<p>&nbsp;Les images des Indiens d&rsquo;Am&eacute;rique latine d&eacute;ploy&eacute;es dans la bande dessin&eacute;e (BD) europ&eacute;enne forment une grande famille dont les origines remontent &agrave; la diffusion des gravures illustrant les r&eacute;cits de voyage sur la d&eacute;couverte du &laquo;&nbsp;Nouveau Monde&nbsp;&raquo;. T&eacute;moignage autant de la r&eacute;alit&eacute; que du r&ecirc;ve, comme l&rsquo;explique Jean-Paul Duviols dans <em>Le miroir du Nouveau Monde</em><a href="#nbp1" id="footnoteref1_qwxawqa" name="liennbp1" title="Jean-Paul Duviols, Le miroir du Nouveau Monde. Images primitives de l’Amérique, Paris, Presses de l’Université Paris-Sorbonne, 2006.">1</a>,&nbsp;ces images portaient, entre autres, sur le cannibalisme. Suivre la repr&eacute;sentation du cannibale de ces gravures jusqu&rsquo;&agrave; la BD &ndash; telle est la proposition de cet article &ndash; peut s&rsquo;entendre comme une enqu&ecirc;te g&eacute;n&eacute;alogique qui renvoie vers une arch&eacute;ologie d&rsquo;imaginaires. Afin de retracer la lign&eacute;e du cannibale dans son expression graphique et textuelle, notre but n&rsquo;est pas d&rsquo;&eacute;tablir un r&eacute;pertoire syst&eacute;matique, mais d&rsquo;indiquer quelques branches d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;alogie immens&eacute;ment &eacute;vocatrice pour l&rsquo;imaginaire. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un arbre g&eacute;n&eacute;alogique pris dans un syst&egrave;me de renvois de la BD &agrave; d&rsquo;autres textes et &agrave; d&rsquo;autres illustrations qui forment n&oelig;ud dans le r&eacute;seau de l&rsquo;imaginaire du cannibale.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Dans notre parcours historique et g&eacute;n&eacute;alogique, les r&eacute;f&eacute;rences &agrave; la BD ont &eacute;t&eacute; intercal&eacute;es pour montrer la circulation des images jusqu&rsquo;&agrave; ce m&eacute;dia. La premi&egrave;re partie d&eacute;crit les points de rep&egrave;re dans l&rsquo;imaginaire du cannibale, d&egrave;s la naissance de cette figure et tout au long de son expansion dans le monde, en tenant compte des repr&eacute;sentations v&eacute;hicul&eacute;es par les arts et les lettres europ&eacute;ens du XVI<sup>e</sup> au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, des gravures qui illustrent les r&eacute;cits de voyage du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle aux repr&eacute;sentations litt&eacute;raires et anthropologiques post&eacute;rieures.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Cela permet de discerner les concepts et les usages qui sont mobilis&eacute;s par la figure du cannibale dans diff&eacute;rents supports, avec un int&eacute;r&ecirc;t sp&eacute;cial pour les gravures et la mondialisation des images. La deuxi&egrave;me partie se penche sur l&rsquo;&eacute;tude de la cr&eacute;ation imaginaire des sc&egrave;nes de cannibalisme en identifiant les &eacute;l&eacute;ments s&eacute;mantiques et iconographiques amplifi&eacute;s pour sa repr&eacute;sentation. Finalement, un troisi&egrave;me temps est consacr&eacute; au cannibale dans la BD contemporaine. Une telle figuration s&rsquo;appuie sur les circulations pr&eacute;c&eacute;dentes en reprenant ou en transformant des &eacute;l&eacute;ments qui&nbsp;r&eacute;pondent &agrave; une symbolisation du r&eacute;el travers&eacute; par l&rsquo;imaginaire.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Notre corpus d&rsquo;images secondes&nbsp;est constitu&eacute; d&rsquo;une vingtaine de BD publi&eacute;es entre 1936 et 2019 en Europe (une des trois grandes aires de production de BD avec les &Eacute;tats-Unis et le Japon, notamment gr&acirc;ce aux traditions franco-belge, italienne et espagnole). Parmi ces BD, on compte des classiques comme les aventures de Jo et Zette, de Tintin ou de Corto Maltese et des vignettes du XXI<sup>e</sup> si&egrave;cle, d&rsquo;un registre diff&eacute;rent et dans plusieurs genres. Cet article analyse de fa&ccedil;on plus approfondie deux albums en particulier&nbsp;: <em>Le Captif</em><a href="#nbp2" id="footnoteref2_976urls" name="liennbp2" title="Jorge Zentner et Rubén Pellejero, Le Captif, traduit de l’espagnol par Pablo Guevara, Saint-Égrève, Éditions Mosquito, 2002.">2</a> et <em>Kaloukaera, l&rsquo;&icirc;le aux cannibales</em><a href="#nbp3" id="footnoteref3_kdf4blw" name="liennbp3" title="Gérard Richard et Olivier Brazao, Histoire des îles de Guadeloupe t. 1 : Kaloukaera, l’île aux cannibales, Strasbourg, Éditions du Signe, 2013.">3</a>,&nbsp;qui r&eacute;pondent tous deux aux codes de la BD historique, c&#39;est-&agrave;-dire une narration situ&eacute;e dans un &eacute;pisode historique particulier, ainsi que de la BD historienne, con&ccedil;ue comme une narration de nature didactique sur un r&eacute;cit officiel de l&rsquo;histoire (distinction propos&eacute;e par Pascal Ory<a href="#nbp4" id="footnoteref4_1gblxp8" name="liennbp4" title="Pascal Ory, « Historique ou historienne ? », dans Odette Mitterrand (dir.), L’histoire par la bande : BD, histoire et pédagogie, Paris, Syros, 1993, p. 93-96.">4</a>).&nbsp;Ce sont des exemples qui soit r&eacute;adaptent un r&eacute;cit fondateur de notre g&eacute;n&eacute;alogie d&rsquo;imaginaires, soit enseignent l&rsquo;histoire en revendiquant une identit&eacute;. Finalement, nous interrogeons les transformations du cannibale dans ses repr&eacute;sentations diverses pour la BD d&rsquo;aujourd&rsquo;hui.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Pour accomplir ce plan, deux pr&eacute;cisions m&eacute;thodologiques sont n&eacute;cessaires. La premi&egrave;re justifie la constitution d&rsquo;un corpus choisi selon un principe d&rsquo;&eacute;chantillonnage. Cette s&eacute;lection de titres r&eacute;pond &agrave; l&rsquo;importance accord&eacute;e &agrave; l&rsquo;expression imaginaire &laquo; cannibale &raquo; et &agrave; l&rsquo;enchainement d&rsquo;une telle iconographie dans les vignettes. Nous &eacute;tudions, donc, une corr&eacute;lation th&eacute;matique, causale et analogique, dans un corpus qui est &agrave; la fois divers, pour exemplifier diff&eacute;rents contextes de production, publics cible, genres et degr&eacute;s de reconnaissance. Pour l&rsquo;unit&eacute; de ce corpus, on tient compte des principes de &laquo;&nbsp;l&rsquo;arch&eacute;ologie du savoir&nbsp;&raquo; d&eacute;velopp&eacute;e par Michel Foucault, afin de d&eacute;crire des <em>discours</em> en tant qu&rsquo;ensembles qui ne sont pas ind&eacute;pendants ni r&eacute;gl&eacute;s, mais en perp&eacute;tuelle transformation par leurs conditions d&rsquo;apparition, les formes de leur cumul, leur encha&icirc;nement, leurs discontinuit&eacute;s. &laquo;&nbsp;Le probl&egrave;me n&rsquo;est plus de la tradition et de la trace, mais de la d&eacute;coupe et de la limite&nbsp;; ce n&rsquo;est plus celui du fondement qui se perp&eacute;tue, c&rsquo;est celui des transformations qui valent comme fondation et renouvellement des fondations<a href="#nbp5" id="footnoteref5_d6ela50" name="liennbp5" title="Michel Foucault, L’archéologie du savoir, Paris, Gallimard, « Tel », 1969, p. 12-13.">5</a> &raquo;.&nbsp;Ainsi, les gravures, les images litt&eacute;raires et les vignettes de la BD sont des &eacute;nonc&eacute;s qui se r&eacute;f&egrave;rent tous &agrave; un seul et m&ecirc;me objet&nbsp;: le cannibale. Ces images sont li&eacute;es par leur &eacute;nonciation et par des &eacute;l&eacute;ments r&eacute;currents dans les repr&eacute;sentations et les usages de la figure pour rendre compte de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale. D&eacute;crire l&rsquo;encha&icirc;nement et les formes des repr&eacute;sentations permet d&rsquo;interroger l&rsquo;identit&eacute; et la persistance de l&rsquo;imaginaire du cannibale&nbsp;: nous essayons de caract&eacute;riser &laquo;&nbsp;la coexistence de ces &eacute;nonc&eacute;s dispers&eacute;s et h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes, l&rsquo;appui qu&rsquo;ils prennent les uns sur les autres, la mani&egrave;re dont ils s&rsquo;impliquent ou s&rsquo;excluent, la transformation qu&rsquo;ils subissent, le jeu de leur rel&egrave;ve, de leur disposition et de leur remplacement<a href="#nbp6" id="footnoteref6_j0zgmqn" name="liennbp6" title="Ibid., p. 51.">6</a> &raquo;.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; La deuxi&egrave;me pr&eacute;cision m&eacute;thodologique engage une r&eacute;flexion sur la circulation des images<a href="#nbp7" id="footnoteref7_2ugomgi" name="liennbp7" title="Voir la notice « Circulation » dans Laurent Gervereau (dir), Dictionnaire mondial des images, Paris, Nouveau Monde éditions, 2010, p. 331-344.">7</a> tant au niveau g&eacute;ographique (la figure du cannibale appara&icirc;t en Am&eacute;rique, pour se disperser, apr&egrave;s, par l&rsquo;Afrique et l&rsquo;Oc&eacute;anie), qu&rsquo;au niveau historique, entre les gravures de la Renaissance et les images des BD, des supports privil&eacute;gi&eacute;s &agrave; cause de leur diffusion multiple. La mondialisation des images et la notion d&rsquo;image m&eacute;tisse th&eacute;oris&eacute;es par Serge Gruzinski, particuli&egrave;rement dans <i>La guerre des images</i><a href="#nbp8" id="footnoteref8_1ifbq1u" name="liennbp8" title="Serge Gruzinski, La guerre des images. De Christophe Colomb à Blade Runner (1492-2019), Paris, Fayard, 1990.">8</a> et <i>La pens&eacute;e m&eacute;tisse</i><a href="#nbp9" id="footnoteref9_khk93ew" name="liennbp9" title="Serge Gruzinski, La pensé métisse, Paris, Fayard, 1999.">9</a>,&nbsp;guident cette r&eacute;flexion. D&rsquo;abord, parce que &laquo;&nbsp;dans le cadre des ph&eacute;nom&egrave;nes plan&eacute;taires li&eacute;s &agrave; la premi&egrave;re mondialisation des images [au XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle], ont surgi partout des images n&eacute;es de la rencontre des diff&eacute;rentes civilisations qui occupaient alors le globe<a href="#nbp10" id="footnoteref10_eing4p7" name="liennbp10" title="Serge Gruzinski, dans Laurent Gervereau, Dictionnaire mondial des images, op.cit., p. 1026.">10</a> &raquo;.&nbsp;Ensuite, parce que &laquo;&nbsp;les images m&eacute;tisses nous confrontent syst&eacute;matiquement &agrave; des horizons plan&eacute;taires, en nous invitant &agrave; prendre la mesure d&rsquo;expressions qui, loin d&rsquo;&ecirc;tre localis&eacute;es et isol&eacute;es, se d&eacute;veloppent simultan&eacute;ment &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle du globe<a href="#nbp11" id="footnoteref11_d9blt4n" name="liennbp11" title="Ibid., p. 1027.">11</a> &raquo;.&nbsp;&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Les repr&eacute;sentations du cannibale dont nous traitons v&eacute;hiculent des images mentales et mythiques, des interpr&eacute;tations du monde et de ses habitants&nbsp;; elles &eacute;taient diffus&eacute;es par l&rsquo;imprimerie naissante comme elles le sont d&eacute;sormais par la BD, et d&rsquo;interm&eacute;diaire en interm&eacute;diaire les informations sur le cannibale se sont m&ecirc;l&eacute;es pour cr&eacute;er une image de l&rsquo;Autre. Nous identifions donc les repr&eacute;sentations du cannibale en tant qu&rsquo;image m&eacute;tisse.</p> <p><q>&nbsp;[L&rsquo;image m&eacute;tisse] est le produit d&rsquo;innovations, d&rsquo;emprunts et d&rsquo;amputations, d&rsquo;incorporations d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments allog&egrave;nes et de destructions. Elle incite &agrave; d&eacute;passer une conception simpliste qui r&eacute;duit les r&eacute;actions indig&egrave;nes &agrave; la d&eacute;fense obstin&eacute;e et s&eacute;culaire d&rsquo;une tradition imm&eacute;moriale, et corrige l&rsquo;id&eacute;e qui fait du m&eacute;tissage une transformation uniform&eacute;ment impos&eacute;e aboutissant &agrave; l&rsquo;effacement in&eacute;luctable des identit&eacute;s non occidentales. C&rsquo;est pour cette raison un instrument inappr&eacute;ciable pour mesurer les effets, les r&eacute;percussions et les limites du processus d&rsquo;occidentalisation&eacute;<a href="#nbp12" id="footnoteref12_c6gmogh" name="liennbp12" title="Ibid.">12</a>. </q></p> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp;Notre traitement de l&rsquo;imaginaire du cannibale jusqu&rsquo;&agrave; sa fixation dans la BD ne nie pas&nbsp;l&rsquo;existence du rituel cannibale<a href="#nbp13" id="footnoteref13_da0qxet" name="liennbp13" title="En 1979, l’anthropologue William Arens a contesté l’existence même du cannibalisme, en le réduisant à un fantasme de l’Occident (William Arens, The Man-Eating Myth: Anthropology and Anthropophagy, Londres, Oxford University Press, 1979). Voir Pierre Bonte et Michel Izard (dir.), Dictionnaire d’ethnologie et anthropologie [1991], Paris, Presses Universitaires de France, « Quadrige », 2018, p. 124.">13</a>,&nbsp;mais il se place dans la ligne des &eacute;tudes&nbsp;postcoloniales&nbsp;des repr&eacute;sentations occidentales qui traitent de la&nbsp;diabolisation&nbsp;de l&rsquo;Autre.&nbsp;Les &eacute;crits et les dessins du cannibalisme, compos&eacute;s et refaits dans un jeu de corr&eacute;lations, de d&eacute;calages et de r&eacute;manences, ont modul&eacute; la perception de cultures lointaines, non seulement sur le sol am&eacute;ricain, mais dans d&rsquo;autres r&eacute;gions du Sud g&eacute;opolitique, et ont g&eacute;n&eacute;r&eacute; des effets de sens.&nbsp;Ainsi, cette g&eacute;n&eacute;alogie refl&egrave;te une production d&rsquo;images au service d&rsquo;id&eacute;ologies et de projets politiques d&eacute;termin&eacute;s, d&egrave;s le d&eacute;but de leur circulation.</p> <h2>Points de rep&egrave;re pour une g&eacute;n&eacute;alogie de la figure du cannibale</h2> <h3>Naissance et internationalisation de la figure du cannibale</h3> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp;L&rsquo;apparition de la figure du cannibale, &eacute;v&eacute;nement qui marque l&rsquo;origine de cette histoire familiale, se situe un carrefour de signifiants, comme le montre Frank&nbsp;Lestringant&nbsp;tout au long de l&rsquo;ouvrage <em>Le Cannibale.&nbsp;Grandeur et d&eacute;cadence</em><a href="#nbp14" id="footnoteref14_4eh7qsp" name="liennbp14" title="Frank Lestringant, Le cannibale. Grandeur et décadence [1994], Paris, Librairie Droz, 2016.">14</a>.&nbsp;Le regard des explorateurs europ&eacute;ens &eacute;tait aussi construit de fant&ocirc;mes qui hantaient les mentalit&eacute;s de leur &eacute;poque.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Si l&rsquo;anthropophagie existait d&eacute;j&agrave; avant la rencontre de l&rsquo;Occident avec le &laquo;&nbsp;Nouveau Monde&nbsp;&raquo;, la figure du cannibale est n&eacute;e d&rsquo;une conjonction euro-am&eacute;ricaine aux Antilles. Christophe Colomb, croyant avoir navigu&eacute; aux Indes, arrive en octobre 1492 sur l&rsquo;&icirc;le de&nbsp;Guanahani&nbsp;et rencontre&nbsp;les&nbsp;Tainos, qui&nbsp;lui parlent d&rsquo;un peuple ennemi&nbsp;d&rsquo;une autre &icirc;le&nbsp;:&nbsp;possesseurs d&rsquo;or, agressifs, mangeurs d&rsquo;hommes...&nbsp;les&nbsp;Caribs.&nbsp;Le transfert de &laquo;&nbsp;Carib&nbsp;&raquo; &agrave; &laquo;&nbsp;cannibale&nbsp;&raquo; s&rsquo;effectue dans l&rsquo;esprit de Colomb en quelques jours, comme le rapporte son journal&nbsp;: &laquo;&nbsp;tous ces gens rencontr&eacute;s jusqu&rsquo;&agrave; aujourd&rsquo;hui ont une immense crainte des <em>caniba</em> ou <em>canima</em> [&hellip;] [qui] n&rsquo;avaient qu&rsquo;un seul &oelig;il et une face de chien<a href="#nbp15" id="footnoteref15_3wr0w87" name="liennbp15" title="Christophe Colomb, Journal de bord 1492-1493, traduit de l’espagnol par Soledad Estorach et Michel Lequenne, Paris, Imprimerie nationale, « Voyages et découvertes », 1992, p. 118.">15</a> &raquo;.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;L&rsquo;explorateur ne d&eacute;couvre pas les cannibales, il les invente.&nbsp;Ce sont des &ecirc;tres hybrides dont les traits proviennent davantage des l&eacute;gendes qui ont fa&ccedil;onn&eacute; son imaginaire et celui de ses contemporains, que de la r&eacute;alit&eacute; de ses observations.&nbsp;Les&nbsp;fantasmes h&eacute;rit&eacute;s d&rsquo;H&eacute;rodote, de Pline et de&nbsp;saint Augustin, les textes de Marco Polo, la t&eacute;ratologie de l&rsquo;<i>Imago&nbsp;Mundi</i>&nbsp;et d&rsquo;autres livres similaires impr&egrave;gnent la mentalit&eacute; des navigateurs conqu&eacute;rants.&nbsp;Amazones, ac&eacute;phales, cyclopes et cynoc&eacute;phales sont lus dans la perspective de la mythologie occidentale.&nbsp;Ainsi, le cannibale appara&icirc;t dans le journal de Colomb le lundi 23 et le jeudi 26 novembre 1492 pour d&eacute;signer &agrave; la fois le chien latin&nbsp;(<i>canis</i>), les Indiens des Cara&iuml;bes, les monstres mangeurs de chair et le peuple du Grand Khan o&ugrave; il pensait &ecirc;tre arriv&eacute;. La confusion est confirm&eacute;e le 17 d&eacute;cembre 1492, lorsque les deux termes sont mis au m&ecirc;me niveau, &laquo;&nbsp;Caniba ou Cannibales<a href="#nbp16" id="footnoteref16_lfzb8fq" name="liennbp16" title="Ibid., p. 142.">16</a> &raquo;.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; &laquo;&nbsp;L&rsquo;Indien cannibale, fils de chien et d&eacute;voreur d&rsquo;hommes, est apparu &agrave; l&rsquo;horizon de l&rsquo;Europ&eacute;en et ne le quittera plus jamais<a href="#nbp17" id="footnoteref17_xldpt5e" name="liennbp17" title="Mondher Kilani, « Le cannibalisme. Une catégorie bonne à penser », L’esprit du temps, 2006/1, nº 129, p. 33-46.">17</a> &raquo;.&nbsp;Cependant, Colomb ne croise pas les&nbsp;Caribs&nbsp;lors de son premier voyage, mais apr&egrave;s sa deuxi&egrave;me navigation transoc&eacute;anique.&nbsp;En&nbsp;ce qui concerne ce passage, une sc&egrave;ne de la BD biographique <i>Christophe Colomb</i>, publi&eacute; par&nbsp;Jij&eacute; &ndash; un des ma&icirc;tres de la tradition franco-belge &ndash; en 1946, est significative.&nbsp;Le fr&egrave;re de l&rsquo;amiral, lors de l&rsquo;exploration des &icirc;les, tombe sur un tas d&rsquo;os et de restes humains&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Ces gens se nourrissent de chair humaine&hellip; Nous en savons assez sur leurs m&oelig;urs&nbsp;!!!<a href="#nbp18" id="footnoteref18_h39ihub" name="liennbp18" title="Jijé, Christophe Colomb, tome II : La trahison [1946], Paris, Helyote, 1992, p. 21.">18</a> &raquo;, dit&nbsp;le personnage, soulignant la barbarie des Caribs.&nbsp;Indomptables et assoiff&eacute;s de sang, sans respect d&rsquo;aucune loi, les&nbsp;Caribs sont pr&eacute;sent&eacute;s comme les &laquo;&nbsp;m&eacute;chants&nbsp;&raquo; et ils sont oppos&eacute;s aux &laquo;&nbsp;bons&nbsp;&raquo; Tainos&nbsp;de la premi&egrave;re rencontre.&nbsp;Il s&rsquo;agit d&rsquo;un premier aper&ccedil;u de la figure du &laquo;&nbsp;bon sauvage&nbsp;&raquo; en opposition &agrave; la b&ecirc;te primitive.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Ainsi, la figure du cannibale &ndash; curieusement &ndash; ne serait jamais nue, mais envelopp&eacute;e de pr&eacute;jug&eacute;s. Si &agrave; l&rsquo;origine, cannibale d&eacute;signe une tribu sp&eacute;cifique de mangeurs d&rsquo;hommes, ce terme accrocheur remplace rapidement le plus complexe &laquo;&nbsp;anthropophage&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;usage g&eacute;n&eacute;ral, &agrave; tel point que les auteurs tendent &agrave; regrouper les deux sans distinction.&nbsp;Toutefois, &laquo;&nbsp;la cat&eacute;gorie &ldquo;cannibale&rdquo; n&rsquo;est &eacute;vidente que pour une perception culturelle qui associe une phobie plut&ocirc;t politique de la chasse &agrave; l&rsquo;homme et une &eacute;pouvante plut&ocirc;t religieuse quant aux mangeurs d&rsquo;hommes<a href="#nbp19" id="footnoteref19_m0yk859" name="liennbp19" title="Georges Guille-Escuret, « Cannibales isolés et monarques sans histoire », L’Homme, 1992, tome 32, nº 122-124, p. 329.">19</a> &raquo;.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;La correspondance de Colomb jette les bases de l&rsquo;imagerie ult&eacute;rieure, qui co&iuml;ncide avec les images d&rsquo;autres explorateurs ou graveurs charg&eacute;s de dessiner l&rsquo;Indien d&rsquo;Am&eacute;rique et, par cons&eacute;quent, le cannibale, identifi&eacute; aussi dans d&rsquo;autres territoires du &laquo;&nbsp;Nouveau Monde&nbsp;&raquo;&nbsp;: &agrave; Mexico ou au Br&eacute;sil, par exemple.&nbsp;La sp&eacute;cificit&eacute; g&eacute;ographique du cannibale est &eacute;tendue par synecdoque, d&rsquo;abord &agrave; tous les Am&eacute;rindiens, qu&rsquo;ils soient Arawaks, Azt&egrave;ques, Tupinambas, Iroquois ou autres, puis &agrave; d&rsquo;autres personnages extra-europ&eacute;ens aux coutumes singuli&egrave;res, dont l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est consid&eacute;r&eacute;e comme radicale. &laquo;&nbsp;Par amalgame entre Colomb et Vespucci, une parfaite confusion s&rsquo;&eacute;tablissait entre les Carib des Antilles, des Guyanes et de la partie orientale du Venezuela, et les Tupinamba du littoral br&eacute;silien, eux aussi anthropophages<a href="#nbp20" id="footnoteref20_rdhnwkf" name="liennbp20" title="Frank Lestringant, op. cit., p. 63.">20</a> &raquo;. En fait, la signification g&eacute;ographique du mot cannibale a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s t&ocirc;t disput&eacute;e, d&egrave;s 1544, Jean Alphonse de&nbsp;Saintonge&nbsp;a appliqu&eacute;, dans sa <i>Cosmographie</i>, le terme originaire d&rsquo;Am&eacute;rique aux habitants du Golfe de Guin&eacute;e<a href="#nbp21" id="footnoteref21_005ac9z" name="liennbp21" title="Ibid., p. 68">21</a>.&nbsp;Ainsi, la description initiale des cannibales a contribu&eacute; &agrave; fonder un mythe de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; radicale pour l&rsquo;Europe de la morale chr&eacute;tienne.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Comme le souligne&nbsp;Duviols, les premi&egrave;res illustrations des cannibales sont une r&eacute;ponse au succ&egrave;s &eacute;ditorial des lettres d&rsquo;Amerigo Vespucci, &laquo;&nbsp;le cannibale br&eacute;silien va s&rsquo;imposer dans l&rsquo;imagerie exotique<a href="#nbp22" id="footnoteref22_tp1y87c" name="liennbp22" title="Jean-Paul Duviols, op. cit., p. 26.">22</a> &raquo; et &ecirc;tre reproduit sur des feuilles volantes, des cartes, et m&ecirc;me dans nos bandes dessin&eacute;es.&nbsp;Une gravure apparue en 1505 illustre un des passages de Vespucci montrant une sc&egrave;ne, &agrave; la fois famili&egrave;re et cruelle, o&ugrave; le cannibale poss&egrave;de d&eacute;j&agrave; des traits hybrides :&nbsp;&laquo;&nbsp;les plumes et les pierres incrust&eacute;es sur le visage et la poitrine sont caract&eacute;ristiques des Tupis, mais les barbes sont celles des &ldquo;sauvages&rdquo; d&rsquo;Europe<a href="#nbp23" id="footnoteref23_x3xq3tg" name="liennbp23" title="Ibid., p. 27.">23</a> &raquo;.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="532" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/1_0.jpg" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 1. Johann Froschauer, dans&nbsp;: Amerigo Vespucci, <em>Mundus Novus,</em><br /> gravure sur bois color&eacute;e &agrave; la main, 24,4 x 34,3 cm,<br /> 1505, New York, NYPL, Spencer Coll.</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp;&nbsp; En 1992, &agrave; l&rsquo;occasion du cinqui&egrave;me centenaire de l&rsquo;arriv&eacute;e des Europ&eacute;ens en Am&eacute;rique, la maison d&rsquo;&eacute;ditions espagnole Planeta-Agostini publie <i>Relatos del Nuevo Mundo</i>, une s&eacute;rie de 25 albums, pour repr&eacute;senter autant d&rsquo;exp&eacute;ditions. L&rsquo;un de ces albums s&rsquo;intitule <i>Americo&nbsp;Vespucio&nbsp;: un Nombre para la Tierra Nueva</i><a href="#nbp24" id="footnoteref24_9mm7pmp" name="liennbp24" title="Juan Jose Sarto y Alex Nool Niño, Relatos del Nuevo Mundo. Americo Vespucio: un Nombre para la Tierra Nueva, Madrid, Planeta-Agostini, 1992.">24</a>.&nbsp;Le monologue du personnage principal, le c&eacute;l&egrave;bre explorateur florentin, montre la mission civilisatrice, d&eacute;guis&eacute;e en humanisme, dont il se pense porteur.&nbsp;Dans une s&eacute;quence de cartouches, on lit :&nbsp;</p> <p><q>&nbsp;Il y en a beaucoup qui ne voient pas tout un nouveau continent, la richesse du contact avec d&rsquo;autres peuples et d&rsquo;autres cultures...&nbsp;Ils ne voient qu&rsquo;une possibilit&eacute; de faire fortune rapidement.&nbsp;De plus, ils ont l&rsquo;excuse que de nombreuses tribus commettent toutes sortes d&rsquo;atrocit&eacute;s&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Des atrocit&eacute;s ? Non&nbsp;!&nbsp;C&rsquo;est leur mode de vie, leur culture&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;C&rsquo;est un monde hostile et ils ont appris &agrave; vivre comme &ccedil;a&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Notre mission doit &ecirc;tre de changer leur culture pour la n&ocirc;tre &raquo;, &laquo;&nbsp;En bref, de les civiliser !&nbsp;&raquo; Et s&rsquo;ils refusent...&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Nous ne sommes pas des guerriers ou des meurtriers...&nbsp;Mais nous devons l&rsquo;&ecirc;tre&nbsp;!&nbsp;&raquo;, &laquo; Quelle que soit la douleur que cela nous cause !&nbsp;&raquo;, &laquo; Nous devons leur apprendre leurs erreurs&nbsp;! <a href="#nbp25" id="footnoteref25_mdsq52k" name="liennbp25" title="Ibid., p. 21-23: “Hay muchos que no ven todo un continente nuevo, la riqueza del contacto con otras gentes y otras culturas… Solo ven una posibilidad de hacer fortuna rápidamente. Además, tienen la excusa de que muchas tribus cometen todo tipo de atrocidades”, “¿Atrocidades? ¡No! ¡Es su forma de vida, su cultura!”, “Este es un mundo hostil y ellos han aprendido a vivir así”, “Nuestra misión ha de ser la de cambiar su cultura por la nuestra”, “En pocas palabras, ¡Civilizarlos!”, “Y si se niegan…”, “No somos guerreros ni asesinos… ¡Pero habremos de serlo!”, “¡Por mucho dolor que nos cause!”, “¡Hemos de enseñarles sus errores!”">25</a></q></p> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp;Les dessins qui correspondent &agrave; ce texte montrent le contact entre Europ&eacute;ens et Indiens, la for&ecirc;t tropicale, une sc&egrave;ne sugg&eacute;rant le cannibalisme &ndash; avec des t&ecirc;tes coup&eacute;es dans un panier &ndash; et enfin une bataille entre natifs et &eacute;trangers.&nbsp;La s&eacute;quence est m&eacute;taphoriquement entrecoup&eacute;e par des cases montrant un chat &agrave; l&rsquo;aff&ucirc;t d&rsquo;une souris...&nbsp;Le colonisateur &agrave; l&rsquo;aff&ucirc;t du colonis&eacute;.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Bien que l&rsquo;histoire ait surtout retenu la pr&eacute;sence coloniale espagnole et portugaise en Am&eacute;rique latine, il ne faut pas n&eacute;gliger l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que la France portait &agrave; la r&eacute;gion, notamment avec les exp&eacute;ditions militaires et scientifiques qui se succ&egrave;dent de 1503 au XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle. Entre autres, les noms de Gonneville, Verrazane, Villegaignon, Bougainville, La Condamine sont cit&eacute;s dans une histoire des navigations fran&ccedil;aises en Am&eacute;rique sur trois si&egrave;cles de modernit&eacute;<a href="#nbp26" id="footnoteref26_0lwx8bm" name="liennbp26" title="Voir : Philippe Bonnichon, Des cannibales aux castors. Les découvertes françaises de l’Amérique (1503 – 1788), Paris, Editions France-Empire, 1994.">26</a>.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Apr&egrave;s, parall&egrave;lement &agrave; une Am&eacute;rique lib&eacute;r&eacute;e par des processus d&rsquo;ind&eacute;pendance, le XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle voit l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;autres empires coloniaux. En cons&eacute;quence, l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t des auteurs et des lecteurs s&rsquo;est orient&eacute; vers d&rsquo;autres g&eacute;ographies de ce qu&rsquo;on appelle le &laquo;&nbsp;Sud&nbsp;&raquo;.&nbsp;Bient&ocirc;t, la figure du cannibale, identifi&eacute;e &agrave; l&rsquo;Indien d&rsquo;Am&eacute;rique, se transpose sur les autochtones d&rsquo;Afrique et d&rsquo;Oc&eacute;anie&nbsp;(les Pygm&eacute;es et les&nbsp;Kanak&nbsp;sont particuli&egrave;rement vis&eacute;s). En accumulant les repr&eacute;sentations,&nbsp;cette grande famille anthropophage conserve sa radicalit&eacute;, mais est dessin&eacute;e avec d&rsquo;autres couleurs et peut-&ecirc;tre d&rsquo;autres outils.&nbsp;&Agrave; propos de la perte d&rsquo;exclusivit&eacute; am&eacute;ricaine du terme &laquo;&nbsp;cannibale&nbsp;&raquo;,&nbsp;Lestringant&nbsp;souligne qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de coh&eacute;rence g&eacute;ographique dans ce jumelage, parce qu&rsquo; &laquo;&nbsp;il s&rsquo;agit ici et l&agrave; de peuples que leurs pratiques barbares, aussi bien que leur &eacute;loignement aux confins de la terre habitable, rejettent hors de l&rsquo;humanit&eacute;<a href="#nbp27" id="footnoteref27_gj3yeh6" name="liennbp27" title="Franck Lestringant, op. cit., p. 67.">27</a> &raquo;.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Une telle translation laisse une marque profonde sur toute la production culturelle ult&eacute;rieure y compris la BD.&nbsp;C&rsquo;est ainsi que nous pouvons retrouver les cannibales de la BD dispers&eacute;s partout dans le monde.&nbsp;Les cannibales dans <em>La</em> <em>Ballade de la mer sal&eacute;e</em> d&rsquo;Hugo Pratt<a href="#nbp28" id="footnoteref28_2uu2bu1" name="liennbp28" title="Hugo Pratt, Corto Maltese. La Ballade de la mer salée [1967], Bruxelles, Casterman, 1975.">28</a>,&nbsp;ou ceux qui chassent le pirate Barbe-Rouge dans&nbsp;<i>L&rsquo;&icirc;le de l&rsquo;homme mort</i><a href="#nbp29" id="footnoteref29_sh6enbi" name="liennbp29" title="Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, Barbe-Rouge, 7. L’île de l’homme mort, Paris, Dargaud, 1967.">29</a>,&nbsp;viennent des &icirc;les du Pacifique&nbsp;; dans leurs aventures, les &laquo;&nbsp;tarzanides<a href="#nbp30" id="footnoteref30_eway63f" name="liennbp30" title="Terme forgé par Francis Lacassin qui désigne les personnages de fiction de BD inspirés de Tarzan. Voir : Francis Lacassin, Tarzan ou le chevalier crispé, Paris, Union générale d'éditions, 10/18, 1971, p. 452 – 476.">30</a> &raquo;&nbsp;rencontrent des peuples anthropophages d&rsquo;Afrique centrale.&nbsp;Le capitaine&nbsp;Haddok, dans&nbsp;<i>Le&nbsp;Temple du Soleil</i>, devant l&rsquo;Inca qui le retient prisonnier et se pr&eacute;pare &agrave; le sacrifier, lance : &laquo;&nbsp;La mort, la mort, la mort&nbsp;!... Et vous croyez que nous allons nous laisser massacrer ainsi, esp&egrave;ce de cannibale emplum&eacute;<a href="#nbp31" id="footnoteref31_q4wnfel" name="liennbp31" title="Hergé, Les aventures de Tintin. Le temple du soleil, Bruxelles, Casterman, 1977 [1949], p. 49.">31</a> !&nbsp;&raquo;.&nbsp;Ce dialogue peut &ecirc;tre lu dans le cadre de l&rsquo;extension du terme cannibale &agrave; toutes les populations indig&egrave;nes d&rsquo;Am&eacute;rique, en l&rsquo;occurrence aux Incas qui ne pratiquaient pas l&rsquo;anthropophagie, mais dont les croyances n&rsquo;entraient pas non plus dans le cadre conceptuel europ&eacute;en.&nbsp;<br /> Ainsi, toutes ces alt&eacute;rit&eacute;s se rassemblent en un seul signifiant pour former l&rsquo;antith&egrave;se de la soci&eacute;t&eacute; familiale de l&rsquo;&ecirc;tre occidental. &laquo;&nbsp;Ces discours et ces repr&eacute;sentations s&rsquo;ins&egrave;rent dans un filet de notations d&eacute;pr&eacute;ciatives qui ach&egrave;vent de renvoyer les populations non europ&eacute;ennes [&hellip;] dans le champ de la sauvagerie, de l&rsquo;instinct, de la bestialit&eacute;, de la non-civilisation<a href="#nbp32" id="footnoteref32_gtah0o5" name="liennbp32" title="Sophie Dulucq, « L’imaginaire du cannibalisme : Anthropophagie, alimentation et colonisation en France à la fin du XIXe siècle », dans Sandrine Costamagno (dir.), Histoire de l’alimentation humaine : entre choix et contraintes, actes du 138e congrès national des sociétés historiques et scientifiques tenu à Rennes en 2013 [édition électronique], Paris, éd. du CTHS, 2014 : http://cths.fr/ed/edition.php?id=6845">32</a> &raquo;.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Pourquoi tant de fascination pour le cannibale&nbsp;? Miguel&nbsp;Rojas&nbsp;Mix affirme qu&rsquo;&laquo;&nbsp;en tant que cannibale, le sauvage&nbsp;am&eacute;ricain&nbsp;a remplac&eacute; le monstre et faisait partie de la rh&eacute;torique du discours t&eacute;ratologique de l&eacute;gitimation de la Conqu&ecirc;te<a href="#nbp33" id="footnoteref33_m667tgo" name="liennbp33" title="Miguel Rojas Mix, América imaginaria, Santiago de Chile, Erdosain Editores – Pehuén Ediciones, 2015, p.126: “En cuanto caníbal, el americano era un monstruo y formaba parte de la retórica del discurso teratológico de legitimación de la Conquista”.">33</a> &raquo;, car il a contribu&eacute; &agrave; la diffusion de l&rsquo;id&eacute;e de barbarie que l&rsquo;Europe souhaitait apposer &agrave; l&rsquo;Am&eacute;rique.&nbsp;Puis, au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, sous le m&ecirc;me pr&eacute;texte de l&eacute;gitimation de la mission civilisatrice des Europ&eacute;ens, l&rsquo;anthropophagie donne &eacute;galement libre cours &agrave; un discours moralisateur sur fond d&rsquo;expansion coloniale ;&nbsp;en France, &laquo;&nbsp;la fascination pour le fait cannibale concerne tout autant les discours et les repr&eacute;sentations populaires (r&eacute;cits, iconographie) que la r&eacute;flexion savante<a href="#nbp34" id="footnoteref34_j5ewntn" name="liennbp34" title="Sophie Dulucq, art. cit.">34</a> &raquo;. Ainsi, les images du cannibale li&eacute;es &agrave; une suppos&eacute;e&nbsp;indianit&eacute;&nbsp;en Am&eacute;rique ou n&eacute;gritude en Afrique projettent les app&eacute;tits imp&eacute;rialistes de l&rsquo;Occident sur les cultures soumises.</p> <h3>Les images du cannibale dans les lettres et les arts europ&eacute;ens (XVI<sup>e</sup>-XIX<sup>e</sup> si&egrave;cles)</h3> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp;Dans <em>Le Cannibale.&nbsp;Grandeur et d&eacute;cadence</em>,&nbsp;Frank Lestringant&nbsp;parcourt trois si&egrave;cles&nbsp;(du XVI<sup>e</sup> au XIX<sup>e </sup>si&egrave;cle)&nbsp;de repr&eacute;sentations et perceptions du cannibalisme&nbsp;: les <em>Essais</em> de Montaigne, en particulier le chapitre &laquo;&nbsp;Des&nbsp;cannibales&nbsp;&raquo;&nbsp;(1580), est un <em>locus&nbsp;classicus</em>&nbsp;sur le sujet&nbsp;;&nbsp;il &eacute;tudie aussi les cannibales inclus d&egrave;s 1534&nbsp;dans le <em>Pantagruel</em> et le <em>Gargantua</em> de Rabelais ;&nbsp;le personnage de Caliban (anagramme de <em>can&iacute;bal</em>)&nbsp;dans <em>La Temp&ecirc;te</em>&nbsp;(1610-1611) de Shakespeare&nbsp;; <em>Robison&nbsp;Crusoe</em>&nbsp;(1719) &agrave; la chasse des anthropophages qui viennent sur l&rsquo;&icirc;le des Cara&iuml;bes invent&eacute;e par Daniel Defoe;&nbsp;le fant&ocirc;me colonial des&nbsp;Nyam-Nyam&nbsp;de Jules Verne, etc.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Il existe une histoire graphique des repr&eacute;sentations du cannibale, simultan&eacute;e &agrave; la circulation de ses images litt&eacute;raires. Elle est marqu&eacute;e par la s&eacute;rie de gravures r&eacute;alis&eacute;es par le dessinateur li&eacute;geois Th&eacute;odore de&nbsp;Bry&nbsp;en 1592 dans <em>America Tertia Pars</em>,&nbsp;un des chapitres qui composent les <em>Grands Voyages</em>, une compilation d&rsquo;illustrations qui ont rendu l&rsquo;auteur c&eacute;l&egrave;bre. L&rsquo;ouvrage, r&eacute;&eacute;dit&eacute; &agrave;&nbsp;sept reprises pendant un demi-si&egrave;cle, &eacute;tait destin&eacute; &agrave; d&eacute;crire les exp&eacute;ditions europ&eacute;ennes en Am&eacute;rique et &agrave; diffuser l&rsquo;image des colonies dans l&rsquo;Europe de l&rsquo;&eacute;poque.&nbsp;Trois ouvrages semblent avoir constitu&eacute; la base de la documentation de Th&eacute;odore de Bry<a href="#nbp35" id="footnoteref35_ompxq05" name="liennbp35" title="Grégory Wallerick, « La représentation du Brésil et de ses habitants dans l’Europe de la fin du XVIe siècle », Confins [en ligne], 8, 2010, consulté le 18 août 2020. URL : ">35</a>.&nbsp;D&rsquo;abord, le r&eacute;cit de l&rsquo;allemand Hans&nbsp;Staden, <i>Warhaftige Historia vnd beschreibung eyner Landtschafft der Wilden, Nacketen, Grimmigen Menschfresser Leuthen, in d</i><i>er Newenwelt America</i>... (connu en fran&ccedil;ais comme <i>Nus, f&eacute;roces et anthropophages</i><a href="#nbp36" id="footnoteref36_alubdqp" name="liennbp36" title="Hans Staden, Nus, féroces et anthropophages, Paris, Métailié, « Suites », 2005.">36</a>),&nbsp;publi&eacute; en 1557, agr&eacute;ment&eacute; de planches grav&eacute;es en bois, qui raconte son voyage au Br&eacute;sil et son exp&eacute;rience de captif chez les&nbsp;Tupinamba.&nbsp;Puis&nbsp;les textes du cosmographe fran&ccedil;ais Andr&eacute; Thevet, publi&eacute;s d&egrave;s 1557, dont <em>Les singularitez de la France antarctique, autrement nomm&eacute;e Amerique, &amp; de plusieurs terres et isles decouvertes de nostre temps&nbsp;</em>; ainsi que ceux du protestant Jean de&nbsp;L&eacute;ry, notamment <em>Histoire d&#39;un voyage fait en la terre du Br&eacute;sil, autrement dite Am&eacute;rique</em>, publi&eacute; en 1578.&nbsp;Ainsi, les gravures popularisent de telles images &agrave; une &eacute;poque qui marque, pour l&rsquo;histoire globale des images, le d&eacute;but d&rsquo;un processus plan&eacute;taire qui oblige &agrave; penser le monde en termes de circulations et de connexions.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="654" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/2_0.jpg" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 2. Th&eacute;odore de Bry, <em>America Tertia Pars</em>, pl. 71, gravure sur cuivre,<br /> 16 x 20 cm., 1592, Bodleain Library, ARTstor Slide Gallery</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp;&nbsp; Dans la peinture, il y a aussi des exemples de la dispersion et des interstices de la repr&eacute;sentation du cannibale. Le tableau&nbsp;<em>Sc&egrave;nes&nbsp;de cannibalisme</em>, de Jan van Kessel &laquo; Le Vieux &raquo;, qui date du premier quart du XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle, poursuit cette histoire d&rsquo;images, qui serait aussi d&eacute;velopp&eacute;e dans le portrait fait par Albert&nbsp;Eckhout&nbsp;en 1641, <em>Portrait&nbsp;of a Tapuya woman holding&nbsp;human&nbsp;body parts</em>. Apr&egrave;s, la s&eacute;rie peut bien continuer avec les all&eacute;gories de l&rsquo;Am&eacute;rique de Tiepolo&nbsp;(1753)&nbsp;et avec les peintures &agrave; l&rsquo;huile sur bois de Goya dans les ann&eacute;es 1800.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, l&rsquo;imaginaire du cannibale se refl&egrave;te aussi dans la presse, les images d&rsquo;&Eacute;pinal et les affiches qui font la publicit&eacute; des zoos humains et des expositions coloniales<a href="#nbp37" id="footnoteref37_3wnig8r" name="liennbp37" title="Voir Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Boëtsch, Éric Deroo et Sandrine Lemaire, Zoos humains et exhibitions coloniales. 150 ans d'inventions de l'Autre, Paris, La Découverte, 2011.">37</a>,&nbsp;o&ugrave; des indig&egrave;nes d&rsquo;Am&eacute;rique, d&rsquo;Afrique et d&rsquo;Oc&eacute;anie sont mis en sc&egrave;ne, prolongeant la fascination pour la figure du cannibale. Dans la presse, les histoires dr&ocirc;les, les articles et les r&eacute;cits ciblent les cannibales dans des situations multiples, soit sur le mode de l&rsquo;humour comme dans <em>La Caricature</em> du 10&nbsp;juin&nbsp;1882 ou <em>Le Rire</em> du 12&nbsp;mars&nbsp;1904, soit pour rendre compte des territoires lointains, comme les &icirc;les Fidji dans le num&eacute;ro de 1899 du <em>Journal des voyages et des aventures de terre et de mer</em>.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Le XIX<sup>e </sup>si&egrave;cle est aussi une &eacute;tape significative pour l&rsquo;histoire connect&eacute;e de notre g&eacute;n&eacute;alogie d&rsquo;imaginaires du cannibale, &agrave; cause de deux ph&eacute;nom&egrave;nes &agrave; prendre en compte pour comprendre la signification d&rsquo;ensemble form&eacute;e par la figure du cannibale. Le premier est le d&eacute;veloppement de la BD, dont l&rsquo;invention est attribu&eacute;e par le Suisse Rodolphe T&ouml;pffer avec <em>Les amours du Monsieur Vieux Bois</em> (1827) et <em>L&rsquo;histoire de M. Jabot</em> (1831), suivi de l&rsquo;internationalisation du medium entre 1840 et 1880. Le second ph&eacute;nom&egrave;ne est l&rsquo;&eacute;mergence de l&rsquo;anthropologie en tant que discipline pour la compr&eacute;hension scientifique de l&rsquo;autre. &laquo;&nbsp;D&egrave;s la premi&egrave;re ann&eacute;e de fonctionnement de la Soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;Anthropologie de Paris, en 1860, un grand d&eacute;bat eu lieu sur la question de l&rsquo;anthropophagie<a href="#nbp38" id="footnoteref38_zlnml4b" name="liennbp38" title="Gilles Boëtsch. « L’Homme Chair comme métaphore du primitivisme : anthropophages et anthropophagie dans la pensée anthropologique française du XIXe siècle ». « La viande », direction scientifique Annie Hubert, 15e colloque de l’International Commission for the Anthropology of Food (ICAF - ICAES) &amp; 12e journée de la Société d’Écologie humaine (SEH), 10-12 mai 2000, Bordeaux (France). ffhalshs-00009440v2f.">38</a> &raquo;. L&rsquo;entr&eacute;e <i>Cannibalisme</i> dans le <i>Dictionnaire de l&rsquo;ethnologie et de l&rsquo;anthropologie</i><a href="#nbp39" id="footnoteref39_zuay1y7" name="liennbp39" title="Pierre Bonte et Michel Izard, op. cit., p. 124.">39</a> r&eacute;sume les positions adopt&eacute;es de J.G.&nbsp;Frazer&nbsp;(1890)&nbsp;&agrave; L&eacute;vi-Strauss&nbsp;(1984), avec une s&eacute;rie de postures et de classifications du ph&eacute;nom&egrave;ne cannibale qui d&eacute;bordent le cadre de cet article.&nbsp;<br /> Comme on le voit, le cannibale &ndash; au travers de la fascination qu&rsquo;il refl&egrave;te sur les arts et les lettres &ndash; repr&eacute;sente la quintessence de la diff&eacute;rence et la BD n&rsquo;&eacute;chappe pas &agrave; un traitement st&eacute;r&eacute;otyp&eacute; d&rsquo;une telle figure.&nbsp;&laquo;&nbsp;La bande dessin&eacute;e dite &quot;franco-belge&quot;, qui s&rsquo;est impos&eacute;e par le biais des hebdomadaires <em>Spirou</em> et <em>Tintin</em>, a largement fait l&rsquo;&eacute;cho aux pr&eacute;jug&eacute;s coloniaux<a href="#nbp40" id="footnoteref40_xclj0jq" name="liennbp40" title="Philippe Delisle, Bande dessinée franco-belge et imaginaire colonial. Des années 1930 aux années 1980, Paris, Éditions Karthala, 2008, quatrième de couverture.">40</a> &raquo;.&nbsp;Le cannibale revient souvent pour indiquer la place des indig&egrave;nes et justifier une hi&eacute;rarchie, soit &eacute;volutive, par rapport aux peuples primitifs, soit de domination, justifiant la colonisation.&nbsp;Le traitement est diff&eacute;rent selon le style et le public de la BD, mais le st&eacute;r&eacute;otype reste.&nbsp;</p> <p><q>&nbsp;Les situations sont plus outranci&egrave;res dans les r&eacute;cits humoristiques que dans les aventures r&eacute;alistes. De m&ecirc;me certains auteurs rompent peu &agrave; peu avec certains pr&eacute;jug&eacute;s. Mais, si l&rsquo;on raisonne de mani&egrave;re globale, la repr&eacute;sentation des peuples domin&eacute;s dans la bande dessin&eacute;e franco-belge ne semble pas connaitre d&rsquo;&eacute;volution v&eacute;ritablement significative entre le tout d&eacute;but des ann&eacute;es 1930 &agrave; la fin des ann&eacute;es 1950. [&hellip;] En effet, l&rsquo;historiographie r&eacute;cente tend &agrave; montrer que les st&eacute;r&eacute;otypes qui ont model&eacute; l&rsquo;image de l&rsquo;Autre en Europe durant la seconde moiti&eacute; du XIX&nbsp;<sup>e</sup> si&egrave;cle ont perdur&eacute; sur un temps tr&egrave;s long<a href="#nbp41" id="footnoteref41_6jpwwu3" name="liennbp41" title="Ibid., p. 52.">41</a>. </q></p> <h2>&Eacute;l&eacute;ments graphiques d&rsquo;une sc&egrave;ne de cannibalisme<strong> </strong></h2> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Pour &eacute;tudier les &eacute;l&eacute;ments graphiques qui composent une sc&egrave;ne de cannibalisme, ou la repr&eacute;sentation du cannibale dans cette recherche g&eacute;n&eacute;alogique, nous adaptons au langage graphique-textuel de la BD, le mod&egrave;le propos&eacute; par Patrick Legros dans son <em>Introduction &agrave; une sociologie de la cr&eacute;ation imaginaire</em>. De ce mod&egrave;le th&eacute;orique, on retient qu&rsquo;une cr&eacute;ation imaginaire est le fruit d&rsquo;une symbolisation de la r&eacute;alit&eacute; v&eacute;cue et d&rsquo;une profusion de tendances &agrave; l&rsquo;amplification de certains items qui composent une sc&egrave;ne. Ainsi, &laquo;&nbsp;l&rsquo;expression imaginaire est soit une mauvaise compr&eacute;hension de la r&eacute;alit&eacute;, soit l&rsquo;expression m&ecirc;me de la r&eacute;alit&eacute; quelque peu modifi&eacute;e en symboles et amplifi&eacute;e<a href="#nbp42" id="footnoteref42_ds2dz80" name="liennbp42" title="Patrick Legros, Introduction à une sociologie de la création imaginaire, Paris, L’Harmattan, 1996, p. 33.">42</a> &raquo;.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Selon Legros, toute expression imaginaire est compos&eacute;e d&rsquo;un champ s&eacute;mantique&nbsp;(iconographique, pour nous)&nbsp;constitu&eacute; de plusieurs &eacute;l&eacute;ments qui renvoient &agrave; l&rsquo;aspect physique, au milieu contextuel et &agrave; l&rsquo;&eacute;vocation symbolique.&nbsp;Ces &eacute;l&eacute;ments sont li&eacute;s par homophonie, synonymie ou antinomie ;&nbsp;ce qui, pour une repr&eacute;sentation graphique, correspond &agrave; une s&eacute;rie d&rsquo;images cl&eacute;. Ainsi, le mot &laquo;&nbsp;cannibale&nbsp;&raquo; est l&rsquo;expression imaginaire motrice, qui a &eacute;t&eacute; associ&eacute;e par homophonie, comme nous l&rsquo;avons d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute;, aux&nbsp;Caribs&nbsp;mangeurs d&rsquo;hommes, au&nbsp;latin&nbsp;<em>canis</em>, au Grand Khan ou &agrave; Caliban ;&nbsp;c&rsquo;est-&agrave;-dire, la base des illustrations&nbsp;de cette g&eacute;n&eacute;alogie.&nbsp;Apr&egrave;s avoir d&rsquo;abord con&ccedil;u l&rsquo;aspect physique du cannibale, l&rsquo;auteur a recours &agrave; des images voisines et compl&eacute;mentaires&nbsp;: des &eacute;l&eacute;ments tels que le chaudron, la masse, le gril, les corps d&eacute;membr&eacute;s, les huttes, la for&ecirc;t tropicale, etc.,&nbsp;particularisent&nbsp;le personnage.&nbsp;Enfin, une relation antinomique &eacute;tend le champ s&eacute;mantique et d&eacute;termine l&rsquo;action, d&rsquo;o&ugrave; la pr&eacute;sence conflictuelle d&rsquo;un second personnage, le captif.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Les formules graphiques se r&eacute;p&egrave;tent et un r&eacute;seau narratif peut alors &ecirc;tre lu comme l&rsquo;institution de l&rsquo;imaginaire du cannibale.&nbsp;&laquo;&nbsp;Les exemples sont courants, r&eacute;p&eacute;titifs, parfois teint&eacute;s d&rsquo;humour grin&ccedil;ant, mais finalement d&rsquo;une assez grande banalit&eacute;. Ils concourent &agrave; dessiner le portrait type de l&rsquo;anthropophage&nbsp;: dans le meilleur des cas, en sauvage tenaill&eacute; par la faim&nbsp;; plus souvent en primitif aux app&eacute;tits passablement r&eacute;pugnants<a href="#nbp43" id="footnoteref43_q7gix9d" name="liennbp43" title="Sophie Dulucq, art. cit.">43</a>.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; D&rsquo;abord, dans les gravures et les BD sur les Am&eacute;riques, se retrouvent les caract&eacute;ristiques physiques des Indiens d&rsquo;Am&eacute;rique, r&eacute;sum&eacute;es ici par Alfred&nbsp;Metraux&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;la couleur brun&acirc;tre de la peau, les cheveux noirs, droits et &eacute;pais, le faible d&eacute;veloppement du syst&egrave;me pileux, les pommettes saillantes, une forte arcade sourcili&egrave;re et un pli de la paupi&egrave;re qui donne &agrave; l&rsquo;&oelig;il une forme oblique (&quot;&oelig;il mongolique<a href="#nbp44" id="footnoteref44_82q9xou" name="liennbp44" title="Alfred Metraux, Les Indiens de l’Amérique du Sud, Paris, Métailié, « Traversées », 1982, p. 9.">44</a>.&quot;) &raquo;.&nbsp;Il n&rsquo;existe pas de BD repr&eacute;sentant ce groupe humain qui &eacute;chappe au dessin de telles caract&eacute;ristiques m&ecirc;me si le style varie&nbsp;:&nbsp;avec l&rsquo;exag&eacute;ration de la caricature,&nbsp;avec la ligne claire d&rsquo;Herg&eacute;,&nbsp;avec le regard presque ethnographique de Pratt&nbsp;ou avec des illustrations plus r&eacute;alistes qui forcent moins le trait.&nbsp;Ensuite, vient la nudit&eacute;, tout au plus couverte par la pudeur adamique ou la modestie vestimentaire.&nbsp;Justifi&eacute; &agrave; plusieurs reprises par le climat chaud, le peu de v&ecirc;tements est mis en contraste avec l&rsquo;exub&eacute;rance de l&rsquo;ornementation.&nbsp;Pour l&rsquo;Indien en g&eacute;n&eacute;ral et pour le cannibale en particulier, c&rsquo;est une image ins&eacute;parable de diad&egrave;mes et de colliers faits de plumes color&eacute;es.&nbsp;Cependant, certaines huppes des Indiens tropicaux, repr&eacute;sent&eacute;es &agrave; la fois dans les gravures et dans les planches de BD, ne sont pas tr&egrave;s cr&eacute;dibles, car, par leur ostentation, elles semblent issues de l&rsquo;imaginaire de l&rsquo;empire azt&egrave;que.&nbsp;Cette confusion &laquo;&nbsp;m&egrave;ne une r&eacute;action similaire chez les lecteurs, qui ne sont pas toujours en mesure d&rsquo;&eacute;tablir une diff&eacute;rence entre des cultures aussi &eacute;loign&eacute;es, sur une terre connue de peu d&rsquo;Europ&eacute;ens<a href="#nbp45" id="footnoteref45_ur2ks8w" name="liennbp45" title="Grégory Wallérick, art. cit., p. 28.">45</a> &raquo;. Troisi&egrave;mement, en termes de milieu, les huttes et les palmiers sont souvent utilis&eacute;s comme d&eacute;corations.&nbsp;Ensuite, d&rsquo;autres &eacute;l&eacute;ments permettent de symboliser la singularit&eacute; du territoire, comme les animaux exotiques...&nbsp;Perroquets, singes ou reptiles.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Cependant, une fois que le cannibale a quitt&eacute; son exclusivit&eacute; am&eacute;ricaine pour se retrouver sur d&rsquo;autres continents, ces traits ont &eacute;t&eacute;, selon les analyses de Philippe Delisle, modifi&eacute;s et &eacute;galement amplifi&eacute;s&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Peinant &agrave; imaginer d&rsquo;autres canons que les leurs, les Europ&eacute;ens ont &eacute;t&eacute; choqu&eacute;s par les traits physiques des peuples rencontr&eacute;s outre-mer, et les ont souvent caricatur&eacute;s<a href="#nbp46" id="footnoteref46_qyloo9h" name="liennbp46" title="Philippe Delisle, op. cit., p. 53.">46</a> &raquo;.&nbsp;L&rsquo;exemple le plus &eacute;loquent est le visage de l&rsquo;Africain&nbsp;: &laquo;&nbsp;ce visage arbore une &eacute;norme bouche figur&eacute;e par un ovale, et qui sera soulign&eacute;e par l&rsquo;emploi du rose dans la version en couleurs<a href="#nbp47" id="footnoteref47_49lfaqf" name="liennbp47" title="Idem.">47</a> &raquo;.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; En ce qui concerne les armes des cannibales, la plus repr&eacute;sent&eacute;e est la massue &ndash; le&nbsp;<em>boutou</em>&nbsp;des&nbsp;Caribs&nbsp;ou l&rsquo;<em>iwera-panne</em>&nbsp;des Tupi &ndash; qui est le protagoniste des sc&egrave;nes d&rsquo;ex&eacute;cution des captifs.&nbsp;Quant aux ustensiles de cuisine, tant les gravures que les dessins ne manquent pas de ressources pour montrer de grandes casseroles pour les rago&ucirc;ts ou de larges grilles pour les r&ocirc;tis.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Le dessin des grandes marmites o&ugrave; sont cuites des parties du corps humain fournit un exemple int&eacute;ressant dans le premier volume de la s&eacute;rie <em>Les Brigades du temps</em>, intitul&eacute; <em>1492, &agrave; l&rsquo;ouest rien de nouveau !</em>&nbsp;(Dupuis, 2011).&nbsp;Une bulle montre une s&eacute;rie de pictogrammes &agrave; la mani&egrave;re d&rsquo;un codex azt&egrave;que.&nbsp;Les trois segments de la phrase indiquent une jambe d&eacute;membr&eacute;e, un Indien la montrant du doigt avec un geste de gourmandise, et enfin un autre Indien assis en cuisinier, fourchette &agrave; la main, devant une marmite sur le feu, dont le contenu fumant montre une main en pleine cuisson.&nbsp;La phrase caricatur&eacute;e en nahuatl trouve sa traduction dans une vignette ult&eacute;rieure&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Je reprendrais bien un pied du Colomb, bouilli<a href="#nbp48" id="footnoteref48_35xb9or" name="liennbp48" title="Bruno Duhamel et Kris, Les Brigades du temps. 1. 1492, à l’ouest rien de nouveau !, Charleroi, Dupuis, 2012, p. 27.">48</a> &raquo;.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="510" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/3_0.jpg" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 3. Extrait de Bruno Duhamel et Kris, <em>Les Brigades du temps. 1.<br /> 1492, &agrave; l&rsquo;ouest rien de nouveau&nbsp;!, </em>p. 27, pl. 25, 2012 &copy; Dupuis</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="576" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/4_0.jpg" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 4. Image de cannibalisme dans le Codex Magliabechiano,<br /> folio 73r, XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle &copy; Wikimedia Commons</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp;&nbsp; Une source de cette repr&eacute;sentation est une sc&egrave;ne d&rsquo;anthropophagie&nbsp;du <i>Codex&nbsp;Magliabecchiano</i>, datant du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle, au moment de la conqu&ecirc;te espagnole.&nbsp;Dans la sc&egrave;ne originale, un groupe d&rsquo;Azt&egrave;ques se partage la nourriture autour de trois bols, sur lesquels apparaissent respectivement une jambe, un bras et une t&ecirc;te.&nbsp;La nourriture est consomm&eacute;e dans le sens du cannibalisme religieux, comme une offrande &agrave; un dieu. Le sacr&eacute; chez les Azt&egrave;ques a une consistance charnelle, &laquo; le sacrifi&eacute; devient un dieu. Son corps peut alors &ecirc;tre consomm&eacute; dans une c&eacute;r&eacute;monie rituelle, o&ugrave; la chair du sacrifi&eacute; devient une partie du corps des communiants. L&agrave; o&ugrave; les Espagnols, saisis d&rsquo;horreur, ne voyaient que de l&rsquo;anthropophagie, les Azt&egrave;ques, eux voyaient une communion avec Dieu<a href="#nbp49" id="footnoteref49_qrdght2" name="liennbp49" title="Luis Villoro, « L’altérité inacceptable », dans Jean-Jacques Wunenburger (dir.), La rencontre des imaginaires entre Europe et Amériques, Paris, L’Harmattan, « Recherches et documents Amériques latines », 1993, p.24.">49</a> &raquo;. Cette proximit&eacute; du sacr&eacute;, tr&egrave;s tangible, &laquo;&nbsp;a effray&eacute; les Espagnols. C&rsquo;est elle qui a rendu la religion indienne, &agrave; leurs yeux, insupportable<a href="#nbp50" id="footnoteref50_n6axrfu" name="liennbp50" title="Ibid., p. 25.">50</a> &raquo;.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; En ce qui concerne les grandes grillades, les corps des sacrifi&eacute;s apparaissent comme des brochettes sur le feu.&nbsp;L&rsquo;image a &eacute;t&eacute; popularis&eacute;e pour la premi&egrave;re fois dans les cartes anciennes. D&eacute;j&agrave;, dans la carte de Friedrich Kuntsman, <em>Atlas zur Entdeckungsgeschite Amerikas</em> (1503-1506), on voit un corps humain &agrave; la broche et mis &agrave; boucaner par un Indien nu. Dans la carte <em>Mundo Novo</em>, incluse dans l&rsquo;<em>Atlas universel</em> (1565) du portugais Diogo Homem, sous l&rsquo;inscription <em>Cannibale</em> et sur le titre&nbsp;<em>Antropophagusterra</em>, on voit un <em>homo&nbsp;silvestris</em>&nbsp;r&ocirc;tir un malheureux.&nbsp;Encore plus&nbsp;identifi&eacute;es&nbsp;aux peuples am&eacute;ricains, la braise et les brochettes sont repr&eacute;sent&eacute;es dans le&nbsp;<em>Typus&nbsp;Cosmographycus&nbsp;Universalis</em>, attribu&eacute; &agrave; Hans Holbein &laquo;&nbsp;le Jeune&nbsp;&raquo;, de 1532, et dans l&rsquo;<em>Orbius&nbsp;Terrarium</em> de Petrus&nbsp;Plancio, de 1594.&nbsp;Sur la carte de&nbsp;Plancio, les all&eacute;gories de&nbsp;<em>Mexicana</em>&nbsp;et&nbsp;<em>Peruana</em>&nbsp;montrent des femmes &agrave; la poitrine d&eacute;nud&eacute;e&nbsp;sur des b&ecirc;tes exotiques avec des barbecues humains en arri&egrave;re-plan.&nbsp;La pr&eacute;sence du &laquo;&nbsp;populaire tournebroche, cet attribut autant surann&eacute; qu&rsquo;inad&eacute;quat pour d&eacute;signer le Cannibale, t&eacute;moigne bien du caract&egrave;re archa&iuml;que, et pourtant efficace, d&rsquo;une telle litt&eacute;rature d&rsquo;&eacute;dification<a href="#nbp51" id="footnoteref51_494wuho" name="liennbp51" title="Frank Lestringant, op. cit., p. 57.">51</a>.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="577" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/5_0.jpg" width="400" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 5. Diogo Homem, <em>Mundo Novo</em>,<br /> dans <em>Atlas universel</em>, 1565, S&auml;chsische Landesbibliothek</p> </figcaption> </figure> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="261" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/5a.jpg" width="400" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 5a. Diogo Homem, <em>Mundo Novo</em>,<br /> dans <em>Atlas universel</em>, 1565, S&auml;chsische Landesbibliothek</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Les membres d&eacute;pec&eacute;s sont souvent expos&eacute;s comme dans une boucherie, comme nous l&rsquo;observons sur les cartouches qui bordent les cartes mentionn&eacute;es ci-dessus.&nbsp;Lestringant renvoie &agrave; l&rsquo;ajout de cet &eacute;l&eacute;ment dans les modifications que Pierre Martyr d&rsquo;Anghiera&nbsp;a apport&eacute;es sur les lettres de Colomb, entre 1494 et 1526, lorsqu&rsquo;il a d&eacute;crit la &laquo;&nbsp;t&ecirc;te de jeune homme fra&icirc;chement coup&eacute;e et encore humide de sang<a href="#nbp52" id="footnoteref52_bb8qnfl" name="liennbp52" title="Ibid., p. 58. ">52</a> &raquo;, publicit&eacute; incontestable pour la transformation du mythe du cannibale en objet fantasmagorique.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; La BD reprend ce motif iconographique avec l&rsquo;humour des Pieds Nickel&eacute;s.&nbsp;Les t&ecirc;tes coup&eacute;es de&nbsp;Croquignol,&nbsp;Filochard&nbsp;et Ribouldingue, personnages de la c&eacute;l&egrave;bre s&eacute;rie, figurent sur la couverture de <em>Les Pieds Nickel&eacute;s chez&nbsp;les&nbsp;r&eacute;ducteurs&nbsp;de t&ecirc;tes</em><a href="#nbp53" id="footnoteref53_9tsz5zz" name="liennbp53" title="Roland de Montaubert et René Pellos, Les pieds nickelés chez les réducteurs de têtes, Paris, Société Parisienne d’Édition, 1959.">53</a>,&nbsp;sur&nbsp;une&nbsp;assiette pour la premi&egrave;re version (1959) ou suspendues &agrave; une corde pour les versions&nbsp;ult&eacute;rieures (&agrave; partir de 1972).&nbsp;Pour cette aventure, le trio arrive l&agrave; o&ugrave; les Jivaros, qui ne pratiquent pas l&rsquo;anthropophagie, r&eacute;duisent cependant la t&ecirc;te de leurs ennemis&nbsp;(les&nbsp;<em>tzantzas</em>).&nbsp;L&rsquo;Indien est repr&eacute;sent&eacute; avec toute la panoplie d&rsquo;un cannibale.&nbsp;Comme dans les caricatures coloniales sur l&rsquo;Africain, le personnage appara&icirc;t avec un serre-t&ecirc;te, qui dans la deuxi&egrave;me version prend la forme d&rsquo;une fourchette.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="800" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/6_0.jpg" width="561" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 6. Roland de Montaubert et Ren&eacute; Pellos, <em>Les Pieds nickel&eacute;s chez les r&eacute;ducteurs de t&ecirc;tes</em>,<br /> premi&egrave;re de couverture, 1959 &copy; Soci&eacute;t&eacute; Parisienne d&rsquo;&Eacute;dition</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Comme on peut le voir d&egrave;s les premi&egrave;res repr&eacute;sentations du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle, il y a dans ces sc&egrave;nes une hybridation entre ce qui a &eacute;t&eacute; trouv&eacute; en Am&eacute;rique et les outils couramment utilis&eacute;s par les Europ&eacute;ens.&nbsp;L&agrave; o&ugrave; le rapport des voyageurs n&rsquo;indique rien &ndash; en&nbsp;l&rsquo;absence d&rsquo;observation ou d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments permettant de comprendre ce qui a &eacute;t&eacute;&nbsp;vu&nbsp;&mdash;, les dessinateurs sont oblig&eacute;s de compl&eacute;ter le tableau. &laquo;&nbsp;Les sc&egrave;nes d&rsquo;anthropophagie rituelle chez les peuples tupinamba regorgent d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments emprunt&eacute;s &agrave; l&rsquo;iconographie europ&eacute;enne, comme une marmite servant &agrave; faire bouillir les visc&egrave;res et la t&ecirc;te, ainsi qu&rsquo;un bol, dans les mains de l&rsquo;enfant, lors du repas des femmes et des enfants, et une assiette, sur lequel tr&ocirc;ne soit la t&ecirc;te du sacrifi&eacute;, regardant vers les cieux, ou encore les boyaux enroul&eacute;s&hellip;<a href="#nbp54" id="footnoteref54_d34g5gf" name="liennbp54" title="Grégory Wallérick, art. cit., p. 33.">54</a> &raquo;.&nbsp;L&rsquo;imagination a combl&eacute; ces lacunes, comme elle le fait encore lorsque la documentation n&rsquo;est pas suffisante pour les besoins des auteurs de BD.&nbsp;La somme de ces &eacute;l&eacute;ments conduit &agrave; des <em>topo&iuml; </em>dans le BD franco-belge.&nbsp;Dans <em>Le rayon du myst&egrave;re</em><a href="#nbp55" id="footnoteref55_6mb7kmq" name="liennbp55" title="Hergé, Les aventures de Jo, Zette et Jocko. Le rayon du mystère [1936], Bruxelles, Casterman, 1952.">55</a>,&nbsp;Jo et Zette se r&eacute;fugient sur une &icirc;le de l&rsquo;Atlantique. Ils sont captur&eacute;s par des cannibales &agrave; la peau noire, puis conduits vers des broches &agrave; r&ocirc;tir, et le cuisinier aiguise ses couteaux avec un large sourire.&nbsp;Si ici l&rsquo;humour dicte le code, ces &eacute;l&eacute;ments sont &eacute;galement pr&eacute;sents dans la BD historique.</p> <h2>Le cannibale, une figure h&eacute;rit&eacute;e par la BD contemporaine</h2> <h3>Le Captif<em>, une BD historique qui dialogue avec sa source</em></h3> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; En plus de la BD sur Amerigo Vespucci d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute;e, la s&eacute;rie <em>Relatos del Nuevo Mundo</em> parue en Espagne en 1992 inclut un autre titre rendant compte de la repr&eacute;sentation des cannibales. Il s&rsquo;agit de <em>Europeos frente al Nuevo Mundo. El cautivo</em>, (Planeta-Agostini / Sociedad Estatal Quinto Centenario), avec un sc&eacute;nario de Jorge Zentner et des dessins de Rub&eacute;n Pellejero ; la version fran&ccedil;aise de cet ouvrage a &eacute;t&eacute; publi&eacute;e en 2002, sous le titre <em>Le Captif</em>, aux &eacute;ditions Mosquito<a href="#nbp56" id="footnoteref56_2hb84da" name="liennbp56" title="Jorge Zentner et Rubén Pellejero, op. cit.">56</a>.&nbsp;Il s&rsquo;agit d&rsquo;une adaptation en BD du voyage que l&rsquo;Allemand Hans Staden avait entrepris en 1547. Dans son r&eacute;cit de voyage, Staden raconte sa travers&eacute;e, son naufrage et sa captivit&eacute; sur le territoire des Tupinambas. Ses m&eacute;saventures sont apparues en 1557, avec un succ&egrave;s imm&eacute;diat au sein d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; europ&eacute;enne avide d&rsquo;en savoir plus sur les terres fascinantes du Nouveau Monde. Son livre republi&eacute; en fran&ccedil;ais sous le titre <i>Nus, f&eacute;roces et anthropophages</i><a href="#nbp57" id="footnoteref57_hj8fahu" name="liennbp57" title="Hans Staden, op. cit.">57</a> abonde de descriptions textuelles des pratiques cannibales, mais il surprend par la pr&eacute;sence d&rsquo;une importante iconographie qui offrait aux regards de l&rsquo;Europe une aventure v&eacute;cue parmi des tribus aux m&oelig;urs inqui&eacute;tantes. 50&nbsp;gravures en bois illustrent les 53&nbsp;chapitres du r&eacute;cit. Comme l&rsquo;explique Marc Bouyer, dans la pr&eacute;face de l&rsquo;&eacute;dition fran&ccedil;aise, cette iconographie</p> <p><q>&nbsp;&hellip;donne au corps de l&rsquo;indien une allure classique selon les canons souhait&eacute;s par le statuaire grec Polycl&egrave;te pour la repr&eacute;sentation du corps humain. Elle montre des indiens qui vivent nus. Ces indiens sont cannibales. D&eacute;voreurs de chair humaine et nus, bien proportionn&eacute;s et parfois &eacute;l&eacute;gants, c&rsquo;est dans cette contradiction fondamentalement inqui&eacute;tante que l&rsquo;Europe les reconnait par&eacute;s de ses propres fantasmes, lorsque Staden rapporte son aventure<a href="#nbp58" id="footnoteref58_rtm13mu" name="liennbp58" title="Marc Bouyer, « Des sauvages et des images », dans : Hans Staden, Ibid. p. 11.">58</a>. </q></p> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Ces gravures sur bois ont servi de base &agrave; la s&eacute;rie de gravures plus finement ex&eacute;cut&eacute;es en taille douce (sur cuivre) illustrant le cannibalisme dans l&rsquo;<i>America Tertia Pars</i> de Th&eacute;odore de Bry. Cette s&eacute;quence de gravures est consid&eacute;r&eacute;e comme une anticipation de ce qui, des si&egrave;cles plus tard, est devenu la BD, en insistant sur la circulation des images du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle &agrave; nos jours. En effet, pour Miguel Rojas Mix, cette &laquo;&nbsp;s&eacute;rie d&rsquo;images compose une esp&egrave;ce de bande dessin&eacute;e sur le cannibalisme. Elles sont d&rsquo;une terrible rudesse et non exempt&eacute;es d&rsquo;humour noir<a href="#nbp59" id="footnoteref59_4lsqb6z" name="liennbp59" title="Miguel Rojas Mix, op. cit., p. 125: “su serie de imágenes compone una especie de tira cómica sobre el canibalismo. Son de una terrible crudeza y no exentos de humor negro”.">59</a> &raquo;. Gregory Wallerick qualifie le r&eacute;cit de Staden&nbsp;de &laquo;&nbsp;bande dessin&eacute;e d&rsquo;un Europ&eacute;en chez les Tupinamba<a href="#nbp60" id="footnoteref60_5yhdb8r" name="liennbp60" title="Grégory Wallerick, art. cit., p. 15.">60</a> &raquo;, en d&eacute;veloppant l&rsquo;id&eacute;e selon laquelle les gravures ont un ordre chronologique et pr&eacute;sentent le p&eacute;riple d&rsquo;un unique acteur. De plus, les gravures de la rencontre entre Staden et les Tupinamba font l&rsquo;objet d&rsquo;un cadrage des sc&egrave;nes s&eacute;lectionn&eacute;es, ce qui laisse une br&egrave;che entre chaque estampe, comme le caniveau entre les cases de la BD&hellip; des ellipses dans le r&eacute;cit.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;De plus, pour la mise en page de certaines s&eacute;quences du&nbsp;<em>Captif</em>, les auteurs ont utilis&eacute; des techniques&nbsp;r&eacute;citatives&nbsp;s&rsquo;inspirant des gravures du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle pour rendre compte des sc&egrave;nes de cannibalisme. Par exemple, dans les planches de Staden et de De&nbsp;Bry, la disposition circulaire des personnages permet de suivre la chronologie du rituel cannibale, de la capture &agrave; la consommation&nbsp;; de m&ecirc;me <em>Le Captif</em> propose certaines vignettes en disposition circulaire pour suivre la chronologie de l&rsquo;histoire.&nbsp;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="726" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/7_0.jpg" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 7. Extrait de Jorge Zentner et Rub&eacute;n Pellejero, <em>Le captif</em>, p. 17, pl. 15, 2002<br /> &copy; Pellejero et Zentner &copy; Dauphylact&egrave;re, traduction Pablo Guevara</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Pellejero et Zentner offrent dans <em>Le Captif</em> une combinaison int&eacute;ressante de sources et d&rsquo;interpr&eacute;tation. Dans les pages, entre les cases de la BD, ils int&egrave;grent les gravures en bois du r&eacute;cit original redessin&eacute;es avec exactitude. Ainsi, la question de la transmission est r&eacute;solue en passant d&rsquo;une case &agrave; une autre. Plus encore, les copies des gravures dialoguent avec le dessin de Pellejero&nbsp;: ce sont les m&ecirc;mes sc&egrave;nes, mais illustr&eacute;es avec le style de la bande dessin&eacute;e de facture r&eacute;aliste. Comme preuve de l&rsquo;h&eacute;ritage des repr&eacute;sentations du cannibale, on y trouve la m&ecirc;me sc&egrave;ne, d&rsquo;abord dans la reproduction de la gravure originaire, ensuite, dans la copie au travers du dessin de Pellejero.</p> <h3>Kaloukaera<em>, une BD revendicatrice du cannibale&nbsp;</em></h3> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Le premier volume de la s&eacute;rie <em>L&rsquo;Histoire des &icirc;les de Guadeloupe</em>,<em> Kaloukera, l&rsquo;&icirc;le aux cannibales</em><a href="#nbp61" id="footnoteref61_sdmqppd" name="liennbp61" title="Gérard Richard et Olivier Brazao, op.cit.">61</a>,&nbsp;est une BD historienne, selon la distinction d&rsquo;Ory&nbsp;d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute;e.&nbsp;La publication des&nbsp;&eacute;ditions&nbsp;du Signe a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e avec le soutien du d&eacute;partement de la Guadeloupe pour diffuser, dans une perspective de tourisme culturel, l&rsquo;histoire et les attraits des &icirc;les.&nbsp;Dans cette BD, il y a une intention p&eacute;dagogique qui est &eacute;vidente dans les cartouches o&ugrave; les coutumes des natifs, d&eacute;sign&eacute;es ici par le mot indig&egrave;ne <em>kalinas</em>, sont expliqu&eacute;es de fa&ccedil;on didactique.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Ainsi, apr&egrave;s avoir d&eacute;taill&eacute; l&rsquo;arriv&eacute;e des premiers habitants, l&rsquo;installation des populations, leur habitat, leurs outils, leur artisanat, leur maquillage, leurs moyens de subsistance, leur vie en communaut&eacute; et leur relation avec l&rsquo;environnement, le r&eacute;cit parle d&rsquo;anthropophagie.</p> <p><q>&nbsp;L&rsquo;anthropophagie des kalinas r&eacute;pond plus &agrave; une n&eacute;cessit&eacute; de coh&eacute;sion du groupe qu&rsquo;&agrave; une exigence alimentaire ou &agrave; un go&ucirc;t particulier pour la chair humaine, comme certains chroniqueurs ont pu l&rsquo;&eacute;crire et le d&eacute;crire. L&rsquo;ingestion de l&rsquo;ennemi m&acirc;le est un rituel de vengeance, cette anthropophagie permet de s&rsquo;approprier la forc&eacute; de l&rsquo;ennemi arawak, mais aussi d&rsquo;int&eacute;grer l&rsquo;ami au groupe et de faire renaitre l&rsquo;anc&ecirc;tre mythique autrefois d&eacute;pec&eacute; (le mythe d&rsquo;origine des kalinas)<a href="#nbp62" id="footnoteref62_t45scdu" name="liennbp62" title="Ibid., p. 23.">62</a>. </q></p> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Les cases de cette s&eacute;quence rendent compte de la pr&eacute;paration du captif et de son ex&eacute;cution en le battant au&nbsp;<em>boutou</em>.&nbsp;La derni&egrave;re case de la s&eacute;quence montre la tribu qui s&rsquo;approche du cadavre&nbsp;(au premier plan, le sang coule de sa&nbsp;bouche), tandis qu&rsquo;un homme, portant un bandeau de plumes, se dispose &agrave; prendre le premier morceau.&nbsp;Une seule bulle &eacute;met le dialogue collectif qui donne un sens au rite de coh&eacute;sion religieuse et sociale :&nbsp;&laquo;&nbsp;D&eacute;vorons-le comme Maboya d&eacute;vore la lune&nbsp;!&nbsp;&raquo;.</p> <p><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="411" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/8.jpg" width="800" /></p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="279" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/9.jpg" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 8 et 9. Extraits de G&eacute;rard Richard et Olivier Brazao, <em>Histoire des &icirc;les de Guadeloupe</em>, tome 1,<br /> <em>Kaloukaera, l&rsquo;&icirc;le aux cannibales</em>, p. 22 &ndash; 23, pl. 20 -21, 2013 &copy; &Eacute;ditions du Signe</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp; Tout au long de la sc&egrave;ne, les auteurs &eacute;vitent les repr&eacute;sentations st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;es.&nbsp;&Agrave; l&rsquo;exception de la repr&eacute;sentation de la massue, il n&rsquo;y a pas de t&ecirc;tes empal&eacute;es, pas de chaudrons, pas de cordes, pas de braises.&nbsp;Le mot cannibale n&rsquo;est pas non plus utilis&eacute;, except&eacute; dans le titre du r&eacute;cit graphique.&nbsp;De m&ecirc;me, dans cette sc&egrave;ne, o&ugrave; le caract&egrave;re rituel d&rsquo;un cannibalisme de type culturel est mis en &eacute;vidence, l&rsquo;erreur de tout autre type d&rsquo;interpr&eacute;tation du fait anthropologique est soulign&eacute;e ;&nbsp;dans la suite de cinq cases,&nbsp;les auteurs de <em>Kaloukaera</em>&nbsp;tentent de d&eacute;manteler les d&eacute;bats des cinq derniers si&egrave;cles sur le fait cannibale.&nbsp;Ainsi, la figure du cannibale est &eacute;voqu&eacute;e sans aucun des fant&ocirc;mes attach&eacute;s lors de ses interpr&eacute;tations pr&eacute;c&eacute;dentes et elle est revendiqu&eacute;e comme une valeur culturelle de la coh&eacute;sion communautaire, sans nier la cruaut&eacute; de l&rsquo;acte anthropophage lui-m&ecirc;me.&nbsp;On peut consid&eacute;rer que le cannibalisme est assum&eacute; et r&eacute;affirm&eacute; comme un &eacute;l&eacute;ment int&eacute;gral d&rsquo;une identit&eacute; culturelle.<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; Ce n&rsquo;est pas la premi&egrave;re fois que le sujet est trait&eacute; de cette mani&egrave;re, ni qu&rsquo;il est utilis&eacute; comme une banni&egrave;re de r&eacute;sistance culturelle. En 1928, l&rsquo;&eacute;crivain br&eacute;silien Oswald&nbsp;de Andrade&nbsp;publie le <em>Manifeste anthropophage</em><a href="#nbp63" id="footnoteref63_ne9zam1" name="liennbp63" title="Voir: Oswald de Andrade, Manifeste anthropophage [1928], Paris, Blackjack éditions, 2011.">63</a>,&nbsp;texte fondateur d&rsquo;un mouvement qui affirme les bases d&rsquo;une culture propre au Br&eacute;sil face aux attaques du colonialisme, &eacute;galement &eacute;pist&eacute;mique, d&rsquo;Occident.&nbsp;En connaissance de la th&eacute;orie freudienne&nbsp;(<i>Totem et Tabou</i>, 1913), le po&egrave;te exige une culture faite de l&rsquo;int&eacute;gration de tous ceux qui composent la multiple identit&eacute; br&eacute;silienne, une incorporation symboliquement assum&eacute;e comme l&rsquo;ingestion de la chair de l&rsquo;autre. Par ailleurs, dans les ann&eacute;es 1970, le critique cubain Roberto&nbsp;Fern&aacute;ndez&nbsp;Retamar prend le&nbsp;Caliban&nbsp;de <i>La Temp&ecirc;te</i> comme figure tut&eacute;laire de l&rsquo;identit&eacute; nationale<a href="#nbp64" id="footnoteref64_q3tire6" name="liennbp64" title="Voir: Roberto Fernández Retamar, Caliban Cannibale, Paris, Maspero, coll. « Voix », 1973.">64</a>.&nbsp;Comme on le sait,&nbsp;Caliban&nbsp;est l&rsquo;anagramme de&nbsp;<i>can&iacute;bal</i>.&nbsp;Originaire de l&rsquo;&icirc;le o&ugrave; arrivent&nbsp;Prospero&nbsp;et sa fille Miranda,&nbsp;Caliban&nbsp;est asservi par eux et doit payer la dette d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; civilis&eacute;. &laquo;&nbsp;Caliban, dans la mesure o&ugrave; il incarne l&rsquo;aborig&egrave;ne, a une fonction embl&eacute;matique&nbsp;:&nbsp;il traduit le probl&egrave;me de la nature de l&rsquo;homme du Nouveau Monde et Shakespeare n&rsquo;est pas tendre avec lui<a href="#nbp65" id="footnoteref65_5qohd9d" name="liennbp65" title="Miguel Rojas Mix, op. cit., p. 132: “Calibán, en la medida en que encarna al aborigen, tiene una función emblemática: traduce el problema del hombre del Nuevo Mundo y Shakespeare no es tierno con él”.">65</a> &raquo;.&nbsp;De plus,&nbsp;Caliban, le monstre difforme au langage inarticul&eacute;, s&rsquo;oppose &agrave; Ariel, l&rsquo;esprit lumineux ;&nbsp;tous deux constituent une double essence o&ugrave; l&rsquo;individu latino-am&eacute;ricain est reconnu.&nbsp;Contrairement &agrave; d&rsquo;autres penseurs latino-am&eacute;ricains qui ont choisi l&rsquo;id&eacute;al d&rsquo;Ariel,&nbsp;Fern&aacute;ndez&nbsp;Retamar&nbsp;prend le parti de&nbsp;Caliban, incitant les Latino-am&eacute;ricains &agrave; prendre conscience de leur condition de&nbsp;Caliban&nbsp;et &agrave; l&rsquo;assumer avec fiert&eacute; comme un&nbsp;symbole identitaire.</p> <h3><strong>Les variations du cannibalisme dans la BD actuelle</strong></h3> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp;En approchant de la conclusion, nous ne voulons pas n&eacute;gliger d&rsquo;autres repr&eacute;sentations du cannibale dans la BD, des expressions&nbsp;imaginaires plus&nbsp;r&eacute;centes, mais&nbsp;incluses dans notre g&eacute;n&eacute;alogie, un arbre aux branches multiples et &eacute;tendues dans plusieurs genres &ndash; historique, science-fiction, humour, polar, fantastique &ndash; et o&ugrave; se manifestent les cannibalismes&nbsp;gastronomique, de crise, religieux ou guerrier.<br /> Ainsi, <em>Cannibale</em>, d&rsquo;Emmanuel&nbsp;Reuz&eacute;&nbsp;(&eacute;ditions&nbsp;Emmanuel Proust, 2009), une adaptation du roman de Didier&nbsp;Daeninckx, rend compte, pour la BD historique, de l&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;des&nbsp;Kanak&nbsp;dans le zoo humain de l&rsquo;exposition coloniale de 1931. <em>La&nbsp;cordill&egrave;re des &acirc;mes</em>, de Fr&eacute;d&eacute;ric Bertocchini et Thierry&nbsp;Diette&nbsp;(&eacute;ditions&nbsp;du Quinquet, 2012), est quant &agrave; elle une BD bas&eacute;e sur des faits r&eacute;els, qui&nbsp;raconte l&rsquo;histoire de l&rsquo;&eacute;quipe de rugby uruguayenne dont l&rsquo;avion s&rsquo;est &eacute;cras&eacute; dans les Andes en 1972.&nbsp;Pour survivre, les athl&egrave;tes ont d&ucirc; se nourrir de la chair des corps gel&eacute;s de leurs co&eacute;quipiers.&nbsp;<em>Tony Chu, d&eacute;tective cannibale</em> de John&nbsp;Layman&nbsp;et&nbsp;Rib&nbsp;Guillory (12&nbsp;volumes publi&eacute;s par&nbsp;Delcourt entre&nbsp;2010 et 2017), montre, sur un ton de polar fantaisiste, un enqu&ecirc;teur&nbsp;qui r&eacute;sout des crimes apr&egrave;s avoir mang&eacute; un morceau des victimes.&nbsp;Un autre d&eacute;tective entre &eacute;galement en sc&egrave;ne avec&nbsp;<em>Un&nbsp;homme de&nbsp;go&ucirc;t</em>, en deux volumes&nbsp;(2014 et 2015), sous la marque d&rsquo;Ankama&nbsp;&eacute;ditions.<br /> C&ocirc;t&eacute; humour, la s&eacute;rie <em>Les&nbsp;Crannibales</em>, de&nbsp;Zidrou&nbsp;et Fournier, dont les huit volumes ont &eacute;t&eacute; publi&eacute;s entre 1998 et 2005 chez Dupuis, pr&eacute;sente une famille d&rsquo;app&eacute;tits singuliers.&nbsp;Une autre famille d&rsquo;anthropophages, les&nbsp;Quills, est&nbsp;mise&nbsp;en&nbsp;page&nbsp;dans&nbsp;le <em>one-shot</em>&nbsp;<em>Les Cannibales</em> de Pete&nbsp;Milligan&nbsp;et Dean&nbsp;Ormston&nbsp;(&eacute;ditions&nbsp;du Masque, 1999).&nbsp;Du c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;horreur, la s&eacute;rie <em>Cannibal</em> (Gl&eacute;nat, 2018), de Jennifer Young, Brian&nbsp;Buccellato&nbsp;et&nbsp;Mat&iacute;as&nbsp;Bergara, &eacute;voque un virus qui oblige ceux qui le contractent &agrave; d&eacute;vorer d&rsquo;autres &ecirc;tres humains.&nbsp;La s&eacute;rie&nbsp;<em>Crossed</em> trouve &eacute;galement le succ&egrave;s, avec huit volumes d&rsquo;auteurs et de maisons d&rsquo;&eacute;dition&nbsp;diff&eacute;rents&nbsp;; elle &eacute;voque une myst&eacute;rieuse infection qui transforme l&rsquo;humanit&eacute; en d&eacute;voreur d&rsquo;humains&nbsp;; ce ne sont pas des zombies comme dans <em>The</em> <em>Walking Dead</em>, mais des cannibales.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="274" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/10_0.jpg" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Fig. 10. Extrait de Zidrou et Jean-Claude Fournier, <em>Les Crannibales, tome 1</em>, p. 23, pl. 22/B, 2002 &copy; Dupuis</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp; &nbsp;&nbsp; Des productions r&eacute;centes offrent m&ecirc;me des univers o&ugrave; des animaux anthropomorphes croisent des cannibales lors de leurs aventures dans des r&eacute;gions exotiques.&nbsp;C&rsquo;est le cas de la s&eacute;rie&nbsp;<em>De&nbsp;cape et de crocs</em>, d&rsquo;Alain&nbsp;Ayroles&nbsp;et Jean-Luc Masbou (Delcourt), o&ugrave; les personnages affrontent les cannibales de l&rsquo;&icirc;le imaginaire de Tangerine, notamment dans les tomes 3 et 4, <em>L&rsquo;archipel du danger</em>&nbsp;(1998) et <em>Le myst&egrave;re de l&rsquo;&icirc;le&nbsp;&eacute;trange</em>&nbsp;(2000).&nbsp;Dans le m&ecirc;me ordre d&rsquo;id&eacute;es, il y a le volume 3 de <em>Solo</em>,&nbsp;<em>Le&nbsp;monde cannibale</em>, d&rsquo;Oscar Mart&iacute;n&nbsp;(Delcourt, 2017).<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Dans ces exemples, le cannibale de la BD est rarement un natif am&eacute;ricain, mais il est toujours exclu de la soci&eacute;t&eacute;.&nbsp;Sa marginalisation est due &agrave; l&rsquo;attribut d&rsquo;une morale vague et n&eacute;gative, puisque le cannibale affam&eacute; ou amateur de chair est toujours renvoy&eacute; dans l&rsquo;univers du primitif, soit par un instinct horrible, soit par une faiblesse impardonnable.&nbsp;Dans le cas des anthropophages solitaires &ndash; qu&rsquo;ils soient d&eacute;tectives ou criminels &ndash; aucune valeur rituelle n&rsquo;est pr&eacute;serv&eacute;e, pas plus que le lien communautaire qui fait du cannibalisme une fa&ccedil;on de penser les relations humaines&nbsp;: &laquo;&nbsp;Avant d&rsquo;&ecirc;tre un acte d&rsquo;ingestion de la chair humaine, le cannibalisme refl&egrave;te une logique sociale. Ainsi n&rsquo;est-il pas permis de manger n&rsquo;importe qui, n&rsquo;importe quand, n&rsquo;importe o&ugrave;, n&rsquo;importe comment, en compagnie de n&rsquo;importe qui<a href="#nbp66" id="footnoteref66_75ubsrd" name="liennbp66" title="Mondher Kilani, art. cit., p. 35.">66</a> &raquo;. Par cons&eacute;quent, comme homog&eacute;n&eacute;isation de ce qui ne correspond pas &agrave; la norme, le cannibale est devenu un signifiant qui agglom&egrave;re en lui la marginalit&eacute; et la d&eacute;viance.&nbsp;C&rsquo;est peut-&ecirc;tre pour cette raison que certaines pratiques d&eacute;crites dans la BD r&eacute;cente mettent en &eacute;vidence un cannibalisme destructeur, o&ugrave; la volont&eacute; du plus fort pr&eacute;vaut, ce qui traduirait une pulsion destructrice de la soci&eacute;t&eacute; actuelle, un ordre o&ugrave; pr&eacute;valent les valeurs de d&eacute;pr&eacute;dation bas&eacute;es sur la recherche du plus grand profit.</p> <h3>&nbsp;</h3> <h3><strong>Conclusion</strong></h3> <p>&nbsp; &nbsp; &nbsp;Le cannibale de cette g&eacute;n&eacute;alogie d&rsquo;imaginaires a mut&eacute; et circul&eacute;. Il&nbsp;s&rsquo;est multipli&eacute;&nbsp;et s&rsquo;est adapt&eacute; aux dynamiques du monde, depuis novembre 1492 o&ugrave; il est n&eacute; dans l&rsquo;esprit de Colomb, jusqu&rsquo;aux multiples facettes que sa figure pr&eacute;sente dans la BD.&nbsp;Cependant, si l&rsquo;on peut retracer l&rsquo;origine, les continuit&eacute;s et les ruptures de sa repr&eacute;sentation, l&rsquo;acte cannibale lui-m&ecirc;me semble r&eacute;sister &agrave; toute analyse, conform&eacute;ment &agrave; l&rsquo;id&eacute;e &ndash; propos&eacute;e par Marshall&nbsp;Sahlins&nbsp;en 1983 &ndash; que le cannibalisme est &laquo;&nbsp;toujours symbolique, m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il est&nbsp;r&eacute;el<a href="#nbp67" id="footnoteref67_4g4kb04" name="liennbp67" title="Pierre Bonte et Michel Izard, op. cit., p. 124.">67</a> &raquo;.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Cet article explore une arch&eacute;ologie des repr&eacute;sentations du cannibale dans les arts et les lettres, afin de montrer comment ces derni&egrave;res se sont adapt&eacute;es au langage de la BD.&nbsp;Nous avons, donc, confirm&eacute; l&rsquo;empreinte des gravures sur les expressions imaginaires qui sont produites jusqu&rsquo;&agrave; aujourd&rsquo;hui &agrave; propos du ph&eacute;nom&egrave;ne cannibale, des images o&ugrave; certains &eacute;l&eacute;ments sont amplifi&eacute;s et retenus dans un processus de symbolisation o&ugrave; l&rsquo;exotisme laisse toujours une trace.&nbsp;Si, avec le d&eacute;barquement des Espagnols sur les &icirc;les du Nouveau Monde, il n&rsquo;y avait plus rien sur les plages que l&rsquo;enchev&ecirc;trement de deux mondes, le cannibale, comme nous le voyons, est n&eacute; d&rsquo;un processus d&rsquo;hybridation culturelle.&nbsp;C&rsquo;est une hybridation qui se poursuit dans les vignettes des BD qui proposent un cannibale multiple, fractionn&eacute; et en constante transformation, sans pour autant toujours &eacute;viter le st&eacute;r&eacute;otype, parce qu&rsquo;il demeure, comme il y a cinq si&egrave;cles, une forme d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; inacceptable.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;Cependant, le cannibale n&rsquo;est pas un objet constitu&eacute; une fois pour toutes. La figure du cannibale en circulation ne peut pas &ecirc;tre conserv&eacute;e ind&eacute;finiment comme un horizon d&rsquo;id&eacute;alit&eacute; in&eacute;puisable&nbsp;; les &eacute;l&eacute;ments de son imaginaire se juxtaposent, se succ&egrave;dent, se chevauchent, s&rsquo;entrecroisent sans qu&rsquo;on puisse les r&eacute;duire &agrave; un sch&eacute;ma lin&eacute;aire. Le cannibale des gravures du XVI<sup>e </sup>si&egrave;cle, comme leurs corr&eacute;lats dans la litt&eacute;rature, la peinture et l&rsquo;anthropologie post&eacute;rieures, n&rsquo;est pas identique au cannibale qui se dessine &agrave; travers la BD&nbsp;; ce ne sont pas les m&ecirc;mes strat&eacute;gies de repr&eacute;sentation ni les m&ecirc;mes rapports de domination qui sont en jeu, ce ne sont pas les m&ecirc;mes Indiens dont il est question. En cons&eacute;quence, l&rsquo;unit&eacute; d&rsquo;une g&eacute;n&eacute;alogie d&rsquo;imaginaires du cannibale est faite non par la permanence et la singularit&eacute; de la figure du cannibale, mais par l&rsquo;espace textuel et graphique o&ugrave; diverses repr&eacute;sentations se profilent et se transforment contin&ucirc;ment.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp;De plus, si tout discours, quelle que soit son &eacute;nonciation, construit l&rsquo;identit&eacute; des sujets de la soci&eacute;t&eacute; repr&eacute;sent&eacute;e, mais aussi de la soci&eacute;t&eacute; repr&eacute;sentante, les id&eacute;es filtr&eacute;es par cette g&eacute;n&eacute;alogie imaginaire ont refl&eacute;t&eacute; celles du miroir de l&rsquo;Occident dans le reste du monde.&nbsp;Les discours sur les cannibales ont donc permis aux auteurs europ&eacute;ens de red&eacute;finir l&rsquo;image qu&rsquo;ils se faisaient d&rsquo;eux-m&ecirc;mes, en ajoutant dans la repr&eacute;sentation de l&rsquo;autre une justification de la mission civilisatrice invoqu&eacute;e par les puissances d&rsquo;une Europe chr&eacute;tienne et imp&eacute;riale.&nbsp;Face aux repr&eacute;sentations du cannibale, la diff&eacute;rence propos&eacute;e par l&rsquo;Autre a permis la construction d&rsquo;une identit&eacute;, sans pour autant accepter un principe de sym&eacute;trie.&nbsp;Ainsi, les illustrations de l&rsquo;agression la plus &laquo;&nbsp;sauvage&nbsp;&raquo; ou de l&rsquo;humour le plus na&iuml;f est le v&eacute;hicule d&rsquo;id&eacute;ologies, sugg&eacute;rant la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une r&eacute;flexion sur la puissance des images et leurs mod&eacute;lisations.&nbsp;<br /> &nbsp; &nbsp; &nbsp; En conclusion, mais en guise d&rsquo;ouverture, nous avons bri&egrave;vement abord&eacute; le caract&egrave;re&nbsp;transm&eacute;dial&nbsp;de ces images ;&nbsp;mais une &eacute;tude plus approfondie semble pertinente gr&acirc;ce aux images de l&rsquo;anthropophage v&eacute;hicul&eacute;es par la litt&eacute;rature contemporaine, le cin&eacute;ma, la t&eacute;l&eacute;vision, les jeux vid&eacute;o et d&rsquo;autres produits culturels.&nbsp;La famille&nbsp;cannibale, d&rsquo;imaginaires cannibales, se reproduit vers le futur&nbsp;: de nouvelles fa&ccedil;ons de la repr&eacute;senter peuvent influencer la perception de son alt&eacute;rit&eacute; radicale. Car les images ont la vie longue et les incorporations symboliques se multiplient comme dans un processus d&rsquo;&eacute;ternel cannibalisme.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences :</strong></p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>Bo&euml;tsch, Gilles, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Homme Chair comme m&eacute;taphore du primitivisme : anthropophages et anthropophagie dans la pens&eacute;e anthropologique fran&ccedil;aise du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;&raquo;. &laquo; La viande &raquo;, direction scientifique Annie Hubert, 15e colloque de l&rsquo;International Commission for the Anthropology of Food (ICAF - ICAES) &amp; 12e journ&eacute;es de la Soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;&Eacute;cologie humaine (SEH), 10-12 mai 2000, Bordeaux (France), May 2000, France. ffhalshs-00009440v2f</p> <p>Bonnichon, Philippe, <em>Des cannibales aux castors. Les d&eacute;couvertes fran&ccedil;aises de l&rsquo;Am&eacute;rique (1503-1788)</em>, Paris, France-Empire, 1994.</p> <p>Bonte, Pierre et Izard, Michel (dir.), <em>Dictionnaire de l&rsquo;ethnologie et de l&rsquo;anthropologie </em>[1991], Paris, Presses Universitaires de France, &laquo; Quadrige &raquo;, 2000.</p> <p>Colomb, Christophe, <em>Journal de bord 1492-1493</em>, traduit de l&rsquo;espagnol par Soledad Estorach et Michel Lequenne, Paris, Imprimerie nationale, &laquo; Voyages et d&eacute;couvertes &raquo;, 1992.</p> <p>Andrade, Oswald de, Rolnik, Suely, <em>Manifeste anthropophage </em>[1928] <em>/ Anthropophagie zombie</em>, traduit du portugais (Br&eacute;sil) par Lorena Janeiro et Renaud Barbaras, Paris, Blackjack &eacute;ditions, &laquo;&nbsp;Pile ou face&nbsp;&raquo;, 2011.</p> <p>Delisle, Philippe, <em>Bande dessin&eacute;e franco-belge et imaginaire colonial. Des ann&eacute;es 1930 aux ann&eacute;es 1980</em>, Paris, Karthala, 2008.</p> <p>Dulucq, Sophie, &laquo; L&rsquo;imaginaire du cannibalisme : Anthropophagie, alimentation et colonisation en France &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle &raquo;, dans Sandrine Costamagno (dir.), <em>Histoire de l&rsquo;alimentation humaine&nbsp;: entre choix et contraintes</em>, actes du 138e congr&egrave;s national des soci&eacute;t&eacute;s historiques et scientifiques tenu &agrave; Rennes en 2013 [&eacute;dition &eacute;lectronique], Paris, &eacute;d. du CTHS, 2014&nbsp;: <a href="http://cths.fr/ed/edition.php?id=6845">http://cths.fr/ed/edition.php?id=6845</a></p> <p>Duviols, Jean-Paul, <em>Le miroir du Nouveau Monde. 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De Christophe Colomb &agrave; Blade Runner (1492-2019)</em>, Paris, Fayard, 1990.</p> <p>Gruzinski, Serge, <em>La pens&eacute;e m&eacute;tisse</em>, Paris, Fayard, 1999.</p> <p>Guille-Escuret, Georges, &laquo; Cannibales isol&eacute;s et monarques sans histoire &raquo;, <em>L&rsquo;Homme</em>, 1992, tome 32, n&ordm; 122-124, p. 327-345.</p> <p>Kilani, Mondher, &laquo; Le cannibalisme. Une cat&eacute;gorie bonne &agrave; penser &raquo;, <em>L&rsquo;esprit du temps</em>, 2006/1, n&ordm;&nbsp;129, p. 33-46.</p> <p>Leenhardt, Jacques et Kalfon, Pierre, en collaboration avec Mattelart, Mich&egrave;le et Armand, <em>Les Am&eacute;riques latines en France</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;D&eacute;couvertes Gallimard&nbsp;&raquo;, 1992.</p> <p>Legros, Patrick, <em>Introduction &agrave; une sociologie de la cr&eacute;ation imaginaire</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 1996.</p> <p>Lestringant, Frank, <em>Le cannibale. Grandeur et d&eacute;cadence </em>[1994], Paris, Librairie Droz, 2016.</p> <p>Metraux, Alfred, <em>Les Indiens de l&rsquo;Am&eacute;rique du Sud</em>, Paris, M&eacute;taili&eacute;, &laquo;&nbsp;Travers&eacute;es&nbsp;&raquo;, 1982.</p> <p>Ory, Pascal, &laquo; Historique ou historienne ? &raquo;, dans Mitterrand Odette (dir.) <em>L&rsquo;histoire par la bande&nbsp;: BD, histoire et p&eacute;dagogie</em>, Paris, Syros, 1993, p. 93-96.</p> <p>Rojas Mix, Miguel, <em>Am&eacute;rica imaginaria</em>, Santiago de Chile, Erdosain Editores - Pehu&eacute;n Ediciones, 2015.</p> <p>Staden, Hans, <em>Nus, f&eacute;roces et anthropophages</em>, Paris, M&eacute;taili&eacute;, &laquo; Suites &raquo;, 2005.</p> <p>Wallerick, Gr&eacute;gory, &laquo; La repr&eacute;sentation du Br&eacute;sil et de ses habitants dans l&rsquo;Europe de la fin du XVI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle &raquo;, <em>Confins</em> [en ligne], 8, 2010, consult&eacute; le 18 ao&ucirc;t 2020. URL : <a href="http://journals.openedition.org/confins/6279">http://journals.openedition.org/confins/6279</a></p> <p>Wunenburger, Jean-Jacques (dir.), <em>La rencontre des imaginaires entre Europe et Am&eacute;riques</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, &laquo; Recherches et documents Am&eacute;riques latines &raquo;, 1993.</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bande dessin&eacute;e</strong></p> <p>Ayroles, Alain et Masbou, Jean-Luc, <em>De cape et de crocs</em>, Paris, Delcourt, &laquo;&nbsp;Terres des L&eacute;gendes&nbsp;&raquo;, 2001-2016.</p> <p>Bertocchini, Fr&eacute;d&eacute;ric et Diette, Thierry, <em>La cordill&egrave;re des &acirc;mes</em>, Ajaccio, Quinquet, 2012.</p> <p>Charlier, Jean-Michel et Hubinon, Victor, <em>Barbe-Rouge, 7. L&rsquo;&icirc;le de l&rsquo;homme mort</em>, Paris, Dargaud, 1967.</p> <p>Montaubert Roland de, et Pellos, Ren&eacute;, <em>Les Pieds nickel&eacute;s chez les r&eacute;ducteurs de t&ecirc;tes</em>, Paris, Soci&eacute;t&eacute; Parisienne d&rsquo;&Eacute;dition, 1959.</p> <p>Duhamel, Bruno et KRIS, <em>Les Brigades du temps. 1. 1492, &agrave; l&rsquo;ouest rien de nouveau !</em>, Charleroi, Dupuis, 2012.</p> <p>Eldiablo et CHA, <em>Un homme de go&ucirc;t</em>, Roubaix, Ankama &Eacute;ditions, 2014-2015.</p> <p>Ennis, Garth et Burrows, Jacen, <em>Crossed</em>, Montreuil, Bragelonne-Milady, 2012.</p> <p>Herg&eacute;, <em>Les aventures de Jo, Zette et Jocko. Le rayon du myst&egrave;re </em>[1936], Bruxelles, Casterman, 1952.</p> <p>Herg&eacute;, <em>Les aventures de Tintin. Le Temple du Soleil </em>[1949], Bruxelles, Casterman, 1977.</p> <p>Jij&eacute;, <em>Christophe Colomb</em>, <em>tome II : La trahison </em>[1946], Paris, Helyote, 1992.</p> <p>Layman, John et Guillory, Rob, <em>Tony Chu, d&eacute;tective cannibale</em>, Paris, Delcout, &laquo;&nbsp;Contrebande&nbsp;&raquo;, 2010-2017.</p> <p>Mart&iacute;n, Oscar, <em>Solo</em>, Paris, Delcourt, &laquo;&nbsp;Contrebande&nbsp;&raquo;, 2014-2019.</p> <p>Milligan, Pete et Ormston, Dean, <em>Les Cannibales</em>, Paris, &Eacute;ditions du Masque, &laquo;&nbsp;Atmosph&egrave;res&nbsp;&raquo;, 1999.</p> <p>Pratt, Hugo, <em>Corto Maltese. La Ballade de la mer sal&eacute;e </em>[1967], Bruxelles, Casterman, 1975.</p> <p>Reuz&eacute;, Emmanuel, <em>Cannibale</em>, Paris, Emmanuel Proust &Eacute;ditions, &laquo;&nbsp;Atmosph&egrave;res&nbsp;&raquo;, 2009.</p> <p>Richard, G&eacute;rard et Brazao, Olivier, <em>Histoire des &icirc;les de Guadeloupe</em>, tome 1, <em>Kaloukaera, l&rsquo;&icirc;le aux cannibales</em>, Strasbourg, &eacute;d. du Signe, 2013</p> <p>Sarto, Juan Jos&eacute; y Noll Ni&ntilde;o, Alex, <em>Relatos del Nuevo Mundo. Am&eacute;rico Vespucio: un Nombre para la Tierra Nueva</em>, Madrid, Planeta-Agostini, 1992.</p> <p>Young, Jennifer, Buccellato, Brian et Bergara, Mat&iacute;as, <em>Cannibal</em>, Grenoble, Gl&eacute;nat, &laquo;&nbsp;Gl&eacute;nat comics&nbsp;&raquo;, 2018.</p> <p>Zentner, Jorge et Pellejero, Rub&eacute;n, <em>Le Captif</em>, traduit de l&rsquo;espagnol par Pablo Guevara, Saint-&Eacute;gr&egrave;ve, Mosquito, 2002.</p> <p>Zidrou et Fournier, Jean-Claude, <em>Les Crannibales</em>, Charleroi, Dupuis, 2002-2005.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> Jean-Paul Duviols, <em>Le miroir du Nouveau Monde. Images primitives de l&rsquo;Am&eacute;rique</em>, Paris, Presses de l&rsquo;Universit&eacute; Paris-Sorbonne, 2006.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2</a> Jorge Zentner et Rub&eacute;n Pellejero, <em>Le Captif</em>, traduit de l&rsquo;espagnol par Pablo Guevara, Saint-&Eacute;gr&egrave;ve, &Eacute;ditions Mosquito, 2002.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a> G&eacute;rard Richard et Olivier Brazao, <em>Histoire des &icirc;les de Guadeloupe</em> t. 1&nbsp;: <em>Kaloukaera, l&rsquo;&icirc;le aux cannibales</em>, Strasbourg, &Eacute;ditions du Signe, 2013.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> Pascal Ory, &laquo; Historique ou historienne&nbsp;?&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;Odette Mitterrand (dir.), <i>L&rsquo;histoire par la bande : BD, histoire et p&eacute;dagogie</i>, Paris, Syros, 1993, p.&nbsp;93-96.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> Michel Foucault, <i>L&rsquo;arch&eacute;ologie du savoir</i>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Tel&nbsp;&raquo;, 1969, p. 12-13.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a><i> Ibid.</i>, p. 51.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Voir&nbsp;la notice &laquo;&nbsp;Circulation&nbsp;&raquo; dans Laurent Gervereau (dir), <i>Dictionnaire mondial des images</i>, Paris, Nouveau Monde &eacute;ditions, 2010, p. 331-344.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8</a> Serge Gruzinski, <i>La guerre des images. De Christophe Colomb &agrave; Blade Runner (1492-2019),</i> Paris, Fayard, 1990.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a> Serge Gruzinski, <em>La pens&eacute; m&eacute;tisse, </em>Paris, Fayard, 1999.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10 </a>Serge Gruzinski, dans Laurent Gervereau, <em>Dictionnaire mondial des images</em>, <em>op.cit.</em>, p. 1026.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11</a><i> Ibid.</i>, p. 1027.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12</a><i> Ibid.</i></p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> En 1979, l&rsquo;anthropologue William Arens a contest&eacute; l&rsquo;existence m&ecirc;me du cannibalisme, en le r&eacute;duisant &agrave; un fantasme de l&rsquo;Occident&nbsp;(William Arens, <em>The Man-Eating Myth: Anthropology and Anthropophagy</em>, Londres, Oxford University Press, 1979). Voir Pierre Bonte et Michel Izard (dir.), <em>Dictionnaire d&rsquo;ethnologie et anthropologie </em>[1991], Paris, Presses Universitaires de France, &laquo;&nbsp;Quadrige&nbsp;&raquo;, 2018, p. 124.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> Frank Lestringant, <em>Le cannibale. Grandeur et d&eacute;cadence </em>[1994], Paris, Librairie Droz, 2016.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> Christophe Colomb, <em>Journal de bord&nbsp;1492-1493</em>, traduit de l&rsquo;espagnol par Soledad Estorach et Michel Lequenne, Paris, Imprimerie nationale, &laquo;&nbsp;Voyages et d&eacute;couvertes&nbsp;&raquo;, 1992, p. 118.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a><i> Ibid</i>., p. 142.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Mondher Kilani, &laquo; Le cannibalisme. Une cat&eacute;gorie bonne &agrave; penser &raquo;, <em>L&rsquo;esprit du temps</em>, 2006/1, n&ordm; 129, p. 33-46.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18</a> Jij&eacute;, <i>Christophe Colomb, tome II&nbsp;: La trahison </i>[1946], Paris, Helyote, 1992, p.&nbsp;21.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19</a> Georges Guille-Escuret, &laquo; Cannibales isol&eacute;s et monarques sans histoire&nbsp;&raquo;, <i>L&rsquo;Homme</i>, 1992, tome 32, n&ordm; 122-124, p.&nbsp;329.</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a> Frank Lestringant, <i>op. cit.</i>, p. 63.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21</a><i> Ibid.</i>, p. 68</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22</a> Jean-Paul Duviols, <i>op. cit.</i>, p. 26.</p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23</a><i> Ibid.</i>, p. 27.</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24</a> Juan Jose Sarto y Alex Nool Ni&ntilde;o, <i>Relatos del Nuevo Mundo. Americo Vespucio: un Nombre para la Tierra Nueva</i>, Madrid, Planeta-Agostini, 1992.</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25</a><i> Ibid.</i>, p. 21-23: &ldquo;Hay muchos que no ven todo un continente nuevo, la riqueza del contacto con otras gentes y otras culturas&hellip; Solo ven una posibilidad de hacer fortuna r&aacute;pidamente. Adem&aacute;s, tienen la excusa de que muchas tribus cometen todo tipo de atrocidades&rdquo;, &ldquo;&iquest;Atrocidades? &iexcl;No! &iexcl;Es su forma de vida, su cultura!&rdquo;, &ldquo;Este es un mundo hostil y ellos han aprendido a vivir as&iacute;&rdquo;, &ldquo;Nuestra misi&oacute;n ha de ser la de cambiar su cultura por la nuestra&rdquo;, &ldquo;En pocas palabras, &iexcl;Civilizarlos!&rdquo;, &ldquo;Y si se niegan&hellip;&rdquo;, &ldquo;No somos guerreros ni asesinos&hellip; &iexcl;Pero habremos de serlo!&rdquo;, &ldquo;&iexcl;Por mucho dolor que nos cause!&rdquo;, &ldquo;&iexcl;Hemos de ense&ntilde;arles sus errores!&rdquo;</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26</a> Voir&nbsp;: Philippe Bonnichon, <em>Des cannibales aux castors. Les d&eacute;couvertes fran&ccedil;aises de l&rsquo;Am&eacute;rique (1503 &ndash; 1788)</em>, Paris, Editions France-Empire, 1994.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27</a> Franck Lestringant, <i>op. cit.,</i> p. 67.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28</a> Hugo Pratt, <i>Corto Maltese. La Ballade de la mer sal&eacute;e</i> [1967], Bruxelles, Casterman, 1975.</p> <p><a href="#liennbp29" name="nbp29">29</a> Jean-Michel Charlier et Victor Hubinon, <em>Barbe-Rouge, 7. L&rsquo;&icirc;le de l&rsquo;homme mort</em>, Paris, Dargaud, 1967.</p> <p><a href="#liennbp30" name="nbp30">30</a> Terme forg&eacute; par Francis Lacassin qui d&eacute;signe les personnages de fiction de BD inspir&eacute;s de Tarzan. Voir : Francis Lacassin, <em>Tarzan ou le chevalier crisp&eacute;</em>, Paris, Union g&eacute;n&eacute;rale d&#39;&eacute;ditions, 10/18, 1971, p. 452 &ndash; 476.</p> <p><a href="#liennbp31" name="nbp31">31</a> Herg&eacute;, <i>Les aventures de Tintin. Le temple du soleil</i>, Bruxelles, Casterman, 1977 [1949], p. 49.</p> <p><a href="#liennbp32" name="nbp32">32</a> Sophie Dulucq, &laquo; L&rsquo;imaginaire du cannibalisme : Anthropophagie, alimentation et colonisation en France &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle &raquo;, dans Sandrine Costamagno (dir.), <em>Histoire de l&rsquo;alimentation humaine&nbsp;: entre choix et contraintes</em>, actes du 138e congr&egrave;s national des soci&eacute;t&eacute;s historiques et scientifiques tenu &agrave; Rennes en 2013 [&eacute;dition &eacute;lectronique], Paris, &eacute;d. du CTHS, 2014&nbsp;: <a href="http://cths.fr/ed/edition.php?id=6845">http://cths.fr/ed/edition.php?id=6845</a></p> <p><a href="#liennbp33" name="nbp33">33</a> Miguel Rojas Mix, <em>Am&eacute;rica imaginaria</em>, Santiago de Chile, Erdosain Editores &ndash; Pehu&eacute;n Ediciones, 2015, p.126: &ldquo;En cuanto can&iacute;bal, el americano era un monstruo y formaba parte de la ret&oacute;rica del discurso teratol&oacute;gico de legitimaci&oacute;n de la Conquista&rdquo;.</p> <p><a href="#liennbp34" name="nbp34">34</a> Sophie Dulucq, art. cit.</p> <p><a href="#liennbp35" name="nbp35">35</a> Gr&eacute;gory Wallerick, &laquo; La repr&eacute;sentation du Br&eacute;sil et de ses habitants dans l&rsquo;Europe de la fin du XVI<sup>e</sup> si&egrave;cle &raquo;, <em>Confins</em> [en ligne], 8, 2010, consult&eacute; le 18 ao&ucirc;t 2020. URL :</p> <p><a href="#liennbp36" name="nbp36">36 </a>Hans Staden, <i>Nus, f&eacute;roces et anthropophages</i>, Paris, M&eacute;taili&eacute;, &laquo;&nbsp;Suites&nbsp;&raquo;, 2005.</p> <p><a href="#liennbp37" name="nbp37">37</a> Voir Pascal Blanchard, Nicolas Bancel, Gilles Bo&euml;tsch, &Eacute;ric Deroo et Sandrine Lemaire, <i>Zoos humains et exhibitions coloniales. 150 ans d&#39;inventions de l&#39;Autre</i>, Paris, La D&eacute;couverte, 2011.</p> <p><a href="#liennbp38" name="nbp38">38 </a>Gilles Bo&euml;tsch. &laquo;&nbsp;L&rsquo;Homme Chair comme m&eacute;taphore du primitivisme : anthropophages et anthropophagie dans la pens&eacute;e anthropologique fran&ccedil;aise du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;La viande&nbsp;&raquo;, direction scientifique Annie Hubert, 15e colloque de l&rsquo;International Commission for the Anthropology of Food (ICAF - ICAES) &amp; 12<sup>e</sup> journ&eacute;e de la Soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;&Eacute;cologie humaine (SEH), 10-12 mai 2000, Bordeaux (France). ffhalshs-00009440v2f.</p> <p><a href="#liennbp39" name="nbp39">39</a> Pierre Bonte et Michel Izard, <i>op. cit.</i>, p. 124.</p> <p><a href="#liennbp40" name="nbp40">40</a> Philippe Delisle, <em>Bande dessin&eacute;e franco-belge et imaginaire colonial. Des ann&eacute;es 1930 aux ann&eacute;es 1980</em>, Paris, &Eacute;ditions Karthala, 2008, quatri&egrave;me de couverture.</p> <p><a href="#liennbp41" name="nbp41">41</a><i> Ibid.</i>, p. 52.</p> <p><a href="#liennbp42" name="nbp42">42</a> Patrick Legros, <em>Introduction &agrave; une sociologie de la cr&eacute;ation imaginaire</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 1996, p. 33.</p> <p><a href="#liennbp43" name="nbp43">43</a> Sophie Dulucq, art. cit<i>.</i></p> <p><a href="#liennbp44" name="nbp44">44</a> Alfred Metraux, <em>Les Indiens de l&rsquo;Am&eacute;rique du Sud</em>, Paris, M&eacute;taili&eacute;, &laquo; Travers&eacute;es&nbsp;&raquo;, 1982, p. 9.</p> <p><a href="#liennbp45" name="nbp45">45</a> Gr&eacute;gory Wall&eacute;rick, art<i>. </i>cit<i>.</i>, p. 28.</p> <p><a href="#liennbp46" name="nbp46">46</a> Philippe Delisle, <em>op. cit.</em>, p. 53.</p> <p><a href="#liennbp47" name="nbp47">47</a><em> Idem.</em></p> <p><a href="#liennbp48" name="nbp48">48</a> Bruno Duhamel et Kris, <em>Les Brigades du temps. 1. 1492, &agrave; l&rsquo;ouest rien de nouveau&nbsp;!, </em>Charleroi, Dupuis, 2012, p. 27.</p> <p><a href="#liennbp49" name="nbp49">49</a> Luis Villoro, &laquo;&nbsp;L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; inacceptable&nbsp;&raquo;, dans Jean-Jacques Wunenburger (dir.), <em>La rencontre des imaginaires entre Europe et Am&eacute;riques</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, &laquo; Recherches et documents Am&eacute;riques latines &raquo;, 1993, p.24.</p> <p><a href="#liennbp50" name="nbp50">50</a><em> Ibid.</em>, p. 25.</p> <p><a href="#liennbp51" name="nbp51">51</a> Frank Lestringant, <i>op. cit.</i>, p. 57.</p> <p><a href="#liennbp52" name="nbp52">52</a><i> Ibid.</i>, p. 58.</p> <p><a href="#liennbp53" name="nbp53">53</a> Roland de Montaubert et Ren&eacute; Pellos, <i>Les pieds nickel&eacute;s chez les r&eacute;ducteurs de t&ecirc;tes</i>, Paris, Soci&eacute;t&eacute; Parisienne d&rsquo;&Eacute;dition, 1959.</p> <p><a href="#liennbp54" name="nbp54">54</a> Gr&eacute;gory Wall&eacute;rick, art. cit<i>.</i>, p. 33.</p> <p><a href="#liennbp55" name="nbp55">55</a> Herg&eacute;, <em>Les aventures de Jo, Zette et Jocko. Le rayon du myst&egrave;re </em>[1936], Bruxelles, Casterman, 1952.</p> <p><a href="#liennbp56" name="nbp56">56</a> Jorge Zentner et Rub&eacute;n Pellejero, <em>op. cit.</em></p> <p><a href="#liennbp57" name="nbp57">57</a> Hans Staden, <em>op. cit.</em></p> <p><a href="#liennbp58" name="nbp58">58</a> Marc Bouyer, &laquo; Des sauvages et des images&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;: Hans Staden, <i>Ibid.</i> p. 11.</p> <p><a href="#liennbp59" name="nbp59">59</a> Miguel Rojas Mix, <em>op. cit., </em>p. 125: &ldquo;su serie de im&aacute;genes compone una especie de tira c&oacute;mica sobre el canibalismo. Son de una terrible crudeza y no exentos de humor negro&rdquo;.</p> <p><a href="#liennbp60" name="nbp60">60</a> Gr&eacute;gory Wallerick, art. cit., p. 15.</p> <p><a href="#liennbp61" name="nbp61">61</a> G&eacute;rard Richard et Olivier Brazao, <em>op.cit.</em></p> <p><a href="#liennbp62" name="nbp62">62</a><i> Ibid.</i>, p. 23.</p> <p><a href="#liennbp63" name="nbp63">63</a> Voir: Oswald de Andrade, <em>Manifeste anthropophage </em>[1928], Paris, Blackjack &eacute;ditions, 2011.</p> <p><a href="#liennbp64" name="nbp64">64</a> Voir: Roberto Fern&aacute;ndez Retamar, <em>Caliban Cannibale</em>, Paris, Maspero, coll. &laquo;&nbsp;Voix&nbsp;&raquo;, 1973.</p> <p><a href="#liennbp65" name="nbp65">65</a> Miguel Rojas Mix, <i>op. cit.</i>, p. 132: &ldquo;Calib&aacute;n, en la medida en que encarna al aborigen, tiene una funci&oacute;n emblem&aacute;tica: traduce el problema del hombre del Nuevo Mundo y Shakespeare no es tierno con &eacute;l&rdquo;.</p> <p><a href="#liennbp66" name="nbp66">66</a> Mondher Kilani, art. cit<i>.</i>, p. 35.</p> <p><a href="#liennbp67" name="nbp67">67</a> Pierre Bonte et Michel Izard, <em>op. cit., </em>p. 124.</p>