<p><q><em>&nbsp;&Agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la force est le rire.<br /> &Agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la force est le jeu.<br /> &Agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de la force est la libert&eacute;.</em><br /> (Henry de Montherlant, <em>Carnets</em>) </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Dans un entretien r&eacute;alis&eacute; pour le huiti&egrave;me num&eacute;ro de la revue <em>T&ecirc;te-&agrave;-t&ecirc;te </em>consacr&eacute; &agrave; la question de l&rsquo;importance du geste de disparition dans les pratiques artistiques contemporaines, Yannick Haenel, &eacute;crivain fran&ccedil;ais n&eacute; en 1967, ayant &agrave; son actif une dizaine d&rsquo;&oelig;uvres litt&eacute;raires r&eacute;compens&eacute;es par divers prix dont l&rsquo;Interalli&eacute; (en 2009) et le M&eacute;dicis (en 2017), &eacute;voque une figure sp&eacute;cifique, culturellement marqu&eacute;e, dont il se revendique ouvertement et se veut l&rsquo;h&eacute;ritier et qui, inscrite au c&oelig;ur de son &oelig;uvre, agit comme socle cr&eacute;atif mais avant tout postural&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Je me consid&egrave;re donc &agrave; la fois comme un chevalier cherchant un passage dans la m&eacute;taphysique, et en m&ecirc;me temps, je m&rsquo;identifie, en tant que j&rsquo;&eacute;cris, &agrave; Renart, au <em>Roman de Renart</em>, &agrave; cette pouillerie &eacute;tincelante qui est tout le contraire de la grande noblesse de la Table Ronde. Renart, c&rsquo;est l&rsquo;incarnation de la ruse, du contre-pouvoir, du jeu subversif. Quand j&rsquo;&eacute;crivais <em>Les Renards p&acirc;les</em>, je me disais que c&rsquo;&eacute;tait seulement en tant qu&rsquo;h&eacute;ritier de ce <em>trickster</em> qu&rsquo;est Renart &ndash; celui qui d&eacute;tourne la loi et d&eacute;stabilise les trac&eacute;s &mdash;, que je pouvais pr&eacute;tendre me pr&eacute;senter devant la spiritualit&eacute; retorse du Renard p&acirc;le dogon. Tout &ccedil;a pour dire que mon rapport avec la soci&eacute;t&eacute; litt&eacute;raire rel&egrave;ve de cette ruse. Je suis publi&eacute; chez un &laquo;&nbsp;grand&nbsp;&eacute;diteur&nbsp;&raquo;, comme on dit &ndash; un &eacute;diteur qui fait aujourd&rsquo;hui dans l&rsquo;industrie litt&eacute;raire &mdash;, et j&rsquo;aime cette id&eacute;e d&rsquo;intervenir sous couverture prestigieuse, v&ecirc;tu en chevalier, mais en tant que renard/t [rires]. Je me dissimule. La v&eacute;rit&eacute; est dans les livres, pas dans l&rsquo;image. Ainsi ma strat&eacute;gie consiste-t-elle &agrave; appara&icirc;tre masqu&eacute;. Au fond, c&rsquo;est encore une mani&egrave;re de dispara&icirc;tre. Qui pourrait dire o&ugrave; se trouve &laquo;&nbsp;le vrai&nbsp;&raquo; Yannick Haenel<a href="#nbp1" id="footnoteref1_kfuyt7d" name="liennbp1" title="Yannick Haenel dans Yannick Haenel et Corentin Lahouste, « S’établir dans le libre rien. Se maintenir dans le sans-attache ». Entretien, dans Revue Tête-à-tête, n° 8 – Disparaître, septembre 2017, p. 55.">1</a>? </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; La filiation imaginaire &agrave; la figure de Renart, ce personnage l&eacute;gendaire, conjugue ainsi un faisceau de traits que l&rsquo;auteur de <em>Cercle</em> (2007) r&eacute;investit de multiples mani&egrave;res, mais sp&eacute;cifiquement dans la construction de sa <em>persona</em> litt&eacute;raire, lui qui fait, &agrave; l&rsquo;instar par exemple de Charles Juliet (autre &eacute;crivain fran&ccedil;ais contemporain de renom<a href="#nbp2" id="footnoteref2_yqwuy9p" name="liennbp2" title="Il a notamment été couronné par le Prix Goncourt de la poésie en 2013 et par le Grand prix de littérature de l’Académie Française, pour l’ensemble de son œuvre, en 2017.">2</a>), &laquo;&nbsp;de la mise en texte de soi un socle ontologique&nbsp;&raquo;<a href="#nbp3" id="footnoteref3_0ayq9cu" name="liennbp3" title="Alexandre Gefen, Réparer Le Monde. La littérature française face au XXIe siècle, Paris, Corti, 2017, p. 59.">3</a>. L&rsquo;&eacute;l&eacute;ment renardien d&eacute;terminant qu&rsquo;&eacute;voque explicitement l&rsquo;&eacute;crivain en l&rsquo;associant au <em>trickster</em> &ndash; cette &laquo;&nbsp;figure sacr&eacute;e pr&eacute;sente dans les l&eacute;gendes am&eacute;rindiennes [&hellip;] [qui] f[ai]t cohabiter des r&eacute;alit&eacute;s contradictoires qui [la] rendent <em>ambig&uuml;[e] et insaisissabl[e]</em>, au point o&ugrave; [sa] signification ultime devient &quot;ind&eacute;cidable<a href="#nbp4" id="footnoteref4_zmheaw4" name="liennbp4" title="Jean-Philippe Uzel, « Les objets trickster de l’art actuel », dans Thérèse Saint-Gelais (dir.), L’Indécidable – écarts et déplacements de l’art actuel, Montréal, Esse éditions, 2008, p. 40, nous soulignons.">4</a> &ndash; est de repr&eacute;senter celui qui d&eacute;joue &laquo;&nbsp;l&rsquo;autorit&eacute; supr&ecirc;me et absolue du roi Noble<a href="#nbp5" id="footnoteref5_ah57bqy" name="liennbp5" title="John Flinn, Le Roman de Renart dans la littérature française et dans les littératures étrangères au Moyen Âge, Toronto, University of Toronto Press, 1963, p. 9.">5</a>&quot;&nbsp;&raquo;. L&rsquo;on retrouve cet aspect anarchique, &agrave; savoir la subversion (si ce n&rsquo;est la destitution) de l&rsquo;autorit&eacute;, comme sc&eacute;nario r&eacute;current &ndash; et m&ecirc;me prototypique &ndash; des &eacute;crits de Haenel, dans lesquels pr&eacute;vaut une solide veine libertaire. Celle-ci est tout sp&eacute;cifiquement prise en charge par ses narrateurs qui affirment, face &agrave; une langue des ordres et de l&rsquo;&eacute;touffement, un &laquo;&nbsp;<em>non serviam</em> appuy&eacute;<a href="#nbp6" id="footnoteref6_km0uqq2" name="liennbp6" title="Dominique Rabaté, « La naissance d’une désertion. Retour aux Petits soldats », dans Corentin Lahouste et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), Yannick Haenel, la littérature pour absolu, Paris, Hermann, « Vertige de la langue », 2020, p. 43.">6</a> &raquo;.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Dans son &oelig;uvre impr&eacute;gn&eacute;e de r&eacute;f&eacute;rences litt&eacute;raires et artistiques fort vari&eacute;es<a href="#nbp7" id="footnoteref7_5oo2bbk" name="liennbp7" title="Au fil des pages, sont ainsi évoquées les œuvres de très nombreux écrivains (Dante, Shakespeare, Pascal, Flaubert, Dostoïevski, Rimbaud, Nietzsche, Melville, Proust, Kafka, Joyce, Bataille, Beckett, Duras, Levé, pour ne citer qu’eux), mais aussi de peintres (Le Caravage, Rembrandt, Modigliani, Opalka, Twombly), de cinéastes (Michael Cimino, Francis Ford Coppola, Alain Resnais, Leos Carax), ou encore de musiciens (John Coltrane, Lou Reed, David Bowie, Bob Dylan, Aphex Twin).">7</a> et compos&eacute;e &laquo;&nbsp;d[e] notations intr&eacute;pides, d[&rsquo;]extases, d[&rsquo;]&eacute;chapp&eacute;es, d[e] r&ecirc;veries, d[e] retomb&eacute;es, d[&rsquo;]amours, d[e] points qui fusent, [&hellip;] d[&rsquo;]acc&eacute;l&eacute;rations formelles, d[e] glissades existentielles, d[&rsquo;]humeurs (pluvieuses, &eacute;clair&eacute;es, jubilantes, d&eacute;prim&eacute;es)<a href="#nbp8" id="footnoteref8_meh37fa" name="liennbp8" title="Yannick Haenel et Jean de Loisy, Roman – L’élégance, la science, la violence ! [Panorama 19], Tourcoing, Le Fresnoy – Studio national des arts contemporains/Les presses du réel, 2017, p. 176-177.">8</a> &raquo;, la dynamique renardienne colore &eacute;galement le rapport que l&rsquo;&eacute;crivain entretient avec l&rsquo;institution litt&eacute;raire. Cette derni&egrave;re est selon lui compl&egrave;tement corset&eacute;e, ainsi que l&rsquo;illustre tr&egrave;s ostensiblement son deuxi&egrave;me roman, <em>Introduction &agrave; la mort fran&ccedil;aise</em><a href="#nbp9" id="footnoteref9_kge0i1i" name="liennbp9" title="Yannick Haenel, Introduction à la mort française, Paris, Gallimard, « L’Infini », 2001. Dorénavant abrégé en IMF pour les citations s’y rapportant dans le texte.">9</a>,&nbsp;dans lequel il dresse, comme l&rsquo;a formul&eacute; Irma Krauss, &laquo;&nbsp;un portrait d&eacute;sastreux de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise et &eacute;gratigne au passage le vernis jauni de la grandiloquente grandeur fran&ccedil;aise s&rsquo;&eacute;puisant dans le spectacle n&eacute;vrotique et faussement &eacute;difiant de ses comm&eacute;morations de pacotilles<a href="#nbp10" id="footnoteref10_8lx3lr3" name="liennbp10" title="Voir http://www.e-litterature.net/irma/haenel.htm.">10</a> &raquo;.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; En effet, il y moque<a href="#nbp11" id="footnoteref11_rzsc1az" name="liennbp11" title="Sur la dynamique satirique à l’œuvre dans Introduction à la mort française, lire Corentin Lahouste, « Le satirique au service d’une vivification du poétique. Introduction à la mort française de Yannick Haenel », dans Denis Saint-Amand et David Vrydachs (dir.), La Veine satirique de la littérature française contemporaine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, « Interférences », sous presse.">11</a>,&nbsp;avec peu de nuances, tout un pan &ndash; si ce n&rsquo;est la quasi-int&eacute;gralit&eacute; &ndash; de la litt&eacute;rature &eacute;crite et publi&eacute;e, consid&eacute;r&eacute;e comme une &laquo;&nbsp;camelote sirupeuse&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;15) ou comme un &laquo;&nbsp;baragouin fade&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;111) qui &laquo;&nbsp;piss[e] son phylact&egrave;re de petites phrases &agrave; &eacute;motion douce&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;80) et entra&icirc;ne d&egrave;s lors le pourrissement des &ecirc;tres.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce texte jette un regard caustique et s&eacute;ditieux sur le monde litt&eacute;raire parisien, tandis qu&rsquo;est dress&eacute; un portrait &agrave; charge des &eacute;crivains fran&ccedil;ais, tourn&eacute;s en d&eacute;rision et r&eacute;duits &agrave; &laquo;&nbsp;de petites choses [&hellip;] avec des d&eacute;sirs qui se croient violents, et une t&ecirc;te creuse&nbsp;: les mots qu&rsquo;ils utilisent ne leur correspondent pas&nbsp;; ils les empruntent, et se font un corps avec ces mots qui ne r&eacute;sistent pas &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;39). Alors qu&rsquo;une certaine outrance dans la caricature de m&ecirc;me qu&rsquo;une ironie corrosive, identifi&eacute;es par Dominique Rabat&eacute;<a href="#nbp12" id="footnoteref12_1hb2952" name="liennbp12" title="Voir Dominique Rabaté, « Récit ou roman ? Réflexions actuelles sur un débat français », dans Jean-Luc Bayard et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.), Vous Avez Dit Contemporain ? Enseigner Les Littératures d’aujourd’hui, Saint-Etienne, Presses Universitaires de Saint-Étienne, 2007, p. 24.">12</a>,&nbsp;se d&eacute;ploient amplement dans ce texte contestataire qui n&rsquo;a pas peur de forcer le trait, il s&rsquo;agit, comme toujours chez Haenel et sur le mod&egrave;le de Renart, de &laquo;&nbsp;rompre les vieilles attaches&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;45)<a href="#nbp13" id="footnoteref13_kzt7222" name="liennbp13" title="C’est pourquoi la vision du Panthéon qui « crame », pour reprendre le terme utilisé dans le roman (p. 45), l’exalte.">13</a>. V&eacute;h&eacute;ment, son narrateur proteste donc, dans la premi&egrave;re partie du livre, face &agrave; l&rsquo;emp&acirc;tement du langage, face &agrave; la langue officielle qui &laquo;&nbsp;semble &agrave; chaque syllabe noyer le poisson&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;47) et qui &laquo;&nbsp;[a]u lieu de nourrir&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;absorb[e] et ponctionn[e]&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;48). &laquo;&nbsp;[L]e style fran&ccedil;ais sent l&rsquo;aisselle, [&hellip;]&nbsp;l&rsquo;anus humide&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;47), d&eacute;clare-t-il de mani&egrave;re vigoureuse, tandis qu&rsquo;il cherche &agrave; combattre la &laquo;&nbsp;prose fig&eacute;e dans son moule&nbsp;&raquo; tout autant que la parole ensanglant&eacute;e &laquo;&nbsp;qui par goul&eacute;es noires r&eacute;sume les mille poisons dont le pays s&rsquo;est rendu capable&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;51), cet &laquo;&nbsp;hexagone &agrave; dentiers, qui mouille dans sa soupe, [et] o&ugrave; sorciers et sorci&egrave;res font la loi&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;58-59). Le cadre d&eacute;pr&eacute;ciatif pos&eacute; est &agrave; la hauteur des attentes nourries par l&rsquo;auteur envers la puissance du po&eacute;tique, tandis que l&rsquo;&eacute;criture, pour le <em>sauvage savant</em><a href="#nbp14" id="footnoteref14_2uqsxjq" name="liennbp14" title="Voir Yannick Haenel, « La panoplie littéraire de Yannick Haenel », Décapage, n° 59, automne-hiver 2018, p. 72.">14</a> qu&rsquo;est Haenel, se voit par cons&eacute;quent d&rsquo;embl&eacute;e inscrite sous le signe d&rsquo;un rejet (de la langue) du commandement qu&rsquo;il consid&egrave;re comme du &laquo;&nbsp;rien qui s&rsquo;esclaffe&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;105).</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le deuxi&egrave;me trait propre &agrave; Renart qu&rsquo;il est possible de retrouver chez Haenel, au travers de Jean Deichel, son alter-ego romanesque, est le fait qu&rsquo;il soit rus&eacute;, fripon, malicieux, qu&rsquo;il arrive toujours &agrave; s&rsquo;enfuir et &agrave; s&rsquo;en sortir face aux d&eacute;sastres, aux d&eacute;confitures et m&ecirc;me &agrave; la mort&nbsp;; qu&rsquo;il ne cesse d&rsquo;investir le r&eacute;gime de l&rsquo;&eacute;cart&nbsp;: &laquo;&nbsp;Faire scission ne s&rsquo;obtient pas avec les armes classiques du refus, mais par un autre r&eacute;gime de l&rsquo;&eacute;cart. Cet &eacute;cart est mouvant, il camoufle ses vis&eacute;es. Le &quot;sans-attaches&quot; se rejoint dans le flottement<a href="#nbp15" id="footnoteref15_mdebmz9" name="liennbp15" title="Yannick Haenel, Cercle [2007], Paris, Gallimard, « Folio », 2009, p. 244-245.">15</a> &raquo;. &Agrave; l&rsquo;avenant, le mouvement dans lequel le narrateur haenelien est constamment inscrit &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire la reprise constante des aventures de Jean Deichel de livre en livre depuis le deuxi&egrave;me roman de Haenel &mdash;, fait lui aussi &eacute;cho &agrave; la dynamique dans laquelle est pris le goupil m&eacute;di&eacute;val qui se r&eacute;v&egrave;le, tout autant que le s&eacute;millant Haenel/Deichel, insaisissable<a href="#nbp16" id="footnoteref16_qagybpo" name="liennbp16" title="Cette mise en scène spécifique de soi en tant qu’homme mystérieux, évanescent, se fait également jour dans la sphère privée, comme lorsque pour une photographie de famille réalisée prestement, Haenel arbore un masque de canidé (renard ou, peut-être, raton laveur) et ne donne donc pas accès à son visage.">16</a>.&nbsp;Tous deux s&rsquo;engagent perp&eacute;tuellement dans le mouvant. La labilit&eacute; et la d&eacute;robade participent de leur nature &ndash; rappelons que Deichel renvoie au nom d&rsquo;une rivi&egrave;re situ&eacute;e &agrave; la fronti&egrave;re franco-allemande<a href="#nbp17" id="footnoteref17_91u2hbp" name="liennbp17" title="En effet, le nom Deichel est inspiré de celui d’une rivière alsacienne (région de laquelle provient Haenel), l’Eichel, qui a pris pour lui, à la faveur d’une expérience relatée dans Le sens du calme (p. 135-137), une valeur symbolique touchant à la mémoire de la littérature.">17</a>.&nbsp;Ainsi, le Jean Deichel d&rsquo;<em>Introduction &agrave; la mort fran&ccedil;aise</em>, cet &laquo;&nbsp;homme des bordures&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;53) qui d&eacute;joue la logique de l&rsquo;appartenance, assure en ouverture du roman&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai appris comment il faut d&eacute;cevoir ceux qui nous interrogent&nbsp;&raquo; (<em>IMF</em>, p.&nbsp;11), tandis que celui d&rsquo;<em>&Eacute;voluer parmi les avalanches </em>d&eacute;clare&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne connais pas de plus belle aventure que celle d&rsquo;&ecirc;tre soudain seul &ndash; et de <em>se d&eacute;tacher</em><a href="#nbp18" id="footnoteref18_i5dkk84" name="liennbp18" title="Yannick Haenel, Évoluer Parmi Les Avalanches, Paris, Gallimard, « L’Infini », 2003, p. 11, nous soulignons.">18</a> &raquo;. Par ailleurs, comme l&rsquo;&oelig;uvre renardienne<a href="#nbp19" id="footnoteref19_s9dmzqr" name="liennbp19" title="Celle-ci se distingue toutefois en tant qu’elle renvoie à un ensemble de manuscrits disparates émanant de plusieurs auteurs.">19</a>,&nbsp;et au-del&agrave; de questions d&rsquo;auctorialit&eacute;, celle de Haenel est marqu&eacute;e par l&rsquo;it&eacute;ration (de m&ecirc;mes motifs, du m&ecirc;me narrateur, du sc&eacute;nario initiatique, de r&eacute;f&eacute;rences qui reviennent d&rsquo;un livre &agrave; l&rsquo;autre, etc.)&nbsp;; s&rsquo;y agence une vraie compl&eacute;mentarit&eacute; des diff&eacute;rents textes qui peuvent &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;s comme faisant partie d&rsquo;un seul flux. <em>Tiens ferme ta couronne</em>, dixi&egrave;me &oelig;uvre de Haenel qui relate une nouvelle fois les frasques et tribulations de Jean Deichel, ce &laquo;&nbsp;h&eacute;ros saugrenu qui, doutant de tout, cro[it] en son &eacute;toile<a href="#nbp20" id="footnoteref20_489jw9h" name="liennbp20" title="Yannick Haenel, Tiens ferme ta couronne, Paris, Gallimard, « L’Infini », 2017, p. 86.">20</a> &raquo;, a d&rsquo;ailleurs parfois &eacute;t&eacute; pr&eacute;sent&eacute;e par l&rsquo;auteur comme une suite de <em>Cercle </em>paru dix ans plus t&ocirc;t<a c="" href="#nbp21" id="footnoteref21_heu5ffg" name="liennbp21" title="Le roman est d’ailleurs explicitement (et malicieusement) évoqué à la deux-cent-quarante-quatrième page de l’opus récipiendaire du prix Médicis : « Alors, j’ai prononcé à voix haute, en éclatant de rire, cette phrase qui était l’incipit d’un de mes anciens romans et qui, aujourd’hui, me semblait drôle : ">21</a>.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Renart est triplement caract&eacute;ris&eacute; par l&rsquo;espi&egrave;glerie, l&rsquo;insaisissabilit&eacute; et le mouvement permanent, un h&eacute;ros ambigu, ambivalent, &agrave; l&rsquo;instar du protagoniste-f&eacute;tiche de Haenel. &laquo;&nbsp;Figure d&eacute;rangeante<a href="#nbp22" id="footnoteref22_e515t6b" name="liennbp22" title="Myriam Watthee-Delmotte, » Yannick Haenel, signe de contradictions », dans Corentin Lahouste et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), Yannick Haenel, la littérature pour absolu, op. cit., p. 215.">22</a> &raquo;, picaresque, il allie volontiers les contraires, joue avec les paradoxes et s&rsquo;affirme dans l&rsquo;inconciliable. Cette caract&eacute;ristique se retrouve dans l&rsquo;idiolecte de l&rsquo;auteur qui favorise les constructions oxymoriques, telles que &laquo;&nbsp;pouillerie &eacute;tincelante&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;extrait de l&rsquo;entretien cit&eacute; en ouverture de l&rsquo;article. De m&ecirc;me, son &eacute;criture, dont les deux figures tut&eacute;laires sont le chien et le loup entre lesquelles elle ne cesse d&rsquo;osciller d&rsquo;apr&egrave;s ses dires<a href="#nbp23" id="footnoteref23_xp571bl" name="liennbp23" title="Voir Yannick Haenel, « Le 17 avril », texte inédit dans ibid., p. 15-22. Il affirme notamment la chose suivante : « Le chien et le loup me guident à tour de rôle, parfois simultanément, sans jamais se réconcilier ». Et complète de la sorte : « Ainsi la dimension des phrases est-elle fondamentalement tumultueuse : elle exige de ma part une endurance, un inapaisement, une ruse » (p. 18, nous soulignons).">23</a>, est ainsi elle-m&ecirc;me inscrite sous l&rsquo;&eacute;gide du renard, canid&eacute; &agrave; mi-chemin entre le meilleur ami de l&rsquo;homme et celui qu&rsquo;il a longtemps fortement redout&eacute;. Mais c&rsquo;est &eacute;galement sur le plan de l&rsquo;imaginaire mis en &oelig;uvre que l&rsquo;appariement des contraires transpara&icirc;t, &eacute;tant donn&eacute; que tous les textes d&eacute;veloppent l&rsquo;id&eacute;e vigoureusement affirm&eacute;e, que formule Bertrand Leclair, &laquo;&nbsp;qu&rsquo;on ne peut &eacute;crire qu&rsquo;&agrave; risquer sa voix jusqu&rsquo;au silence, qu&rsquo;on ne peut gagner qu&rsquo;&agrave; accepter de (se) perdre, qu&rsquo;on ne peut faire l&rsquo;ange qu&rsquo;&agrave; faire la b&ecirc;te, bref, qu&rsquo;on ne peut vivre qu&rsquo;&agrave; se confronter &agrave; la mort<a href="#nbp24" id="footnoteref24_at782qo" name="liennbp24" title="Bertrand Leclair, Théorie de la déroute, Paris, Le Seuil, « Verticales », 2001, p. 79.">24</a> &raquo;. Une autre sp&eacute;cificit&eacute; de Renart est qu&rsquo;il se profile comme un personnage continuellement affam&eacute;, assoiff&eacute;&nbsp;; attitude que l&rsquo;on peut identifier chez Haenel/Deichel, mais qui s&rsquo;inscrit sur un plan plus m&eacute;taphorique. Il s&rsquo;agit avant tout de soif d&rsquo;art, de beaut&eacute;, d&rsquo;absolu.</p> <p><q>&nbsp;Le matin, j&rsquo;explorais le quartier avec une minutie d&rsquo;ethnologue. Je restais parfois immobile dans une rue, captiv&eacute; par un bouquet de nuances dans le ciel, par la beaut&eacute; de l&rsquo;architecture ouvri&egrave;re de la Mouza&iuml;a, par une soudaine perspective, vers T&eacute;l&eacute;graphe, o&ugrave; les formes et les couleurs vous sourient<a href="#nbp25" id="footnoteref25_hpet1kh" name="liennbp25" title="Yannick Haenel, Les Renards pâles [2013], Paris, Gallimard, « Folio », 2015, p. 53.">25</a>. </q></p> <p><q>&nbsp;Certains matins, &agrave; peine lev&eacute;, je courais voir et revoir ce plein azur parcouru d&rsquo;or qui monte &agrave; la t&ecirc;te dans les chapelles de Florence&nbsp;: la Brancacci aux Carmine, la Sassetti &agrave; Santa Trinita, la Tornabuoni &agrave; Santa Maria Novella, o&ugrave; les fresques de Masaccio, Filippo Lippi et Ghirlandaio tiennent debout comme des grands morceaux de ciel qui flambent.<br /> Je me disais&nbsp;: je vais apprendre &agrave; vivre selon ces chapelles&nbsp;; je vais faire de chacune de mes journ&eacute;es une chambre peinte, avec ses compartiments de couleur et sa narration &eacute;tag&eacute;e&nbsp;; je vais comprimer pour moi le ciel, les palais et les collines dans un petit volume de lumi&egrave;re&nbsp;; je vais ins&eacute;rer ma vie dans cet univers sans bords<a href="#nbp26" id="footnoteref26_62qd5i9" name="liennbp26" title="Id., Je cherche l'Italie, Paris, Gallimard, « L’Infini », 2015, p. 37-38.">26</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce qu&rsquo;ils partagent &eacute;galement c&rsquo;est d&rsquo;&ecirc;tre, l&rsquo;un comme l&rsquo;autre, toujours oppos&eacute;s &agrave; la <em>vilenie</em>. Aussi, la figure renardienne qui correspond &agrave; la posture haenelienne &ndash; proc&eacute;dant du &laquo;&nbsp;bras d&rsquo;honneur souriant<a href="#nbp27" id="footnoteref27_64r7ljc" name="liennbp27" title="Id., Tiens ferme ta couronne, op. cit., p. 86.">27</a> &raquo; &ndash; est bien davantage celle des premi&egrave;res branches du <em>Roman de Renart</em> (les d&eacute;buts sont marqu&eacute;s par une joyeuse maliciosit&eacute;) que celle, plus sombre, des derni&egrave;res branches, o&ugrave; Renart se r&eacute;v&egrave;le par moments brutal, hypocrite, voire m&eacute;chant et sans scrupules. En outre,&nbsp;conform&eacute;ment &agrave; la figure vulpine, Haenel/Deichel n&rsquo;est jamais moraliste<a href="#nbp28" id="footnoteref28_55qkljh" name="liennbp28" title="John Flinn, op. cit., p. 36.">28</a>. Il investit l&rsquo;humour, le registre comique, et cela de plus en plus au fil du temps<a href="#nbp29" id="footnoteref29_k3mno8z" name="liennbp29" title="Voir notamment à ce sujet la quatrième partie du long entretien accordé par l’auteur à Fabien Ribery en août 2017 : https://lintervalle.blog/2017/08/24/tiens-ferme-ta-couronne-ou-la-vision-du-daim-blanc-entretien-avec-yannick-haenel-48/.">29</a>.&nbsp;Le rire et une certaine l&eacute;g&egrave;ret&eacute;, port&eacute;e par une ivresse &agrave; la fois physique, m&eacute;taphysique et politique<a href="#nbp30" id="footnoteref30_iz3i3ic" name="liennbp30" title="Voir Tiphaine Samoyault, « L’ivresse », dans Corentin Lahouste et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), Yannick Haenel, la littérature pour absolu, op. cit., p. 95-107.">30</a>,&nbsp;constituent l&rsquo;arme principale qu&rsquo;il se donne pour affronter le sinistre ou le d&eacute;plorable.</p> <p><q>&nbsp;La pesanteur s&rsquo;efface. Il n&rsquo;y a plus de frein. Vous n&rsquo;&ecirc;tes plus accroch&eacute; au temps, vous vous d&eacute;tachez, voici que vous flottez dans un n&eacute;ant joyeux. &Ccedil;a n&eacute;antise &agrave; fond dans l&rsquo;ivresse. Justesse du n&eacute;ant, qui vous d&eacute;livre des carcans. Vous sentez bien que c&rsquo;est un &eacute;trange bonheur. Car le n&eacute;ant ne ferme pas&nbsp;; au contraire, il vous ouvre &agrave; cette acuit&eacute; qui transfigure les sons, les couleurs, les formes<a href="#nbp31" id="footnoteref31_mako3sr" name="liennbp31" title="Yannick Haenel, Le Sens du calme [2011], Paris, Gallimard, « Folio », 2012, p. 197.">31</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Une illustration suppl&eacute;mentaire de cette posture de Renart investie par Haenel &ndash; qui fait par ailleurs ressortir le r&ocirc;le d&eacute;termin&eacute;ment politique accord&eacute; &agrave; l&rsquo;art par l&rsquo;auteur &ndash; peut &ecirc;tre identifi&eacute;e dans sa participation mensuelle, depuis f&eacute;vrier 2015, &agrave; <em>Charlie Hebdo</em>. En effet, &agrave; la suite des attentats qui ont touch&eacute; le journal satirique, Haenel y tient une rubrique, &laquo;&nbsp;Papier buvard&nbsp;&raquo;, de l&rsquo;ordre du billet d&rsquo;&eacute;crivain<a href="#nbp32" id="footnoteref32_j1ere67" name="liennbp32" title="Pour une analyse plus détaillée de ces contributions, consulter Corentin Lahouste, « Débords du livre, débords du politique. Les chroniques de Yannick Haenel dans Charlie Hebdo », dans Raison publique, dossier Débordements : Littérature, arts, politique [en ligne], à paraître.">32</a>,&nbsp;qu&rsquo;il partage &agrave; tour de r&ocirc;le avec Marie Darrieussecq et Robert McLiam Wilson. La dimension politique de l&rsquo;&oelig;uvre de Haenel ne lui est pas d&rsquo;embl&eacute;e reconnue &ndash; si ce n&rsquo;est lorsqu&rsquo;il s&rsquo;est empar&eacute; de la question des sans-papiers et qu&rsquo;il a mis en sc&egrave;ne une insurrection en plein Paris avec son roman pr&eacute;cis&eacute;ment intitul&eacute; <em>Les Renards p&acirc;les</em>, qu&rsquo;une grande part de la critique a toutefois descendu en fl&egrave;che, en le d&eacute;crivant par exemple comme &laquo;&nbsp;un interminable pr&ecirc;chi-pr&ecirc;cha sur les m&eacute;chants sp&eacute;culateurs<a href="#nbp33" id="footnoteref33_euiuax3" name="liennbp33" title="Voir https://www.lexpress.fr/culture/livre/yannick-haenel-des-renards-tres-pales_1274955.html.">33</a> &raquo;,&nbsp;pour reprendre une formule de J&eacute;r&ocirc;me Dupuis. Mais la parution de ces textes brefs souligne cette dimension politique, notamment par le type de lieu d&rsquo;expression que repr&eacute;sente l&rsquo;hebdomadaire fran&ccedil;ais (plus encore dans le contexte post-attentats), c&rsquo;est-&agrave;-dire un espace de r&eacute;sistance<a href="#nbp34" id="footnoteref34_iloa2lj" name="liennbp34" title="Voir Jean-Michel Ribes, Le Rire de résistance : de Diogène à Charlie Hebdo, Boulogne, Beaux-Arts éditions, 2007.">34</a> qui ridiculise les figures de l&rsquo;ordre et de l&rsquo;autorit&eacute;. C&rsquo;est cette caract&eacute;ristique propre &agrave; <em>Charlie Hebdo</em> qui vient instruire la premi&egrave;re dimension renardienne des contributions de Haenel&nbsp;: elles se veulent frapp&eacute;es du m&ecirc;me sceau. Mais plus encore et &eacute;tant donn&eacute; l&rsquo;histoire du journal, y publier des textes revient &agrave; pr&ocirc;ner une posture de frondeur, bravant l&rsquo;autorit&eacute;.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Par ailleurs, Haenel y aborde la question (du) politique &agrave; partir de productions artistiques (livres, films, albums musicaux, expositions, etc.). Aux commentaires attendus sur l&rsquo;actualit&eacute;, il pr&eacute;f&egrave;re rapidement le d&eacute;tour des champs esth&eacute;tique et symbolique pour prendre en charge le rapport au politique<a href="#nbp35" id="footnoteref35_ohkl9jz" name="liennbp35" title="Sa quinzième chronique (« Une nuit en Allemagne ») fait écho à cette position particulière – souvent incomprise – que tient Haenel dans Charlie Hebdo, suivant laquelle il déplace voire retourne le concept de littérature engagée.">35</a>.&nbsp;Sp&eacute;cifiquement, il y d&eacute;fend et affirme l&rsquo;id&eacute;e de l&rsquo;esth&eacute;tique et du symbolique comme entit&eacute;s fonci&egrave;rement politiques qui peuvent former un discours d&eacute;cisif pour notre &eacute;poque, permettant non seulement de l&rsquo;&eacute;clairer, mais aussi de la transformer.</p> <p><q>&nbsp;J&rsquo;ai toujours trouv&eacute; plus de substance politique &ndash; plus de pens&eacute;e, mais aussi plus de c&oelig;ur &ndash; dans Dosto&iuml;evski, dans Kafka, dans Perec, dans Beckett ou dans Tarkos (le plus grand po&egrave;te fran&ccedil;ais de ces vingt derni&egrave;res ann&eacute;es) que dans les d&eacute;bats radiophoniques organis&eacute;s pour ces fripouilles d&eacute;sempar&eacute;es qu&rsquo;on appelle des politiciens.&nbsp;<br /> En lisant des romans ou de la po&eacute;sie, je me pose des questions sur la solitude et la communaut&eacute;, sur l&rsquo;esp&eacute;rance et le suicide, sur la possibilit&eacute; de la parole et du silence, sur la justesse et le refus &ndash; questions que le monde politique a d&eacute;sert&eacute;es. (chronique 20, f&eacute;vrier 2016) </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; L&rsquo;auteur-chroniqueur r&eacute;cuse de la sorte une vision du politique r&eacute;duite aux atermoiements d&rsquo;une petite caste qui se partage le pouvoir, en red&eacute;ployant son p&eacute;rim&egrave;tre d&rsquo;activit&eacute; notamment jusqu&rsquo;au territoire de la pens&eacute;e<a href="#nbp36" id="footnoteref36_aufaipo" name="liennbp36" title="Outre Bataille, il a été amené à évoquer les travaux de Mathieu Terence (Le Transhumanisme est un intégrisme), de Gilles Deleuze (sur l’acte de création), de Marie-José Mondzain (Confiscation. Des mots, des images et du temps), Marielle Macé (Sidérer, Considérer. Migrants en France), ou encore Platon (Le Banquet).">36</a>,&nbsp;fondamental et pourtant bien souvent d&eacute;laiss&eacute; au profit du sensationnel ou du doctrinaire (registre par ailleurs propre &agrave; l&rsquo;hebdomadaire fran&ccedil;ais dont Haenel se d&eacute;marque vigoureusement)&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Vous n&#39;en pouvez plus d&#39;entendre des d&eacute;clarations comme celle d&#39;Emmanuel Macron, ministre de l&rsquo;&Eacute;conomie, de l&rsquo;Industrie et du Num&eacute;rique&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il faut des jeunes Fran&ccedil;ais qui aient envie d&rsquo;&ecirc;tre milliardaires &raquo;.<br /> Vous ne pouvez plus supporter la d&eacute;sinhibition qui r&egrave;gne dans les discours, et qui permet &agrave; Bruno Le Maire, candidat &agrave; la Pr&eacute;sidentielle, de d&eacute;clarer qu&#39;il serait n&eacute;cessaire de contr&ocirc;ler les comptes en banque des personnes qui touchent le RSA &ndash; Revenu de Solidarit&eacute; Active &ndash; : car c&#39;est bien connu, les pauvres camouflent leurs milliards, tandis que les comptes en banque des vrais milliardaires &ndash; ceux que dorlote le banquier Emmanuel Macron &ndash; blanchissent impun&eacute;ment sous le soleil des &eacute;vasions fiscales.<br /> Alors, fatigu&eacute; de voir que l&#39;obsc&eacute;nit&eacute; &eacute;conomique a aval&eacute; le discours politique en France, vous plongez dans <em>La Limite de l&rsquo;utile,</em> un livre in&eacute;dit de Georges Bataille, &eacute;crits dans les ann&eacute;es quarante, que publient ces jours-ci les &eacute;ditions Lignes. (chronique 16, <a href="https://charliehebdo.fr/2016/05/politique/assigner-des-fins-splendides-a-leconomie/">accessible en ligne</a>) </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Malicieusement, il active donc l&rsquo;oblicit&eacute; propre &agrave; Renart. Il s&rsquo;agit alors pour lui, &agrave; travers ses chroniques publi&eacute;es dans le mordant p&eacute;riodique, qui t&eacute;moignent d&rsquo;une soif exp&eacute;rientielle (elle aussi &eacute;minemment vulpinienne), de toucher &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;insaisissable&nbsp;&raquo;, aux &laquo;&nbsp;corps gracieux&nbsp;&raquo;, &agrave; la &laquo;&nbsp;nuit r&ecirc;v&eacute;e<a href="#nbp37" id="footnoteref37_3h93gb9" name="liennbp37" title="Trois syntagmes qui viennent conclure sa neuvième chronique.">37</a> &raquo; qu&rsquo;agencent les &oelig;uvres artistiques qu&rsquo;il &eacute;voque.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Gr&acirc;ce aux &eacute;crivain&middot;e&middot;s, peintres, cin&eacute;astes, musicien&middot;ne&middot;s, sculpteur&middot;trice&middot;s qu&rsquo;il convoque, artistes qui &laquo;&nbsp;invente[nt] autre chose que du renoncement<a href="#nbp38" id="footnoteref38_kg7xfxo" name="liennbp38" title="Voir chronique « Personne ne sait ce qui se passe ».">38</a> et &laquo;&nbsp;conjur[ent] la violence du monde<a href="#nbp39" id="footnoteref39_kn8llus" name="liennbp39" title="Voir chronique « Regarder les morts », consacrée au roman Survivre de Frederika Amalia Finkelstein.">39</a> &raquo;, Haenel s&rsquo;efforce de mettre un terme &agrave; l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;anesth&eacute;sie g&eacute;n&eacute;rale dans les t&ecirc;tes&nbsp;&raquo; (chronique 17), en battant en br&egrave;che &laquo;&nbsp;le d&eacute;moniaque [qui] a aval&eacute; la politique&nbsp;&raquo;<a href="#nbp40" id="footnoteref40_iflw4j7" name="liennbp40" title="Voir chronique « Personne ne sait ce qui se passe ».">40</a> &raquo; et en annon&ccedil;ant &laquo;&nbsp;<em>d&rsquo;autres formes, d&rsquo;autres joies, d&rsquo;autres vies</em>&nbsp;&raquo; (chronique 18, nous soulignons). Selon trois formules tir&eacute;es de ses billets, il <em>donne &agrave; respirer</em>, <em>rallume le feu</em>, fait &agrave; nouveau <em>exister l&rsquo;horizon</em>, et cela en c&eacute;l&eacute;brant la puissance revigorante d&rsquo;&oelig;uvres artistiques (litt&eacute;raires, cin&eacute;matographiques, photographiques, picturales ou plastiques) qui permettent, comme <em>Le Voyage infini vers la mer blanche</em> de Malcolm Lowry, de &laquo;&nbsp;d&eacute;chiffrer la trame extatico-politique du monde [qui] est une joie insens&eacute;e, [&hellip;] une gorg&eacute;e de mescal, une larme de bonheur, un orgasme amoureux&nbsp;&raquo; (chronique 13), ou qui d&eacute;plient, &agrave; l&rsquo;instar des photographies de Jan Dibbets, &laquo;&nbsp;la possibilit&eacute; d&rsquo;un nouvel enchantement et d&rsquo;un nouveau savoir [&hellip;] <em>redonn[ant]</em> le monde en bouleversant notre perception du visible&nbsp;&raquo; (chronique 14). Autrement dit, par ses courts textes, il ouvre &agrave; une &laquo;&nbsp;quatri&egrave;me dimension&nbsp;&raquo; (chronique&nbsp;22) dont le mot d&rsquo;ordre, repris d&rsquo;une de ses chroniques datant de mars 2016<a href="#nbp41" id="footnoteref41_jjet17o" name="liennbp41" title="Voir https://charliehebdo.fr/2016/03/politique/quelle-est-larme-de-celui-qui-se-refuse-a-etre-arme%E2%80%89/."> 41</a>, pourrait &ecirc;tre le suivant&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;art, la vie, la politique, c&rsquo;est tout un (ou &ccedil;a n&rsquo;est pas)&nbsp;&raquo;&nbsp;; quatri&egrave;me dimension qui compose la trame souterraine philosophico-politique de son &oelig;uvre globale, inscrite sous le signe de la subversion renardienne, intrins&egrave;quement anarchique.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="749" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/Haenel.png" width="800" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">Chronique parue dans le n&deg;1202 de <em>Charlie Hebdo</em> &ndash; ao&ucirc;t 2015</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Se revendiquant de la lign&eacute;e de Renart qu&rsquo;il qualifie de &laquo;&nbsp;saint patron&nbsp;&raquo; dans <em>Je cherche l&rsquo;Italie</em><a href="#nbp42" id="footnoteref42_1x0xwpa" name="liennbp42" title="Yannick Haenel, Je cherche l'Italie, op. cit., p. 123.">42</a>,&nbsp;Haenel promeut donc une &eacute;criture &laquo;&nbsp;invent[ant] des &quot;lignes de fuite&quot; luttant contre l&rsquo;Un-sens immobile et fix&eacute;<a href="#nbp43" id="footnoteref43_xerlysw" name="liennbp43" title="Évelyne Grossman, Éloge de l’hypersensible, Paris, Minuit, « Paradoxe », 2017, p. 113.">43</a> &raquo;, une &eacute;criture qui se veut &agrave; la fois d&eacute;routante et ludique et de laquelle il s&rsquo;agit de tirer une &eacute;nergie lib&eacute;ratrice &ndash; permettant d&rsquo;atteindre des jouissances impr&eacute;visibles. La filiation fabul&eacute;e, inscrite sur un plan imaginaire et charpent&eacute;e au gr&eacute; de l&rsquo;&eacute;dification de l&rsquo;&oelig;uvre de l&rsquo;auteur, se manifeste en outre comme une br&egrave;che (d&eacute;s)identitaire &agrave; constamment investir, entre le r&eacute;el et la subjectivit&eacute; de Haenel, au sein de laquelle son identit&eacute; et son rapport au monde peuvent &ecirc;tre transfigur&eacute;s afin d&rsquo;&ecirc;tre v&eacute;cus et appr&eacute;hend&eacute;s autrement, d&rsquo;une fa&ccedil;on nouvelle. Recomposant des univers de subjectivations plurielles po&eacute;tiquement intensifi&eacute;s, elle se fait l&rsquo;embrayeur d&rsquo;une relance existentielle, d&rsquo;un red&eacute;coupage des sph&egrave;res d&rsquo;exp&eacute;rience, et s&rsquo;offre par cons&eacute;quent, en servant un dessein autant politique qu&rsquo;esth&eacute;tique, comme un <em>appel d&rsquo;air</em>, comme un <em>&eacute;largissement des possibilit&eacute;s de vivre</em>.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences :</strong></p> <p><strong>Bibliographie&nbsp;:</strong></p> <p>John Flinn, <em>Le Roman de Renart dans la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise et dans les litt&eacute;ratures &eacute;trang&egrave;res au Moyen &Acirc;ge</em>, Toronto, University of Toronto Press, 1963.</p> <p>Alexandre Gefen, <em>R&eacute;parer le monde. La litt&eacute;rature fran&ccedil;aise face au XXI<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Corti, 2017.</p> <p>&Eacute;velyne Grossman, <em>&Eacute;loge de l&rsquo;hypersensible</em>, Paris, Minuit, &laquo;&nbsp;Paradoxe&nbsp;&raquo;, 2017.</p> <p>Yannick Haenel, <em>Introduction &agrave; la mort fran&ccedil;aise</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2001.</p> <p>Yannick Haenel, <em>&Eacute;voluer parmi les avalanches</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2003.</p> <p>Yannick Haenel, <em>Cercle</em> [2007], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2009.</p> <p>Yannick Haenel, <em>Le Sens du calme</em> [2011], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2012.</p> <p>Yannick Haenel, <em>Les Renards p&acirc;les</em> [2013], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2015.</p> <p>Yannick Haenel, <em>Je cherche l&#39;Italie</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2015.</p> <p>Yannick Haenel, <em>Tiens Ferme Ta Couronne</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2017.</p> <p>Yannick Haenel, &laquo;&nbsp;La panoplie litt&eacute;raire de Yannick Haenel&nbsp;&raquo;, <em>D&eacute;capage</em>, n&deg; 59, automne-hiver 2018, p.&nbsp;63-115.</p> <p>Yannick Haenel, &laquo;&nbsp;Papier buvard&nbsp;&raquo;, <em>Charlie Hebdo</em>, f&eacute;vrier 2015-aujourd&rsquo;hui.</p> <p>Yannick Haenel et Jean de Loisy, <em>Roman &ndash; L&rsquo;&eacute;l&eacute;gance, la science, la violence&nbsp;! [Panorama 19]</em>, Tourcoing, Le Fresnoy &ndash; Studio national des arts contemporains/Les presses du r&eacute;el, 2017.</p> <p>Bertrand Leclair, <em>Th&eacute;orie de la d&eacute;route</em>, Paris, Le Seuil, &laquo;&nbsp;Verticales&nbsp;&raquo;, 2001.</p> <p>Corentin Lahouste, &laquo;&nbsp;Le satirique au service d&rsquo;une vivification du po&eacute;tique. <em>Introduction &agrave; la mort fran&ccedil;aise</em> de Yannick Haenel&nbsp;&raquo;, dans Denis Saint-Amand et David Vrydachs (dir.), <em>La veine satirique de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise contemporaine</em>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, sous presse.</p> <p>Corentin Lahouste, &laquo;&nbsp;D&eacute;bords du livre, d&eacute;bords du politique. Les chroniques de Yannick Haenel dans <em>Charlie Hebdo</em>&nbsp;&raquo;, dans <em>Raison publique</em>, dossier <em>D&eacute;bordements&nbsp;: Litt&eacute;rature, arts, politique</em>, &agrave; para&icirc;tre [en ligne].</p> <p>Corentin Lahouste et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), <em>Yannick Haenel, la litt&eacute;rature pour absolu</em>, Paris, Hermann, &laquo;&nbsp;Vertige de la langue&nbsp;&raquo;, 2020.</p> <p>Jean-Michel Ribes, <em>Le Rire de r&eacute;sistance&nbsp;: de Diog&egrave;ne &agrave; Charlie Hebdo</em>, Boulogne, Beaux-Arts &eacute;ditions, 2007.</p> <p>Dominique Rabat&eacute;, &laquo;&nbsp;R&eacute;cit ou roman&nbsp;? R&eacute;flexions actuelles sur un d&eacute;bat fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;, dans Jean-Luc Bayard et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.), <em>Vous avez dit contemporain&nbsp;? Enseigner les litt&eacute;ratures d&rsquo;aujourd&rsquo;hui</em>, Saint-&Eacute;tienne, Presses Universitaires de Saint-&Eacute;tienne, 2007, p.&nbsp;17-24.</p> <p>Th&eacute;r&egrave;se Saint-Gelais (dir.), <em>L&rsquo;Ind&eacute;cidable &ndash; &eacute;carts et d&eacute;placements de l&rsquo;art actuel</em>, Montr&eacute;al, Esse &eacute;ditions, 2008.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1 </a>Yannick Haenel dans Yannick Haenel et Corentin Lahouste, &laquo;&nbsp;S&rsquo;&eacute;tablir dans le libre rien. <em>Se maintenir dans le sans-attache</em>&nbsp;&raquo;. Entretien, dans <em>Revue</em> <em>T&ecirc;te-&agrave;-t&ecirc;te</em>, n&deg; 8 &ndash; <em>Dispara&icirc;tre</em>, septembre 2017, p.&nbsp;55.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2</a> Il a notamment &eacute;t&eacute; couronn&eacute; par le Prix Goncourt de la po&eacute;sie en 2013 et par le Grand prix de litt&eacute;rature de l&rsquo;Acad&eacute;mie Fran&ccedil;aise, pour l&rsquo;ensemble de son &oelig;uvre, en 2017.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a> Alexandre Gefen, <em>R&eacute;parer Le Monde. La litt&eacute;rature fran&ccedil;aise face au XXI<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Corti, 2017, p.&nbsp;59.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> Jean-Philippe Uzel, &laquo;&nbsp;Les objets <em>trickster</em> de l&rsquo;art actuel&nbsp;&raquo;, dans Th&eacute;r&egrave;se Saint-Gelais (dir.), <em>L&rsquo;Ind&eacute;cidable &ndash; &eacute;carts et d&eacute;placements de l&rsquo;art actuel</em>, Montr&eacute;al, Esse &eacute;ditions, 2008, p.&nbsp;40, nous soulignons.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> John Flinn, <em>Le Roman de Renart dans la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise et dans les litt&eacute;ratures &eacute;trang&egrave;res au Moyen &Acirc;ge</em>, Toronto, University of Toronto Press, 1963, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a> Dominique Rabat&eacute;, &laquo;&nbsp;La naissance d&rsquo;une d&eacute;sertion. Retour aux <em>Petits soldats</em>&nbsp;&raquo;, dans Corentin Lahouste et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), <em>Yannick Haenel, la litt&eacute;rature pour absolu</em>, Paris, Hermann, &laquo;&nbsp;Vertige de la langue&nbsp;&raquo;, 2020, p.&nbsp;43.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Au fil des pages, sont ainsi &eacute;voqu&eacute;es les &oelig;uvres de tr&egrave;s nombreux &eacute;crivains (Dante, Shakespeare, Pascal, Flaubert, Dosto&iuml;evski, Rimbaud, Nietzsche, Melville, Proust, Kafka, Joyce, Bataille, Beckett, Duras, Lev&eacute;, pour ne citer qu&rsquo;eux), mais aussi de peintres (Le Caravage, Rembrandt, Modigliani, Opalka, Twombly), de cin&eacute;astes (Michael Cimino, Francis Ford Coppola, Alain Resnais, Leos Carax), ou encore de musiciens (John Coltrane, Lou Reed, David Bowie, Bob Dylan, Aphex Twin).</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8</a> Yannick Haenel et Jean de Loisy, <em>Roman &ndash; L&rsquo;&eacute;l&eacute;gance, la science, la violence&nbsp;! [Panorama 19]</em>, Tourcoing, Le Fresnoy &ndash; Studio national des arts contemporains/Les presses du r&eacute;el, 2017, p.&nbsp;176-177.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a> Yannick Haenel, <em>Introduction &agrave; la mort fran&ccedil;aise</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2001. Dor&eacute;navant abr&eacute;g&eacute; en <em>IMF</em> pour les citations s&rsquo;y rapportant dans le texte.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10</a> Voir <a href="http://www.e-litterature.net/irma/haenel.htm">http://www.e-litterature.net/irma/haenel.htm</a>.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11 </a>Sur la dynamique satirique &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans <em>Introduction &agrave; la mort fran&ccedil;aise</em>, lire Corentin Lahouste, &laquo;&nbsp;Le satirique au service d&rsquo;une vivification du po&eacute;tique. <em>Introduction &agrave; la mort fran&ccedil;aise</em> de Yannick Haenel&nbsp;&raquo;, dans Denis Saint-Amand et David Vrydachs (dir.), <em>La Veine satirique de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise contemporaine</em>, Rennes, Presses universitaires de Rennes, &laquo;&nbsp;Interf&eacute;rences&nbsp;&raquo;, sous presse.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12</a> Voir Dominique Rabat&eacute;,&nbsp;&laquo;&nbsp;R&eacute;cit ou roman&nbsp;? R&eacute;flexions actuelles sur un d&eacute;bat fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;, dans Jean-Luc Bayard et Anne-Marie Mercier-Faivre (dir.), <em>Vous Avez Dit Contemporain&nbsp;? Enseigner Les Litt&eacute;ratures d&rsquo;aujourd&rsquo;hui</em>, Saint-Etienne, Presses Universitaires de Saint-&Eacute;tienne, 2007, p.&nbsp;24.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> C&rsquo;est pourquoi la vision du Panth&eacute;on qui &laquo;&nbsp;crame&nbsp;&raquo;, pour reprendre le terme utilis&eacute; dans le roman (p.&nbsp;45), l&rsquo;exalte.</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> Voir Yannick Haenel, &laquo;&nbsp;La panoplie litt&eacute;raire de Yannick Haenel&nbsp;&raquo;, <em>D&eacute;capage</em>, n&deg; 59, automne-hiver 2018, p.&nbsp;72.</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> Yannick Haenel, <em>Cercle</em> [2007], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2009, p.&nbsp;244-245.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> Cette mise en sc&egrave;ne sp&eacute;cifique de soi en tant qu&rsquo;homme myst&eacute;rieux, &eacute;vanescent, se fait &eacute;galement jour dans la sph&egrave;re priv&eacute;e, comme lorsque pour une photographie de famille r&eacute;alis&eacute;e prestement, Haenel arbore un masque de canid&eacute; (renard ou, peut-&ecirc;tre, raton laveur) et ne donne donc pas acc&egrave;s &agrave; son visage.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> En effet, le nom <em>Deichel</em> est inspir&eacute; de celui d&rsquo;une rivi&egrave;re alsacienne (r&eacute;gion de laquelle provient Haenel), l&rsquo;Eichel, qui a pris pour lui, &agrave; la faveur d&rsquo;une exp&eacute;rience relat&eacute;e dans <em>Le sens du calme</em> (p. 135-137), une valeur symbolique touchant &agrave; la m&eacute;moire de la litt&eacute;rature.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18</a> Yannick Haenel, <em>&Eacute;voluer Parmi Les Avalanches</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2003, p.&nbsp;11, nous soulignons.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19</a> Celle-ci se distingue toutefois en tant qu&rsquo;elle renvoie &agrave; un ensemble de manuscrits disparates &eacute;manant de plusieurs auteurs.</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a> Yannick Haenel, <em>Tiens ferme ta couronne</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2017, p.&nbsp;86.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21</a> Le roman est d&rsquo;ailleurs explicitement (et malicieusement) &eacute;voqu&eacute; &agrave; la deux-cent-quarante-quatri&egrave;me page de l&rsquo;opus r&eacute;cipiendaire du prix M&eacute;dicis&nbsp;: &laquo; Alors, j&rsquo;ai prononc&eacute; &agrave; voix haute, en &eacute;clatant de rire, cette phrase qui &eacute;tait l&rsquo;<em>incipit</em> d&rsquo;un de mes anciens romans et qui, aujourd&rsquo;hui, me semblait dr&ocirc;le&nbsp;: &quot;C&rsquo;est maintenant qu&rsquo;il faut reprendre vie.&quot;&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22 </a>Myriam Watthee-Delmotte, &raquo;&nbsp;Yannick Haenel, signe de contradictions&nbsp;&raquo;, dans Corentin Lahouste et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), <em>Yannick Haenel, la litt&eacute;rature pour absolu</em>,<em> op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;215.</p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23</a> Voir Yannick Haenel, &laquo;&nbsp;Le 17 avril&nbsp;&raquo;, texte in&eacute;dit dans <em>ibid</em>., p.&nbsp;15-22. Il affirme notamment la chose suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le chien et le loup me guident &agrave; tour de r&ocirc;le, parfois simultan&eacute;ment, sans jamais se r&eacute;concilier&nbsp;&raquo;. Et compl&egrave;te de la sorte&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ainsi la dimension des phrases est-elle fondamentalement tumultueuse&nbsp;: elle exige de ma part une endurance, un inapaisement, <em>une ruse&nbsp;</em>&raquo; (p. 18, nous soulignons).</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24</a> Bertrand Leclair, <em>Th&eacute;orie de la d&eacute;route</em>, Paris, Le Seuil, &laquo;&nbsp;Verticales&nbsp;&raquo;, 2001, p.&nbsp;79.</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25</a> Yannick Haenel, <em>Les Renards p&acirc;les</em> [2013], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2015, p.&nbsp;53.</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26</a><em> Id</em>., <em>Je cherche l&#39;Italie</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Infini&nbsp;&raquo;, 2015, p.&nbsp;37-38.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27</a><em> Id.</em>, <em>Tiens ferme ta couronne</em>, <em>op. cit</em>., p.&nbsp;86.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28</a> John Flinn, <em>op.&nbsp;cit</em>., p.&nbsp;36.</p> <p><a href="#liennbp29" name="nbp29">29</a> Voir notamment &agrave; ce sujet la quatri&egrave;me partie du long entretien accord&eacute; par l&rsquo;auteur &agrave; Fabien Ribery en ao&ucirc;t 2017&nbsp;: <a href="https://lintervalle.blog/2017/08/24/tiens-ferme-ta-couronne-ou-la-vision-du-daim-blanc-entretien-avec-yannick-haenel-48/">https://lintervalle.blog/2017/08/24/tiens-ferme-ta-couronne-ou-la-vision-du-daim-blanc-entretien-avec-yannick-haenel-48/</a>.</p> <p><a href="#liennbp30" name="nbp30">30</a> Voir Tiphaine Samoyault, &laquo;&nbsp;L&rsquo;ivresse&nbsp;&raquo;, dans Corentin Lahouste et Myriam Watthee-Delmotte (dir.), <em>Yannick Haenel, la litt&eacute;rature pour absolu</em>,<em> op.&nbsp;cit.</em>, p.&nbsp;95-107.</p> <p><a href="#liennbp31" name="nbp31">31</a> Yannick Haenel, <em>Le Sens du calme</em> [2011], Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 2012, p.&nbsp;197.</p> <p><a href="#liennbp32" name="nbp32">32</a> Pour une analyse plus d&eacute;taill&eacute;e de ces contributions, consulter Corentin Lahouste, &laquo;&nbsp;D&eacute;bords du livre, d&eacute;bords du politique. Les chroniques de Yannick Haenel dans <em>Charlie Hebdo</em>&nbsp;&raquo;, dans <em>Raison publique</em>, dossier <em>D&eacute;bordements&nbsp;: Litt&eacute;rature, arts, politique</em> [en ligne], &agrave; para&icirc;tre.</p> <p><a href="#liennbp33" name="nbp33">33</a> Voir <a href="https://www.lexpress.fr/culture/livre/yannick-haenel-des-renards-tres-pales_1274955.html">https://www.lexpress.fr/culture/livre/yannick-haenel-des-renards-tres-pales_1274955.html</a>.</p> <p><a href="#liennbp34" name="nbp34">34</a> Voir Jean-Michel Ribes, <em>Le Rire de r&eacute;sistance&nbsp;: de Diog&egrave;ne &agrave; Charlie Hebdo</em>, Boulogne, Beaux-Arts &eacute;ditions, 2007.</p> <p><a href="#liennbp35" name="nbp35">35</a> Sa quinzi&egrave;me chronique (&laquo;&nbsp;Une nuit en Allemagne&nbsp;&raquo;) fait &eacute;cho &agrave; cette position particuli&egrave;re &ndash; souvent incomprise &ndash; que tient Haenel dans <em>Charlie Hebdo</em>, suivant laquelle il d&eacute;place voire retourne le concept de litt&eacute;rature engag&eacute;e.</p> <p><a href="#liennbp36" name="nbp36">36</a> Outre Bataille, il a &eacute;t&eacute; amen&eacute; &agrave; &eacute;voquer les travaux de Mathieu Terence (<em>Le Transhumanisme est un int&eacute;grisme</em>), de Gilles Deleuze (sur l&rsquo;acte de cr&eacute;ation), de Marie-Jos&eacute; Mondzain (<em>Confiscation. Des mots, des images et du temps</em>), Marielle Mac&eacute; (<em>Sid&eacute;rer, Consid&eacute;rer. Migrants en France</em>), ou encore Platon (<em>Le Banquet</em>).</p> <p><a href="#liennbp37" name="nbp37">37</a> Trois syntagmes qui viennent conclure sa neuvi&egrave;me chronique.</p> <p><a href="#liennbp38" name="nbp38">38</a> Voir chronique &laquo;&nbsp;Personne ne sait ce qui se passe&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp39" name="nbp39">39</a> Voir chronique &laquo;&nbsp;Regarder les morts&nbsp;&raquo;, consacr&eacute;e au roman <em>Survivre</em> de Frederika Amalia Finkelstein.</p> <p><a href="#liennbp40" name="nbp40">40</a> Voir chronique &laquo;&nbsp;Personne ne sait ce qui se passe&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp41" name="nbp41">41</a> Voir <a href="https://charliehebdo.fr/2016/03/politique/quelle-est-larme-de-celui-qui-se-refuse-a-etre-arme%E2%80%89/">https://charliehebdo.fr/2016/03/politique/quelle-est-larme-de-celui-qui-se-refuse-a-etre-arme%E2%80%89/</a>.</p> <p><a href="#liennbp42" name="nbp42">42</a> Yannick Haenel, <em>Je cherche l&#39;Italie</em>, <em>op. cit</em>., p.&nbsp;123.</p> <p><a href="#liennbp43" name="nbp43">43</a> &Eacute;velyne Grossman, <em>&Eacute;loge de l&rsquo;hypersensible</em>, Paris, Minuit, &laquo;&nbsp;Paradoxe&nbsp;&raquo;, 2017, p.&nbsp;113.</p>