<p><em>Richard III</em>, &oelig;uvre &eacute;crite en 1591 par William Shakespeare, met en sc&egrave;ne l&#39;ascension et la chute du tyran. Les pi&egrave;ces historiques de Shakespeare font leur entr&eacute;e sur la sc&egrave;ne fran&ccedil;aise assez tardivement<a href="#nbp_1" id="footnoteref1_0cp1wts" name="lien_nbp_1" title="Catherine Treilhou-Balaudé, «&amp;nbsp;Shakespeare, la France, la scène&amp;nbsp;: une histoire lente&amp;nbsp;», Études théâtrales, vol.&amp;nbsp;44-45, n°&amp;nbsp;1, 2009, p.&amp;nbsp;102-109.">1</a>, mais surtout au XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle &ndash; en particulier dans la deuxi&egrave;me moiti&eacute; &ndash; et donnent lieu &agrave; des r&eacute;alisations marquantes. Parmi elles, la mise en sc&egrave;ne de&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;de Georges Lavaudant au Festival d&rsquo;Avignon en 1984.</p> <p>&Agrave; l&rsquo;&eacute;poque, Lavaudant est &agrave; la fois metteur en sc&egrave;ne, acteur, sc&eacute;nographe, &eacute;clairagiste, r&eacute;alisateur et adaptateur dramatique, mais aussi directeur artistique du Centre dramatique national des Alpes &ndash; qui produit le spectacle &ndash; et de la Maison de la culture de Grenoble. En choisissant ce texte classique, dans la version de Jean-Michel D&eacute;prats, il ne veut pas donner vie &agrave; une simple reconstruction historique, bien au contraire&nbsp;: sa mise en sc&egrave;ne constitue une originale r&eacute;interpr&eacute;tation. Et d&rsquo;ailleurs le metteur en sc&egrave;ne se passionne pour cette pi&egrave;ce en l&rsquo;envisageant comme un texte quasi-contemporain&nbsp;; &agrave; ce propos, il d&eacute;clare&nbsp;:</p> <p><q>Un classique &ccedil;a n&#39;a de sens que si vous essayez tout d&#39;un coup de lui donner un nouvel &eacute;clairage. Il n&#39;y a pas une mani&egrave;re, encore une fois, esth&eacute;tiquement correcte de monter une pi&egrave;ce classique. Elles n&#39;ont de sens que parce que vous les montez dans une &eacute;poque avec une certaine esth&eacute;tique<a href="#nbp_2" id="footnoteref2_pkyc7a2" name="lien_nbp_2" title="Georges Lavaudant, Grands Entretiens. Mémoire du théâtre. Georges Lavaudant. [En ligne] https://entretiens.ina.fr/memoire-du-theatre/Lavaudant/georges-lavaudant [Site consulté le 25 Mars 2018]. ">2</a>.</q></p> <p>La question &eacute;voqu&eacute;e par Lavaudant suscite &eacute;videment des r&eacute;flexions autour de la cat&eacute;gorie dans laquelle sa version personnelle du&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;pourrait &ecirc;tre inscrite, du point de vue des choix esth&eacute;tiques dans la mise en sc&egrave;ne. &Agrave; mon avis plusieurs facteurs militent en faveur de la cat&eacute;gorie esth&eacute;tique du mani&eacute;risme<a href="#nbp_3" id="footnoteref3_8ahfylp" name="lien_nbp_3" title="La possibilité de reconnaitre le maniérisme dans cette œuvre de Georges Lavaudant est un des arguments de ma thèse «&amp;nbsp;Un nouveau maniérisme&amp;nbsp;? Une catégorie esthétique et ses réinterprétations dans le théâtre européen des dernières décennies du XXe siècle.&amp;nbsp;»">3</a>, et notamment les &eacute;l&eacute;ments qui concernent la torsion des corps, le grotesque, les effets de lumi&egrave;re, les artifices, les bizarreries, ainsi que la fa&ccedil;on de jouer d&rsquo;Ariel Garcia-Vald&egrave;s dans le r&ocirc;le de Richard III, protagoniste absolu et inoubliable de ce spectacle.</p> <p><strong>Mani&eacute;risme en sc&egrave;ne</strong></p> <p>Bien &eacute;videmment, comme nous le rappelle Daniel Bougnoux<a href="#nbp_4" id="footnoteref4_1udclln" name="lien_nbp_4" title="Daniel Bougnoux, «&amp;nbsp;Les Enchères Du Rêve&amp;nbsp;», dans Yan Ciret (dir.), Archipel Lavaudant, Paris, Christian Bourgois Éditeur, 1997, p.&amp;nbsp;47.">4</a>, si on veut qualifier Lavaudant de mani&eacute;riste, il faut d&rsquo;abord s&rsquo;entendre sur le terme mani&eacute;risme, car celui-ci donne lieu souvent &agrave; des malentendus, et son utilisation dans une acception p&eacute;jorative n&rsquo;est pas ce qui int&eacute;resse dans le pr&eacute;sent cas.</p> <p>Selon la tradition, le terme &laquo;&nbsp;mani&eacute;risme&nbsp;&raquo; est li&eacute; aux artistes italiens du XVI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle qui peignent &agrave;&nbsp;<em>la maniera</em>&nbsp;de Raffaello ou Michelangelo, c&rsquo;est-&agrave;-dire des imitateurs qui n&rsquo;arrivent pas &agrave; cr&eacute;er des &oelig;uvres de bonne qualit&eacute; comme les Ma&icirc;tres qu&rsquo;ils cherchent &agrave; reproduire. Il s&rsquo;agit &eacute;videmment d&rsquo;une mauvaise qualification attribu&eacute;e au mani&eacute;risme qui, en revanche, est le contraire de l&rsquo;acad&eacute;misme, plut&ocirc;t &laquo;&nbsp;une recherche fr&eacute;n&eacute;tique de nouveaut&eacute;. Ils [les peintres mani&eacute;ristes] se plaisent aux d&eacute;formations de lignes, aux groupements insolites, aux couleurs neuves, aux th&egrave;mes &eacute;tranges<a href="#nbp_5" id="footnoteref5_9ql7hpw" name="lien_nbp_5" title="Giuliano Briganti, Le Maniérisme italien, Paris, Gerard Monfort Editeur, 1993, p.&amp;nbsp;21.">5</a>.&nbsp;&raquo; L&rsquo;ing&eacute;nieuse originalit&eacute; et la puissance d&rsquo;avant-garde de ce courant artistique sont bien repr&eacute;sent&eacute;es, par exemple, par Parmigianino, Rosso Fiorentino, Pontormo, Bronzino. Achille Bonito Oliva rappelle que &laquo;&nbsp;l&rsquo;identit&eacute; du mani&eacute;risme, avec sa dynamique stylistique et son nomadisme culturel, est celle d&rsquo;un art &agrave; la fois clos dans la finitude de ses formes et ouvert (tendu) vers l&rsquo;expression du drame d&rsquo;un langage qui avec ses torsions asym&eacute;triques s&rsquo;affirme comme une contre r&eacute;alit&eacute;<a href="#nbp_6" id="footnoteref6_df31xpd" name="lien_nbp_6" title="Achille Bonito Oliva, L’Idéologie du traître. Art, manière, maniérisme, Paris, L’Harmattan, 2006, p.&amp;nbsp;18.">6</a>&nbsp;&raquo;. L&rsquo;art mani&eacute;riste se distingue donc par un esprit extraverti, une pr&eacute;dilection pour les choses raffin&eacute;es, extravagantes, excentriques, pour les d&eacute;tails bizarres mais suggestifs, pour les &eacute;l&eacute;ments hors contexte, les saveurs insolites, gourmandes, provocantes, sensuels, pour l&rsquo;opposition &agrave; ce qui est rationnel, parfait, par l&rsquo;accentuation de l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute;, des contradictions, des contrastes, comme le soulignent &ndash; parmi beaucoup d&rsquo;autres &ndash; Arnold Hauser<a href="#nbp_7" id="footnoteref7_zr6eb7l" name="lien_nbp_7" title="Arnold Hauser, Il Manierismo. La crisi del Rinascimento e l’origine dell’arte moderna, Giulio Einaudi Editore, Torino, 1965.">7</a>&nbsp;et Gustav Ren&eacute; Hocke<a href="#nbp_8" id="footnoteref8_u1h5xun" name="lien_nbp_8" title="Gustav René Hocke, Labyrinthe de l’art fantastique. Le maniérisme dans l’art européen, Paris, Denoël-Gonthier, 1977.">8</a>, dans leurs &oelig;uvres critiques sur le mani&eacute;risme. M&ecirc;me la pose et l&rsquo;effet ont pour but d&rsquo;&eacute;blouir le spectateur, afin de provoquer une r&eacute;action, y compris par l&rsquo;exag&eacute;ration, la d&eacute;formation, le d&eacute;s&eacute;quilibre, le grotesque ou les images &eacute;rotiques.</p> <p>Des critiques, publi&eacute;es le lendemain des repr&eacute;sentations de&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;au Festival d&rsquo;Avignon, t&eacute;moignent de l&rsquo;emploi de notions qui entrent en r&eacute;sonance avec celles de la cat&eacute;gorie esth&eacute;tique du mani&eacute;risme&nbsp;:</p> <p><q>Bref, ce spectacle fun&egrave;bre, superbe et grotesque, o&ugrave; la politique devient un jeu sanglant et d&eacute;risoire, presque r&ecirc;v&eacute;, est sans conteste le plus riche, le plus fort, le plus myst&eacute;rieux qu&rsquo;il nous ait &eacute;t&eacute; donn&eacute; de voir au Festival d&rsquo;Avignon. Tout tourne ici autour de Richard, &agrave; qui Ariel Garcia-Vald&egrave;s de bout en bout fascinant, offre la frivolit&eacute; &eacute;nerv&eacute;e d&rsquo;un jeune dandy romantique que la foudre aurait frapp&eacute;, le r&eacute;duisant &agrave; cette forme tordue et d&eacute;jet&eacute;e, &agrave; cette difformit&eacute;, en qui, par bref &eacute;clats, la beaut&eacute; apparait encore.[&hellip;] L&rsquo;admirable est que, dans ces clowneries, dans ces personnages travestis, Georges Lavaudant r&eacute;ussit &agrave; faire circuler le tragique, donnant &agrave; certaines sc&egrave;nes (la mort de Clarence, par exemple) une sorte de gr&acirc;ce cruelle et burlesque, presque charmeuse, presque perverse, et qui est la marque m&ecirc;me de sa mise en sc&egrave;ne &agrave; la fois railleuse, perfide et tendre, avec un grain de fantastique<a href="#nbp_9" id="footnoteref9_csbrlc8" name="lien_nbp_9" title="Pierre Marcabru, «&amp;nbsp;Dérisoire et sanglante féerie&amp;nbsp;», Le Figaro, 21-22 juillet 1984.">9</a>.</q></p> <p>R&ecirc;ve, myst&egrave;re, fantastique, forme tordue et d&eacute;jet&eacute;e, difformit&eacute; qui contient de la beaut&eacute;, gr&acirc;ce cruelle et burlesque, charmeuse et perverse&nbsp;; voil&agrave; une synth&egrave;se &eacute;voquant d&eacute;j&agrave; le mani&eacute;risme. Cette perception se confirme lorsque le compte-rendu de la pi&egrave;ce en vient &agrave; se focaliser plus pr&eacute;cis&eacute;ment sur le corps de l&rsquo;acteur principal&nbsp;:</p> <p><q>Ariel Garcia-Vald&egrave;s est donc Richard III, l&rsquo;inachev&eacute;, le monstrueux. Tordu, cass&eacute;, jambes entrav&eacute;es, cheveux hirsutes, &oelig;il enflamm&eacute;, bouche sanglante et sombre, rire sardonique, secou&eacute; sans cesse par on ne sait quel tremblement fr&eacute;n&eacute;tique, il est dans le heurt&eacute;, le bris&eacute;, la coupure [&hellip;]. L&rsquo;acteur met son corps &agrave; la torture&nbsp;: m&eacute;taphore d&rsquo;une pens&eacute;e qui ne parvient pas &agrave; s&rsquo;accomplir sereinement mais h&eacute;site entre tyrannie et abandon &agrave; l&rsquo;enfance, &agrave; la pu&eacute;rilit&eacute;<a href="#nbp_10" id="footnoteref10_2qz10af" name="lien_nbp_10" title="Armelle Heliot, «&amp;nbsp;Et Avignon recréa “Richard III”&amp;nbsp;», Le Quotidien de Paris, 19 juillet 1984.">10</a>.&nbsp;</q></p> <p>Des caract&eacute;ristiques mani&eacute;ristes concernant la torsion, la convulsion, le grotesque &eacute;mergent donc clairement par la description du corps tordu, cass&eacute;, l&rsquo;&oelig;il enflamm&eacute;, la bouche sanglante. De fa&ccedil;on plus g&eacute;n&eacute;rale, c&rsquo;est bien la conception d&rsquo;ensemble de la mise en sc&egrave;ne du&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;de Lavaudant qui se r&eacute;v&egrave;le mani&eacute;riste comme soulign&eacute; par les mots de Colette Godard, sur&nbsp;<em>Le Monde</em>&nbsp;:</p> <p><q>Un jeu, un drame de cape et d&rsquo;&eacute;p&eacute;e d&eacute;samorc&eacute;&nbsp;[&hellip;] Plus rien n&rsquo;est vivant sur sc&egrave;ne, pas m&ecirc;me les voix d&eacute;tach&eacute;es des corps, amplifi&eacute;es par des microcravates. Le th&eacute;&acirc;tre tombe sur cette p&eacute;riode historique comme un cercueil de glace. L&rsquo;horreur est devenue une f&eacute;erie noire, une imagerie fastueuse et po&eacute;tique. Mont&eacute;s sur d&rsquo;immenses chevaux artificiels qui glissent en levant tr&egrave;s haut les pattes, Richard et Richmond s&rsquo;affrontent dans un bref duel. Leurs gestes sont lents et larges comme ceux des automates qui tournent en cercle ferm&eacute; et marquent les heures aux horloges des cath&eacute;drales<a href="#nbp_11" id="footnoteref11_xupjtja" name="lien_nbp_11" title="Colette Godard, «&amp;nbsp;Richard III à Avignon. L’enfant enivré de lui-même&amp;nbsp;», Le Monde, 21 juillet 1984.">11</a>.</q></p> <p>Voil&agrave; donc un ensemble d&rsquo;images somptueuses o&ugrave; l&rsquo;artifice, le rituel et l&rsquo;exag&eacute;ration gagnent de plein droit leur place. Sur sc&egrave;ne, le mouvement se trouve ainsi fig&eacute; dans des poses pas naturelles&nbsp;; de telles poses pourtant contiennent en elles-m&ecirc;mes la dynamique et le d&eacute;veloppement de l&rsquo;action &ndash; ce qui constitue encore, en soi, un autre indice renvoyant n&eacute;cessairement au mani&eacute;risme.</p> <p>&Agrave; propos de la mise en sc&egrave;ne de&nbsp;<em>Richard III</em>, Georges Lavaudant sp&eacute;cifie d&rsquo;ailleurs lui-m&ecirc;me&nbsp;: &laquo;&nbsp;j&rsquo;ai horreur du naturel sur la sc&egrave;ne, je me le suis toujours interdit [&hellip;] et c&rsquo;est vrai que le cinqui&egrave;me acte a &eacute;t&eacute; compos&eacute; d&rsquo;une mani&egrave;re un peu fig&eacute;e, artificielle<a href="#nbp_12" id="footnoteref12_06twu9r" name="lien_nbp_12" title="Georges Lavaudant, «&amp;nbsp;Entretien avec Georges Lavaudant. “Mettre en scène Richard III”», dans Jean Fuzier (dir.), Société Française Shakespeare. Lieu et temps&amp;nbsp;: actes du Congrès 1984, Montpellier, Imprimerie de recherche-Université Paul-Valéry, 1989, p.&amp;nbsp;168.">12</a>.&nbsp;&raquo; Au cours d&rsquo;un entretien, avec Jean-Michel D&eacute;prats, il pr&eacute;cise son int&eacute;r&ecirc;t pour cet aspect cabotin, farceur dans&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;:</p> <p><q>Ce qui nous int&eacute;ressait le plus ce n&rsquo;&eacute;tait pas de montrer l&rsquo;histoire mais son c&ocirc;t&eacute; burlesque, grotesque, irr&eacute;v&eacute;rencieux [&hellip;] son aspect bouffon et parodique<a href="#nbp_13" id="footnoteref13_c1xx1gs" name="lien_nbp_13" title="Georges Lavaudant, «&amp;nbsp;Mettre en Scène Richard III. Entretien avec Jean-Michel Déprats&amp;nbsp;», dans Dominique Goy-Blanquet, Richard Marienstras, (dir.) Le Tyran. Shakespeare contre Richard III, Amiens, CERLA, 1990, p.&amp;nbsp;163.">13</a>.</q></p> <p>Un peu plus loin dans le m&ecirc;me entretien, Lavaudant ajoute que cette pr&eacute;s&eacute;ance accord&eacute;e &agrave; une interpr&eacute;tation surjou&eacute;e, n&rsquo;a cependant rien de gratuit, puisque ce sont justement ces pitreries de sc&eacute;l&eacute;rat qui sont charg&eacute;es de restituer le fond et le s&eacute;rieux de l&rsquo;intrigue&nbsp;:</p> <p><q>Il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;un suppl&eacute;ant &agrave; la mise en sc&egrave;ne destin&eacute; &agrave; rendre le spectacle plus plaisant. Au contraire ce style de jeu excessif est toujours dangereux, il &eacute;l&egrave;ve la bouffonnerie au rang de pens&eacute;e politique. [&hellip;] La distance que nous prenons par ce biais n&rsquo;a rien d&rsquo;un jugement intellectuel, elle est pudique et humaine quand la douleur &agrave; exprimer est tellement violente qu&rsquo;on se sent incapable de l&rsquo;incarner. Elle est si difficile &agrave; comprendre qu&rsquo;on est oblig&eacute; de la d&eacute;placer, de prendre un d&eacute;tour [&hellip;] &Agrave; travers les bouffonneries du criminel on voit le caract&egrave;re grave ou s&eacute;rieux du crime. Les deux &eacute;l&eacute;ments jouent entre eux et donnent &agrave; la pi&egrave;ce son caract&egrave;re grin&ccedil;ant, comique, r&eacute;pugnant parfois<a href="#nbp_14" id="footnoteref14_t2i164x" name="lien_nbp_14" title="Ibid., p.&amp;nbsp;165.">14</a>.</q></p> <p><strong>Figures dans la d&eacute;formation</strong></p> <p>Il est int&eacute;ressant de constater que, de m&ecirc;me que &laquo;&nbsp;le mani&eacute;risme se d&eacute;finit comme un mouvement fondamentalement anti-classique, de m&ecirc;me l&rsquo;art de Shakespeare cherche &agrave; se lib&eacute;rer de la rh&eacute;torique et des codes formels devenus impropres &agrave; exprimer le monde. Cette lib&eacute;ration passe par l&rsquo;affirmation d&rsquo;une certaine&nbsp;<em>dysharmonie</em><a href="#nbp_15" id="footnoteref15_r2wzu0l" name="lien_nbp_15" title="Pierre Jamet, «&amp;nbsp;Immanence et formes enchâssées (Shakespeare à la lumière de Nietzsche)&amp;nbsp;», Philosophique, 16&amp;nbsp;|&amp;nbsp;2013, [En ligne] http://journals.openedition.org/philosophique/814 [Site consulté le 05 avril 2018].">15</a>.&nbsp;&raquo; Et bien s&ucirc;r le texte de Shakespeare, qui aborde la question de la d&eacute;formation et du monstrueux, en facilite la mise en sc&egrave;ne et le versant non naturel, tout en rappelant que dans la Renaissance le terme &laquo;&nbsp;monstrueux&nbsp;&raquo; &eacute;tait souvent appliqu&eacute; &agrave; quelque chose qui n&rsquo;&eacute;tait pas naturel, dans virtuellement n&rsquo;importe quelle cat&eacute;gorie<a href="#nbp_16" id="footnoteref16_sql3f8p" name="lien_nbp_16" title="Linda Charnes, «&amp;nbsp;From Belaboring the Obvious&amp;nbsp;: Reading the Monstrous Body in King Richard III&amp;nbsp;», dans Thomas Cartelli (dir.), Richard III Authoritative Text, Contexts, Criticism, New York, W. W. Norton &amp;amp; Company, 2009, p.&amp;nbsp;345.">16</a>.</p> <p>Cependant, Montaigne, estim&eacute; mani&eacute;riste, &eacute;crit&nbsp;:</p> <p><q>Ce que nous appelons monstres ne le sont pas &agrave; Dieu, qui veoid en l&#39;immensit&eacute; de son ouvrage l&#39;infinit&eacute; des formes qu&#39;il y a comprinses [&hellip;] Nous appelons contre nature, ce qui advient contre la coustume&nbsp;: rien n&#39;est que selon elle, quel qu&#39;il soit. Que cette raison universelle et naturelle chasse de nous l&#39;erreur et l&#39;estonnement que la nouvellet&eacute; nous apporte<a href="#nbp_17" id="footnoteref17_sbict6u" name="lien_nbp_17" title="Michel de Montaigne, Essais, II, 31, vol.&amp;nbsp;2, Paris, Garnier Frères, 1872, p.&amp;nbsp;101.">17</a>.</q></p> <p>Voil&agrave; donc au d&eacute;but de la pi&egrave;ce shakespearienne le discours de Richard III, qui en tant que symbole du pouvoir est cens&eacute; repr&eacute;senter l&rsquo;ordre et qui en revanche incarne toute l&rsquo;horreur d&rsquo;une r&eacute;pugnante tyrannie &agrave; travers sa difformit&eacute;&nbsp;:</p> <p><q>[&hellip;] moi qui suis rudement taill&eacute; et qui n&rsquo;ai pas la majest&eacute; de l&rsquo;amour &mdash; pour me pavaner devant une nymphe aux coquettes allures, &mdash; moi en qui est tronqu&eacute;e toute noble proportion, &mdash; moi que la nature d&eacute;cevante a frustr&eacute; de ses attraits, &mdash; moi qu&rsquo;elle a envoy&eacute; avant le temps &mdash; dans le monde des vivants, difforme, inachev&eacute;, &mdash; tout au plus &agrave; moiti&eacute; fini, &mdash; tellement estropi&eacute; et contrefait &mdash; que les chiens aboient quand je m&rsquo;arr&ecirc;te pr&egrave;s d&rsquo;eux&nbsp;! &mdash; eh bien, moi, dans cette molle et languissante &eacute;poque de paix, &mdash; je n&rsquo;ai d&rsquo;autre plaisir pour passer les heures &mdash; que d&rsquo;&eacute;pier mon ombre au soleil &mdash; et de d&eacute;crire ma propre difformit&eacute;<a href="#nbp_18" id="footnoteref18_22ieims" name="lien_nbp_18" title="William Shakespeare, Œuvres complètes, Paris, Gallimard, 1959, p.&amp;nbsp;385.">18</a>.</q></p> <p>Le corps humain de Richard III, en tant que diff&eacute;rent, devient donc in&eacute;vitablement porteur de sa d&eacute;viance, par rapport &agrave; la nature et cons&eacute;quemment aux pr&eacute;dispositions morales. Mais il faut rappeler aussi qu&rsquo;il y a un lien dans le mani&eacute;risme entre &eacute;rotisme et d&eacute;formation&nbsp;: &agrave; la difformit&eacute; on lie souvent des sup&eacute;riorit&eacute;s sexuelles, car au XVI<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle en effet &laquo;&nbsp;on pensait que la difformit&eacute; physique causait une alt&eacute;ration dans l&rsquo;&eacute;conomie &eacute;rotique du corps<a href="#nbp_19" id="footnoteref19_8x7ity1" name="lien_nbp_19" title="Ian Moulton, «&amp;nbsp;The Unruly Masculinity Of Richard III&amp;nbsp;», dans Thomas Cartelli (dir.), Richard III. Authoritative Text, Contexts, Criticism, New York, W. W. Norton &amp;amp; Company, 2009, p.&amp;nbsp;395 (texte original&amp;nbsp;: physical deformity was also thought to cause a shift in the erotic economy of the body)">19</a>&raquo;.</p> <p>Voil&agrave; ce que raconte Georges Lavaudant &agrave; ce sujet&nbsp;:</p> <p><q>Richard III, le personnage, donc la pi&egrave;ce de Shakespeare, exhibe ce bras atrophi&eacute;. Il le dit lui-m&ecirc;me. Il l&#39;exhibe et il s&#39;en sert. Il s&#39;en sert pour s&eacute;duire, pour faire piti&eacute;. Alors, c&#39;est vraiment une pi&egrave;ce qui est absolument magnifique parce qu&#39;elle est justement contraire &agrave; l&#39;&eacute;poque o&ugrave; on voudrait tout lisser, tout nettoyer. Richard III prend le pouvoir en accumulant et en exhibant ses d&eacute;fauts. D&#39;abord ses d&eacute;fauts corporels et ensuite ses d&eacute;fauts, on pourrait dire, moraux. [&hellip;] Et vous avez cette sc&egrave;ne absolument impossible, et qui le restera &agrave; tout jamais, qui est sublimissime, de Lady Anne, dont il a tu&eacute; et le p&egrave;re et le mari, et quasiment ils font l&#39;amour sur le cercueil du p&egrave;re. Il y a une virtuosit&eacute; de montrer comment la s&eacute;duction peut agir qui n&#39;a jamais &eacute;t&eacute; &eacute;gal&eacute;e<a href="#nbp_20" id="footnoteref20_t2o0i5k" name="lien_nbp_20" title="Georges Lavaudant, Grands Entretiens. Mémoire du théâtre. Georges Lavaudant, art.&amp;nbsp;cit.">20</a>.</q></p> <p>D&rsquo;ailleurs certains tableaux de Giulio Romano, auteur aussi de c&eacute;l&egrave;bres dessins &eacute;rotiques, ne manquent pas d&rsquo;&eacute;rotisme m&ecirc;l&eacute; au grotesque&nbsp;; comme l&rsquo;observe l&rsquo;historien Gustav Ren&eacute; Hocke &agrave; ce propos, &laquo;&nbsp;le platonisme p&eacute;trarquiste se mue peu &agrave; peu en pansexualisme mani&eacute;riste. Les repr&eacute;sentations &eacute;rotiques deviennent elles aussi &ldquo;fantastiques&rdquo;&nbsp;: graveleuses, perverses, ludiques<a href="#nbp_21" id="footnoteref21_xkarf3p" name="lien_nbp_21" title="Gustav René Hocke, Labyrinthe de l’art fantastique. Le maniérisme dans l’art européen, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;225.">21</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo;.</p> <p>Au cours de la p&eacute;riode du mani&eacute;risme, on joue avec les d&eacute;formations, sans leur donner forc&eacute;ment une signification n&eacute;gative&nbsp;: il suffit de penser &agrave;&nbsp;<em>l&rsquo;Autoportrait dans un miroir convexe</em>&nbsp;de Parmigianino, dans lequel l&rsquo;&eacute;norme main sort presque du tableau, ou encore &agrave; sa&nbsp;<em>Vierge au long cou,&nbsp;</em>une Madone qui semble anticiper celles de Modigliani. L&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute;, la disproportion &eacute;clate clairement et librement, devenant parfois caricaturale&nbsp;: la diversit&eacute; est une autre forme de perversion, comme la sensualit&eacute; ou la sexualit&eacute; ambigu&euml; et douloureuse qui suscite la curiosit&eacute;, l&rsquo;&eacute;rotisme et parfois incite &agrave; un certain voyeurisme chez le spectateur, m&ecirc;me s&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas d&rsquo;un but explicitement d&eacute;clar&eacute;.</p> <p><strong>Ariel Garcia-Vald&eacute;s, acteur mani&eacute;riste&nbsp;?</strong></p> <p>Richard III, dans la mise en sc&egrave;ne de Lavaudant, est interpr&eacute;t&eacute; par Ariel Garcia-Vald&egrave;s. Un pareil choix pourrait sembler hasardeux, &eacute;tant donn&eacute; que Garcia-Vald&egrave;s est non seulement un excellent com&eacute;dien, mais aussi un acteur beau et charmant, ce qui pourrait rendre difficile l&rsquo;interpr&eacute;tation de son r&ocirc;le. Et pourtant, m&ecirc;me si on peut la juger audacieuse, cette contradiction entra&icirc;ne un d&eacute;s&eacute;quilibre int&eacute;ressant et d&eacute;clenche un rapport de fascination &ndash; ce qui constitue une autre caract&eacute;ristique du mani&eacute;risme.</p> <p>Lavaudant l&rsquo;explique en ces termes&nbsp;:</p> <p><q>Avec Ariel j&rsquo;avais la possibilit&eacute; de pr&eacute;senter un Richard un peu burlesque. Qu&rsquo;il soit beau n&rsquo;&eacute;tait pas un obstacle, bien au contraire. L&rsquo;acteur beau r&ecirc;ve de s&rsquo;enlaidir, comme l&rsquo;acteur laid r&ecirc;ve d&rsquo;&ecirc;tre beau. [&hellip;] Ariel exorcise la beaut&eacute; en se rendant laid mais dans la gr&acirc;ce [&hellip;] cette gr&acirc;ce qui sauve m&ecirc;me les &ecirc;tres les plus abominables, au th&eacute;&acirc;tre seulement. [&hellip;] la voix d&rsquo;Ariel est une caresse qui se retourne en violence<a href="#nbp_22" id="footnoteref22_fhsk0nq" name="lien_nbp_22" title="Georges Lavaudant, «&amp;nbsp;Mettre en Scène Richard III. Entretien avec Jean-Michel Déprats&amp;nbsp;», art.&amp;nbsp;cit. p.&amp;nbsp;166.">22</a>.</q></p> <p>Georges Banu, qui a &eacute;tudi&eacute; la relation entre th&eacute;&acirc;tre et mani&eacute;risme, &agrave; propos de certains spectacles des ann&eacute;es&nbsp;1980, souligne que &laquo;&nbsp;le corps se d&eacute;coupe, se d&eacute;tache, s&rsquo;isole dans des attitudes rares toujours extravagantes&nbsp;: ce corps s&rsquo;affirme comme graphisme<a href="#nbp_23" id="footnoteref23_pgb28rl" name="lien_nbp_23" title="Georges Banu, Les Voyages du comédien, Paris, Gallimard, 2012, p.&amp;nbsp;130.">23</a>&nbsp;&raquo;. Selon Banu, cette approche mani&eacute;riste du corps se retrouvait &eacute;galement &agrave; l&rsquo;&eacute;poque &laquo;&nbsp;chez Ariel Garcia-Vald&egrave;s dans&nbsp;<em>Richard III</em>, mis en sc&egrave;ne par Georges Lavaudant<a href="#nbp_24a" id="footnoteref24_gxsqsyy" name="lien_nbp_24a" title="Ibid.">24</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; et il ajoute&nbsp;:</p> <p><q>L&rsquo;acteur mani&eacute;riste semble &ecirc;tre presque bidimensionnel&nbsp;: chez lui la plasticit&eacute; l&rsquo;emporte sur le v&eacute;cu et le regard sur l&rsquo;&eacute;motion. Il d&eacute;fie l&rsquo;organique et s&rsquo;attaque au possible du corps en le traitant avec une exub&eacute;rance ludique<a href="#nbp_24b" id="footnoteref24_q3wdxc9" name="lien_nbp_24b" title="Ibid.">24</a>. L&rsquo;acteur mani&eacute;riste nous apparait comme un acteur qui affirme sa r&eacute;volte contre le r&eacute;alisme et son insoumission &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;expression organique&nbsp;; il cultive le go&ucirc;t de l&rsquo;artifice et ainsi il se d&eacute;solidarise du courant principal de la sc&egrave;ne europ&eacute;enne. Il renvoie &agrave; une plastique particuli&egrave;re autant qu&#39;&agrave; une convention habituellement r&eacute;serv&eacute;e &agrave; un &laquo;&nbsp;mani&eacute;risme&nbsp;&raquo; pictural qui, lui aussi, a toujours perturb&eacute; les codes de l&rsquo;art occidental<a href="#nbp_25" id="footnoteref25_j38sfen" name="lien_nbp_25" title="Ibid., p.&amp;nbsp;137.">25</a>.</q></p> <p>Ariel Garcia-Vald&egrave;s, concernant la construction de son personnage, explique avoir utilis&eacute; comme inspiration la phrase &laquo;&nbsp;Je suis trop enfant, trop innocent pour ce monde&nbsp;&raquo; que Richard&nbsp;III prononce mais &laquo;&nbsp;au lieu de jouer le boiteux, [il a] essay&eacute; au contraire de danser, de rendre l&rsquo;infirmit&eacute; s&eacute;ductrice&nbsp;&raquo;&nbsp;: la difformit&eacute; qui est ainsi affich&eacute;e peut renverser l&rsquo;id&eacute;e de l&rsquo;infirmit&eacute;<a href="#nbp_26" id="footnoteref26_lyate6i" name="lien_nbp_26" title="Ariel Garcia-Valdès, «&amp;nbsp;Pas la haine snob, pas le cynisme de la haine qui rampe partout, mais une haine sereine, frontale, violente, radicale – Dialogue d’acteurs&amp;nbsp;», dans Yan Ciret (dir.) Archipel Lavaudant, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;184.">26</a>.</p> <p>Le but de l&rsquo;artiste est atteint et son interpr&eacute;tation est extraordinaire&nbsp;: c&rsquo;est &laquo;&nbsp;ce personnage incarn&eacute; par Ariel Garcia Vald&eacute;s qui domine le spectacle. Mi-ange mi-d&eacute;mon, Richard est habit&eacute; d&rsquo;une gr&acirc;ce perverse, d&rsquo;une fr&eacute;n&eacute;sie qui ne lui laisse aucun repos. Hirsute, le teint blafard, la bouche d&eacute;form&eacute;e par un rictus sanglant, il accumule les crimes mais sans &ecirc;tre plus odieux que ses victimes, elles aussi grin&ccedil;antes et corrompues<a href="#nbp_27" id="footnoteref27_ymy426p" name="lien_nbp_27" title="Fortunato Israël, «&amp;nbsp;Richard III sur la scène française&amp;nbsp;», dans Dominique Goy-Blanquet, Richard Marienstras (dir.) Le Tyran. Shakespeare contre Richard III, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;160.">27</a>.&nbsp;&raquo;</p> <p><strong>Exc&egrave;s et crise</strong></p> <p>Achille Bonito Oliva, pour sa part, &eacute;claire la question de la d&eacute;formation dans le mani&eacute;risme en pr&eacute;cisant tout &agrave; fait qu&rsquo;&laquo;&nbsp;avec le mani&eacute;risme il faut plut&ocirc;t parler de d&eacute;formation que de forme. En perdant sa frontalit&eacute; par rapport au monde, l&rsquo;artiste mani&eacute;riste assume une position de lat&eacute;ralit&eacute; perfide qui lui permet d&rsquo;observer le r&eacute;el au-del&agrave; de sa sph&egrave;re d&rsquo;influence personnelle<a href="#nbp_28" id="footnoteref28_mjsk4fw" name="lien_nbp_28" title="Achille Bonito Oliva, L’Idéologie du traître. Art, manière, maniérisme, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;27.">28</a>&nbsp;&raquo;. Dans le m&ecirc;me temps le critique d&rsquo;art observe que&nbsp;&laquo;&nbsp;la forme garantit d&rsquo;ailleurs la possibilit&eacute; de maintenir dans un espace circonscrit les flux irr&eacute;guliers et pourtant pleins de gr&acirc;ce de la fantaisie et de l&rsquo;inspiration<a href="#nbp_29" id="footnoteref29_a5a4ogm" name="lien_nbp_29" title="Ibid., p.&amp;nbsp;13.">29</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Dans ce cas pr&eacute;cis, il est sans &eacute;quivoque&nbsp;: le th&eacute;&acirc;tre n&#39;est pas un miroir de la vraie vie, il n&#39;est pas une imitation de la nature. La fa&ccedil;on de jouer, qui peut sonner fausse, n&rsquo;est pas une mauvaise imitation de la bonne&nbsp;; le jeu contrefait de l&rsquo;acteur ne r&eacute;sulte pas d&rsquo;une incapacit&eacute;&nbsp;; de m&ecirc;me pour la d&eacute;formation d&#39;images et d&#39;expressions, ou pour la tragi-com&eacute;die ridicule qui en fait d&eacute;clenche le sentiment de l&#39;imminence de la trag&eacute;die. Il s&rsquo;agit de d&eacute;cisions esth&eacute;tiques conscientes, des choix, comme c&rsquo;&eacute;tait le cas pendant le mani&eacute;risme.</p> <p>Concernant les nombreuses autres bizarreries, si mani&eacute;ristes, pr&eacute;sentes dans le spectacle, Lavaudant r&eacute;pond&nbsp;: &laquo;&nbsp;on m&rsquo;a demand&eacute; pourquoi le r&ocirc;le d&rsquo;enfant &eacute;tait tenu par un nain. En fait il s&rsquo;agit d&rsquo;un lilliputien, ils n&rsquo;ont pas de d&eacute;formations, ils ont un corps en r&eacute;duction [&hellip;] et je me suis dit que ce serait beaucoup plus pervers d&rsquo;introduire un lilliputien [&hellip;]. Pour moi c&rsquo;est un petit Richard, un double encore innocent<a href="#nbp_30" id="footnoteref30_3dngyik" name="lien_nbp_30" title="Georges Lavaudant, «&amp;nbsp;Mettre en Scène Richard III. Entretien avec Jean-Michel Déprats&amp;nbsp;», art.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;166.">30</a>&nbsp;&raquo; Perversion, introduction de petites figures disproportionn&eacute;es par rapport au reste&nbsp;: c&rsquo;est tr&egrave;s mani&eacute;riste.</p> <p>Les critiques parlent de &laquo;&nbsp;bouffonnerie sanglante, de cruaut&eacute; joyeuse&nbsp;&raquo; et encore d&rsquo;&laquo;&nbsp;une trag&eacute;die historique mont&eacute;e en farce caracolante<a href="#nbp_31" id="footnoteref31_s267047" name="lien_nbp_31" title="Ibid., p.&amp;nbsp;165.">31</a>&nbsp;&raquo;. Ces contrastes, exasp&eacute;r&eacute;s, se r&eacute;v&egrave;lent tr&egrave;s efficaces, &eacute;blouissent le spectateur tout en lui permettant de profiter de ce classique shakespearien, vu d&rsquo;une autre perspective, celle, insolite et formidable, propos&eacute;e par Lavaudant&nbsp;:</p> <p><q>D&rsquo;un bout &agrave; l&rsquo;autre, le drame shakespearien prend des allures de farce sinistre. Banquets et conspirations se d&eacute;roulent sur de la musique espagnole ou de mandolines italiennes. Le monstre construit ses plans de bataille en d&eacute;pla&ccedil;ant des verres sur une table, le meurtre de Clarence est r&eacute;gl&eacute; comme un num&eacute;ro de clowns. Enfin l&rsquo;image la plus controvers&eacute;e reste sans doute celle du roi mort dont on transporte la d&eacute;pouille sur la sc&egrave;ne dans une voiture d&rsquo;enfant. Cependant, bien qu&rsquo;elle soit tr&egrave;s appuy&eacute;e, la parodie ne vise pas &agrave; tuer l&rsquo;&eacute;motion mais est plut&ocirc;t envisag&eacute;e comme un nouveau moyen d&rsquo;acc&eacute;der au tragique. [&hellip;] l&rsquo;action se d&eacute;roule devant des murs nus sur un carrelage gris sombre et blanc macul&eacute; de sang, des trappes s&rsquo;entrouvrent pour engloutir les cadavres. S&rsquo;y ajoute le baroque inqui&eacute;tant de fards et des costumes&nbsp;: habits noirs et fraise &agrave; la Van Dick pour les hommes, robes rouges paillettes et perruques flamboyantes pour les femmes. Ainsi m&ecirc;lant adroitement le bouffon et le tragique Lavaudant parvient &agrave; renouveler la vision du drame sans pour autant le d&eacute;naturer<a href="#nbp_32" id="footnoteref32_a4zbpqq" name="lien_nbp_32" title="Fortunato Israël, art.&amp;nbsp;cit, p.&amp;nbsp;161.">32</a>.</q></p> <p>Cette description met en exergue plusieurs caract&eacute;ristiques, qui, comme on a vu, sont pr&eacute;sentes dans la cat&eacute;gorie esth&eacute;tique du mani&eacute;risme. Il est n&eacute;cessaire d&rsquo;ajouter ici une pr&eacute;cision&nbsp;: il s&rsquo;av&egrave;re que parfois, comme on vient de le voir, la r&eacute;f&eacute;rence est le baroque et non le mani&eacute;risme, mais cela n&rsquo;est pas correct. Sans vouloir ici aborder la complexe question de la diff&eacute;rence entre mani&eacute;risme et baroque, il me semble utile de rappeler que, par exemple, la joyeuse exag&eacute;ration du baroque n&rsquo;a rien &agrave; voir avec le profond sentiment de crise qui habite le mani&eacute;risme et lui est propre, pour les raisons historiques et sociales qui &ndash; comme le souligne l&rsquo;historien Tibor Klaniczay<a href="#nbp_33" id="footnoteref33_pr0mh3f" name="lien_nbp_33" title="Tibor Klaniczay, La Crisi del Rinascimento e il manierismo, Roma, Bulzoni, 1973.">33</a>&nbsp;&ndash; caract&eacute;risent sa naissance.</p> <p>&nbsp;La qualification de baroque est souvent une impr&eacute;cision, une simplification, due au fait que le mani&eacute;risme en tant que cat&eacute;gorie esth&eacute;tique est assez m&eacute;connu &agrave; cause aussi de la mauvaise acception de ce terme dans le langage commun. Le mot mani&eacute;risme est en effet employ&eacute; habituellement dans la langue fran&ccedil;aise surtout pour d&eacute;signer une qualit&eacute;, per&ccedil;ue comme n&eacute;gative, de ce qui est mani&eacute;r&eacute;, affect&eacute;, inauthentique.</p> <p><strong>De mani&eacute;risme en mani&eacute;risme.</strong></p> <p>Il semble enfin utile d&rsquo;analyser bri&egrave;vement deux &oelig;uvres li&eacute;es au&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;de Lavaudant, une ant&eacute;rieure et une post&eacute;rieure&nbsp;: respectivement la mise en sc&egrave;ne de&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;de Carmelo Bene et le film de Raoul Ruiz, car elles aussi contiennent des &eacute;l&eacute;ments typiques de la cat&eacute;gorie esth&eacute;tique du mani&eacute;risme.</p> <p>En effet Lavaudant &ndash; avant le&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;pr&eacute;sent&eacute; au Festival d&rsquo;Avignon en 1984 &ndash; avait d&eacute;j&agrave; travaill&eacute; sur l&rsquo;adaptation de&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;par Carmelo Bene, en mettant en sc&egrave;ne<em>&nbsp;La Rose et la Hache</em>&nbsp;en 1979, une version de la c&eacute;l&egrave;bre trag&eacute;die, r&eacute;duite et irr&eacute;v&eacute;rencieuse &ndash; dans laquelle le protagoniste &eacute;tait d&eacute;j&agrave; le prodigieux Ariel Garcia Vald&egrave;s, Georges Lavaudant jouant alors la Reine Marguerite.</p> <p>Carmelo Bene a jou&eacute;&nbsp;<em>Riccardo III</em>&nbsp;en 1977, puis il en a fait un film, et en 1978 la maison d&rsquo;&eacute;dition Feltrinelli a publi&eacute;&nbsp;<em>Superposition</em>, un texte o&ugrave; il explique aussi l&rsquo;&eacute;vocation de l&rsquo;ambiance fun&eacute;raire, des miroirs, des fleurs, les atmosph&egrave;res corrompues, &eacute;rotiques&nbsp;; la r&eacute;interpr&eacute;tation de Riccardo insiste sur un personnage fragile, vuln&eacute;rable et sur la pr&eacute;sence f&eacute;minine. Le philosophe Gilles Deleuze &eacute;crit ensuite&nbsp;<em>Un manifeste de moins,&nbsp;</em>une tentative d&#39;expliquer ce th&eacute;&acirc;tre de Carmelo Bene.</p> <p>Le&nbsp;<em>Riccardo III</em>&nbsp;de Carmelo Bene pr&eacute;sente des &eacute;l&eacute;ments du mani&eacute;risme, comme d&eacute;j&agrave; sa propre description de la sc&egrave;ne le sugg&egrave;re&nbsp;:</p> <p><q>Le duc de Gloucester, en habit noir de circonstance.&nbsp;/&nbsp;Lady Anne Warwick, ensorcel&eacute;e sous l&rsquo;outrage des &eacute;v&eacute;nements, pleure pr&egrave;s du cercueil d&rsquo;Henri&nbsp;VI.&nbsp;/&nbsp;Madame Shore dort, retenue et pourtant rel&acirc;ch&eacute;e, dans un grand lit d&rsquo;un blanc couleur de tr&ocirc;ne.&nbsp;/&nbsp;Un cr&acirc;ne sur un plateau.&nbsp;/&nbsp;Fun&egrave;bre est tout le d&eacute;cor&nbsp;: des cercueils et des miroirs partout.&nbsp;/&nbsp;Partout des tiroirs&nbsp;: ils contiennent de la gaze,&nbsp;des bandes blanches et des accessoires d&eacute;formants dont pourrait bien tirer gloire un beau Richard&nbsp;III traditionnel&hellip;&nbsp;/&nbsp;L&rsquo;horloge,&nbsp;comme chez Poe,&nbsp;scande son tic-tac&nbsp;; sur le tapis,&nbsp;beaucoup de fleurs,&nbsp;fra&icirc;ches et fl&eacute;tries,&nbsp;mais en si grand nombre que l&rsquo;on tr&eacute;buche &ndash; tout est parsem&eacute; des roses blanches et rouges des York et des Lancaster,&nbsp;si l&rsquo;on veut<a href="#nbp_34" id="footnoteref34_um6d431" name="lien_nbp_34" title="Carmelo Bene, Gilles Deleuze, Superpositions. Richard III suivi de Un manifeste de moins, Paris, Les Éditions de Minuit, 2016, p.&amp;nbsp;9.">34</a>&hellip;</q></p> <p>Bene interpr&egrave;te Richard III d&rsquo;une mani&egrave;re bouleversante, qui d&eacute;stabilise le spectateur&nbsp;: il &laquo;&nbsp;exalte la posture du protagoniste, mais en la d&eacute;tournant et en l&rsquo;accablant, en la d&eacute;signant par une valence qu&rsquo;elle n&rsquo;a jamais eue<a href="#nbp_35" id="footnoteref35_j5iiqt5" name="lien_nbp_35" title="Jean-Paul Manganaro, «&amp;nbsp;Carmelo Bene et Shakespeare&amp;nbsp;: l'humour du tragique&amp;nbsp;» dans Myriam Tanant (dir.) Le Personnage tragique. Littérature, théâtre et opéra italiens, Arzanà 14, 2012, p.&amp;nbsp;203-215.">35</a>&nbsp;&raquo;&nbsp;et par cons&eacute;quent son Riccardo<em>&nbsp;III</em>&nbsp;&laquo;&nbsp;se formera, o&ugrave; plut&ocirc;t se d&eacute;formera suivant une ligne de variation continue<a href="#nbp_36" id="footnoteref36_ll7dpwe" name="lien_nbp_36" title="Carmelo Bene, Gilles Deleuze, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;91.">36</a>&nbsp;&raquo; et en outre il ne cessera pas &laquo;&nbsp;de perdre l&rsquo;&eacute;quilibre, de glisser&hellip;<a href="#nbp_37" id="footnoteref37_020tpqb" name="lien_nbp_37" title="Ibid., p.&amp;nbsp;111.">37</a>&nbsp;&raquo;. Les dynamiques, les lignes de tension entre les corps, si fondamentales dans le courant artistique picturale du mani&eacute;risme, se r&eacute;affirment avec vigueur dans l&rsquo;&oelig;uvre de Bene et suivent &laquo;&nbsp;des rapports de force o&ugrave; chaque corps fait obstacle au corps de l&rsquo;autre [&hellip;] les gestes et les mouvements sont mis en &eacute;tat de variation continue les uns par rapport aux autres et chacun pour lui-m&ecirc;me<a href="#nbp_38" id="footnoteref38_4gsn869" name="lien_nbp_38" title="Ibid.">38</a>&nbsp;&raquo;, et par cela comme &laquo;&nbsp;sur une ligne de fuite cr&eacute;atrice&nbsp;<a href="#nbp_39" id="footnoteref39_j2fsisi" name="lien_nbp_39" title="Ibid., p.&amp;nbsp;119.">39</a>&nbsp;&raquo;. La perte d&rsquo;&eacute;quilibre, l&rsquo;action dans la variation, sont des &eacute;l&eacute;ments typiques du mani&eacute;risme o&ugrave; le doute, la crise, l&rsquo;angoisse de l&rsquo;&eacute;poque, se manifestent aussi dans les torsions des figures, le manque de stabilit&eacute;, la pr&eacute;carit&eacute; (un exemple typique est la&nbsp;<em>D&eacute;position de croix</em>&nbsp;de Rosso Fiorentino).</p> <p>En outre, la mani&egrave;re de jouer de Carmelo Bene, qui notoirement a invent&eacute; une fa&ccedil;on tr&egrave;s originale de travailler sur la voix, donne au personnage de Richard III une perverse &eacute;tranget&eacute; tout &agrave; fait efficace. Ariel Garcia Vald&eacute;s dit &agrave; propos de Carmelo Bene&nbsp;: &laquo;&nbsp;C&#39;est lyrique, c&#39;est d&eacute;clam&eacute;, c&#39;est bouffon et pitoyable, c&#39;est g&eacute;nial. C&#39;est le plus grand artiste que j&#39;aie jamais vu de ma vie<a href="#nbp_40" id="footnoteref40_6578com" name="lien_nbp_40" title="Georges Lavaudant, Grands Entretiens. Mémoire du théâtre. Georges Lavaudant. art. cit.">40</a>. [...]&nbsp;&raquo;. Par cons&eacute;quent, comme Lavaudant le rappelle&nbsp;:</p> <p><q>[&hellip;]&nbsp;on s&#39;est mis &agrave; se passionner pour Carmelo Bene, et on a lu cette adaptation et on a mont&eacute; la pi&egrave;ce. Mais moi, lorsque j&#39;ai mont&eacute; la pi&egrave;ce je n&#39;avais ni vu de films de Carmelo Bene, ni vu de spectacles de Carmelo Bene. &Ccedil;a passait par l&#39;invention ou comme me le racontait Ariel, c&#39;est-&agrave;-dire Ariel me mimait Carmelo Bene. [&hellip;] Par exemple, dans la version de Carmelo Bene, il n&#39;y a pas d&#39;hommes du tout, il n&#39;y a m&ecirc;me pas le roi, il y a Carmelo Bene et les femmes. Et c&#39;est lui qui dit qu&#39;il a voulu d&eacute;barrasser la pi&egrave;ce, effectivement, de tout ce qui est intrigue politique. En fait, les intrigues politiques, c&#39;est lui les r&ecirc;vant tout seul, et puis de temps en temps il y a les femmes qui sont autour. En fait, il essaie d&#39;apitoyer, de s&eacute;duire et de faire pleurer les femmes, de temps en temps, en leur donnant des claques sur les fesses. Mais pratiquement dans tous les spectacles de Carmelo Bene il y a ce type de rapport<a href="#nbp_24c" id="footnoteref24_03g9zud" name="lien_nbp_24c" title="Ibid.">24</a>.</q></p> <p>Il est donc &eacute;vident que Bene n&rsquo;est pas tr&egrave;s passionn&eacute; par les aspects psychologiques du pouvoir&nbsp;: il pr&eacute;f&egrave;re insister sur les jeux de s&eacute;duction, de puissance, &eacute;rotiques, il est plut&ocirc;t int&eacute;ress&eacute; par la recherche d&rsquo;une puissante composition sc&eacute;nique, par &laquo;&nbsp;[&hellip;] les &eacute;l&eacute;ments constitutifs qui doivent &ecirc;tre combin&eacute;s pour le d&eacute;ploiement du pouvoir &eacute;rotique<a href="#nbp_41" id="footnoteref41_nm2u92c" name="lien_nbp_41" title="Mohammad Kowsar, «&amp;nbsp;Deleuze on Theatre&amp;nbsp;: A Case Study of Carmelo Bene's ‘Richard III.&amp;nbsp;» dans&amp;nbsp;Theatre Journal, vol.&amp;nbsp;38, n°&amp;nbsp;1, 1986, p.&amp;nbsp;19-33 Texte original&amp;nbsp;: « […]&amp;nbsp;the constituent éléments that must be put togheter for the deployment of the erotic power&amp;nbsp;».">41</a>.&nbsp;&raquo; Et il con&ccedil;oit des bizarreries qui concordent bien avec sa vision de Richard III&nbsp;; Lavaudant raconte que Carmelo Bene d&eacute;crit &laquo;&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;comme une trag&eacute;die qui se jouerait sur une place italienne sur le son des mandolines. C&rsquo;est cette image que j&rsquo;ai mis en sc&egrave;ne<a href="#nbp_42" id="footnoteref42_h23k1dt" name="lien_nbp_42" title="Georges Lavaudant, «&amp;nbsp;Mettre en Scène Richard III. Entretien avec Jean-Michel Déprats&amp;nbsp;», art.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;167.">42</a><em>&nbsp;&raquo;&nbsp;</em>et il utilise tout &agrave; fait ces &eacute;l&eacute;ments&nbsp;: &laquo;&nbsp;la musique, cela a &eacute;t&eacute; une question pol&eacute;mique. Pourquoi les mandolines par exemple&nbsp;? Elles viennent directement de Carmelo Bene dans les notes de son introduction&nbsp;:&nbsp;&ldquo;<em>Richard III</em>&nbsp;il faut le jouer comme sur une piazza italienne, on mange des fruits de mer et on entend des mandolines<a href="#nbp_43" id="footnoteref43_hc19cxn" name="lien_nbp_43" title="Georges Lavaudant, «&amp;nbsp;Entretien avec Georges Lavaudant. “Mettre en scène Richard III”», art. cit., p.&amp;nbsp;164.">43</a>&rdquo;&nbsp;&raquo;.</p> <p>Et si Carmelo Bene a influenc&eacute; Lavaudant, c&rsquo;est bien Lavaudant qui a influenc&eacute; Raoul Ruiz.</p> <p>Dans son&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;(1986), film m&eacute;connu, le cin&eacute;aste chilien r&eacute;invente le classique shakespearien, inspir&eacute; de la mise en sc&egrave;ne de Georges Lavaudant pour le festival d&rsquo;Avignon en 1984. On y retrouve des traits mani&eacute;ristes, des atmosph&egrave;res farcesques, non r&eacute;alistes, m&eacute;lang&eacute;es &agrave; des traits caract&eacute;ristiques de l&rsquo;expressionnisme et du surr&eacute;alisme. Mais apr&egrave;s tout, il est bien connu que ces mouvements ont plusieurs caract&eacute;ristiques en commun avec le mani&eacute;risme, par exemple l&#39;artifice, l&#39;illusion, la distorsion, le grotesque, le fantastique. Par ailleurs, la p&eacute;riode historique lors de laquelle ils sont n&eacute;s est la m&ecirc;me que celle de la red&eacute;couverte du mani&eacute;risme.</p> <p>Ruiz souligne &eacute;galement les aspects parodiques dans la repr&eacute;sentation du pouvoir et &laquo;&nbsp;met en &oelig;uvre une esth&eacute;tique de la d&eacute;formation, revendiquant tous les effets du septi&egrave;me art&nbsp;: trucages, usage de filtres, changement de focales, jeux d&rsquo;ombre et de lumi&egrave;re, faux raccords, mouvements de cam&eacute;ra complexes<a href="#nbp_44" id="footnoteref44_5mhkona" name="lien_nbp_44" title="Laetitia Coussement, «&amp;nbsp;Richard III&amp;nbsp;De Raoul Ruiz&amp;nbsp;: Entre Difformités Et Déformations&amp;nbsp;»,&amp;nbsp;Actes des Congrès de la Société Française Shakespeare, 16&amp;nbsp;|&amp;nbsp;1998.">44</a>&nbsp;&raquo;. D&eacute;formation, clair obscurs, effets sp&eacute;ciaux, perspectives insolites, jeux optiques&nbsp;: Parmigianino, Pontormo, Giulio Romano, ne pourraient qu&rsquo;appr&eacute;cier. Le style de Ruiz est aussi recherch&eacute;, sophistiqu&eacute;, subtilement narquois, surprenant, d&eacute;concertant. D&rsquo;ailleurs &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;criture filmique permet &agrave; Raoul Ruiz d&rsquo;op&eacute;rer, pour&nbsp;<em>Richard III</em>, une d&eacute;liaison discr&egrave;te du mat&eacute;riel th&eacute;&acirc;tral, trait&eacute; avec distance ou ironie. C&rsquo;est le cas, par exemple, du cort&egrave;ge fun&egrave;bre du roi Henry VI, remplac&eacute; par une procession de p&eacute;nitents noirs poussant chacun un landau d&rsquo;enfant<a href="#nbp_45" id="footnoteref45_w9zpg0n" name="lien_nbp_45" title="Didier Plassard, «&amp;nbsp;Récriture et modélisation de l’écran par la scène&amp;nbsp;: les films de théâtre de Raoul Ruiz&amp;nbsp;», dans Michel Collomb (dir.), Figures de l'hétérogène&amp;nbsp;: actes du XXVIIe Congrès de la Société française de littérature générale et comparée, Montpellier, Université Paul-Valéry, 1998, p.&amp;nbsp;238.">45</a>&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo;. M&ecirc;me &laquo;&nbsp;la raret&eacute; des plans fixes qui en paraissent d&rsquo;autant plus violents, le tournage au ralenti des plans g&eacute;n&eacute;raux, l&rsquo;utilisation des lumi&egrave;res rasantes de fin de journ&eacute;e et le recours assez syst&eacute;matique aux g&eacute;latines, le cadrage en contreplong&eacute;e de Richard III/Garcia-Vald&egrave;s sont autant de proc&eacute;d&eacute;s tr&egrave;s marqu&eacute;s dont Ruiz aime l&rsquo;usage<a href="#nbp_46" id="footnoteref46_j5am525" name="lien_nbp_46" title="Christine Hamon-Siréjols, «&amp;nbsp;De “Palazzo mentale” à “Richard III”. Deux expériences de théâtre filmé&amp;nbsp;» dans Béatrice Picon-Vallin (dir.), Le Film de théâtre, Paris, CNRS, 1997, p.&amp;nbsp;71.">46</a>&nbsp;&raquo; et qui s&rsquo;inscrivent dans ses choix esth&eacute;tiques d&eacute;cid&eacute;ment mani&eacute;ristes.</p> <p>Il est curieux &agrave; ce sujet de remarquer comment Ruiz lui-m&ecirc;me met en cause le mani&eacute;risme dans son acception la plus traditionnelle, en consid&eacute;rant le&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;de Lavaudant presque comme un classique&nbsp;: il affirme en particulier avoir pris ce spectacle et en avoir fait &laquo;&nbsp;un film enti&egrave;rement parodique&nbsp;: ce sont des parodies qui se lient les unes aux autres, ce sont des jeux de r&eacute;f&eacute;rences pour moi. Et cela joue sur la mani&egrave;re&nbsp;: c&rsquo;est &ldquo;&agrave; la mani&egrave;re de&rdquo;&nbsp;: film qui commence &agrave; la mani&egrave;re de Lavaudant<a href="#nbp_47" id="footnoteref47_r6iuy90" name="lien_nbp_47" title="Ruiz Raul, «&amp;nbsp;Richard III ou le vertige du pouvoir (à propos de l’adaptation cinématographique et baroque d’une mise en scène de G.L.&amp;nbsp;» propos recueilli par Bernadette Vignac, dans Yan Ciret (dir.) Archipel Lavaudant, op.&amp;nbsp;cit., p.&amp;nbsp;214.">47</a>&nbsp;&raquo;.</p> <p>Une question alors se pose&nbsp;: chaque &oelig;uvre mani&eacute;riste peut-elle devenir &agrave; son tour le classique dont surgira une nouvelle d&eacute;clinaison mani&eacute;riste&nbsp;? Certes, la r&eacute;ponse peut se r&eacute;v&eacute;ler complexe, mais ce qui est s&ucirc;r c&rsquo;est que, &agrave; la lumi&egrave;re de tout ce qui pr&eacute;c&egrave;de, il est bien envisageable de pouvoir apparenter le&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;de Georges Lavaudant &agrave; la cat&eacute;gorie esth&eacute;tique du mani&eacute;risme, en vertu des choix esth&eacute;tiques qu&rsquo;il a op&eacute;r&eacute;s dans sa remarquable mise en sc&egrave;ne.</p> <hr /> <p><strong>Bibliographie</strong></p> <p>Banu, Georges,&nbsp;<em>Les Voyages du com&eacute;dien</em>, Paris, Gallimard, 2012.</p> <p>Bene, Carmelo et Gilles Deleuze,&nbsp;<em>Superpositions. Richard III suivi de Un manifeste de moins</em>, Paris, Les &Eacute;ditions de Minuit, 2008.</p> <p>Bonito Oliva, Achille,&nbsp;<em>L&rsquo;Id&eacute;ologie du tra&icirc;tre. Art, mani&egrave;re, mani&eacute;risme,</em>&nbsp;Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006.</p> <p>Bougnoux, Daniel, &laquo;&nbsp;Les Ench&egrave;res Du R&ecirc;ve&nbsp;&raquo;, dans Yan Ciret (dir.)&nbsp;<em>Archipel Lavaudant</em>, Paris, Christian Bourgois &Eacute;diteur, 1997, p.&nbsp;47-55.</p> <p>Briganti, Giuliano,&nbsp;<em>Le Mani&eacute;risme italien</em>, Paris, Gerard Monfort Editeur, 1993.</p> <p>Charnes, Linda, &laquo;&nbsp;From Belaboring the Obvious&nbsp;: Reading the Monstrous Body in King Richard III&nbsp;&raquo;, dans Thomas Cartelli (dir.),&nbsp;<em>Richard III Authoritative Text, Contexts, Criticism</em>, New York, W. W. Norton &amp; Company, 2009, p.&nbsp;345-365.</p> <p>Ciret, Yan (dir.),&nbsp;<em>Archipel Lavaudant</em>, Paris, Christian Bourgois &Eacute;diteur, 1997.</p> <p>Clark, Alice, &laquo;&nbsp;Proportion and Disproportion in Richard III&nbsp;&raquo; dans Francis Guinle et Jacques Ramel (dir.),&nbsp;<em>William Shakespeare, Richard III&nbsp;: nouvelles perspectives critiques</em>, Montpellier, Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry, Montpellier III Centre d&#39;&eacute;tudes et de recherches sur la Renaissance Anglaise, 2000, p.&nbsp;213-228.</p> <p>Coussement, Laetitia, &laquo;&nbsp;Richard III De Raoul Ruiz&nbsp;: Entre Difformit&eacute;s Et D&eacute;formations&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Actes des Congr&egrave;s de la Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise Shakespeare</em>&nbsp;Http://Journals.Openedition.Org/Shakespeare/210 [En Ligne], 16&nbsp;|&nbsp;1998, Mis en ligne le 01&nbsp;Novembre&nbsp;2007, [site consult&eacute; le 08 Avril 2018].</p> <p>Garcia-Vald&egrave;s, Ariel, &laquo;&nbsp;Pas la haine snob, pas le cynisme de la haine qui rampe partout, mais une haine sereine, frontale, violente, radicale &ndash; Dialogue d&rsquo;acteurs&nbsp;&raquo;, dans Yan Ciret (dir.) Archipel Lavaudant, Paris, Christian Bourgois &Eacute;diteur, 1997, p.&nbsp;178-186.</p> <p>Godard, Colette, &laquo;&nbsp;Richard III &agrave; Avignon. L&rsquo;enfant enivr&eacute; de lui- m&ecirc;me&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Monde</em>, 21&nbsp;juillet&nbsp;1984.</p> <p>Guerrieri, Osvaldo, &laquo;&nbsp;Carmelo Bene tra le bare del potere&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>La Stampa</em>, 15 novembre 2002, [En Ligne], dans&nbsp;<a href="https://www.quodlibet.it/recensione/27">https://www.quodlibet.it/recensione/27</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 08 Avril 2018].</p> <p>Hamon-Sir&eacute;jols, Christine, &laquo;&nbsp;<em>De &ldquo;Palazzo mentale&rdquo; &agrave; &ldquo;Richard III&rdquo;. Deux exp&eacute;riences de th&eacute;&acirc;tre film&eacute;</em>&nbsp;&raquo; dans B&eacute;atrice Picon-Vallin (dir.),&nbsp;<em>Le film de th&eacute;&acirc;tre</em>, Paris, CNRS, p.&nbsp;71-78.</p> <p>Hauser, Arnold,&nbsp;<em>Il Manierismo. La crisi del Rinascimento e l&rsquo;origine dell&rsquo;arte moderna,</em>&nbsp;Torino, Giulio Einaudi Editore, 1965.</p> <p>Heliot, Armelle, &laquo;&nbsp;Et Avignon recr&eacute;a &ldquo;Richard III&rdquo;&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le quotidien de Paris</em>, 19 juillet 1984.</p> <p>Hocke, Gustav Ren&eacute;,&nbsp;<em>Labyrinthe de l&rsquo;art fantastique. Le mani&eacute;risme dans l&rsquo;art europ&eacute;en</em>, Paris, Deno&euml;l-Gonthier, 1977.</p> <p>Isra&euml;l, Fortunato, &laquo;&nbsp;Richard III sur la sc&egrave;ne fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;, dans Dominique Goy-Blanquet et Richard Marienstras (dir.),&nbsp;<em>Le Tyran. Shakespeare contre Richard III</em>, Amiens, CERLA, 1990, p.&nbsp;151-162.</p> <p>Jamet, Pierre, &laquo;&nbsp;Immanence et formes ench&acirc;ss&eacute;es (Shakespeare &agrave; la lumi&egrave;re de Nietzsche)&nbsp;&raquo;, dans&nbsp;<em>Philosophique</em>&nbsp;[En ligne],&nbsp;<a href="http://journals.openedition.org/philosophique/814">http://journals.openedition.org/philosophique/814</a>, 16&nbsp;|&nbsp;2013, mis en ligne le 09 juin 2016, [Site consult&eacute; le 05 avril 2018].</p> <p>Klaniczay Tibor,&nbsp;<em>La Crisi del Rinascimento e il manierismo</em>, Roma, Bulzoni, 1973.</p> <p>Kowsar, Mohammad, &laquo;&nbsp;Deleuze on Theatre&nbsp;: A Case Study of Carmelo Bene&#39;s &lsquo;Richard III.&nbsp;&raquo; dans&nbsp;<em>Theatre Journal</em>, vol.&nbsp;38, n&deg;&nbsp;1, 1986, p.&nbsp;19-33.</p> <p>Lavaudant, Georges, &laquo;&nbsp;Entretien avec Georges Lavaudant. &ldquo;Mettre en sc&egrave;ne Richard III&rdquo;&nbsp;&raquo;, dans Jean Fuzier (dir.),&nbsp;<em>Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise Shakespeare. Lieu et temps&nbsp;: actes du Congr&egrave;s 1984</em>, Montpellier, Imprimerie de recherche-Universit&eacute; Paul Val&eacute;ry, 1989, p.&nbsp;163-170.</p> <p>Lavaudant, Georges,&nbsp;<em>Grands Entretiens. M&eacute;moire du th&eacute;&acirc;tre. Georges Lavaudant</em>. [En ligne]&nbsp;<a href="https://entretiens.ina.fr/memoire-du-theatre/Lavaudant/georges-lavaudant">https://entretiens.ina.fr/memoire-du-theatre/Lavaudant/georges-lavaudant</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 25 Mars 2018].</p> <p>Lavaudant, Georges,&nbsp;<em>Mettre en Sc&egrave;ne Richard III. Entretien avec Jean-Michel D&eacute;prats</em>, dans Dominique Goy-Blanquet et Richard Marienstras (dir.)&nbsp;<em>Le Tyran. Shakespeare contre Richard III</em>, Amiens, CERLA, 1990, p.&nbsp;163-167.</p> <p>Manganaro, Jean-Paul, &laquo;&nbsp;Carmelo Bene et Shakespeare&nbsp;: l&#39;humour du tragique&nbsp;&raquo; dans Myriam Tanant (dir.)&nbsp;<em>Le Arzan. Personnage tragique. Litt&eacute;rature, th&eacute;&acirc;tre et op&eacute;ra italiens</em>, 14, 2012, p.&nbsp;203-215, [En Ligne]&nbsp;<a href="https://www.persee.fr/doc/arzan_1243-3616_2012_num_14_1_996">https://www.persee.fr/doc/arzan_1243-3616_2012_num_14_1_996</a>, [Site consult&eacute; le 03 Avril 2018].</p> <p>Marcabru, Pierre, &laquo;&nbsp;D&eacute;risoire et sanglante f&eacute;erie&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Le Figaro</em>, 21-22&nbsp;juillet&nbsp;1984.</p> <p>Mathis, Gilles, &laquo;&nbsp;Le miroir dans tous ses &eacute;clats dans Richard III&nbsp;&raquo;, dans Francis Guinle et Jacques Ramel (dir.),<em>&nbsp;William Shakespeare, Richard III&nbsp;: nouvelles perspectives critiques, Montpellier</em>, Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry, Montpellier III Centre d&#39;&eacute;tudes et de recherches sur la Renaissance Anglaise, 2000, p.&nbsp;263-316.</p> <p>Montaigne, Michel de,&nbsp;<em>Essais</em>, II, 31, vol.&nbsp;2, Paris, Garnier Fr&egrave;res, 1872.</p> <p>Moulton, Ian, &laquo;&nbsp;The Unruly Masculinity Of Richard III&nbsp;&raquo;, dans Thomas Cartelli (dir.),&nbsp;<em>Richard III Authoritative Text, Contexts, Criticism</em>, New York, W. 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Norton &amp; Company, 2009, p.&nbsp;383-400.</p> <p>Plassard, Didier, &laquo;&nbsp;R&eacute;criture et mod&eacute;lisation de l&rsquo;&eacute;cran par la sc&egrave;ne&nbsp;: les films de th&eacute;&acirc;tre de Raoul Ruiz&nbsp;&raquo;, dans Michel Collomb (dir.),&nbsp;<em>Figures d</em><em>e l&#39;h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne : actes du XXVII<sup>e</sup>&nbsp;Congr&egrave;s de la Soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise de litt&eacute;rature g&eacute;n&eacute;rale et compar&eacute;e</em>, Montpellier, Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry, 1998 [En Ligne]&nbsp;<a href="https://www.lecinemaderaoulruiz.com/">https://www.lecinemaderaoulruiz.com</a>, [Site consult&eacute; le 05 Avril 2018].</p> <p>Ruiz,&nbsp;<em>Raul, &laquo;&nbsp;Richard III ou le vertige du pouvoir</em><em>&nbsp;(&agrave; propos de l&rsquo;adaptation cin&eacute;matographique et baroque d&rsquo;une mise en sc&egrave;ne de G.L</em>.&nbsp;&raquo; propos recueilli par Bernadette Vignac, dans Yan Ciret (dir.)&nbsp;<em>Archipel Lavaudant</em>, Paris, Christian Bourgois &Eacute;diteur, 1997, p.&nbsp;214-216.</p> <p>Shakespeare, William,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, Paris, Gallimard, 1959.</p> <p>Schwartz-Gastine, Isabelle, &laquo;&nbsp;Le double jeu sc&eacute;nique de l&rsquo;acte V, ses enjeux et ses implications&nbsp;&raquo;, dans Francis Guinle et Jacques Ramel (dir.),<em>&nbsp;William Shakespeare, Richard III&nbsp;: nouvelles perspectives critiques, Montpellier</em>, Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry, Montpellier III Centre d&#39;&eacute;tudes et de recherches sur la Renaissance Anglaise, 2000, p.&nbsp;161-194.</p> <p>Treilhou-Balaud&eacute;, Catherine,&nbsp;<em>Shakespeare, la France, la sc&egrave;ne&nbsp;: une histoire lente</em>,&nbsp;<em>&Eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales</em>, vol.&nbsp;44-45, n&deg;&nbsp;1, 2009.</p> <p>&nbsp;</p> <p><a href="#lien_nbp_1" name="nbp_1">1</a>&nbsp;Catherine Treilhou-Balaud&eacute;, &laquo;&nbsp;Shakespeare, la France, la sc&egrave;ne&nbsp;: une histoire lente&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>&Eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales</i>, vol.&nbsp;44-45, n&deg;&nbsp;1, 2009, p.&nbsp;102-109.</p> <p><a href="#lien_nbp_2" name="nbp_2">2</a>&nbsp;Georges Lavaudant,&nbsp;<i>Grands Entretiens. M&eacute;moire du th&eacute;&acirc;tre. Georges Lavaudant.</i>&nbsp;[En ligne]&nbsp;<a href="https://entretiens.ina.fr/memoire-du-theatre/Lavaudant/georges-lavaudant">https://entretiens.ina.fr/memoire-du-theatre/Lavaudant/georges-lavaudant</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 25 Mars 2018].</p> <p><a href="#lien_nbp_3" name="nbp_3">3</a>&nbsp;La possibilit&eacute; de reconnaitre le mani&eacute;risme dans cette &oelig;uvre de Georges Lavaudant est un des arguments de ma th&egrave;se &laquo;&nbsp;Un nouveau mani&eacute;risme&nbsp;? Une cat&eacute;gorie esth&eacute;tique et ses r&eacute;interpr&eacute;tations dans le th&eacute;&acirc;tre europ&eacute;en des derni&egrave;res d&eacute;cennies du XX<sup>e</sup>&nbsp;si&egrave;cle.&nbsp;&raquo;</p> <p><a href="#lien_nbp_4" name="nbp_4">4</a>&nbsp;Daniel Bougnoux, &laquo;&nbsp;Les Ench&egrave;res Du R&ecirc;ve&nbsp;&raquo;, dans Yan Ciret (dir.),&nbsp;<i>Archipel Lavaudant</i>, Paris, Christian Bourgois &Eacute;diteur, 1997, p.&nbsp;47.</p> <p><a href="#lien_nbp_5" name="nbp_5">5</a>&nbsp;Giuliano Briganti,&nbsp;<i>Le Mani&eacute;risme italien</i>, Paris, Gerard Monfort Editeur, 1993, p.&nbsp;21.</p> <p><a href="#lien_nbp_6" name="nbp_6">6</a>&nbsp;Achille Bonito Oliva,&nbsp;<i>L&rsquo;Id&eacute;ologie du tra&icirc;tre. Art, mani&egrave;re, mani&eacute;risme,</i>&nbsp;Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006, p.&nbsp;18.</p> <p><a href="#lien_nbp_7" name="nbp_7">7</a>&nbsp;Arnold Hauser,&nbsp;<i>Il Manierismo. La crisi del Rinascimento e l&rsquo;origine dell&rsquo;arte moderna</i>, Giulio Einaudi Editore, Torino, 1965.</p> <p><a href="#lien_nbp_8" name="nbp_8">8</a>&nbsp;Gustav Ren&eacute; Hocke,&nbsp;<i>Labyrinthe de l&rsquo;art fantastique. Le mani&eacute;risme dans l&rsquo;art europ&eacute;en</i>, Paris, Deno&euml;l-Gonthier, 1977.</p> <p><a href="#lien_nbp_9" name="nbp_9">9</a>&nbsp;Pierre Marcabru, &laquo;&nbsp;D&eacute;risoire et sanglante f&eacute;erie<i>&nbsp;</i>&raquo;,&nbsp;<i>Le Figaro</i>, 21-22 juillet 1984.</p> <p><a href="#lien_nbp_10" name="nbp_10">10</a>&nbsp;Armelle Heliot, &laquo;&nbsp;Et Avignon recr&eacute;a &ldquo;Richard III&rdquo;<i>&nbsp;</i>&raquo;<i>,</i>&nbsp;<i>Le Quotidien de Paris</i>, 19 juillet 1984.</p> <p><a href="#lien_nbp_11" name="nbp_11">11</a>&nbsp;Colette Godard, &laquo;&nbsp;Richard III &agrave; Avignon. L&rsquo;enfant enivr&eacute; de lui-m&ecirc;me&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Le Monde</i>, 21 juillet 1984.</p> <p><a href="#lien_nbp_12" name="nbp_12">12</a>&nbsp;Georges Lavaudant, &laquo;&nbsp;Entretien avec Georges Lavaudant. &ldquo;Mettre en sc&egrave;ne&nbsp;<i>Richard III</i>&rdquo;&raquo;, dans Jean Fuzier (dir.), Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise Shakespeare.&nbsp;<i>Lieu et temps&nbsp;: actes du Congr&egrave;s 1984</i>, Montpellier, Imprimerie de recherche-Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry, 1989, p.&nbsp;168.</p> <p><a href="#lien_nbp_13" name="nbp_13">13</a>&nbsp;Georges Lavaudant, &laquo;&nbsp;Mettre en Sc&egrave;ne&nbsp;<i>Richard III</i>. Entretien avec Jean-Michel D&eacute;prats&nbsp;&raquo;, dans Dominique Goy-Blanquet, Richard Marienstras, (dir.)&nbsp;<i>Le Tyran. Shakespeare contre Richard III,</i>&nbsp;Amiens, CERLA, 1990, p.&nbsp;163.</p> <p><a href="#lien_nbp_14" name="nbp_14">14</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;165.</p> <p><a href="#lien_nbp_15" name="nbp_15">15</a>&nbsp;Pierre Jamet, &laquo;&nbsp;Immanence et formes ench&acirc;ss&eacute;es (Shakespeare &agrave; la lumi&egrave;re de Nietzsche)&nbsp;&raquo;,&nbsp;<i>Philosophique</i>, 16&nbsp;|&nbsp;2013, [En ligne]&nbsp;<a href="http://journals.openedition.org/philosophique/814">http://journals.openedition.org/philosophique/814</a>&nbsp;[Site consult&eacute; le 05 avril 2018].</p> <p><a href="#lien_nbp_16" name="nbp_16">16</a>&nbsp;Linda Charnes, &laquo;&nbsp;From Belaboring the Obvious&nbsp;: Reading the Monstrous Body in King Richard III&nbsp;&raquo;, dans Thomas Cartelli (dir.),&nbsp;<i>Richard III Authoritative Text, Contexts, Criticism</i>, New York, W. W. Norton &amp; Company, 2009, p.&nbsp;345.</p> <p><a href="#lien_nbp_17" name="nbp_17">17</a>&nbsp;Michel de Montaigne,&nbsp;<i>Essais</i>, II, 31, vol.&nbsp;2, Paris, Garnier Fr&egrave;res, 1872, p.&nbsp;101.</p> <p><a href="#lien_nbp_18" name="nbp_18">18</a>&nbsp;William Shakespeare,&nbsp;<i>&OElig;uvres compl&egrave;tes</i>, Paris, Gallimard, 1959, p.&nbsp;385.</p> <p><a href="#lien_nbp_19" name="nbp_19">19</a>&nbsp;Ian Moulton, &laquo;&nbsp;The Unruly Masculinity Of&nbsp;<i>Richard III</i>&nbsp;&raquo;, dans Thomas Cartelli (dir.),&nbsp;<i>Richard III. Authoritative Text, Contexts, Criticism</i>, New York, W. W. Norton &amp; Company, 2009, p.&nbsp;395 (texte original&nbsp;: physical deformity was also thought to cause a shift in the erotic economy of the body)</p> <p><a href="#lien_nbp_20" name="nbp_20">20</a>&nbsp;Georges Lavaudant,&nbsp;<i>Grands Entretiens. M&eacute;moire du th&eacute;&acirc;tre. Georges Lavaudant</i>, art.&nbsp;cit.</p> <p><a href="#lien_nbp_21" name="nbp_21">21</a>&nbsp;Gustav Ren&eacute; Hocke,&nbsp;<i>Labyrinthe de l&rsquo;art fantastique. Le mani&eacute;risme dans l&rsquo;art europ&eacute;en</i>,&nbsp;<i>op.&nbsp;cit</i>., p.&nbsp;225.</p> <p><a href="#lien_nbp_22" name="nbp_22">22</a>&nbsp;Georges Lavaudant, &laquo;&nbsp;Mettre en Sc&egrave;ne&nbsp;<i>Richard III</i>. Entretien avec Jean-Michel D&eacute;prats&nbsp;&raquo;, art.&nbsp;cit. p.&nbsp;166.</p> <p><a href="#lien_nbp_23" name="nbp_23">23</a>&nbsp;Georges Banu,&nbsp;<i>Les Voyages du com&eacute;dien</i>, Paris, Gallimard, 2012, p.&nbsp;130.</p> <p><a href="https://alepreuve.org/content/quelle-categorie-esthetique-pour-le-richard-iii-de-georges-lavaudant#footnoteref24_gxsqsyy">24</a><br /> <a href="#lien_nbp_24a" name="nbp_24a">a</a><br /> <a href="#lien_nbp_24b" name="nbp_24b">b</a><br /> <a href="#lien_nbp_24c" name="nbp_24c">c</a><br /> <i>Ibid</i>.</p> <p><a href="#lien_nbp_25" name="nbp_25">25</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;137.</p> <p><a href="#lien_nbp_26" name="nbp_26">26</a>&nbsp;Ariel Garcia-Vald&egrave;s, &laquo;&nbsp;Pas la haine snob, pas le cynisme de la haine qui rampe partout, mais une haine sereine, frontale, violente, radicale &ndash; Dialogue d&rsquo;acteurs&nbsp;&raquo;, dans Yan Ciret (dir.)&nbsp;<i>Archipel Lavaudant</i>,&nbsp;<i>op.&nbsp;cit</i>., p.&nbsp;184.</p> <p><a href="#lien_nbp_27" name="nbp_27">27</a>&nbsp;Fortunato Isra&euml;l, &laquo;&nbsp;<i>Richard III&nbsp;</i>sur la sc&egrave;ne fran&ccedil;aise&nbsp;&raquo;, dans Dominique Goy-Blanquet, Richard Marienstras (dir.)&nbsp;<i>Le Tyran. Shakespeare contre Richard III,</i>&nbsp;<i>op.&nbsp;cit</i>., p.&nbsp;160.</p> <p><a href="#lien_nbp_28" name="nbp_28">28</a>&nbsp;Achille Bonito Oliva,&nbsp;<i>L&rsquo;Id&eacute;ologie du tra&icirc;tre. Art, mani&egrave;re, mani&eacute;risme,</i>&nbsp;<i>op.&nbsp;cit</i>., p.&nbsp;27.</p> <p><a href="#lien_nbp_29" name="nbp_29">29</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;13.</p> <p><a href="#lien_nbp_30" name="nbp_30">30</a>&nbsp;Georges Lavaudant, &laquo;&nbsp;Mettre en Sc&egrave;ne&nbsp;<i>Richard III</i>. Entretien avec Jean-Michel D&eacute;prats&nbsp;&raquo;, art.&nbsp;cit., p.&nbsp;166.</p> <p><a href="#lien_nbp_31" name="nbp_31">31</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;165.</p> <p><a href="#lien_nbp_32" name="nbp_32">32</a>&nbsp;Fortunato Isra&euml;l, art.&nbsp;cit, p.&nbsp;161.</p> <p><a href="#lien_nbp_33" name="nbp_33">33</a>&nbsp;Tibor Klaniczay,&nbsp;<i>La Crisi del Rinascimento e il manierismo</i>, Roma, Bulzoni, 1973.</p> <p><a href="#lien_nbp_34" name="nbp_34">34</a>&nbsp;Carmelo Bene, Gilles Deleuze,&nbsp;<i>Superpositions. Richard III&nbsp;</i>suivi de<i>&nbsp;Un manifeste de moins,</i>&nbsp;Paris, Les &Eacute;ditions de Minuit, 2016, p.&nbsp;9.</p> <p><a href="#lien_nbp_35" name="nbp_35">35</a>&nbsp;Jean-Paul Manganaro, &laquo;&nbsp;Carmelo Bene et Shakespeare&nbsp;: l&#39;humour du tragique&nbsp;&raquo; dans Myriam Tanant (dir.)<i>&nbsp;Le Personnage tragique. Litt&eacute;rature, th&eacute;&acirc;tre et op&eacute;ra italiens, Arzan&agrave;&nbsp;</i>14, 2012, p.&nbsp;203-215.</p> <p><a href="#lien_nbp_36" name="nbp_36">36</a>&nbsp;Carmelo Bene, Gilles Deleuze,&nbsp;<i>op.&nbsp;cit.</i>, p.&nbsp;91.</p> <p><a href="#lien_nbp_37" name="nbp_37">37</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;111.</p> <p><a href="#lien_nbp_38" name="nbp_38">38</a>&nbsp;<i>Ibid.</i></p> <p><a href="#lien_nbp_39" name="nbp_39">39</a>&nbsp;<i>Ibid.</i>, p.&nbsp;119.</p> <p><a href="#lien_nbp_40" name="nbp_40">40</a>&nbsp;Georges Lavaudant,&nbsp;<i>Grands Entretiens. M&eacute;moire du th&eacute;&acirc;tre. Georges Lavaudant.</i>&nbsp;art. cit.</p> <p><a href="#lien_nbp_41" name="nbp_41">41</a>&nbsp;Mohammad Kowsar, &laquo;&nbsp;Deleuze on Theatre&nbsp;: A Case Study of Carmelo Bene&#39;s &lsquo;Richard III.&nbsp;&raquo; dans&nbsp;<i>Theatre Journal</i>, vol.&nbsp;38, n&deg;&nbsp;1, 1986, p.&nbsp;19-33 Texte original&nbsp;: &laquo; [&hellip;]&nbsp;the constituent &eacute;l&eacute;ments that must be put togheter for the deployment of the erotic power&nbsp;&raquo;.</p> <p><a href="#lien_nbp_42" name="nbp_42">42</a>&nbsp;Georges Lavaudant, &laquo;&nbsp;Mettre en Sc&egrave;ne&nbsp;<i>Richard III</i>. Entretien avec Jean-Michel D&eacute;prats&nbsp;&raquo;, art.&nbsp;cit., p.&nbsp;167.</p> <p><a href="#lien_nbp_43" name="nbp_43">43</a>&nbsp;Georges Lavaudant, &laquo;&nbsp;Entretien avec Georges Lavaudant. &ldquo;Mettre en sc&egrave;ne Richard III&rdquo;&raquo;, art. cit., p.&nbsp;164.</p> <p><a href="#lien_nbp_44" name="nbp_44">44</a>&nbsp;Laetitia Coussement, &laquo;&nbsp;<em>Richard III</em>&nbsp;De Raoul Ruiz&nbsp;: Entre Difformit&eacute;s Et D&eacute;formations&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Actes des Congr&egrave;s de la Soci&eacute;t&eacute; Fran&ccedil;aise Shakespeare</em>, 16&nbsp;|&nbsp;1998.</p> <p><a href="#lien_nbp_45" name="nbp_45">45</a>&nbsp;Didier Plassard, &laquo;&nbsp;R&eacute;criture et mod&eacute;lisation de l&rsquo;&eacute;cran par la sc&egrave;ne&nbsp;: les films de th&eacute;&acirc;tre de Raoul Ruiz&nbsp;&raquo;, dans Michel Collomb (dir.),&nbsp;<i>Figures de l&#39;h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne&nbsp;: actes du XXVII<sup>e</sup>&nbsp;Congr&egrave;s de la Soci&eacute;t&eacute; fran&ccedil;aise de litt&eacute;rature g&eacute;n&eacute;rale et compar&eacute;e</i>,<i>&nbsp;</i>Montpellier, Universit&eacute; Paul-Val&eacute;ry, 1998, p.&nbsp;238.</p> <p><a href="#lien_nbp_46" name="nbp_46">46</a>&nbsp;Christine Hamon-Sir&eacute;jols, &laquo;&nbsp;<i>De &ldquo;Palazzo mentale&rdquo; &agrave; &ldquo;Richard III&rdquo;. Deux exp&eacute;riences de th&eacute;&acirc;tre film&eacute;</i>&nbsp;&raquo; dans B&eacute;atrice Picon-Vallin (dir.),&nbsp;<i>Le Film de th&eacute;&acirc;tre</i>, Paris, CNRS, 1997, p.&nbsp;71.</p> <p><a href="#lien_nbp_47" name="nbp_47">47</a>&nbsp;<em>Ruiz Raul, &laquo;&nbsp;Richard III ou le vertige du pouvoir (&agrave; propos de l&rsquo;adaptation cin&eacute;matographique et baroque d&rsquo;une mise en sc&egrave;ne de G.L</em>.&nbsp;&raquo; propos recueilli par Bernadette Vignac, dans Yan Ciret (dir.)&nbsp;<i>Archipel Lavaudant</i>,&nbsp;<i>op.&nbsp;cit</i>., p.&nbsp;214.</p>