<h1 style="text-align: center;"><span style="color:#993366;"><b>D&eacute;construire le mythe de la chute des <i>Burgraves </i>de Hugo<i> </i>:<i>&nbsp;</i>r&eacute;alit&eacute; et repr&eacute;sentations du 7 mars 1843</b></span></h1> <p style="text-align: center;"><b>Agathe Giraud<sup><a href="#n*n" name="n*t">*</a></sup></b></p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Le 7 mars 1843 <i>Les Burgraves</i> de Victor Hugo sont jou&eacute;s &agrave; la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise. Tr&egrave;s vite na&icirc;t un mythe th&eacute;&acirc;tral qui perdure pendant pr&egrave;s d&rsquo;un si&egrave;cle et demi&nbsp;: celui de la chute des <i>Burgraves</i>, et avec lui de tout le drame romantique. Le dernier drame de Hugo constituerait, selon la formule de Camille Latreille dans sa th&egrave;se en 1899, le &laquo;&nbsp;Waterloo du romantisme&nbsp;&raquo; (Latreille, 1899, p.84). L&rsquo;histoire litt&eacute;raire a voulu faire croire &agrave; l&rsquo;&eacute;chec de la pi&egrave;ce pour mettre &agrave; mort Victor Hugo et le drame romantique, tous deux trop d&eacute;rangeants pour la sc&egrave;ne fran&ccedil;aise et les enjeux politiques, moraux et sociaux de la France&nbsp;: les romantiques, indignes patriotes car p&eacute;tris de l&rsquo;influence de la litt&eacute;rature &eacute;trang&egrave;re, perturberaient le syst&egrave;me th&eacute;&acirc;tral, garant et reflet de l&rsquo;ordre social. La sc&egrave;ne, r&eacute;put&eacute;e classique, de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, serait envahie par les h&eacute;ros romantiques, avec leurs poignards et leurs poisons. Ils seraient juste bons &agrave; &ecirc;tre des personnages de m&eacute;lodrame. Pour couronner le tout, le drame hugolien ne sauve pas ses personnages par une fin providentielle&nbsp;et l&rsquo;ordre social n&rsquo;est pas restaur&eacute;. Le drame ne fortifierait donc pas le lien social mais au contraire l&rsquo;an&eacute;antirait. Ainsi, dire que le drame romantique meurt en 1843, c&rsquo;est lui attribuer une p&eacute;riode d&rsquo;existence la plus courte possible &ndash;&nbsp;de 1830, avec <i>Hernani</i>, &agrave; 1843, avec <i>Les Burgraves</i> &ndash; et essayer de minimiser son int&eacute;r&ecirc;t et son impact culturels (Naugrette, 2011).</p> <p style="text-align: justify;">Mais &agrave; la fin du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, des travaux d&rsquo;historiens du th&eacute;&acirc;tre mettent en cause la borne de 1843 prise par l&rsquo;histoire litt&eacute;raire pour p&eacute;riodiser le drame romantique, notamment par un travail dans les archives de la cr&eacute;ation de la pi&egrave;ce. En 1995, Patrick Berthier montre que la pi&egrave;ce n&rsquo;a pas chut&eacute;&nbsp;: elle a &eacute;t&eacute; jou&eacute;e trente-trois fois, nombre de repr&eacute;sentations tout &agrave; fait habituel &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, et les recettes sont honorables (Berthier, 1995). En 2008, Olivier Bara &eacute;tudie la pi&egrave;ce de Ponsard, <i>Lucr&egrave;ce</i>, qui a, pendant un si&egrave;cle et demi, &eacute;tait consid&eacute;r&eacute;e comme le retour de l&rsquo;esth&eacute;tique classique sur la sc&egrave;ne fran&ccedil;aise, avec un succ&egrave;s en avril 1843 &agrave; l&rsquo;Od&eacute;on, un mois apr&egrave;s le d&eacute;but des repr&eacute;sentations des <i>Burgraves. </i>Ce succ&egrave;s, parall&egrave;le &agrave; l&rsquo;&eacute;chec de Hugo, serait la preuve que la derni&egrave;re heure du romantisme a sonn&eacute;. Or Olivier Barra montre que ce succ&egrave;s est un succ&egrave;s de circonstance, d&ucirc; &agrave; une m&eacute;diatisation par les ennemis n&eacute;o-classiques de Hugo. Le pr&eacute;tendu &eacute;chec des <i>Burgraves</i> est orchestr&eacute; par une cabale dress&eacute;e contre la pi&egrave;ce, mais aussi et surtout contre le drame romantique et Hugo. Ces travaux t&eacute;moignent donc de la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;interroger le discours de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire et de d&eacute;construire le mythe de la chute des <i>Burgraves</i>, discours qui se veut officiel car relay&eacute; dans les manuels scolaires, les programmes des examens et concours mais aussi dans certains propos du discours universitaire<sup><a href="#n1n" name="n1t">1</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Nous voudrions montrer que c&rsquo;est par un travail dans les archives, surtout celles de la cr&eacute;ation et de la r&eacute;ception imm&eacute;diate en 1843 &ndash; registres de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, manuscrit du souffleur, correspondances, journaux intimes, revue de presse &ndash; que nous pouvons comprendre comment ce mythe a &eacute;t&eacute; construit, et ainsi le d&eacute;construire. Il s&rsquo;agit de confronter la l&eacute;gende aux faits que les archives offrent. Le mythe de la chute des <i>Burgraves </i>peut et doit &ecirc;tre d&eacute;construit par un travail d&rsquo;historien du th&eacute;&acirc;tre, dans les sources qui sont &agrave; l&rsquo;origine du mythe, mais aussi dans celles qui ont &eacute;t&eacute; &eacute;vinc&eacute;es par le discours officiel de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire. En effet, si les sources qui prouvent que <i>Les Burgraves</i> n&rsquo;ont pas chut&eacute; existent bel et bien, pourquoi l&rsquo;histoire litt&eacute;raire n&rsquo;en parle-t-elle pas&nbsp;? Pourquoi &eacute;couter le journal <i>Le&nbsp;Constitutionnel</i> qui parle de &laquo;&nbsp;revers&nbsp;&raquo; (<i>Le Constitutionnel,</i>&nbsp;31 mars 1843)&nbsp;pour qualifier la repr&eacute;sentation du 7 mars 1843 alors que le registre de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise note &laquo;&nbsp;succ&egrave;s contest&eacute;&nbsp;&raquo; (Registre des recettes journali&egrave;res de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, cote R262)&nbsp;pour la m&ecirc;me premi&egrave;re repr&eacute;sentation ? Pendant plus d&rsquo;un si&egrave;cle, c&rsquo;est la position du <i>Constitutionnel </i>qui est retenue. L&rsquo;historien du th&eacute;&acirc;tre doit tenter de comprendre pourquoi telle voix a &eacute;t&eacute; davantage entendue par l&rsquo;histoire litt&eacute;raire et prise comme t&eacute;moin privil&eacute;gi&eacute; de l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement de 1843, et pourquoi telle autre a au contraire &eacute;t&eacute; enfouie dans l&rsquo;oubli.</p> <p style="text-align: justify;">Les sources dont nous disposons ont chacune un certain degr&eacute; de fiabilit&eacute; et sont amen&eacute;es parfois &agrave; se contredire. C&rsquo;est pourquoi il est difficile de d&eacute;tricoter le mythe de la chute des <i>Burgraves</i>. Nous montrerons comment il est n&eacute;cessaire de faire dialoguer les sources entre elles et d&rsquo;examiner leurs conditions d&rsquo;&eacute;nonciation pour tenter d&rsquo;&eacute;tablir la r&eacute;alit&eacute; de la soir&eacute;e du 7 mars 1843, qui a &eacute;t&eacute; interpr&eacute;t&eacute;e et reconstruite d&egrave;s la m&ecirc;me ann&eacute;e, repr&eacute;sentation perp&eacute;tu&eacute;e pendant toute la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle et une grande partie du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Pour esp&eacute;rer approcher la v&eacute;rit&eacute; de cet &eacute;v&eacute;nement, il faut distinguer les sources qui se contentent d&rsquo;&eacute;tablir des faits, celles qui ont un int&eacute;r&ecirc;t public et celles qui sont de l&rsquo;ordre du priv&eacute; et de l&rsquo;intime. Ainsi, <i>Le&nbsp;Constitutionnel</i> parle d&rsquo;&eacute;chec car c&rsquo;est un journal antiromantique et antihugolien qui se doit d&rsquo;abattre publiquement Victor Hugo,&nbsp;alors que le registre de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise n&rsquo;a aucun int&eacute;r&ecirc;t public&nbsp;: sa fonction est juste de noter les faits.</p> <p style="text-align: justify;">Notre enqu&ecirc;te pour savoir si le 7 mars 1843 a v&eacute;ritablement &eacute;t&eacute; un succ&egrave;s ou un &eacute;chec commencera donc par l&rsquo;&eacute;tablissement des faits&nbsp;: les registres financiers, les proc&egrave;s-verbaux des s&eacute;ances du comit&eacute; de lecture et des assembl&eacute;es du th&eacute;&acirc;tre constitueraient des sources dont la v&eacute;racit&eacute; serait ind&eacute;niable. Il appara&icirc;t tr&egrave;s clairement, par ces archives, que la pi&egrave;ce n&rsquo;a pas chut&eacute;. Nous nous int&eacute;resserons ensuite aux sources relevant du priv&eacute; ou de l&rsquo;intime &ndash; journal intime de M<sup>lle</sup> Mars, lettres de Juliette Drouet &agrave; Victor Hugo &ndash; qui eux aussi ne parlent pas d&rsquo;&eacute;chec, mais de succ&egrave;s ou alors de repr&eacute;sentations mouvement&eacute;es, du fait de la cabale qui s&rsquo;acharne contre la pi&egrave;ce<sup><a href="#n2n" name="n2t">2</a></sup>. Nous verrons au contraire comment ce sont principalement les discours relevant d&rsquo;un enjeu public qui cherchent &agrave; abattre la pi&egrave;ce et Victor Hugo. M&ecirc;me si dans ces discours relevant de la sph&egrave;re publique plusieurs parlent de succ&egrave;s, nous verrons enfin comment l&rsquo;histoire litt&eacute;raire les enfouit dans l&rsquo;oubli et op&egrave;re un tri des sources pour construire une &laquo;&nbsp;contrev&eacute;rit&eacute; officielle&nbsp;&raquo; selon l&rsquo;expression de Pierre Laforgue (2002, p.25).</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>1. Confronter la l&eacute;gende aux faits&nbsp;: les registres de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Les archives de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise conservent plusieurs types de registre o&ugrave; sont consign&eacute;s jour apr&egrave;s jour des d&eacute;tails permettant &agrave; l&rsquo;historien du th&eacute;&acirc;tre d&rsquo;enqu&ecirc;ter avec pr&eacute;cision pour &eacute;tablir la v&eacute;rit&eacute; du 7 mars 1843. Ces documents n&rsquo;ont pas d&rsquo;autre vocation au moment de leur cr&eacute;ation que celle de retranscrire les faits, pour l&rsquo;administration interne du th&eacute;&acirc;tre&nbsp;: ils constituent donc la source la plus fiable pour l&rsquo;historien puisqu&rsquo;ils n&rsquo;ont pas pour but de d&eacute;fendre ou d&rsquo;accuser Victor Hugo et n&rsquo;ob&eacute;issent donc pas &agrave; une logique discursive implicite.</p> <p style="text-align: justify;">La pi&egrave;ce n&rsquo;est pas sujet &agrave; d&eacute;bat lors de sa pr&eacute;sentation au Comit&eacute; de lecture de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise le 23 novembre 1842&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le comit&eacute; a vot&eacute; au scrutin secret. D&eacute;pouillement&nbsp;: treize boules blanches, une boule rouge. L&rsquo;ouvrage a &eacute;t&eacute; re&ccedil;u&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n3n" name="n3t">3</a></sup>. La pi&egrave;ce est accept&eacute;e sans correction ni remarques particuli&egrave;res&nbsp;: rien ne pr&eacute;sage alors la cabale qui va s&rsquo;acharner contre l&rsquo;&oelig;uvre, except&eacute; peut-&ecirc;tre que c&rsquo;est une pi&egrave;ce de Victor Hugo, qui n&rsquo;a rien donn&eacute; au th&eacute;&acirc;tre depuis 1838 avec <i>Ruy Blas</i> et que ses ennemis attendent au tournant.</p> <p style="text-align: justify;">Les registres des recettes journali&egrave;res notent le nom de la pi&egrave;ce jou&eacute;e, le montant de la recette du jour, le nombre de places vendues, et tout commentaire sur la repr&eacute;sentation dont il est question. Ainsi, il est &eacute;crit &laquo;&nbsp;succ&egrave;s contest&eacute;&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n4n" name="n4t">4</a></sup> &agrave; la date du 7 mars 1843&nbsp;: la pi&egrave;ce n&rsquo;est pas un four, mais la mention de contestations peut s&rsquo;expliquer par la cabale ourdie par les ennemis de Victor Hugo, dont la col&egrave;re est attis&eacute;e depuis le mois de d&eacute;cembre par l&rsquo;affaire M<sup>lle</sup> Maxime qui devait jouer le r&ocirc;le de Guanhumara<sup><a href="#n5n" name="n5t">5</a></sup>. Hugo retire le r&ocirc;le &agrave; l&rsquo;actrice au bout d&rsquo;une trentaine de r&eacute;p&eacute;titions. M<sup>lle</sup> Maxime tra&icirc;ne en justice Hugo et le th&eacute;&acirc;tre. Le tribunal de premi&egrave;re instance et la cour d&rsquo;appel de Paris se d&eacute;clarent incomp&eacute;tents et ne condamnent ni Hugo ni la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise. Mais cette victoire juridique n&rsquo;emp&ecirc;che pas Hugo d&rsquo;&ecirc;tre l&rsquo;objet d&rsquo;une cabale men&eacute;e par les partisans de M<sup>lle</sup> Maxime qui sont l&agrave; moins pour d&eacute;fendre M<sup>lle</sup> Maxime que pour assassiner une bonne fois pour toutes Hugo et la clique romantique qui ose s&rsquo;immiscer sur la sc&egrave;ne du Fran&ccedil;ais. C&rsquo;est parce qu&rsquo;elle est m&eacute;diatis&eacute;e par cette affaire que la pi&egrave;ce de Hugo attire autant l&rsquo;attention&nbsp;: on crie &agrave; l&rsquo;&eacute;chec avant m&ecirc;me la premi&egrave;re. Les ennemis de Hugo sont donc pr&ecirc;ts &agrave; siffler la pi&egrave;ce le 7 mars, comme en t&eacute;moigne l&rsquo;&eacute;dition annot&eacute;e des <i>Burgraves</i> &eacute;tudi&eacute;e par Evelyn Blewer (1999) : c&rsquo;est probablement ce qui explique le caract&egrave;re &laquo;&nbsp;contest&eacute;&nbsp;&raquo; du &laquo;&nbsp;succ&egrave;s&nbsp;&raquo; de la pi&egrave;ce. Mais l&rsquo;histoire litt&eacute;raire a oubli&eacute; cette cabale pour faire croire que la pi&egrave;ce &eacute;tait intrins&egrave;quement mauvaise<sup><a href="#n6n" name="n6t">6</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">C&rsquo;est surtout par les indications des recettes journali&egrave;res que ces registres pr&eacute;sentent la preuve indubitable que <i>Les Burgraves</i> n&rsquo;ont pas chut&eacute;<sup><a href="#n7n" name="n7t">7</a></sup>. La pi&egrave;ce est jou&eacute;e dix-neuf fois seule (du 7 mars 1843 au 20 avril 1843) avant d&rsquo;&ecirc;tre mise &agrave; l&rsquo;affiche avec une autre pi&egrave;ce du r&eacute;pertoire pour les quatorze repr&eacute;sentations suivantes &ndash; devenir habituel de toute pi&egrave;ce lorsque les recettes commencent &agrave; &ecirc;tre moins &eacute;lev&eacute;es &ndash; c&rsquo;est-&agrave;-dire trente-trois fois au total, ce qui est un nombre honorable de repr&eacute;sentations &agrave; l&rsquo;&eacute;poque. Henri Lyonnet, en 1930, consulte d&eacute;j&agrave; ces registres et conclut &agrave; l&rsquo;&eacute;chec &ndash; &laquo;&nbsp;&agrave; la onzi&egrave;me repr&eacute;sentation, la recette &eacute;tait tomb&eacute;e &agrave; 1328 francs. A la trente-troisi&egrave;me et derni&egrave;re, elle n&rsquo;atteignit pas 500 francs&nbsp;&raquo; (Lyonnet, 1930, p.164) &ndash; mais il ne relativise pas ces chiffres. En effet, il faut comparer les recettes des <i>Burgraves</i> avec d&rsquo;autres pi&egrave;ces de la m&ecirc;me &eacute;poque et d&rsquo;autres drames romantiques, pour voir si la pi&egrave;ce de Hugo ob&eacute;it ou non &agrave; un sch&eacute;ma &agrave; part. La recette la plus importante est de 2967 francs lors de la quatri&egrave;me repr&eacute;sentation et la plus basse est de 402 francs (jou&eacute;e avec <i>L&rsquo;Art et le m&eacute;tier</i>, com&eacute;die de Masselin et Veyrat). <i>Henri III et sa cour</i>, pi&egrave;ce souvent prise avec <i>Hernani </i>comme le moment o&ugrave; le drame romantique s&rsquo;impose sur la sc&egrave;ne, est jou&eacute;e 46 fois en 1830. Certes les recettes d&eacute;passent largement celles des <i>Burgraves&nbsp;</i>&ndash; elles avoisinent souvent 5000 francs &ndash; mais une courbe compar&eacute;e des recettes montre que les deux pi&egrave;ces suivent un sch&eacute;ma similaire : une fois l&rsquo;&eacute;mulation des premi&egrave;res repr&eacute;sentations pass&eacute;e, les recettes baissent peu &agrave; peu et la pi&egrave;ce est jou&eacute;e accompagn&eacute;e d&rsquo;une deuxi&egrave;me. En 1843, les recettes de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise sont g&eacute;n&eacute;ralement moins &eacute;lev&eacute;es qu&rsquo;au d&eacute;but des ann&eacute;es trente. <i>Les Burgraves </i>suivent donc le devenir habituel des &oelig;uvres romantiques jou&eacute;es &agrave; la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, que ce soit en 1830 ou en 1843, et ne font pas moins recette que les autres. Une diff&eacute;rence notable appara&icirc;t cependant lorsque l&rsquo;on regarde les archives de 1843 des spectacles jou&eacute;s &agrave; la Com&eacute;die- Fran&ccedil;aise avec Rachel dans un r&ocirc;le-titre : la courbe des recettes de <i>Ph&egrave;dre, </i>jou&eacute;e d&egrave;s janvier 1843, reste horizontale. La pi&egrave;ce ne chute pas, que ce soit &agrave; la cinqui&egrave;me ou &agrave; la vingti&egrave;me repr&eacute;sentation et les recettes restent stables, autour de 5000 francs. <i>Les Burgraves, </i>qui sont donc jou&eacute;s en m&ecirc;me temps, ne peuvent faire le poids. Mais leur pr&eacute;tendu &eacute;chec est &agrave; relativiser&nbsp;: Victor Hugo ne fait pas consensus comme le fait Racine, auteur canonis&eacute; et classique, et les acteurs des <i>Burgraves </i>ne passionnent pas autant que la &laquo;&nbsp;star&nbsp;&raquo; Rachel. Comme l&rsquo;&eacute;crit Gautier dans <i>La Presse </i>le 2 mai 1843 : &laquo; L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t qui s&rsquo;attache &agrave; M<sup>lle</sup> Rachel ne s&rsquo;&eacute;tend pas aux pi&egrave;ces qu&rsquo;elle joue&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><b>2. Les sources priv&eacute;es ou intimes</b></h3> <p style="text-align: justify;">Si les sources trouv&eacute;es dans les archives de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise nous permettent d&rsquo;affirmer qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un &laquo;&nbsp;succ&egrave;s&nbsp;&raquo;, m&ecirc;me &laquo;&nbsp;contest&eacute;&nbsp;&raquo;, il en est de m&ecirc;me des sources relevant de la sph&egrave;re priv&eacute;e et intime. La seule difficult&eacute; est d&rsquo;exhumer ces sources, qui souvent, par leur caract&egrave;re non public, restent inconnues ou oubli&eacute;es. Les ennemis de Victor Hugo ont pu s&rsquo;imposer par la force du tapage m&eacute;diatique de la cabale<sup><a href="#n8n" name="n8t">8</a></sup>, alors que parfois ceux qui parlaient de succ&egrave;s sont rest&eacute;s plus discrets. Dans son journal intime, M<sup>lle</sup> Mars &eacute;crit ainsi &agrave; la date du 7 mars que &laquo;&nbsp;la pi&egrave;ce a r&eacute;ussi&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n9n" name="n9t">9</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Les lettres que Juliette Drouet envoie quotidiennement &agrave; Victor Hugo fournissent &eacute;galement des t&eacute;moignages &eacute;clairants sur l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement de 1843<sup><a href="#n10n" name="n10t">10</a></sup>.&nbsp; L&rsquo;admiration de Juliette pour la pi&egrave;ce n&rsquo;est pas r&eacute;ductible &agrave; l&rsquo;amour qu&rsquo;elle ressent pour son &laquo;&nbsp;grand homme&nbsp;&raquo;. Elle loue &agrave; plusieurs reprises la beaut&eacute; de l&rsquo;ouvrage et parle de la repr&eacute;sentation des <i>Burgraves</i> de Hugo comme &laquo;&nbsp;le succ&egrave;s de la plus belle de [ses] pi&egrave;ces&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n11n" name="n11t">11</a></sup>. Elle &eacute;voque aussi la cabale &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre pour mettre en &eacute;chec le drame de Hugo le soir de la premi&egrave;re, mais pr&eacute;cise que cette cabale a &eacute;chou&eacute;, car la pi&egrave;ce est de qualit&eacute;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous devons cependant nous r&eacute;jouir de la victoire d&rsquo;hier car avec la malveillance &eacute;vidente qu&rsquo;il y avait dans la salle, et la faiblesse des acteurs, il a fallu que ta pi&egrave;ce f&ucirc;t la plus belle que tu eusses faite pour triompher de la haine violente de tes ennemis et de la m&eacute;diocrit&eacute; des acteurs&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n12n" name="n12t">12</a></sup>.&nbsp;Si la pi&egrave;ce est un succ&egrave;s &agrave; la premi&egrave;re, les ennemis de Hugo continuent de vouloir la faire chuter et les lettres de Juliette Drouet nous permettent de prouver l&rsquo;acharnement de la cabale contre <i>Les Burgraves </i>qui<i>&nbsp;</i>alternent entre repr&eacute;sentations &agrave; succ&egrave;s et repr&eacute;sentations houleuses. Le 9 mars semble avoir &eacute;t&eacute; une repr&eacute;sentation o&ugrave; les ennemis ont davantage donn&eacute; de la voix&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il est vrai de dire que, gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;acharnement stupide de tes ennemis, tu es oblig&eacute; de suivre les repr&eacute;sentations plus longtemps et avec plus de soin que de coutume&nbsp;&raquo;<sup><a href="#" name="n13t">13</a></sup>. Au contraire, le 11 mars est une repr&eacute;sentation o&ugrave; le succ&egrave;s &eacute;clate&nbsp;: &laquo;&nbsp;Quelle belle soir&eacute;e que celle d&rsquo;hier, mon Toto, quelle magnifique repr&eacute;sentation. C&rsquo;est une des plus belles que tu aies jamais eues, mon Toto ravissant. Mais aussi c&rsquo;est si beau, si admirablement beau, si saisissant et si sublime que les intelligences les plus born&eacute;es et les ennemis les plus f&eacute;roces sont oblig&eacute;s d&rsquo;admirer&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n14n" name="n14t">14</a></sup> La m&eacute;taphore guerri&egrave;re parcourt les lettres de Juliette Drouet&nbsp;: &laquo;&nbsp;Aussi ce soir j&rsquo;ai la conviction que nous enterrons [sic] les Maximilien et leur honteuse opposition&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n15n" name="n15t">15</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Aux lettres de Juliette Drouet s&rsquo;ajoutent quelques lettres d&rsquo;amis ou de proches de Victor Hugo o&ugrave; encore une fois on ne parle pas d&rsquo;&eacute;chec. Si par exemple Vigny (1997, p.781)&nbsp;parle de cabale, cela ne veut pas dire que la pi&egrave;ce a chut&eacute;, et bien au contraire, pour lui, la pi&egrave;ce est telle qu&rsquo;aucune cabale ne fera le poids&nbsp;: &laquo;&nbsp;Laissez passer la cabale, mon cher Victor, <i>Les Burgraves</i> ne peuvent tomber, c&rsquo;est une &oelig;uvre immortelle&nbsp;&raquo;.&nbsp;Certes Vigny tente peut-&ecirc;tre de rassurer son ami, mais cette lettre envoy&eacute;e le 10 mars 1843 t&eacute;moigne que la premi&egrave;re repr&eacute;sentation n&rsquo;est pas un four comme le pr&eacute;tend l&rsquo;histoire litt&eacute;raire, puisque la pi&egrave;ce est toujours &agrave; l&rsquo;affiche. Une lettre de L&eacute;opoldine nous indique &eacute;galement l&rsquo;enthousiasme qui parcourt les rangs hugoliens &agrave; la suite du 7 mars 1843&nbsp;: &laquo;&nbsp;Mon bon p&egrave;re ch&eacute;ri, j&rsquo;ai bien des f&eacute;licitations &agrave; te faire, bien des choses &agrave; te dire. Je savais bien que ton magnifique drame serait compris du public, mais il l&rsquo;a &eacute;t&eacute;, il para&icirc;t, aussi compl&egrave;tement que possible&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n16n" name="n16t">16</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><b>3. Abattre ou d&eacute;fendre publiquement Victor Hugo</b></h3> <p style="text-align: justify;">Au contraire des archives pr&eacute;sentes &agrave; la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise ou des sources relevant de l&rsquo;intime et du priv&eacute;, les discours qui s&rsquo;inscrivent dans la sph&egrave;re publique cherchent &agrave; occuper une place pr&eacute;cise dans le champ litt&eacute;raire de 1843. Leurs conditions d&rsquo;&eacute;nonciation doivent &ecirc;tre rigoureusement &eacute;tudi&eacute;es pour comprendre pourquoi tels discours attaquent la pi&egrave;ce de Victor Hugo et crient &agrave; l&rsquo;&eacute;chec tandis que d&rsquo;autres la d&eacute;fendent et parlent de succ&egrave;s.</p> <p style="text-align: justify;">Ainsi, les dossiers de presse constituent souvent pour l&rsquo;historien du th&eacute;&acirc;tre la premi&egrave;re entr&eacute;e dans la r&eacute;ception d&rsquo;une &oelig;uvre. Malgr&eacute; le fonds inestimable que les journaux offrent au chercheur, ils constituent une source dont il faut sans cesse interroger l&rsquo;origine. L&rsquo;inscription du journal dans le champ litt&eacute;raire, politique et social de l&rsquo;&eacute;poque, mais &eacute;galement celle du critique qui &eacute;crit, d&eacute;terminent souvent la prise de position de l&rsquo;article. Cette question se pose d&rsquo;autant plus pour <i>Les Burgraves</i> qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une pi&egrave;ce de Victor Hugo et d&rsquo;un drame romantique. En effet, Victor Hugo est une figure publique, dont les controverses avec la censure ont fait du bruit, et il est acad&eacute;micien depuis 1841. Depuis les ann&eacute;es 1830, le drame romantique polarise de nombreux d&eacute;bats au sein desquels les affinit&eacute;s esth&eacute;tiques croisent les affinit&eacute;s politiques. Les positions des critiques sur l&rsquo;&eacute;chiquier politique et social ne sont pas sans influence sur leurs positionnements esth&eacute;tiques quant au drame romantique. Ainsi, comprendre la r&eacute;ception des <i>Burgraves </i>en 1843, c&rsquo;est prendre en compte ces querelles qui ne datent pas d&rsquo;hier. La pi&egrave;ce ne fait pas na&icirc;tre de nouvelles animosit&eacute;s&nbsp;: au contraire, elle r&eacute;active des diff&eacute;rends ancr&eacute;s dans les esprits du public et des critiques.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;historien du th&eacute;&acirc;tre ne doit donc pas &ecirc;tre dupe de ce qui est &eacute;crit dans ces sources. Pour parler des repr&eacute;sentations des <i>Burgraves</i>, chaque journal parle de succ&egrave;s ou d&rsquo;&eacute;chec selon ce qui sert le mieux sa cause. Le 12 mars, le journal lib&eacute;ral <i>Le Constitutionnel,</i> prononce l&rsquo;arr&ecirc;t de mort&nbsp;: tout porte &laquo; &agrave; croire que cette pi&egrave;ce est le dernier effort du drame romantique &raquo; (<i>Le Constitutionnel</i>, 12 mars 1843). Le 20 mars la pi&egrave;ce est jou&eacute;e au profit des victimes du d&eacute;sastre de la Guadeloupe et le journal critique cette op&eacute;ration marchande : la pi&egrave;ce aurait besoin d&rsquo;une telle soir&eacute;e pour survivre et &eacute;viter la fin prochaine. Le 23 mars, le journal<i> </i>d&eacute;crit un &laquo; revers &eacute;clatant &raquo; pendant lequel la pi&egrave;ce a &laquo; &eacute;t&eacute; siffl&eacute;e&nbsp;&raquo; (<i>Le Constitutionnel</i>, 23 mars 1843). Les journalistes du <i>Constitutionnel</i> sont antiromantiques et antihugoliens et les amis de Victor Hugo le savent, comme en t&eacute;moignent la lettre de Juliette Drouet du 27 mars&nbsp;: &laquo; En attendant, il faut [&hellip;] se r&eacute;signer &agrave; entendre grogner les porcs du <i>National</i> et beugler les veaux du <i>Constitutionnel</i> demain aux endroits les plus beaux&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n17n" name="n17t">17</a></sup>. Au contraire, Th&eacute;ophile Gautier, dans <i>La Presse </i>du 14 mars 1843, &eacute;crit que le public s&rsquo;est montr&eacute; digne de l&rsquo;&oelig;uvre. Mais Gautier est l&rsquo;ami fid&egrave;le de Hugo, le compagnon de lutte : &agrave; quel point le critique est-il influenc&eacute; par l&rsquo;ami ? Janin &eacute;crit que &laquo; le succ&egrave;s a &eacute;t&eacute; presque unanime, il a &eacute;t&eacute; solennel&nbsp;&raquo;<sup>&nbsp;<a href="#n18n" name="n18t">18</a></sup>. Mais Sainte-Beuve, dans ses <i>Chroniques parisiennes</i>, analyse le terme &laquo;&nbsp;solennel&nbsp;&raquo; employ&eacute; par Janin comme synonyme d&rsquo;&laquo; ennuyeux &raquo;. Janin, le soir de la premi&egrave;re, aurait, selon Sainte-Beuve, clam&eacute; son d&eacute;saccord face &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de Hugo dans le foyer du th&eacute;&acirc;tre en criant : &laquo; Si j&rsquo;&eacute;tais ministre de l&rsquo;int&eacute;rieur, je donnerais la croix d&rsquo;honneur &agrave; celui qui sifflerait le premier&nbsp;&raquo;<sup><a href="#" name="n19t">19</a></sup>. Mais Janin n&rsquo;aurait pas pu livrer sa v&eacute;ritable pens&eacute;e sur la pi&egrave;ce &agrave; cause de l&rsquo;amiti&eacute; qui unissait Hugo au directeur du <i>Journal des d&eacute;bats, </i>Bertin. Nous sommes donc, devant ce kal&eacute;idoscope d&rsquo;avis divergents, oblig&eacute;s d&rsquo;avouer notre incapacit&eacute; &agrave; trancher la r&eacute;ception de la pi&egrave;ce &agrave; partir des dossiers de presse. Tout au plus, ces sources nous permettent de dire que les repr&eacute;sentations constitu&egrave;rent un &eacute;v&eacute;nement. Si la lecture de la critique, au moment de la cr&eacute;ation, ne suffit pas, il faut remonter aux sources statistiques et aux donn&eacute;es brutes, pour tenter d&rsquo;une part d&rsquo;&eacute;tablir des faits objectifs, d&rsquo;autre part de comprendre pourquoi certains extraits de presse aurait &eacute;t&eacute; privil&eacute;gi&eacute;s par rapport &agrave; d&rsquo;autres dans l&rsquo;historique de la r&eacute;ception..</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <h3 style="text-align: justify;"><b>4. Le tri des sources par l&rsquo;histoire litt&eacute;raire&nbsp;</b></h3> <p style="text-align: justify;">Si certains critiques parlent de r&eacute;ussite litt&eacute;raire et de succ&egrave;s, comme Th&eacute;ophile Gautier dans <i>La Presse, </i>&Eacute;douard Thierry dans <i>La France litt&eacute;raire</i><sup><a href="#n20n" name="n20t">20</a></sup><i>, </i>ou encore Granier de Cassagnac dans <i>Le Globe</i> (13 mars 1843).&nbsp;qui parle d&rsquo;un &laquo;&nbsp;immense succ&egrave;s [qui] d&eacute;passe toute pr&eacute;vision&nbsp;&raquo;, pourquoi l&rsquo;histoire litt&eacute;raire n&rsquo;a-t-elle pas retenu aussi ces voix&nbsp;? Pourquoi les sources qui participaient &agrave; la cabale ou la soutenaient sont-elles les seules &agrave; avoir &eacute;t&eacute; transmises par la tradition&nbsp;?&nbsp; C&rsquo;est que l&rsquo;histoire a op&eacute;r&eacute; un tri des sources qui servent &agrave; la constitution de son discours selon des logiques qui ne sont pas seulement esth&eacute;tiques, mais aussi politiques et sociales.</p> <p style="text-align: justify;">Camille Bloomfield, dans son article &laquo;&nbsp;Du document &agrave; l&rsquo;archive&nbsp;: l&rsquo;historien de la litt&eacute;rature face &agrave; ses sources&nbsp;&raquo; paru en 2012, montre que l&rsquo;histoire litt&eacute;raire, jusqu&rsquo;&agrave; la fin du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, interroge tr&egrave;s peu la question de l&rsquo;archive litt&eacute;raire et de ses sources. Mais elle insiste sur le changement de conception de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire, apr&egrave;s les reproches qu&rsquo;on lui adresse &agrave; la fin du XX<sup>e </sup>si&egrave;cle &ndash; ce serait une discipline trop descriptive&nbsp;: on tente alors de d&eacute;finir davantage ses m&eacute;thodes d&rsquo;analyse et de faire passer &laquo;&nbsp;les principes directeurs de l&rsquo;implicite &agrave; l&rsquo;explicite&nbsp;&raquo; selon les propos de Luc Fraisse (2005, p.9). Il faudrait donc revenir &agrave; une histoire litt&eacute;raire qui confronte les diff&eacute;rents r&eacute;cits qui constituent son discours aux faits objectifs que l&rsquo;historien de la litt&eacute;rature a &agrave; disposition, en &eacute;tudiant les conditions d&rsquo;&eacute;nonciations des diff&eacute;rentes sources qui s&rsquo;offrent &agrave; lui. Or toute la mystification consiste &agrave; faire passer pour des preuves scientifiques des sources aux discours peu fiables ou du moins orient&eacute;s par des enjeux qui d&eacute;passent la litt&eacute;rature. Dans l&rsquo;histoire litt&eacute;raire qui se construit &agrave; la fin du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, les enjeux politiques, sociaux et moraux qui pr&eacute;valent &agrave; l&rsquo;appr&eacute;ciation de telle ou telle &oelig;uvre sont souvent pass&eacute;s sous silence. Telle &oelig;uvre est &eacute;rig&eacute;e en mod&egrave;le de vie morale &ndash; les &oelig;uvres de la triade dramatique classique Racine, Corneille, Moli&egrave;re &ndash; tandis que d&rsquo;autres sont marqu&eacute;es du sceau de l&rsquo;immoralit&eacute;, comme les drames romantiques qui deviennent des &laquo;&nbsp;contre-mod&egrave;les&nbsp;&raquo; selon l&rsquo;&eacute;tude de Florence Naugrette (2010) sur les manuels de la Troisi&egrave;me R&eacute;publique&nbsp;: au lendemain de la guerre contre la Prusse, l&rsquo;&eacute;cole doit former de bons petits soldats fran&ccedil;ais. Les &oelig;uvres classiques et leur universalisme apparaissent alors comme le fondement de l&rsquo;esprit national fran&ccedil;ais tandis que les &oelig;uvres romantiques, inspir&eacute;es par la litt&eacute;rature anglaise et allemande, ne peuvent former que de mauvais patriotes. Ainsi, dire que le drame romantique commence en 1830 et s&rsquo;arr&ecirc;te en 1843, avec la chute des <i>Burgraves</i>, c&rsquo;est tenter de prouver que le romantisme th&eacute;&acirc;tral est une esth&eacute;tique rat&eacute;e qui ne m&eacute;rite pas d&rsquo;attention. De plus, la figure de Victor Hugo d&eacute;range&nbsp;: m&ecirc;me s&rsquo;il devient vite le grand po&egrave;te national, il est aussi l&rsquo;objet de d&eacute;bats v&eacute;h&eacute;ments o&ugrave; les enjeux esth&eacute;tiques et politiques se confondent. Ainsi, ses &oelig;uvres n&rsquo;ont pas toutes bonne presse dans les cercles scolaires, universitaires et culturels, et encore moins son th&eacute;&acirc;tre qui souffre de discr&eacute;dit jusqu&rsquo;&agrave; la seconde moiti&eacute; du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle<sup><a href="#n21n" name="n21t">21</a></sup>.</p> <p style="text-align: justify;">Raconter l&rsquo;histoire de la fin du drame romantique, c&rsquo;est donc faire une s&eacute;lection parmi un nombre de sources diverses et garder les &eacute;v&eacute;nements commodes pour servir de bornes &agrave; la p&eacute;riodisation du romantisme th&eacute;&acirc;tral. La pr&eacute;tendue chute des <i>Burgraves</i>, instrumentalis&eacute;e en &eacute;v&eacute;nement par toute une cabale journalistique, offre une borne toute faite &agrave; l&rsquo;histoire litt&eacute;raire. Or la plupart des auteurs des manuels de la deuxi&egrave;me moiti&eacute; du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle appartiennent au m&ecirc;me champ politique et social que les critiques qui ont entrepris de d&eacute;truire la pi&egrave;ce de Victor Hugo&nbsp;: il est donc facile et logique pour eux de reprendre les propos de la cabale de 1843 pour construire le discours de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire. Ainsi, Ren&eacute; Doumic (1888, p.517) parle de &laquo;&nbsp;1843, l&rsquo;&eacute;chec des <i>Burgraves</i>&nbsp;&raquo;. Ferdinand Bruneti&egrave;re (1898, p.436-437) &eacute;voque &laquo;&nbsp;la chute retentissante des <i>Burgraves</i>&nbsp;&raquo;. Le p&egrave;re C. Carruel (1894, p.77) &eacute;tudie la bataille entre classiques et romantiques et &eacute;crit que &laquo;&nbsp;la lutte ne cessa qu&rsquo;en 1843, &agrave; la chute des <i>Burgraves</i>.&nbsp;&raquo;. De m&ecirc;me, Louis Petit de Julleville (1899, p.390) consacre un chapitre au drame romantique et &laquo;&nbsp;l&rsquo;ann&eacute;e 1843 en marque la fin.&nbsp;C&rsquo;est celle de l&rsquo;&eacute;chec des <i>Burgraves</i> [&hellip;]&nbsp;&raquo; Ces analyses qui mettent directement en lien chute des <i>Burgraves</i> et fin du drame seront reprises par la plupart des manuels scolaires jusqu&rsquo;&agrave; la fin du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle, avant que le renouveau des &eacute;tudes hugoliennes et des &eacute;tudes d&rsquo;histoire du th&eacute;&acirc;tre remette en question cette p&eacute;riodisation du drame romantique.</p> <p style="text-align: justify;">L&rsquo;histoire litt&eacute;raire, lorsqu&rsquo;elle est d&eacute;finie comme la mise en r&eacute;cit des diff&eacute;rentes &eacute;poques de la litt&eacute;rature, pr&eacute;suppose donc une &eacute;nonciation particuli&egrave;re qu&rsquo;il faut &eacute;tudier&nbsp;: qui raconte&nbsp;? pourquoi&nbsp;? quelle place occupe cette personne dans le champ litt&eacute;raire&nbsp;? Sa transmission est faite de <i>litt&eacute;rarit&eacute;</i>, c&rsquo;est-&agrave;-dire d&rsquo;une mise en r&eacute;cit, l&agrave; o&ugrave; on attendrait une <i>scientificit&eacute;</i> capable de retranscrire une v&eacute;rit&eacute; historique ind&eacute;niable (Bloomfield, 2012). L&rsquo;histoire litt&eacute;raire, prise en &eacute;tau entre ces deux p&ocirc;les, doit donc expliciter le traitement de ses sources qui sont &agrave; l&rsquo;origine de la constitution de son discours, pour que la mise en r&eacute;cit &agrave; laquelle elle ne peut &eacute;chapper ne masque pas ses propres conditions d&rsquo;&eacute;nonciation.<i> </i>Or peu de manuels citent leurs sources ou fournissent de bibliographie scientifique dans la deuxi&egrave;me moiti&eacute; du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle et au d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle&nbsp;: les manuels s&rsquo;&eacute;crivent souvent en s&rsquo;appuyant sur les manuels pr&eacute;c&eacute;dents, ce qui permet au mythe de la chute des <i>Burgraves</i> de perdurer.</p> <p style="text-align: justify;">La th&egrave;se de Camille Latreille en 1899 sur <i>La Fin du th&eacute;&acirc;tre romantique </i>constitue une &eacute;tape importante moins dans la construction du mythe &ndash; d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sent d&egrave;s 1843 &ndash; que dans sa validation et sa p&eacute;rennisation par un discours scientifique dou&eacute; d&rsquo;autorit&eacute; puisque le travail de Latreille s&rsquo;ins&egrave;re dans le champ universitaire. Or dans le chapitre consacr&eacute; aux <i>Burgraves</i>, Latreille analyse la r&eacute;ception de la pi&egrave;ce selon un traitement particulier des sources. Il ne fait r&eacute;f&eacute;rence qu&rsquo;&agrave; des sources journalistiques de l&rsquo;&eacute;poque. Il cite tr&egrave;s rapidement <i>Le Globe, La Presse, La Patrie, Le Journal des d&eacute;bats</i> qui sont favorables &agrave; la pi&egrave;ce mais cite davantage les d&eacute;tracteurs de Hugo, comme <i>Le Coureur des spectacles</i> ou Henri Heine dans <i>Lut&egrave;ce&nbsp;</i>: &laquo;&nbsp;lugubre jeu de marionnettes, singerie convulsive et hideuse de la vie, partout un &eacute;talage de passion d&rsquo;emprunt&hellip; <i>Les Burgraves</i> sont de l&rsquo;ennui tripl&eacute;&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n22n" name="n22t">22</a></sup>. Apr&egrave;s une enqu&ecirc;te partielle et partiale dans les archives de la r&eacute;ception de 1843, Latreille en arrive alors &agrave; cette conclusion&nbsp;: &laquo;&nbsp;Ainsi la repr&eacute;sentation des <i>Burgraves</i> consacrait l&rsquo;&eacute;chec de Victor Hugo comme po&egrave;te dramatique&nbsp;&raquo;<sup><a href="#n23n" name="n23t">23</a></sup>. Latreille souhaite, dans sa th&egrave;se, montrer comment Ponsard et le renouveau de l&rsquo;esth&eacute;tique classique viennent sauver la sc&egrave;ne fran&ccedil;aise des abus romantiques. La confirmation de la chute des <i>Burgraves</i> par un discours scientifique orient&eacute;, et qui op&egrave;re un tri volontaire de ses sources de recherche, sanctionne le discours port&eacute; par les manuels scolaires au m&ecirc;me moment et dans les d&eacute;cennies qui suivent. Institution scolaire et institution universitaire donnent la voix aux d&eacute;tracteurs de Victor Hugo, construisant ainsi un discours qui mythifie la chute des <i>Burgraves</i> en en faisant une borne de p&eacute;riodisation, et passent sous silence les voix dissidentes.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;">Que la chute des <i>Burgraves </i>soit un mythe de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire qu&rsquo;il faut d&eacute;construire, cela n&rsquo;est plus &agrave; prouver depuis la fin du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle et les travaux de Patrick Berthier, d&rsquo;Olivier Bara et de Florence Naugrette. Ces recherches ont montr&eacute; &agrave; quel point la pi&egrave;ce avait &eacute;t&eacute; m&eacute;diatis&eacute;e pour tenter de la faire chuter. Notre propre &eacute;tude cherche &agrave; d&eacute;tricoter davantage le mythe de la chute des <i>Burgraves</i>, afin d&rsquo;expliquer quels enjeux id&eacute;ologiques, politiques et culturels ont permis sa constitution et sa transmission dans l&rsquo;histoire litt&eacute;raire. Pour trancher entre &laquo;&nbsp;Waterloo du romantisme&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;immense succ&egrave;s&nbsp;&raquo;, nous devons faire l&rsquo;arch&eacute;ologie du discours<sup><a href="#n24n" name="n24t">24</a></sup> qui a institu&eacute; et relay&eacute; le mythe pendant pr&egrave;s d&rsquo;un si&egrave;cle et demi. Et surtout interroger la cr&eacute;ation et la r&eacute;ception de la pi&egrave;ce dans une approche d&rsquo;ensemble, &agrave; la fois historique, culturelle et litt&eacute;raire. Notre enqu&ecirc;te sur les origines du mythe permet de mettre au jour les proc&eacute;d&eacute;s de transmission de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire&nbsp;: loin d&rsquo;&ecirc;tre un compte-rendu objectif des faits historiques, elle construit son r&eacute;cit en s&eacute;lectionnant ses sources et en les hi&eacute;rarchisant afin de servir au mieux un discours id&eacute;ologique. Si la l&eacute;gende de 1843 et ses cons&eacute;quences ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;sentes si longtemps dans l&rsquo;histoire culturelle, c&rsquo;est que les sources qui pouvaient la remettre en cause n&rsquo;avaient pas encore &eacute;t&eacute; exhum&eacute;es&nbsp;: ce travail a &eacute;t&eacute; fait en partie par Patrick Berthier et Olivier Bara. Nous entendons, de notre c&ocirc;t&eacute;, continuer cette d&eacute;construction en exploitant des sources nouvelles (comme les lettres de Juliette Drouet) et en les faisant dialoguer entre elles. Interroger la l&eacute;gende noire du romantisme, c&rsquo;est donc &ecirc;tre conscient, plus largement, des enjeux qui d&eacute;terminent le discours de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire.&nbsp; Il ne suffit pas de dire que l&rsquo;histoire litt&eacute;raire s&rsquo;est tromp&eacute;e : il faut interroger les causes qui ont permis une telle historicisation. En s&rsquo;appuyant sur le rapport objectif du registre financier de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, on peut tout au plus dire que la pi&egrave;ce constitue un &laquo;&nbsp;succ&egrave;s contest&eacute;&nbsp;&raquo;, et refuser de faire de cet &eacute;v&eacute;nement une borne signifiante de l&rsquo;histoire du drame romantique. La p&eacute;riodisation tronqu&eacute;e 1830-1843, ainsi que sa transmission, prennent donc fin par l&rsquo;exhumation et l&rsquo;analyse des sources &agrave; l&rsquo;origine du mythe de 1843.</p> <p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#95a5a6;">________________________________________________________________________________________________________________________________</span></p> <h3 style="text-align: justify;"><strong>Bibliographie</strong></h3> <p><u><em>&Eacute;tudes sur la r&eacute;ception des </em>Burgraves</u></p> <ul> <li>Bara, O. (2008). Le triomphe de la <i>Lucr&egrave;ce </i>de Ponsard (1843) et la mort annonc&eacute;e du drame romantique : construction m&eacute;diatique d&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement th&eacute;&acirc;tral. In :&nbsp;Saminadayar-Perrin, C. (dir.).&nbsp;<i>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un &eacute;v&eacute;nement litt&eacute;raire au XIX</i><i><sup>e</sup></i><i> </i><i>si&egrave;cle</i> <i>? </i>Saint- Etienne,&nbsp;Publications de l&rsquo;Universit&eacute; de Saint- Etienne, 151-167.</li> <li>Berthier, P. (1995). L&rsquo;&ldquo;&eacute;chec&rdquo; des Burgraves.&nbsp;<i>Revue d&rsquo;Histoire du Th&eacute;&acirc;tre</i>, no.&nbsp;187,&nbsp;257-270.</li> <li>Blewer, E. (1999).&nbsp;La &quot;bataille&quot; des &quot;Burgraves&quot; et les deuils de l&#39;ann&eacute;e 1843. Sur une amiti&eacute; entre Hugo et Alphonse Karr<i>.</i>&nbsp;In :&nbsp;Millet, C.&nbsp;<i>Victor Hugo 4 : Science et technique</i>. Paris :&nbsp;Minard, Lettres Modernes, 159-182.</li> <li>Latreille, C. (1899). <i>La Fin du th&eacute;&acirc;tre romantique et Fran&ccedil;ois Ponsard d&rsquo;apr&egrave;s des documents in&eacute;dits.&nbsp;</i>Paris :&nbsp;Hachette.</li> <li>Paploray O. Des Burgraves<i> &agrave; la mort de L&eacute;opoldine&nbsp;</i>: <i>le public et l&rsquo;intime. Lettres du 1</i><i><sup>er</sup></i><i> janvier 1843 au 10 juillet 1843</i>, m&eacute;moire de recherche de Master 2, &agrave; l&rsquo;universit&eacute; de Rouen, sous la direction de Florence Naugrette.</li> </ul> <p><em><u>&Eacute;tudes sur la r&eacute;ception de Hugo</u></em></p> <ul> <li>Brahamcha-Marin, J. (2018, 30 novembre).&nbsp;<i>La r&eacute;ception critique de la po&eacute;sie de Victor Hugo en France</i> <i>(1914-1944), </i>th&egrave;se de doctorat, Le Mans Universit&eacute;.</li> <li>Mayaux, C. (2004).&nbsp;<i>La R&eacute;ception de Victor Hugo au XX</i><i><sup>e</sup></i><i> si&egrave;cle,</i> <em>Actes du colloque international de Besan&ccedil;on, 6-8 juillet 2002</em>. Lausanne :&nbsp;Centre Jacques-Petit Biblioth&egrave;que l&rsquo;&Acirc;ge d&rsquo;homme.</li> <li>Millet, C. (2002-2003). Actualit&eacute; de Victor Hugo&nbsp;: r&eacute;flexions sur le succ&egrave;s du bicentenaire de 2002.&nbsp;<i>Revista da Universidade de Aveiro &ndash; Letras, </i>no. 19-20, Portugal.</li> </ul> <p><u><em>&Eacute;tudes sur l&rsquo;histoire et la r&eacute;ception du drame romantique</em></u></p> <ul> <li>Melai, M. (2015). <i>Les derniers feux de la trag&eacute;die classique au temps du romantisme.&nbsp;</i>Paris :&nbsp;PUPS.<i> </i></li> <li>Naugrette, F. (2010, mai).&nbsp;&laquo;&nbsp;Le drame romantique, un contre-mod&egrave;le&nbsp;? Sa place dans les histoires litt&eacute;raires et manuels scolaires de la IIIe R&eacute;publique&nbsp;&raquo;, Communication au Groupe Hugo,&nbsp;disponible sur le site groupugo.div.jussieu.</li> <li>--- (2011a). La p&eacute;riodisation du romantisme th&eacute;&acirc;tral.&nbsp;<i>Les Arts de la sc&egrave;ne &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve de l&rsquo;histoire.&nbsp;</i>Paris :&nbsp;Honor&eacute; Champion.</li> <li>--- (2011b).&nbsp;Le m&eacute;lange des genres dans le th&eacute;&acirc;tre romantique fran&ccedil;ais&nbsp;: une dramaturgie du d&eacute;sordre historique.&nbsp;<i>Revue internationale de philosophie, </i>vol.1, no.&nbsp;255,&nbsp;27-41.</li> <li>--- (2016).&nbsp;<i>Le Th&eacute;&acirc;tre de Victor Hugo.&nbsp;</i>Paris :&nbsp;Ides et Calendes.</li> <li>---. Hugo le scandaleux, <i>Fabula / Les colloques</i>, Th&eacute;&acirc;tre et scandale, URL : http://www.fabula.org/colloques/document5828.php, page consult&eacute;e le 11 mars 2019.</li> <li>Robardey-Eppstein, S. (2010). La survivance du drame romantique. In :&nbsp;Yon, J.-C. (dir.).&nbsp;<i>Les Spectacles sous le Second Empire</i>. Paris,&nbsp;Armand Collin, 149-158.</li> <li>Yon, J.-C. (2012), <i>Une histoire du th&eacute;&acirc;tre &agrave; Paris. De la R&eacute;volution &agrave; la Grande Guerre,</i> Paris :&nbsp;Aubier.</li> </ul> <p><em><u>Manuels d&rsquo;histoire litt&eacute;raire</u></em></p> <ul> <li>Bruneti&egrave;re, F. (1898).&nbsp;<i>Manuel de l&rsquo;histoire de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise</i>. Paris :&nbsp;Delagrave.</li> <li>Doumic, R. (1893). <i>Histoire de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise.</i>&nbsp;Paris :&nbsp;Delaplane.</li> <li>Laplace-Claverie, H., Ledda, S., Naugrette, F.&nbsp;et al. (dir.) (2008). <i>Le th&eacute;&acirc;tre fran&ccedil;ais du XIXe si&egrave;cle : Histoire, textes choisis, mises en sc&egrave;ne, </i>Anthologie de L&rsquo;avant-sc&egrave;ne th&eacute;&acirc;tre.</li> <li>Petit de Julleville, L. (1889).&nbsp;<i>Le Th&eacute;&acirc;tre en France&nbsp;: histoire de la litt&eacute;rature dramatique depuis ses origines jusqu&rsquo;&agrave; nos jours.&nbsp;</i>Paris :&nbsp;Armand Colin.</li> <li>--- (1899).&nbsp;<i>Histoire de la langue et de la litt&eacute;rature fran&ccedil;aise des origines &agrave; 1900. Tome VII XIX</i><i><sup>e</sup></i><i> si&egrave;cle. P&eacute;riode romantique 1808-1850.&nbsp;</i>Paris :&nbsp;Armand Colin.</li> </ul> <p><u><em>R&eacute;flexions sur l&rsquo;histoire litt&eacute;raire</em></u></p> <ul> <li>Bloomfield, C. (2012). Du document &agrave; l&rsquo;archive&nbsp;: l&rsquo;historien de la litt&eacute;rature face &agrave; ses sources.&nbsp;<i>Litt&eacute;ratures</i>, vol.2, no.166, 69-83.</li> <li>Diaz J.-L. (2003).&nbsp;Quelle histoire litt&eacute;raire ?.&nbsp;<i>Revue d&rsquo;histoire litt&eacute;raire de la France, </i>vol.103, no.3, 515-535.</li> <li>Fraisse, L. (2002). <i>Les fondements de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire.&nbsp;</i>Paris :&nbsp;Honor&eacute; Champion.</li> <li>--- (2005).&nbsp;Une th&eacute;orie de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire est-elle possible&nbsp;? In :&nbsp;<i>L&rsquo;Histoire &agrave; l&rsquo;aube du XX</i><i><sup>e</sup></i><i> si&egrave;cle &ndash; Controverses et consensus.</i> Paris :&nbsp;Presses Universitaires de France.</li> <li>Laforgue, P. (2002).&nbsp;&laquo; La division s&eacute;culaire dans l&rsquo;histoire de la litt&eacute;rature &raquo;, conf&eacute;rence au Coll&egrave;ge de France reprise dans <i>Histoires litt&eacute;raires</i>, no.9.</li> </ul> <p><u><em>&OElig;uvres litt&eacute;raires et philosophiques autres</em></u></p> <ul> <li>De Vigny, <i>Correspondance</i>, tome 4 / mai 1839 &ndash; mars 1843, sous la direction de Madeleine Ambri&egrave;re, Paris, PUF, 1997.</li> <li>Drouet Juliette, lettres &agrave; Victor Hugo, en cours d&rsquo;&eacute;dition sous la direction de Florence Naugrette, disponibles sur le site juliettedrouet.org.</li> <li>Foucault Michel, <i>L&rsquo;Arch&eacute;ologie du savoir, </i>Gallimard, coll. Tel, 1969.</li> <li>Hugo Victor, <i>Les Burgraves, </i>[1843], Paris, Garnier-Flammarion, pr&eacute;sentation par Raymond Pouilliart, 1985.</li> <li>Ric&oelig;ur Paul, <i>Temps et r&eacute;cit</i>, Paris, Seuil, 1983.</li> </ul> <p><u><em>Journaux de l&rsquo;ann&eacute;e 1843</em></u></p> <ul> <li><i>Le Constitutionnel</i></li> <li><i>Le Coureur des spectacles</i></li> <li><i>La France litt&eacute;raire</i></li> <li><i>La Revue des deux mondes</i></li> <li><i>Lut&egrave;ce</i></li> <li><i>Le Globe</i></li> <li><i>Le Journal des d&eacute;bats</i></li> <li><i>La Presse</i></li> <li><i>La Revue de Paris</i></li> <li><i>Le Si&egrave;cle</i></li> </ul> <p><u><em>Archives consult&eacute;es</em></u></p> <ul> <li>Manuscrit du souffleur, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, Ms764.</li> <li>&laquo;&nbsp;Registre des feux&nbsp;&raquo;, ann&eacute;e 1843, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, R366 et R367.</li> <li>&laquo;&nbsp;Registre des recettes journali&egrave;res&nbsp;&raquo;, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, R253, R262, R263 et R 264.</li> <li>&laquo;&nbsp;Registre du comit&eacute; de lecture. Proc&egrave;s-verbaux des s&eacute;ances. 16/02/1837-15/12/1848.&nbsp;&raquo;, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, R444.</li> <li>&laquo;&nbsp;Registre du travail quotidien des acteurs. 01/07/1842-23/07/1843&nbsp;&raquo;, R210.</li> <li>Melle Mars, journal manuscrit, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, cote Ms 25029.</li> </ul> <p>&nbsp;</p> <h3><b>Notes</b></h3> <p><sup><a href="#n1t" name="n1n">1</a></sup> Jusqu&rsquo;&agrave; la deuxi&egrave;me moiti&eacute; du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle et jusqu&rsquo;au renouvellement des &eacute;tudes th&eacute;&acirc;trales et des &eacute;tudes hugoliennes (notamment avec Anne Ubersfeld), l&rsquo;id&eacute;e de la chute des <i>Burgraves</i> est relay&eacute; par les universitaires, y compris les sp&eacute;cialistes de Hugo qui se concentrent davantage sur la deuxi&egrave;me p&eacute;riode de la vie de Hugo (l&rsquo;exil) et d&eacute;nigrent sa production dramatique des ann&eacute;es 1830-1840. Sur ce point, voir par exemple les &eacute;crits de Fernand Gregh, <i>L&rsquo;&oelig;uvre de Victor Hugo, </i>Paris, Flammarion, 1933.</p> <p><sup><a href="#n2t" name="n2n">2</a></sup> Bien s&ucirc;r, Juliette Drouet n&rsquo;est pas la plus objective&nbsp;; mais dans ses lettres, elle parle aussi sans r&eacute;serve des repr&eacute;sentations qui ont &eacute;t&eacute; un &eacute;chec&nbsp;: pourquoi tairait-elle alors la chute du 7 mars si elle avait eu lieu&nbsp;?</p> <p><sup><a href="#n3t" name="n3n">3</a>&nbsp;</sup>Registre du Comit&eacute; de lecture, proc&egrave;s-verbaux des s&eacute;ances, 16/02/1837-15/12/1848, cote R444, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die Fran&ccedil;aise.</p> <p><sup><a href="#n4t" name="n4n">4</a>&nbsp;</sup>Registre des recettes journali&egrave;res, 07/03/1843-28/11/1843, cote R262, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise.</p> <p><sup><a href="#n5t" name="n5n">5</a>&nbsp;</sup>Sur ce point, nous renvoyons &agrave; notre article &laquo; La cabale contre les Burgraves de Victor Hugo&nbsp;&raquo;, <i>COnTEXTES </i>[En ligne], 27 | 2020.</p> <p><sup><a href="#n6t" name="n6n">6</a>&nbsp;</sup>Sur la cabale qui s&rsquo;acharne contre <i>Les Burgraves</i> nous renvoyons &agrave; notre communication aux Huiti&egrave;mes journ&eacute;es d&rsquo;&eacute;tudes COnTEXTES &agrave; Bruxelles le 16 mai 2019&nbsp;: &laquo; La cabale des <i>Burgraves </i>de Victor Hugo : mettre en &eacute;chec le &quot;chef de file&quot; du romantisme &raquo;.</p> <p><sup><a href="#n7t" name="n7n">7</a>&nbsp;</sup>Voir registre des recettes journali&egrave;res, 07/03/1843-28/11/1843, cote R262, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise.</p> <p><sup><a href="#n8t" name="n8n">8</a>&nbsp;</sup>&Agrave; ce sujet, voir Olivier Bara, article cit&eacute;. Il montre comment la pr&eacute;tendue chute des <i>Burgraves, </i>et le succ&egrave;s de circonstance de <i>Lucr&egrave;ce</i> de Ponsard, sont orchestr&eacute;s par la m&eacute;diatisation de la cabale.&nbsp; Ces pi&egrave;ces deviennent des &eacute;v&eacute;nements car la curiosit&eacute; du public est attis&eacute; par les journaux, les parodies et les rumeurs.</p> <p><sup><a href="#n9t" name="n9n">9</a>&nbsp;</sup>M<sup>lle</sup> Mars, journal dat&eacute; du 7 mars 1843, Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e de la Com&eacute;die-Fran&ccedil;aise, cote Ms 25029. Nous remercions Agathe Sanjuan, directrice de la Biblioth&egrave;que-Mus&eacute;e, qui nous a fait part de cette information.</p> <p><sup><a href="#n10t" name="n10n">10</a>&nbsp;</sup>Nous renvoyons au m&eacute;moire d&rsquo;Olivia Paploray, sous la direction de Florence Naugrette&nbsp;: &laquo;&nbsp;Des <i>Burgraves </i>&agrave; la mort de L&eacute;opoldine&nbsp;: le public et l&rsquo;intime. Lettres du 1<sup>er</sup> janvier 1843 au 10 juillet 1843&nbsp;&raquo;.</p> <p><sup><a href="#n11t" name="n11n">11</a>&nbsp;</sup>Juliette Drouet, lettre du vendredi 24 mars 1843, midi et quart, lettre disponible sur le site juliettedrouet.org, &eacute;dition des lettres dirig&eacute;es par Florence Naugrette.</p> <p><sup><a href="#n12t" name="n12n">12</a>&nbsp;</sup>Juliette Drouet, lettre du mercredi 8 mars 1843 apr&egrave;s-midi treize heures.</p> <p><sup><a href="#n13t" name="n13n">13</a>&nbsp;</sup>Juliette Drouet, lettre du vendredi 10 mars 1843 soir six heures et demie.</p> <p><sup><a href="#n14t" name="n14n">14</a>&nbsp;</sup>Juliette Drouet, lettre du dimanche 12 mars 1843 matin onze heures trois quarts.</p> <p><sup><a href="#n15t" name="n15n">15</a>&nbsp;</sup>Juliette Drouet, lettre du mercredi 15 mars matin dix heures trois quarts.</p> <p><sup><a href="#n16t" name="n16n">16</a>&nbsp;</sup>Lettre de L&eacute;opoldine &agrave; Victor Hugo, le samedi onze mars 1843. Lettre recueillie dans la Chronologie Victor Hugo, site&nbsp;: <a href="http://www.groupugo.div.jussieu.fr">www.groupugo.div.jussieu.fr</a>. Olivia Paploray cite cette lettre dans son m&eacute;moire sous la direction de Florence Naugrette &laquo;&nbsp;Des <i>Burgraves </i>&agrave; la mort de L&eacute;opoldine&nbsp;: le public et l&rsquo;intime. Lettres du 1<sup>er</sup> janvier 1843 au 10 juillet 1843&nbsp;&raquo; pour prouver que la pi&egrave;ce n&rsquo;a pas chut&eacute;.</p> <p><sup><a href="#n17t" name="n17n">17</a>&nbsp;</sup>Juliette Drouet, lettre du lundi 27 mars apr&egrave;s-midi quatre heures.</p> <p><sup><a href="#n18t" name="n18n">18</a>&nbsp;</sup>Jules Janin, <i>Le Journal des D&eacute;bats, </i>9 mars 1843, Rubrique &laquo; Feuilleton du <i>Journal des D&eacute;bats </i>&raquo;.</p> <p><sup><a href="#n19t" name="n19n">19</a>&nbsp;</sup>Propos recueillis par Sainte-Beuve, <i>Chroniques parisiennes, </i>Paris, Calman L&eacute;vy &eacute;diteur, 1876, p. 12-15.</p> <p><sup><a href="#n20t" name="n20n">20</a>&nbsp;</sup><i>La France litt&eacute;raire, </i>Paris, 1843, tome XII, p. 295.</p> <p><sup><a href="#n21t" name="n21n">21</a>&nbsp;</sup>Sur la r&eacute;ception de la figure de Victor Hugo, voir&nbsp;Millet (2002-2003) ; Mayaux (2004) ;&nbsp;Brahamcha-Marin (2018). Sur la r&eacute;ception du th&eacute;&acirc;tre de Hugo, voir Naugrette&nbsp;(2016 et &laquo;&nbsp;Hugo le scandaleux&nbsp;&raquo;).<sup>&nbsp;</sup></p> <p><sup><a href="#n22t" name="n22n">22</a></sup> Henri Heine, <i>Lut&egrave;ce</i>, 20 mars 1843, cit&eacute; par Camille Latreille, <i>op. cit.,</i> p.83.</p> <p><sup><a href="#n23t" name="n23n">23</a>&nbsp;</sup>Camille Latreille, <i>op. cit.</i>, p. 84.</p> <p><sup><a href="#n24t" name="n24n">24</a>&nbsp;</sup>Le terme d&rsquo;&laquo;&nbsp;arch&eacute;ologie&nbsp;&raquo; invite &agrave; convoquer le travail de Foucault dans <i>L&rsquo;Arch&eacute;ologie du savoir</i>, mais nous ne reprenons pas le terme &laquo;&nbsp;arch&eacute;ologie&nbsp;&raquo; dans le sens foucaldien. Le terme d&rsquo;arch&eacute;ologie d&eacute;signe, dans notre travail, la volont&eacute; de r&eacute;v&eacute;ler les m&eacute;canismes de constitution des diff&eacute;rents discours s&eacute;diment&eacute;s et fig&eacute;s de l&rsquo;histoire litt&eacute;raire.</p> <p>&nbsp;</p> <h3><strong><sup><a href="#n*t" name="n*n">*</a></sup>Biographie</strong></h3> <p style="text-align: justify;">Agathe Giraud est agr&eacute;g&eacute;e de Lettres Modernes. Doctorante contractuelle, charg&eacute;e de TD &agrave; Sorbonne-Universit&eacute;s, elle pr&eacute;pare une th&egrave;se sur &laquo; la cr&eacute;ation et la r&eacute;ception des Burgraves de 1843 &agrave; aujourd&rsquo;hui &raquo; sous la direction de Florence Naugrette. Elle appartient au Groupe Hugo, groupe de recherche sur Victor Hugo &agrave; Paris-Diderot et au PRITEPS (Programme de Recherches Interdisciplinaires sur le Th&eacute;&acirc;tre et les Pratiques Sc&eacute;niques) &agrave; Sorbonne-Universit&eacute;s.</p>