<p>Dans&nbsp;<em>1993</em><a href="#nbp_1" id="footnoteref1_x5x9k1c" name="lien_nbp_1" title="1993, mis en scène par Julien Gosselin, texte d᾿Aurélien Bellanger, projet réalisé avec le Groupe 43 de l’école du Théâtre National de Strasbourg, créé le 3 juillet 2017 au Festival de Marseille.">1</a>, le metteur en sc&egrave;ne Julien Gosselin et l&#39;auteur Aur&eacute;lien Bellanger racontent l&rsquo;histoire d&rsquo;un espace et d&rsquo;une temporalit&eacute; qui se compressent au tournant des ann&eacute;es 1990, prenant comme dates pivots la cr&eacute;ation de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;rateur de particules du CERN en 1989 et celle du tunnel sous la Manche en 1993. Ce spectacle constitue le projet de fin d&#39;&eacute;tude des com&eacute;diens du groupe 43 de l&#39;&eacute;cole du Th&eacute;&acirc;tre National de Strasbourg dont Julien Gosselin est artiste associ&eacute;. En 2013, le metteur en sc&egrave;ne acc&egrave;de &agrave; la notori&eacute;t&eacute; par la cr&eacute;ation du spectacle&nbsp;<em>Les particules &eacute;l&eacute;mentaires,</em>&nbsp;au cours duquel il rencontre l&#39;&eacute;crivain Aur&eacute;lien Bellanger, auteur de l&#39;essai&nbsp;<em>Houellebecq &eacute;crivain romantique</em><a href="#nbp_2" id="footnoteref2_ys7i33n" name="lien_nbp_2" title="Aurélien Bellanger, Houellebecq écrivain romantique, Paris, Léo Scheer, 2010.">2</a>. Pour ce nouveau projet, Julien Gosselin travaille dans un premier temps &agrave; partir d&#39;entretiens r&eacute;alis&eacute;s avec des personnes concern&eacute;es, de multiples fa&ccedil;ons, par la &laquo;&nbsp;Jungle de Calais&nbsp;&raquo;. Cette mati&egrave;re textuelle ne sera finalement pas utilis&eacute;e dans le spectacle. Comme en attestent ses pr&eacute;c&eacute;dentes mises en sc&egrave;ne<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_qlrq74x" name="lien_nbp_3" title="Julien Gosselin a souvent travaillé à partir de romans de la littérature contemporaine&amp;nbsp;: Les particules élémentaires d'après Michel Houellebecq en 2013, 2666 d’après Roberto Bolaňo en 2016, Joueurs | Mao II | Les Noms, d'après Don Dellilo en 2018.">3</a>, le metteur en sc&egrave;ne aime concevoir son travail autour de &laquo;&nbsp;la vision d&#39;un auteur&nbsp;&raquo;. &Agrave; ce propos, il affirme&nbsp;:</p> <p><q>L&rsquo;id&eacute;e &eacute;tait de recueillir des t&eacute;moignages de Calaisiens, de migrants, de politiques, de skinheads, de b&eacute;n&eacute;voles, qui devaient servir de base &agrave; l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;un spectacle. Mais tr&egrave;s vite, je me suis rendu compte que cette mati&egrave;re ne me satisfaisait pas pleinement artistiquement et qu&rsquo;elle avait du mal &agrave; entrer en correspondance avec la litt&eacute;rature d&rsquo;Aur&eacute;lien. M&ecirc;me s&rsquo;il part du r&eacute;el, il a besoin d&rsquo;&eacute;crire et non simplement de restructurer une parole. Il a commenc&eacute; &agrave; m&rsquo;envoyer des pages que je trouvais passionnantes et qui me faisaient d&eacute;vier de mon sujet. C&rsquo;&eacute;tait la vision d&rsquo;un auteur et, au fond, c&rsquo;est ce que je cherchais, ce qui m&rsquo;int&eacute;resse toujours le plus<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_stmlp8j" name="lien_nbp_4" title="Julien Gosselin, «&amp;nbsp;Le lieu précis de la fin de l'histoire&amp;nbsp;», Dossier de presse de 1993, p. 7-8. Festival de Marseille – danse et arts multiples, [en ligne], https://www.festivaldemarseille.com/fr/programme/1993&amp;nbsp; [consulté le 28/11/2019].">4</a>.</q></p> <p>Il est possible de d&eacute;composer la structure du spectacle en deux parties principales. Dans la premi&egrave;re, le texte, &eacute;crit par Aur&eacute;lien Bellanger publi&eacute; sous le titre&nbsp;<em>Eurodance</em><a href="#nbp_5a" id="footnoteref5_0re26z7" name="lien_nbp_5a" title="Aurélien Bellanger, Eurodance, op. cit. p. 5.">5</a>, oscille entre l&rsquo;essai th&eacute;orique et la m&eacute;taphore po&eacute;tique. Il produit une r&eacute;flexion historique sur ce d&eacute;but des ann&eacute;es 1990 parsem&eacute;e de m&eacute;taphores qui tentent de saisir tout autant les faits que le r&ecirc;ve qui accompagne cette nouvelle &egrave;re. La scansion des com&eacute;diens et le flot continu de leur parole t&eacute;moignent d&rsquo;une urgence. Le spectateur s&rsquo;y perd, rattrape le fil, avant de se perdre &agrave; nouveau. La deuxi&egrave;me partie du spectacle plonge le spectateur dans une soir&eacute;e &eacute;tudiante Erasmus, dans laquelle de jeunes Europ&eacute;ens avides de drogues, d&rsquo;alcool et d&rsquo;exp&eacute;riences sexuelles, se r&eacute;v&egrave;lent aussi prompts &agrave; retrouver du sens &agrave; leurs existences &agrave; travers des extr&eacute;mismes politiques nationalistes. Cette soir&eacute;e est film&eacute;e en direct et retransmise sur un &eacute;cran qui surplombe la sc&egrave;ne. Entre ces deux sc&egrave;nes est ins&eacute;r&eacute;e une partie interm&eacute;diaire, durant laquelle les acteurs et actrices reprennent des discours prononc&eacute;s par Herman Van Rompuy et Jose Manuel Barroso &agrave; Oslo en 2012, lors de la c&eacute;r&eacute;monie d&rsquo;attribution du Prix Nobel de la Paix &agrave; l&rsquo;Union europ&eacute;enne.</p> <p>Le metteur en sc&egrave;ne Julien Gosselin et l&rsquo;&eacute;crivain Aur&eacute;lien Bellanger interrogent les mythes qui nourrissent le d&eacute;but des ann&eacute;es 1990 : le progr&egrave;s technique illimit&eacute;, la croyance en une fin des conflits et l&rsquo;av&egrave;nement des d&eacute;mocraties lib&eacute;rales. Le metteur en sc&egrave;ne d&eacute;clare&nbsp;:</p> <p><q>Il y a cette id&eacute;e d&rsquo;une modernit&eacute; pacifiste, de &laquo;&nbsp;fin de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo; dans le sens o&ugrave; l&rsquo;on peut imaginer une paix perp&eacute;tuelle, un espace o&ugrave; les &eacute;changes seraient normalis&eacute;s, apais&eacute;s : l&rsquo;Europe occidentale comme continent de la douceur. Mais aujourd&rsquo;hui, on se rend bien compte que l&rsquo;histoire est loin d&rsquo;&ecirc;tre termin&eacute;e ! Avec le Groupe 43, j&rsquo;ai envie d&rsquo;interroger ce que signifie &ecirc;tre de la g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;apr&egrave;s la chute du mur<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_r5u8mqr" name="lien_nbp_6" title="Julien Gosselin, «&amp;nbsp;Le lieu précis de la fin de l'histoire&amp;nbsp;»,&amp;nbsp; art. cit., p. 8.">6</a>.</q></p> <p>Un extrait de<em>&nbsp;La Fin de l᾿histoire</em><a href="#nbp_7" id="footnoteref7_fmwq9qf" name="lien_nbp_7" title="Francis Fukuyama, La Fin de l’histoire et le dernier homme, Paris, Flammarion, coll. «&amp;nbsp;Champs essais&amp;nbsp;», 2018 [1992].">7</a>&nbsp;de Francis Fukuyama est projet&eacute; durant l&rsquo;entr&eacute;e en salle des spectateurs. &laquo;&nbsp;La fin de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;r&ecirc;ve d&rsquo;ing&eacute;nieur<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_93picdp" name="lien_nbp_8" title="Aurélien Bellanger, Eurodance, op. cit. p. 7.">8</a>&nbsp;&raquo; comme le nomme le texte d&#39;Aur&eacute;lien Bellanger, terni par deux &eacute;l&eacute;ments g&eacute;opolitiques majeurs&nbsp;: la crise migratoire d&#39;une part et la mont&eacute;e des nationalismes de l&rsquo;autre. Telles sont les lignes de force qui habitent le propos de l&rsquo;&oelig;uvre. La cr&eacute;ation, en relayant la jungle de Calais au second plan, au profit du CERN et de l&rsquo;Eurotunnel, saisit ici la dualit&eacute; des soci&eacute;t&eacute;s lib&eacute;rales, entre r&ecirc;ve affich&eacute; et face cach&eacute;e.&nbsp;</p> <p>La soci&eacute;t&eacute; est prise dans un processus d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration&nbsp;: sentiment qui semble habiter l&rsquo;&oelig;uvre ainsi que le monde social occidental. Ce processus demande &agrave; &ecirc;tre d&eacute;fini et interrog&eacute;, car &laquo;&nbsp;il est &eacute;vident que le&nbsp;<em>temps&nbsp;</em>ne peut en aucun sens v&eacute;ritablement acc&eacute;l&eacute;rer, et [que] tous les processus de la vie sociale n&rsquo;acc&eacute;l&egrave;rent pas<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_du6euqn" name="lien_nbp_9" title="Hartmut Rosa, Accélération et aliénation, Paris, La Découverte, coll. «&amp;nbsp;Poche&amp;nbsp;», 2012, p. 16.">9</a>.&nbsp;&raquo; affirme Hartmut Rosa, dont la pens&eacute;e est apparue &eacute;clairante pour envisager diff&eacute;rentes formes de l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration dans&nbsp;<em>1993</em>, nous le verrons. L&#39;acc&eacute;l&eacute;ration rel&egrave;ve d&#39;un sentiment subjectif. Cependant, des avanc&eacute;es techniques participent &agrave; cette acc&eacute;l&eacute;ration des rythmes de vie, cr&eacute;ent les conditions ad&eacute;quates pour une acc&eacute;l&eacute;ration des &eacute;changes de marchandises, de personnes, d&#39;informations. Ce qui, en retour, modifie les modes d&#39;&ecirc;tre au monde, impacte les subjectivit&eacute;s. L&rsquo;&oelig;uvre &eacute;tudi&eacute;e est nourrie de cette tension entre exp&eacute;riences subjectives et faits objectivables. Cela nous invite &agrave; saisir l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration non pas comme rationalit&eacute; mesurable mais comme imaginaire, que Fran&ccedil;ois Cusset, Thierry Labica et V&eacute;ronique Rauline d&eacute;finissent dans l&#39;introduction &agrave;&nbsp;<em>Imaginaires du n&eacute;olib&eacute;ralisme&nbsp;</em>comme une&nbsp;:</p> <p><q>fine membrane, passage et fronti&egrave;re &agrave; la fois, &agrave; travers laquelle entrent en r&eacute;sonance les circonstances objectives et les d&eacute;sordres subjectifs, les violences sociales et les d&eacute;sh&eacute;rences int&eacute;rieures, les forces historiques et les discours qui en figent l&rsquo;&eacute;lan<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_15x28mg" name="lien_nbp_10" title="François Cusset, Thierry Labica, Véronique Rauline (dir.), Imaginaires du néolibéralisme, Paris, La Dispute, 2016.">10</a>.</q></p> <p>L&#39;acc&eacute;l&eacute;ration sociale qui r&eacute;pond &agrave; l&#39;injonction suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mettre le monde en mouvement &ndash; propulser le tissus social, mental, mat&eacute;riel<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_xz4relf" name="lien_nbp_11" title="Hartmut Rosa «&amp;nbsp;Vitesse, espace, rythme et culture néolibérale&amp;nbsp;» dans Ibid. p. 189-205. Hartmut Rosa a proposé une contribution sous forme de powerpoint, que l’éditeur présente ainsi : «&amp;nbsp;Voilà une proposition bien singulière de la part de l’auteur, et des codirecteurs de l’ouvrage qui soutiennent l’hypothèse face à l’éditeur stupéfait. Et pourtant, il faut bien admettre qu’à considérer cet objet-là [le powerpoint], quelque chose de l’ordre de la pensée se passe. Si la forme même semble nous empêcher d'élaborer une quelconque intelligence, parce que fruste, rapide, elliptique, elle se dévoile pourtant immédiatement comme une image parfaite de ce dont il est ici question&amp;nbsp;: l'accélération.&amp;nbsp;Son mouvement incessant, la succession de propositions succinctes et ramassées, nous interdit toute concentration. Par ce choix formel, Hartmut Rosa nous permet de faire l'expérience de l'agacement stérile vers lequel nous emporte obstinément la précipitation du tempo néolibéral. », p. 189.">11</a>&nbsp;!&nbsp;&raquo; &ndash; constitue une des multiples formes de l&#39;imaginaire n&eacute;olib&eacute;ral.</p> <p>&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp;&nbsp; Cette &eacute;tude n&#39;entend pas mesurer le rythme du spectacle (vitesse des lumi&egrave;res, vitesse de la parole) ou encore discerner des moments de lenteur &agrave; partir desquels on rep&eacute;rerait des acc&eacute;l&eacute;rations&nbsp;: nous tenterons plut&ocirc;t de saisir les traces d&#39;un imaginaire de l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration au sein de l&rsquo;&oelig;uvre. Quelles repr&eacute;sentations de l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration sociale produit&nbsp;<em>1993</em>&nbsp;? Il s&#39;agira de revenir bri&egrave;vement sur le r&eacute;cit de l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration du monde que propose le texte d&#39;Aur&eacute;lien Bellanger, avant d&#39;analyser les ph&eacute;nom&egrave;nes d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration qu&#39;activent le spectacle &agrave; travers le traitement des corps et l&#39;exp&eacute;rience du spectateur.</p> <p><strong>Le r&eacute;cit d&#39;une acc&eacute;l&eacute;ration du monde</strong></p> <p>Le r&eacute;cit de&nbsp;<em>1993</em>&nbsp;pr&eacute;sente une histoire du d&eacute;but des ann&eacute;es 1990 &agrave; travers les mythologies qui bercent la p&eacute;riode. Il est possible de donner un aper&ccedil;u de ce r&eacute;cit en relevant trois axes&nbsp;th&eacute;matiques principaux : politique, technique et culturel. Trois champs qui se modifient autour d&#39;une double injonction&nbsp;: acc&eacute;l&eacute;rer les &eacute;changes, d&eacute;truire les fronti&egrave;res. Le r&eacute;cit est introduit par le r&ecirc;ve de la fin de l&#39;histoire, celui d&#39;une paix &eacute;ternelle qui va de pair avec une obsession s&eacute;curitaire&nbsp;:</p> <p><q>Plus de guerre, des habitacles renforc&eacute;s, des d&eacute;fibrillateurs partout.&nbsp;</q></p> <p><q>Des trous dans les bouchons des stylos-billes, des airbags passagers, des voies de d&eacute;tresse sur les autoroutes de montagne.</q></p> <p><q>Des tunnels d&#39;&eacute;vacuation tous les cinq cents m&egrave;tres.</q></p> <p><q>La fin de l&#39;histoire pour tous &agrave; moins de cinq minutes de marche.&nbsp;</q></p> <p><q>Des rampes inclin&eacute;es, des plans sant&eacute; mentale.</q></p> <p><q>Cinq &eacute;toiles &agrave; tous les crash tests.</q></p> <p><q>Des normes sur le sel, sur le sucre et sur le bisph&eacute;nol&nbsp;(...)<a href="#nbp_5b" id="footnoteref5_k8pobe5" name="lien_nbp_5b" title="Aurélien Bellanger, Eurodance, op. cit. p. 5.">5</a></q></p> <p>&Eacute;teindre les conflits pour que le march&eacute; ne connaisse pas d&#39;entraves&nbsp;: telle est la volont&eacute; qui se dessine dans l&rsquo;Europe du d&eacute;but des ann&eacute;es 1990. Progressivement, les institutions s&#39;&eacute;vident de contenu politique au profit d&#39;un mode de gouvernement reposant sur les r&egrave;gles du march&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Invisibles, les institutions Playmobil existent bien, mais elles regardent plus le gouvernement des choses, que celui des humains<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_oc8ylgu" name="lien_nbp_12" title="Ibid., p. 4.">12</a>.&nbsp;&raquo; Cette d&eacute;claration importe pour saisir la construction d&#39;ensemble du spectacle. En effet, la deuxi&egrave;me partie montre une jeunesse en mal d&#39;id&eacute;al politique et trouvant du sens &agrave; son existence en brandissant une id&eacute;ologie nationaliste qui vient combler ce vide politique.&nbsp;<em>1993</em>&nbsp;raconte une &eacute;volution n&eacute;olib&eacute;rale du monde. L&#39;enjeu du n&eacute;olib&eacute;ralisme est de&nbsp;: &laquo; supprimer les freins politiques qui ralentissent les flux dynamiques du capital, des marchandises, de l&#39;information et de l&#39;argent<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_96msh6w" name="lien_nbp_13" title="Hartmut Rosa «&amp;nbsp;Vitesse, espace, rythme et culture néolibérale&amp;nbsp;», art. cit., p. 189-205.">13</a>. &raquo; affirme Hartmut Rosa. Cette &eacute;volution sociale et politique se caract&eacute;rise d&egrave;s lors par un id&eacute;al de fluidification et d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration des &eacute;changes qui, apr&egrave;s la chute du mur de Berlin, ne doit plus rencontrer de limites.&nbsp;</p> <p>L&#39;axe technique renvoie &agrave; la premi&egrave;re forme d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration que d&eacute;finit Hartmut Rosa dans&nbsp;<em>Ali&eacute;nation et acc&eacute;l&eacute;ration</em>. Il s&#39;agit d&#39;une &laquo;&nbsp;acc&eacute;l&eacute;ration intentionnelle de processus&nbsp;<em>orient&eacute;s vers un but&nbsp;</em>dans le domaine des transports, de la communication et de la production<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_qhkjyai" name="lien_nbp_14" title="Hartmut Rosa, Accélération et aliénation, op. cit., p. 18.">14</a>. &raquo; Elle concerne ici l&#39;acc&eacute;l&eacute;rateur de particules du CERN et l&#39;Eurotunnel. L&#39;auteur distingue les acc&eacute;l&eacute;rations &laquo;<em>&nbsp;&agrave; l&#39;int&eacute;rieur</em>&nbsp;de la soci&eacute;t&eacute;<a href="#nbp_15" id="footnoteref15_waq0y89" name="lien_nbp_15" title="Ibid., p. 20.">15</a>&nbsp;&raquo; et les acc&eacute;l&eacute;rations &laquo;&nbsp;<em>de</em>&nbsp;la soci&eacute;t&eacute; elle-m&ecirc;me<a href="#nbp_16a" id="footnoteref16_x2jwnnm" name="lien_nbp_16a" title="Ibid.">16</a>&nbsp;&raquo;. Si ces avanc&eacute;es techniques mettent en place les conditions favorables &agrave; une acc&eacute;l&eacute;ration sociale, elles n&#39;en font pas une cons&eacute;quence syst&eacute;matique. Elles seules, sans les individus qui en font usage - et sans l&#39;id&eacute;ologie n&eacute;olib&eacute;rale qui les accompagne - n&#39;obligent pas &agrave; acc&eacute;l&eacute;rer la marche du monde. Ces avanc&eacute;es techniques majeures vont de pair avec le d&eacute;sir d&#39;un progr&egrave;s illimit&eacute; et d&#39;une r&eacute;solution de toute forme de conflits par la rationalit&eacute; scientifique. Si le r&ecirc;ve qui berce ces avanc&eacute;es techniques traverse le r&eacute;cit, son revers est aussi nomm&eacute;. L&#39;Eurotunnel est le lieu de la formation de la jungle de Calais, exacerbant&nbsp;les limites du n&eacute;olib&eacute;ralisme, ses impens&eacute;s, ses victimes&nbsp;:&nbsp;</p> <p><q>Des formes recroquevill&eacute;es et humaines sont apparues, en fausses couleurs, sur les &eacute;crans de contr&ocirc;le.</q></p> <p><q>Les clandestins de la marchandise, les passagers de la fin de l&#39;histoire.</q></p> <p><q>Des r&eacute;fugi&eacute;s venus d&#39;un monde en guerre et risquant de contaminer le continent de la paix<a href="#nbp_17" id="footnoteref17_bfrmugm" name="lien_nbp_17" title="Aurélien Bellanger, Eurodance, op. cit. p. 26.">17</a>.</q></p> <p>La formation de l&#39;Eurotunnel, symbolisant le r&ecirc;ve d&#39;&eacute;changes toujours plus rapides, devient aussi le lieu de la circulation entrav&eacute;e, risqu&eacute;e. La jungle de Calais est le lieu de l&#39;arr&ecirc;t, du dysfonctionnement, exacerbant la part sombre des soci&eacute;t&eacute;s n&eacute;olib&eacute;rales. Nous avons structur&eacute; la r&eacute;flexion &agrave; travers un axe politique puis un axe technique, nous constatons que ceux-ci se rejoignent, montrant ainsi l&#39;impasse du &laquo;&nbsp;r&ecirc;ve d&#39;ing&eacute;nieur<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_hpe27m7" name="lien_nbp_18" title="Ibid., p. 7.">18</a>&nbsp;&raquo; que constitue la fin de l&#39;histoire.&nbsp;</p> <p><q>A ces deux axes politique et technique, s&#39;ajoute un troisi&egrave;me portant sur les nouvelles pratiques culturelles europ&eacute;ennes. Nous aimerions en saisir deux aspects. Le terme &laquo;&nbsp;eurodance&nbsp;&raquo; est projet&eacute; au commencement du spectacle sur un &eacute;cran qui surplombe la sc&egrave;ne, ce qui semble faire office de titre &agrave; cette premi&egrave;re partie. Le texte &eacute;voque &agrave; de nombreuses reprises la musique eurodance&nbsp;:</q></p> <p><q>C&#39;est la musique des autoroutes lumineuses de la m&eacute;galopole europ&eacute;enne, la musique qui conduit aux grandes discoth&egrave;ques transfrontali&egrave;res, aux lasers rotatifs et aux alcools sucr&eacute;s.</q></p> <p><q>[&hellip;]</q></p> <p><q>Des beats sourds et massifs, s&eacute;par&eacute;s comme des v&eacute;hicules par les vides r&eacute;guliers de leurs distances de s&eacute;curit&eacute;, et qui s&#39;accaparent chacun toute la nuit du monde<a href="#nbp_19" id="footnoteref19_5i1mzno" name="lien_nbp_19" title="Ibid., p. 18.">19</a>.</q></p> <p>Ce style musical s&#39;&eacute;change facilement, efface les diff&eacute;rences culturelles&nbsp;: c&#39;est le style &laquo;&nbsp;transfrontalier&nbsp;&raquo;. Le texte saisit les liens que tisse cette production culturelle avec le d&eacute;sir de fluidification des &eacute;changes, la mondialisation. L&rsquo;eurodance est nourrie de l&#39;imaginaire qui habite le d&eacute;but des ann&eacute;es 1990.</p> <p>Le second aspect qui attire notre attention se situe entre g&eacute;ographie et pratique culturelle. Il concerne la cr&eacute;ation de nouveaux types de lieu&nbsp;: les centres commerciaux, ou encore les a&eacute;roports, qui auraient pour caract&eacute;ristique d&#39;&ecirc;tre uniformis&eacute;s, aseptis&eacute;s, r&eacute;duits &agrave; leur utilit&eacute;, sans histoire, ni &laquo;&nbsp;geste architectural&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p><q>Il &eacute;tait devenu commun, au premier &acirc;ge de la mondialisation, de comparer le monde &agrave; un a&eacute;roport.</q></p> <p><q>Le terminal avait cette neutralit&eacute; programmatique.</q></p> <p><q>Aucun geste architectural.</q></p> <p><q>Un ensemble de b&acirc;timents &eacute;pars r&eacute;sum&eacute;s &agrave; leur fonction et articul&eacute;s entre eux par des signes univoques semblables &agrave; ceux de toutes les zones logistiques. Des a&eacute;rogares transform&eacute;es en zones commerciales.</q></p> <p><q>L&#39;espace enfin rendu &agrave; ses valeurs utiles, l&#39;espace creus&eacute; partout de sous-espace o&ugrave; seraient vendus les produits terminaux de l&#39;ing&eacute;niosit&eacute; humaine.</q></p> <p><q>L&#39;universel de l&#39;a&eacute;roport &eacute;tait alors inattaquable<a href="#nbp_20" id="footnoteref20_osmc2dm" name="lien_nbp_20" title="Ibid., p. 34-35.">20</a>;</q></p> <p>L&#39;&eacute;criture d&#39;Aur&eacute;lien Bellanger est aussi port&eacute;e par un point de vue critique sur les lieux embl&eacute;matiques de la mondialisation. Le discours s&rsquo;ancre dans un topos de la litt&eacute;rature, du cin&eacute;ma, ou encore de la photographie selon Michel Lussault. Dans&nbsp;<em>Hyper-lieux</em><a href="#nbp_21" id="footnoteref21_8pde164" name="lien_nbp_21" title="Michel Lussault, Hyper-lieux – Les Nouvelles géographies de la mondialisation, Paris, Seuil, 2017.">21</a>, il constate &agrave; propos de l&rsquo;a&eacute;roport, embl&egrave;me de la &laquo;&nbsp;surmodernit&eacute;<a href="#nbp_22" id="footnoteref22_riexah4" name="lien_nbp_22" title="Michel Lussault fait ici référence à Marc Augé, Non-Lieux. Introduction à une anthropologie de la surmodernité, Paris, Seuil, 1992.">22</a>&nbsp;&raquo; que &laquo;&nbsp;le cin&eacute;ma, le roman, la photographie ont abond&eacute; en g&eacute;n&eacute;ral dans ce sens, en les pr&eacute;sentant comme des lieux vides d&rsquo;urbanit&eacute;, o&ugrave; la solitude et l&rsquo;anomie dominent<a href="#nbp_23" id="footnoteref23_741ux35" name="lien_nbp_23" title="Michel Lussault, Hyper-lieux, op. cit., p. 80. Nous souhaitons préciser que Michel Lussault porte un regard critique concernant ces conclusions. Il affirme&amp;nbsp;: «&amp;nbsp;Dans ce type de thèse, on réduit la mobilité au transport, et on ne réalise pas qu’on habite aussi les réseaux&amp;nbsp;; ces derniers ne sont vus que comme des instruments et des prothèses techniques qui participent de l’affaiblissement de la relation entre individus quasi dépossédés d’eux-mêmes par l’usage fonctionnel&amp;nbsp;; leurs rapports au monde social perdraient leur épaisseur, leur authenticité et leur capacité «&amp;nbsp;édifiante&amp;nbsp;»&amp;nbsp;pourtant jamais réellement définis par ailleurs.&amp;nbsp;», p. 81.">23</a>. &raquo; Nous allons &agrave; pr&eacute;sent nous int&eacute;resser aux impacts de ces ph&eacute;nom&egrave;nes d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration sur les corps qui transparaissent dans le spectacle.</p> <p><strong>Des individus saisis dans un processus d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration</strong></p> <p>Les deux parties de&nbsp;<em>1993</em>&nbsp;reposent sur deux modalit&eacute;s de l&#39;&ecirc;tre en sc&egrave;ne&nbsp;: effacement des corps d&#39;une part, exacerbation de ceux-ci d&#39;autre part. Dans la premi&egrave;re, les com&eacute;diens donnent &agrave; entendre le texte d&#39;Aur&eacute;lien Bellanger. Ils n&#39;incarnent pas de personnage. Les ph&eacute;nom&egrave;nes d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration sont saisissables &agrave; travers diff&eacute;rents jeux de tension. Sur sc&egrave;ne, ils forment dans un premier temps une ligne face aux spectateurs et proclament le texte dans une adresse frontale. Derri&egrave;re eux, un mur de n&eacute;ons fix&eacute;s horizontalement les &eacute;claire. Cette ligne cr&eacute;e une limite, une fronti&egrave;re, une s&eacute;paration entre les spectateurs et l&#39;espace sc&eacute;nique.</p> <p><img alt="Image 1.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="379" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/Image%201.jpg" width="730" /></p> <p>Cette premi&egrave;re ligne o&ugrave; les corps sont encore visibles et fixes, ancr&eacute;s au sol, aurait pu nous mener &agrave; entrevoir cette fixit&eacute; comme une r&eacute;sistance &agrave; l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration du monde. Rapidement, cette interpr&eacute;tation s&#39;effondre. Le spectacle raconte une ouverture des fronti&egrave;res, un franchissement des limites. Le rideau s&#39;ouvre bient&ocirc;t pour que les com&eacute;diens p&eacute;n&egrave;trent l&#39;espace sc&eacute;nique que le noir envahit et dans lequel plus aucune limite n&#39;est justement perceptible. Ils retrouveront dans cet espace des places fixes. Les corps ne semblent plus toucher terre, le sol s&#39;est d&eacute;rob&eacute; sous leurs pieds. Il est possible de saisir cette instabilit&eacute; comme le fruit d&#39;une &laquo;&nbsp;acc&eacute;l&eacute;ration du changement social<a href="#nbp_24" id="footnoteref24_50t6osx" name="lien_nbp_24" title="Hartmut Rosa, «&amp;nbsp;Vitesse, espace, rythme et culture néolibérale&amp;nbsp;», art. cit., p. 189 - 205.">24</a>&nbsp;&raquo; caract&eacute;ris&eacute; par une &laquo;&nbsp;instabilit&eacute; du monde social&nbsp;: augmentation du taux d&#39;obsolescence<a href="#nbp_16b" id="footnoteref16_puj1m6u" name="lien_nbp_16b" title="Ibid.">16</a>&nbsp;&raquo;. Hartmut Rosa nomme ici la rapidit&eacute; de changement des savoirs et des pratiques sociales. Les corps peinent &agrave; trouver une stabilit&eacute; dans le foisonnement des renouvellements que nomment le texte. Les voix sont flottantes et le texte s&#39;&eacute;change d&#39;un corps &agrave; l&#39;autre sans que nous puissions trouver une logique dans la r&eacute;partition de la parole, comme si cet &eacute;change &eacute;tait al&eacute;atoire<a href="#nbp_25" id="footnoteref25_wjdr41l" name="lien_nbp_25" title="Nous précisons que si la répartition de la parole crée cet effet, le spectacle ne laisse place à aucune part d'improvisation.">25</a>. Les paroles prof&eacute;r&eacute;es se juxtaposent et peinent &agrave; s&rsquo;inscrire dans une logique narrative continue. Des donn&eacute;es multiples se superposent entre ces corps additionn&eacute;s, indiff&eacute;renci&eacute;s. Dans cette r&eacute;partition, une unit&eacute; &eacute;merge n&eacute;anmoins &agrave; travers une diction et un rythme commun, cr&eacute;ant en effet choral.</p> <p>Les corps sont pris dans une tension entre fixit&eacute; et urgence. Soit ils se tiennent debout sans mouvement, soit ils s&#39;agitent fr&eacute;n&eacute;tiquement sur le rythme des &eacute;clairages stroboscopiques. Comme si ces corps ne connaissaient pas d&#39;autres possibilit&eacute;s que l&#39;immobilit&eacute; ou la fr&eacute;n&eacute;sie. Aussi, la stabilit&eacute; des corps contraste avec l&#39;urgence de la parole. Le texte d&#39;Aur&eacute;lien Bellanger est proclam&eacute; avec un rythme soutenu qui t&eacute;moigne d&#39;une urgence&nbsp;: les com&eacute;diens auraient prononc&eacute; tous les mots du texte en une fraction de seconde si seulement cela e&ucirc;t &eacute;t&eacute; r&eacute;alisable. De ces tensions &eacute;mergent un effet d᾿ &laquo;&nbsp;inertie&nbsp;&raquo; pour reprendre la terminologie d᾿Hartmut Rosa qui affirme&nbsp;:</p> <p><q>L&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;inertie, selon moi, &eacute;merge ou s&rsquo;intensifie lorsque les changements et la dynamique, dans notre vie individuelle ou dans le monde social (c&rsquo;est-&agrave;-dire dans l&rsquo;<em>histoire&nbsp;</em>individuelle ou collective), ne sont plus v&eacute;cus comme les &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;une cha&icirc;ne d&rsquo;&eacute;volution sens&eacute;e et dirig&eacute;e, c&rsquo;est-&agrave;-dire comme des &eacute;l&eacute;ments de &laquo;&nbsp;progr&egrave;s&nbsp;&raquo;, mais comme des changements &laquo;&nbsp;fr&eacute;n&eacute;tiques&nbsp;&raquo; et sans direction<a href="#nbp_26" id="footnoteref26_yty9c5q" name="lien_nbp_26" title="Hartmut Rosa, Accélération et aliénation, op. cit., p. 55.">26</a>.</q></p> <p>L&#39;urgence ici ne donne jamais lieu &agrave; une action si ce n&rsquo;est celle de prononcer ces mots, ce qui participe &agrave; cr&eacute;er cet effet d&#39;inertie. L&#39;acc&eacute;l&eacute;ration du monde racont&eacute;e immobilise les corps en retour. L&#39;effacement des corps, quand la salle est plong&eacute;e dans le noir, conduit aussi &agrave; une focalisation sur le rythme de la parole et du mouvement, traduisant ce qu&rsquo;Hartmut Rosa nomme une inversion de valeur anthropologique du temps sur l&rsquo;espace, cons&eacute;quence de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration technique. L&#39;espace dispara&icirc;t, il est insaisissable, immat&eacute;riel. Ces choix de mise en sc&egrave;ne manifestent un renouvellement de nos rapports au temps et &agrave; l&#39;espace<a href="#nbp_27" id="footnoteref27_stqj8l7" name="lien_nbp_27" title="Ibid., p. 19.">27</a>. L&rsquo;histoire d&rsquo;une nouvelle modalit&eacute; de l&rsquo;&ecirc;tre au monde se dessine, marqu&eacute;e par une urgence toujours plus grande, une perdition et une impossibilit&eacute; de toucher terre. Les acteurs apparaissent eux aussi pris dans le mouvement qu&rsquo;ils d&eacute;crivent, sans avoir aucune prise sur cette temporalit&eacute; acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e.</p> <p>Dans la deuxi&egrave;me partie du spectacle, les corps ne sont plus des solitudes &eacute;parses, ils ne sont plus seulement des silhouettes ou des voies&nbsp;: ils incarnent de jeunes &eacute;tudiants en &eacute;change Erasmus. Qu&#39;a produit le monde d&eacute;crit dans la premi&egrave;re partie&nbsp;? Une jeunesse europ&eacute;enne souffrant d&#39;une irr&eacute;pressible qu&ecirc;te de sens et anim&eacute;e par une id&eacute;ologie nazie. La cam&eacute;ra dans cette deuxi&egrave;me partie exacerbe les corps et transmet leur mouvement avec fluidit&eacute;. Le spectateur fait face &agrave; un instant de vie, p&eacute;n&egrave;tre dans une intimit&eacute;, suit les trajectoires de ces individualit&eacute;s et de leurs rapports souvent conflictuels. Il entre dans ce qui semble constituer la face cach&eacute;e des soci&eacute;t&eacute;s n&eacute;olib&eacute;rales contenue dans le huis clos d&rsquo;un appartement. Le spectateur peut contempler la violence politique qui impr&egrave;gne cette soir&eacute;e &eacute;tudiante. Une violence qui, si on suit la dramaturgie du spectacle, est la cons&eacute;quence du vide politique des soci&eacute;t&eacute;s de march&eacute;. La dramaturgie de l&rsquo;&oelig;uvre invite &agrave; saisir deux types de violence, que Fran&ccedil;ois Cusset dans&nbsp;<em>Le d&eacute;cha&icirc;nement du monde</em>&nbsp;d&eacute;crit ainsi&nbsp;:</p> <p><q>Face &agrave; la violence froide de la technique ou du droit, &agrave; la violence uniformisante de la consommation, &agrave; la violence d&eacute;racinante du march&eacute;, la violence chaude de la r&eacute;g&eacute;n&eacute;ration nationale (ou raciale) et du Chef r&eacute;v&eacute;r&eacute; se pr&eacute;sentera toujours, faute d&rsquo;alternative, comme un exutoire logique&nbsp;&ndash;&nbsp;ainsi que les nazis l&rsquo;avaient parfaitement compris<a href="#nbp_28" id="footnoteref28_rmmkdf0" name="lien_nbp_28" title="François Cusset, Le Déchaînement du monde, Paris, La Découverte, 2018, p. 74.">28</a>.</q></p> <p>Ces deux cat&eacute;gories de violence d&eacute;signent la dualit&eacute; qui compose le spectacle. La premi&egrave;re partie traite de l&rsquo;uniformisation, de la fr&eacute;n&eacute;sie des &eacute;changes, du sentiment de perdition d&rsquo;individus r&eacute;duits &agrave; leur statut de consommateur, du march&eacute;. Elle renvoie &agrave; ce que Fran&ccedil;ois Cusset nomme une violence &laquo;&nbsp;froide&nbsp;&raquo;. La deuxi&egrave;me partie de&nbsp;<em>1993&nbsp;</em>d&eacute;voile un autre type de violence, &laquo;&nbsp;chaude&nbsp;&raquo; cette fois, celle de l&#39;extr&ecirc;me-droite. En d&eacute;finissant la violence, Fran&ccedil;ois Cusset souligne la n&eacute;cessit&eacute; de la comprendre comme un &laquo;&nbsp;ph&eacute;nom&egrave;ne circulatoire<a href="#nbp_29" id="footnoteref29_tec7sml" name="lien_nbp_29" title="Ibid., p. 7.">29</a>&nbsp;&raquo;&nbsp; :</p> <p><q>Le trajet d&rsquo;un souffle. La contagion d&rsquo;une force. La propagation d&rsquo;une &eacute;motion. Tout un circuit, qui relie les vivants et les morts, mais aussi les quartiers r&eacute;sidentiels des pays &laquo;&nbsp;pacifi&eacute;s&nbsp;&raquo; et les r&eacute;gions en guerre<a href="#nbp_16c" id="footnoteref16_du6e1ke" name="lien_nbp_16c" title="Ibid.">16</a>.</q></p> <p>Le spectacle saisit cette circulation de la violence entre les corps mais aussi &agrave; travers ce que sa construction met en relief&nbsp;: la ville de Calais est le lieu d&#39;un d&eacute;veloppement technique et scientifique consid&eacute;rable, mais aussi de ce qui a &eacute;t&eacute; d&eacute;nomm&eacute; &laquo;&nbsp;jungle de Calais&nbsp;&raquo; et d&rsquo;un appartement dans lequel se d&eacute;roule une soir&eacute;e &eacute;tudiante Erasmus/nationaliste.</p> <p>Enfin, la sc&egrave;ne de transition, plus courte, qui se situe entre ces deux parties principales, s&#39;inscrit en continuit&eacute; esth&eacute;tique de la premi&egrave;re partie&nbsp;: l&#39;adresse est frontale, l&#39;&eacute;clairage avec les n&eacute;ons horizontaux cr&eacute;e de nouveau une ligne derri&egrave;re les acteurs. Ils prononcent des discours du forum d&rsquo;Oslo pour la remise du prix Nobel de la paix en 2012, mythe de la paix qui s&#39;av&egrave;re ici largement remis en question. La dramaturgie du spectacle s&#39;articule autour d&#39;interrogations sur les limites du projet europ&eacute;en, de la mondialisation.</p> <p><strong>&laquo;&nbsp;There&#39;s no limit<a href="#nbp_30" id="footnoteref30_6fu4r5i" name="lien_nbp_30" title="Extrait de la chanson intitulée No limit, du groupe de musique eurodance «&amp;nbsp;2 Unlimited&amp;nbsp;», sortie en 1993 et reprise dans le spectacle.">30</a>&nbsp;<strong>&raquo;</strong></strong></p> <p>Les acteurs et actrices chantent en ch&oelig;ur une version remani&eacute;e de la chanson&nbsp;<em>No limit&nbsp;</em>du groupe 2 Unlimited sortie en 1993, d&egrave;s les premiers instants du spectacle. Ce d&eacute;sir d&#39;absence de limite est mis en sc&egrave;ne dans la premi&egrave;re partie &agrave; travers une sc&eacute;nographie qui ne vise pas &agrave; repr&eacute;senter un lieu mais &agrave; cr&eacute;er un effet d&#39;immersion dans lequel tout parvient au spectateur dans une temporalit&eacute; compress&eacute;e, r&eacute;duite, instantan&eacute;e. La salle plong&eacute;e dans le noir supprime la rupture entre la sc&egrave;ne et la salle. La musique constamment pr&eacute;sente accompagne le r&eacute;cit sans &ecirc;tre ins&eacute;r&eacute;e &agrave; l&rsquo;action&nbsp;: elle participe du fictif, tout en inscrivant acteurs et spectateurs dans une temporalit&eacute; similaire.&nbsp;<em>1993&nbsp;</em>rompt avec la repr&eacute;sentation et abolit le quatri&egrave;me mur,. La pens&eacute;e de la repr&eacute;sentation qui anime la philosophie, l&rsquo;esth&eacute;tique et les &eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales font s&rsquo;opposer deux points de vue sur la repr&eacute;sentation que Daniel Bougnoux distingue ainsi dans&nbsp;<em>La crise de la repr&eacute;sentation&nbsp;</em>: le premier point de vue pour&nbsp;:</p> <p><q>On peut, on doit faire l&rsquo;&eacute;loge de la re-pr&eacute;sentation qui place les ph&eacute;nom&egrave;nes &agrave; bonne distance, qui conforte leur stabilisation symbolique, qui d&eacute;double le monde par la coupure s&eacute;miotique et nous donne ainsi, pour penser, imaginer ou agir, les coud&eacute;es franches<a href="#nbp_31" id="footnoteref31_eeuties" name="lien_nbp_31" title="Daniel Bougnoux, La Crise de la représentation, Paris, La Découverte, 2006, p. 12.">31</a>.</q></p> <p>Le second contre&nbsp;:</p> <p><q>Un monde qui ne serait que de repr&eacute;sentations fr&ocirc;lerait la mort&nbsp;; le hi&eacute;ratisme des belles formes inertes, aseptis&eacute;es, fait r&ecirc;ver de retours &eacute;nerg&eacute;tiques, de branchements nerveux ou de cruaut&eacute;, on veut toucher et &ecirc;tre touch&eacute;, s&rsquo;immerger, fougueusement se m&ecirc;ler<a href="#nbp_32" id="footnoteref32_edd55p3" name="lien_nbp_32" title="Ibid.">32</a>.</q></p> <p>L&rsquo;&oelig;uvre traduit ce deuxi&egrave;me d&eacute;sir, cette mythologie contemporaine d&rsquo;immersion, de fusion. Par le dispositif, la sc&eacute;nographie porte en elle la question du franchissement des limites. De la m&ecirc;me mani&egrave;re que l&rsquo;individu du moment historique d&eacute;crit ici est entra&icirc;n&eacute; dans un mouvement d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration sociale sur lequel il n&rsquo;a pas prise, le spectateur est aussi entra&icirc;n&eacute; dans le mouvement de cette s&eacute;ance th&eacute;&acirc;trale immersive o&ugrave; tout lui parvient instantan&eacute;ment. La mise en sc&egrave;ne ne travaille pas sur l&rsquo;activit&eacute; de mise &agrave; distance, de d&eacute;chiffrage, mais sur la r&eacute;ception sensible et instantan&eacute;e des signes qu&rsquo;elle envoie. En ce sens, la sc&eacute;nographie est nourrie d&rsquo;un imaginaire de l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration. Par ailleurs, l&rsquo;&eacute;cran dans la deuxi&egrave;me partie du spectacle, s&rsquo;il t&eacute;moigne d&rsquo;une rupture physique, permet en outre de p&eacute;n&eacute;trer plus intens&eacute;ment dans la subjectivit&eacute; des protagonistes, de percevoir les mouvements qui les animent, leur fa&ccedil;on de s&rsquo;approprier l&#39;espace, de circuler. On assiste &agrave; la fois au film et &agrave; la pr&eacute;sence r&eacute;elle des acteurs comme en t&eacute;moigne l&#39;illustration ci-dessous.</p> <p><img alt="Image 2.jpg" data-entity-type="" data-entity-uuid="" height="388" src="http://www.alepreuve.org/sites/alepreuve.org/files/pictures/Image%202.jpg" width="730" /></p> <p>Si la sc&egrave;ne donne une vue d&#39;ensemble, elle ne permet pas de saisir les micro-conflits qui se nouent &ccedil;&agrave; et l&agrave;.&nbsp; &Agrave; l&#39;inverse, la cam&eacute;ra focalise notre attention sur les rapports entre les corps, les sentiments les plus t&eacute;nus, les conflits qui naissent jusque dans la cuisine situ&eacute;e en fond de sc&egrave;ne. La lumi&egrave;re, le son et l&rsquo;&eacute;cran sont trois outils dont la fonction est ici d&rsquo;immerger le spectateur. La perception du spectateur se construit au sein d&rsquo;une exp&eacute;rience sensible et englobante. Tout est branch&eacute; ensemble, tout circule sans entaille, sans arr&ecirc;t, avec fluidit&eacute;. S&rsquo;il est relat&eacute; ce qui fait barri&egrave;re &agrave; ce mouvement continu (crise migratoire et nationalisme), la mise en sc&egrave;ne insiste sur la fluidit&eacute; du mouvement. Cette forme d&rsquo;immersion est fr&eacute;quente sur les plateaux de th&eacute;&acirc;tre tout autant que dans les spectacles de Julien Gosselin, comme dans<em>&nbsp;2666</em><a href="#nbp_33" id="footnoteref33_01k971q" name="lien_nbp_33" title="2666 mis en scène par Julien Gosselin, créé au Phénix scène nationale de Valenciennes les 18 et 25 juin 2016. Dans ce spectacle, nous retrouvons deux aspects importants de l'esthétique de 1993&amp;nbsp;: d'une part la création d'un univers sonore qui englobe la scène et la salle dans la même temporalité, au-delà de la fiction. D'autre part, un écran surplombant la scène&amp;nbsp;: une performance filmique était réalisée en direct, travaillant aussi sur l'immersion du spectateur.">33</a>. Il semble qu&rsquo;ils r&eacute;v&egrave;lent une &eacute;poque en qu&ecirc;te d&rsquo;immersion, de fusion, d&rsquo;instantan&eacute;it&eacute; caract&eacute;ristique de l&#39;imaginaire de l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration.</p> <p>Le dispositif propose une exp&eacute;rience sensitive charg&eacute;e&nbsp;: lumi&egrave;re stroboscopique, univers musical omnipr&eacute;sent, voix des acteurs, rythme soutenu. L&#39;exp&eacute;rience th&eacute;&acirc;trale se fait l&#39;&eacute;cho d&#39;une acc&eacute;l&eacute;ration du rythme de vie qui renvoie &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;<em>augmentation du nombre d</em><em>&rsquo;&eacute;pisodes d</em><em>&rsquo;action ou d</em><em>&rsquo;exp&eacute;rience par unit&eacute; de temps</em><a href="#nbp_34" id="footnoteref34_pganro7" name="lien_nbp_34" title="Hartmut Rosa, Accélération et aliénation, op. cit., p. 25.">34</a>. &raquo; La d&eacute;finition de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du rythme de vie attire notre attention car il est possible, &agrave; travers celle-ci, de penser l&rsquo;exp&eacute;rience propos&eacute;e au spectateur. Le nombre de signes que re&ccedil;oit le spectateur dans un temps T s&rsquo;intensifie : toujours plus de mots, de sons musicaux, de n&eacute;ons stroboscopiques. Dans quelle mesure cette exp&eacute;rience sensible est-elle pertinente pour penser l&rsquo;imaginaire de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration dans l&rsquo;&oelig;uvre&nbsp;? Que r&eacute;v&egrave;le-t-elle&nbsp;? Elle nomme, en ad&eacute;quation avec le texte des acteurs, et notamment la chanson qu&rsquo;ils proclament, un imaginaire de l&rsquo;absence de limites, qui va de pair avec le d&eacute;sir d&rsquo;une vie acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e.&nbsp; Elle se traduit aussi par la possibilit&eacute; d&rsquo;une accumulation d&rsquo;exp&eacute;riences dans un temps r&eacute;duit. Selon Hartmut Rosa, l&rsquo;imaginaire d&rsquo;une vie acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e est aussi une des r&eacute;ponses au vide spirituel des soci&eacute;t&eacute;s de march&eacute;. Il soutient&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>La promesse eud&eacute;moniste de l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration moderne r&eacute;side par cons&eacute;quent dans l&rsquo;id&eacute;e (tacite) que l&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration du &ldquo;rythme de vie&rdquo; est notre r&eacute;ponse (c&rsquo;est-&agrave;-dire celle de la modernit&eacute;) au probl&egrave;me de la finitude et de la mort</em><a href="#nbp_35" id="footnoteref35_gwiqtrm" name="lien_nbp_35" title="Ibid., p. 40.">35</a>.&nbsp;&raquo; La multiplication des exp&eacute;riences par unit&eacute; de temps est donc une r&eacute;ponse &agrave; la rationalit&eacute; des soci&eacute;t&eacute;s lib&eacute;rales. L&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration ne constitue pas un fait neutre ou vid&eacute; de toute id&eacute;ologie. La possibilit&eacute; d&rsquo;une vie acc&eacute;l&eacute;r&eacute;e porte aussi en son sein une promesse, celle de vivre un nombre d&rsquo;exp&eacute;rience toujours plus important et de donner ainsi un sens &agrave; l&rsquo;existence. Dans la deuxi&egrave;me partie du spectacle, l&rsquo;&oelig;uvre donne une r&eacute;ponse au vide id&eacute;ologique et spirituel des soci&eacute;t&eacute;s de march&eacute;&nbsp;: le nationalisme. Notre hypoth&egrave;se est que la fusion et la multiplication des exp&eacute;riences dans une m&ecirc;me unit&eacute; de temps constituent aussi une r&eacute;ponse &agrave; ce vide.</p> <p>&nbsp;</p> <p>L&#39;objet de cette &eacute;tude &eacute;tait d&#39;analyser les ph&eacute;nom&egrave;nes d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration au sein de l&rsquo;&oelig;uvre.&nbsp; Nous avons propos&eacute; de reprendre dans un premier temps les grands axes du texte d&#39;Aur&eacute;lien Bellanger port&eacute; par les com&eacute;diens. Celui-ci nomme les cons&eacute;quences politiques et sociales de ce r&ecirc;ve d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration mondiale propre au n&eacute;olib&eacute;ralisme, son application technique, et son influence sur les pratiques culturelles. La mise en sc&egrave;ne de la premi&egrave;re partie traduit l&#39;impact de ces ph&eacute;nom&egrave;nes d&#39;acc&eacute;l&eacute;rations sur les subjectivit&eacute;s&nbsp;: une exp&eacute;rience syst&eacute;matique de l&#39;instabilit&eacute; et de l&#39;inertie. La deuxi&egrave;me partie du spectacle montre la mani&egrave;re dont le vide politique des soci&eacute;t&eacute;s n&eacute;olib&eacute;rales laisse poindre un sentiment de perte de sens au sein m&ecirc;me d&rsquo;une jeunesse n&eacute;e dans ce contexte d&#39;ouverture des fronti&egrave;res et de mondialisation. Le r&ecirc;ve d&#39;acc&eacute;l&eacute;ration des &eacute;changes et sa mise en pratique ne parviennent pas &agrave; combler ce vide. La cr&eacute;ation porte en elle une dimension critique tr&egrave;s nette, et semble aussi saisir une ambivalence quand dans le m&ecirc;me temps son dispositif repose sur l&#39;immersion, la fusion et l&#39;intensification des exp&eacute;riences dans une m&ecirc;me unit&eacute; de temps. Le spectacle s&#39;inscrit dans le continuum d&#39;une soci&eacute;t&eacute; marqu&eacute; par un imaginaire de l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration et s&rsquo;il montre &agrave; son &eacute;gard une critique, la mise en sc&egrave;ne travaille aussi sur la fascination que peuvent provoquer ces ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;acc&eacute;l&eacute;ration.</p> <hr /> <p><strong>Bibliographie :</strong></p> <p>Corpus :</p> <p><em>1993,&nbsp;</em>mis en sc&egrave;ne par Julien Gosselin, texte d᾿Aur&eacute;lien Bellanger, projet r&eacute;alis&eacute; avec le Groupe 43 de l᾿&eacute;colel&rsquo;&eacute;cole du TNS, cr&eacute;&eacute; le 3 juillet 2017 au Festival de Marseille.</p> <p>Bellanger, Aur&eacute;lien,&nbsp;<em>Eurodance</em>, Paris, Gallimard, 2018.</p> <p>&Eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales :</p> <p>Lehmann, Hans-Thies,&nbsp;<em>Le Th&eacute;&acirc;tre postdramatique,</em>&nbsp;Paris, L&#39;Arche, 2010.</p> <p>Tackels, Bruno,<em>&nbsp;Les &Eacute;critures de plateau, (&Eacute;tats des lieux)</em>, Besan&ccedil;on, Les Solitaires Intempestifs, coll. &laquo;&nbsp;Essais&nbsp;&raquo;, 2015.</p> <p>Philosophie et sciences sociales :</p> <p>Aug&eacute;, Marc,&nbsp;<em>Non-Lieux. Introduction &agrave; une anthropologie de la surmodernit&eacute;</em>, Paris, Seuil, 1992</p> <p>Bougnoux, Daniel<em>, La Crise de la repr&eacute;sentation</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2006.</p> <p>Cusset, Fran&ccedil;ois,&nbsp;<em>Le D&eacute;cha&icirc;nement du monde</em>, Paris, La D&eacute;couverte, 2018.</p> <p>Cusset, Fran&ccedil;ois, Thierry Labica<u>,</u>&nbsp;V&eacute;ronique Rauline,&nbsp;<em>Imaginaires du n&eacute;olib&eacute;ralisme</em>, Paris, La Dispute, 2016.</p> <p>Fukuyama, Francis,&nbsp;<em>La Fin de l&rsquo;histoire et le dernier homme</em>, Paris, Flammarion, coll. &laquo;&nbsp;Champs essais&nbsp;&raquo;, 2018 [1992].</p> <p>L&egrave;bre, J&eacute;r&ocirc;me,&nbsp;<em>&Eacute;loge de l&rsquo;immobilit&eacute;</em>, Paris, Descl&eacute;e de Brouwer, 2018.</p> <p>Lussault, Michel,&nbsp;<em>Hyper-lieux &ndash; Les Nouvelles g&eacute;ographies de la mondialisation</em>, Paris, Seuil, 2017.</p> <p>Rosa, Hartmut,&nbsp;<em>Acc&eacute;l&eacute;ration et ali&eacute;nation</em>, Paris, La D&eacute;couverte/Poche, 2012.</p> <p>Internet :</p> <p>Th&eacute;&acirc;tre de Gennevilliers,&nbsp;<em>Dossier de presse de&nbsp;</em>1993, [en ligne].&nbsp;<a href="https://www.theatre2gennevilliers.com/t2gcdn/uploads/2017/12/DP-1993-BD.pdf?x10946">https://www.theatre2gennevilliers.com/t2gcdn/uploads/2017/12/DP-1993-BD.pdf?x10946</a>.</p> <p>&Eacute;missions radiophoniques disponibles en ligne aux adresses suivantes&nbsp;:</p> <p>Adler, Laure,&nbsp;<em>L&rsquo;Heure bleue</em>, France Inter, 11 janvier 2018, [en ligne].&nbsp;<a href="https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-11-janvier-2018">https://www.franceinter.fr/emissions/l-heure-bleue/l-heure-bleue-11-janvier-2018</a>.</p> <p>Laporte, Arnaud,&nbsp;<em>La Dispute</em>, France Culture, 15 janvier 2018, [en ligne].&nbsp;<a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-dispute/theatre-1993-ground-cloud-toute-ma-vie-jai-">https://www.franceculture.fr/emissions/la-dispute/theatre-1993-ground-cloud-toute-ma-vie-jai-</a><a href="https://www.franceculture.fr/emissions/la-dispute/theatre-1993-ground-cloud-toute-ma-vie-jai-fait-des-choses-que-je-ne-savais-pas-faire">fait-des-choses-que-je-ne-savais-pas-faire</a>.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;<em>1993,&nbsp;</em>mis en sc&egrave;ne par Julien Gosselin, texte d᾿Aur&eacute;lien Bellanger, projet r&eacute;alis&eacute; avec le Groupe 43 de l&rsquo;&eacute;cole du Th&eacute;&acirc;tre National de Strasbourg, cr&eacute;&eacute; le 3 juillet 2017 au Festival de Marseille.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;Aur&eacute;lien Bellanger,&nbsp;<em>Houellebecq &eacute;crivain romantique,&nbsp;</em>Paris, L&eacute;o Scheer, 2010.</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;Julien Gosselin a souvent travaill&eacute; &agrave; partir de romans de la litt&eacute;rature contemporaine&nbsp;:&nbsp;<em>Les particules &eacute;l&eacute;mentaires</em>&nbsp;d&#39;apr&egrave;s Michel Houellebecq en 2013,&nbsp;<em>2666&nbsp;</em>d&rsquo;apr&egrave;s Roberto Bolaňo en 2016,&nbsp;<em>Joueurs</em><em>&nbsp;| Mao II | Les Noms</em>, d&#39;apr&egrave;s Don Dellilo en 2018.</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Julien Gosselin, &laquo;&nbsp;Le lieu pr&eacute;cis de la fin de l&#39;histoire&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Dossier de presse de</em>&nbsp;1993<em>,</em>&nbsp;p. 7-8.&nbsp;<em>Festival de Marseille &ndash; danse et arts multiples,&nbsp;</em>[en ligne],&nbsp;<a href="https://www.festivaldemarseille.com/fr/programme/1993">https://www.festivaldemarseille.com/fr/programme/1993</a>&nbsp; [consult&eacute; le 28/11/2019].</p> <p><a href="https://alepreuve.org/content/imaginaire-de-lacceleration-dans-1993-mis-en-scene-par-julien-gosselin#footnoteref5_0re26z7">5</a><br /> <a href="#lien_nbp_5a" name="nbp_5a">a</a><br /> <a href="#lien_nbp_5b" name="nbp_5b">b</a><br /> Aur&eacute;lien Bellanger,&nbsp;<em>Eurodance</em>,&nbsp;<em>op. cit.&nbsp;</em>p. 5.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;Julien Gosselin, &laquo;&nbsp;Le lieu pr&eacute;cis de la fin de l&#39;histoire&nbsp;&raquo;,&nbsp; art. cit., p. 8.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;Francis Fukuyama,<em>&nbsp;La Fin de l&rsquo;histoire et le dernier homme,&nbsp;</em>Paris, Flammarion, coll. &laquo;&nbsp;Champs essais&nbsp;&raquo;, 2018 [1992].</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;Aur&eacute;lien Bellanger,&nbsp;<em>Eurodance</em>,&nbsp;<em>op. cit.&nbsp;</em>p. 7.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;Hartmut Rosa,&nbsp;<em>Acc&eacute;l&eacute;ration et ali&eacute;nation,&nbsp;</em>Paris, La D&eacute;couverte, coll. &laquo;&nbsp;Poche&nbsp;&raquo;, 2012, p. 16.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Cusset, Thierry Labica, V&eacute;ronique Rauline (dir.),&nbsp;<em>Imaginaires du n&eacute;olib&eacute;ralisme,&nbsp;</em>Paris, La Dispute, 2016.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Hartmut Rosa &laquo;&nbsp;Vitesse, espace, rythme et culture n&eacute;olib&eacute;rale&nbsp;&raquo; dans&nbsp;<em>Ibid.&nbsp;</em>p. 189-205. Hartmut Rosa a propos&eacute; une contribution sous forme de powerpoint, que l&rsquo;&eacute;diteur pr&eacute;sente ainsi : &laquo;&nbsp;Voil&agrave; une proposition bien singuli&egrave;re de la part de l&rsquo;auteur, et des codirecteurs de l&rsquo;ouvrage qui soutiennent l&rsquo;hypoth&egrave;se face &agrave; l&rsquo;&eacute;diteur stup&eacute;fait. Et pourtant, il faut bien admettre qu&rsquo;&agrave; consid&eacute;rer cet objet-l&agrave; [le powerpoint], quelque chose de l&rsquo;ordre de la pens&eacute;e se passe. Si la forme m&ecirc;me semble nous emp&ecirc;cher d&#39;&eacute;laborer une quelconque intelligence, parce que fruste, rapide, elliptique, elle se d&eacute;voile pourtant imm&eacute;diatement comme une image parfaite de ce dont il est ici question&nbsp;:&nbsp;<em>l&#39;acc&eacute;l&eacute;ration.&nbsp;</em>Son mouvement incessant, la succession de propositions succinctes et ramass&eacute;es, nous interdit toute concentration. Par ce choix formel, Hartmut Rosa nous permet de faire l&#39;exp&eacute;rience de l&#39;agacement st&eacute;rile vers lequel nous emporte obstin&eacute;ment la pr&eacute;cipitation du tempo n&eacute;olib&eacute;ral. &raquo;, p. 189.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 4.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;Hartmut Rosa &laquo;&nbsp;Vitesse, espace, rythme et culture n&eacute;olib&eacute;rale&nbsp;&raquo;, art. cit., p. 189-205.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;Hartmut Rosa,&nbsp;<em>Acc&eacute;l&eacute;ration et ali&eacute;nation, op. cit</em>., p. 18.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 20.</p> <p><a href="https://alepreuve.org/content/imaginaire-de-lacceleration-dans-1993-mis-en-scene-par-julien-gosselin#footnoteref16_x2jwnnm">16</a><br /> <a href="#lien_nbp_16a" name="nbp_16a">a</a><br /> <a href="#lien_nbp_16b" name="nbp_16b">b</a><br /> <a href="#lien_nbp_16c" name="nbp_16c">c</a><br /> <em>Ibid.</em></p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;Aur&eacute;lien Bellanger,&nbsp;<em>Eurodance</em>,&nbsp;<em>op. cit.&nbsp;</em>p. 26.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 7.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 18.</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20</a>&nbsp;<em>Ibid</em>.<em>,&nbsp;</em>p. 34-35.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21</a>&nbsp;Michel Lussault,&nbsp;<em>Hyper-lieux &ndash; Les Nouvelles g&eacute;ographies de la mondialisation</em>, Paris, Seuil, 2017.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22</a>&nbsp;Michel Lussault fait ici r&eacute;f&eacute;rence &agrave; Marc Aug&eacute;,&nbsp;<em>Non-Lieux. Introduction &agrave; une anthropologie de la surmodernit&eacute;,&nbsp;</em>Paris, Seuil, 1992.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23</a>&nbsp;Michel Lussault,&nbsp;<em>Hyper-lieux</em>,&nbsp;<em>op. cit.</em>, p. 80. Nous souhaitons pr&eacute;ciser que Michel Lussault porte un regard critique concernant ces conclusions. Il affirme&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans ce type de th&egrave;se, on r&eacute;duit la mobilit&eacute; au transport, et on ne r&eacute;alise pas qu&rsquo;on habite aussi les r&eacute;seaux&nbsp;; ces derniers ne sont vus que comme des instruments et des proth&egrave;ses techniques qui participent de l&rsquo;affaiblissement de la relation entre individus quasi d&eacute;poss&eacute;d&eacute;s d&rsquo;eux-m&ecirc;mes par l&rsquo;usage fonctionnel&nbsp;; leurs rapports au monde social perdraient leur &eacute;paisseur, leur authenticit&eacute; et leur capacit&eacute; &laquo;&nbsp;&eacute;difiante&nbsp;&raquo;&nbsp;pourtant jamais r&eacute;ellement d&eacute;finis par ailleurs.&nbsp;&raquo;, p. 81.</p> <p><a href="#lien_nbp_24" name="nbp_24">24</a>&nbsp;Hartmut Rosa, &laquo;&nbsp;Vitesse, espace, rythme et culture n&eacute;olib&eacute;rale&nbsp;&raquo;, art. cit., p. 189 - 205.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25</a>&nbsp;Nous pr&eacute;cisons que si la r&eacute;partition de la parole cr&eacute;e cet effet, le spectacle ne laisse place &agrave; aucune part d&#39;improvisation.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26</a>&nbsp;Hartmut Rosa,&nbsp;<em>Acc&eacute;l&eacute;ration et ali&eacute;nation, op. cit</em>., p. 55.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27</a>&nbsp;<em>Ibid</em>., p. 19.</p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28</a>&nbsp;Fran&ccedil;ois Cusset,&nbsp;<em>Le D&eacute;cha&icirc;nement du monde,&nbsp;</em>Paris, La D&eacute;couverte, 2018, p. 74.</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 7.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30</a>&nbsp;Extrait de la chanson intitul&eacute;e&nbsp;<em>No limit</em>, du groupe de musique eurodance &laquo;&nbsp;2 Unlimited&nbsp;&raquo;, sortie en 1993 et reprise dans le spectacle.</p> <p><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31</a>&nbsp;Daniel Bougnoux,&nbsp;<em>La Crise de la repr&eacute;sentation,&nbsp;</em>Paris, La D&eacute;couverte, 2006, p. 12.</p> <p><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32</a>&nbsp;<em>Ibid</em>.</p> <p><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33</a>&nbsp;<em>2666</em>&nbsp;mis en sc&egrave;ne par Julien Gosselin, cr&eacute;&eacute; au Ph&eacute;nix sc&egrave;ne nationale de Valenciennes les 18 et 25 juin 2016. Dans ce spectacle, nous retrouvons deux aspects importants de l&#39;esth&eacute;tique de&nbsp;<em>1993&nbsp;</em>: d&#39;une part la cr&eacute;ation d&#39;un univers sonore qui englobe la sc&egrave;ne et la salle dans la m&ecirc;me temporalit&eacute;, au-del&agrave; de la fiction. D&#39;autre part, un &eacute;cran surplombant la sc&egrave;ne&nbsp;: une performance filmique &eacute;tait r&eacute;alis&eacute;e en direct, travaillant aussi sur l&#39;immersion du spectateur.</p> <p><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34</a>&nbsp;Hartmut Rosa,&nbsp;<em>Acc&eacute;l&eacute;ration et ali&eacute;nation</em>,&nbsp;<em>op. cit</em>., p. 25.</p> <p><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35</a>&nbsp;<em>Ibid.</em>, p. 40.</p>