<figure><img alt="image intro.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="448" src="https://alepreuve.org/sites/default/files/image%20intro.jpg" width="600" /> <figcaption><em>Pluie, Vapeur et Vitesse &nbsp;&ndash;&nbsp;Le Grand Chemin de Fer de l&#39;Ouest&nbsp;</em>(1844)<br /> J. M. W. Turner</figcaption> </figure> <p><q>La &laquo;&nbsp;vitesse, en quelque sorte n&eacute;vropathique [...] emporte l&rsquo;homme &agrave; travers toutes ses actions et ses distractions... Il ne peut plus tenir en place, tr&eacute;pidant, les nerfs tendus comme des ressorts, impatient de repartir d&egrave;s qu&rsquo;il est arriv&eacute; quelque part, en mal d&rsquo;&ecirc;tre ailleurs, sans cesse ailleurs, plus loin qu&rsquo;ailleurs [...] Il passe en trombe, pense en trombe, sent en trombe, aime en trombe et vit en trombe. [...] Tout, autour de lui, et en lui, saute, danse, galope, est en mouvement, en mouvement inverse de son propre mouvement. Sensation douloureuse, parfois, mais forte, fantastique et grisante, comme le vertige et comme la fi&egrave;vre.&nbsp;&raquo;</q></p> <p><q>Octave Mirbeau, La 628-E8 [1907], dans&nbsp;<em>&OElig;uvre romanesque</em>, v.&nbsp;3, Paris, Buchet/Chastel, 2001, p.&nbsp;299.</q></p> <p>&nbsp;</p> <p>S&rsquo;il y a bien une notion qui caract&eacute;rise le monde contemporain, c&rsquo;est celle de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration. Depuis le d&eacute;veloppement des chemins de fer au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle &agrave; la prouesse du fameux Concorde &agrave; la fin du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle, la vitesse de d&eacute;placement est depuis longtemps un enjeu essentiel des innovations techniques. Dans les ann&eacute;es 1990, Marc Aug&eacute; souligne l&rsquo;extr&ecirc;me c&eacute;l&eacute;rit&eacute; des transformations du monde contemporain et lui donne le nom de<em>&nbsp;surmodernit&eacute;</em><a href="#nbp_1" id="footnoteref1_ymderrg" name="lien_nbp_1" title="Marc Augé, Non-lieux&amp;nbsp;: introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.">1</a>. Il ajoute que la surabondance&nbsp;&ndash;&nbsp;&eacute;v&eacute;nementielle, spatiale et mat&eacute;rielle&nbsp;&ndash;&nbsp;donne la sensation d&rsquo;une acc&eacute;l&eacute;ration de l&rsquo;histoire. Plus de vingt ans apr&egrave;s, la mondialisation s&rsquo;est encore intensifi&eacute;e &agrave; tel point que Michel Lussault appelle de nouvelles notions&nbsp;&ndash;&nbsp;globalisation, hyperspatialit&eacute;, surcumul<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_0w6egje" name="lien_nbp_2" title="Michel Lussault, Hyper-lieux&amp;nbsp;: les nouvelles géographies politiques de la mondialisation, Paris, Seuil, 2017.">2</a>&nbsp;&ndash;&nbsp;pour r&eacute;actualiser les propos de Marc Aug&eacute; et renouveler une r&eacute;flexion sur l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du monde.</p> <p>Mais la vitesse et l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration sont avant tout des&nbsp;proc&eacute;d&eacute;s, des&nbsp;pratiques. Par leur place pr&eacute;pond&eacute;rante dans les soci&eacute;t&eacute;s modernes, ces deux notions ont inspir&eacute; des pratiques artistiques, des po&eacute;tiques et des esth&eacute;tiques nouvelles. William Turner, avec<em>&nbsp;Pluie, vapeur et vitesse</em>&nbsp;(1844), s&rsquo;approprie les th&egrave;mes nouveaux de l&rsquo;industrie pour cr&eacute;er un ensemble o&ugrave; les formes et les couleurs perdent leurs contours et font voir la vie &agrave; grande vitesse. P&eacute;riode d&#39;acc&eacute;l&eacute;rations d&eacute;mographiques, &eacute;conomiques et industrielles, le XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle imprime au monde occidental un rythme plus soutenu o&ugrave; les distances se r&eacute;duisent et les attentes s&#39;amenuisent. La massification de la presse quotidienne bouleverse les po&eacute;tiques d&rsquo;&eacute;criture. Le format du feuilleton, alors tr&egrave;s populaire, entra&icirc;ne les auteurs, par sa forme et sa publication r&eacute;guli&egrave;re, vers davantage de concision et de d&eacute;coupage dans leurs r&eacute;cits<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_29zijrb" name="lien_nbp_3" title="Voir à ce sujet&amp;nbsp;: Marie-Ève Thérenty, Mosaïques. Être écrivain entre presse et roman (1829-1836), Paris, Honoré Champion, 2003&amp;nbsp;; Marie-Ève Thérenty, La Littérature au quotidien. Poétique journalistiques au XIXe siècle, Paris, Seuil, coll.&amp;nbsp;«&amp;nbsp;Poétique&amp;nbsp;», 2007&amp;nbsp;; Dominique Kalifa, Philippe Régnier, Marie-Ève Thérenty, Alain Vaillant (dir.), La Civilisation du journal. Histoire culturelle et littéraire de la presse française au XIXe siècle, Paris, Nouveau Monde, 2011.">3</a>. Dans le m&ecirc;me temps, l&rsquo;intensification des publications romanesques conduit &agrave; des pratiques de r&eacute;daction et de lecture compulsives et boulimiques. La c&eacute;l&eacute;rit&eacute; gagne cette &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature de consommation et de consumation&nbsp;&raquo;, selon les mots de Jean-Claude Vareille, pour qui le roman populaire est une &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature qui br&ucirc;le la chandelle par les deux bouts&nbsp;&raquo;, une &laquo;&nbsp;litt&eacute;rature de la vitesse (d&rsquo;&eacute;criture et de lecture)<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_1i9e3j3" name="lien_nbp_4" title="Jean-Claude Vareille, Le Roman populaire français (1789-1914). Idéologies et pratiques, Limoges / Québec, PULIM / Nuit Blanche, coll.&amp;nbsp;« Littératures en marge », 1994, p.&amp;nbsp;182.">4</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Mais plut&ocirc;t que de subir ces conditions de production et de consommation, les artistes s&#39;en saisissent pour d&eacute;velopper de nouveaux rapports aux &oelig;uvres. La syntaxe emboutie du po&egrave;te et performeur contemporain J&eacute;r&ocirc;me Game, proposant une forme de po&eacute;sie a&eacute;roportuaire, imprime, de syncopes en syncopes, le rythme effr&eacute;n&eacute; de la pens&eacute;e et du cumul d&rsquo;informations de l&rsquo;homme moderne au c&oelig;ur de l&rsquo;&eacute;criture po&eacute;tique. &Agrave; la mani&egrave;re de Turner, le po&egrave;te abolit les fronti&egrave;res des mots et des sons pour saisir la vitesse dans son &eacute;vanescence. Le temps de lire, de voir est ainsi questionn&eacute; jusque dans le processus de cr&eacute;ation des &oelig;uvres. La vitesse peut ainsi devenir le c&oelig;ur d&rsquo;une esth&eacute;tique, voire d&rsquo;un mouvement artistique, comme c&rsquo;est le cas pour le futurisme. Marinetti d&eacute;clarait en effet en une du&nbsp;<em>Figaro</em>&nbsp;en 1909 : &laquo;&nbsp;Nous d&eacute;clarons que la splendeur du monde s&rsquo;est enrichie d&rsquo;une beaut&eacute; nouvelle&nbsp;: la beaut&eacute; de la vitesse<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_qfa9lrb" name="lien_nbp_5" title="Marinetti, « Manifeste du futurisme », Le Figaro, 20 février 1909.">5</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo;.&nbsp;</p> <p>&Agrave; quelles reconfigurations l&rsquo;inscription de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration dans les &oelig;uvres m&egrave;ne-t-elle ? Simples proc&eacute;d&eacute;s ponctuels ou &eacute;l&eacute;ments centraux d&rsquo;une po&eacute;tique, la vitesse et l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;r&eacute; sont au c&oelig;ur d&rsquo;une r&eacute;flexion artistique particuli&egrave;rement f&eacute;conde que ce num&eacute;ro se propose&nbsp; de mettre en perspective. Qu&#39;elles soient &agrave; m&ecirc;me de d&eacute;former les coordonn&eacute;es spatio-temporelles, de susciter la fascination et le d&eacute;sarroi &agrave; travers de nouveaux imaginaires ou d&#39;ouvrir la voie &agrave; d&#39;autres mani&egrave;res d&#39;&ecirc;tre au monde, ces notions&nbsp;&ndash;&nbsp;subies, interrog&eacute;es ou recherch&eacute;es et int&eacute;gr&eacute;es&nbsp;&ndash;&nbsp;reconfigurent notre rapport au r&eacute;el autant qu&#39;aux &oelig;uvres.</p> <p><strong>Distorsion du r&eacute;el et d&eacute;r&egrave;glement des &eacute;chelles</strong></p> <p>La conqu&ecirc;te du temps et de l&rsquo;espace par les transports n&rsquo;est pas sans lien avec le d&eacute;veloppement des outils de communication et d&rsquo;information. Les tirages massifs de la presse papier d&egrave;s le XIX<sup>e</sup>, l&rsquo;apparition du t&eacute;l&eacute;phone, l&rsquo;arriv&eacute;e de la radio, la d&eacute;mocratisation d&rsquo;internet, la multiplication des supports du journalisme&hellip; les deux derniers si&egrave;cles sont riches d&rsquo;exemples pour nourrir une r&eacute;trospective sur l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration des &eacute;changes. La plan&egrave;te semble aujourd&rsquo;hui se r&eacute;tr&eacute;cir sous le ballet incessant des d&eacute;placements de marchandises venues des quatre coins du globe. Il n&rsquo;est plus un recoin qui ne soit hyper-connect&eacute; si bien qu&rsquo;il est possible aujourd&rsquo;hui d&rsquo;annihiler le moindre temps mort en rentabilisant chaque minute. En tout lieu et &agrave; toute heure, la vitesse de notre soci&eacute;t&eacute; se traduit par la g&eacute;n&eacute;ralisation de l&rsquo;instantan&eacute;&nbsp;; nous pouvons contacter quelqu&rsquo;un &agrave; des milliers de kilom&egrave;tres, suivre en direct un &eacute;v&eacute;nement lointain, transf&eacute;rer en quelques secondes des documents ou de l&rsquo;argent &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger&hellip; et nous sommes des millions en m&ecirc;me temps &agrave; faire l&rsquo;exp&eacute;rience troublante de cette illusion d&rsquo;ubiquit&eacute;<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_tbaif0y" name="lien_nbp_6" title="Voir à ce sujet Paul Virilio, La Vitesse de libération, Paris, Galilée, coll.&amp;nbsp;«&amp;nbsp;L'espace critique&amp;nbsp;», 1995, «&amp;nbsp;À l'urbanisation de l'espace réel succède alors cette urbanisation du temps réel qui est, finalement, celle du corps propre du citadin, citoyen terminal bientôt suréquipé de prothèses interactives [...]&amp;nbsp;», p.&amp;nbsp;33.">6</a>. Compression des distances, instantan&eacute;it&eacute;, la distorsion du r&eacute;el produite par la vitesse fascine et interroge les artistes. Alexandre Melay montre ainsi dans le premier article<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_87two9u" name="lien_nbp_7" title="Voir dans ce numéro l’article d’Alexandre Melay, «&amp;nbsp;Le vertige de l’accélération de la réalité mondialisée chez Andreas Gursky&amp;nbsp;».">7</a>&nbsp;de ce num&eacute;ro comment Andreas Gursky rend compte de l&rsquo;&eacute;clatement du monde contemporain en manipulant ses photographies num&eacute;riques&nbsp;: les lieux du capitalisme subissent de troublants d&eacute;r&egrave;glements d&rsquo;&eacute;chelle pour appara&icirc;tre comme des hyperlieux fourmillants, infinis ou fractals. En revanche, dans le conte fantastique de B&eacute;n&eacute;dict-Henry R&eacute;voil, &laquo;&nbsp;L&rsquo;&Icirc;le des brouillards&nbsp;&raquo;, que Manuela Mohr se propose d&rsquo;analyser<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_rkfjsg8" name="lien_nbp_8" title="Voir dans ce numéro l’article de Manuela Mohr&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;Quand une nuit compte cent ans&amp;nbsp;: la vitesse du temps qui passe&amp;nbsp;».">8</a>, la perturbation d&rsquo;&eacute;chelle n&rsquo;est plus spatiale mais temporelle. Publi&eacute; en 1865 dans&nbsp;<em>Le Si&egrave;cle illustr&eacute;</em>, &agrave; un moment o&ugrave; l&rsquo;essor de la presse bouleverse le rapport au pr&eacute;sent, le feuilleton distord habilement le temps pour penser l&rsquo;&eacute;branlement des consciences face au rythme effr&eacute;n&eacute; des avanc&eacute;es technologiques.</p> <p><strong>Imaginaires de la vitesse &nbsp;</strong></p> <p>Il serait na&iuml;f de penser que la vitesse et l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration ne seraient apparues dans les &oelig;uvres qu&rsquo;&agrave; partir des r&eacute;volutions industrielles. Bien avant les si&egrave;cles dits de la modernit&eacute;, l&rsquo;homme a invent&eacute; des figures, des h&eacute;ros capables de vitesse, il suffit de penser au cheval de Rams&egrave;s II lanc&eacute; au galop dans les repr&eacute;sentations de la bataille de Qadesh des temples &eacute;gyptiens. Objet fantasmagorique de puissance, la vitesse est d&rsquo;abord une performance intrins&egrave;quement li&eacute;e &agrave; l&rsquo;id&eacute;e de progr&egrave;s. La surprise d&rsquo;un Nerval dans son po&egrave;me &laquo;&nbsp;Le R&eacute;veil en voiture&nbsp;&raquo; face &agrave; ce paysage nouveau qui d&eacute;file sous ses yeux a nourri la part de fascination des hommes pour la c&eacute;l&eacute;rit&eacute;. Entre r&ecirc;ve et r&eacute;alit&eacute;, magn&eacute;tique et ensorcelante, la vitesse devient un id&eacute;al qu&rsquo;il s&rsquo;agit de pouvoir d&eacute;crire et repr&eacute;senter. Elle fait surgir des mondes et d&eacute;veloppe tout un imaginaire qui lui est propre. Les acc&eacute;l&eacute;rations technologiques et m&eacute;diatiques des deux derniers si&egrave;cles ne manquent pas d&rsquo;influencer la cr&eacute;ation artistique. Le th&eacute;&acirc;tre et les arts de la sc&egrave;ne ont pu rendre compte d&rsquo;une sensibilit&eacute; accrue aux ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration. C&rsquo;est &agrave; ce constat que se rend Elena Mazzoleni dans son &eacute;tude compar&eacute;e<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_nsq2joq" name="lien_nbp_9" title="Voir dans ce numéro l’article d’Elena Mazzoleni&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;Dramaturgies de la vitesse&amp;nbsp;: des gestes fugitifs d’Yvette Guilbert aux pantomimes convulsives des Hanlon-Lees&amp;nbsp;».">9</a>&nbsp;des num&eacute;ros de quelques artistes &agrave; la charni&egrave;re des XIX<sup>e</sup>&nbsp;et XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cles dans un moment de fr&eacute;n&eacute;sie technologique. Du jeu fuyant d&rsquo;Yvette Guilbert aux pantomimes convulsives des fr&egrave;res Hanlon-Lees en passant par les ondulations fr&eacute;n&eacute;tiques et hypnotiques de Lo&iuml;e Fuller, les spectacles de vari&eacute;t&eacute; de cette &eacute;poque t&eacute;moignent du trouble et de la s&eacute;duction de toute une soci&eacute;t&eacute; pour le mouvement. Mais comment diff&eacute;rencier l&rsquo;exp&eacute;rience subjective de la vitesse d&rsquo;une acc&eacute;l&eacute;ration effective des cadences&nbsp;? La pi&egrave;ce&nbsp;<em>1993</em>&nbsp;qu&rsquo;analyse Narimane Le Roux Dupeyron<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_p0gd7b4" name="lien_nbp_10" title="Voir dans ce numéro l’article de Narimane Le Roux Dupeyron&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;Imaginaire de l’accélération dans 1993 mis en scène par Julien Gosselin&amp;nbsp;».">10</a>&nbsp;explore la confusion de ces sensations. Le metteur en sc&egrave;ne Julien Gosselin d&eacute;veloppe par la sc&eacute;nographie et le jeu des acteurs un dispositif immersif o&ugrave; la perte de sens et de rep&egrave;re ne se veut que l&rsquo;&eacute;cho d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; atomis&eacute;e par l&rsquo;injonction &agrave; la rapidit&eacute;.</p> <p><strong>R&eacute;apprivoiser la vitesse&nbsp;</strong></p> <p>Mais la vitesse n&rsquo;est pas seulement celle qu&rsquo;on d&eacute;plore. Son d&eacute;r&egrave;glement peut produire un nouvel ordre. Certains ont choisi, plut&ocirc;t que de mettre &agrave; distance cette acc&eacute;l&eacute;ration, de l&rsquo;apprivoiser et de &laquo;&nbsp;faire avec&nbsp;&raquo;. L&rsquo;esth&eacute;tique explor&eacute;e par Nathalie Provenzano<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_uf84z73" name="lien_nbp_11" title="Voir dans ce numéro l’article de Nathalie Provenzano&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;11-11&amp;nbsp;: Memories Retold&amp;nbsp;: l’art de la célérité en jeu vidéo&amp;nbsp;».">11</a>&nbsp;du jeu vid&eacute;o&nbsp;<em>11-11&nbsp;: Memories Retold</em>&nbsp;proche de l&rsquo;art impressionniste et &agrave; contre-courant de l&rsquo;esth&eacute;tique hyper-r&eacute;aliste des jeux vid&eacute;o&nbsp;actuels, est un exemple des alternatives possibles &agrave; l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du temps de production. Yoan Fanise r&eacute;apprivoise le temps de cr&eacute;ation par une esth&eacute;tique qui brise les codes de la performance visuelle et am&egrave;ne le jeu au statut d&rsquo;&oelig;uvre. Ce pas de c&ocirc;t&eacute; qui exclut un rapport manich&eacute;en de fascination ou de d&eacute;nonciation propose l&rsquo;int&eacute;gration de la vitesse non seulement dans une esth&eacute;tique mais aussi dans une &eacute;thique. Comprendre la vitesse, c&rsquo;est peut-&ecirc;tre repenser une mani&egrave;re d&rsquo;&ecirc;tre au monde. Au-del&agrave; d&rsquo;une vision binaire du temps, la po&eacute;sie de Jacques R&eacute;da pose le rythme comme souffle premier de l&rsquo;&eacute;criture et con&ccedil;oit ainsi la vitesse en dehors de toute mise &agrave; distance. Il en fait une exp&eacute;rience sensible que Marie Joqueviel-Bourjea recueille dans son article &laquo;&nbsp;Cet antique vertige<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_7p4n1n6" name="lien_nbp_12" title="Voir dans ce numéro l’article de Jocqueviel-Bourjea&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;“Cet antique vertige” (avec Jacques Réda)&amp;nbsp;».">12</a>&nbsp;&raquo;. Parce qu&rsquo;il est possible de sentir la vitesse sur un cyclomoteur beaucoup mieux que dans l&rsquo;espace confin&eacute; et pressuris&eacute; du Concorde, la c&eacute;l&eacute;rit&eacute; est d&rsquo;abord un vertige qui, dans toute sa relativit&eacute;, am&eacute;nage notre rapport au r&eacute;el. La vitesse est belle, disait Marinetti, et s&rsquo;en saisir permet de penser non plus la soci&eacute;t&eacute; mais bien l&rsquo;homme &agrave; toutes ses allures.</p> <p><strong><em>Work in progress</em></strong></p> <p>Comme chaque ann&eacute;e, la derni&egrave;re partie du num&eacute;ro est consacr&eacute;e aux actes de la journ&eacute;e d&rsquo;&eacute;tudes&nbsp;<em>Work in progress</em>&nbsp;organis&eacute;e par les repr&eacute;sentants des doctorants du RIRRA 21. Les trois contributions de ce num&eacute;ro sont issues de la dixi&egrave;me &eacute;dition de cette journ&eacute;e qui s&rsquo;est tenue le 11 avril 2018 &agrave; Montpellier.&nbsp;</p> <p>Sara Maddalena propose de montrer en quoi la mise en sc&egrave;ne de&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;par Georges Lavaudant au Festival d&rsquo;Avignon en 1984 peut &ecirc;tre apparent&eacute;e au mani&eacute;risme en d&eacute;clinant les choix esth&eacute;tiques li&eacute;s aux effets sc&eacute;nographiques comme au jeu tr&egrave;s particulier de l&rsquo;acteur Ariel Garcia-Vald&egrave;s.</p> <p>Adrien Valgalier s&rsquo;interroge sur les modalit&eacute;s de la reconstitution historique dans le cadre sp&eacute;cifique du cin&eacute;ma comique en &eacute;tudiant&nbsp;<em>La Carapate</em>&nbsp;de G&eacute;rard Oury, sorti en 1978. En se d&eacute;gageant de toute ambition documentaire, ce film, qui reprend &agrave; son compte les &eacute;v&eacute;nements de Mai&nbsp;68, met en exergue le rapport d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; avec son histoire.</p> <p>Violaine Fran&ccedil;ois souligne l&rsquo;importance des pratiques orales dans le champ litt&eacute;raire du XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle par la cartographie parisienne des principaux lieux de parole des &eacute;crivains&nbsp;: ces sc&egrave;nes litt&eacute;raires, allant de l&rsquo;ambiance feutr&eacute;e des salons priv&eacute;s au brouhaha des caf&eacute;s artistiques, permettent de repenser le statut de l&rsquo;&eacute;crivain au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle.&nbsp;</p> <hr /> <h2>Notes et r&eacute;f&eacute;rences</h2> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;Marc Aug&eacute;,&nbsp;<em>Non-lieux&nbsp;: introduction &agrave; une anthropologie de la surmodernit&eacute;</em>, Paris, Seuil, 1992.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;Michel Lussault,&nbsp;<em>Hyper-lieux&nbsp;: les nouvelles g&eacute;ographies politiques de la mondialisation</em>, Paris, Seuil, 2017.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;Voir &agrave; ce sujet&nbsp;: Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty,&nbsp;<em>Mosa&iuml;ques. &Ecirc;tre &eacute;crivain entre presse et roman (1829-1836)</em>, Paris, Honor&eacute; Champion, 2003&nbsp;; Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty,&nbsp;<em>La Litt&eacute;rature au quotidien. Po&eacute;tique journalistiques au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Seuil, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;Po&eacute;tique&nbsp;&raquo;, 2007&nbsp;; Dominique Kalifa, Philippe R&eacute;gnier, Marie-&Egrave;ve Th&eacute;renty, Alain Vaillant (dir.),&nbsp;<em>La Civilisation du journal. Histoire culturelle et litt&eacute;raire de la presse fran&ccedil;aise au XIX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle</em>, Paris, Nouveau Monde, 2011.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Jean-Claude Vareille,&nbsp;<em>Le Roman populaire fran&ccedil;ais (1789-1914). Id&eacute;ologies et pratiques</em>, Limoges / Qu&eacute;bec, PULIM / Nuit Blanche, coll.&nbsp;&laquo; Litt&eacute;ratures en marge &raquo;, 1994, p.&nbsp;182.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;Marinetti, &laquo; Manifeste du futurisme &raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 20 f&eacute;vrier 1909.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;Voir &agrave; ce sujet Paul Virilio,<em>&nbsp;La Vitesse de lib&eacute;ration</em>, Paris, Galil&eacute;e, coll.&nbsp;&laquo;&nbsp;L&#39;espace critique&nbsp;&raquo;, 1995, &laquo;&nbsp;&Agrave; l&#39;urbanisation de l&#39;espace r&eacute;el succ&egrave;de alors cette urbanisation du temps r&eacute;el qui est, finalement, celle du corps propre du citadin, citoyen terminal bient&ocirc;t sur&eacute;quip&eacute; de proth&egrave;ses interactives [...]&nbsp;&raquo;, p.&nbsp;33.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;Voir dans ce num&eacute;ro l&rsquo;article d&rsquo;Alexandre Melay, &laquo;&nbsp;Le vertige de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration de la r&eacute;alit&eacute; mondialis&eacute;e chez Andreas Gursky&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;Voir dans ce num&eacute;ro l&rsquo;article de Manuela Mohr&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quand une nuit compte cent ans&nbsp;: la vitesse du temps qui passe&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;Voir dans ce num&eacute;ro l&rsquo;article d&rsquo;Elena Mazzoleni&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dramaturgies de la vitesse&nbsp;: des gestes fugitifs d&rsquo;Yvette Guilbert aux pantomimes convulsives des Hanlon-Lees&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Voir dans ce num&eacute;ro l&rsquo;article de Narimane Le Roux Dupeyron&nbsp;: &laquo;&nbsp;Imaginaire de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration dans 1993 mis en sc&egrave;ne par Julien Gosselin&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Voir dans ce num&eacute;ro l&rsquo;article de Nathalie Provenzano&nbsp;: &laquo;&nbsp;11-11&nbsp;: Memories Retold&nbsp;: l&rsquo;art de la c&eacute;l&eacute;rit&eacute; en jeu vid&eacute;o&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;Voir dans ce num&eacute;ro l&rsquo;article de Jocqueviel-Bourjea&nbsp;: &laquo;&nbsp;&ldquo;Cet antique vertige&rdquo; (avec Jacques R&eacute;da)&nbsp;&raquo;.</p>