<h1 style="text-align: center;"><strong><span style="color:#993366;">Les <em>realia</em> ou comment nommer l&rsquo;en de&ccedil;&agrave; des sources ?</span></strong></h1> <p style="text-align: center;"><strong>Francis Kay<sup><a href="#n*n" name="n*t">*</a></sup></strong></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>1. Comment diff&eacute;rencier les sources des <em>realia</em>&nbsp;?</strong></h3> <p style="text-align: justify;">En historiographie, la diff&eacute;rence entre les sources et les <em>realia</em> n&rsquo;est pas &eacute;vidente &agrave; &eacute;tablir. Les historiens continuent cependant d&rsquo;utiliser les deux notions de fa&ccedil;on distincte, bien que les <em>realia</em> tiennent souvent lieu de repoussoir. On pourrait &agrave; ce sujet citer Pierre Nora qui, en 1984, les opposait &agrave; l&rsquo;aspect autor&eacute;f&eacute;rentiel de ses &laquo;&nbsp;lieux de m&eacute;moire&nbsp;&raquo;<sup><a href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a></sup> :&nbsp;</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Un trait simple, mais d&eacute;cisif, les met radicalement &agrave; part de tous les types d&rsquo;histoire dont nous avons l&rsquo;habitude, anciens ou nouveaux. Toutes les approches historiques et scientifiques de la m&eacute;moire, qu&rsquo;elles se soient adress&eacute;es &agrave; celle de la nation ou &agrave; celle des mentalit&eacute;s sociales, avaient affaire &agrave; des realia, aux choses m&ecirc;mes, dont elles s&rsquo;effor&ccedil;aient de saisir la r&eacute;alit&eacute; au plus vif. &Agrave; la diff&eacute;rence de tous les objets de l&rsquo;histoire, les lieux de m&eacute;moire n&rsquo;ont pas de r&eacute;f&eacute;rent dans la r&eacute;alit&eacute;. Ou plut&ocirc;t ils sont &agrave; eux-m&ecirc;mes leur propre r&eacute;f&eacute;rent, signes qui ne renvoient qu&rsquo;&agrave; soi, signes &agrave; l&rsquo;&eacute;tat pur. [&hellip;]&nbsp;(Nora, 1984a, p. XLI).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Les <em>realia</em> historiques contribuent ainsi &agrave; faire perdurer un id&eacute;al que l&rsquo;on pourrait juger na&iuml;f&nbsp;: celui d&rsquo;un acc&egrave;s non d&eacute;form&eacute; &agrave; la r&eacute;alit&eacute; d&rsquo;un pass&eacute; plus ou moins &eacute;loign&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>2. Une notion interdisciplinaire&nbsp;?</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Plus largement, il faut toutefois observer qu&rsquo;en s&eacute;miologie, les <em>realia</em> n&rsquo;ont rien d&rsquo;abstrait, puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit alors des &laquo;&nbsp;objets existants du monde per&ccedil;us ou consid&eacute;r&eacute;s ind&eacute;pendamment de leur relation avec le signe&nbsp;&raquo;&nbsp;(Rey-Debove, 1979, p.121).&nbsp;Un d&eacute;tour par l&rsquo;&eacute;tymologie &eacute;claire les raisons de cet emprunt au latin m&eacute;di&eacute;val dans le jargon des sciences humaines : ce substantif pluriel<sup><a href="#n2n" name="n2t">2</a></sup> d&eacute;signe &laquo; les choses r&eacute;elles &raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">En fran&ccedil;ais, Ferdinand de Saussure s&rsquo;y r&eacute;f&eacute;ra pour la premi&egrave;re fois dans ses cours de linguistique, mais ce ne fut que de mani&egrave;re allusive&nbsp;: sa th&eacute;orie sur la langue comme syst&egrave;me clos de signes n&rsquo;&eacute;tait pas compatible avec le d&eacute;bat sur les <em>realia</em><sup><a href="#n3n" name="n3t">3</a></sup>. Or, cette n&eacute;gligence initiale explique en grande partie l&rsquo;actuelle polys&eacute;mie de ce mot<sup><a href="#n4n" name="n4t">4</a></sup>. Car &agrave; la suite du recours &agrave; ce terme pour d&eacute;signer les &laquo; r&eacute;alit&eacute;s non linguistiques &raquo;&nbsp;(<em>Tr&eacute;sor de la langue fran&ccedil;aise</em>, 1971-1994, vol.14, p.459), le mot s&rsquo;est progressivement diffus&eacute; dans divers champs du savoir, et sa signification s&rsquo;est &eacute;galement &eacute;largie. Ainsi, en traductologie, les <em>realia</em> peuvent d&eacute;signer aussi bien des signifiants (expressions et mots relatifs &agrave; une culture particuli&egrave;re) que des signifi&eacute;s (choses ou concepts sp&eacute;cifiques li&eacute;s &agrave; une culture source).</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>3. Le pass&eacute; comme alt&eacute;rit&eacute;</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Le statut &eacute;quivoque des <em>realia</em> se manifeste en particulier lorsqu&rsquo;elles ne d&eacute;signent plus des choses d&eacute;tach&eacute;es de leurs signifiants respectifs mais bien, en fait, des mots et des expressions qui renvoient de mani&egrave;re exclusive &agrave; une culture particuli&egrave;re &ndash; ce qui constitue une difficult&eacute; de compr&eacute;hension que la traduction est souvent charg&eacute;e de r&eacute;soudre. Or, ce genre de lacune s&eacute;mantique peut aussi bien &ecirc;tre rep&eacute;r&eacute; &agrave; partir d&rsquo;une aire linguistique qu&rsquo;en fonction d&rsquo;une &egrave;re temporelle. On peut ainsi observer que l&rsquo;intelligibilit&eacute; d&rsquo;un discours ou d&rsquo;une repr&eacute;sentation d&eacute;pend toujours du degr&eacute; de familiarit&eacute; du potentiel r&eacute;cepteur avec le signifi&eacute;&nbsp;; par cons&eacute;quent, plus le signifiant sera en d&eacute;calage avec nos r&eacute;f&eacute;rences culturelles, plus l&rsquo;explicitation des&nbsp;<em>realia</em> (ou des signifi&eacute;s) auxquelles se r&eacute;f&egrave;re ce discours ou cette repr&eacute;sentation se pr&eacute;sentera comme un d&eacute;tour n&eacute;cessaire pour leur compr&eacute;hension.</p> <p style="text-align: justify;">Apr&egrave;s avoir pos&eacute; ces rep&egrave;res g&eacute;n&eacute;raux, nous pouvons formuler la principale question qui sous-tend notre propos, et ne concerne que les <em>realia</em> temporellement d&eacute;termin&eacute;es - &agrave; savoir&nbsp;: comment &eacute;viter de se laisser leurrer par les diff&eacute;rentes illusions r&eacute;trospectives&nbsp;? Dans son r&eacute;cent ouvrage intitul&eacute;<em> L&rsquo;empreinte digitale. Culture humaniste et technologie</em>, le philologue et linguiste Lorenzo Tomasin (2018, p.91) propose de consid&eacute;rer le pass&eacute; comme une &laquo;&nbsp;alt&eacute;rit&eacute; inconciliable&nbsp;&raquo;&nbsp;; il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;un principe m&eacute;thodologique qui para&icirc;t convaincant, dans la mesure o&ugrave; Tomasin vise &agrave; &eacute;tablir, avec <em>L&rsquo;empreinte digitale</em>, un bilan critique de la situation actuelle dans les sciences humaines.&nbsp;</p> <div id="sdfootnote7"> <p style="text-align: justify;">Les <em>realia</em> ayant donc &eacute;t&eacute; d&eacute;finies en tant que repr&eacute;sentations mentales de signifi&eacute;s qui s&rsquo;inscrivent dans le pass&eacute;, nous allons maintenant chercher &agrave; mieux en saisir les contours, ceci en recourant &agrave; deux motifs de l&rsquo;imaginaire parisien.</p> </div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>4. Les <em>realia</em> en contexte</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Quand les historiens &eacute;voquent encore la question des <em>realia</em>, c&rsquo;est plut&ocirc;t par pr&eacute;t&eacute;rition. Par ailleurs, cette notion demeure quasiment absente des &eacute;tudes de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise. D&egrave;s lors, on en vient &agrave; se demander si, dans les deux domaines pr&eacute;cit&eacute;s, le maintien d&rsquo;une distinction s&eacute;mantique entre ces <em>realia</em> et les sources serait tacitement consid&eacute;r&eacute;e comme inutile &ndash; les seules &laquo;&nbsp;choses r&eacute;elles&nbsp;&raquo; dont on puisse vraiment d&eacute;battre &eacute;tant davantage la fiabilit&eacute; des sources plut&ocirc;t que ce qu&rsquo;elles nous disent du pass&eacute;. Cependant, pour donner un premier exemple concret se situant pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; la crois&eacute;e des &eacute;tudes historiques et litt&eacute;raires, il suffirait de mentionner Joseph &Eacute;tienne (1764-1846), cet auteur &eacute;tant rest&eacute; connu sous le nom d&rsquo;&Eacute;tienne de Jouy​​&nbsp;(Faul, 2009)&nbsp;: il prit pour nom de plume &laquo;&nbsp;Jouy&nbsp;&raquo;&nbsp;en se r&eacute;f&eacute;rant &agrave; son p&egrave;re, un marchand de toiles ; du XVIII<sup>e</sup> au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, la manufacture des toiles de Jouy&nbsp;(Gril-Mariotte, 2015)&nbsp;&eacute;voquait en France les arts d&eacute;coratifs, bien que ces toiles imprim&eacute;es fassent d&eacute;sormais partie des <em>realia</em> dont les traces se sont effac&eacute;es depuis longtemps de l&rsquo;imaginaire culturel.&nbsp;</p> <h4 style="text-align: justify;"><strong>4.1. Le mythe des chiffonniers de Paris (XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle)</strong></h4> <p style="text-align: justify;">Ce rapprochement entre historiographie et litt&eacute;rature va fournir le principal crit&egrave;re structurant notre &eacute;clairage sur les <em>realia</em>. Ainsi, bien qu&rsquo;Antoine Compagnon soit professeur de litt&eacute;rature fran&ccedil;aise et non historien de formation, il a estim&eacute; utile de proc&eacute;der &agrave; la relecture, dans<em> Les Chiffonniers de Paris</em>&nbsp;(Compagnon, 2017), d&rsquo;approches biais&eacute;es ayant contribu&eacute; &agrave; la formation de mythes historiques.</p> <p style="text-align: justify;">On sait qu&rsquo;au cours du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, la population en marge des chiffonniers symbolisa, &agrave; elle seule, la ville de Paris&nbsp;: ces chiffonniers incarnaient alors une m&eacute;tonymie<sup><a href="#n5n" name="n5t">5</a></sup> lexicalis&eacute;e de Paris. Cela est d&eacute;sormais le cas avec un &eacute;difice devenu aussi embl&eacute;matique que la tour Eiffel, comme le rel&egrave;ve Josette Rey-Debove 1979, p.98)&nbsp;dans son lexique de s&eacute;miotique : &laquo;&nbsp;Une image peut constituer une m&eacute;tonymie (ex. la tour Eiffel repr&eacute;sent&eacute;e pour d&eacute;signer Paris dans un film)&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Avec <em>Les Chiffonniers de Paris</em>, Antoine Compagnon vise au d&eacute;montage de certaines th&egrave;ses d&eacute;fendues par Walter Benjamin (1989) dans <em>Paris capitale du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>&nbsp;- ceci sans forc&eacute;ment abandonner une conception mat&eacute;rialiste de l&rsquo;histoire&nbsp;; il montre notamment que le positionnement ou la posture politique d&rsquo;auteurs parisiens tels que Jules Janin ou Baudelaire ne pouvait qu&rsquo;&eacute;voluer au cours de leurs carri&egrave;res litt&eacute;raires respectives, leur changement d&rsquo;attitude &eacute;tant amplement li&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;volution de leurs situations sociales respectives&nbsp;(Compagnon, 2017, p.422-424).</p> <div id="sdfootnote16">Or, il est important de noter que, dans<em> Les Chiffonniers de Paris</em>, Compagnon reprend la notion de <em>realia</em> afin de d&eacute;signer les &laquo;&nbsp;r&eacute;ticules&nbsp;&raquo; ou sacs &agrave; ouvrages repr&eacute;sent&eacute;s dans certaines gravures de mode auxquelles Charles Baudelaire fait allusion au d&eacute;tour de l&rsquo;un de ses po&egrave;mes du cycle des &laquo;&nbsp;Tableaux parisiens&nbsp;&raquo;.</div> <p style="text-align: justify;"><strong>4.1.1. <em>Realia</em> du Directoire dans la po&eacute;tique parisienne de Baudelaire</strong></p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est en effet dans <em>Les petites vieilles</em> (Baudelaire, 1975,&nbsp;p.89)&nbsp;que le po&egrave;te imagine d&rsquo;anciennes demi-mondaines de la p&eacute;riode du Directoire devenues des chiffonni&egrave;res d&eacute;cr&eacute;pites, &laquo;&nbsp;Traversant de Paris le fourmillant tableau&nbsp;&raquo;&nbsp;(Baudelaire, 1975,&nbsp;p.90, v.26)&nbsp;; ces monstrueuses &laquo;&nbsp;&Egrave;ves octog&eacute;naires&nbsp;&raquo; (Baudelaire, 1975,&nbsp;p.91, v.83)&nbsp;sont d&eacute;crites &laquo; [&hellip;] serrant sur leur flanc, ainsi que des reliques / Un petit sac brod&eacute; de fleurs ou de r&eacute;bus&nbsp;&raquo;&nbsp;(Baudelaire, 1975,&nbsp;v.11-12). Dans ce passage, Baudelaire se r&eacute;f&egrave;re implicitement &agrave; des estampes contemporaines de la mode des &laquo;&nbsp;Incroyables&nbsp;&raquo; et des &laquo;&nbsp;Merveilleuses&nbsp;&raquo; du Directoire. Or, en 1861, la &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute; historique&nbsp;&raquo; de ces illustrations, donc leur authenticit&eacute;, n&rsquo;&eacute;voquait plus rien aux lecteurs des &laquo;&nbsp;Tableaux parisiens&nbsp;&raquo;. Ainsi que le rel&egrave;ve Antoine Compagnon, Baudelaire avait anticip&eacute; ce probl&egrave;me de r&eacute;ception et il a tent&eacute; de le r&eacute;soudre, avant d&rsquo;y renoncer :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Derri&egrave;re les sacs des Petites vieilles, brod&eacute;s de fleurs et de r&eacute;bus, ou encore de chiffres et d&rsquo;all&eacute;gories, comme l&rsquo;&eacute;crit La M&eacute;sang&egrave;re, il y eut donc des realia, ou du moins quelques images d&eacute;nich&eacute;es par Baudelaire dans des journaux de 1798 et 1799, vieux de plus d&rsquo;un demi-si&egrave;cle lorsque le po&egrave;te les consultait &agrave; Honfleur. Il pensa par deux fois devoir s&rsquo;expliquer sur leur r&eacute;alit&eacute; historique dans une note, puis il renon&ccedil;a et les laissa tels quels, dans leur myst&eacute;rieuse incongruit&eacute; po&eacute;tique&nbsp;(Compagnon, 2017, p.403).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;<img src="https://www.numerev.com/img/ck_774_4_Image1.jpg" /></p> <p style="text-align: center;">Fig. 1 &ndash; <em>An 6. Costume Parisien. Voile &agrave; l&rsquo;Iphig&eacute;nie. Mantelet Blanc. Sac &agrave; devise. Champs-&Eacute;lys&eacute;es. Journal des dames et des modes</em>, 15 Messidor an 6 (3 juillet 1798).</p> <p style="text-align: justify;">Contrairement au po&egrave;te des <em>Fleurs du mal</em>, Antoine Compagnon cherche &agrave; clairement identifier ces &laquo;&nbsp;reliques&nbsp;&raquo; ou <em>realia</em> par leur nom, explicitant leur signification historique :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Le sac &agrave; ouvrage, ou r&eacute;ticule (la gibeci&egrave;re romaine), aussi appel&eacute; &quot;ridicule&quot; par une alt&eacute;ration plaisante bient&ocirc;t entr&eacute;e dans la langue (le mot amuse encore Baudelaire), charg&eacute; d&rsquo;un chiffre, d&rsquo;une devise ou d&rsquo;un r&eacute;bus, fut en effet une mode passag&egrave;re du Directoire, p&eacute;riode de libert&eacute; retrouv&eacute;e et de fantaisie vestimentaire, marqu&eacute;e par le retour de la coquetterie et la recherche de la distinction, apr&egrave;s la simplicit&eacute; &eacute;galitaire impos&eacute;e par la R&eacute;volution et la Terreur [&hellip;]&nbsp;(Compagnon, 2017, p.392).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">En outre, Compagnon rep&egrave;re la pr&eacute;sence de ce fameux sac &agrave; ouvrage dans un roman d&rsquo;Honor&eacute; de Balzac : &laquo;&nbsp;Dans <em>La Com&eacute;die humaine</em>, c&rsquo;est la cousine Bette, vieille fille maniaque, attach&eacute;e aux modes imp&eacute;riales arri&eacute;r&eacute;es, qui se prom&egrave;ne avec un ridicule [&hellip;]&nbsp;&raquo;&nbsp;(Compagnon, 2017, p.404).&nbsp;L&rsquo;action de <em>La Cousine Bette </em>&eacute;tant cens&eacute;e se d&eacute;rouler en 1838, il est possible qu&rsquo;&agrave; cette &eacute;poque-l&agrave;, on se souvenait encore de cet accessoire de mode, bien qu&rsquo;il soit tomb&eacute; en d&eacute;su&eacute;tude<sup><a href="#n6n" name="n6t">6</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Pour en revenir &agrave; cette fascination exerc&eacute;e sur Baudelaire par les estampes du <em>Journal des Dames et des Modes</em>, il est n&eacute;cessaire de rappeler qu&rsquo;en 1987, T. H. Parke (1986, p.248-257)&nbsp;avait d&eacute;j&agrave; consacr&eacute; un article &agrave; ce sujet. De plus, lesdites &laquo;&nbsp;explications&nbsp;&raquo; tr&egrave;s d&eacute;taill&eacute;es des gravures donn&eacute;es par Pierre de La M&eacute;sang&egrave;re, le directeur du journal, ont &eacute;galement inspir&eacute; le po&egrave;te&nbsp;; dans l&rsquo;un des quatrains des &laquo;&nbsp;Petites vieilles&nbsp;&raquo;, on croise ainsi&nbsp;les noms du caf&eacute; Frascati et du parc Tivoli. Ces appellations &agrave; l&rsquo;italienne &eacute;voquent une sorte de Rome parall&egrave;le, mais elles connotent la m&eacute;lancolie d&rsquo;un Paris disparu dont seule subsisterait une toponymie particuli&egrave;re, celle-ci &eacute;tant associ&eacute;e &agrave; la p&eacute;riode du Directoire :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">[&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;De Frascati d&eacute;funt Vestale enamour&eacute;e&nbsp;;</p> <p style="text-align: justify;">Pr&ecirc;tresse de Thalie, h&eacute;las&nbsp;! dont le souffleur</p> <p style="text-align: justify;">Enterr&eacute; sait le nom&nbsp;; c&eacute;l&egrave;bre &eacute;vapor&eacute;e</p> <p style="text-align: justify;">Que Tivoli jadis ombragea dans sa fleur,&nbsp;&raquo;&nbsp;</p> <div id="sdfootnote26">[&hellip;]&nbsp;(Baudelaire,&nbsp;1975, p. 90, v.37-40).</div> </blockquote> <p style="text-align: justify;">On ne pourra cependant s&rsquo;emp&ecirc;cher d&rsquo;estimer que, si cet amalgame entre les lieux et les personnages, visionnaire en apparence, trouve bien ses sources dans le <em>Journal des Dames et des Modes</em>, c&rsquo;est directement en fonction de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t que Baudelaire portait &agrave; d&rsquo;autres gravures de la s&eacute;rie des <em>Costumes parisiens, </em>telles que la <em>Vue de Tivoli</em> ou la <em>Vue de Frascati&nbsp;</em>:</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;&nbsp;<img src="https://www.numerev.com/img/ck_774_4_Image2.jpg" /></p> <p style="text-align: center;">Fig. 2 &ndash; <em>An 7. Costume Parisien. Vue de Tivoli. Journal des dames et des modes</em>, 22 septembre 1799.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; <img src="https://www.numerev.com/img/ck_774_4_Image3.png" /></p> <p style="text-align: center;">Fig. 3 &ndash; <em>An 8. Costume Parisien. Vue de Frascati. Journal des dames et des modes</em>, 22 octobre 1799.</p> <p style="text-align: justify;">Mais l&rsquo;&eacute;vocation du prestigieux caf&eacute; Frascati, ce lieu associ&eacute; au pass&eacute; des &laquo;&nbsp;Petites vieilles&nbsp;&raquo;, nous a fait d&eacute;river vers un imaginaire sensiblement diff&eacute;rent de celui des chiffonni&egrave;res et chiffonniers. Afin d&rsquo;&eacute;largir notre angle d&rsquo;approche sur les <em>realia</em> historiques, profitons donc de cette opportunit&eacute; pour aborder une seconde m&eacute;tonymie de Paris&nbsp;; par ailleurs, comme on le verra, l&rsquo;exercice n&rsquo;emp&ecirc;che pas de recourir &agrave; nouveau, m&ecirc;me bri&egrave;vement, au<em> Journal des dames et des modes</em>.</p> <h4 style="text-align: justify;"><strong>4.2. Les <em>realia</em> des caf&eacute;s parisiens et leur imaginaire (XVII<sup>e</sup>-XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle)</strong></h4> <p style="text-align: justify;">Pour introduire ce motif des caf&eacute;s, on a choisi de s&rsquo;appuyer sur la perspective m&eacute;thodologique d&eacute;velopp&eacute;e par l&rsquo;historien Thierry Rigogne sur le sujet, &eacute;tant donn&eacute; que son approche critique fait &eacute;cho &agrave; la notion de <em>realia</em> :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;histoire des caf&eacute;s a besoin d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;lest&eacute;e de toutes les l&eacute;gendes qui s&rsquo;y sont greff&eacute;es et qui l&rsquo;ont &eacute;touff&eacute;e. Il ne faut cependant pas s&rsquo;arr&ecirc;ter &agrave; une chasse aux mythes. Ceux-ci valent, en effet, la peine d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;tudi&eacute;s en eux-m&ecirc;mes afin de comprendre comment ils sont apparus, comment ils se sont diffus&eacute;s, qui les a relay&eacute;s et, surtout, quelles fonctions ils ont pu remplir. Il faut noter, &agrave; ce propos, que nombre de l&eacute;gendes qui continuent &agrave; se r&eacute;pandre de nos jours remontent jusqu&rsquo;au XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle. L&rsquo;histoire des caf&eacute;s s&rsquo;est, en effet, &eacute;crite tr&egrave;s t&ocirc;t, alors que l&rsquo;institution elle-m&ecirc;me &eacute;tait encore en plein essor&nbsp;(Rigogne, 2013, p.161).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Afin d&rsquo;illustrer les effets d&rsquo;interaction entre les <em>realia</em> des caf&eacute;s et leur imaginaire sp&eacute;cifique, un ouvrage a &eacute;t&eacute; s&eacute;lectionn&eacute;, qui correspond &agrave; ce registre des &laquo;&nbsp;l&eacute;gendes&nbsp;&raquo; et autres &laquo;&nbsp;mythes&nbsp;&raquo; sur les caf&eacute;s parisiens&nbsp;: il va &ecirc;tre analys&eacute; sous un angle particulier.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>4.2.1. <em>Les caf&eacute;s de Paris </em>d&rsquo;&Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot&nbsp;: un guide devenu sibyllin</strong></p> <p style="text-align: justify;">Comme son titre l&rsquo;annonce, <em>Les caf&eacute;s de Paris</em>&nbsp;(1819)&nbsp;d&rsquo;&Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot (1782-1852), constitue une sorte de guide passant en revue divers caf&eacute;s de la capitale. Au fil des pages, on observe que Bazot, qui se pr&eacute;sente en tant que <em>Fl&acirc;neur patent&eacute;</em>, choisit souvent de se focaliser sur une seule personne &ndash; avec, notamment, la mention r&eacute;currente de la &laquo; <em>belle Limonadi&egrave;re</em>&nbsp;&raquo; (Bazot, 1819, p.12), dont la charmante pr&eacute;sence derri&egrave;re le comptoir suffisait pour assurer le succ&egrave;s de l&rsquo;&eacute;tablissement. Or, c&rsquo;est surtout de cette illustre inconnue dont il va &ecirc;tre question, puisqu&rsquo;elle incarne la figure de proue de l&rsquo;ouvrage. En effet, malgr&eacute; l&rsquo;absence de l&eacute;gende sous le frontispice, on devine qu&rsquo;il s&rsquo;agit l&agrave; d&rsquo;une repr&eacute;sentation de &laquo; cette&nbsp;limonadi&egrave;re c&eacute;l&egrave;bre&nbsp;&raquo; (Bazot, 1819, p.80)&nbsp;&ndash; c&eacute;l&egrave;bre du moins d&rsquo;apr&egrave;s Bazot. Car il est &eacute;vident que l&rsquo;estampe illustrant<em> Les caf&eacute;s de Paris</em> para&icirc;t d&eacute;sormais au profane autant muette que sibylline - le temps en ayant effac&eacute; le souvenir. Certes, ainsi que le confie le <em>Fl&acirc;neur patent&eacute;</em> lui-m&ecirc;me, un attrait plus g&eacute;n&eacute;ral envers les limonadi&egrave;res faisait partie des crit&egrave;res de Bazot (1819)&nbsp;&ndash; ce qui se v&eacute;rifie &agrave; plusieurs reprises dans son ouvrage&nbsp;(Caf&eacute; des Am&eacute;ricains, p.53-54&nbsp;; Caf&eacute; des Mille-Pilastres, p.55-56&nbsp;; Caf&eacute; de la R&eacute;gence,&nbsp;p.65-67&nbsp;; Caf&eacute; du Commerce,&nbsp;p.68-71&nbsp;; Caf&eacute; Dubois,&nbsp;p.129-131&nbsp;; Caf&eacute; Fran&ccedil;ais,&nbsp;p.132-136&nbsp;; Caf&eacute; Dufils,&nbsp;p. 156-157). La contextualisation permettra n&eacute;anmoins de d&eacute;montrer que le frontispice des <em>caf&eacute;s de Paris</em> est un portrait embl&eacute;matique qui renvoie, lui-m&ecirc;me, &agrave; certaines <em>realia</em>.&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;<img src="https://www.numerev.com/img/ck_774_4_Image4.jpg" /></p> <p style="text-align: center;">Fig. 4 &ndash; Frontispice dessin&eacute; par Jean-Fr&eacute;d&eacute;ric Cazenave et grav&eacute; par Jean-Baptiste-Michel Dupr&eacute;el pour <em>Les caf&eacute;s de Paris</em>, 1819.</p> <p style="text-align: justify;">Il faut d&rsquo;abord noter qu&rsquo;avec ses<em> caf&eacute;s de Paris</em>, Bazot d&eacute;laisse le r&eacute;gime de la fiction au profit d&rsquo;un registre plus documentaire. Madame Romain, alias la &laquo;&nbsp;<em>belle Limonadi&egrave;re</em>&nbsp;&raquo;, a ainsi r&eacute;ellement exist&eacute;&nbsp;: ayant gagn&eacute; sa c&eacute;l&eacute;brit&eacute; au caf&eacute; du Bosquet d&egrave;s 1808, elle le quitta assez vite pour continuer d&rsquo;officier dans un &eacute;tablissement situ&eacute; dans l&rsquo;une des galeries du Palais-Royal, le caf&eacute; des Mille Colonnes, et ceci jusqu&rsquo;en 1824 &ndash; ann&eacute;e du d&eacute;c&egrave;s de son mari, d&rsquo;apr&egrave;s les <em>M&eacute;moires</em> de Louis-D&eacute;sir&eacute; V&eacute;ron<sup><a href="#n7n" name="n7t">7</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Cependant, l&rsquo;auteur des <em>Caf&eacute;s de Paris</em> disjoint volontiers les donn&eacute;es du r&eacute;el avec une touche d&rsquo;humour, voire en s&rsquo;autorisant parfois des envol&eacute;es lyriques&nbsp;; sa monographie se trouve ainsi agr&eacute;ment&eacute;e de courtes fictions. Tout comme cela fut le cas avec un auteur tel que R&eacute;tif de La Bretonne, la condition de polygraphe semble avoir d&eacute;termin&eacute;, sous la plume de Bazot, un style d&rsquo;&eacute;criture o&ugrave; le tableau d&eacute;taill&eacute; du microcosme urbain n&rsquo;est pas incompatible avec l&rsquo;expression de fantaisies plus subjectives. Le sous-titre des <em>Caf&eacute;s de Paris</em> &ndash; &laquo;&nbsp;<em>Revue politique, critique et litt&eacute;raire des M&oelig;urs du si&egrave;cle, par un Fl&acirc;neur patent&eacute;</em>&nbsp;&raquo; &ndash; pr&eacute;cise la fonction de cet &eacute;trange guide de voyage ; &Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot (1814)&nbsp;avait d&eacute;j&agrave; employ&eacute; la notion de &laquo;&nbsp;m&oelig;urs&nbsp;&raquo; dans ses <em>Nouvelles parisiennes, ou les Moeurs modernes, suivies de quelques vari&eacute;t&eacute;s litt&eacute;raires</em>. La diff&eacute;rence de tonalit&eacute; entre l&rsquo;imaginaire de la fiction et la v&eacute;ridicit&eacute; du t&eacute;moignage s&rsquo;av&egrave;re ainsi assez secondaire ; dans le contexte politique de la Restauration des Bourbons, l&rsquo;auteur d&eacute;peint toujours les m&oelig;urs (ou le mode de vie) de ses concitoyens.</p> <p style="text-align: justify;">Si l&rsquo;on se r&eacute;f&egrave;re &agrave; la &laquo;&nbsp;table&nbsp;&raquo; ins&eacute;r&eacute;e &agrave; la fin des <em>Caf&eacute;s de Paris&nbsp;</em>(Bazot, 1819, p.208-210), la structure de l&rsquo;ouvrage semble <em>a priori </em>herm&eacute;tique, voire confuse&nbsp;: le monologue fictif qui sert d&rsquo;introduction (&laquo;&nbsp;Le Caf&eacute; du Charlatan&nbsp;&raquo;) est suivi d&rsquo;un bref historique (&laquo;&nbsp;Du Caf&eacute; et des Caf&eacute;s&nbsp;&raquo;), celui-ci pr&eacute;c&eacute;dant la pr&eacute;sentation de 69 caf&eacute;s parisiens qui se succ&egrave;dent de fa&ccedil;on apparemment arbitraire.</p> <p style="text-align: justify;">Cette bigarrure du texte s&rsquo;explique, en partie, par la n&eacute;cessit&eacute; pour son auteur de brouiller les pistes. Ainsi, dans &laquo;&nbsp;Le Caf&eacute; du Charlatan&nbsp;&raquo;, contre toute attente, le <em>Fl&acirc;neur patent&eacute;</em> du titre est remplac&eacute; par un industrieux cafetier parisien s&rsquo;exprimant avec un fort accent auvergnat, &laquo;&nbsp;debout dans son comptoir&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bazot, 1819, p.i)&nbsp;; ce &laquo;&nbsp;Limonadier et homm&eacute; d&eacute; lettres&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bazot,&nbsp;1819, p.iii)&nbsp;reconna&icirc;t &ecirc;tre l&rsquo;auteur des <em>Caf&eacute;s de Paris</em>&nbsp;(&laquo;&nbsp;ce libr&eacute;&nbsp;&raquo; :&nbsp;Bazot, 1819, p.iv), mais d&eacute;cline d&rsquo;avance toute responsabilit&eacute; juridique sur son contenu. C&rsquo;est gr&acirc;ce aux <em>realia</em> que l&rsquo;accent de ce &laquo;&nbsp;Charlatan&nbsp;&raquo; a &eacute;t&eacute; identifi&eacute;, puisqu&rsquo;on sait que, d&egrave;s la premi&egrave;re partie du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, les tenanciers des caf&eacute;s de la capitale &eacute;taient souvent d&rsquo;origine auvergnate, surnomm&eacute;s &laquo;&nbsp;Bougnats&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Mais afin de comprendre l&rsquo;&eacute;trange jeu de l&rsquo;oie qui nous fait passer d&rsquo;un caf&eacute; &agrave; l&rsquo;autre, le d&eacute;tour par les <em>realia</em> va s&rsquo;av&eacute;rer encore plus instructif, l&rsquo;&eacute;lucidation du myst&egrave;re consistant dans le nombre d&rsquo;arrondissements : en 1819, Paris n&rsquo;en comptait que douze au total (chacun d&rsquo;eux &eacute;tant subdivis&eacute;s en quatre quartiers). Pour saisir l&rsquo;organisation de la table plac&eacute;e &agrave; la fin de l&rsquo;ouvrage, il faut donc partir de la toponymie : d&eacute;butant dans le deuxi&egrave;me arrondissement par le &laquo;&nbsp;Caf&eacute; Valois, <em>Au Palais Royal</em>&nbsp;&raquo; (p. 6-9), l&rsquo;auteur respecte plus ou moins la num&eacute;rotation croissante. Les arrondissements s&rsquo;&eacute;tendaient d&rsquo;abord de l&rsquo;Ouest &agrave; l&rsquo;Est de la Rive droite (Nord)&nbsp;; le IXe arrondissement, incluant l&rsquo;&icirc;le Saint-Louis et celle de la Cit&eacute;, marquait la transition vers la Rive gauche (Sud). Bazot termine assez logiquement avec le &laquo;&nbsp;Caf&eacute; de la Ga&icirc;t&eacute; (ou d&rsquo;Apollon), <em>barri&egrave;re du Maine</em>&nbsp;&raquo; (p. 203-207)&nbsp;: bien que le <em>Fl&acirc;neur patent&eacute; </em>s&rsquo;aventure ainsi &laquo;&nbsp;<em>extra-muros</em>&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bazot, 1819, p.203), il reste implicitement &agrave; proximit&eacute; du quartier du Luxembourg (XI<sup>e</sup> arrondissement) (De La Tynna, 1816, p.395).</p> <p style="text-align: justify;"><strong>4.2.2. Les &laquo;&nbsp;lustres&nbsp;&raquo; de la <em>belle Limonadi&egrave;re</em> dans <em>Les caf&eacute;s de Paris</em> :&nbsp;une biographie anachronique</strong></p> <p style="text-align: justify;">La comparaison entre deux passages des <em>Caf&eacute;s de Paris </em>servira &agrave; montrer concr&egrave;tement comment les <em>realia</em> historiques combinent parfois les fonctions de signifi&eacute; et de signifiant, la figure de la <em>belle Limonadi&egrave;re</em> y &eacute;tant &agrave; chaque fois associ&eacute;e &agrave; des &laquo;&nbsp;lustres&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Le premier extrait correspond &agrave; la pr&eacute;sentation du &laquo;&nbsp;Caf&eacute; des Milles-Colonnes, <em>Au Palais-Royal&nbsp;</em>&raquo;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">Depuis vingt-ans la belle limonadi&egrave;re tient le sceptre de la beaut&eacute; et la cuiller &agrave; punch ; depuis vingt ans elle fait le bonheur de ses admirateurs nombreux, et quoique huit lustres s&rsquo;&eacute;l&egrave;vent sur sa t&ecirc;te, tous les soirs elle r&eacute;unit encore en sa personne la jeunesse, les gr&acirc;ces et les ris&nbsp;(Bazot, 1819 p.13).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">Plus loin dans <em>Les caf&eacute;s de Paris</em>, en traitant du &laquo;&nbsp;Caf&eacute; du Bosquet, <em>Rue Saint-Honor&eacute;</em>&nbsp;&raquo;,&nbsp;Bazot &eacute;voque encore la m&ecirc;me limonadi&egrave;re, mais de fa&ccedil;on r&eacute;trospective :&nbsp;&laquo;&nbsp;Elle n&rsquo;a fait que passer au caf&eacute; du Bosquet, cette limonadi&egrave;re c&eacute;l&egrave;bre, et son souvenir le prot&egrave;ge encore apr&egrave;s trois lustres &eacute;coul&eacute;s&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; (Bazot, 1819, p.80).&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Dans le caf&eacute; des Mille Colonnes, &laquo;&nbsp;huit lustres&nbsp;&raquo; sont donc cens&eacute;s &laquo;&nbsp;s&rsquo;&eacute;lever&nbsp;&raquo; sur la t&ecirc;te de la belle limonadi&egrave;re, alors que &laquo;&nbsp;trois lustres&nbsp;&raquo; se seraient &eacute;coul&eacute;s depuis son passage au caf&eacute; du Bosquet, situ&eacute; au n&deg; 118 de la rue Saint-Honor&eacute;. Dans les deux extraits cit&eacute;s, Bazot entend par le mot &laquo;&nbsp;lustre&nbsp;&raquo; une &laquo;&nbsp;p&eacute;riode de cinq ann&eacute;es&nbsp;&raquo; (<em>Tr&eacute;sor de la langue fran&ccedil;aise</em>, 1971-1994, vol.11, p. 68), bien qu&rsquo;&agrave; chaque fois, son calcul s&rsquo;av&egrave;re en fait assez approximatif.</p> <p style="text-align: justify;">En effet, madame Romain n&rsquo;avait pas encore quarante ans (ou &laquo;&nbsp;huit lustres&nbsp;&raquo;)&nbsp;en 1819 ; &agrave; ce sujet, un indice est fourni, &agrave; nouveau, par les <em>M&eacute;moires d&rsquo;un bourgeois de Paris</em> : &laquo;&nbsp;Vers la fin de 1817, la vogue du caf&eacute; des Milles-Colonnes diminua, bien que madame Romain, &agrave; peine &acirc;g&eacute;e de trente-quatre ans, f&ucirc;t dans tout l&rsquo;&eacute;clat de sa beaut&eacute;&nbsp;[&hellip;] &raquo; (V&eacute;ron, 1857, p.11)&nbsp;; on en d&eacute;duira que l&rsquo;ann&eacute;e o&ugrave; Bazot publia <em>Les caf&eacute;s de Paris</em>, elle allait alors, tout au plus, sur ses trente-six ans. En outre, il n&rsquo;y avait pas non plus &laquo;&nbsp;trois lustres&nbsp;&raquo; (ou quinze ans) que le couple Romain avait quitt&eacute; le caf&eacute; du Bosquet, puisque l&rsquo;<em>Almanach du commerce de Paris </em>nous apprend que ce d&eacute;bit public &eacute;tait g&eacute;r&eacute; vers 1810 par une &laquo;&nbsp;demoiselle Dauphinot&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n8n" name="n8t">8</a></sup>&nbsp;(De La Tynna,&nbsp;1811, p.254). La reprise de bail du caf&eacute; des Mille Colonnes a d&ucirc; intervenir au cours de l&rsquo;ann&eacute;e 1809, le limonadier Goussy &eacute;tant alors cens&eacute; en &ecirc;tre encore l&rsquo;exploitant&nbsp;(De La Tynna,&nbsp;1809, p.215). Ce n&rsquo;est qu&rsquo;en 1810 que l&rsquo;<em>Almanach du commerce </em>attribue au couple Romain le &laquo;&nbsp;<em>caf&eacute; du Bocage</em>, rue Saint-Honor&eacute;, 118&nbsp;&raquo; et aussi, pour la premi&egrave;re fois, le &laquo;&nbsp;<em>caf&eacute; des Mille Colonnes</em>, Palais-Royal, 36, gal. de pierre&nbsp;&raquo;&nbsp;&nbsp;(De La Tynna,&nbsp;1810, p.234).&nbsp;</p> <div id="sdfootnote44"> <p style="text-align: justify;">En 1819, cela devait donc faire &agrave; peine dix ans que Madame Romain occupait le comptoir du caf&eacute; des Mille Colonnes. Dans ce cas, pourquoi Bazot pr&eacute;tend-il, &agrave; propos du m&ecirc;me d&eacute;bit de boisson, que &laquo; Depuis vingt-ans la belle limonadi&egrave;re tient le sceptre de la beaut&eacute; et la cuiller &agrave; punch [&hellip;]&nbsp;&raquo;&nbsp;? L&rsquo;auteur des <em>caf&eacute;s de Paris </em>aurait-il effectu&eacute; un amalgame (volontaire ou non) entre la <em>belle Limonadi&egrave;re</em> et le caf&eacute; des Mille Colonnes &ndash;la renomm&eacute;e de cet &eacute;tablissement &eacute;tant effectivement bien ant&eacute;rieure &agrave; sa reprise par le couple Romain&nbsp;? Ainsi, en 1799, Jean-Baptiste Sell&egrave;que, r&eacute;dacteur du <em>Journal des dames et des modes</em>, consacrait d&eacute;j&agrave; &agrave; ce caf&eacute; le seizi&egrave;me chapitre de son <em>Voyage autour des Galeries du Palais Egalit&eacute;</em><sup><a href="#n9n" name="n9t">9</a></sup>&nbsp;:</p> </div> <blockquote> <p style="text-align: justify;">CHAPITRE XVI.</p> <p style="text-align: justify;">Le Caf&eacute; des mille Colonnes.</p> <p style="text-align: justify;">[&hellip;]</p> <p style="text-align: justify;">Chacun de ces &eacute;tablissemens a son nom particulier. Celui-ci s&#39;appelle le caf&eacute; des Mille Colonnes. Mille colonnes dans un caf&eacute; ! Est-il, en Europe, un &eacute;difice o&ugrave; l&#39;on puisse en compter autant&nbsp;? et cependant le nombre n&#39;en est pas exag&eacute;r&eacute;. On pourrait m&ecirc;me en compter davantage, si l&#39;on voulait s&#39;en rapporter au t&eacute;moignage des yeux, mais les quatre-vingt-dix-huit centi&egrave;mes de ces colonnes sont visibles sans &ecirc;tre palpables, quoiqu&#39;on ne puisse toucher &agrave; l&#39;une sans toucher, au moins en apparence, &agrave; cinquante autres en m&ecirc;me-tems. Concevez-vous cette originalit&eacute;&nbsp;?</p> <p style="text-align: justify;">Voici le mot de l&#39;&eacute;nigme. Il n&#39;y a pas plus de quinze &agrave; vingt colonnes ; mais, au moyen d&#39;une foule de glaces dont la disposition en prolonge l&#39;alignement, elles se multiplient &agrave; l&#39;infini, et produisent, en effet, sur leur nombre, une agr&eacute;able illusion. Cette colonnade en perspective n&#39;offre rien pourtant de bien extraordinaire. Ce qu&#39;il y a de plus heureux, c&#39;est la d&eacute;nomination du caf&eacute; dont elle a fourni l&#39;id&eacute;e, et qui ne laisse pas d&#39;y attirer bien des curieux, par son emphatique enseigne&nbsp;(Sell&egrave;que, 1800, p.78-81).</p> </blockquote> <p style="text-align: justify;">En 1819, m&ecirc;me en tenant compte de la p&eacute;riode ant&eacute;rieure &ndash; celle du caf&eacute; du Bosquet, madame Romain n&rsquo;&eacute;tait une c&eacute;l&eacute;brit&eacute; parisienne que depuis une dizaine d&rsquo;ann&eacute;es, car les &laquo;&nbsp;Romain limonadiers&nbsp;&raquo; n&rsquo;apparaissent dans la &laquo;&nbsp;Liste g&eacute;n&eacute;rale des commer&ccedil;ants de Paris&nbsp;&raquo; de qu&rsquo;&agrave; partir de l&rsquo;ann&eacute;e 1809&nbsp;(De la Tynna,&nbsp;1809,&nbsp;p.115)&nbsp;; dans la rubrique &laquo;&nbsp;Limonadiers, caf&eacute;s&nbsp;&raquo; de l&rsquo;ann&eacute;e pr&eacute;c&eacute;dente, l&rsquo;enseigne du 118, rue Saint-Honor&eacute; &eacute;tait encore pr&eacute;sent&eacute;e comme &eacute;tant celle du &laquo;&nbsp;caf&eacute; du Bocage&nbsp;&raquo;, un &eacute;tablissement tenu par le limonadier Barban&ccedil;on&nbsp;(De la Tynna,&nbsp;1808,&nbsp;p.193)<sup><a href="#n10n" name="n10t">10</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;auteur des <em>caf&eacute;s de Paris</em> ne se soucie donc gu&egrave;re d&rsquo;exactitude biographique &agrave; propos de la belle limonadi&egrave;re. Toutefois, il serait l&eacute;gitime de se demander si, &agrave; travers cette apparente discordance des temps, le bonapartiste &Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot n&rsquo;aurait pas exprim&eacute; un message cod&eacute; ou cach&eacute;. Car &laquo;&nbsp;vingt ans&nbsp;&raquo;&nbsp;plus t&ocirc;t, Paris avait &eacute;galement &eacute;t&eacute; le th&eacute;&acirc;tre politique de l&rsquo;instauration du r&eacute;gime du Consulat, &agrave; la suite du coup d&#39;&Eacute;tat du 18 brumaire an VIII (le 9 novembre 1799)&nbsp;; Bazot, qui &eacute;tait Parisien d&rsquo;adoption depuis 1793<sup><a href="#" name="n11t">11</a></sup>, fut un t&eacute;moin direct des soubresauts de la p&eacute;riode r&eacute;volutionnaire, la Premi&egrave;re R&eacute;publique prenant fin avec la proclamation de l&rsquo;Empire, en 1804. Revenons &eacute;galement &agrave; l&rsquo;&eacute;nigme des &laquo;&nbsp;trois lustres&nbsp;&raquo;, qui n&rsquo;a pas encore &eacute;t&eacute; &eacute;lucid&eacute;e : on a &eacute;tabli qu&rsquo;en 1819, le &laquo;&nbsp;souvenir&nbsp;&raquo; de madame Romain n&rsquo;aurait gu&egrave;re &eacute;t&eacute; en mesure de&nbsp;prot&eacute;ger&nbsp;de sa l&eacute;gendaire aura le caf&eacute; du Bosquet &laquo;&nbsp;apr&egrave;s trois lustres &eacute;coul&eacute;s&nbsp;&raquo;, &eacute;tant donn&eacute; que quinze ans plus t&ocirc;t, c&rsquo;est-&agrave;-dire en 1804, cette &laquo;&nbsp;limonadi&egrave;re c&eacute;l&egrave;bre&nbsp;&raquo; &eacute;tait encore inconnue dans la capitale. Mais une autre raison pourrait expliquer que cette ann&eacute;e-l&agrave;, en particulier, restait sans doute m&eacute;morable dans l&rsquo;esprit d&rsquo;&Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot&nbsp;: le s&eacute;natus-consulte du 18 mai 1804 proclama Napol&eacute;on Bonaparte empereur des Fran&ccedil;ais, puis son sacre eut lieu &agrave; la cath&eacute;drale de Notre-Dame de Paris, le 2 d&eacute;cembre de la m&ecirc;me ann&eacute;e.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>4.2.3. Les &laquo;&nbsp;lustres&nbsp;&raquo; de la <em>belle Limonadi&egrave;re</em> selon Bazot&nbsp;: l&rsquo;&eacute;vocation d&rsquo;une <em>realia</em> des caf&eacute;s parisiens&nbsp;?</strong></p> <p style="text-align: justify;">De surcro&icirc;t, Bazot associe la gloire de Madame Romain &agrave; la riche polys&eacute;mie du mot &laquo;&nbsp;lustre&nbsp;&raquo;, comme l&rsquo;indique l&rsquo;emploi de la m&eacute;taphore &laquo;&nbsp;huit lustres s&rsquo;&eacute;l&egrave;vent sur sa t&ecirc;te&nbsp;&raquo;&nbsp;lors de la description de l&rsquo;espace du caf&eacute; des Mille Colonnes&nbsp;; dans un tel contexte, on ne peut en effet exclure l&rsquo;&eacute;ventualit&eacute; d&rsquo;un jeu autant langagier que visuel entre deux significations diff&eacute;rentes de ces fameux &laquo;&nbsp;lustres&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Au d&eacute;but du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, le &laquo;&nbsp;lustre&nbsp;&raquo;, cette fois-ci au sens de luminaire, faisait-il donc aussi bien partie int&eacute;grante du mobilier des caf&eacute;s que du langage quotidien ? Le <em>Dictionnaire universel de la langue fran&ccedil;aise </em>de Pierre-Claude-Victor Boiste (1803, p.246)&nbsp;permet de r&eacute;pondre par l&rsquo;affirmative &agrave; cette question : &laquo;&nbsp;Lustre, <em>s. m. Nitor. </em>&eacute;clat naturel ou donn&eacute; par l&#39;art ; ce qui sert &agrave; le donner ; sorte de chandelier de cristal ; espace de cinq ans ; t. d&#39;arts et m&eacute;tiers.* &mdash; d&#39;eau, voy. Girandole aquat&nbsp;&raquo;.&nbsp;Pourtant, dans la m&ecirc;me &eacute;dition du dictionnaire de Boiste, on trouve aussi la d&eacute;finition du quinquet, qui constituait alors le concurrent direct des lustres : &laquo;&nbsp;Quinquet, s. m. sorte de lampe &agrave; courant d&rsquo;air&nbsp;&raquo; (Boiste,&nbsp;1803, p.329). D&egrave;s le XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, les lustres et leurs bougies de cire avaient effectivement commenc&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre supplant&eacute;s dans les caf&eacute;s parisiens par les lampes &agrave; huile dites &laquo;&nbsp;&agrave; la Quinquet&nbsp;&raquo;, du nom de leur inventeur. Ainsi, en 1788, Mayeur de Saint-Paul rend compte de cette innovation technique dans son <em>Tableau du nouveau Palais-Royal</em>, &agrave; propos du caf&eacute; du Caveau&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ce caf&eacute; est parfaitement &eacute;clair&eacute; le soir par des lampes &agrave; la Quinquet. Chaque lampe est plac&eacute;e dans un bocal de crystal soutenu par deux guirlandes qui viennent se rejoindre au centre ; cette lumi&egrave;re est tr&egrave;s-vive, &amp; ces lampes exigent beaucoup de soins de Ia part des gar&ccedil;ons Limonadiers&nbsp;&raquo; (Mayeur de Saint-Paul,&nbsp;1788,&nbsp;p.36-37).</p> <div id="sdfootnote53"> <p style="text-align: justify;">Il n&rsquo;est ainsi gu&egrave;re &eacute;tonnant que sur la seule illustration connue du caf&eacute; du Bosquet, l&rsquo;unique luminaire visible soit une applique &agrave; quinquet&nbsp;; fix&eacute; au mur, l&rsquo;objet figure en dessus de la Belle Limonadi&egrave;re, qui tr&ocirc;ne derri&egrave;re son comptoir&nbsp;:</p> </div> <div id="sdfootnote56">&nbsp;</div> <p style="text-align: justify;"><img src="https://www.numerev.com/img/ck_774_4_5 fk image_anonyme_cafe_du_bosquet_rue_st_honore_17._aux_amateurs_du_beau_sexe._g.30531_1261229.jpg" /></p> <p style="text-align: center;">Fig. 5 &ndash; <em>Caf&eacute; du Bosquet</em>. Estampe, s. d.</p> <p style="text-align: justify;">Pourtant, le t&eacute;moignage de Philippe-Jacques Bekaert (1782-1852) atteste qu&rsquo;au caf&eacute; des Mille Colonnes, m&ecirc;me &agrave; l&rsquo;&eacute;poque de la Restauration, les &laquo;&nbsp;plus beaux lustres&nbsp;&raquo; continuaient &agrave; faire pleinement partie du spectaculaire d&eacute;cor :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">&laquo;&nbsp;[&hellip;] Je fus l&rsquo;autre jour au caf&eacute; de mille Colonnes, je vous avoue que je n&rsquo;ai jamais rien vu de semblable. Une infinit&eacute; de colonnes r&eacute;fl&eacute;chies par les brillantes glaces qui ornent les salons &eacute;blouissent les yeux. Les colonnes forment des lignes oppos&eacute;es qui s&rsquo;&eacute;tendent si loin que les yeux ne peuvent en atteindre les extr&eacute;mit&eacute;s. Les plus beaux lustres repandent dans tous les salons une lumi&egrave;re &eacute;clatante. On y est servi en cafeti&egrave;res d&rsquo;argent et dans de tr&egrave;s-belles tasses de porcelaine dor&eacute;e. Les chaises, les tables, les garnitures des fen&ecirc;tres r&eacute;pondent &agrave; la magnificence des glaces et des lustres&nbsp;; mais ce qui attire encore davantage l&rsquo;admiration du monde, c&rsquo;est une beaut&eacute; vivante au buffet et qui re&ccedil;oit de l&rsquo;argent. En payant je lui demandai si elle &eacute;tait parisienne, elle me r&eacute;pondit que non. Je pris la libert&eacute; de la prier de satisfaire &agrave; ma curiosit&eacute;. Quel peut &ecirc;tre, lui dis-je, le pays qui a vu na&icirc;tre une beaut&eacute; si merveilleuse. Elle sourit &agrave; ma demande, ce qui me fit voir ses belles dents. Enfin apr&egrave;s une courte conversation, je compris qu&rsquo;elle &eacute;tait une hollandaise de Rotterdam. Plusieurs dames de distinction, et qui n&rsquo;&eacute;taient pas mal favoris&eacute;es par la nature, se trouvaient dans ce caf&eacute; et ne pouvaient en d&eacute;tourner les yeux. Une attitude gracieuse, deux beaux yeux, une superbe chevelure, des traits d&eacute;licats, une peau blanche, des joues un peu color&eacute;es, des l&egrave;vres fines et vermeilles, une bouche et une gorge reguli&egrave;res. Combien cette demoiselle serait touchante si elle &eacute;tait simplement habill&eacute;e, mais sa brillante parure ne fait que cacher sa beaut&eacute;&nbsp;&raquo; (Bekaert, 1825, p.9-10).</p> </blockquote> <div id="sdfootnote56">La connaissance de la chronologie permet d&rsquo;en d&eacute;duire que la &laquo;&nbsp;demoiselle&nbsp;&raquo; &agrave; qui cet exact contemporain d&rsquo;&Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot prend la libert&eacute; de s&rsquo;adresser est bien madame Romain&nbsp;: Bekaert a probablement fait sa connaissance en 1824, donc l&rsquo;ann&eacute;e m&ecirc;me de la mort accidentelle de son mari ; ce malheureux &eacute;v&eacute;nement incita la belle limonadi&egrave;re &agrave; remettre le caf&eacute; des Mille Colonnes, puis &agrave; entrer au couvent pour se faire religieuse.</div> <p style="text-align: justify;">Il serait &eacute;videmment inutile de chercher dans l&rsquo;iconographie une repr&eacute;sentation de la Belle limonadi&egrave;re o&ugrave;, litt&eacute;ralement, &laquo;&nbsp;huit lustres s&rsquo;&eacute;l&egrave;vent sur sa t&ecirc;te&nbsp;&raquo;. Cependant, une illustration la repr&eacute;sente bien avec deux lustres au-dessus d&rsquo;elle, situ&eacute;s de part et d&rsquo;autre de son comptoir&nbsp;:</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp; &nbsp;&nbsp;<img src="https://www.numerev.com/img/ck_774_4_Image9.jpg" /></p> <p style="text-align: center;">Fig. 6 &ndash; <em>La Belle limonadi&egrave;re ou le Tr&ocirc;ne des milles Colonnes</em>. Estampe, 1816.</p> <p style="text-align: justify;">La lexicalisation de cette &laquo;&nbsp;sorte de chandelier de cristal&nbsp;&raquo; concorde avec l&rsquo;apparition des premiers caf&eacute;s parisiens, puisqu&rsquo;on en trouve d&eacute;j&agrave; la d&eacute;finition vers la fin du XVII<sup>e</sup> si&egrave;cle, dans le <em>Dictionnaire universel </em>de Fureti&egrave;re (1690) : &laquo; LUSTRE. f. m. Chandelier de cristal qu&rsquo;on suspend au plancher, ou des plaques de miroir o&ugrave; il y a des branches de chandeliers attach&eacute;es qu&rsquo;on applique contre la muraille pour esclairer un lieu o&ugrave; il y a quelque notable assembl&eacute;e ou ceremonie&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">Ces luminaires &eacute;taient &eacute;galement destin&eacute;s aux usages d&rsquo;un espace priv&eacute; comme le salon ou &agrave; ceux d&rsquo;un espace public tel que le th&eacute;&acirc;tre&nbsp;; or, &agrave; Paris, le caf&eacute; constituait un milieu proche du monde du spectacle et o&ugrave; se croisaient diverses sociabilit&eacute;s. Par cons&eacute;quent, il n&rsquo;est gu&egrave;re &eacute;tonnant qu&rsquo;il arrive que des &laquo;&nbsp;Lustres&nbsp;&raquo; soient &laquo;&nbsp;rompus&nbsp;&raquo; dans <em>Les Entretiens des caf&eacute;s de Paris</em>, une fiction publi&eacute;e en 1702&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les Verres &amp; les Tasses furent cass&eacute;es, les tables et les Cafetieres renvers&eacute;es, les Lustres &amp; les Miroirs rompus, &amp; pendant un quart d&#39;heure ce ne fut que d&eacute;sordres, &amp; coups donnez de part &amp; d&#39;autre&nbsp;&raquo; (De Mailly, 1702, p.115)&nbsp;; le r&ocirc;le central du lustre est encore soulign&eacute; par le frontispice du m&ecirc;me ouvrage, o&ugrave; l&rsquo;on voit l&rsquo;espace d&rsquo;un caf&eacute; &eacute;clair&eacute; au moyen d&rsquo;un chandelier fix&eacute; au plafond.</p> <p style="text-align: justify;">Cependant, la premi&egrave;re d&eacute;finition des caf&eacute;s dans lesquels sont explicitement situ&eacute;s des &laquo;&nbsp;lustres de cristal&nbsp;&raquo; intervient en 1723, &nbsp;avec la publication posthume du <em>Dictionnaire universel de Commerce</em> de Savary des Bruslons :</p> <blockquote> <p style="text-align: justify;">&nbsp; &nbsp; &nbsp;Caffe&rsquo;. Se dit aussi des lieux, ou cabarets dans lesquels on donne &agrave; boire du Caff&eacute;.</p> <p style="text-align: justify;">Les Caffez de Paris sont pour la pl&ucirc;part des r&eacute;duits magnifiquement parez de tables de marbre, de miroirs, &amp; de lustres de cristal, o&ugrave; quantit&eacute; d&rsquo;honn&ecirc;tes gens de la Ville s&rsquo;assemblent autant pour le plaisir de la conversation, &amp; pour y apprendre des nouvelles, que pour y boire de cette boisson, qui n&rsquo;y est jamais si bien pr&eacute;par&eacute;e, que lorsqu&rsquo;on la fait pr&eacute;parer chez soi. [&hellip;.]&nbsp;(Savary des Bruslons,&nbsp;1723, p.516).</p> </blockquote> <div id="sdfootnote58"> <p style="text-align: justify;">Les lustres des caf&eacute;s ont continu&eacute; de faire parler d&rsquo;eux dans les fictions parisiennes du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, ainsi qu&rsquo;en atteste la description par Lesage, en 1740, du caf&eacute; de la R&eacute;gence dans <em>La Valise trouv&eacute;e </em>: &laquo;&nbsp;[&hellip;] vous voyez dans une vaste Salle orn&eacute;e de lustres &amp; de glaces, une vingtaine de graves Personnages, qui jo&uuml;ent aux Dames ou aux Echecs sur des Tables de Marbres, &amp; qui sont entour&eacute;s de Spectateurs attentifs &agrave; les voir jo&uuml;er. Les uns &amp; les autres gardent un si profond silence, qu&rsquo;on n&rsquo;entend dans la Salle aucun bruit que celui que font les jo&uuml;eurs en remuant leurs pi&egrave;ces. Il me semble qu&rsquo;on pourroit justement appeler un pareil Caff&eacute;, le Caff&eacute; d&rsquo;Harpocrate&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; (Lesage, 1740, p.66).&nbsp;Par contraste, c&rsquo;est d&rsquo;ailleurs l&rsquo;absence de lustres (&laquo;&nbsp;du moins de cristal&nbsp;&raquo;) que La Chesnaye des Bois remarque, entre autres, dans ses<em> Lettres hollandoises</em>, publi&eacute;es en 1747&nbsp;: &laquo; Ici les <em>Caff&eacute;s</em> sont tr&egrave;s simples. Nulle D&eacute;esse n&rsquo;y pr&eacute;side. Ce sont des Chambres avec un miroir sans tables de marbre&nbsp;; &amp; sans lustres, du moins de cristal&nbsp;[&hellip;]&nbsp;&raquo; (Aubert de La Chesnaye Des Bois, 1747,&nbsp;vol.1, p.108-109).</p> </div> <div id="sdfootnote61">&nbsp;</div> <p style="text-align: justify;">&nbsp;En r&eacute;sum&eacute;, d&egrave;s l&rsquo;Ancien R&eacute;gime, les lustres de cristal firent partie du mobilier des caf&eacute;s parisiens, dont l&rsquo;agencement leur associait &eacute;galement l&rsquo;indispensable pr&eacute;sence d&rsquo;une &laquo;&nbsp;D&eacute;esse&nbsp;&raquo; au comptoir.</p> <p style="text-align: justify;"><strong>4.2.4. La <em>belle Limonadi&egrave;re</em>&nbsp;dans <em>Les caf&eacute;s de Paris</em> : une muse imp&eacute;riale ?</strong></p> <p style="text-align: justify;">Mais puisque la souverainet&eacute; symboliquement exerc&eacute;e par une &laquo;&nbsp;D&eacute;esse&nbsp;&raquo; sur les &ecirc;tres humains vient d&rsquo;&ecirc;tre &eacute;voqu&eacute;e, on en vient &agrave; se demander si, en 1819, le <em>Fl&acirc;neur patent&eacute;</em> des <em>caf&eacute;s de Paris</em> n&rsquo;&eacute;voquerait pas, &agrave; travers la <em>belle Limonadi&egrave;re</em>, une c&eacute;l&eacute;brit&eacute; d&rsquo;une autre envergure &ndash; &agrave; savoir Napol&eacute;on Bonaparte. Ainsi, il a &eacute;t&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment d&eacute;montr&eacute; que deux ann&eacute;es ponctuent implicitement la l&eacute;gende de la<em> belle Limonadi&egrave;re</em> selon Bazot&nbsp;: 1799 et 1804.&nbsp;Or, ces dates ne peuvent s&rsquo;expliquer par aucune sorte de coh&eacute;rence chronologique, du moins tant que l&rsquo;on ne songe pas &agrave; les mettre en rapport avec le coup d&rsquo;Etat de Brumaire et le sacre de Napol&eacute;on Ier.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;&eacute;cho entre &laquo; cette&nbsp;limonadi&egrave;re c&eacute;l&egrave;bre&nbsp;&raquo; et la l&eacute;gende napol&eacute;onienne se trouve renforc&eacute; par la biographie de l&rsquo;auteur des <em>caf&eacute;s de Paris</em>. En 1819, &Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot allait sur ses trente-sept ans&nbsp;; il &eacute;tait donc &agrave; peine plus &acirc;g&eacute; que madame Romain. &Agrave; partir de 1811, Bazot avait entam&eacute; une carri&egrave;re de r&eacute;dacteur dans la police imp&eacute;riale&nbsp;; en 1816, lors de la Seconde Restauration, il perdit d&eacute;finitivement cet emploi apr&egrave;s avoir refus&eacute; un poste de commissaire en province&nbsp;: &laquo;&nbsp;Malgr&eacute; quelques pi&egrave;ces de vers en l&#39;honneur de la famille royale, tribut command&eacute; par l&#39;exigence de sa place, il &eacute;tait entach&eacute; de <em>Bonapartisme</em>, et pr&eacute;f&eacute;rait son ind&eacute;pendance. Il se mit aux gages des libraires du boulevart, et fit pour eux des compilations, des brochures, des nouvelles, des notices, des ouvrages de circonstance, et revit des &eacute;preuves&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bourg,&nbsp;1841, p.133,&nbsp;article &laquo; M. Bazot (&Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois)&nbsp;&raquo;). Or, &agrave; l&rsquo;&egrave;re des monarchies postr&eacute;volutionnaires, la <em>belle</em> <em>Limonadi&egrave;re</em> assurait la transmission m&eacute;morielle aux yeux d&rsquo;un bonapartiste&nbsp;: cette &laquo;&nbsp;nymphe &agrave; la fois divine et humaine&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bazot, 1819, p.80)&nbsp;constituait en effet un mythe hybride, incarnant une souterraine continuit&eacute; entre la p&eacute;riode du Premier Empire et celle de la Restauration&nbsp;; en creux, Napol&eacute;on Bonaparte demeurait alors l&rsquo;autre l&eacute;gende vivante, bien qu&rsquo;il soit exil&eacute; et emprisonn&eacute; sur l&rsquo;&icirc;le de Sainte-H&eacute;l&egrave;ne<sup><a href="#n12n" name="n12t">12</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Il est cependant plus difficile d&rsquo;&eacute;valuer ce que l&rsquo;&eacute;sot&eacute;risme plus moins volontaire de cette monographie sur <em>Les caf&eacute;s de Paris</em> doit, d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, &agrave; la conjoncture politique de la Restauration et, de l&rsquo;autre, &agrave; la formation polici&egrave;re de Bazot, alors qu&rsquo;en fait, c&rsquo;est surtout son parcours de franc-ma&ccedil;on qui devrait &ecirc;tre retenu comme la v&eacute;ritable constante de sa biographie<sup><a href="#n13n" name="n13t">13</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>5. Conclusion : en de&ccedil;&agrave; des sources, les <em>realia</em></strong></h3> <p style="text-align: justify;">J&rsquo;ai d&rsquo;abord pr&eacute;sent&eacute; diverses acceptions des <em>realia</em>, tout en soulignant que cette notion en histoire demeure n&eacute;glig&eacute;e. D&eacute;finies en tant que &laquo; r&eacute;alit&eacute;s non linguistiques &raquo;, les <em>realia</em> historiques ont ensuite &eacute;t&eacute; appr&eacute;hend&eacute;es &agrave; partir de la distance irr&eacute;ductible qui nous en s&eacute;pare &ndash; celle d&rsquo;un pass&eacute; envisag&eacute; comme une &laquo;&nbsp;alt&eacute;rit&eacute; inconciliable&nbsp;&raquo;. Je propose de consid&eacute;rer les <em>realia</em> comme le soubassement ou l&rsquo;en de&ccedil;&agrave; des sources historiques, dans la mesure o&ugrave; ces deux cat&eacute;gories n&rsquo;engagent pas la m&ecirc;me perception du pass&eacute;. &Agrave; l&rsquo;&eacute;tat brut, les sources se pr&eacute;sentent en effet comme des artefacts disparates, soumis notamment aux al&eacute;as des d&eacute;formations mat&eacute;rielles, alors que leur en de&ccedil;&agrave; renvoie &agrave; la repr&eacute;sentation mentale de signifi&eacute;s. En outre, une recherche de qualit&eacute;, authentiquement critique, est cens&eacute;e &eacute;chapper &agrave; la m&eacute;diocre alternative entre les deux extr&ecirc;mes que repr&eacute;senteraient, d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, l&rsquo;erreur consistant &agrave; hypostasier ce que l&rsquo;on d&eacute;sire prouver et, de l&rsquo;autre, la d&eacute;monstration d&rsquo;&eacute;rudition autant prolixe que vaine, sans v&eacute;ritable prise de risque. Ainsi, il est souhaitable de rappeler qu&rsquo;en g&eacute;n&eacute;ral, dans le champ des &eacute;tudes historiques ou litt&eacute;raires, la connaissance acquise des <em>realia</em> relatifs au corpus &eacute;claire et facilite le n&eacute;cessaire effort d&rsquo;interpr&eacute;tation.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#95a5a6;">_________________________________________________________________________________________________________________________________</span></p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Bibliographie</strong></h3> <ul> <li style="text-align: justify;">Aubert de La Chesnaye Des Bois, F.-A. (1747).&nbsp;<em>Lettres hollandoises, ou les Moeurs, les usages et les coutumes des Hollandois, compar&eacute;s avec ceux de leurs voisins</em>, 2 vol.&nbsp;Amsterdam :&nbsp;Jolly.</li> <li style="text-align: justify;">Balzac, H. (De) (1977). <em>La Cousine Bette</em>, dans <em>La Com&eacute;die humaine</em>, vol. VII, <em>&Eacute;tudes de m&oelig;urs&nbsp;: sc&egrave;nes de la vie parisienne (suite)</em>. Paris :&nbsp;Gallimard, collection &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;.</li> <li style="text-align: justify;">Baudelaire, C. (1975). <em>&OElig;uvres compl&egrave;tes</em>, vol. 1.&nbsp;Paris :&nbsp;Gallimard, collection &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que de la Pl&eacute;iade&nbsp;&raquo;.</li> <li style="text-align: justify;">[Bazot, &Eacute;.-F.] (1819). <em>Les caf&eacute;s de Paris, ou revue politique, critique et litt&eacute;raire des M&oelig;urs du si&egrave;cle, par un Fl&acirc;neur patent&eacute;</em>. Paris :&nbsp;L&eacute;crivain.</li> <li style="text-align: justify;">Bazot,&nbsp;&Eacute;.-F. (1814). <em>Nouvelles parisiennes, ou les Moeurs modernes, suivies de quelques vari&eacute;t&eacute;s litt&eacute;raires</em>, 3 vol.&nbsp;Paris :&nbsp;D&eacute;terville.</li> <li style="text-align: justify;">Bekaert, P.-J. (1825).<em>&nbsp;Lettres de Mr. Philippe Jacques Bekaert, &Eacute;crites pendant son voyage en France et en Italie dans les ann&eacute;es de 1824 et 1825&nbsp;; adress&eacute;es &agrave; Mr. Corneille Bekaert, Membre des &Eacute;tats Provinciaux</em>. Gand :&nbsp;Bogaert de Clerq.</li> <li style="text-align: justify;">Benjamin, W. (1989). <em>Paris, capitale du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;: le livre des passages</em>, trad. de l&#39;allemand par J. Lacoste, d&#39;apr&egrave;s l&#39;&eacute;dition originale &eacute;tablie par R. Tiedemann.&nbsp;Paris :&nbsp;Ed. du Cerf,&nbsp;collection&nbsp;&laquo;&nbsp;Passages&nbsp;&raquo;.</li> <li style="text-align: justify;">Boiste, P.-C.-V. (1803).&nbsp;<em>Dictionnaire universel de la langue fran&ccedil;oise, avec le latin, et manuel d&#39;orthographe et de n&eacute;ologie [&hellip;]</em>, deuxi&egrave;me &eacute;dition, Paris :&nbsp;Desray.</li> <li style="text-align: justify;">Bourg, E.&nbsp;T. (1841).&nbsp;<em>Sarrut Germain, Biographie Des Hommes Du Jour</em>, vol. 6, no.&nbsp;1.&nbsp;Paris :&nbsp;Krabbe.</li> <li style="text-align: justify;">Compagnon, A. (2017).&nbsp;<em>Les Chiffonniers de Paris</em>. Paris :&nbsp;Gallimard,&nbsp;collection &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que des Histoires&nbsp;&raquo;.</li> <li style="text-align: justify;">De La Tynna, J. (1808-1811).&nbsp;<em>Almanach du commerce de Paris, des d&eacute;partements de l&#39;Empire fran&ccedil;ais et des principales villes du monde</em>.&nbsp;Paris&nbsp;:&nbsp;J. de la Tynna.</li> <li style="text-align: justify;">--- (1816). <em>Dictionnaire topographique, historique et &eacute;tymologique des rues de Paris [...].&nbsp;</em>Paris :&nbsp;au Bureau de l&rsquo;Almanach du Commerce.</li> <li style="text-align: justify;">De Mailly, L. (1702).<em>&nbsp;Les Entretiens des caf&eacute;s de Paris, et les dif&eacute;rens qui y surviennent</em>. Tr&eacute;voux :&nbsp;E. Ganeau.</li> <li style="text-align: justify;">De Saussure, F. (1967).&nbsp;<em>Cours de linguistique g&eacute;n&eacute;rale</em>, vol. 1, &eacute;dition critique de Rudolf Engler.&nbsp;Wiesbaden :&nbsp;Otto Harrasowitz.</li> <li style="text-align: justify;">Faul, M. (2009). <em>Les aventures militaires, litt&eacute;raires et autres de Etienne de Jouy (1764-1846), de l&rsquo;Acad&eacute;mie fran&ccedil;aise</em>. Biarritz :&nbsp;Atlantica-S&eacute;guier.</li> <li style="text-align: justify;">Fureti&egrave;re, A. (1690).&nbsp;<em>Dictionnaire universel contenant g&eacute;n&eacute;ralement tous les mots fran&ccedil;ois tant vieux que modernes et les termes de toutes les sciences et des arts, divis&eacute; en deux tomes</em>. La Haye-Rotterdam :&nbsp;Arnout &amp; Reinier Leers.</li> <li style="text-align: justify;">Gril-Mariotte, A. (2015).&nbsp;<em>Les toiles de Jouy&nbsp;: histoire d&rsquo;un art d&eacute;coratif, 1760-1821</em>. Rennes :&nbsp;Presses Universitaires de Rennes.</li> <li style="text-align: justify;">Kleinert, A. (2001).&nbsp;<em>Le &quot;Journal des dames et des modes&quot; ou La conqu&ecirc;te de l&#39;Europe f&eacute;minine (1797-1839).&nbsp;</em>Stuttgart :&nbsp;J. Thorbecke.</li> <li style="text-align: justify;">Lesage, A.-R. (1740).&nbsp;<em>La Valise trouv&eacute;e</em>. Paris :&nbsp;Prault.</li> <li style="text-align: justify;">Mayeur de Saint-Paul, F.-M. (1788).&nbsp;<em>Tableau du nouveau Palais-Royal</em>, 2 vol.&nbsp;Paris :&nbsp;Maradan.</li> <li style="text-align: justify;">Nora, P. (dir.) (1984-1992).&nbsp;L<em>es Lieux de m&eacute;moire</em>, 3 tomes&nbsp;: t. 1, <em>La R&eacute;publique</em> (1 vol., 1984a), t. 2, <em>La Nation</em> (3 vol., 1986), t. 3, <em>Les France </em>(3 vol., 1992). Paris :&nbsp;Gallimard, coll. &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que illustr&eacute;e des histoires&nbsp;&raquo;.</li> <li style="text-align: justify;">--- (1984b).&nbsp;<em>Les lieux de m&eacute;moire</em>. Tome 2, <em>La Nation</em>, vol. 1.&nbsp;Paris :&nbsp;Gallimard, collection &laquo;&nbsp;Biblioth&egrave;que illustr&eacute;e des histoires&nbsp;&raquo;.</li> <li style="text-align: justify;">Parke, T. H. (1986).&nbsp;Baudelaire et La M&eacute;sang&egrave;re.&nbsp;<em>Revue d&rsquo;Histoire Litt&eacute;raire de la France</em>, mars-avril 1987, 86<sup>e</sup> ann&eacute;e, no.&nbsp;2, 248-257.</li> <li style="text-align: justify;">Rey-Debove, J. (1979). <em>Lexique de s&eacute;miotique</em>. Paris : Presses Universitaires de France.</li> <li style="text-align: justify;">Rigogne, T. (2013). Entre histoire et mythes&nbsp;: le premier si&egrave;cle des caf&eacute;s &agrave; Paris (1660-1789). In :&nbsp;Belleguic, T.,&nbsp;Turcot, L. (dir.).&nbsp;<em>Les Histoires de Paris (XVI<sup>e</sup>-XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle)</em>, tome II, Paris,&nbsp;Hermann.</li> <li style="text-align: justify;">Savary des Bruslons, J. et P.-L. (1723).&nbsp;<em>Dictionnaire universel de commerce : contenant tout ce qui concerne le commerce qui se fait dans les quatre parties du monde [&hellip;]</em>, 2 vol.&nbsp;Paris :&nbsp;J. Estienne.</li> <li style="text-align: justify;">[Sell&ecirc;que, J.-B.] (1800). <em>Voyage autour des galeries du Palais-&Eacute;galit&eacute;, par S.....E</em>. Paris :&nbsp;Moller, an VIII.</li> <li style="text-align: justify;">Tomasin, L. (2018).&nbsp;<em>L&rsquo;empreinte digitale. Culture humaniste et technologie</em>.&nbsp;Lausanne :&nbsp;Antipodes, collection &laquo;&nbsp;Contre-pied&nbsp;&raquo;.</li> <li style="text-align: justify;"><em>Tr&eacute;sor de la langue fran&ccedil;aise : dictionnaire de la langue du XIX<sup>e</sup> et du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle (1789-1960)</em>&nbsp;(1971-1994),&nbsp;publi&eacute; sous la dir. de B. Quemada.&nbsp;Paris :&nbsp;Centre national de la recherche scientifique/Klincksieck/Gallimard, vol. 1-14.</li> <li style="text-align: justify;">V&eacute;ron L.-D. (1857).&nbsp;<em>M&eacute;moires d&#39;un bourgeois de Paris : comprenant la fin de l&#39;Empire, la Restauration, la Monarchie de Juillet, la R&eacute;publique jusqu&#39;au r&eacute;tablissement de l&#39;Empire</em>, vol. 3.&nbsp;Paris :&nbsp;Librairie nouvelle.</li> </ul> <h3 style="text-align: justify;">&nbsp;</h3> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Notes</strong></h3> <div id="sdfootnote1"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a></sup> &laquo; Un objet devient lieu de m&eacute;moire quand il &eacute;chappe &agrave; l&#39;oubli, par exemple avec l&#39;apposition de plaques comm&eacute;moratives, et quand une collectivit&eacute; le r&eacute;investit de son affect et de ses &eacute;motions&nbsp;&raquo;. Nora (1984b, p.7).</p> </div> <div id="sdfootnote2"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n2t" name="n2n">2</a></sup> Pluriel de reale, forme neutre de l&acute;adjectif realis (&laquo;&nbsp;r&eacute;el&nbsp;&raquo;).</p> </div> <div id="sdfootnote5"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n3t" name="n3n">3</a></sup> &laquo; On a pr&eacute;tendu qu&rsquo;il est absolument impossible de s&eacute;parer toutes ces questions de l&rsquo;&eacute;tude de la langue proprement dite. C&rsquo;est un point de vue qui a pr&eacute;valu surtout depuis qu&rsquo;on a tant insist&eacute; sur ces &quot;Realia&quot;. &raquo; de Saussure (1967, p.62).</p> </div> <div id="sdfootnote6"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#" name="n4n">4</a></sup>&nbsp;En plus de leurs variables significations en traductologie, les realia d&eacute;signent &eacute;galement les illustrations figurant dans un dictionnaire.</p> </div> <div id="sdfootnote7"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n5t" name="n5n">5</a></sup> &laquo;&nbsp;Figure o&ugrave; l&rsquo;on d&eacute;signe un objet par le nom d&rsquo;un autre qui est li&eacute; au premier dans l&rsquo;exp&eacute;rience (ex.&nbsp;: la partie prise pour le tout)&nbsp;&raquo;. Rey-Debove (1979, p.98).</p> </div> <div id="sdfootnote12"><sup><a href="#n6t" name="n6n">6</a></sup> &laquo;&nbsp;[&hellip;] elle avait apport&eacute; dans son ridicule un cadeau qu&#39;elle comptait faire &agrave; la baronne pour le jour de sa naissance, et qui, selon elle, devait prouver l&#39;existence du fantastique amoureux&nbsp;&raquo;. Balzac (1977, p.89-90).</div> <div id="sdfootnote25"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n7t" name="n7n">7</a></sup> &laquo;&nbsp;Vers 1824, la gloire du caf&eacute; des Mille-Colonnes s&rsquo;&eacute;teignit comme s&rsquo;&eacute;teignent toutes les gloires ! En 1824, Romain le manchot mourait d&rsquo;une chute de cheval, et deux ans apr&egrave;s la belle limonadi&egrave;re se faisait religieuse.&nbsp;&raquo; V&eacute;ron&nbsp;(1857, p.12).</p> </div> <div id="sdfootnote29"><sup><a href="#n8t" name="n8n">8</a></sup> &laquo;&nbsp;Dauphinot, (Dlle.) caf&eacute; du Bosquet, rue Saint-Honor&eacute;, 118.&nbsp;&raquo;</div> <div id="sdfootnote44"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n9t" name="n9n">9</a></sup> &laquo;&nbsp;Son feuilleton Voyage autour des Galeries du Palais Egalit&eacute; qu&rsquo;il avait commenc&eacute; dans le num&eacute;ro du 30 d&eacute;cembre 1798, avait cess&eacute; de para&icirc;tre le 24 avril 1799 (avant d&rsquo;&ecirc;tre imprim&eacute; chez Moller sous forme de livre en 1800)&nbsp;&raquo;.&nbsp;Kleinert (2001, p.51).</p> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n10t" name="n10n">10</a></sup> &laquo;&nbsp;Barban&ccedil;on, caf&eacute; du Bocage, 118 rue Saint-Honor&eacute;&nbsp;&raquo;.&nbsp;</p> </div> <div><sup><a href="#n11t" name="n11n">11</a></sup> &laquo;&nbsp;[&hellip;] n&eacute; &agrave; Ch&acirc;teau-Chinon (Ni&egrave;vre), le 15 mars 1782, d&#39;une famille de petits commer&ccedil;ans. M. Bazot fut envoy&eacute; &agrave; Paris &agrave; l&#39;&acirc;ge de onze ans, en 1793&nbsp;[...] &raquo;.&nbsp;Bourg,&nbsp;1841, p.132,&nbsp;article &laquo; M. Bazot (&Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois)&nbsp;&raquo;.</div> <div id="sdfootnote51"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n12t" name="n12n">12</a></sup> En 1815, Napol&eacute;on avait &eacute;t&eacute; fait prisonnier par le gouvernement britannique, qui d&eacute;cida de le d&eacute;porter sur l&rsquo;&icirc;le de Sainte-H&eacute;l&egrave;ne ; il y resta jusqu&rsquo;&agrave; sa mort, en 1821.</p> </div> <div id="sdfootnote63"> <p style="text-align: justify;"><sup><a href="#n13t" name="n13n">13</a></sup> &Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois Bazot &eacute;tait franc-ma&ccedil;on depuis 1806 (Bourg,&nbsp;&nbsp;1841, p.133,&nbsp;article &laquo; M. Bazot (&Eacute;tienne-Fran&ccedil;ois)&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong style="font-size: 13px;"><sup><a href="#n*t" name="n*n">*</a></sup> Biographie</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Francis Kay r&eacute;alise actuellement une th&egrave;se en litt&eacute;rature fran&ccedil;aise &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Lausanne (Suisse) qui s&rsquo;intitule &quot;L&#39;intrigue des caf&eacute;s. Clandestinit&eacute;s parisiennes et fictions interlopes (1682-1852)&quot;, sous la direction de Fran&ccedil;ois Rosset. Ce travail de recherche combine plusieurs disciplines : litt&eacute;rature fran&ccedil;aise, th&eacute;&acirc;tre, historiographie. Il a publi&eacute; de nombreux articles acad&eacute;miques dont, entre autres, &laquo;&nbsp;Les caf&eacute;s des Nuits de Paris&nbsp;: des &quot;lieux abusifs&quot; ?&nbsp;&raquo; (in&nbsp;: &Eacute;tudes r&eacute;tiviennes, n&deg;41, Actes du colloque Le Paris de R&eacute;tif de la Bretonne, pp. 61-72, Paris&nbsp;: Soci&eacute;t&eacute; R&eacute;tif de la Bretonne, 2009) ainsi que &laquo;&nbsp;L&rsquo;ombre des caf&eacute;s parisiens&nbsp;(1682-1852)&nbsp;&raquo; (in&nbsp;: Les Lumi&egrave;res de l&rsquo;ombre&nbsp;: libres penseurs, h&eacute;r&eacute;tiques, espions, pp. 65-89, Paris&nbsp;: Honor&eacute; Champion, 2020). Par ailleurs, Francis Kay est membre de la Soci&eacute;t&eacute; R&eacute;tif de La Bretonne et de la Soci&eacute;t&eacute; suisse pour l&rsquo;&eacute;tude du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> </div>