleil filtrant &agrave; travers le feuillage des arbres. &Agrave;&nbsp;l&rsquo;exemple d&rsquo;<em>Oliver Twist</em>, le paysage y est fragment&eacute;, et les deux figures humaines alternent &agrave; l&rsquo;&eacute;cran avec la&nbsp; v&eacute;g&eacute;tation, provoquant le m&ecirc;me sentiment d&rsquo;effacement et d&rsquo;oubli du moi, non pas sous la forme de l&rsquo;an&eacute;antissement, mais sous celle plus mystique, plus romantique, d&rsquo;une fusion avec la nature en &eacute;cho &agrave; la fusion des corps saisis par l&rsquo;extase sexuelle et amoureuse. Le g&eacute;n&eacute;rique de&nbsp;<em>La Fille de Ryan</em>&nbsp;capture l&rsquo;apparition de la lumi&egrave;re et le rougeoiement du ciel, repr&eacute;sentation sensuelle de la nature qui fait directement &eacute;cho au sujet du film, l&rsquo;&eacute;veil &eacute;rotique et sentimental d&rsquo;une jeune femme tout juste sortie de l&rsquo;adolescence. Aux agitations nationalistes des irlandais en r&eacute;volte contre la domination anglaise, r&eacute;pond le d&eacute;chainement d&rsquo;une temp&ecirc;te spectaculaire. Les hommes luttent contre les &eacute;l&eacute;ments comme ils luttent pour leur ind&eacute;pendance.</p> <p>Dans&nbsp;<em>La Fille de Ryan,</em>&nbsp;les actions agitant les personnages du film se d&eacute;veloppent en parall&egrave;le aux rythmes de la nature. &Agrave; ce titre, le film synth&eacute;tise et incarne &agrave; son plus haut degr&eacute; la po&eacute;tique du paysage esquiss&eacute;e &agrave; partir des&nbsp;<em>Grandes esp&eacute;rances</em>&nbsp;et d&rsquo;<em>Oliver Twist</em>. Le paysage refl&egrave;te les d&eacute;sirs, les &eacute;checs et les angoisses des personnages, mais il est plus que le simple miroir de leur subjectivit&eacute;: il ouvre vers une forme de transcendance o&ugrave; l&rsquo;individu se fond dans la nature. Le paysage gonfle les drames individuels &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle de l&rsquo;univers, il devient lui-m&ecirc;me un mode d&rsquo;expression du drame se substituant aux personnages. Dans&nbsp;<em>Oliver Twist,</em>&nbsp;le destin de la jeune m&egrave;re est d&eacute;j&agrave; inscrit dans le paysage, le conflit des &eacute;l&eacute;ments est d&eacute;j&agrave; une figuration de la lutte entre la vie et la mort et annonce la trag&eacute;die &agrave; venir. Le mod&egrave;le du paysage d&eacute;velopp&eacute; par David Lean, est celui des peintres romantiques o&ugrave; le drame historique, religieux ou mythologique, se r&eacute;sorbe dans une repr&eacute;sentation de la nature qui devient l&rsquo;expression privil&eacute;gi&eacute;e de la transcendance comme aspiration &agrave; l&rsquo;absolu, et du tragique de la condition humaine.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et bibliographie:</strong></p> <p>BEYLOT, Pierre,&nbsp;<em>Le r&eacute;cit audiovisuel</em>, Paris, Armand Colin, 2005.</p> <p>BROWNLOW, Kevin,&nbsp;<em>David Lean, une vie de cin&eacute;ma</em>, Paris, Cin&eacute;math&egrave;que Fran&ccedil;aise-Corlet, 2003.</p> <p>BURKE, Edmund,&nbsp;<em>Recherche philosophique sur l&#39;origine de nos id&eacute;es du sublime et du beau</em>, Paris, Librairie philosophique J. Vrin, (Biblioth&egrave;que des textes philosophiques), 2009.</p> <p>DICKENS, Charles,&nbsp;<em>Les Aventures d&#39;Oliver Twist</em>, Paris, Gallimard, (folio classique), 1958, 1973.</p> <p>DICKENS, Charles,&nbsp;<em>Les Grandes Esp&eacute;rances</em>, Paris, Gallimard, (folio classique), 1999.</p> <p>LE SCANFF, Yvon,&nbsp;<em>Le paysage romantique et l&#39;exp&eacute;rience du sublime</em>, Seyssel, Champ Vallon, 2007.</p> <p>LEVY, Maurice,&nbsp;&nbsp;<em>Le roman &laquo;gothique&raquo; anglais 1764-1824</em>, Paris, Albin Michel, 1995.</p> <p>MCFARLANE, Brian,&nbsp;<em>Novel to film, an Introduction to the theory of adaptation</em>, Oxford, Clarendon Press, 2004, 1996.</p> <p>GARDIES Andr&eacute;, &laquo;Le paysage comme moment narratif&raquo; in&nbsp;<em>Les paysages du cin&eacute;ma</em>, Jean mottet [Dir], Seyssel, Champ Vallon, 1999, p.141-152.</p> <p>ORGAN, Steven,<em>&nbsp;David Lean Interview</em>, Jackson, University Press of Missippi, 2009.</p> <p>PILARD, Philippe,&nbsp;<em>Histoire du cin&eacute;ma britannique</em>, Paris, Nouveau monde, 2010.</p> <p>VAILLANT, Alain [Dir],&nbsp;<em>Dictionnaire du Romantisme</em>, Paris, CNRS &eacute;ditions, 2012.</p> <p>WAT, Pierre,&nbsp;<em>Naissance de l&#39;art romantique</em>, Paris, Flammarion, 2012, 1998.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;Maurice Levy,&nbsp;&nbsp;<em>Le roman &laquo;gothique&raquo; anglais 1764-1824</em>, Paris, Albin Michel, 1995, p.656.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.7-8</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.69</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Edmund Burke,<em>&nbsp;Recherches philosophiques sur l&rsquo;origine de nos id&eacute;es du sublime et du beau</em>, Paris, Librairie philosophique J. Vrin (Biblioth&egrave;que des textes philosophiques), 2014, p.96.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.141</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.121</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;S&rsquo;il s&rsquo;agit au d&eacute;part d&rsquo;une sensibilit&eacute; commune &eacute;mergeant au milieu du XVIII<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle plut&ocirc;t que d&rsquo;une influence directe, le roman gothique se nourrira n&eacute;anmoins des th&eacute;ories de Burke en la personne d&rsquo;Ann Radcliffe qui s&rsquo;en inspire et le cite ouvertement.</p> <p>Cf. Maurice Levy,&nbsp;&nbsp;<em>Le roman &laquo;gothique&raquo; anglais 1764-1824</em>, Paris, Albin Michel, 1995, p.72</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.95.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.103-104.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Andr&eacute; Gardies, &laquo;Le paysage comme moment narratif&raquo; dans Jean Motet [Dir]&nbsp;<em>Les paysages du cin&eacute;ma</em>, Seyssel, Champ Vallon, 1999, p.148.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Brownlow Kevin,&nbsp;<em>David Lean, une vie de cin&eacute;ma</em>, Paris, Cin&eacute;math&egrave;que Fran&ccedil;aise-Corlet, 2003, p.236.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;<em>Ibidem</em></p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;Charles Dickens,&nbsp;<em>Les Grandes esp&eacute;rances</em>, Paris, Gallimard, 1999, p.32.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;Edmund Burke,&nbsp;<em>op.cit</em>., p.92-93.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;Edmund Burke,&nbsp;<em>op.cit.</em>, p.123.</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a>&nbsp;Yvon le scamff,&nbsp;<em>Le paysage romantique et l&#39;exp&eacute;rience du sublime</em>, Seyssel, Champ Vallon, 2007, p.160.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;<em>Idem</em>, p.48.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;Pierre Watt,&nbsp;<em>Naissance de l&rsquo;art romantique: Peinture et th&eacute;orie de l&rsquo;imitation en Allemagne et en Angleterre</em>, Flammarion, Paris, 1998-2012, p.151.</p>