<p>&nbsp;&nbsp; Honor&eacute; de Balzac est l&rsquo;un des pionniers de la vision proprement historique du pr&eacute;sent. En 1842, lorsqu&rsquo;il &eacute;crit dans l&rsquo;avant-propos de&nbsp;<em>La Com&eacute;die humaine</em>&nbsp;la c&eacute;l&egrave;bre formule &laquo;&nbsp;la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise allait &ecirc;tre l&rsquo;historien, je ne devais &ecirc;tre que le secr&eacute;taire<a href="#nbp1" id="footnoteref1_51co0os" name="liennbp1" title=" Honoré de Balzac, « Avant-propos » (1842), dans La Comédie humaine, t. I, éd. Pierre-Georges Castex (dir.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1976, p. 11.">1</a> &raquo;, il pense sans doute &agrave; son r&ocirc;le d&rsquo;&eacute;crivain. Mais ses efforts pour compter dans la presse de son temps montrent qu&rsquo;il a aussi conscience que les journalistes, y compris lui-m&ecirc;me, contribuent &agrave; l&rsquo;histoire du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle que la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise est en train d&rsquo;&eacute;crire.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &Agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, tout lecteur d&rsquo;un journal partage le sentiment, aussi illusoire soit-il, d&rsquo;&ecirc;tre t&eacute;moin et parfois m&ecirc;me acteur de l&rsquo;histoire en construction gr&acirc;ce au nouveau lien que le syst&egrave;me m&eacute;diatique &eacute;tablit entre les individus et le monde. Mais cette irruption pr&eacute;sum&eacute;e de l&rsquo;histoire dans l&rsquo;espace journalistique induit cependant une confusion syst&eacute;matique entre l&rsquo;<em>actualit&eacute;</em> et l&rsquo;<em>historicit&eacute;</em>, tout &eacute;v&eacute;nement ayant vocation &agrave; &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme historique, chaque instant qui passe &eacute;tant un moment d&rsquo;histoire en construction. Alain Vaillant emprunte une notion &agrave; la rh&eacute;torique traditionnelle des figures et nomme &laquo;&nbsp;hypotypose journalistique&nbsp;&raquo; cet effet de grossissement, qui procure au lecteur la double sensation qu&rsquo;il a &eacute;t&eacute; pour ainsi dire pr&eacute;sent &agrave; l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement et que cet &eacute;v&eacute;nement &eacute;tait historiquement capital<a href="#nbp2" id="footnoteref2_k6zsmxo" name="liennbp2" title=" Alain Vaillant, « L’Histoire au quotidien », dans Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty et Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Éditions du Nouveau Monde, 2012, p. 1322.">2</a>. Avec l&rsquo;affaire Dreyfus et le fameux &laquo;&nbsp;J&rsquo;Accuse&hellip;&nbsp;!&nbsp;&raquo; de Zola publi&eacute; par<em> L&rsquo;Aurore</em>, la puissance de la presse atteint son paroxysme et entre dans une &eacute;tape nouvelle de son histoire, bien qu&rsquo;une grande crise d&rsquo;identit&eacute; du journalisme fran&ccedil;ais couve depuis la naissance d&rsquo;une nouvelle presse, que certains ont pu d&eacute;noncer comme &laquo;&nbsp;am&eacute;ricanis&eacute;e&nbsp;&raquo;. La presse, tout au long de la premi&egrave;re moiti&eacute; du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, se heurte &agrave; des obstacles. Concurrenc&eacute;e par de nouveaux m&eacute;dias, la radio et les actualit&eacute;s film&eacute;es, elle est domin&eacute;e par le pouvoir politique et les puissances d&rsquo;argent&nbsp;: se trouvant &laquo;&nbsp;au milieu du gu&eacute;<a href="#nbp3" id="footnoteref3_1g11325" name="liennbp3" title=" Thomas Ferenczi, L’invention du journalisme en France, Paris, Plon, 1993, p. 237.">3</a> &raquo;, la presse fran&ccedil;aise doit trouver des compromis face &agrave; ces difficult&eacute;s. Mais dans le m&ecirc;me temps, elle ne renonce jamais &agrave; la tradition du journalisme litt&eacute;raire qui la distingue de ses concurrents europ&eacute;ens.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty a men&eacute; l&rsquo;enqu&ecirc;te sur l&rsquo;histoire des femmes journalistes des ann&eacute;es 1830 jusqu&rsquo;&agrave; la Seconde Guerre mondiale<a href="#nbp4" id="footnoteref4_ymtheft" name="liennbp4" title=" Marie-Ève Thérenty, Femmes de presse, femmes de lettres : de Delphine de Girardin à Florence Aubenas, Paris, CNRS Éditions, 2019, p. 19.">4</a>, en &eacute;clairant leurs pratiques du m&eacute;tier, leurs postures et leurs po&eacute;tiques innovantes. Selon elle, pour mieux se pr&eacute;senter ou se repr&eacute;senter dans un champ dans lequel les femmes manquent <em>a priori</em> de l&eacute;gitimit&eacute;, certaines femmes journalistes tendent &agrave; neutraliser ou masculiniser les postures qui sont souvent tr&egrave;s genr&eacute;es, alors que d&rsquo;autres cherchent &agrave; valoriser l&rsquo;existence et la possibilit&eacute; d&rsquo;aptitudes sp&eacute;cifiques des femmes &agrave; la profession.&nbsp;Marguerite Duras est certainement l&rsquo;h&eacute;riti&egrave;re de ces derni&egrave;res<a href="#nbp5" id="footnoteref5_uk7rmsd" name="liennbp5" title=" Ibid., p. 363 : « Je terminerai par trois cas représentatifs dans l’après Seconde Guerre mondiale : Françoise Giroud, la cofondatrice en 1953 de l’Express qu’elle a codirigé jusqu’en 1974 ; Marguerite Duras, l’auteur du plus gros scandale qu’une journaliste française ait jamais causé avec l’article « Sublime, forcément sublime Christine V. » en 1985, et Florence Aubenas qui, avec son reportage immergé Le Quai de Ouistreham en 2000, a prouvé que les pratiques des femmes journalistes d’avant-guerre peuvent trouver une nouvelle actualité dans le paysage contemporain. Ces trois expériences fortement différentes par leur contexte, leur style et leur positionnement dans le champ médiatique et littéraire, témoignent toutes d’une mémoire de la différence et de la manière de la réduire ou de la surmonter par la ‘’littérature”. »">5</a>. Mais &agrave; la diff&eacute;rence de ses cons&oelig;urs qui sont pour la plupart tomb&eacute;es dans l&rsquo;oubli aujourd&rsquo;hui, elle se fait remarquer dans la deuxi&egrave;me moiti&eacute; du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle par ses engagements intellectuels qui t&eacute;moignent de sa participation &agrave; l&rsquo;histoire et ses po&eacute;tiques journalistiques qui lui permettent de raconter l&rsquo;autre sc&egrave;ne de l&rsquo;histoire.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Cet article examine ainsi de quelle mani&egrave;re Marguerite Duras rend compte de l&rsquo;actualit&eacute; du grand &eacute;v&eacute;nement dans l&rsquo;espace journalistique et dans quelle mesure sa po&eacute;tique journalistique &eacute;volue au cours de la p&eacute;riode 1957-1980. En nous appuyant sur des sources de presse, des journaux et revues auxquels Marguerite Duras a contribu&eacute;, &agrave; savoir <em>France-Observateur</em>, <em>Le Nouvel Observateur</em>, <em>Sorci&egrave;res</em>, <em>Cahiers du Cin&eacute;ma</em> et <em>Lib&eacute;ration</em>, nous analyserons les rapports qu&rsquo;entretiennent les textes journalistiques de Marguerite Duras avec l&rsquo;histoire, ainsi que les postures qu&rsquo;elle a successivement endoss&eacute;es pour intervenir dans la presse. De prime abord, nous nous demanderons dans quelle mesure le journalisme durassien se nourrit de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, et comment Duras retravaille l&rsquo;&eacute;v&eacute;nementialit&eacute;. C&rsquo;est que nous appelons la posture d&rsquo;Antigone. Ensuite, nous proposerons d&rsquo;analyser de quelle fa&ccedil;on Marguerite Duras r&eacute;&eacute;crit, sinon r&eacute;invente des petites histoires, des facettes anodines de la vie ainsi que des nouvelles attrap&eacute;es dans la rue, pour les faire entrer dans sa po&eacute;tique journalistique. Ce sera la posture de la Sorci&egrave;re. Enfin nous montrerons que le dernier temps de sa r&eacute;interpr&eacute;tation m&eacute;diatique de l&rsquo;histoire passe par un travail sur la po&eacute;tisation et la fictionnalisation de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement d&rsquo;actualit&eacute;&nbsp;: Duras s&rsquo;incarne alors fantasmatiquement en Pythie. &nbsp;</p> <h2><strong>L&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne &laquo;&nbsp;Antigone&nbsp;&raquo; se confronte au grand &eacute;v&eacute;nement&nbsp;: le travail sur l&rsquo;&eacute;v&eacute;nementialit&eacute;</strong></h2> <p><q>&nbsp;Dans ces fractures de l&rsquo;Histoire, Duras ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre &agrave; son aise, comme si son &ecirc;tre entier ne trouvait de r&eacute;elle signification que dans ces temps de passion, de tension, o&ugrave; l&rsquo;homme se r&eacute;v&egrave;le &agrave; lui-m&ecirc;me, dans le danger et le risque, contraint aux choix, accul&eacute; &agrave; prendre parti. Elle aime ces situations extr&ecirc;mes o&ugrave; son engagement est entier, o&ugrave; la trag&eacute;die revient sur le th&eacute;&acirc;tre du monde, o&ugrave; elle redevient, comme par spasmes, la petite h&eacute;ro&iuml;ne Antigone, comparable encore &agrave; cette figure de Jeanne d&rsquo;Arc pour laquelle elle &eacute;prouve une grande fascination, &laquo;&nbsp;sublime&nbsp;&raquo;, dit-elle, dans <em>Les Parleuses</em><a href="#nbp6" id="footnoteref6_8n48zdn" name="liennbp6" title="  Alain Vircondelet, Marguerite Duras : la traversée d’un siècle, Paris, Plon, 2013, p. 201.">6</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Depuis ses d&eacute;buts journalistiques en 1957 jusqu&rsquo;aux ann&eacute;es 1980, les grands &eacute;v&eacute;nements comme la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie, les mouvements sociaux comme Mai 1968 et le Mouvement de lib&eacute;ration des femmes (MLF), ainsi que les conflits internationaux semblent &ecirc;tre la p&acirc;ture de l&rsquo;&eacute;criture journalistique de Marguerite Duras. Un grand nombre d&rsquo;articles parus dans la presse t&eacute;moigne de son grand enthousiasme et elle trouve de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t intellectuel &agrave; traiter &agrave; sa fa&ccedil;on les &eacute;v&eacute;nements qui ont occup&eacute; les Unes, constitu&eacute; les scoops et les chocs de l&rsquo;&eacute;poque.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Apr&egrave;s quelques piges donn&eacute;es ici ou l&agrave;, Marguerite Duras d&eacute;bute vraiment comme journaliste en 1957, l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; l&rsquo;actualit&eacute; en France est domin&eacute;e par le conflit alg&eacute;rien<a href="#nbp7" id="footnoteref7_d6fx72i" name="liennbp7" title=" Le 7 janvier 1957, le gouvernement français confie au général Jacques Massu les pleins pouvoirs de police sur le Grand Alger dans le but de mettre fin aux activités « terroristes » animées par le FLN. Ce dernier réplique par une recrudescence d’attentats à la bombe et une grève générale qui débute le 28 janvier. En réaction, l’armée exerce une sévère répression, arrête un grand nombre de suspects et recourt à la torture pour obtenir des informations et démanteler les organisations secrètes dans l’agglomération. Par conséquent, de nombreux dirigeants du FLN sont capturés au mois de février, y compris Larbi Ben M’hidi qui est assassiné après avoir été torturé.">7</a>. C&rsquo;est le 28 f&eacute;vrier 1957, en pleine bataille d&rsquo;Alger, que Marguerite Duras publie son premier article intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Fleurs de l&rsquo;Alg&eacute;rien&nbsp;&raquo; &agrave; la quatorzi&egrave;me page de <em>France-Observateur</em>, l&rsquo;organe hebdomadaire de gauche qui, avec <em>L&rsquo;Express</em>, prend la t&ecirc;te du combat pour la d&eacute;colonisation dans les ann&eacute;es 1950<a href="#nbp8" id="footnoteref8_pz5t40x" name="liennbp8" title="  Laurent Martin, La Presse écrite en France au XXe siècle, Paris, Librairie Générale Française, 2005, p.143-147.">8</a>. &Agrave; mesure que la guerre devient de plus en plus violente, elle fait para&icirc;tre une s&eacute;rie d&rsquo;articles qui racontent le retentissement&nbsp;de la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie : la x&eacute;nophobie et le chauvinisme en France m&eacute;tropolitaine apr&egrave;s les attentats du F.L.N. (&laquo;&nbsp;Tourisme &agrave; Paris&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, 25 juillet 1957 <a href="#nbp9" id="footnoteref9_jehtyyu" name="liennbp9" title="  Le 28 mai 1957, la rivalité sanglante entre le F.L.N. et le M.N.A. culmine avec le massacre de la population civile du douar Melouza, causant 301 morts et 14 blessés. Le 11 juin, Maurice Audin est arrêté, puis disparaît et meurt à une date inconnue. C’est au mois de juillet durant l’acmé de la bataille d’Alger que Duras donne au France-Observateur son article sous un titre anodin « Tourisme de Paris ».">9</a>), les &eacute;chos des combats dans l&rsquo;est-Constantinois &agrave; Paris (&laquo;&nbsp;Alors, on ne guillotine plus&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, 19 d&eacute;cembre 1957), la naissance de la revue de contestation politique <em>Le 14 Juillet</em> (&laquo;&nbsp;Pourquoi&nbsp;<em>Le 14 Juillet&nbsp;</em>?&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, 24 juillet 1958), la capitale d&eacute;serte apr&egrave;s le putsch d&rsquo;Alger et la rem&eacute;moration en filigrane du bombardement d&rsquo;Hiroshima (&laquo;&nbsp;Paris, six d&rsquo;ao&ucirc;t&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, 7 ao&ucirc;t 1958). Maniant une &eacute;criture efficace, Marguerite Duras saisit sur le vif les d&eacute;tails et les indices des vies ordinaires et les remet dans un contexte d&rsquo;actualit&eacute; plus large. Sous sa plume se dessinent la lutte et les frissons de chaque individu dont le destin est indissociablement li&eacute; aux &eacute;v&eacute;nements de l&rsquo;&eacute;poque et profond&eacute;ment influenc&eacute; par les troubles du monde.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Peu apr&egrave;s, avec le retour du g&eacute;n&eacute;ral de Gaulle au pouvoir, Duras revit le cauchemar de la Seconde Guerre mondiale&nbsp;: les crimes nazis, l&rsquo;&eacute;limination des Juifs, l&rsquo;attente d&eacute;sesp&eacute;r&eacute;e de son mari Robert Antelme d&eacute;port&eacute; en Allemagne&hellip; Cette fois, les &eacute;v&eacute;nements du pass&eacute; et ceux du pr&eacute;sent se croisent, redoublant le chagrin. C&rsquo;est pourquoi le 9 novembre 1961, moins d&rsquo;un mois apr&egrave;s le&nbsp;massacre du&nbsp;17 octobre 1961 <a href="#nbp10" id="footnoteref10_5dp6127" name="liennbp10" title=" Le massacre du 17 octobre 1961 est la répression meurtrière par la police française des manifestations pacifiques des milliers d’Algériens à Paris. Il y a eu des dizaines de morts dont les corps ont été jetés dans la Seine, des centaines de blessés et plus de 1000 arrestations.">10</a>, Marguerite Duras publie &laquo;&nbsp;Les Deux ghettos&nbsp;&raquo; et met en parall&egrave;le l&rsquo;entretien avec deux Alg&eacute;riens et la confidence d&rsquo;une survivante du ghetto de Varsovie. La convocation de l&rsquo;histoire, par la comparaison entre les Alg&eacute;riens et les Juifs, sert &agrave; &eacute;clairer le moment pr&eacute;sent, comme en t&eacute;moigne ce propos indiff&eacute;rent et cruel de M., la survivante du ghetto&nbsp;: &laquo;&nbsp;J&rsquo;ai appris hier qu&rsquo;il y avait beaucoup d&rsquo;Alg&eacute;riens noy&eacute;s dans la Seine. Il n&rsquo;y a l&agrave;-dedans rien d&rsquo;&eacute;tonnant pour moi<a href="#nbp11" id="footnoteref11_qa6ojud" name="liennbp11" title="  Marguerite Duras, « Les Deux Ghettos », France-Observateur, n° 601, 9 novembre 1961, p. 8-10.">11</a> &raquo;.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="710" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/Feng%201.png" width="500" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">&laquo;&nbsp;Les Fleurs de l&rsquo;Alg&eacute;rien&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, 28 f&eacute;vrier 1957</p> </figcaption> </figure> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="706" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/Feng%202.png" width="500" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">&laquo;&nbsp;Alors, on ne guillotine plus&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, 19 d&eacute;cembre 1957</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; En effet, Marguerite Duras fait partie des rares journalistes qui osent prendre la parole pendant la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie, &eacute;tant donn&eacute; que cette guerre divise la soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise&nbsp;: la prise de position inappropri&eacute;e risque de d&eacute;fier voire de trahir le pouvoir &eacute;tabli ainsi que les principes d&rsquo;&Eacute;tat. Mais Marguerite Duras &eacute;prouve quand m&ecirc;me ostensiblement de la compassion pour les &laquo;&nbsp;ennemis&nbsp;&raquo; du pays. C&rsquo;est pourquoi Alain Vircondelet la qualifie de &laquo;&nbsp;petite Antigone<a href="#nbp12" id="footnoteref12_91iko9s" name="liennbp12" title="  Alain Vircondelet, Marguerite Duras : la traversée d’un siècle, op. cit., p. 201.">12</a> &raquo;, convoquant ainsi l&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne grecque qui, au nom de l&rsquo;amour fraternel, se hasarde &agrave; enfreindre les lois de la cit&eacute; pour ramasser les cadavres de ses fr&egrave;res qui s&rsquo;&eacute;taient associ&eacute;s aux tra&icirc;tres&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je ne suis pas faite pour vivre avec ta haine, mais pour &ecirc;tre avec ce que j&rsquo;aime&nbsp;<a href="#nbp13" id="footnoteref13_793ahal" name="liennbp13" title=" Sophocle, Antigone, traduction de Jean et Mayotte Bollack, Paris, Éditions de Minuit, 1999, p. 38 : « Créon : Mais le bon et le méchant ne sont pas égaux en matière de droits. Antigone : Ces principes sont-ils sacrés sous terre, qui sait ? Créon : Jamais l’ennemi n’est ami, même s’il est mort. Antigone : Je ne suis pas faite pour vivre avec ta haine, mais pour être avec ce que j’aime. » Cette phrase est également citée par Vincent Estellon, « Mémoire, genre, identité et lien social : le cri d’Antigone », L’Esprit du temps, n° 58, février 2010, p. 146 : « Figure politique de l’espoir en l’humain, Antigone dénonce l’usurpation de la loi, et n’accepte pas que soit défaite la dimension de l’humain. Plutôt que d’accepter de vivre en se faisant passer pour folle (non responsable de ses actes), Antigone les revendique et les clame tout haut pour solliciter l’esprit critique. » ">13</a> &raquo;.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Outre le g&eacute;nocide des Juifs et la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie, des &eacute;v&eacute;nements comme Mai 68 nourrissent aussi le journalisme durassien. Dans &laquo;&nbsp;20 Mai 1968&nbsp;: texte politique sur la naissance du Comit&eacute; d&rsquo;Action &Eacute;tudiant-&Eacute;crivain&nbsp;&raquo; (<em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, juin 1980) et &laquo;&nbsp;L&rsquo;Homme nu de la Bastille&nbsp;&raquo; (<em>L&rsquo;Autre journal</em>, avril 1985), Mai 68 est pr&eacute;sent&eacute; comme une utopie politique &agrave; laquelle la fondatrice du Comit&eacute; d&rsquo;Action &Eacute;tudiant-&Eacute;crivain a cru comme aux premiers temps de Cuba. Elle se fait un devoir de le rappeler bien apr&egrave;s 1968<a href="#nbp14" id="footnoteref14_yksud8q" name="liennbp14" title=" Voir Marguerite Duras, La Passion suspendue : entretiens avec Leopoldina Pallotta della Torre, Paris, Éditions du Seuil, 2013, p. 40 : « Ne pas savoir où l’on allait, comme cela nous arrivait dans la rue, pendant ces journées-là, savoir seulement qu’on allait, qu’on se bougeait, en quelque sorte, sans crainte des conséquences, des contradictions… » "> 14</a> :</p> <p><q>&nbsp;Rien ne nous lie que le refus. D&eacute;voy&eacute;s de la soci&eacute;t&eacute; de classe, mais en vie, inclassables mais incassables, nous refusons. Nous poussons le refus jusqu&rsquo;&agrave; refuser de nous int&eacute;grer dans les formations politiques qui se r&eacute;clament ce que nous refusons. Nous refusons le refus programm&eacute; des institutions oppositionnelles. Nous refusons que notre refus, ficel&eacute;, empaquet&eacute;, porte une marque. Et que tarisse sa source vive, et que se rebrousse son cours. [&hellip;] Nous sommes la pr&eacute;histoire de l&rsquo;avenir. Nous sommes cet effort. Ce pr&eacute;alable &agrave; partir de quoi celui-ci sera possible. Nous sommes au d&eacute;but du PASSAGE. Nous sommes cet effort&nbsp;<a href="#nbp15" id="footnoteref15_f917oou" name="liennbp15" title=" Marguerite Duras, « 20 Mai 1968 : texte politique sur la naissance du Comité d’Action Étudiant-Écrivain », Cahiers du cinéma, n° 312-313, juin 1980, p. 39-42.">15</a>. </q></p> <p>Cet article atteste que la distance temporelle lui permet vraiment de m&ecirc;ler actualit&eacute; et historicisation de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais cette po&eacute;tique de la mise en contexte des &eacute;v&eacute;nements dans l&rsquo;&eacute;criture du journal conna&icirc;t un changement radical en 1980. L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement ne repr&eacute;sente plus le grand contexte dans lequel les gens se battent et se d&eacute;battent, mais a tendance &agrave; faire &eacute;cho &agrave; la lutte personnelle voire &agrave; se confondre avec l&rsquo;histoire personnelle. Par exemple, dans un num&eacute;ro sp&eacute;cial des <em>Cahiers du cin&eacute;ma</em> (n&deg; 312-313, juin 1980), Duras aborde maintes fois la question de la guerre d&rsquo;Afghanistan pour proclamer son indignation contre l&rsquo;Union Sovi&eacute;tique et s&rsquo;attaquer violemment &agrave; la politique du PCF dont elle &eacute;tait exclue depuis 1950. De plus, l&rsquo;affaire Goldman lui permet de faire l&rsquo;aller-retour entre le monde int&eacute;rieur et le monde ext&eacute;rieur. Au beau milieu d&rsquo;un article critique sur le film <em>La Nuit du chasseur</em> surgit soudain un paragraphe en italique sur l&rsquo;assassinat de Pierre Goldman, intellectuel d&rsquo;extr&ecirc;me gauche pass&eacute; par le grand banditisme et assassin&eacute;&nbsp;dans des conditions myst&eacute;rieuses en 1979 : &laquo;&nbsp;Les meurtriers de Pierre Goldman&nbsp;: atteints de la m&ecirc;me maladie de la mort. [&hellip;] Pour un million d&rsquo;anciens francs, ont tu&eacute; Pierre Goldman&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;La nuit du chasseur&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, juin 1980). Plus loin, elle &eacute;tablit de nouveau un rapprochement entre l&rsquo;actualit&eacute; imm&eacute;diate et personnelle, la mort de Pierre Goldman et au-del&agrave; l&rsquo;holocauste&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;&Agrave; l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; j&rsquo;ai eu fini le premier Aur&eacute;lia Melbourne, Goldman a &eacute;t&eacute; tu&eacute;&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;Aur&eacute;lia Aur&eacute;lia quatre&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, juin 1980). Sans parler de la gr&egrave;ve de Gdansk dont elle s&rsquo;empare dans ses chroniques parues dans&nbsp;<em>Lib&eacute;ration</em>&nbsp;&agrave; l&rsquo;&eacute;t&eacute; 80, l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement s&rsquo;&eacute;tendant au-del&agrave; de l&rsquo;actualit&eacute; politique et allant jusqu&rsquo;&agrave; cristalliser le d&eacute;sir amoureux&nbsp;: &laquo;&nbsp;Sur Gdansk j&rsquo;ai pos&eacute; ma bouche et je vous ai embrass&eacute;&nbsp;<a href="#nbp16" id="footnoteref16_ihtfmlb" name="liennbp16" title=" Marguerite Duras, « L’Été 10 », Libération, 17 septembre 1980, p. 4-5, rubrique « Société ».">16</a> &raquo; sous-entend certainement la mise en sc&egrave;ne de la premi&egrave;re rencontre avec Yann Andr&eacute;a.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; &Eacute;crire en Antigone pour Duras, c&rsquo;est tout d&rsquo;abord se jeter comme une militante f&eacute;roce, angoiss&eacute;e voire sacrificielle dans la temp&ecirc;te de l&rsquo;histoire, tout en revendiquant le droit de dire non&nbsp;au r&eacute;gime actuel ; dans les ann&eacute;es 1980, lorsque l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement commence &agrave; entrer en r&eacute;sonance avec sa vie personnelle, elle retrouve une posture d&rsquo;Antigone mais une Antigone qui &laquo;&nbsp;&eacute;coute et entend la parole int&eacute;rieure&nbsp;<a href="#nbp17" id="footnoteref17_lyrgeqo" name="liennbp17" title=" Vincent Estellon, « Mémoire, genre, identité et lien social : le cri d’Antigone », op. cit., p. 146.">17</a> &raquo;, que Vincent Estellon appelle la &laquo;&nbsp;Reine des c&oelig;urs<a href="#nbp18" id="footnoteref18_qj8rsap" name="liennbp18" title=" Ibid.">18</a> &raquo;. La Reine des c&oelig;urs, c&rsquo;est une Antigone qui est pass&eacute;e par la posture de la Sorci&egrave;re.</p> <h2><strong>La &laquo;&nbsp;Sorci&egrave;re&nbsp;&raquo; compatissante au regard myope&nbsp;: des petites histoires au service de la grande histoire</strong></h2> <p><q>&nbsp;M.&nbsp;D.&nbsp;&ndash;&nbsp;Il serait quand m&ecirc;me bon de rappeler ce que disait Michelet, l&agrave;, sur les sorci&egrave;res.<br /> X.&nbsp;G.&nbsp;&ndash;&nbsp;Ah, oui, dis.<br /> M.&nbsp;D.&nbsp;&ndash;&nbsp;Ah, c&rsquo;est admirable, c&rsquo;est dans le livre La Sorci&egrave;re. D&rsquo;ailleurs, je voulais te dire tout &agrave; l&rsquo;heure que c&rsquo;est lui..., tu te souviens de son livre sur les femmes quand il parlait des menstrues, mais pour lui c&rsquo;&eacute;tait un..., une source d&rsquo;&eacute;rotisme. Oui, il disait que dans le haut Moyen &Acirc;ge les femmes &eacute;taient seules dans leurs fermes, dans la for&ecirc;t, pendant que le seigneur &eacute;tait &agrave; la guerre &ndash;&nbsp;chaque fois que je peux, je cite cette histoire, je la trouve sublime&nbsp;&ndash;&nbsp;et qu&rsquo;elles s&rsquo;ennuyaient profond&eacute;ment, dans leurs fermes, seules, et qu&rsquo;elles avaient faim, lui &eacute;tait aux croisades ou &agrave; la guerre du Seigneur, et que c&rsquo;est comme &ccedil;a qu&rsquo;elles ont commenc&eacute; &agrave; parler, seules, aux renards et aux &eacute;cureuils, aux oiseaux, aux arbres, et que, quand le mari revenait, elles continuaient, &ccedil;a je l&rsquo;ajoute, sans &ccedil;a on se serait aper&ccedil;u de rien, mais c&rsquo;est les hommes qui les ont trouv&eacute;es parlant seules dans la for&ecirc;t.<br /> X.&nbsp;G.&nbsp;&ndash;&nbsp;Et moi, j&rsquo;ajouterais&nbsp;: les hommes ont d&ucirc; dire&nbsp;: &laquo;&nbsp;Elles sont bien folles, c&rsquo;est bien des folies de femmes.&nbsp;&raquo;<br /> M.&nbsp;D.&nbsp;&ndash;&nbsp;Voil&agrave;, et on les a br&ucirc;l&eacute;es. Pour arr&ecirc;ter, endiguer la folie, endiguer la parole f&eacute;minine&nbsp;<a href="#nbp19" id="footnoteref19_3ll3o4y" name="liennbp19" title=" Marguerite Duras et Xavière Gauthier, Les Parleuses, Paris, Minuit, 1974, p. 206-207.">19</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Marguerite Duras lit et relit avec passion l&rsquo;essai de Michelet <em>La Sorci&egrave;re</em>, son livre pr&eacute;f&eacute;r&eacute;, et l&rsquo;utilise comme vaste m&eacute;taphore de la condition des femmes. Chez Michelet, les femmes du Moyen &Acirc;ge parlent aux oiseaux, aux arbres et aux animaux dans la for&ecirc;t quand leurs maris sont partis aux croisades. Elles osent casser l&rsquo;ordre d&eacute;j&agrave; &eacute;tabli par les hommes et ne veulent plus rester dans le silence. La solidarit&eacute; de Marguerite Duras avec ces &laquo;&nbsp;sorci&egrave;res&nbsp;&raquo; provient en effet du sentiment de marginalit&eacute; et d&rsquo;oppression qu&rsquo;elle partage toute sa vie avec les Juifs, le peuple alg&eacute;rien, les laiss&eacute;s-pour-compte, les participants de Mai 68, les ouvriers de Gdansk. Plus g&eacute;n&eacute;ralement, Duras s&rsquo;insurge contre l&rsquo;injustice, dont les femmes plus que les hommes sont victimes. &Eacute;crire en sorci&egrave;re, c&rsquo;est &eacute;crire sur les marges, en montrant les invisibles et en privil&eacute;giant la petite histoire.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais la sorci&egrave;re qu&rsquo;incarne Marguerite Duras dans les ann&eacute;es 1950 n&rsquo;est pas virulente. Au contraire, c&rsquo;est une femme journaliste compatissante qui, &laquo;&nbsp;curieuse de tout, avec ses gestes de myope rajuste toujours ses lunettes, pour tenter de mieux voir encore et de ne rien laisser &eacute;chapper&nbsp;<a href="#nbp20" id="footnoteref20_nc5toz5" name="liennbp20" title=" Alain Vircondelet, « L’actualité imaginaire », dans Aliette Armel (dir.), Marguerite Duras, Paris, Le Magazine littéraire, 2013, « Nouveaux regards », p. 145.">20</a> &raquo;. Durant la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie, elle observe de tr&egrave;s pr&egrave;s la vie quotidienne de toutes les cat&eacute;gories sociales qui vivent dans un pays secou&eacute; s&eacute;v&egrave;rement par les troubles nationaux et les batailles sanglantes hors du m&eacute;tropolitain. Son premier article &laquo;&nbsp;Fleurs de l&rsquo;Alg&eacute;rien&nbsp;&raquo; publi&eacute; dans <em>France-Observateur</em>, sign&eacute; &laquo;&nbsp;M.D.&nbsp;&raquo;, est pr&eacute;c&eacute;d&eacute; d&rsquo;&laquo;&nbsp;Un fait divers racont&eacute; par Marguerite Duras&nbsp;&raquo;, dans lequel elle raconte une sc&egrave;ne banale mais all&eacute;gorique&nbsp;: deux hommes&nbsp;en civil chassent un jeune Alg&eacute;rien vendant &agrave; la sauvette des fleurs et renversent d&rsquo;un coup de poing sa charrette&nbsp;: &laquo;&nbsp;le carrefour s&rsquo;inonde des premi&egrave;res fleurs du printemps (alg&eacute;rien&nbsp;<a href="#nbp21" id="footnoteref21_3t77t51" name="liennbp21" title=" Marguerite Duras, « Les Fleurs de l’Algérien », France-Observateur, n° 355, 28 février 1957, p. 14.">21</a>)&nbsp;&raquo;. &Agrave; la suite de l&rsquo;incident, alors qu&rsquo;une dame hurle qu&rsquo;ils ont bien fait d&rsquo;agir ainsi contre cette &laquo;&nbsp;racaille&nbsp;&raquo;, le reste des passants lui ach&egrave;te en un instant ses fleurs tomb&eacute;es par terre avant qu&rsquo;il soit emmen&eacute; au poste de police. L&rsquo;arrestation du jeune Alg&eacute;rien &agrave; Paris fait penser sans doute aux prisonniers &agrave; Alger ainsi qu&rsquo;&agrave; la torture dont ils sont victimes. &Agrave; travers une sc&egrave;ne banale, Marguerite Duras r&eacute;ussit &agrave; toucher ce qui est cach&eacute; et enterr&eacute; sous l&rsquo;apparence grandiose de l&rsquo;histoire.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Ce regard myope de Duras journaliste est non seulement raffin&eacute; mais aussi &eacute;minemment moraliste. Elle aime rencontrer et interviewer les gens dans la rue et montre un grand int&eacute;r&ecirc;t pour les choses qui ont l&rsquo;air les plus futiles. Nombre d&rsquo;articles &eacute;crits &agrave; cette &eacute;poque t&eacute;moignent de cette curiosit&eacute;. Dans &laquo;&nbsp;Paris canaille&nbsp;&raquo; (<em>France-Observateur</em>, 28 f&eacute;vrier 1957), &agrave; travers un entretien avec une veuve de 71 ans, qui &laquo;&nbsp;va au tribunal comme d&rsquo;autres en visite&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;avoue sans honte comme sans cynisme&nbsp;&raquo; sa faute, Marguerite Duras expose la vie mis&eacute;rable des gens d&eacute;sh&eacute;rit&eacute;s et fait r&eacute;sonance &agrave; l&rsquo;insurrection du F.L.N.&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;ai pas encore envie de mourir, alors je dois voler.&nbsp;&raquo;&nbsp;Encore dans &laquo;&nbsp;Racisme &agrave; Paris&nbsp;&raquo; (<em>France-Observateur</em>, 6 mars 1958), Marguerite Duras raconte l&rsquo;histoire de Marcelle B., victime d&rsquo;une pers&eacute;cution polici&egrave;re parce qu&rsquo;elle se prom&egrave;ne &agrave; une heure et demie du matin avec son camarade de travail alg&eacute;rien. Les agents de police, apr&egrave;s avoir pers&eacute;cut&eacute; Marcelle B., embarquent son ami et le gardent jusqu&rsquo;&agrave; quatre heures du matin, pour l&rsquo;unique raison qu&rsquo;il est kabyle. Cette petite sc&egrave;ne permet &agrave; Duras de d&eacute;busquer la mis&egrave;re des Alg&eacute;riens, de faire surgir la d&eacute;tresse et exploser la r&eacute;volte, alors qu&rsquo;elle &eacute;prouve comme toujours de la compassion et du souci pour ces gens qui la ram&egrave;nent &agrave; sa condition d&rsquo;enfance.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Comme toujours chez Duras, la grande histoire se joint &agrave; la petite histoire, et ses textes donnent &agrave; voir au-del&agrave; du r&eacute;cit factuel une moralit&eacute; journalistique. D&eacute;finitivement humaniste, elle se comporte en journaliste moraliste qui suit plut&ocirc;t sa propre morale : elle ne veut pas qu&rsquo;on lui impose quoi que ce soit, elle veut transgresser les contraintes et les pr&eacute;jug&eacute;s &eacute;tablis, parler de tout &ndash; les attentats du F.L.N, le jeune Alg&eacute;rien qui vend des fleurs, les Paris Canailles, les touristes de Paris, le bombardement d&rsquo;Hiroshima &ndash;, c&rsquo;est pourquoi elle signe entre-temps <em>le Manifeste des 121</em>. Ayant une forte envie de d&eacute;noncer l&rsquo;injustice sociale, elle s&rsquo;occupe des marginaux, des exil&eacute;s, des traqu&eacute;s et des expuls&eacute;s de leur propre terre, se dresse contre le racisme, la x&eacute;nophobie, le chauvinisme et surtout les &laquo;&nbsp;camps&nbsp;&raquo; o&ugrave; l&rsquo;on torture et tue les hommes et prend l&rsquo;&eacute;criture pour attaquer&nbsp;ces &laquo;&nbsp;t&eacute;n&egrave;bres&nbsp;&raquo;&nbsp;; elle raconte ce qu&rsquo;elle voit, elle pose les questions morales sans d&eacute;tour, comme en t&eacute;moignent des questions tr&egrave;s simples et d&eacute;nud&eacute;es de mani&eacute;risme qu&rsquo;elle a pos&eacute;es dans &laquo;&nbsp;Les Deux ghettos&nbsp;&raquo; pour extraire les r&eacute;ponses les plus franches sur la peur, la solitude, les haines, les difficult&eacute;s quotidiennes voire la vengeance<a href="#nbp22" id="footnoteref22_oez0o4o" name="liennbp22" title="  Ses questions sont simples, directes et tout courtes : « Le problème des chambres ? Manger ? Votre solitude ? L’ennui ? Le travail ? La vengeance ? » ">22</a>&hellip;<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Mais dans les ann&eacute;es 1970, lorsque les mouvements de lib&eacute;ration des femmes prennent de l&rsquo;ampleur, Marguerite Duras, en posture de Sorci&egrave;re, devient plus radicale et violente&nbsp;: elle fait partie d&rsquo;un groupe de pr&eacute;curseuses qui, conscientes du fait que les femmes ont &eacute;t&eacute; pendant plusieurs si&egrave;cles victimes des valeurs patriarcales et n&rsquo;ont jamais &eacute;t&eacute; trait&eacute;es d&rsquo;une fa&ccedil;on juste, revendiquent le droit des femmes &agrave; disposer librement de leur corps et luttent r&eacute;solument contre les diff&eacute;rentes formes d&rsquo;oppressions et de misogynie<a href="#nbp23" id="footnoteref23_s8e85zi" name="liennbp23" title=" Voir Audrey Lasserre, Histoire d’une littérature en mouvement : textes, écrivaines et collectifs éditoriaux du Mouvement de libération des femmes en France (1970-1981), thèse de doctorat, Université de la Sorbonne nouvelle Paris III, soutenue le 14 novembre 2017.">23</a>. C&rsquo;est pourquoi Marguerite Duras signe en 1971 le &laquo;&nbsp;Manifeste des 343&nbsp;&raquo;, p&eacute;tition parue dans le num&eacute;ro 334 du magazine <em>Le Nouvel Observateur</em> qui r&eacute;clame &laquo;&nbsp;le libre acc&egrave;s aux moyens anticonceptionnels et l&rsquo;avortement libre&nbsp;&raquo; et lance un d&eacute;fi &agrave; la morale courante de l&rsquo;&eacute;poque.</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="347" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/Feng%203.jpg" width="500" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">(&agrave; gauche) Couverture du premier num&eacute;ro de <em>Sorci&egrave;res</em><br /> (&agrave; droite) &laquo;&nbsp;Pas mort en d&eacute;portation&nbsp;&raquo;, <em>Sorci&egrave;res</em>, n&deg; 1, 1<sup>er</sup> janvier 1976</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; M&ecirc;me si elle ne se revendique jamais comme une activiste f&eacute;ministe<a href="#nbp24" id="footnoteref24_9pjiy83" name="liennbp24" title=" Voir Marguerite Duras, La Passion suspendue : entretiens avec Leopoldina Pallotta della Torre, op. cit., p 149 : « — Que pensez-vous du féminisme ? — Je me méfie de toutes ces formes un peu obtuses de militantisme qui ne conduisent pas toujours à une vraie émancipation féminine. Il y a des contre-idéologies plus codifiées que l’idéologie elle-même. »">24</a>, Marguerite Duras &laquo;&nbsp;s&rsquo;engage dans l&rsquo;histoire de toutes les femmes en lutte<a href="#nbp25" id="footnoteref25_4p9rpil" name="liennbp25" title=" Audrey Lasserre, Histoire d’une littérature en mouvement : textes, écrivaines et collectifs éditoriaux du Mouvement de libération des femmes en France (1970-1981), op. cit., p. 18.">25</a> &raquo; et collabore volontairement aux nombreuses publications de femmes, &agrave; savoir <em>Sorci&egrave;res</em>, revue f&eacute;ministe cr&eacute;&eacute;e le 1<sup>er</sup> janvier 1976 par Xavi&egrave;re Gauthier. Elle garde encore son regard myope mais se tourne peu &agrave; peu vers les histoires personnelles tout en rappelant des &eacute;v&eacute;nements historiques pass&eacute;s. Divis&eacute; en deux fragments, l&rsquo;article &laquo;&nbsp;Pas mort en d&eacute;portation<a href="#nbp26" id="footnoteref26_rmzgzlr" name="liennbp26" title=" Il s’agit d’une sorte de journal intemporel que Marguerite Duras tenait pendant la fin de la guerre. Cet article autobiographique connaît toute son ampleur dans son roman La Douleur publié en 1985.">26</a> &raquo; est publi&eacute; anonymement dans les deux premiers num&eacute;ros de la revue <em>Sorci&egrave;res</em>. En racontant le retour miraculeux de son mari Robert Antelme du camp de Dachau, elle cherche &agrave; exposer &laquo;&nbsp;ce qu&rsquo;un homme peut devenir, ce qu&rsquo;on peut lui faire subir et la permanence de l&rsquo;amour qu&rsquo;on peut lui porter<a href="#nbp27" id="footnoteref27_o9hcaw0" name="liennbp27" title=" Marguerite Duras, Outside suivi de Le monde extérieur, Paris, P.O.L, « Folio », 1984 et 1993, p. 349.">27</a> &raquo;.&nbsp;&Agrave; une &eacute;poque o&ugrave; les crimes nazis sont largement m&eacute;connus par la nouvelle g&eacute;n&eacute;ration, Marguerite Duras continue &agrave; r&eacute;v&eacute;ler les secrets obscurs des &ecirc;tres humains qui peut-&ecirc;tre commencent &agrave; tomber dans l&rsquo;oubli.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Gr&acirc;ce &agrave; ce geste moraliste, Marguerite Duras parvient &agrave; l&rsquo;int&eacute;riorit&eacute; du monde, &agrave; retenir des petits secrets qui se cachent derri&egrave;re la grandeur de l&rsquo;Histoire et fait briller une humanit&eacute; qui s&rsquo;&eacute;largit &agrave; l&rsquo;universel.</p> <h2><strong>Duras joue &agrave; la Pythie&nbsp;: la po&eacute;ticit&eacute; et la fictionnalit&eacute; de l&rsquo;Histoire</strong></h2> <p><q>&nbsp;Michel Drucker &ndash; Les hommes ont toujours eu besoin de r&eacute;ponses, m&ecirc;me si un jour elles s&rsquo;av&egrave;rent fausses, ou seulement provisoires. Alors en l&rsquo;an 2000, o&ugrave; seront les r&eacute;ponses ?<br /> Marguerite Duras &ndash; Eh bien il n&rsquo;y aura plus que &ccedil;a ! La demande sera telle que&hellip; il n&rsquo;y aura plus que des r&eacute;ponses. [&hellip;] Je crois que l&rsquo;homme sera litt&eacute;ralement noy&eacute; dans l&rsquo;information. Dans une information constante. Sur son corps. Sur son devenir corporel. Sur sa sant&eacute;. Sur sa vie familiale. Sur son salaire. Sur son loisir. Ce n&rsquo;est pas loin du cauchemar. [&hellip;] Tout sera bouch&eacute;. Tout sera investi. Il restera la mer, quand m&ecirc;me. Les oc&eacute;ans. Et puis la lecture. Les gens vont red&eacute;couvrir &ccedil;a. Un homme, un jour, lira. Et puis tout recommencera&nbsp;<a href="#nbp28" id="footnoteref28_6yz49ep" name="liennbp28" title=" Marguerite Duras interrogée par Michel Drucker, Les 7 Chocs de l’an 2000, Antenne 2, 1985, cité dans Sophie Bogaert (dir.), Marguerite Duras, Le dernier des métiers, Paris, Seuil, 2016, p. 353.">28</a>. </q></p> <p><q>Marguerite Duras semble se dresser, irr&eacute;ductible sur son tr&eacute;pied, face à la crevasse fumante qui figure seulement son d&eacute;mon, comme notre Pythie<a href="#nbp29" id="footnoteref29_qhtg6b0" name="liennbp29" title=" Michel de Certeau, « Marguerite Duras : On dit », dans Danielle Bajomée et Ralph Heyndels (dir.), Écrire, dit-elle, Bruxelles, Université de Bruxelles, 1985, p. 264-265.">29</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Apr&egrave;s quelques ann&eacute;es consacr&eacute;es au cin&eacute;ma, Marguerite Duras reprend l&rsquo;&eacute;criture en 1980. Suite &agrave; la commande de Serge July, directeur du journal <em>Lib&eacute;ration</em>, elle collabore de nouveau avec la presse mais livre aux lecteurs son actualit&eacute; comme &laquo;&nbsp;un &eacute;crivain envahi par la r&eacute;alit&eacute; et qui fait face avec ses mots<a href="#nbp30" id="footnoteref30_256lbty" name="liennbp30" title=" Marguerite Duras, « L’Été 1 », Libération, 16 juillet 1980, p. 4, rubrique « Société ».">30</a> &raquo;. Sous le titre &laquo;&nbsp;Les Yeux verts&nbsp;&raquo;, elle publie chaque mercredi, du 16 juillet au 17 septembre 1980, dans <em>Lib&eacute;ration</em>, une chronique traitant d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;v&eacute;nements qui l&rsquo;auraient int&eacute;ress&eacute;e et qui n&rsquo;auraient pas forc&eacute;ment &eacute;t&eacute; retenus par l&rsquo;information d&rsquo;usage<a href="#nbp31" id="footnoteref31_t9wi0ol" name="liennbp31" title=" Marguerite Duras, L’Été 80, Paris, Minuit, 1981, p. 9.">31</a> &raquo;.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Le r&ocirc;le de la sorci&egrave;re s&rsquo;efface en m&ecirc;me temps que le regard myope s&rsquo;estompe&nbsp;: l&rsquo;&eacute;t&eacute; 1980 t&eacute;moigne de l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une nouvelle posture et la formation d&rsquo;une nouvelle po&eacute;tique journalistique. Les yeux de la Pythie se font voyants voire visionnaires. Elle scrute le ciel et les nuages de sa chambre, ou du haut des fen&ecirc;tres du palace des Roches noires&nbsp;; elle regarde la mer, pendant quelques heures ou toute une journ&eacute;e, la mer o&ugrave; les yeux gris de l&rsquo;enfant apparaissent et disparaissent.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Durant cet &eacute;t&eacute; pluvieux, Marguerite Duras fait &eacute;clater par une &laquo;&nbsp;&eacute;criture courante<a href="#nbp32" id="footnoteref32_p5qwe7n" name="liennbp32" title=" Sophie Bogaert (dir.), Marguerite Duras, Le dernier des métiers, op. cit., p. 302 : « Je disais, vous savez, que l’écriture courante, que je cherchais depuis si longtemps, je l’ai atteinte, là. Et que par écriture courante, je dirais écriture presque distraite, qui court, qui est plus pressée d’attraper des choses que de les dire, voyez-vous. »">32</a> &raquo;, fragment&eacute;e et parcellaire, des &eacute;v&eacute;nements comme l&rsquo;invasion de l&rsquo;URSS en Afghanistan et les Jeux olympiques de Moscou en contrepoint, les obs&egrave;ques du shah d&rsquo;Iran o&ugrave; le pr&eacute;sident am&eacute;ricain est absent, la grande famine en Ouganda qui la renvoie au Vietnam et aux camps nazis, l&rsquo;attentat de la gare de Bologne et le cyclone Allen qui &laquo;&nbsp;d&eacute;gage la force de la bombe d&rsquo;Hiroshima toutes les quatre secondes<a href="#nbp33" id="footnoteref33_lluk850" name="liennbp33" title=" Marguerite Duras, « L’Été 5 », Libération, 13 août 1980, p. 2.">33</a> &raquo;. Alors qu&rsquo;en m&ecirc;me temps, les changements m&eacute;t&eacute;orologiques, la plage, la mar&eacute;e, les mouettes, les touristes, l&rsquo;histoire entre l&rsquo;enfant aux yeux gris et la jeune monitrice, l&rsquo;histoire de David racont&eacute;e par la monitrice et la fable de la source se m&ecirc;lent &agrave; ces &eacute;v&eacute;nements&nbsp;:</p> <p><q>&nbsp;Il &eacute;tait une fois, a dit la jeune monitrice, un petit gar&ccedil;on qui s&rsquo;appelait David, il &eacute;tait blond, il &eacute;tait sage, il &eacute;tait parti faire le tour du monde sur un grand bateau qu&rsquo;on appelait l&rsquo;Amiral Syst&egrave;me, et voil&agrave; que la mer devient mauvaise, tr&egrave;s mauvaise. En Iran, le gouvernement de la mort a pris d&eacute;finitivement le pouvoir. Le parti le plus fort se reconna&icirc;t &agrave; sa potentialit&eacute; de mort, sa facult&eacute; plus ou moins grande de l&rsquo;administrer. Ils ont tu&eacute; des voleurs &agrave; la tire, ils tuent des trafiquants de drogue. Et ils tuent des homosexuels&nbsp;<a href="#nbp34" id="footnoteref34_iz2rdgh" name="liennbp34" title=" Marguerite Duras, « L’Été 3 », Libération, 30 juillet 1980, p. 4, rubrique « Société ».">34</a>. </q></p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Il est clair qu&rsquo;&agrave; partir de<em> L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 80</em>, la mise en perspective de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement historique se fait par le biais de l&rsquo;&eacute;criture personnelle, par l&rsquo;ellipse, par le r&eacute;cit, voire par le concerto de la fiction&hellip;</p> <figure> <p style="text-align: center;"><img alt="" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="346" src="https://www.alepreuve.org/sites/default/files/Feng%204.jpg" width="500" /></p> <figcaption> <p style="text-align: center;">(&agrave; gauche) &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 1&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 16 juillet 1980<br /> (&agrave; droite) &laquo;&nbsp;Gdansk&nbsp;: la d&eacute;mocratie r&eacute;invent&eacute;e&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 22 ao&ucirc;t 1980</p> </figcaption> </figure> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Cependant, l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement qui secoue le plus Marguerite Duras dans cette p&eacute;riode est incontestablement &laquo;&nbsp;la gr&egrave;ve calme des ouvriers du chantier naval de Gdansk<a href="#nbp35" id="footnoteref35_tlfwff3" name="liennbp35" title=" Marguerite Duras, « L’Été 6 », Libération, 20 août 1980, p. 2.">35</a> &raquo; dont elle s&rsquo;empare &agrave; partir de la sixi&egrave;me chronique. Avec ce mot magique, Gdansk, toute l&rsquo;actualit&eacute; politique en &eacute;t&eacute; 80 s&rsquo;efface et se fond en une seule unit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;elle est telle un phare qui &eacute;clairerait la grande d&eacute;charge naus&eacute;abonde du socialisme europ&eacute;en. Que les autres se taisent. Gdansk, c&rsquo;est nous. Et c&rsquo;est le r&eacute;el<a href="#nbp36" id="footnoteref36_5zhhl8z" name="liennbp36" title=" Marguerite Duras, « L’Été 7 », Libération, 27 août 1980, p. 2.">36</a>. &raquo; Gdansk, catalyseur du d&eacute;sir, fait sortir m&ecirc;me l&rsquo;intime de Marguerite Duras&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je vous donne encore cette nuit-ci, sans nom, sans forme. De m&ecirc;me que je vous donne Gdansk. [&hellip;] Comme Aur&eacute;lia, je ne peux pas garder Gdansk pour moi seule, comme j&rsquo;&eacute;cris Aur&eacute;lia j&rsquo;&eacute;cris les mots de Gdansk, et comme Aur&eacute;lia je dois vous adresser Gdansk au sortir de moi. La voici entre nous, entre nos corps contenue<a href="#nbp37" id="footnoteref37_quw1wsu" name="liennbp37" title=" Ibid.">37</a>.&nbsp;&raquo; Prenant la posture de pythie dont la parole a un pouvoir oraculaire, Marguerite Duras d&eacute;clare&nbsp;&agrave; la fin de l&rsquo;&eacute;t&eacute; 1980 : &laquo;&nbsp;Je ne sais plus rien non plus des diff&eacute;rences entre Gdansk et Dieu<a href="#nbp38" id="footnoteref38_dp8e9op" name="liennbp38" title=" Marguerite Duras, « L’Été 10 », Libération, 17 septembre 1980, p. 4-5, rubrique « Société ».">38</a>.&nbsp;&raquo;<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; En fait, les dix chroniques publi&eacute;es dans <em>Lib&eacute;ration</em> portent &agrave; son plus haut niveau la conception d&rsquo;une nouvelle forme journalistique que Duras a d&eacute;ploy&eacute;e et r&eacute;invent&eacute;e au cours de sa carri&egrave;re de journaliste. Prise dans les ambigu&iuml;t&eacute;s de l&rsquo;&eacute;criture du moi, l&rsquo;&eacute;criture journalistique de Marguerite Duras a d&eacute;riv&eacute; vers la litt&eacute;rature, jusqu&rsquo;&agrave; transgresser la dichotomie entre la r&eacute;alit&eacute; et l&rsquo;imaginaire, abolir les fronti&egrave;res qui distinguent le dehors et le dedans et &eacute;prouver les limites entre &eacute;criture journalistique et &eacute;criture litt&eacute;raire en fondant les deux au creuset de &laquo;&nbsp;la chambre noire<a href="#nbp39" id="footnoteref39_uqrxdq3" name="liennbp39" title=" Voir Anne Cousseau, « La chambre noire de l’écriture », dans Bernard Alazet, Christiane Blot-Labarrère et André Z. Labbarère (dir.), Duras, Paris, Cahiers de l’Herne, 2005, p. 114 : « Ainsi la mer face à l’Hôtel des Roches Noires, à Trouville, est-elle un lieu inépuisable de l’écrit, qui renvoie invariablement à ces “images princeps” de l’enfance selon la formule bachelardienne, donnant ainsi l’impulsion de l’écriture par l’effet de la rêverie poétique “qui imagine en se souvenant” : elle est “ comme une sorte d’image mentale constante” qui féconde l’œuvre de façon plus ou moins souterraine, elle est la “mer écrite”. Dans l’Été 80, elle fonctionne ainsi comme un lieu proprement “poïetique”, dans lequel puisent, intimement mêlés, la mémoire d’enfance et l’imaginaire de l’écrivain, et qui déporte ainsi l’écriture de la chronique journalistique vers la littérature. Dans le dernier chapitre, l’équivalence est clairement posée entre la “mer noire”, plongée dans l’obscurité de la nuit, et la “la chambre noire” de l’écriture. »">39</a> &raquo;, &eacute;tant donn&eacute; que c&rsquo;est dans cette chambre de l&rsquo;&eacute;criture qu&rsquo;ont &eacute;t&eacute; effectu&eacute;s&nbsp;&laquo;&nbsp;des glissements, des analogies et des mosa&iuml;ques<a href="#nbp40" id="footnoteref40_p1u323t" name="liennbp40" title=" Marguerite Duras, Œuvres complètes, t. 3 et 4, éd. Gilles Philippe (dir.), Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 2014, p. 1730-1731.">40</a> &raquo; entre l&rsquo;anecdotique et l&rsquo;&eacute;v&eacute;nementiel, entre l&rsquo;amour pour &laquo;&nbsp;vous&nbsp;&raquo; et celui pour Gdansk, entre le gris des yeux de l&rsquo;enfant et le gris de la mer, o&ugrave; la vie personnelle est mise en sc&egrave;ne et le r&eacute;el a &eacute;t&eacute; v&eacute;cu comme un mythe&nbsp;: &laquo;&nbsp;Oui, l&rsquo;enfant aux yeux gris &eacute;tait l&agrave;, et la jeune fille aussi, ils regardaient la mer. Et je les ai ramen&eacute;s &agrave; moi eux aussi, comme je le fais de vous, de la mer et du vent et je vous ai enferm&eacute;s dans cette chambre &eacute;gar&eacute;e au-dessus du temps<a href="#nbp41" id="footnoteref41_wilezu9" name="liennbp41" title=" Marguerite Duras, « L’Été 8 », Libération, 3 septembre 1980, p. 4, rubrique « Société ».">41</a>.&nbsp;&raquo;</p> <h2><strong>Conclusion</strong></h2> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Depuis le XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, la presse entretient un lien &agrave; la fois &eacute;troit et complexe avec l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement, en consid&eacute;rant qu&rsquo;elle ne se lasse jamais de produire des discours soit descriptifs soit analytiques pour t&acirc;cher de dire, voire de fabriquer les &eacute;v&eacute;nements du jour. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, lorsqu&rsquo;on &eacute;tudie l&rsquo;&eacute;mergence de la notion d&rsquo;&eacute;v&eacute;nement en sciences humaines, les deux supports discursifs auxquels cette derni&egrave;re est rattach&eacute;e ind&eacute;fectiblement sont d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; la fabrique m&eacute;diatique, et de l&rsquo;autre, bien naturellement, la fabrique historique<a href="#nbp42" id="footnoteref42_w2hy2tx" name="liennbp42" title=" Voir Carine Capone, Frontières de l’évènement, frontières de la littérature. L’appropriation de l’évènement dans la littérature des années soixante à nos jours (Marguerite Duras, Claude Simon, Emmanuel Carrère, Laurent Mauvignier, thèse de doctorat, Paris, Université Paris-Ouest Nanterre La Défense, soutenue le 3 décembre 2015.">42</a>. Pour la p&eacute;riode 1935-1991, la p&eacute;riode de production de Marguerite Duras, l&rsquo;universitaire Yves Lavoinne, sp&eacute;cialiste de la presse, a rep&eacute;r&eacute; trois postures possibles pour les journalistes face &agrave; l&rsquo;histoire : le serviteur de l&rsquo;historien futur, l&rsquo;historien du pr&eacute;sent et le m&eacute;diateur<a href="#nbp43" id="footnoteref43_bedrs2r" name="liennbp43" title=" Yves Lavoinne, « Le journaliste, l'histoire et l'historien. Les avatars d'une identité professionnelle (1935-1991) », Réseaux, vol. 10, n° 51, 1992, p. 39-53.">43</a>. L&rsquo;hypoth&egrave;se de cet article est que le type de relation que Marguerite Duras entretient avec l&rsquo;histoire durant sa carri&egrave;re journalistique se confond probablement avec le deuxi&egrave;me &laquo;&nbsp;arch&eacute;type&nbsp;&raquo;. &Agrave; ce titre, il n&rsquo;est pas surprenant que l&rsquo;&eacute;criture journalistique de Marguerite Duras se nourrisse d&rsquo;une s&eacute;rie de grands &eacute;v&eacute;nements bien m&eacute;diatis&eacute;s&nbsp;qu&rsquo;elle a v&eacute;cus elle-m&ecirc;me : la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie, Mai 1968, le Mouvement de lib&eacute;ration des femmes, la guerre d&rsquo;Afghanistan, des gr&egrave;ves de Gdansk et plus g&eacute;n&eacute;ralement la guerre froide.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Quoi qu&rsquo;il en soit, le journalisme durassien n&rsquo;a pas pour objectif de rassembler et de compiler un amas d&rsquo;informations et de faits bruts sur l&rsquo;injustice sociale et la r&eacute;sistance des Fran&ccedil;ais durant la guerre, la mont&eacute;e des r&eacute;gimes totalitaires et la militarisation de la plan&egrave;te. Ce qui int&eacute;resse le plus Marguerite Duras journaliste, c&rsquo;est d&rsquo;exposer, voire d&rsquo;analyser l&rsquo;impact qu&rsquo;a sur chaque individu tout ce qui est en haut, comme elle l&rsquo;a fait dans <em>Hiroshima mon amour</em>&nbsp;: &laquo;&nbsp;Vous voyez, j&rsquo;ai mis face au chiffre &eacute;norme des morts d&rsquo;Hiroshima l&rsquo;histoire de la mort d&rsquo;un seul amour invent&eacute; par moi<a href="#nbp44" id="footnoteref44_q9y4gnf" name="liennbp44" title=" Marguerite Duras, « Je me souviens », Cahiers du cinéma, n° 312-313, juin 1980.">44</a> &raquo;. C&rsquo;est pourquoi maintes fois c&rsquo;est &agrave; travers une situation banale, une affaire anodine, une conversation attrap&eacute;e dans un caf&eacute; ou encore des nouvelles captur&eacute;es ici ou l&agrave; qu&rsquo;elle reproduit une autre sc&egrave;ne de l&rsquo;histoire&nbsp;: les fleurs d&rsquo;Alg&eacute;rien, les Paris Canailles, Mademoiselle Marcelle B., une conversation boulevardi&egrave;re au caf&eacute; du Palais-Royal,&nbsp;les confidences des deux ghettos, le retour de Robert en d&eacute;portation, l&rsquo;assassinat de Pierre Goldman&hellip; Comme toujours chez Duras, la grande histoire se m&ecirc;le &agrave; la petite histoire, et ses textes donnent &agrave; voir au-del&agrave; de l&rsquo;apparence du simple fait v&eacute;cu et de l&rsquo;effet de scoop qu&rsquo;il suscite.<br /> &nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; En passant en revue l&rsquo;ensemble des articles journalistiques de Duras, de ses premiers essais dans <em>France-Observateur</em> jusqu&rsquo;&agrave; ses articles &eacute;tonnants parus dans <em>Lib&eacute;ration</em> &agrave; l&rsquo;&eacute;t&eacute; 1980, il est frappant de constater l&rsquo;&eacute;volution du journalisme durassien. Alors qu&rsquo;elle se contentait au d&eacute;part d&rsquo;&ecirc;tre un spectateur compatissant qui observe de tr&egrave;s pr&egrave;s les vies d&rsquo;ordinaires, raconte tout ce qui se passe autour d&rsquo;elle en profitant du contexte des grands &eacute;v&eacute;nements et juge parfois au nom d&rsquo;une moralit&eacute; qui d&eacute;passe tout et s&rsquo;&eacute;largit &agrave; l&rsquo;humanit&eacute;, petit &agrave; petit, elle change de ton et emprunte au journalisme une forme de &laquo;&nbsp;n&eacute;gligence de l&rsquo;&eacute;crit&nbsp;&raquo; qui renvoie &agrave; la vertu d&rsquo;improvisation des chroniqueurs d&rsquo;antan, comme par exemple celle de Jules Vall&egrave;s, pionnier dans l&rsquo;&eacute;criture sensible de l&rsquo;actualit&eacute; au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ils exposeraient leurs plus intimes et plus &eacute;mouvants souvenirs. Mais, de gr&acirc;ce, pas de litanies et point de mal&eacute;dictions. Ni scapulaires ni cocardes ! Le r&eacute;cit simple, l&rsquo;impression franche, le d&eacute;tail vrai, inexorable<a href="#nbp45" id="footnoteref45_ti55xdz" name="liennbp45" title=" Jules Vallès, lettre du 13 novembre 1864 au Figaro, repris dans Œuvres, t. I, éd. Roger Bellet, Paris, Gallimard, « Bibliothèque de la Pléiade », 1975, p. 1272.">45</a> &raquo;. Duras en vient &agrave; r&eacute;inventer une nouvelle po&eacute;tique journalistique en suivant la voie des g&eacute;n&eacute;rations de femmes journalistes depuis Delphine de Girardin. &Agrave; partir des ann&eacute;es 1980, elle n&rsquo;est plus une pure observatrice et se jette dans le grand courant de l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; l&rsquo;histoire personnelle et l&rsquo;histoire collective convergent. S&ucirc;re qu&rsquo;elle porte en elle la v&eacute;rit&eacute; universelle, elle r&eacute;clame &laquo;&nbsp;une appr&eacute;hension hypersubjective de l&rsquo;actualit&eacute;<a href="#nbp46" id="footnoteref46_l6zkcrq" name="liennbp46" title=" Marie-Ève Thérenty, « Duras, definitely Duras. Tradition and Innovation in the Literary Journalism of Marguerite D. », dans Richard Keeble et John Tulloch, Global Literary Journalism : Exploring the Journalistic Imagination, vol. 2, Peter Lang, New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, Oxford, Wien, 2014, p. 155-170.">46</a> &raquo;, comme si tout &agrave; coup son &eacute;criture s&rsquo;approchait des grands &eacute;crits proph&eacute;tiques et rejoignait une fonction sacrale. Jouant &agrave; la Pythie, elle se cache derri&egrave;re une ruse de voyance qui l&rsquo;affranchit de sa peur du jugement et la pousse jusqu&rsquo;&agrave; fa&ccedil;onner en plus de sa propre histoire, l&rsquo;Histoire de tous.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><strong>Notes et r&eacute;f&eacute;rences :</strong></p> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p><strong>I. Corpus primaire</strong></p> <p>&laquo;&nbsp;Les Fleurs de l&rsquo;Alg&eacute;rien&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 355, 28 f&eacute;vrier 1957, p. 14.</p> <p>&laquo;&nbsp;Paris Canaille&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 357, 14 mars 1957, p. 14.</p> <p>&laquo;&nbsp;Tourisme &agrave; Paris&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 376, 25 juillet 1957, p. 11.</p> <p>&laquo;&nbsp;Alors, on ne guillotine plus&nbsp;?&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 397, 19 d&eacute;cembre 1957, p.&nbsp;14.</p> <p>&laquo;&nbsp;Racisme &agrave; Paris&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 408, 6 mars 1958, p. 15.</p> <p>&laquo;&nbsp;Pourquoi&nbsp;<em>Le 14 Juillet&nbsp;</em>? &raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 429, 24 juillet 1958, p. 15.</p> <p>&laquo;&nbsp;Paris, six d&rsquo;ao&ucirc;t&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 431, 7 ao&ucirc;t 1958, p. 15.</p> <p>&laquo;&nbsp;Les Deux Ghettos&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 601, 9 novembre 1961, p. 8-10.</p> <p>&laquo;&nbsp;Pas mort en d&eacute;portation&nbsp;&raquo;, <em>Sorci&egrave;res</em>, n&deg; 1, janvier 1976, p. 43-44.</p> <p>&laquo;&nbsp;Le spectateur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Je me souviens&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Homme fait avec de la peur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;5 janvier 1980 Actualit&eacute;&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;20 mai 1968&nbsp;: texte politique sur la naissance du Comit&eacute; d&rsquo;Action &Eacute;tudiants-&Eacute;crivains&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;La nuit du chasseur&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Aur&eacute;lia Aur&eacute;lia quatre&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, n&deg; 312-313, juin 1980.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 1&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 16 juillet 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 2 &raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 23 juillet 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 3 &raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 30 juillet 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 4 &raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 6 ao&ucirc;t 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 5&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 13 ao&ucirc;t 1980, p. 2.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 6 &raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 20 ao&ucirc;t 1980, p. 2.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 7&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 27 ao&ucirc;t 1980, p. 2.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 8&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 3 septembre 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 9&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 10 septembre 1980, p. 2.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 10&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 17 septembre 1980, p. 4-5, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p>&laquo;&nbsp;L&rsquo;Homme nu de la Bastille&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;Autre journal</em>, n&deg; 4, avril 1985, p. 65.</p> <p><strong>II. Corpus secondaire</strong></p> <p>Butel, Michel, <em>L&rsquo;Autre Journal (1984-1992). Une anthologie</em>, Les Ar&egrave;nes, 2012, p.&nbsp;10-11.</p> <p>Capone, Carine, <em>Fronti&egrave;res de l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement, fronti&egrave;res de la litt&eacute;rature : l&rsquo;appropriation de l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement dans la litt&eacute;rature des ann&eacute;es soixante &agrave; nos jours (Marguerite Duras, Claude Simon, Emmanuel Carr&egrave;re, Laurent Mauvignier)</em>, th&egrave;se de doctorat, Universit&eacute; Paris Ouest Nanterre La D&eacute;fense, soutenue le 3 d&eacute;cembre 2015.</p> <p>De Certeau, Michel, &laquo;&nbsp;Marguerite Duras&nbsp;: On dit&nbsp;&raquo;, dans Danielle Bajom&eacute;e et Ralph Heyndels (dir.), <em>&Eacute;crire, dit-elle</em>, Bruxelles, Universit&eacute; de Bruxelles, 1985, p. 264-265.</p> <p>Duras, Marguerite,<em> Hiroshima mon amour</em>, Paris, Gallimard, 1960.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>Les Parleuses</em>, Paris, Minuit, 1974.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 80</em>, Paris, Minuit, 1981.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>La Douleur</em>, Paris, P.O.L., &laquo;&thinsp;Folio&thinsp;&raquo;, 1985.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>Le Bureau de poste de la rue Dupin et autres entretiens</em>, Paris, Gallimard, 2006.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>&oelig;uvres compl&egrave;tes. </em>Tomes 1 et 2, sous la direction de Gilles Philippe, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2011.</p> <p>&nbsp;&ndash;,<em> La&nbsp;Passion&nbsp;suspendue&nbsp;:&nbsp;entretiens avec Leopoldina Pallotta della Torre</em>, Paris, Seuil, 2013, p. 40.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>&oelig;uvres compl&egrave;tes. </em>Tomes 3 et 4, sous la direction de Gilles Philippe, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2014.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>Le dernier des m&eacute;tiers</em>, Paris, Seuil, 2016.</p> <p>Emeric, Philippe, &laquo;&nbsp;&quot;Suicides&quot; &agrave; Alger&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 357, 14 mars 1957, p. 6.</p> <p>Estellon, Vincent, &laquo;&nbsp;M&eacute;moire, genre, identit&eacute; et lien social&nbsp;: le cri d&rsquo;Antigone&nbsp;&raquo;,<em> L&rsquo;Esprit du temps</em>, n&deg; 58, f&eacute;vrier 2010, p. 141-159.</p> <p>Ferenczi, Thomas,<em> L&rsquo;invention du journalisme en France</em>, Paris, Plon, 1993.</p> <p>Gobille, Boris, &laquo;&nbsp;Les mobilisations de l&#39;avant-garde litt&eacute;raire fran&ccedil;aise en mai 1968. Capital politique, capital litt&eacute;raire et conjoncture de crise&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Actes de la recherche en sciences sociales</em>, n&deg; 158, 2005, p. 30-61.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>Mai 68</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2008.</p> <p>Lasserre, Audrey, <em>Histoire d&rsquo;une litt&eacute;rature en mouvement&nbsp;: textes, &eacute;crivaines et collectifs &eacute;ditoriaux du Mouvement de lib&eacute;ration des femmes en France (1970-1981)</em>, th&egrave;se de doctorat, Universit&eacute; de la Sorbonne nouvelle Paris III, soutenue le 14 novembre 2017.</p> <p>Lavoinne, Yves, &laquo;&nbsp;Le journaliste, l&#39;histoire et l&#39;historien. Les avatars d&#39;une identité professionnelle (1935-1991)&nbsp;&raquo;, <em>R&eacute;seaux</em>, volume 10, n&deg; 51, 1992, p. 39-53.</p> <p>Martin, Laurent, <em>La Presse &eacute;crite en France au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Librairie G&eacute;n&eacute;rale Fran&ccedil;aise, 2005, p.143-147.</p> <p>Riot-Sarcey, Mich&egrave;le<em>, Histoire du f&eacute;minisme</em>, Rep&egrave;res, La D&eacute;couverte, 2002.</p> <p>Sophocle, <em>Antigone</em>, traduction de Jean et Mayotte Bollack, Paris, Minuit, 1999.</p> <p>Stora, Benjamin, <em>Histoire de la guerre d&rsquo;Alg&eacute;rie&nbsp;: 1954-1962</em>, La D&eacute;couverte, Paris, 2004.</p> <p>Th&eacute;renty, Marie-&Egrave;ve, <em>La Litt&eacute;rature au quotidien, Po&eacute;tiques journalistiques au XIXe si&egrave;cle</em>, Paris, Seuil, 2007.</p> <p>&nbsp;&ndash;,&nbsp;&laquo; Duras, definitely Duras. Tradition and Innovation in the literary journalism of Marguerite D.&nbsp;&raquo;, article dans Richard Keeble et John Tulloch,&nbsp;<em>Global Literary Journalism: Exploring the Journalistic Imagination</em>, vol. 2<em>,&nbsp;</em>Peter Lang, New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, Oxford, Wien, 2014, p. 155-170.</p> <p>&nbsp;&ndash;, <em>Femmes de presse, femmes de lettres&nbsp;: de Delphine de Girardin &agrave; Florence Aubenas</em>, Paris, CNRS &Eacute;ditions, 2019.</p> <p>Vaillant, Alain, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Histoire au quotidien&nbsp;&raquo;, dans Dominique Kalifa, Philippe R&eacute;gnier, Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty et Alain Vaillant (dir.),&nbsp;<em>La Civilisation du journal. Histoire culturelle et litt&eacute;raire de la presse fran&ccedil;aise au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle,</em>&nbsp;Pairs, &Eacute;ditions du Nouveau Monde, 2011, p. 1319-1329.</p> <p>Vall&egrave;s, Jules, <em>&OElig;uvres</em> <em>I</em>, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1975.</p> <p>Vircondelet, Alain, <em>Marguerite Duras&nbsp;: la travers&eacute;e d&rsquo;un si&egrave;cle</em>, Paris, Plon, 2013.</p> <p>&nbsp;</p> <hr /> <p><a href="#liennbp1" name="nbp1">1</a> Honor&eacute; de Balzac, &laquo; Avant-propos &raquo; (1842), dans <em>La Com&eacute;die humaine</em>, t. I, &eacute;d. Pierre-Georges Castex (dir.), Paris, Gallimard, &laquo; Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1976, p. 11.</p> <p><a href="#liennbp2" name="nbp2">2</a> Alain Vaillant, &laquo;&nbsp;L&rsquo;Histoire au quotidien&nbsp;&raquo;, dans Dominique Kalifa, Philippe R&eacute;gnier, Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty et Alain Vaillant (dir.),&nbsp;<em>La Civilisation du journal. Histoire culturelle et litt&eacute;raire de la presse fran&ccedil;aise au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>,&nbsp;Paris, &Eacute;ditions du Nouveau Monde, 2012, p. 1322.</p> <p><a href="#liennbp3" name="nbp3">3</a> Thomas Ferenczi, L&rsquo;invention du journalisme en France, Paris, Plon, 1993, p. 237.</p> <p><a href="#liennbp4" name="nbp4">4</a> Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, <em>Femmes de presse, femmes de lettres&nbsp;: de Delphine de Girardin &agrave; Florence Aubenas</em>, Paris, CNRS &Eacute;ditions, 2019, p. 19.</p> <p><a href="#liennbp5" name="nbp5">5</a> <em>Ibid</em>., p. 363&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je terminerai par trois cas repr&eacute;sentatifs dans l&rsquo;apr&egrave;s Seconde Guerre mondiale&nbsp;: Fran&ccedil;oise Giroud, la cofondatrice en 1953 de l&rsquo;Express qu&rsquo;elle a codirig&eacute; jusqu&rsquo;en 1974&nbsp;; Marguerite Duras, l&rsquo;auteur du plus gros scandale qu&rsquo;une journaliste fran&ccedil;aise ait jamais caus&eacute; avec l&rsquo;article &laquo;&nbsp;Sublime, forc&eacute;ment sublime Christine V.&nbsp;&raquo; en 1985, et Florence Aubenas qui, avec son reportage immerg&eacute; <em>Le Quai de Ouistreham</em> en 2000, a prouv&eacute; que les pratiques des femmes journalistes d&rsquo;avant-guerre peuvent trouver une nouvelle actualit&eacute; dans le paysage contemporain. Ces trois exp&eacute;riences fortement diff&eacute;rentes par leur contexte, leur style et leur positionnement dans le champ m&eacute;diatique et litt&eacute;raire, t&eacute;moignent toutes d&rsquo;une m&eacute;moire de la diff&eacute;rence et de la mani&egrave;re de la r&eacute;duire ou de la surmonter par la &lsquo;&rsquo;litt&eacute;rature&rdquo;.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#liennbp6" name="nbp6">6</a>&nbsp; Alain Vircondelet, <em>Marguerite Duras&nbsp;: la travers&eacute;e d&rsquo;un si&egrave;cle</em>, Paris, Plon, 2013, p. 201.</p> <p><a href="#liennbp7" name="nbp7">7</a> Le 7 janvier 1957, le gouvernement fran&ccedil;ais confie au g&eacute;n&eacute;ral Jacques Massu les pleins pouvoirs de police sur le Grand Alger dans le but de mettre fin aux activit&eacute;s &laquo;&nbsp;terroristes&nbsp;&raquo; anim&eacute;es par le FLN. Ce dernier r&eacute;plique par une recrudescence d&rsquo;attentats &agrave; la bombe et une gr&egrave;ve g&eacute;n&eacute;rale qui d&eacute;bute le 28 janvier. En r&eacute;action, l&rsquo;arm&eacute;e exerce une s&eacute;v&egrave;re r&eacute;pression, arr&ecirc;te un grand nombre de suspects et recourt &agrave; la torture pour obtenir des informations et d&eacute;manteler les organisations secr&egrave;tes dans l&rsquo;agglom&eacute;ration. Par cons&eacute;quent, de nombreux dirigeants du FLN sont captur&eacute;s au mois de f&eacute;vrier, y compris Larbi Ben M&rsquo;hidi qui est assassin&eacute; apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; tortur&eacute;.</p> <p><a href="#liennbp8" name="nbp8">8</a>&nbsp; Laurent Martin, <em>La Presse &eacute;crite en France au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle,</em> Paris, Librairie G&eacute;n&eacute;rale Fran&ccedil;aise, 2005, p.143-147.</p> <p><a href="#liennbp9" name="nbp9">9</a>&nbsp; Le 28 mai 1957, la rivalit&eacute; sanglante entre le F.L.N. et le M.N.A. culmine avec le massacre de la population civile du douar Melouza, causant 301 morts et 14 bless&eacute;s. Le 11 juin, Maurice Audin est arr&ecirc;t&eacute;, puis dispara&icirc;t et meurt &agrave; une date inconnue. C&rsquo;est au mois de juillet durant l&rsquo;acm&eacute; de la bataille d&rsquo;Alger que Duras donne au France-Observateur son article sous un titre anodin &laquo;&nbsp;Tourisme de Paris&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp10" name="nbp10">10</a> Le&nbsp;massacre du&nbsp;17 octobre 1961 est la r&eacute;pression meurtri&egrave;re par la police fran&ccedil;aise des manifestations pacifiques des milliers d&rsquo;Alg&eacute;riens &agrave; Paris. Il y a eu des dizaines de morts dont les corps ont &eacute;t&eacute; jet&eacute;s dans la Seine, des centaines de bless&eacute;s et plus de 1000 arrestations.</p> <p><a href="#liennbp11" name="nbp11">11</a>&nbsp; Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;Les Deux Ghettos&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 601, 9 novembre 1961, p. 8-10.</p> <p><a href="#liennbp12" name="nbp12">12</a>&nbsp; Alain Vircondelet, <em>Marguerite Duras&nbsp;: la travers&eacute;e d&rsquo;un si&egrave;cle</em>, <em>op. cit.</em>, p. 201.</p> <p><a href="#liennbp13" name="nbp13">13</a> Sophocle, <em>Antigone</em>, traduction de Jean et Mayotte Bollack, Paris, &Eacute;ditions de Minuit, 1999, p. 38&nbsp;: &laquo;&nbsp;Cr&eacute;on&nbsp;: Mais le bon et le m&eacute;chant ne sont pas &eacute;gaux en mati&egrave;re de droits. Antigone&nbsp;: Ces principes sont-ils sacr&eacute;s sous terre, qui sait&nbsp;? Cr&eacute;on&nbsp;: Jamais l&rsquo;ennemi n&rsquo;est ami, m&ecirc;me s&rsquo;il est mort. Antigone&nbsp;: Je ne suis pas faite pour vivre avec ta haine, mais pour &ecirc;tre avec ce que j&rsquo;aime.&nbsp;&raquo; Cette phrase est &eacute;galement cit&eacute;e par Vincent Estellon, &laquo;&nbsp;M&eacute;moire, genre, identit&eacute; et lien social&nbsp;: le cri d&rsquo;Antigone&nbsp;&raquo;, <em>L&rsquo;Esprit du temps</em>, n&deg; 58, f&eacute;vrier 2010, p. 146&nbsp;: &laquo;&nbsp;Figure politique de l&rsquo;espoir en l&rsquo;humain, Antigone dénonce l&rsquo;usurpation de la loi, et n&rsquo;accepte pas que soit défaite la dimension de l&rsquo;humain. Plutôt que d&rsquo;accepter de vivre en se faisant passer pour folle (non responsable de ses actes), Antigone les revendique et les clame tout haut pour solliciter l&rsquo;esprit critique.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#liennbp14" name="nbp14">14</a> Voir Marguerite Duras, <em>La&nbsp;Passion&nbsp;suspendue&nbsp;:&nbsp;entretiens avec Leopoldina Pallotta della Torre</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, 2013, p. 40&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ne pas savoir o&ugrave; l&rsquo;on allait, comme cela nous arrivait dans la rue, pendant ces journ&eacute;es-l&agrave;, savoir seulement qu&rsquo;on allait, qu&rsquo;on se bougeait, en quelque sorte, sans crainte des cons&eacute;quences, des contradictions&hellip;&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#liennbp15" name="nbp15">15</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;20 Mai 1968&nbsp;: texte politique sur la naissance du Comit&eacute; d&rsquo;Action &Eacute;tudiant-&Eacute;crivain&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, n&deg; 312-313, juin 1980, p. 39-42.</p> <p><a href="#liennbp16" name="nbp16">16</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 10&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 17 septembre 1980, p. 4-5, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp17" name="nbp17">17</a> Vincent Estellon, &laquo;&nbsp;M&eacute;moire, genre, identit&eacute; et lien social&nbsp;: le cri d&rsquo;Antigone&nbsp;&raquo;, <em>op. cit</em>., p. 146.</p> <p><a href="#liennbp18" name="nbp18">18</a> Ibid.</p> <p><a href="#liennbp19" name="nbp19">19</a> Marguerite Duras et Xavi&egrave;re Gauthier, <em>Les Parleuses</em>, Paris, Minuit, 1974, p. 206-207.</p> <p><a href="#liennbp20" name="nbp20">20</a> Alain Vircondelet, &laquo;&nbsp;L&rsquo;actualit&eacute; imaginaire&nbsp;&raquo;, dans Aliette Armel (dir.), <em>Marguerite Duras</em>, Paris, <em>Le Magazine litt&eacute;raire</em>, 2013, &laquo;&nbsp;Nouveaux regards&nbsp;&raquo;, p. 145.</p> <p><a href="#liennbp21" name="nbp21">21</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;Les Fleurs de l&rsquo;Alg&eacute;rien&nbsp;&raquo;, <em>France-Observateur</em>, n&deg; 355, 28 f&eacute;vrier 1957, p. 14.</p> <p><a href="#liennbp22" name="nbp22">22</a>&nbsp; Ses questions sont simples, directes et tout courtes : &laquo;&nbsp;Le probl&egrave;me des chambres&nbsp;? Manger&nbsp;? Votre solitude&nbsp;? L&rsquo;ennui&nbsp;? Le travail&nbsp;? La vengeance&nbsp;?&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#liennbp23" name="nbp23">23</a> Voir Audrey Lasserre, <em>Histoire d&rsquo;une litt&eacute;rature en mouvement&nbsp;: textes, &eacute;crivaines et collectifs &eacute;ditoriaux du Mouvement de lib&eacute;ration des femmes en France (1970-1981)</em>, th&egrave;se de doctorat, Universit&eacute; de la Sorbonne nouvelle Paris III, soutenue le 14 novembre 2017.</p> <p><a href="#liennbp24" name="nbp24">24</a> Voir Marguerite Duras, <em>La&nbsp;Passion&nbsp;suspendue&nbsp;:&nbsp;entretiens avec Leopoldina Pallotta della Torre, op. cit.</em>, p 149&nbsp;: &laquo;&nbsp;&mdash; Que pensez-vous du f&eacute;minisme&nbsp;? &mdash; Je me m&eacute;fie de toutes ces formes un peu obtuses de militantisme qui ne conduisent pas toujours &agrave; une vraie &eacute;mancipation f&eacute;minine. Il y a des contre-id&eacute;ologies plus codifi&eacute;es que l&rsquo;id&eacute;ologie elle-m&ecirc;me.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#liennbp25" name="nbp25">25</a> Audrey Lasserre, <em>Histoire d&rsquo;une litt&eacute;rature en mouvement&nbsp;: textes, &eacute;crivaines et collectifs &eacute;ditoriaux du Mouvement de lib&eacute;ration des femmes en France (1970-1981), op. cit</em>., p. 18.</p> <p><a href="#liennbp26" name="nbp26">26</a> Il s&rsquo;agit d&rsquo;une sorte de journal intemporel que Marguerite Duras tenait pendant la fin de la guerre. Cet article autobiographique conna&icirc;t toute son ampleur dans son roman <em>La</em> <em>Douleur</em> publi&eacute; en 1985.</p> <p><a href="#liennbp27" name="nbp27">27</a> Marguerite Duras, <em>Outside</em> suivi de <em>Le monde ext&eacute;rieur</em>, Paris, P.O.L, &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 1984 et 1993, p. 349.</p> <p><a href="#liennbp28" name="nbp28">28</a> Marguerite Duras interrog&eacute;e par Michel Drucker, Les 7 Chocs de l&rsquo;an 2000, Antenne 2, 1985, cit&eacute; dans Sophie Bogaert (dir.), <em>Marguerite Duras, Le dernier des m&eacute;tiers</em>, Paris, Seuil, 2016, p. 353.</p> <p><a href="#liennbp29" name="nbp29">29</a> Michel de Certeau, &laquo;&nbsp;Marguerite Duras&nbsp;: On dit&nbsp;&raquo;, dans Danielle Bajom&eacute;e et Ralph Heyndels (dir.), <em>&Eacute;crire, dit-elle</em>, Bruxelles, Universit&eacute; de Bruxelles, 1985, p. 264-265.</p> <p><a href="#liennbp30" name="nbp30">30</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 1&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 16 juillet 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp31" name="nbp31">31</a> Marguerite Duras, L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 80, Paris, Minuit, 1981, p. 9.</p> <p><a href="#liennbp32" name="nbp32">32</a> Sophie Bogaert (dir.), <em>Marguerite Duras, Le dernier des m&eacute;tiers</em>,<em> op. cit.,</em> p. 302&nbsp;: &laquo;&nbsp;Je disais, vous savez, que l&rsquo;&eacute;criture courante, que je cherchais depuis si longtemps, je l&rsquo;ai atteinte, l&agrave;. Et que par &eacute;criture courante, je dirais &eacute;criture presque distraite, qui court, qui est plus press&eacute;e d&rsquo;attraper des choses que de les dire, voyez-vous.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#liennbp33" name="nbp33">33</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 5&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 13 ao&ucirc;t 1980, p. 2.</p> <p><a href="#liennbp34" name="nbp34">34</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 3&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 30 juillet 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp35" name="nbp35">35</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 6 &raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 20 ao&ucirc;t 1980, p. 2.</p> <p><a href="#liennbp36" name="nbp36">36</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 7&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 27 ao&ucirc;t 1980, p. 2.</p> <p><a href="#liennbp37" name="nbp37">37</a> <em>Ibid.</em></p> <p><a href="#liennbp38" name="nbp38">38</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 10&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 17 septembre 1980, p. 4-5, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp39" name="nbp39">39</a> Voir Anne Cousseau, &laquo;&nbsp;La chambre noire de l&rsquo;&eacute;criture&nbsp;&raquo;, dans Bernard Alazet, Christiane Blot-Labarr&egrave;re et Andr&eacute; Z. Labbar&egrave;re (dir.), <em>Duras</em>, Paris, Cahiers de l&rsquo;Herne, 2005, p. 114&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ainsi la mer face &agrave; l&rsquo;H&ocirc;tel des Roches Noires, &agrave; Trouville, est-elle un lieu in&eacute;puisable de l&rsquo;&eacute;crit, qui renvoie invariablement &agrave; ces &ldquo;images princeps&rdquo; de l&rsquo;enfance selon la formule bachelardienne, donnant ainsi l&rsquo;impulsion de l&rsquo;&eacute;criture par l&rsquo;effet de la r&ecirc;verie po&eacute;tique &ldquo;qui imagine en se souvenant&rdquo;&nbsp;: elle est &ldquo; comme une sorte d&rsquo;image mentale constante&rdquo; qui f&eacute;conde l&rsquo;&oelig;uvre de fa&ccedil;on plus ou moins souterraine, elle est la &ldquo;mer &eacute;crite&rdquo;. Dans <em>l&rsquo;&Eacute;t&eacute; 80</em>, elle fonctionne ainsi comme un lieu proprement &ldquo;po&iuml;etique&rdquo;, dans lequel puisent, intimement m&ecirc;l&eacute;s, la m&eacute;moire d&rsquo;enfance et l&rsquo;imaginaire de l&rsquo;&eacute;crivain, et qui d&eacute;porte ainsi l&rsquo;&eacute;criture de la chronique journalistique vers la litt&eacute;rature. Dans le dernier chapitre, l&rsquo;&eacute;quivalence est clairement pos&eacute;e entre la &ldquo;mer noire&rdquo;, plong&eacute;e dans l&rsquo;obscurit&eacute; de la nuit, et la &ldquo;la chambre noire&rdquo; de l&rsquo;&eacute;criture.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#liennbp40" name="nbp40">40</a> Marguerite Duras, <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, t. 3 et 4, &eacute;d. Gilles Philippe (dir.), Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 2014, p. 1730-1731.</p> <p><a href="#liennbp41" name="nbp41">41</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Eacute;t&eacute; 8&nbsp;&raquo;, <em>Lib&eacute;ration</em>, 3 septembre 1980, p. 4, rubrique &laquo;&nbsp;Soci&eacute;t&eacute;&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#liennbp42" name="nbp42">42</a> Voir Carine Capone, <em>Fronti&egrave;res de l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement, fronti&egrave;res de la litt&eacute;rature. L&rsquo;appropriation de l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement dans la litt&eacute;rature des ann&eacute;es soixante &agrave; nos jours (Marguerite Duras, Claude Simon, Emmanuel Carr&egrave;re, Laurent Mauvignier</em>, th&egrave;se de doctorat, Paris, Universit&eacute; Paris-Ouest Nanterre La D&eacute;fense, soutenue le 3 d&eacute;cembre 2015.</p> <p><a href="#liennbp43" name="nbp43">43</a> Yves Lavoinne, &laquo;&nbsp;Le journaliste, l&#39;histoire et l&#39;historien. Les avatars d&#39;une identité professionnelle (1935-1991)&nbsp;&raquo;, <em>Réseaux</em>, vol. 10, n&deg; 51, 1992, p. 39-53.</p> <p><a href="#liennbp44" name="nbp44">44</a> Marguerite Duras, &laquo;&nbsp;Je me souviens&nbsp;&raquo;, <em>Cahiers du cin&eacute;ma</em>, n&deg; 312-313, juin 1980.</p> <p><a href="#liennbp45" name="nbp45">45</a> Jules Vall&egrave;s, lettre du 13 novembre 1864 au <em>Figaro</em>, repris dans <em>&OElig;uvres</em>, t. I, &eacute;d. Roger Bellet, Paris, Gallimard, &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;, 1975, p. 1272.</p> <p><a href="#liennbp46" name="nbp46">46</a> Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, &laquo; Duras, definitely Duras. Tradition and Innovation in the Literary Journalism of Marguerite D.&nbsp;&raquo;, dans Richard Keeble et John Tulloch,&nbsp;Global Literary <em>Journalism&nbsp;: Exploring the Journalistic Imagination</em>, vol. 2,&nbsp;Peter Lang, New York, Bern, Berlin, Bruxelles, Frankfurt am Main, Oxford, Wien, 2014, p. 155-170.</p>