<h2><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>Introduction</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Nuit d&rsquo;Ambre</em> est le deuxi&egrave;me roman de la romanci&egrave;re contemporaine Sylvie Germain, publi&eacute; en 1986<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a>. Il met en sc&egrave;ne un criminel&nbsp;: Charles-Victor P&eacute;niel, dit Nuit-d&rsquo;Ambre, dont nous nous proposons de suivre le cheminement &eacute;thique depuis sa rencontre avec sa future victime, Roselyn Petiou, jusqu&rsquo;&agrave; la mort de celui-ci, qui d&eacute;bouche de mani&egrave;re surprenante sur une v&eacute;ritable rencontre, au sens l&eacute;vinassien du terme. Il s&rsquo;agira alors d&rsquo;&eacute;tudier comment l&rsquo;&eacute;gocentrique et narcissique Nuit-d&rsquo;Ambre devient capable d&rsquo;empathie et d&rsquo;aide envers autrui. Ce faisant, nous pourrons observer comment la r&eacute;flexion philosophique chemine &agrave; travers les diverses strat&eacute;gies litt&eacute;raires d&eacute;ploy&eacute;es par la romanci&egrave;re, qu&rsquo;il s&rsquo;agisse de l&rsquo;intrigue romanesque elle-m&ecirc;me, de l&rsquo;intertextualit&eacute;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a> mise en place ou, plus g&eacute;n&eacute;ralement, du caract&egrave;re po&eacute;tique du r&eacute;cit.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>1. Pr&eacute;sentation du personnage de Nuit-d&rsquo;Ambre</strong></span></span></h2> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>1. 1.</strong> <strong>G&eacute;n&eacute;alogie et histoire du personnage</strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Charles-Victor P&eacute;niel dit Nuit-d&rsquo;Ambre-Vent-de-Feu a ceci de particulier qu&rsquo;il revendique le titre d&rsquo;assassin avant m&ecirc;me de le devenir r&eacute;ellement. En le choisissant comme h&eacute;ros (ou plut&ocirc;t comme anti-h&eacute;ros) de son premier &eacute;crit, Sylvie Germain entend faire de son roman un laboratoire philosophique o&ugrave; s&rsquo;&eacute;prouve le questionnement &eacute;thique du rapport &agrave; l&rsquo;autre. Mais pour donner &agrave; comprendre ce personnage d&rsquo;assassin, il lui faut remonter dans l&rsquo;histoire de sa famille. Car la romanci&egrave;re croit en une sorte de transmission du mal qu&rsquo;Alain Goulet a analys&eacute;e au moyen de la notion de &laquo;&nbsp;crypte&nbsp;&raquo;, issue de la psychanalyse, dans son ouvrage <em>Sylvie Germain&nbsp;: &oelig;uvre romanesque, Un monde de cryptes et de fant&ocirc;mes. </em>Goulet parle ainsi d&rsquo;une forme particuli&egrave;re de mal, &laquo;&nbsp;nich&eacute;[e] au plus profond de l&rsquo;homme, dans la &ldquo;crypte&rdquo; qui se forme en lui &agrave; son insu, &agrave; la suite d&rsquo;un traumatisme insupportable, d&rsquo;un deuil impossible &agrave; accomplir<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est ce mal tapi de mani&egrave;re inconsciente &laquo;&nbsp;au plus profond de l&rsquo;homme&nbsp;&raquo; qui le pousse &agrave; commettre &agrave; son tour le mal en un cycle infini de violence. Le projet romanesque initial est donc mis en attente&nbsp;: le premier roman publi&eacute; par Sylvie Germain est <em>Le Livre des Nuits</em> dont le personnage central est Victor-Flandrin P&eacute;niel, dit Nuit-d&rsquo;Or-Gueule-de-Loup, le grand-p&egrave;re de Nuit-d&rsquo;Ambre<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a> qui n&rsquo;appara&icirc;t lui-m&ecirc;me que dans le second roman.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le destin de ce personnage est lui-m&ecirc;me plac&eacute; sous le signe du crime et de la folie. Il est n&eacute; de l&rsquo;union incestueuse d&rsquo;un homme (devenu fou apr&egrave;s avoir re&ccedil;u en plein visage un coup de sabre donn&eacute; par un prussien en 1870) et de sa propre fille. Nuit-d&rsquo;Or traverse ensuite un si&egrave;cle d&rsquo;histoire et il en affronte toutes les horreurs, en r&eacute;colte tous les malheurs possibles jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;assassinat de sa derni&egrave;re femme et de leurs quatre enfants dans un camp de concentration nazi.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;histoire se poursuit donc avec le roman <em>Nuit-d&rsquo;Ambre</em>, publi&eacute; deux ans plus tard. Celui-ci s&rsquo;ouvre sur un nouveau malheur qui a des cons&eacute;quences directes sur la vie et la personnalit&eacute; de Charles-Victor&nbsp;: la mort de son fr&egrave;re a&icirc;n&eacute;, Jean-Baptiste. Le protagoniste a alors cinq ans et assiste, impuissant, au d&eacute;litement progressif de toute sa famille. Apr&egrave;s la mort accidentelle du fr&egrave;re, tu&eacute; par des chasseurs qui l&rsquo;ont confondu avec du gibier, la m&egrave;re sombre dans une d&eacute;pression dont elle ne se remet pas, pas m&ecirc;me &agrave; la naissance d&rsquo;un nouvel enfant. Elle ne s&rsquo;occupe plus de son fils. Le p&egrave;re non plus, qui reporte toute son attention et son affection sur sa femme. Elle finit par se suicider, et lui meurt &agrave; son tour, litt&eacute;ralement rong&eacute; par le chagrin alors que Charles-Victor est encore adolescent.</span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>1. 2. Relation aux autres</strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Abandonn&eacute; par ses parents, livr&eacute; &agrave; lui-m&ecirc;me d&egrave;s son plus jeune &acirc;ge, Charles-Victor est rarement confront&eacute; &agrave; l&rsquo;autre. Il bat la campagne en solitaire, se compla&icirc;t dans des terrains vagues, un blockhaus abandonn&eacute;, divers lieux d&eacute;saffect&eacute;s. Il y ressasse ses obsessions, vit de ses pulsions, de ses cris, comme un animal sauvage&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo; Il s&rsquo;y<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a> forgea donc un langage &agrave; la mesure de cette atmosph&egrave;re de d&eacute;composition, fait de mots informes et gluants. Il salivait ces mots et les crachait contre les murs, &ndash; &agrave; la face du fr&egrave;re. Car le fr&egrave;re n&rsquo;en finissait pas de le hanter, de lieu en lieu, et partout il devait lui relivrer combat. Mais l&agrave; il n&rsquo;y avait pas d&rsquo;&eacute;cho, tous les sons s&rsquo;&eacute;touffaient aussit&ocirc;t prof&eacute;r&eacute;s dans l&rsquo;air enclos, satur&eacute; de moisi. Aussi y criait-il moins qu&rsquo;il n&rsquo;y r&acirc;lait ou n&rsquo;y gloussait de sourds borborygmes. Et &agrave; travers tous ces bruitages qu&rsquo;il ne cessait d&rsquo;inventer, d&rsquo;arracher &agrave; sa gorge, &agrave; son ventre, il &eacute;prouvait dans sa chair et son c&oelig;ur des sensations &eacute;tranges faites d&rsquo;&eacute;touffement, de sueur et de boue<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a>.&nbsp;&raquo;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le protagoniste a ainsi d&eacute;velopp&eacute; une vie solitaire, sauvage, coup&eacute;e de toute relation aux autres. Apr&egrave;s la mort de son fr&egrave;re a&icirc;n&eacute;, Nuit-d&rsquo;Ambre a en effet reni&eacute; ses parents. Il finit n&eacute;anmoins par nouer avec sa s&oelig;ur cadette, Baladine, une relation possessive et exclusive. Significativement, il l&rsquo;a lui-m&ecirc;me baptis&eacute;e du nom du wagonnet dans lequel il jouait et, de fait, elle devient son compagnon de jeu mais &agrave; l&rsquo;&eacute;gal d&rsquo;un objet, sur lequel il a tous les pouvoirs. Il n&rsquo;a aucune relation avec les autres membres de sa famille, pas m&ecirc;me avec le fr&egrave;re jumeau de son p&egrave;re, qu&rsquo;il c&ocirc;toie pourtant, ni avec son grand-p&egrave;re, Nuit-d&rsquo;Or.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Plus tard &eacute;tudiant &agrave; Paris, Nuit-d&rsquo;Ambre d&eacute;veloppe une fascination pour les marginaux&nbsp;: mendiants, artistes de rue, dealers&hellip; souvent sans r&eacute;elle identit&eacute;, comme en t&eacute;moignent leurs noms qui font office de symboles&nbsp;: Ornicar, Ulyssea ou Pallas<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a>. Les relations qu&rsquo;il noue sont superficielles ou guid&eacute;es par un int&eacute;r&ecirc;t personnel. Une anecdote est tout &agrave; fait symptomatique de la relation emp&ecirc;ch&eacute;e qu&rsquo;il a avec l&rsquo;Autre&nbsp;: au bout d&rsquo;une ann&eacute;e de liaison avec une jeune femme nomm&eacute;e Nelly, celle-ci demande &agrave; Nuit-d&rsquo;Ambre de quelle couleur sont ses yeux. Il est incapable de r&eacute;pondre.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Or, le regard, le visage sont, pour Germain, qui fut l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve d&rsquo;Emmanuel L&eacute;vinas, le lieu privil&eacute;gi&eacute; du rapport &agrave; l&rsquo;autre<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a>. Nuit-d&rsquo;Ambre est incapable de percevoir cette &laquo;&nbsp;&eacute;piphanie du visage&nbsp;&raquo; dont parle le philosophe dans <em>Totalit&eacute; et Infini</em>, qui &laquo;&nbsp;ouvre l&rsquo;humanit&eacute;&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;porte la trace de l&rsquo;Infini<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[9]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. En fait il est tout simplement incapable de faire face &agrave; l&rsquo;autre, de le regarder en face, dans les yeux, incapable, donc, de faire l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, parce qu&rsquo;il ne peut s&rsquo;&eacute;riger en sujet &laquo;&nbsp;capable de dire je&nbsp;&raquo; face &agrave; l&rsquo;autre, comme l&rsquo;analyse Paul Ric&oelig;ur dans son article &laquo; Autonomie et vuln&eacute;rabilit&eacute;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[10]</span></sup></sup></a> &raquo;. Et, s&rsquo;il s&rsquo;acoquine avec le d&eacute;nomm&eacute; Urbain, en qui il reconna&icirc;t un &ecirc;tre malfaisant, un criminel en puissance, c&rsquo;est par fascination et par d&eacute;sir de devenir &agrave; son tour un criminel, comme on va le voir.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>2. Rencontre et mise &agrave; mort de Roselyn</strong></span></span></h2> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>2. 1. L&rsquo;<em>alter ego</em> reni&eacute;</strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Une rencontre qui tourne mal avec une vieille mendiante force Nuit-d&rsquo;Ambre &agrave; se rem&eacute;morer les &eacute;v&eacute;nements tragiques de son enfance qu&rsquo;il avait voulu oublier. Il tombe malade et se jure de tuer quiconque le renverra &agrave; nouveau &agrave; ces douloureux souvenirs&nbsp;: &laquo;&nbsp;le prochain qui me rouvre cette plaie de m&eacute;moire, je le tue<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[11]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; puis il attend que sa victime vienne &agrave; lui. On voit bien, ici, que c&rsquo;est la rencontre avec soi-m&ecirc;me qui est aussi en jeu dans le roman, la capacit&eacute; du personnage &agrave; faire face &agrave; son pass&eacute; et &agrave; l&rsquo;assumer pour &ecirc;tre enfin lui-m&ecirc;me.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La rencontre avec Roselyn Petiou, au sens narratif du terme, survient dans ce contexte. Nuit-d&rsquo;Ambre et Urbain se trouvent dans les rues de Paris, &agrave; l&rsquo;aube, ils ont faim et interpellent par un soupirail un mitron qui est en train de faire cuire du pain et des viennoiseries. Celui-ci sort dans la rue pour leur en donner, mais eux tournent en d&eacute;rision sa gentillesse et sa douceur en lui proposant d&rsquo;exaucer un v&oelig;u pour le remercier. Roselyn demande un ami, Nuit-d&rsquo;Ambre lui &eacute;crit aussit&ocirc;t son nom et son adresse sur un bout de papier&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nuit-d&rsquo;Ambre-Vent-de-Feu, nich&eacute; sous l&rsquo;aile de l&rsquo;Ange immense et saugrenu comme un oiseau de tr&egrave;s grand vol. Avec &ccedil;a, il peut toujours me chercher, le niquedouille<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[12]</span></sup></sup></a>&nbsp;!&nbsp;&raquo;, dit-il &agrave; son ami. Cette rencontre commence donc comme une blague et repose sur un malentendu&nbsp;: Roselyn ajoute foi &agrave; la promesse d&rsquo;amiti&eacute; de Nuit-d&rsquo;Ambre, il met tout en &oelig;uvre pour le retrouver et le retrouve r&eacute;ellement.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; son corps d&eacute;fendant, Nuit-d&rsquo;Ambre noue une relation amicale avec Roselyn. Il devient son confident et se rend compte que ce gar&ccedil;on a une histoire comparable &agrave; la sienne&nbsp;: une m&egrave;re folle qui se suicide, un p&egrave;re trop faible pour le prot&eacute;ger. Nuit-d&rsquo;Ambre voit l&rsquo;autre comme un double invers&eacute; de lui-m&ecirc;me. Au lieu de faire r&eacute;ellement l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; comme l&rsquo;y invite Roselyn, c&rsquo;est-&agrave;-dire sortir de soi et de l&rsquo;entre-soi familial, c&rsquo;est en lui-m&ecirc;me qu&rsquo;il replonge, avec d&rsquo;autant plus de d&eacute;go&ucirc;t et de haine qu&rsquo;il avait d&eacute;cid&eacute; de ne plus affronter son pass&eacute;. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans un article intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Dynamique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo;, publi&eacute; en 2013, Sylvie Germain propose l&rsquo;analyse suivante&nbsp;: &laquo;&nbsp;Si l&rsquo;on r&eacute;duit cet &ldquo;autre soi-m&ecirc;me&rdquo; &agrave; un reflet-sosie de soi, si on le narcissise, alors on perd de vue, d&rsquo;esprit et de c&oelig;ur, l&rsquo;ailleurs de sa provenance, l&rsquo;ampleur de son alt&eacute;rit&eacute;, la hauteur de son maintien, la prodigalit&eacute; de sa diff&eacute;rence<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[13]</span></sup></sup></a>.&nbsp;&raquo; C&rsquo;est bien ce qu&rsquo;elle a fait exp&eacute;rimenter &agrave; son personnage qui se replie de plus en plus sur lui-m&ecirc;me et pour qui la relation avec Roselyn devient insupportable&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:80px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Cet abruti, accoutr&eacute; d&rsquo;un nom grotesque. Un nom de femelle avort&eacute;e&nbsp;! Et doubl&eacute; d&rsquo;un patronyme encore plus ridicule&nbsp;! Et qui tra&icirc;nait avec tout &ccedil;a un corps de gamin attard&eacute;, vou&eacute; &agrave; l&rsquo;impuissance tous azimuts, et qui palabrait pendant des heures d&rsquo;une voix de fausset en vous scrutant d&rsquo;un air cr&eacute;tin de ses petits yeux de hareng saur, enfouis derri&egrave;re ses gros hublots toujours embu&eacute;s de larmes, &ndash; eh bien, il l&rsquo;avait bien cherch&eacute;, en fin de compte, ce cave, &agrave; devenir une victime. Parfaitement, il l&rsquo;aurait bien m&eacute;rit&eacute; de se faire estourbir.</span></span><br /> <span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De se faire massacrer<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[14]</span></sup></sup></a>. &raquo;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Notons que ce violent rejet peut s&rsquo;expliquer en outre par un d&eacute;sir homosexuel refoul&eacute;. Roselyn, dont la romanci&egrave;re souligne qu&rsquo;il porte, &agrave; une lettre pr&egrave;s, un pr&eacute;nom de femme &mdash;&nbsp;celui de sa m&egrave;re&nbsp;&mdash;, provoque en effet chez Nuit-d&rsquo;Ambre un &laquo;&nbsp;trouble obscur&nbsp;&raquo; (268). Pendant que Roselyn se confie &agrave; lui, il sent &laquo;&nbsp;monter au creux de ses aines, se tendre entre ses hanches, s&rsquo;&eacute;lancer vers ses reins, une &eacute;trange et violente douleur semblable &agrave; celle des femmes en menstrues<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[15]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Il a le sentiment que l&rsquo;aveu de Roselyn &laquo;&nbsp;me[t] soudain en alarme et panique sa propre virilit&eacute;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[16]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est donc cette virilit&eacute; en p&eacute;ril que le protagoniste chercherait &agrave; restaurer en &eacute;liminant l&rsquo;autre.</span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>2. 2. Mise &agrave; mort de Roselyn</strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nuit-d&rsquo;Ambre d&eacute;cide donc d&rsquo;assassiner Roselyn, mais il ne le fait pas lui-m&ecirc;me&nbsp;: il le livre en p&acirc;ture &agrave; des comparses, amis d&rsquo;Urbain, chez qui il a fait inviter Roselyn. Ceux-ci l&rsquo;humilient violemment sous le regard indiff&eacute;rent de Nuit-d&rsquo;Ambre. Alors que Roselyn a &eacute;t&eacute; d&eacute;shabill&eacute; et est ballott&eacute;, les yeux band&eacute;s, &laquo;&nbsp;comme un &eacute;pouvantail<a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[17]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; entre leurs mains, Nuit-d&rsquo;Ambre pense&nbsp;: </span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo; Tourne, tourne, petit jumeau de mon enfance abandonn&eacute;e, trahie, petit jumeau de ma douleur et de ma solitude&nbsp;! Tourne jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;puisement&hellip; jusqu&rsquo;&agrave; user mon ancienne souffrance, jusqu&rsquo;&agrave; laver et purifier mon antique blessure. Tourne, je te l&rsquo;ordonne et t&rsquo;en supplie&nbsp;! Lib&egrave;re-moi de ma m&eacute;moire, lib&egrave;re-moi de mon pass&eacute;&nbsp;! Tourne, tourne et foule de tes maigres pieds nus tous ces cris de nos m&egrave;res, ces sanglots de nos p&egrave;res, - r&eacute;duis-les en poussi&egrave;res&nbsp;! Je t&rsquo;en supplie, je te l&rsquo;ordonne&nbsp;! Et puis cr&egrave;ve &agrave; la fin pour en terminer &agrave; jamais avec tout souvenir, avec toute piti&eacute;, avec toute faiblesse<a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[18]</span></sup></sup></a>&nbsp;! &raquo;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On voit encore une fois dans ce passage combien la probl&eacute;matique du rapport &agrave; l&rsquo;autre est d&rsquo;abord un probl&egrave;me du rapport &agrave; soi. Mais la perspective d&rsquo;une lib&eacute;ration de soi par la mise &agrave; mort de l&rsquo;autre est bien entendu un leurre. Roselyn est finalement enserr&eacute; dans des bandelettes &laquo;&nbsp;ainsi qu&rsquo;une momie<a href="#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[19]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; et, gav&eacute; de berlingots qu&rsquo;il a lui-m&ecirc;me apport&eacute;s en cadeau &agrave; son h&ocirc;te, il meurt asphyxi&eacute;. L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement serait absolument tragique s&rsquo;il ne d&eacute;bouchait sur une r&eacute;action inattendue de la part de Nuit-d&rsquo;Ambre, sur une v&eacute;ritable rencontre, au sens l&eacute;vinassien du terme.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>3. Rencontre v&eacute;ritable et prolongements</strong></span></span></h2> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>3. 1. Une rencontre <em>in extremis</em></strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans son roman, Sylvie Germain reprend, on l&rsquo;a dit, les concepts philosophiques de Visage et de regard qu&rsquo;elle a d&eacute;j&agrave; explor&eacute;s dans sa th&egrave;se de doctorat consacr&eacute;e &agrave; la pens&eacute;e d&rsquo;Emmanuel L&eacute;vinas. Dans son ouvrage <em>Terres promises, &Eacute;merveillement et r&eacute;cit au </em><em><span style="font-size:10.0pt">XX</span><sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Marie-H&eacute;l&egrave;ne Boblet r&eacute;sume ainsi cette th&egrave;se&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le concept de visag&eacute;it&eacute; [&hellip;] d&eacute;finit, &agrave; partir de l&rsquo;exp&eacute;rience du face-&agrave;-face et de la rencontre, la bouleversante responsabilit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;gard d&rsquo;autrui<a href="#_ftn20" name="_ftnref20" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[20]</span></sup></sup></a>.&nbsp;&raquo;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La rencontre <em>in extremis </em>de Nuit-d&rsquo;Ambre et Roselyn passe donc par le regard et provoque chez le criminel un sursaut de responsabilit&eacute;. Alors qu&rsquo;il s&rsquo;est approch&eacute; de la table o&ugrave; g&icirc;t Roselyn et lui a &ocirc;t&eacute; le bandeau qu&rsquo;il avait sur les yeux, il remarque pour la premi&egrave;re fois son regard&nbsp;: </span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo; Les yeux de Roselyn, c&rsquo;&eacute;tait la premi&egrave;re fois qu&rsquo;il les voyait. Des yeux que ne masquaient plus les lunettes, que ne d&eacute;formaient plus les gros hublots de myope. Des yeux dilat&eacute;s par l&rsquo;angoisse, la suffocation. Des yeux immenses, d&rsquo;un gris de cendre, tr&egrave;s p&acirc;le et lumineux. Des yeux emplis de larmes qu&rsquo;irisait la lumi&egrave;re. [&hellip;] Dans ces yeux devenus miroirs il aper&ccedil;ut le reflet de son propre visage. Son portrait miniature tremblait dans les eaux argent&eacute;es des yeux de Roselyn. </span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Jusqu&rsquo;o&ugrave; allait s&rsquo;enfoncer son image, &ndash; jusqu&rsquo;au c&oelig;ur, jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&acirc;me&nbsp;? Et soudain, ce mot qui n&rsquo;avait jamais pris sens pour Nuit-d&rsquo;Ambre-Vent-de-Feu, surgit en lui avec violence et se mit &agrave; prendre vie. &Agrave; prendre une force terrible. Il sentit son visage basculer tout &agrave; fait en Roselyn, sombrer jusqu&rsquo;en son &acirc;me, &ndash; son &acirc;me d&rsquo;homme en agonie<a href="#_ftn21" name="_ftnref21" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[21]</span></sup></sup></a>. &raquo; </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans ce passage, c&rsquo;est pourtant encore &agrave; lui-m&ecirc;me que Nuit-d&rsquo;Ambre s&rsquo;attache. M&ecirc;me s&rsquo;il voit enfin et pour la premi&egrave;re fois le regard de l&rsquo;autre, c&rsquo;est son propre visage qu&rsquo;il scrute dans les yeux de son ami, tel un Narcisse contemplant son reflet dans l&rsquo;eau du regard de l&rsquo;autre. M&ecirc;me s&rsquo;il &eacute;prouve concr&egrave;tement la th&eacute;orie l&eacute;vinassienne du visage comme ouverture sur l&rsquo;&acirc;me, c&rsquo;est pour son &acirc;me &agrave; lui qu&rsquo;il s&rsquo;inqui&egrave;te. La rencontre, qui ne dure que l&rsquo;instant du dernier souffle de l&rsquo;autre, n&rsquo;en serait donc pas une, si elle ne trouvait le moyen de se prolonger.</span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:18px"><span style="color:black"><strong>3. 2. Trois formes de rencontre <em>post-mortem</em></strong></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La relation qui s&rsquo;esquisse furtivement entre les deux hommes trouve en effet un prolongement inattendu <em>post-mortem</em>, &agrave; la faveur d&rsquo;autres rencontres, de diff&eacute;rentes sortes. Elles correspondent &agrave; de v&eacute;ritables strat&eacute;gies litt&eacute;raires mises en &oelig;uvre par la romanci&egrave;re&nbsp;: une rencontre po&eacute;tique fond&eacute;e sur le proc&eacute;d&eacute; de l&rsquo;intertextualit&eacute;&nbsp;; une rencontre amoureuse, v&eacute;ritable <em>topos</em> romanesque&nbsp;; et une rencontre filiale en forme d&rsquo;ultime rebondissement.</span></span></p> <h4 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:16px"><span style="color:black"><strong>3. 2. 1. Une rencontre po&eacute;tique : Gaspard Hauser</strong></span></span></h4> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; l&rsquo;issue de la soir&eacute;e au cours de laquelle Roselyn a trouv&eacute; la mort, Nuit-d&rsquo;Ambre s&rsquo;enferme dans la chambre de bonne de son ami et se met &agrave; lire ses livres. Il tombe par hasard, dans une anthologie de la po&eacute;sie fran&ccedil;aise, sur la chanson de Gaspard Hauser &eacute;crite par Verlaine. La similitude de destins entre Gaspard Hauser et Roselyn Petiou lui saute aux yeux. Par la gr&acirc;ce du po&egrave;me, Nuit-d&rsquo;Ambre comprend <em>a posteriori</em> son ami et &eacute;prouve une bouff&eacute;e d&rsquo;empathie, h&eacute;las, trop tardive. Il s&rsquo;adresse directement &agrave; lui &agrave; la deuxi&egrave;me personne&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mais pourquoi, pourquoi ne t&rsquo;es-tu pas d&eacute;fendu, dis<a href="#_ftn22" name="_ftnref22" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[22]</span></sup></sup></a>&nbsp;?&nbsp;&raquo; </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Lui reviennent ensuite les vers du po&egrave;te Georg Trakl, consacr&eacute;s au m&ecirc;me Gaspard Hauser qui lui sont plus &laquo;&nbsp;douloureux&nbsp;&raquo; encore&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Grave &eacute;tait son s&eacute;jour dans l&rsquo;ombre de l&rsquo;arbre</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Et pur son visage.</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dieu parla une douce flamme &agrave; son c&oelig;ur&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Homme&nbsp;!</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En silence ses pas trouv&egrave;rent la ville au soir&nbsp;;</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La sombre plainte de sa bouche&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Je veux &ecirc;tre un cavalier.</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mais le suivaient b&ecirc;te et buisson,</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Maison et jardin t&eacute;n&eacute;breux d&rsquo;hommes blancs</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Et son assassin le cherchait.</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Printemps, &eacute;t&eacute;, et beau, l&rsquo;automne</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Du juste, son pas l&eacute;ger</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Au long des chambres sombres des r&ecirc;veurs.</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La nuit il restait seul avec son &eacute;toile&nbsp;;</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Vit que la neige tombait dans les branches nues</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Et dans le vestibule t&eacute;n&eacute;breux l&rsquo;ombre du meurtrier,</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;argent s&rsquo;affaissa la t&ecirc;te d&rsquo;un jamais n&eacute;<a href="#_ftn23" name="_ftnref23" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[23]</span></sup></sup></a>.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est bien, ici, une &eacute;preuve morale pour le protagoniste&nbsp;: la reconnaissance de l&rsquo;autre est douloureuse parce qu&rsquo;elle co&iuml;ncide avec la reconnaissance de son crime, parce qu&rsquo;elle survient trop tard, alors que l&rsquo;autre n&rsquo;est d&eacute;j&agrave; plus et qu&rsquo;est &agrave; jamais perdue, peut-&ecirc;tre, la possibilit&eacute; de toute alt&eacute;rit&eacute;. Cependant la plainte po&eacute;tique est pour Nuit-d&rsquo;Ambre une fa&ccedil;on de rendre hommage &agrave; l&rsquo;autre et d&rsquo;exprimer son deuil. Apr&egrave;s cette rencontre po&eacute;tique qui se fait par le truchement du personnage de Gaspard Hauser, l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; va ensuite passer par une communion charnelle. </span></span></p> <h4 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:16px"><span style="color:black"><strong>3. 2. 2.</strong> <strong>Une rencontre amoureuse</strong></span></span></h4> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nuit-d&rsquo;Ambre a envoy&eacute; un t&eacute;l&eacute;gramme &agrave; Th&eacute;r&egrave;se, l&rsquo;amie d&rsquo;enfance et meilleure amie de Roselyn, pour lui annoncer sa disparition. Elle fait irruption dans la chambre de bonne o&ugrave; il se trouve encore. Le r&eacute;cit en focalisation interne permet &agrave; l&rsquo;&eacute;crivaine de montrer ce que le personnage remarque en premier&nbsp;: ce sont, significativement, ses yeux et son visage, &laquo;&nbsp;un regard per&ccedil;ant, tr&egrave;s vert et sombre sous la frange de cheveux blonds qui lui couvrait le front<a href="#_ftn24" name="_ftnref24" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[24]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nuit-d&rsquo;Ambre et Th&eacute;r&egrave;se passent la nuit &agrave; parler pour &laquo;&nbsp;sauver la m&eacute;moire de Roselyn &ndash; non pas un simple souvenir, purement formel et vide, mais une vraie m&eacute;moire &agrave; jamais pleine de la pr&eacute;sence de celui qui venait de dispara&icirc;tre<a href="#_ftn25" name="_ftnref25" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[25]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. Nuit-d&rsquo;Ambre ne dit rien de son crime mais Th&eacute;r&egrave;se sent confus&eacute;ment que son ami n&rsquo;est plus &laquo;&nbsp;nulle part en ce monde<a href="#_ftn26" name="_ftnref26" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[26]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; et qu&rsquo;il en a &eacute;t&eacute; chass&eacute; par l&rsquo;&laquo;&nbsp;assassin fou<a href="#_ftn27" name="_ftnref27" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[27]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo; qu&rsquo;est Nuit-d&rsquo;Ambre. Sans doute touch&eacute;e d&rsquo;avoir &eacute;t&eacute; appel&eacute;e au secours par cet assassin &laquo;&nbsp;d&eacute;pass&eacute; par l&rsquo;horreur de son acte<a href="#_ftn28" name="_ftnref28" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[28]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;, Th&eacute;r&egrave;se s&rsquo;offre &agrave; lui. Son d&eacute;sir passe tout entier par le regard&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ses yeux &eacute;taient grands ouverts, &eacute;carquill&eacute;s presque, et leur regard &eacute;tait tout &agrave; fait insens&eacute;<a href="#_ftn29" name="_ftnref29" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[29]</span></sup></sup></a>. &raquo; Ils s&rsquo;aiment jusqu&rsquo;au matin&nbsp;: &laquo;&nbsp;Et tout au bout de cette nuit du corps o&ugrave; elle l&rsquo;avait ainsi men&eacute;, &eacute;crit Sylvie Germain, il avait retrouv&eacute; Roselyn<a href="#_ftn30" name="_ftnref30" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[30]</span></sup></sup></a>.&nbsp;&raquo; C&rsquo;est donc le corps de Th&eacute;r&egrave;se, cette fois, qui joue le r&ocirc;le d&rsquo;interm&eacute;diaire entre Nuit-d&rsquo;Ambre et Roselyn. Cet &eacute;v&eacute;nement est &agrave; l&rsquo;origine d&rsquo;un rebondissement romanesque qui a lieu plusieurs ann&eacute;es apr&egrave;s, une ultime rencontre, inattendue, &agrave; la toute fin du roman.</span></span></p> <h4 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:16px"><span style="color:black"><strong>3. 2. 3. Une rencontre filiale</strong></span></span></h4> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cela se passe sept ans plus tard. Nuit-d&rsquo;Ambre est retourn&eacute; dans la vieille ferme de sa famille en province, il est devenu menuisier. Un jour de pluie, une femme inconnue lui am&egrave;ne un petit gar&ccedil;on qu&rsquo;il reconna&icirc;t imm&eacute;diatement comme son fils &agrave; cause d&rsquo;une tache qu&rsquo;il porte &agrave; l&rsquo;&oelig;il comme lui-m&ecirc;me et tous les descendants de Nuit-d&rsquo;Or. Cet enfant, fils de Th&eacute;r&egrave;se, d&eacute;c&eacute;d&eacute;e peu de temps auparavant, est ainsi confi&eacute; &agrave; son p&egrave;re, Nuit-d&rsquo;Ambre. Il se pr&eacute;nomme Cendres, parce qu&rsquo;il est n&eacute; le jour des Cendres mais aussi parce qu&rsquo;il poss&egrave;de d&rsquo;immenses yeux gris, les yeux de Roselyn. Par une obscure alchimie des corps, le gar&ccedil;on a h&eacute;rit&eacute; non seulement de son p&egrave;re, Nuit-d&rsquo;Ambre, et de sa m&egrave;re, Th&eacute;r&egrave;se, mais encore et peut-&ecirc;tre surtout de Roselyn dont le souvenir planait la nuit de sa conception. En lui, Nuit-d&rsquo;Ambre retrouve son ami assassin&eacute; mais il se retrouve aussi lui-m&ecirc;me. A travers lui, Nuit-d&rsquo;Ambre fait donc un pas de plus vers la compr&eacute;hension de lui-m&ecirc;me mais il n&rsquo;est pas encore apte &agrave; faire r&eacute;ellement l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En effet, il ne parvient pas &agrave; instaurer un lien entre son fils et lui. Cendres ne cache pas sa haine, il rejette son p&egrave;re qui finit par lui crier, au cours d&rsquo;un conflit&nbsp;: &laquo;&nbsp;Fous le camp&nbsp;! Fous le camp imm&eacute;diatement&nbsp;! Disparais de ma vue<a href="#_ftn31" name="_ftnref31" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[31]</span></sup></sup></a>&nbsp;!&nbsp;&raquo; Un &eacute;v&eacute;nement surnaturel survient alors vers lequel converge tout le livre&nbsp;: la lutte de Nuit-d&rsquo;Ambre avec un ange, con&ccedil;ue sur le mod&egrave;le biblique de la lutte de Jacob avec l&rsquo;ange. Le personnage en sort transfigur&eacute;, physiquement modifi&eacute;&nbsp;: son regard devient incapable de percevoir les couleurs mais alors il acquiert une acuit&eacute; nouvelle&nbsp;: </span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo; C&rsquo;&eacute;tait cela, le visible se faisait pour lui tactile. Qu&rsquo;il f&ucirc;t face &agrave; un paysage, face au ciel, ou face &agrave; des visages, il sentait chaque fois le grain du silence en eux comme on &eacute;prouve le grain d&rsquo;un papier. Comme on caresse la peau de quelqu&rsquo;un. Et il sentait cela avec une telle acuit&eacute; qu&rsquo;il en &eacute;tait boulevers&eacute;. Pareillement tout lui semblait inachev&eacute;, &ndash; paysages et visages &eacute;taient semblables &agrave; des lavis et des esquisses. Ils se montraient &agrave; lui dans un inach&egrave;vement qui les rendait tout &agrave; la fois plus fragiles et infiniment plus &eacute;tonnants, car alors les lignes qui dessinaient leurs formes, les traits qui structuraient les faces, se r&eacute;v&eacute;laient lignes de fuite filant sans fin traits s&rsquo;&eacute;tirant, en perp&eacute;tuelle mouvance et m&eacute;tamorphose. Et c&rsquo;&eacute;tait cet &eacute;tonnement constant qu&rsquo;il &eacute;prouvait face &agrave; tout et &agrave; tous depuis la transformation de son regard, qui ouvrait en lui tant de tension et de force d&rsquo;attente<a href="#_ftn32" name="_ftnref32" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[32]</span></sup></sup></a>. &raquo;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nuit-d&rsquo;Ambre est d&eacute;sormais capable de faire l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, de voir dans le visage de l&rsquo;autre l&rsquo;humanit&eacute; et en toute chose l&rsquo;Infini du divin. Cette capacit&eacute;, il la met en pratique imm&eacute;diatement avec son fils qu&rsquo;il berce dans la nuit avec une douceur in&eacute;dite&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il &eacute;tait l&agrave;, absolument pr&eacute;sent &agrave; son fils, absolument aimant. Il &eacute;tait l&agrave;, &ndash; p&egrave;re et m&egrave;re confondus. Et l&rsquo;enfant &eacute;tait l&agrave;, &ndash; Cendres et Roselyn confondus<a href="#_ftn33" name="_ftnref33" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[33]</span></sup></sup></a>&nbsp;&raquo;. &Agrave; travers Cendres c&rsquo;est donc aussi la rencontre avec Th&eacute;r&egrave;se et avec Roselyn qui s&rsquo;actualise.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans l&rsquo;introduction de son ouvrage, en partie consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de Sylvie Germain, Marie-H&eacute;l&egrave;ne Boblet annonce son projet&nbsp;: </span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo; Je ferai r&eacute;sonner la pens&eacute;e th&eacute;orique de la philosophie (ph&eacute;nom&eacute;nologie) dans la pens&eacute;e du roman qui d&eacute;ploie une exp&eacute;rience sensible du sens. Non que la litt&eacute;rature traduise des th&eacute;ories en histoires. Mais elle cherche, &agrave; travers la fable, elle &eacute;lucide &agrave; travers la fiction ce que d&rsquo;autres cherchent et &eacute;lucident &agrave; travers le concept et l&rsquo;articulation r&eacute;flexive<a href="#_ftn34" name="_ftnref34" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[34]</span></sup></sup></a>. &raquo;&nbsp;</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est dans son sillage que nous nous sommes plac&eacute; en tentant de montrer comment se &laquo;&nbsp;d&eacute;ploie&nbsp;&raquo;, dans le roman <em>Nuit-d&rsquo;Ambre</em>, une exp&eacute;rience sensible de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, &agrave; travers le parcours &eacute;thique d&rsquo;un criminel. Charles-Victor P&eacute;niel, h&eacute;ritier malgr&eacute; lui des drames de son histoire, centr&eacute; sur ses malheurs et par cons&eacute;quent incapable d&rsquo;entrer en relation avec les autres, revendique en effet le statut de criminel. Cependant, sa rencontre avec l&rsquo;homme dont il fera sa victime le conduit &agrave; faire progressivement l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, &agrave; assumer son identit&eacute; et &agrave; faire preuve d&rsquo;humanit&eacute;.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>Bibliographie&nbsp;</strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Boblet Marie-H&eacute;l&egrave;ne, <em>Terres promises, &Eacute;merveillement et r&eacute;cit au </em><em><span style="font-size:10.0pt">XX</span><sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Jos&eacute; Corti, coll. &laquo; Les essais &raquo;, 2011.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Germain Sylvie, &laquo;&nbsp;Dynamique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; dans<em> Christus</em> n&deg;240, Paris, octobre 2013.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Germain Sylvie, <em>Le Livre des nuits </em>(1984), Paris, Gallimard, Folio, 1985.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Germain Sylvie, <em>Nuit-d&rsquo;Ambre </em>(1986), Paris, Gallimard, Folio, 1987.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Goulet Alain, <em>Sylvie Germain : &oelig;uvre romanesque, Un monde de cryptes et de fant&ocirc;mes</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&eacute;vinas Emmanuel, <em>&Eacute;thique et infini</em>, Paris, Le Livre de Poche, coll. &laquo;&nbsp;Biblio essais&nbsp;&raquo;, 1984.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&eacute;vinas Emmanuel, <em>Totalit&eacute; et infini&thinsp;: essai sur l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;</em>, Paris, Le Livre de Poche, coll. &laquo;&nbsp;Biblio essais&nbsp;&raquo;, 1990.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ric&oelig;ur Paul, &laquo; Autonomie et vuln&eacute;rabilit&eacute; &raquo;,<em> </em>dans <em>Le Juste 2</em>, Paris, Esprit, 2001, p. 85-105.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h2 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:20px"><span style="color:black"><strong>Biographie&nbsp;de l&rsquo;auteure </strong></span></span></h2> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Apr&egrave;s une ma&icirc;trise de Lettres classiques et un m&eacute;moire consacr&eacute; au roman <em>Antigone</em> d&rsquo;Henry Bauchau sous le titre <span style="color:#222222">&laquo;&nbsp;</span>La Renaissance du mythe dans le roman<span style="color:#222222">&nbsp;&raquo;</span>, elle a obtenu l&rsquo;agr&eacute;gation de Lettres classiques en 2004. Elle a alors laiss&eacute; de c&ocirc;t&eacute; la recherche pour se consacrer &agrave; sa vie professionnelle et familiale. Parall&egrave;lement &agrave; son activit&eacute; d&rsquo;enseignante dans le secondaire, elle a repris ses &eacute;tudes en 2013 pour obtenir un Master 2 de Lettres modernes avec un m&eacute;moire &agrave; nouveau consacr&eacute; &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de Bauchau et &agrave; celle de Sylvie Germain&nbsp;: <span style="color:#222222">&laquo;&nbsp;</span>Une appropriation contemporaine des mythes grecs<span style="color:#222222">&nbsp;&raquo;</span>. Aujourd&rsquo;hui en doctorat, elle poursuit ce travail de recherche sur l&rsquo;utilisation des mythes grecs antiques dans le roman contemporain.</span></span></p> <div>&nbsp; <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[1]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Les citations que nous ferons au cours de cette &eacute;tude seront extraites de l&rsquo;&eacute;dition Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Folio&nbsp;&raquo;, 1987.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[2]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Selon la terminologie de G&eacute;rard Genette.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a name="_gjdgxs"></a><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Alain Goulet, <em>Sylvie Germain&nbsp;: &oelig;uvre romanesque, Un monde de cryptes et de fant&ocirc;mes</em>, Paris, L&rsquo;Harmattan, 2006, p. 29.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Le nom P&eacute;niel vient du toponyme indiquant le lieu de la lutte de Jacob avec l&rsquo;ange dans l&rsquo;Ancien Testament (<em>Gen&egrave;se</em>, XXXII, 30-32), cf p. 11. Le surnom des personnages provient de la lueur particuli&egrave;re de leur regard et, dans le cas du premier, d&rsquo;une peau de loup dont il a pris l&rsquo;habitude de se rev&ecirc;tir.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[5]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Le cadre de la description est un blockhaus transform&eacute; en &laquo;&nbsp;vaste d&eacute;potoir &agrave; ordures&nbsp;&raquo;, p. 42.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[6]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>Nuit-d&rsquo;Ambre </em>(1986) (not&eacute; par la suite <em>NA</em>), Paris, Gallimard, Folio, 1987, p. 43. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[7]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain cherche rarement &agrave; caract&eacute;riser de mani&egrave;re r&eacute;aliste ses personnages en leur donnant une identit&eacute; clairement d&eacute;finie. Les initiales des noms (ou surnoms) des principaux personnages masculins avec qui Nuit-d&rsquo;Ambre noue des relations forment le mot &laquo;&nbsp;jour&nbsp;&raquo;, celles des noms des personnages f&eacute;minins le mot &laquo;&nbsp;nuit&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est en effet avec les premiers qu&rsquo;il passe ses journ&eacute;es, avec les secondes ses nuits. Ces figures, souvent fugaces, se d&eacute;finissent donc par rapport au personnage principal.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[8]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain s&rsquo;&eacute;carte toutefois de la pens&eacute;e de L&eacute;vinas pour ce qui concerne la couleur du regard. &laquo;&nbsp;Quand on observe la couleur des yeux, on n&rsquo;est pas en relation sociale avec autrui&nbsp;&raquo; &eacute;crit le philosophe dans <em>&Eacute;thique et infini</em>, Le Livre de Poche, coll. Biblio essais, Paris, 1984, p. 89. Chez Germain cependant, qui a publi&eacute; un essai sur Vermeer, la couleur est un champ important de l&rsquo;exp&eacute;rience sensible du monde.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[9]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Emmanuel L&eacute;vinas, <em>Totalit&eacute; et infini&nbsp;: essai sur l&rsquo;ext&eacute;riorit&eacute;</em>, Paris, Le Livre de Poche, 1990, p. 43.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[10]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Paul Ric&oelig;ur, &laquo; Autonomie et vuln&eacute;rabilit&eacute; &raquo;, dans<em> Le Juste 2</em>, Paris, Esprit, 2001, p. 94.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[11]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op.cit</em>., p. 248. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[12]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid</em>., p. 260.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[13]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, &laquo; Dynamique de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; &raquo; dans <em>Christus </em>n&deg;240, Paris, octobre 2013, p. 450.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[14]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op.cit.</em>, p. 274.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[15]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 266. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[16]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid</em>., p. 267. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[17]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op.cit.</em>, p. 288. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[18]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 288-289. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[19]</span></sup></span></sup></a><em><span style="font-size:10.0pt"> Ibid.</span></em><span style="font-size:10.0pt">, p. 289. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn20"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[20]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Marie-H&eacute;l&egrave;ne Boblet, <em>Terres promises, &Eacute;merveillement et r&eacute;cit au XX <sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Jos&eacute; Corti, coll. &laquo;&nbsp;Les essais &raquo;, 2011, p. 20.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn21"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[21]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op.cit.</em>, p. 292. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn22"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[22]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op.cit.</em>, p. 301. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn23"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[23]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op.cit.,</em> p. 301. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn24"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[24]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 304. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn25"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[25]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 311. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn26"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[26]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid., </em>p. 310. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn27"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[27]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op. cit</em>, p. 310. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn28"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[28]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 311.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn29"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[29]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 312.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn30"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[30]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibid.</em>, p. 314.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn31"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[31]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> I<em>bid.</em>, p. 399.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn32"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[32]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Sylvie Germain, <em>NA, op.cit.</em>, p. 404-405.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn33"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[33]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> I<em>bid.</em>, p. 409.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn34"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[34]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Marie-H&eacute;l&egrave;ne Boblet, <em>op.cit</em>., p. 18.</span></span></span></p> </div> </div>