<blockquote> <p>Il &eacute;tait &eacute;crit que je fusse fid&egrave;le&nbsp;<br /> au cauchemar de mon choix.<br /> J. Conrad,&nbsp;La ligne d&rsquo;ombre.</p> </blockquote> <p>&nbsp;</p> <p><strong>Mots cl&eacute;s&nbsp;:&nbsp;</strong><em>technologie politique, management, ordre du discours, individu total, n&eacute;gativit&eacute;.</em></p> <p>Freud disait des &eacute;crivains qu&rsquo;ils &eacute;taient ses &laquo; ma&icirc;tres inconscients &raquo; ou ses doubles<sup><a href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc">2</a></sup></p> <p>La litt&eacute;rature est, en effet, porteuse non seulement d&rsquo;un savoir de l&rsquo;inconscient, mais &eacute;galement d&rsquo;un savoir des langues, de leurs usages, des nouages symboliques, imaginaires et r&eacute;els &agrave; travers lesquels les &ecirc;tres parlants sont institu&eacute;s<a href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc"><sup>3</sup>.</a></p> <p>Elle se d&eacute;ploie comme &laquo; une encyclop&eacute;die &raquo; des langages&nbsp;; elle a de Balzac et Flaubert, &agrave; Joyce et Proust, ou plus pr&egrave;s de nous &agrave; J.M. Coetzee ou Ph. Roth une &laquo;&nbsp;conscience aigue&nbsp;&raquo; (R. Barthes, 1984, p&nbsp;.115) des contacts de langues, des langages sociaux et des parlers idiolectaux, de leur h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute;, de leur intrication et de leur partition&nbsp;; ou encore de leur appropriation<sup><a href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc">4</a> </sup>et de leur balbutiement&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:left">&laquo; <em>Nous avons appris non &agrave; parler mais &agrave; balbutier</em> &raquo; (O. Mandelstam, 1972, p.77)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">La litt&eacute;rature ne cesse d&rsquo;annoncer dans une &eacute;criture affective, intensive ou po&eacute;tique que &laquo;&nbsp;l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est dans la Langue &raquo;<sup><a href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc">5</a></sup>, que l&rsquo;incompr&eacute;hension, le malentendu, la perte affectent structurellement les usages de ceux qui la parlent ou l&rsquo;apprennent&nbsp;; qu&rsquo;elle n&rsquo;inscrit jamais en elle qu&rsquo;une subjectivit&eacute; vuln&eacute;rable et pr&eacute;caire, &agrave; la parole peu assur&eacute;e, incertaine, fragmentaire, et qu&rsquo;il n&rsquo;est pas de &laquo; langue de plein emploi &raquo; (ibid., p.127), comme il n&rsquo;est pas de &laquo; march&eacute; &raquo; ou de &laquo; capital linguistique &raquo; sinon dans les discours de ceux qui proc&egrave;dent &agrave; une instrumentalisation marchande des langues, des savoirs, de la pens&eacute;e.</p> <p>Le savoir langagier de la litt&eacute;rature exc&egrave;de, d&rsquo;un exc&egrave;s non commensurable, toute information produite par les documents de r&eacute;f&eacute;rence du Conseil de l&rsquo;Europe relatifs &agrave; l&rsquo;enseignement et &agrave; l&rsquo;apprentissage des langues, pour la raison m&ecirc;me que ce savoir y est l&rsquo;objet d&rsquo;une forclusion<a href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc"><sup>6</sup>.</a></p> <p>C&rsquo;est de cette forclusion<sup><a href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc">7</a></sup> et de ses effets dont nous essaierons de traiter ici.</p> <h2>Un seul horizon&nbsp;: le march&eacute;</h2> <p>Que se passe-t-il aujourd&rsquo;hui&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce qui passe en nous, malgr&eacute; nous&nbsp;?</p> <p>Dans un contexte marqu&eacute; par la recherche &laquo; &agrave; tout prix &raquo; de l&rsquo;efficacit&eacute; &eacute;conomique, par le positivisme des technosciences (de la linguistique computationnelle &agrave; l&rsquo;intelligence artificielle et aux bio-technologies), par l&rsquo;id&eacute;ologie de la communication (la valorisation sociale et culturelle des NTIC), par l&rsquo;expansion g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e du management qui accompagne &laquo; la bureaucratisation &raquo; n&eacute;o-liberale du monde (B. Hibou, 2012) et l&rsquo;omnipr&eacute;sence des logiques du march&eacute;, de l&rsquo;entreprise, de la comp&eacute;tition.</p> <p>Ce qui passe en nous, malgr&eacute; nous, c&rsquo;est un discours total&nbsp;; un discours continu, abstrait, sans exc&egrave;s, sans expressivit&eacute;&nbsp;; un discours qui appelle &agrave; la servitude volontaire et qui vise &agrave; &laquo; faire-croire &raquo; que la seule r&egrave;gle qui vaille dans nos existences est &laquo;&nbsp;&eacute;conomique&nbsp;&raquo; et qu&rsquo;il faut accepter de s&rsquo;y soumettre.</p> <p>Dans le bulletin d&rsquo;information de la direction g&eacute;n&eacute;rale charg&eacute;e de la recherche, la commission europ&eacute;enne ne revendiquait-elle pas d&egrave;s 2002 &laquo; un march&eacute; des connaissances &raquo; ?</p> <blockquote> <p style="text-align:left">&laquo; Le temps o&ugrave; les savoirs acquis dans l&rsquo;espace scientifique et acad&eacute;mique constituaient un patrimoine ouvert mis &agrave; la disposition de tous appartient au pass&eacute; (&hellip;) le but ultime de la recherche n&rsquo;est plus simplement de produire des connaissances scientifiques, mais de promouvoir l&rsquo;exploitation concr&egrave;te des avanc&eacute;es qu&rsquo;elle g&eacute;n&egrave;re. Or cette exploitation dans une &eacute;conomie de march&eacute; a une dimension intrins&egrave;quement &eacute;conomique<sup><a href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc">8. &raquo;</a></sup></p> </blockquote> <p>Le discours total auquel nous avons &agrave; nous affronter pr&eacute;tend donc inaugurer une nouvelle &egrave;re&nbsp;: celle de l&rsquo;arasement &eacute;conomique de la recherche et des savoirs. Il s&rsquo;articule explicitement &agrave; une rationalit&eacute; &eacute;conomique, manag&eacute;riale, technocratique qui d&eacute;termine les divers documents produits par le conseil de l&rsquo;Europe en mati&egrave;re d&rsquo;&eacute;ducation, de recherche, et d&rsquo;enseignement des langues. Cette rationalit&eacute; manag&eacute;riale est principalement une rationalit&eacute; utilitaire, instrumentale, calculante.</p> <p>Calculante puisqu&rsquo;elle calcule les &ecirc;tres, les conduites, les actions selon leur rentabilit&eacute; potentielle ou effective, puisqu&rsquo;elle les r&eacute;f&egrave;re &agrave; une mesure commune, d&eacute;finitive, pr&eacute;tendument objective, celle des chiffres<a href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc"><sup>9</sup>.</a></p> <p>Instrumentale puisqu&rsquo;elle consid&egrave;re les langues comme des outils et les sujets comme des choses (J.-Cl. Milner, 2005), des choses quantifiables, &eacute;valuables, contr&ocirc;lables, et que sa finalit&eacute; est de produire non seulement &laquo; une police &raquo; (R. Gori, 2011, p. 92) mais une &eacute;rotique des normes.</p> <p>Si la connaissance et la pratique des langues &eacute;trang&egrave;res sont jug&eacute;es indispensables pour conqu&eacute;rir de nouveaux march&eacute;s, si l&rsquo;enseignement et la recherche doivent s&rsquo;impr&eacute;gner de &laquo; la morale du march&eacute; &raquo; (J.-P. Le Goff, 1995, p. 163), alors cette rationalit&eacute; pose et impose qu&rsquo;il y a une &laquo; bonne fa&ccedil;on &raquo; d&rsquo;apprendre les langues et de les enseigner, comme il y a une &laquo; bonne fa&ccedil;on &raquo; de faire de la recherche, de &laquo; g&eacute;rer &raquo; sa vie, son psychisme, son corps, sa sexualit&eacute;.</p> <p>C&rsquo;est dire que ce discours que nous caract&eacute;risons comme &laquo; total &raquo; et la rationalit&eacute; qui l&rsquo;informe participent d&rsquo;une technique de gouvernement, d&rsquo;un exercice de pouvoir, d&rsquo;une forme historiquement situable de gouvernementalit&eacute; (M. Foucault, 2001, p. 635).</p> <h2>Le cadre&nbsp;: une technologie politique</h2> <p>M. Foucault a montr&eacute; comment &agrave; partir du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle les sciences cam&eacute;rales sont devenues le fondement des politiques publiques contemporaines (ibid., p. 1632). Des politiques qui arguent toujours du bien-&ecirc;tre et du &laquo; bonheur &raquo; des populations et qui pour atteindre leurs objectifs se dotent de proc&eacute;dures techniques, mettent en &oelig;uvre une technologie politique des individus. Les politiques linguistiques et &eacute;ducatives impuls&eacute;es par le conseil de l&rsquo;Europe participent de cette technologie politique et se sont mat&eacute;rialis&eacute;es en une politique de cadres, de cadres de r&eacute;f&eacute;rence<a href="#sdfootnote10sym" name="sdfootnote10anc">10</a>. En premi&egrave;re approximation et si l&rsquo;on entend r&eacute;sonner le signifiant &laquo; cadre &raquo; nous pouvons dire qu&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;une technique de cadrage des individus, d&rsquo;un dispositif normatif. En effet le cadre est un instrument technocratique, issu d&rsquo;une instance politique et cens&eacute; pr&eacute;senter en un ensemble homog&egrave;ne l&rsquo;image &laquo; unifi&eacute;e &raquo; d&rsquo;une politique &eacute;ducative.</p> <p>&Agrave; aucun moment le CECR qui participe de l&rsquo;approche par comp&eacute;tences (N. Hirtt, 2009) (d&eacute;sormais APC) en ce qu&rsquo;il initie et fonde l&rsquo;approche actionnelle de l&rsquo;enseignement des langues ne rel&egrave;ve d&rsquo;une lecture m&eacute;ta-didactique ou m&eacute;ta-m&eacute;thodologique (au sens de C. Puren), mais d&rsquo;une lecture philosophique et politique dans les termes d&rsquo;une philosophie politique. L&rsquo;APC et le CECR ne sont que la mat&eacute;rialisation dans le champ &eacute;ducatif d&rsquo;une rationalit&eacute; manag&eacute;riale qui op&egrave;re comme un mode de gouvernement, de contr&ocirc;le, d&rsquo;assujettissement.</p> <p>Le CECR se pr&eacute;sente &agrave; la fois comme un discours total et un savoir technicien. Il avance sous le double masque de l&rsquo;expertise et de la transparence, alors qu&rsquo;il n&rsquo;est qu&rsquo;un instrument technique et id&eacute;ologique d&rsquo;action publique qui a pour objectif d&rsquo;orienter, de contr&ocirc;ler les pratiques p&eacute;dagogiques et d&rsquo;uniformiser les discours qui les accompagnent. Il est en cela semblable aux instruments de gestion &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans les entreprises.</p> <p>Le CECR t&eacute;moigne en effet de &laquo; l&rsquo;extension culturelle du langage de l&rsquo;entreprise &raquo; (R. Gori, op. cit., p. 103) et il se constitue comme un discours total parce qu&rsquo;il est anim&eacute; d&rsquo;une vis&eacute;e de compl&eacute;tude&nbsp;:</p> <ul> <li>Il entend englober &laquo; <em>tous</em> les aspects de l&rsquo;apprentissage et de l&rsquo;enseignement des langues &raquo;.</li> <li>Pr&eacute;senter les &laquo; caract&eacute;ristiques de <em>toute</em> forme d&rsquo;usage et d&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue &raquo;.</li> <li style="text-align:justify">&Eacute;laborer &laquo; un mod&egrave;le d&rsquo;utilisation de la langue et de son utilisateur <em>aussi complet que possible</em> &raquo; (CECR, p. 10, 15, 110).</li> </ul> <p>Il vise donc &agrave; &eacute;tablir une repr&eacute;sentation du champ de l&rsquo;enseignement et de l&rsquo;apprentissage des langues totalement normalis&eacute;e et rationalis&eacute;e par un savoir expert&nbsp;et &agrave; constituer ce champ en une totalit&eacute; organis&eacute;e. Totalit&eacute; qui n&rsquo;est pas sans faire &eacute;cho au &laquo; monde de l&rsquo;organisation totale &raquo; d&eacute;crit par T.W. Adorno.</p> <h2>Affirmer, prescrire, r&eacute;p&eacute;ter</h2> <p>Le CECR est un discours sans parole, un discours technique, anonyme, impersonnel fond&eacute; &agrave; l&rsquo;instar de la communication-action qu&rsquo;il promeut sur l&rsquo;effacement de toute &eacute;nonciation. C&rsquo;est le cadre (ou l&rsquo;Europe elle-m&ecirc;me) qui communique dans le cadre ou &agrave; propos du cadre&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; <em>Le cadre europ&eacute;en doit &ecirc;tre suffisamment exhaustif, transparent et coh&eacute;rent</em>. &raquo; (<em>i</em><em>bid.</em>, p. 12)</p> </blockquote> <p>&nbsp;C&rsquo;est le cadre qui excipe, &agrave; l&rsquo;occasion, un &laquo; nous &raquo; ou un &laquo; on &raquo; ind&eacute;fini et englobant. Plusieurs modalit&eacute;s discursives<sup><a href="#sdfootnote11sym" name="sdfootnote11anc">11</a></sup> y semblent pr&eacute;gnantes&nbsp;:</p> <ul> <li>le cadre affirme, les &eacute;nonc&eacute;s y ont le plus souvent une forme assertive,<br /> &laquo; <em>Les comp&eacute;tences g&eacute;n&eacute;rales du sujet apprenant ou communiquant reposent notamment sur les savoirs, savoir-faire et savoir-&ecirc;tre qu&rsquo;il poss&egrave;de, ainsi que sur ses savoir-apprendre</em> &raquo; (CECR, p&nbsp;.16)</li> <li style="text-align:justify">le cadre enjoint, prescrit&nbsp;; il &eacute;num&egrave;re<br /> &laquo; <em>Ce que les apprenants d&rsquo;une langue doivent apprendre (&hellip;) doivent acqu&eacute;rir</em> &raquo;, (<em>ibid.</em>, p&nbsp;.9)</li> </ul> <p>ou ce que le cadre s&rsquo;impose &agrave; lui-m&ecirc;me comme contrainte, ce que le cadre &laquo; doit &ecirc;tre &raquo; dans les termes m&ecirc;mes d&rsquo;une rh&eacute;torique publicitaire, en l&rsquo;occurrence donc &laquo; <em>souple, ouvert, dynamique, convivial, non-dogmatique</em> &raquo; (<em>ibid.</em>, p.13)&nbsp;;</p> <ul> <li style="text-align:justify">enfin le cadre r&eacute;p&egrave;te et se r&eacute;p&egrave;te par la reprise de formules<sup><a href="#sdfootnote12sym" name="sdfootnote12anc">12</a></sup> construites &agrave; l&rsquo;identique et qui ponctuent ses diff&eacute;rents chapitres.</li> </ul> <p>Nous avons donc affaire &agrave; un discours affirmatif, prescriptif, redondant&nbsp;; circulaire et autor&eacute;f&eacute;rentiel par le jeu de renvois internes qui caract&eacute;risent son &eacute;conomie discursive.</p> <p>Dans ce discours autor&eacute;f&eacute;rentiel les r&eacute;f&eacute;rences th&eacute;oriques sont &eacute;vacu&eacute;es, les termes et notions utilis&eacute;s ne sont pas inscrits dans une discursivit&eacute; disciplinaire attest&eacute;e (Sciences du langage, Didactique ou autre&hellip;), parce que le cadre s&rsquo;efforce d&rsquo;abolir m&eacute;moire, g&eacute;n&eacute;alogie, interdiscursivit&eacute;, toute trace en lui d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; pour se pr&eacute;senter comme un discours total donc, qui vise &agrave; susciter de la croyance, de l&rsquo;emprise, voire du d&eacute;sir parce que son r&eacute;gime discursif n&rsquo;est pas celui de la question (comme &eacute;nergie de la pens&eacute;e), de l&rsquo;analyse, de la d&eacute;monstration, du &laquo; faire-savoir &raquo; mais est de l&rsquo;ordre du &laquo; faire-croire &raquo;. Ce discours total qui ignore la probl&eacute;matisation, la contradiction, la &laquo; dialectique &raquo; fonctionne comme un discours incantatoire qui oscille entre le truisme, le syntagme fig&eacute;, la tautologie et la formule abstraite et g&eacute;n&eacute;ralisante.</p> <p>Ainsi pour parler, &eacute;crire ou interagir l&rsquo;apprenant doit mettre en &oelig;uvre &laquo; des op&eacute;rations de communication langagi&egrave;res &raquo; (CECR, p. 73); pour parler il doit &laquo; pr&eacute;voir &raquo;, &laquo; organiser &raquo;, &laquo; formuler &raquo;, &laquo; prononcer &raquo; un &eacute;nonc&eacute;. Quid de la parole jaillissante&nbsp;? Du balbutiement&nbsp;? Du cri&nbsp;? De l&rsquo;affect ou de l&rsquo;&eacute;motion qui laisse sans voix&nbsp;? Du d&eacute;sir qui p&eacute;trifie ou se r&eacute;sout en mot d&rsquo;esprit&nbsp;?</p> <p>&Agrave; l&rsquo;instar du discours gestionnaire et manag&eacute;rial qui organise, planifie, commande et contr&ocirc;le les diff&eacute;rentes &eacute;tapes d&rsquo;une action commerciale ou financi&egrave;re, le discours du CECR d&eacute;compose &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me en &laquo; micro-aptitudes &raquo; les activit&eacute;s de l&rsquo;apprenant, sans qu&rsquo;on puisse toujours appr&eacute;cier la pertinence de ces distinctions.</p> <p>Pour le lire le lecteur doit, entre autre, pouvoir &laquo; identifier un message (aptitudes linguistiques) &raquo;, pouvoir le &laquo; comprendre (aptitudes s&eacute;mantiques) &raquo;, pouvoir l&rsquo;&laquo; interpr&eacute;ter (aptitudes cognitives) &raquo; (<em>ibid.</em>, p.74). Quel est ici le ressort op&eacute;rant de cette diff&eacute;renciation linguistique/s&eacute;mantique/cognitif&nbsp;? Qui tient le scalpel&nbsp;? Et comment tranche-t-il ?</p> <p>Pour interagir il faudra que ce m&ecirc;me apprenant r&eacute;alise des &laquo; op&eacute;rations de planification &raquo;, d&rsquo;&laquo; ex&eacute;cution &raquo;, d&rsquo;&laquo; &eacute;valuation &raquo; et &eacute;ventuellement de &laquo; rem&eacute;diation &raquo; en cas d&rsquo;&laquo; incompr&eacute;hension &raquo; ou d&rsquo;&laquo; ambigu&iuml;t&eacute; &raquo; qui est qualifi&eacute;e d&rsquo;&laquo; inacceptable &raquo; par le cadre&nbsp;; ce qui implique des &laquo; demandes de clarification &raquo; (ibid., p. 70). Mais de quoi traite-t-on&nbsp;? Depuis quel lieu d&rsquo;omniscience ou de sur-savoir&nbsp;? De l&rsquo;usage de la langue&nbsp;? De la parole vive&nbsp;? De l&rsquo;&eacute;change ordinaire&nbsp;? Ou ne s&rsquo;agit-il pas plut&ocirc;t de la haine de la vie&nbsp;? de la haine de la parole et du langage&nbsp;? De leur arasement par un jargon manag&eacute;rial, une logomachie insipide qui pr&eacute;tend &laquo; tout &raquo; rendre visible, &laquo; tout &raquo; dire, &laquo; tout &raquo; classer, &laquo; tout &raquo; expliquer de &laquo; mani&egrave;re rationnelle et transparente &raquo; (<em>ibid.</em>, p. 40).</p> <p>Si ce discours total a quelque pr&eacute;dilection pour le truisme, il appr&eacute;cie tout autant les formules abstraites, g&eacute;n&eacute;ralisantes qui ont pour finalit&eacute; &laquo; d&rsquo;abstraire le r&eacute;el &raquo;, de l&rsquo;escamoter, de le faire dispara&icirc;tre &laquo; derri&egrave;re un semblant de savoir &raquo; (J.P. Lebrun, N. Malinconi, <em>op. cit</em>., p. 217).</p> <p>Ce discours est non seulement prescriptif, r&eacute;p&eacute;titif, auto-r&eacute;f&eacute;rentiel, c&rsquo;est aussi un discours &laquo; d&eacute;m&eacute;taphoris&eacute; &raquo; dans lequel l&rsquo;absence de cr&eacute;ation m&eacute;taphorique indique la puissance de mort qui est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre, la d&eacute;shumanisation ou la d&eacute;subjectivation par laquelle la pens&eacute;e se r&eacute;sout en technique. Les mots de ce discours expert sont unir&eacute;f&eacute;rentiels, ils d&eacute;signent, d&eacute;crivent ou accompagnent des actions&nbsp;; les acteurs du CECR sont des individus-choses qui ne sont plus soumis &agrave; un ordre symbolique, mais &eacute;voluent dans un univers de choses, dans un univers &laquo; comportementaliste &raquo; o&ugrave; les t&acirc;ches impliquent des r&eacute;sultats observables&nbsp;: d&eacute;placer une armoire, conduire une voiture, ou, ainsi que le sugg&egrave;re D. Coste pour enrichir la gamme des possibles et parce qu&rsquo;une &laquo; action finalis&eacute;e &raquo; appelle toujours &laquo; des r&eacute;sultats constatables (r&eacute;parer une machine, remplir un formulaire, acheter un billet de train sur internet, jouer au loto) &raquo;<a href="#sdfootnote13sym" name="sdfootnote13anc"><sup>13</sup>.</a></p> <p>Lorsque les mots de ce discours expert ne sont pas unir&eacute;f&eacute;rentiels, ce sont des mots abstraits&nbsp;; des notions outr&eacute;es, trou&eacute;es, pauvres par abstraction, qui ignorent &laquo; les r&eacute;alit&eacute;s &raquo; auxquelles elles pr&eacute;tendent s&rsquo;appliquer.</p> <p>Ce discours pseudo-savant qui se construit sur la forclusion de la fonction symbolique de la parole &ndash; &agrave; la fois au fondement du sujet, de la relation &agrave; l&rsquo;autre, du lien social, de la vie subjective qui s&rsquo;origine dans l&rsquo;&eacute;change- et sur la promotion d&rsquo;un apprenant d&eacute;fini comme un acteur social assujetti aux exigences du march&eacute; et de l&rsquo;&eacute;conomie, &eacute;vite de penser et &laquo; le r&eacute;el &raquo; des situations d&rsquo;enseignement et le &laquo; r&eacute;el &raquo; des exp&eacute;riences d&rsquo;apprentissage. Il se d&eacute;veloppe en assertions qui doivent fonctionner comme autant d&rsquo;&eacute;vidences indiscut&eacute;es pour les praticiens de terrain, ou en formules abstraites &ndash; outiller les europ&eacute;ens, intercompr&eacute;hension mutuelle, Europe interactive, individu utilisateur, personnalit&eacute; interculturelle &ndash; qui s&rsquo;apparentent &agrave; des slogans ou des mots d&rsquo;ordre. C&rsquo;est la m&ecirc;me &laquo; abstractivit&eacute; &raquo; &eacute;vid&eacute;e, impr&eacute;cise et opaque, qui pr&eacute;side &agrave; la d&eacute;finition des principes constitutifs de l&rsquo;APC et de l&rsquo;approche actionnelle<sup><a href="#sdfootnote14sym" name="sdfootnote14anc">14</a></sup>&nbsp;:</p> <p>L&rsquo;enseignant animateur et accompagnateur doit aider l&rsquo;apprenant &agrave; acqu&eacute;rir des ressources cognitives mobilisables en situation&nbsp;; celui-ci doit traiter de l&rsquo;information face &agrave; une t&acirc;che complexe&nbsp;; il doit int&eacute;rioriser des savoirs au service de l&rsquo;action, et gr&acirc;ce &agrave; ses capacit&eacute;s m&eacute;tacognitives avoir un retour r&eacute;flexif sur ses processus d&rsquo;apprentissage et &eacute;valuer sa pratique de la langue afin de s&rsquo;autonomiser.</p> <p>Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un enseignant accompagnateur&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;une ressource cognitive&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce que traiter de l&rsquo;information&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;une t&acirc;che complexe&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;un processus d&rsquo;apprentissage&nbsp;?</p> <p>Les principes de ce marketing manag&eacute;rial font de l&rsquo;apprenant un individu total, un apprenant-expert autonome, &eacute;valuateur, qui n&rsquo;est qu&rsquo;une fiction p&eacute;dagogique. Celle d&eacute;crite par P. Anderson&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; <em>Quelqu&rsquo;un en train d&rsquo;apprendre serait en m&ecirc;me temps disponible pour analyser les modes de r&eacute;solution qu&rsquo;il utilise (&hellip;) et ce m&ecirc;me individu pourrait circonscrire la part de connu de la part d&rsquo;inconnu qu&rsquo;il a &agrave; affronter.</em> &raquo; (P. Anderson, 2009, p. 83)</p> </blockquote> <h2>Un ordre manag&eacute;rial du discours</h2> <p>Un discours tel le CECR qui se veut &laquo; non dogmatique &raquo; et &laquo; transparent &raquo; ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre dogmatique et opaque et les valeurs dont il se r&eacute;clame un simple affichage de circonstance<a href="#sdfootnote15sym" name="sdfootnote15anc">15</a>. Discours total, vulgate manag&eacute;riale, il est une technique de gouvernement et de contr&ocirc;le qui vise &agrave; cr&eacute;er de l&rsquo;adh&eacute;sion, &agrave; faire na&icirc;tre de la croyance. Comme la communication et le management il peut bien tenir des propos l&eacute;nifiants sur le dialogue, la transparence, la r&eacute;ciprocit&eacute;, le respect de l&rsquo;autre, l&rsquo;ouverture &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;&nbsp;; ces propos n&rsquo;ont d&rsquo;autre finalit&eacute; que de masquer la brutalit&eacute; des logiques de dressage, d&rsquo;humiliation, de domestication auxquelles les &ecirc;tres de parole sont aujourd&rsquo;hui expos&eacute;s.</p> <p>M. Foucault comme J. Cl. Milner ont mis en &eacute;vidence comment nos &laquo; soci&eacute;t&eacute;s avanc&eacute;es &raquo; autrefois fond&eacute;es sur la loi sont devenues des soci&eacute;t&eacute;s vou&eacute;es aux normes et aux contrats. Il s&rsquo;en est suivi une multiplication des dispositifs de contr&ocirc;le dans l&rsquo;entreprise, la sant&eacute;, l&rsquo;&eacute;ducation, l&rsquo;administration et l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;un ordre manag&eacute;rial du discours.</p> <p>Le contr&ocirc;le implique la visibilit&eacute;, l&rsquo;&eacute;valuation, la classification, la hi&eacute;rarchisation; l&rsquo;ordre du discours se construit &agrave; l&rsquo;aide d&rsquo;un nombre limit&eacute; de ma&icirc;tres-mots qui impr&egrave;gnent et &laquo; intoxiquent &raquo;<sup><a href="#sdfootnote16sym" name="sdfootnote16anc">16</a></sup> des r&eacute;alit&eacute;s sociales tr&egrave;s diverses et s&rsquo;imposent &agrave; tous les secteurs de la soci&eacute;t&eacute;. Ce sont les m&ecirc;mes mots, r&eacute;p&eacute;t&eacute;s, ressass&eacute;s&nbsp;:<br /> <em>comp&eacute;tence, objectif, projet, savoir-faire, savoir-&ecirc;tre, strat&eacute;gie, autonomie, efficacit&eacute;, excellence, gestion, innovation</em><sup><a href="#sdfootnote17sym" name="sdfootnote17anc">17</a></sup><em>, indicateurs de performance, &eacute;valuation,</em> qui s&rsquo;insinuent en nous et se donnent &agrave; appr&eacute;hender comme une langue technique, un idiome sp&eacute;cialis&eacute; qui se pr&eacute;sente comme le seul langage autoris&eacute; et l&eacute;gitime. Cet ordre du discours est ferm&eacute; sur lui-m&ecirc;me, sans autre, il se constitue comme un espace de violence&nbsp;:</p> <blockquote> <p><em>Tout(e) puissante autant que pauvre, et tout(e) puissante seulement de par sa pauvret&eacute;</em> (V. Klemperer, <em>op. cit.</em>, p. 46),</p> </blockquote> <p>qui a vocation &agrave; nous faire d&eacute;lirer sur &laquo; le progr&egrave;s &raquo;, &laquo; la technique &raquo;, &laquo; l&rsquo;excellence &raquo;<sup><a href="#sdfootnote18sym" name="sdfootnote18anc">18</a></sup>, la &laquo; comp&eacute;tence &raquo;, la &laquo; communication &raquo; ; ces maitres mots sont des mots f&eacute;tiches, des mots mana, des mots d&rsquo;ordre. Ils s&rsquo;&eacute;noncent depuis le lieu d&rsquo;un sur-savoir celui de l&rsquo;expertise et de l&rsquo;&eacute;valuation qui pr&eacute;tend d&eacute;tenir &laquo; le vrai du vrai &raquo;, &ecirc;tre un crit&egrave;re de partage des individus et les maintient dans l&rsquo;illusion d&rsquo;une &eacute;valuation objective. Le pouvoir se diffuse aujourd&rsquo;hui &agrave; travers des r&eacute;f&eacute;rentiels, il s&rsquo;exerce &agrave; travers des cadres de r&eacute;f&eacute;rence qui ne sont que des cadres de pens&eacute;e normatifs, qui interdisent un exercice sans condition de la r&eacute;flexion.</p> <p>Le cadre exige des individus cr&eacute;dules sans lesquels il ne pourrait exercer<sup><a href="#sdfootnote19sym" name="sdfootnote19anc">19</a></sup> son emprise&nbsp;; des individus qui ne sont plus articul&eacute;s &agrave; une loi mais dans le souci permanent d&rsquo;&ecirc;tre ad&eacute;quats &agrave; des normes&nbsp;; et comme le cadre sait d&rsquo;un savoir insu ce qu&rsquo;est la norme de la &laquo; sant&eacute; psychique &raquo; et de &laquo; de l&rsquo;&eacute;quilibre &raquo;, il ne peut que participer &agrave; &laquo; l&rsquo;empire du bien &raquo;<sup><a href="#sdfootnote20sym" name="sdfootnote20anc">20</a></sup> et viser &laquo; l&rsquo;&eacute;panouissement &raquo; de ceux auxquels il s&rsquo;adresse, il se donne ainsi pour objectifs&nbsp;: de &laquo; favoriser le d&eacute;veloppement harmonieux de la personnalit&eacute; de l&rsquo;apprenant &raquo; et d&rsquo;offrir la possibilit&eacute; &laquo; aux enseignants et aux apprenant eux-m&ecirc;mes de construire une personnalit&eacute; saine et &eacute;quilibr&eacute;e &raquo; (CECRL, p. 9).</p> <p>Un tel document qui &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence ne peut avoir &eacute;t&eacute; &eacute;labor&eacute; que par des personnalit&eacute;s, elles-m&ecirc;mes &laquo; saines &raquo; et &laquo; &eacute;quilibr&eacute;es &raquo;, ne peut &ecirc;tre un simple dispositif technique ou un simple document de r&eacute;f&eacute;rence, il d&eacute;tient une force d&rsquo;action et d&rsquo;interpr&eacute;tation. Il est une interpr&eacute;tation unilat&eacute;rale, contraignante, r&eacute;ductrice de la vie, du sujet, du langage, des langues, du temps, de la relation &agrave; autrui, de la socialit&eacute;. Il se constitue en une matrice de subjectivation<sup><a href="#sdfootnote21sym" name="sdfootnote21anc">21</a></sup>&nbsp;: il promeut une subjectivit&eacute; de calcul<sup><a href="#sdfootnote22sym" name="sdfootnote22anc">22</a></sup>, parole et action y &eacute;tant toujours l&rsquo;aboutissement d&rsquo;un calcul&nbsp;; il doit &laquo; conduire des conduites &raquo; (M. Foucault, <em>op. cit.</em>, p. 1632), rationaliser des pratiques et des discours, les uniformiser et les soumettre &agrave; la sph&egrave;re des int&eacute;r&ecirc;ts &eacute;conomiques et des r&eacute;sultats imm&eacute;diats. Enfin il faut qu&rsquo;il soit &laquo; attrayant &raquo;<sup><a href="#sdfootnote23sym" name="sdfootnote23anc">23</a></sup> et &laquo; cr&eacute;dible &raquo; :</p> <blockquote> <p>&laquo; <em>Si le pouvoir ne s&rsquo;exer&ccedil;ait que de fa&ccedil;on n&eacute;gative il serait fragile, s&rsquo;il est fort c&rsquo;est qu&rsquo;il produit des effets positifs au niveau du d&eacute;sir et du savoir.</em> &raquo; (M. Foucault, <em>op. cit.</em>, tome 1, p.1625)</p> </blockquote> <p>Parce que le CECR est un discours du faire-croire, il a cr&eacute;e une demande de servitude, un d&eacute;sir de norme&nbsp;: il a fait figure d&rsquo;&laquo; Autre bienfaiteur &raquo; : figure &eacute;minemment positive, figure de progr&egrave;s en mati&egrave;re d&rsquo;enseignement des langues. Comment interpr&eacute;ter autrement son impact au plan institutionnel et &eacute;ducatif&nbsp;? dans les centres des langues, les alliances fran&ccedil;aises, les coll&egrave;ges, les lyc&eacute;es&nbsp;; comment interpr&eacute;ter autrement son omnipr&eacute;sence dans les discours&nbsp;? Si l&rsquo;en juge du moins par sa r&eacute;ception<sup><a href="#sdfootnote24sym" name="sdfootnote24anc">24</a></sup> en France o&ugrave; l&rsquo;approche actionnelle dont il est porteur est inscrite par nombre de ses commentateurs et thurif&eacute;raires dans une histoire lin&eacute;aire, cumulative (et sans aucun doute radieuse) des progr&egrave;s de la pens&eacute;e didactique.</p> <h2>Communiquer disent-ils</h2> <p>L&rsquo;un des termes-cl&eacute;s du cadre est le terme de &laquo; communication &raquo;. Pour le Conseil de l&rsquo;Europe et les divers documents de r&eacute;f&eacute;rence qu&rsquo;il a produit, la finalit&eacute; de l&rsquo;enseignement et de l&rsquo;apprentissage des langues ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre la communication.</p> <p>Elle y pos&eacute;e comme une &eacute;vidence, une valeur absolue, un dogme indiscutable. Elle y est c&eacute;l&eacute;br&eacute;e et absolutis&eacute;e au m&ecirc;me titre que l&rsquo;utilit&eacute;, l&rsquo;efficacit&eacute; et la performance. Elle y est c&eacute;l&eacute;br&eacute;e &agrave; la mani&egrave;re des discours qui d&egrave;s les ann&eacute;es 1980 ont contribu&eacute; &agrave; faire de la communication &laquo; le mythe central de nos soci&eacute;t&eacute;s &raquo; (De Certeau, Giard, 1983, p. 4) le paradigme fondateur et le r&eacute;cit de la modernit&eacute;.</p> <p>&Agrave; notre &eacute;poque &laquo; post-moderne &raquo;<sup><a href="#sdfootnote25sym" name="sdfootnote25anc">25</a></sup>, l&rsquo;une des responsabilit&eacute;s que s&rsquo;attribue le Conseil de l&rsquo;Europe est de promouvoir &laquo; la soci&eacute;t&eacute; de l&rsquo;information &raquo;, et donc le recours aux NTIC dans l&rsquo;enseignement est pr&eacute;sent&eacute; comme indispensable&nbsp;; ce qui implique la r&eacute;duction de &laquo; la part consacr&eacute;e &agrave; l&rsquo;acquisition des connaissances &raquo;. Cette r&eacute;duction s&rsquo;impose au profit de &laquo; la capacit&eacute; &agrave; communiquer &raquo;<a href="#sdfootnote26sym" name="sdfootnote26anc"><sup>26</sup>.</a></p> <p>L&rsquo;enseignant ne peut plus &ecirc;tre un simple &laquo; d&eacute;tenteur du savoir &raquo;, il doit devenir un &laquo; co-apprenant &raquo; (<em>ibid</em>, p. 25), un &laquo; accompagnateur &raquo; d&rsquo;apprentissage&nbsp;; enseignant et apprenant sont inscrits dans &laquo; une horizontalit&eacute; interactive &raquo;, il s&rsquo;ensuit une indiff&eacute;renciation entre savoir et information&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; <em>L&rsquo;essentiel est de savoir produire et diffuser de l&rsquo;information. En fait il faut savoir communiquer.</em> &raquo; (<em>ibid</em>., p. 12)</p> </blockquote> <p>L&rsquo;apprenant comme l&rsquo;enseignant deviennent des &laquo; gestionnaires d&rsquo;informations &raquo;<sup><a href="#sdfootnote27sym" name="sdfootnote27anc">27</a></sup> et l&rsquo;information la part marchande de la parole, sa part calculable.</p> <p>La communication dans le CECR est toujours une communication consensuelle et coop&eacute;rative. Elle d&eacute;finit un horizon de convergence et de collaboration, elle n&rsquo;est jamais une relation d&rsquo;inconnu, un espace de d&eacute;paysement, de malaise, d&rsquo;incompr&eacute;hension, voire de rencontre en ce qu&rsquo;elle surgit de l&rsquo;impr&eacute;vu ou un espace de cr&eacute;ation po&eacute;tique et de transmission. Les acteurs de la communication sont les partenaires d&rsquo;une activit&eacute; sociale sans heurt ni conflit. Cette euph&eacute;misation de l&rsquo;&eacute;change induit une logique du m&ecirc;me&nbsp;: les partenaires sont identiques et interchangeables, ils ne se confrontent &agrave; aucune alt&eacute;rit&eacute;, ne connaissent ni haine, ni jalousie, ni d&eacute;sir, ni rivalit&eacute;.</p> <p>Dans cet univers ir&eacute;nique, sans d&eacute;saccord ni malentendu, dans cet univers de positivit&eacute;, de transparence du sens, le r&eacute;el de la diff&eacute;rence des sexes et de la diff&eacute;rence des places est effac&eacute;. La communication ne connait nulle faillite, nul ratage, nul &eacute;chec, alors que l&rsquo;&eacute;cart, la distance irr&eacute;ductible que creuse la parole, le malentendu, l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; du langage<sup><a href="#sdfootnote28sym" name="sdfootnote28anc">28</a></sup> et des interlocuteurs constituent une dimension structurelle de l&rsquo;&eacute;change.</p> <p>L&rsquo;impossible &laquo; consensus &raquo; est une propri&eacute;t&eacute; du langage&nbsp;; le un, le commun, le consensus ne sont jamais qu&rsquo;imaginaires et l&rsquo;intersubjectivit&eacute; du sens (J.M. Prieur, 2003, p. 53) notre mirage ordinaire.</p> <h2>Une langue sans expressivit&eacute;</h2> <p>Que doit acqu&eacute;rir l&rsquo;apprenant&nbsp;? Que lui faut-il int&eacute;rioriser&nbsp;? Une (des) comp&eacute;tence<a href="#sdfootnote29sym" name="sdfootnote29anc">29</a> &agrave; communiquer et &agrave; agir. La comp&eacute;tence est en lien direct avec l&rsquo;action, elle s&rsquo;y manifeste et n&rsquo;est observable (comme dans le behaviorisme) qu&rsquo;&agrave; travers les &laquo; t&acirc;ches &raquo; r&eacute;alis&eacute;es et les r&eacute;sultats constatables&nbsp;: vous &ecirc;tes donc comp&eacute;tent si vous avez pu r&eacute;parer une machine et d&eacute;placer une armoire. Dans le CECR la langue a une fonction d&rsquo;outil&nbsp;; &agrave; l&rsquo;image du discours du cadre lui-m&ecirc;me il s&rsquo;agit d&rsquo;une langue fonctionnelle, sans expressivit&eacute;, elle est exclusivement con&ccedil;ue comme un instrument d&rsquo;action ou au service d&rsquo;une action&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo; <em>L&rsquo;action est le fait d&rsquo;un (ou plusieurs sujets) qui mobilisent strat&eacute;giquement les comp&eacute;tences dont ils disposent pour parvenir &agrave; un r&eacute;sultat d&eacute;termin&eacute;.</em> &raquo; (CECR, p. 15)<br /> &laquo; <em>Les strat&eacute;gies sont le moyen utilis&eacute; par l&rsquo;usager d&rsquo;une langue afin (&hellip;) d&rsquo;ex&eacute;cuter la t&acirc;che avec succ&egrave;s et de la fa&ccedil;on la plus compl&egrave;te et la plus &eacute;conomique possible en fonction de son but pr&eacute;cis.</em> &raquo; (<em>ibid.</em>, p. 48)</p> </blockquote> <p>Action/strat&eacute;gie/comp&eacute;tence/but/succ&egrave;s&nbsp;: le mod&egrave;le qui pr&eacute;vaut dans l&rsquo;usage de la langue est celui d&rsquo;une action efficace&nbsp;; la parole proc&egrave;de d&rsquo;un calcul strat&eacute;gique qui vise un r&eacute;sultat, c&rsquo;est dire que la langue qui prime dans le CECR est une langue de l&rsquo;instant, une langue sans historicit&eacute; qui ne s&rsquo;articule ni &agrave; une culture cultiv&eacute;e ni m&ecirc;me &agrave; une culture anthropologique. Elle fonctionne comme un code, comme un idiome technique dans lequel les mots ont perdu leur r&eacute;sonance. La parole comme le temps y est &eacute;cras&eacute;e par l&rsquo;action, par l&rsquo;ex&eacute;cution de la t&acirc;che. Dans le cadre, la parole est sans interruption, sans silence, sans respiration, sans rythme, il s&rsquo;agit d&rsquo;une parole-outil qui a pour effet d&rsquo;occulter l&rsquo;impropri&eacute;t&eacute; fonci&egrave;re du langage, son inad&eacute;quation, son vide<a href="#sdfootnote30sym" name="sdfootnote30anc"><sup>30</sup>.</a></p> <p>L&rsquo;apprenant du CECR est sans pass&eacute;, il ne vit que dans l&rsquo;imm&eacute;diatet&eacute; de l&rsquo;action, il n&rsquo;est tenu par aucune dette symbolique parce que rien ne le pr&eacute;c&egrave;de, ni la langue, ni ses mots et &laquo; a dense histoire &raquo; de leurs &laquo; emplois mouvants &raquo; (A. Tabouret-Keller, 1997, p.159). Il n&rsquo;entre pas dans une langue qui &eacute;voque et exprime, qui l&rsquo;ouvre &agrave; l&rsquo;inconnu de l&rsquo;histoire, de la culture, des arts, des relations pass&eacute;es et pr&eacute;sentes au &laquo; monde &raquo;, tel que cet inconnu s&rsquo;est mat&eacute;rialis&eacute; &agrave; travers ses mots. Cet apprenant est une chose dont la rationalit&eacute; manag&eacute;riale &eacute;limine la singularit&eacute;, la parole balbutiante et les traces de son d&eacute;sir, le rire, le cri, le point de po&eacute;sie ou de souffrance. Cet individu-chose est un &ecirc;tre calculable et &eacute;valuable, que le discours du cadre, anim&eacute; d&rsquo;une fr&eacute;n&eacute;sie de diff&eacute;renciation, soumis au terrorisme de la transparence, cat&eacute;gorise en profils et en types, d&eacute;compose en micro-aptitudes, sous-comp&eacute;tences et comp&eacute;tences dont l&rsquo;inventaire absurde para&icirc;t sans fin. Telle l&rsquo;encyclop&eacute;die chinoise de Borges &eacute;voqu&eacute;e par M. Foucault dans la pr&eacute;face de son livre <em>Les mots et les choses</em><sup><a href="#sdfootnote31sym" name="sdfootnote31anc">31</a></sup>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&laquo; <em>Les apprenants se divisent en a) embaum&eacute;s b) apprivois&eacute;s c) muets d) domestiqu&eacute;s e) inclus dans la pr&eacute;sente classification.</em> &raquo;</p> </blockquote> <p>Si le CECR promeut une subjectivit&eacute; de calcul, la rationalit&eacute; manag&eacute;riale qui y s&eacute;vit ainsi que dans les divers documents de r&eacute;f&eacute;rence du Conseil de l&rsquo;Europe, ne fonctionne pas seulement comme une technique de gouvernement, mais &eacute;galement comme un dispositif &agrave; fabriquer de la subjectivit&eacute;, un dispositif qui vise non seulement &agrave; modeler les pratiques professionnelles et p&eacute;dagogiques, mais aussi les psychismes.</p> <h2>Un individu total</h2> <p>&laquo; L&rsquo;homme nouveau &raquo; (J.P. Le Goff, <em>op. cit.</em>, p.X) de l&rsquo;entreprise et l&rsquo;apprenant-expert du cadre se rejoignent en un individu total, embl&eacute;matique de la post-modernit&eacute;.</p> <p>Il s&rsquo;agit d&rsquo;un homme communiquant, qui se d&eacute;finit moins par son exp&eacute;rience int&eacute;rieure ou son appartenance sociale, que par sa connexion &agrave; des flux et des circuits d&rsquo;information et de communication.</p> <p>C&rsquo;est donc aussi une machine &agrave; traiter de l&rsquo;information, sans corps, sans d&eacute;sir, sans affectivit&eacute;, sans lien social, machine qui ne r&ecirc;ve ni ne fantasme jamais, tendue qu&rsquo;elle est vers la r&eacute;alisation de sa t&acirc;che ou la r&eacute;solution de son probl&egrave;me&nbsp;; c&rsquo;est une personnalit&eacute; &laquo; saine &raquo; et &laquo; &eacute;quilibr&eacute;e &raquo; (CECR, op. cit., p.9) qui &eacute;volue dans l&rsquo;univers transparent d&rsquo;une communication &laquo; r&eacute;ussie &raquo;, sans malentendu, sans m&eacute;taphore, sans mot d&rsquo;esprit, et donc dans un langage sans autre, sans inconscient.</p> <p>C&rsquo;est un &laquo; self made man &raquo;, un apprenant autonome qui apprend par lui-m&ecirc;me, qui est capable d&rsquo;identifier ses erreurs et de les corriger (ibid., p.53), qui r&eacute;fl&eacute;chit &agrave; ses strat&eacute;gies d&rsquo;apprentissage, qui apprend &agrave; apprendre (tautologie qui &eacute;vite de poser la question du quoi apprendre), qui construit son parcours d&rsquo;apprentissage et en d&eacute;finit les objectifs, qui s&rsquo;auto-&eacute;value (<em>ibid.</em>, p.22), jouit de ses proth&egrave;ses technologiques et <em>in fine</em> s&rsquo;enferme par le biais de l&rsquo;ordinateur dans un lien toxique &agrave; lui-m&ecirc;me.</p> <p>Cet apprenant r&eacute;f&egrave;re &agrave; la figure d&rsquo;une subjectivit&eacute; auto-construite, auto-suffisante qui ne se pose que par r&eacute;f&eacute;rence &agrave; elle-m&ecirc;me, qui n&rsquo;est pas dans la relation &agrave; l&rsquo;autre mais dans &laquo; le commerce avec soi-m&ecirc;me &raquo; (H. Arendt, 1989, p.201).</p> <p>Le r&eacute;gime paradoxal de l&rsquo;individu-total de la post-modernit&eacute; c&rsquo;est qu&rsquo;il est, d&rsquo;un c&ocirc;t&eacute; un individu-chose &eacute;valuable, contr&ocirc;lable et donc &eacute;liminable, vou&eacute; et soumis &agrave; des normes qui lui &eacute;chappent&nbsp;; et, de l&rsquo;autre, un sujet auto-fond&eacute;, cause de lui-m&ecirc;me, caract&eacute;ris&eacute; par la toute puissance imaginaire, l&rsquo;illusion de ma&icirc;trise, le narcissisme, l&rsquo;exigence de plaisir imm&eacute;diat.</p> <p>Cette subjectivit&eacute; &laquo; augment&eacute;e &raquo; &agrave; l&rsquo;occasion par les bio-technologies, format&eacute;e par la logique de la performance et de l&rsquo;efficacit&eacute; ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre dans le d&eacute;ni de la vie subjective, de la vuln&eacute;rabilit&eacute; des &ecirc;tres parlants et de l&rsquo;exp&eacute;rience pr&eacute;caire (J.M. Prieur, 2003, <em>op.cit.</em>, p.56) comme condition de leur pr&eacute;sence au langage. Elle ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre dans le d&eacute;ni de l&rsquo;autre et de la parole, dans le d&eacute;ni du pacte symbolique qui &eacute;tablit chacun d&rsquo;entre nous dans sa subjectivit&eacute;.</p> <p>Ce que l&rsquo;ordre manag&eacute;rial du discours rejette c&rsquo;est &agrave; la fois l&rsquo;ind&eacute;termin&eacute; du sens et l&rsquo;ind&eacute;termin&eacute; du sujet&nbsp;: du sujet comme devenir, &ecirc;tre de langage et de relations. La subjectivit&eacute; est vuln&eacute;rabilit&eacute; et exposition quand elle s&rsquo;ouvre &agrave; la relation d&rsquo;inconnu qui sous-tend tout &eacute;change&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; <em>La subjectivit&eacute; ne signifie-t-elle pas pr&eacute;cis&eacute;ment de par son incapacit&eacute; de s&rsquo;enfermer du dedans&nbsp;?</em> &raquo; (E. Levinas, 1987, p.103)</p> </blockquote> <h2>Un univers sans n&eacute;gativit&eacute;</h2> <p>Si les termes de sujet, de d&eacute;sir, d&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; ou h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute;, de r&eacute;el, sont absents du CECR c&rsquo;est que les notions et savoirs auxquels ils r&eacute;f&eacute;rent y sont forclos.</p> <p>Le discours du cadre n&rsquo;a aucune &laquo; prise &raquo; sur les r&eacute;alit&eacute;s auxquelles il pr&eacute;tend s&rsquo;appliquer&nbsp;; il ignore et la mat&eacute;rialit&eacute; et la dynamique des apprentissages, leur logique singuli&egrave;re, h&eacute;t&eacute;rog&egrave;ne, complexe. Son chapitre 6 sur &laquo; les op&eacute;rations d&rsquo;apprentissage &raquo; n&rsquo;est qu&rsquo;une combinaison de lieux communs et de g&eacute;n&eacute;ralit&eacute;s parfois obtuses. Ainsi il proc&egrave;de &agrave; une distinction faute/erreur pour le moins abstraite, opaque et en fin de compte incompr&eacute;hensible&nbsp;:</p> <blockquote> <p>&laquo; <em>Les erreurs sont caus&eacute;es par une d&eacute;viation (?) ou une repr&eacute;sentation d&eacute;form&eacute;e (?) de la langue cible.</em><br /> <em>Les fautes ont lieu quand l&rsquo;utilisateur apprenant est incapable de mettre ses comp&eacute;tences en &oelig;uvre.</em> &raquo;<br /> (CECR, <em>op.cit.,</em> p.118)</p> </blockquote> <p>Ce qui retient ici c&rsquo;est la viduit&eacute; de ces formulations&nbsp;; alors m&ecirc;me que n&rsquo;importe quelle analyse d&rsquo;erreurs r&eacute;v&egrave;le le r&eacute;el langagier auquel tout sujet apprenant une langue se confronte et permet de mettre au jour les m&eacute;canismes psycholinguistiques (A. Co&iuml;aniz, 1996) &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans cette appropriation.</p> <p>L&rsquo;apprentissage est toujours affaire de fronti&egrave;res&nbsp;: le sujet se confronte &agrave; des fronti&egrave;res linguistiques h&eacute;t&eacute;rog&egrave;nes &agrave; celle de sa langue d&rsquo;origine. Non seulement il en d&eacute;coud avec la singularit&eacute; syst&eacute;matique de la langue &eacute;trang&egrave;re, mais il acc&egrave;de au sens dans une exp&eacute;rience de la confusion linguistique et du leurre s&eacute;mantique, vou&eacute; qu&rsquo;il est au malentendu et &agrave; l&rsquo;&eacute;quivoque (J.M. Prieur, 2008).</p> <p>Le discours du cadre se fonde sur l&rsquo;oubli de la langue&nbsp;: de la mat&eacute;rialit&eacute; de la langue et de ses lieux de difficult&eacute;s linguistiques objectivables (pr&eacute;cis&eacute;ment gr&acirc;ce aux&nbsp;erreurs de ceux qui apprennent)&nbsp;; il ne vise qu&rsquo;&agrave; enseigner, &agrave; travers des &laquo; savoir-faire &raquo; et des &laquo; savoir &ecirc;tre &raquo;, un code communicatif et comportemental adapt&eacute; aux r&eacute;alit&eacute;s professionnelles et &eacute;conomiques de notre &eacute;poque.</p> <p>Le discours du cadre qui pr&eacute;tend traiter de l&rsquo;enseignement des langues est dans l&rsquo;impossibilit&eacute; de penser la n&eacute;gativit&eacute; de toute situation d&rsquo;enseignement-apprentissage, son incompl&eacute;tude structurelle, puisqu&rsquo;il se constitue, comme la publicit&eacute;, en un univers de positivit&eacute;&nbsp;; il ne peut pas penser l&rsquo;&eacute;chec, le mal<sup><a href="#sdfootnote32sym" name="sdfootnote32anc">32</a></sup>, l&rsquo;inconscient&nbsp;; il ne peut prendre en compte les malaises relationnels, les impasses subjectives, les affects (amour, haine, hainamoration) qui trament la relation p&eacute;dagogique. Il ne peut qu&rsquo;ignorer ce ph&eacute;nom&egrave;ne rep&eacute;r&eacute; par Freud sous le nom de transfert et qui est le ressort op&eacute;rant de toute situation d&rsquo;enseignement et d&rsquo;apprentissage.</p> <p>Il est vrai que l&rsquo;apprenant du cadre n&rsquo;est pas un &ecirc;tre de relations et de d&eacute;sir, c&rsquo;est un &laquo; homme-bloc &raquo;, un &laquo; indivis &raquo;, un sujet non divis&eacute;, auto-suffisant et auto-fabriqu&eacute;, soustrait &agrave; la discontinuit&eacute; et &agrave; l&rsquo;incompl&eacute;tude de la parole. Ce qui &eacute;chappe au cadre, au management et aux id&eacute;es didactiques &laquo; <em>partout&nbsp;t&eacute;l&eacute;phon&eacute;es dans l&rsquo;espace</em> &raquo; (H. Michaux, 1998, p.662) c&rsquo;est le poin&ccedil;on du d&eacute;sir, c&rsquo;est la singularit&eacute; pour chacun de son rapport &agrave; la langue &eacute;trang&egrave;re (V. Allouche, 2012).</p> <p>C&rsquo;est le fait que le plus souvent l&rsquo;apprentissage est une exp&eacute;rience radicalement subjective, affective,&nbsp;relationnelle, qui mobilise int&eacute;gralement le sujet, son d&eacute;sir, son corps, son imaginaire, ses relations aux autres&nbsp;; son histoire familiale, son pass&eacute; scolaire et pas seulement et pas uniquement ses capacit&eacute;s cognitives.</p> <p>Ce qui &eacute;chappe aux id&eacute;es didactiques &laquo; partout&nbsp;t&eacute;l&eacute;phon&eacute;es dans l&rsquo;espace &raquo; c&rsquo;est que les langues puissent venir dans l&rsquo;imaginaire du sujet en position d&rsquo;objet de d&eacute;sir. Car que disent les &eacute;crivains&nbsp;? que l&rsquo;on peut s&rsquo;affecter des langues comme l&rsquo;on s&rsquo;affecte des &ecirc;tres qui nous entourent et l&rsquo;&eacute;criture s&rsquo;impulser depuis le d&eacute;sir d&rsquo;une langue inconnue (P. Anderson, 2015)&nbsp;; d&rsquo;une langue qui peut, &agrave; l&rsquo;occasion, prendre figure de femme.</p> <p>&Eacute;crire c&rsquo;est alors &eacute;crire depuis ce d&eacute;sir d&rsquo;une femme-langue (J.M. Prieur, 2005, p.135 et sv.), depuis ce rien, pour tenter d&rsquo;en renouveler &agrave; chaque fois l&rsquo;&eacute;clat et l&rsquo;intensit&eacute;.&nbsp;</p> <h2 style="text-align:justify">R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</h2> <p style="text-align:justify">Allouche, V. 2012,&nbsp;<em>R&eacute;sonance de la langue anglaise</em>, &Eacute;d. L&rsquo;Harmattan, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Anderson, P. 1999,&nbsp;<em>La didactique des langues &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve du sujet</em>, Presses Universitaires Franc-comtoises, Besan&ccedil;on.</p> <p style="text-align:justify">Anderson, P. 2015,&nbsp;<em>Une langue A venir</em>, &Eacute;d. L&rsquo;Harmattan, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Arendt, H. 1989,&nbsp;<em>La crise de la culture&nbsp;: huit exercices de pens&eacute;e politique</em>, Folio-essais, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Barthes, R. 1984,&nbsp;<em>Le Bruissement de la Langue</em>, &Eacute;d. du Seuil, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Co&iuml;aniz, A. 1996,&nbsp;<em>Faute et itin&eacute;raires d&rsquo;apprentissage en classe de fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re</em>, Presses de l&rsquo;universit&eacute; Montpellier 3.</p> <p style="text-align:justify">De Certeau M., Giard L. 1983,&nbsp;<em>L&rsquo;ordinaire de la communication</em>, &Eacute;d. Dalloz, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Foucault, M. 2001,&nbsp;<em>Dits et &eacute;crits I</em>, 1954-1975, quarto Gallimard, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Foucault, M. 2001,&nbsp;<em>Dits et &eacute;crits II</em>, 1976-1988, quarto Gallimard, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Gori, R. 2011,&nbsp;<em>La dignit&eacute; de penser</em>, &Eacute;d. Les liens qui lib&egrave;rent.</p> <p style="text-align:justify">Hibou, B. 2012,&nbsp;<em>La bureaucratisation du monde &agrave; l&rsquo;&egrave;re n&eacute;o-liberale</em>, &Eacute;d. De la d&eacute;couverte, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Hirtt. N. 2009, &laquo; L&rsquo;approche par comp&eacute;tences&nbsp;: une mystification p&eacute;dagogique &raquo;,&nbsp;<em>L&rsquo;&eacute;cole d&eacute;mocratique n&deg;39</em>, Bruxelles.</p> <p style="text-align:justify">Klemperer, V. 1998,&nbsp;<em>LTI La langue du III<sup>e</sup>&nbsp;Reich</em>, &Eacute;d. Agora Pocket, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Lebrun J.P., Malinconi N. 2015,&nbsp;<em>L&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; est dans la langue</em>, &Eacute;d. &eacute;r&egrave;s, Toulouse.</p> <p style="text-align:justify">Le Goff, J.P. 1995,&nbsp;<em>Le mythe de l&rsquo;entreprise. Critique de l&rsquo;id&eacute;ologie manag&eacute;riale</em>, &Eacute;d. De la d&eacute;couverte, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Levinas, E. 1987,&nbsp;<em>Humanisme de l&rsquo;autre homme</em>, &Eacute;d. Biblio-essais.</p> <p style="text-align:justify">Mandelstam, O. 1972,&nbsp;<em>Le bruit du temps</em>, &Eacute;d. L&rsquo;&acirc;ge d&rsquo;homme, Lausanne.</p> <p style="text-align:justify">Maurer, B. 2011,&nbsp;<em>Enseignement des langues et construction europ&eacute;enne</em>, &Eacute;d. des Archives contemporaines, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Michaux, H. 1998,&nbsp;<em>&OElig;uvres compl&egrave;tes,&nbsp;</em>T1. Biblioth&egrave;que de la pl&eacute;iade, NRF.</p> <p style="text-align:justify">Milner, J. Cl. 2005,&nbsp;<em>La politique des choses</em>, &Eacute;d. Navarin, Paris.</p> <p style="text-align:justify">Prieur, J.M. 2003, &laquo; L&rsquo;exp&eacute;rience subjective du passage &raquo;,&nbsp;<em>Traverses n&deg;5</em>, &Eacute;d.&nbsp;: Pulm, Montpellier.</p> <p style="text-align:justify">Prieur, J.M. 2005,&nbsp;<em>Linguistique barbare</em>, &Eacute;d. Pulm.</p> <p style="text-align:justify">Prieur, J.M. 2008, &laquo; Entre les langues. Apprentissage, bilinguisme et inconscient &raquo;,&nbsp;<em>Travaux de Didactique du Fran&ccedil;ais Langue &Eacute;trang&egrave;re</em>, n&deg;60, &Eacute;d. Pulm, Montpellier.</p> <p style="text-align:justify">Rey-Flaud, H. 1996,&nbsp;<em>L&rsquo;&eacute;loge du rien</em>, &Eacute;d. du Seuil, Paris.</p> <p>Tabouret-Keller, A. 1997,&nbsp;<em>La maison du langage,</em>&nbsp;T1, Presses universitaires de Montpellier 3.</p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <hr /> <h2 style="text-align:justify">Notes</h2> <p style="text-align:justify"><a href="#" name="sdfootnote1sym">1</a> Je reprends ici en hommage &agrave; S. Leclaire le titre d&rsquo;un texte qu&rsquo;il consacrait en 1979 aux &laquo;&nbsp;gros mots&nbsp;&raquo; de la psychanalyse et &agrave; ses enchant&eacute;s. <em>Rompre les charmes</em>, Inter &Eacute;ditions, Paris, 1981.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a> Lettre &agrave; A. Schnitzler, <em>Correspondance 1873-1939</em>, &eacute;d. Gallimard, Paris, (1966,1979) p. 370-371.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a> Cf. JM Prieur &laquo; Des &eacute;crivains en contact de Langues &raquo;, <em>&Eacute;tudes de Linguistique appliqu&eacute;e,</em> 144 Paris, Didier Erudition Klincksieck, Paris, 2006, et &laquo; All that has become part of us now. In between mother tongue and foreign Language &raquo;, <em>&Eacute;tudes de stylistique anglaise n&deg;6</em>, Presses de Paris 10 &ndash; Nanterre, Paris, 2013.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a> N. Malinconi &eacute;crit dans <em>Da solo</em> le parcours de son p&egrave;re immigr&eacute; italien &agrave; travers les langues europ&eacute;ennes (anglais, allemand, fran&ccedil;ais). De son fran&ccedil;ais balbuti&eacute; &agrave; la lecture des <em>Mis&eacute;rables</em> et aux retrouvailles avec Dante. &Eacute;d. Espace Nord, Bruxelles, 2012, p.161 et sv.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a> Titre de l&rsquo;ouvrage de J.P. Lebrun et N. Malinconi, &Eacute;d. &eacute;r&egrave;s, Toulouse 2015.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a> <em>Un cadre Europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence pour les Langues</em> <em>: Apprendre, Enseigner, &Eacute;valuer</em>, Strasbourg, 2001. Le CECR consacre un court paragraphe (4.3.5 p.47) &agrave; L&rsquo;utilisation esth&eacute;tique ou po&eacute;tique de la Langue. Par un retournement pervers propre &agrave; la rationalit&eacute; manag&eacute;riale qui se pr&eacute;sente comme un sur-savoir, il y est &eacute;crit que &laquo; les professeurs de Litt&eacute;rature &raquo; pourront trouver dans diff&eacute;rentes sections du cadre de quoi rendre &laquo; leurs buts et d&eacute;marches plus transparents. &raquo;</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a> Ce terme est utilis&eacute; &agrave; la fois en Droit et en Psychanalyse. Nous l&rsquo;employons ici dans un sens proche de celui de J. Lacan, &agrave; savoir celui de rejet.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a> <em>RTD info</em> n&deg;34, Bruxelles, juillet 2002, p. 116.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym">9</a> Si l&rsquo;enseignant-chercheur est &eacute;valu&eacute; au nombre de ses publications, alors un surmoi tyrannique l&rsquo;enjoint &agrave; produire toujours plus au d&eacute;triment m&ecirc;me de ce qu&rsquo;il aurait pu&hellip;cr&eacute;er et transmettre. Avec deux effets conjoints la &laquo;&nbsp;poubellication&nbsp;&raquo; (J. Lacan) et le &laquo;&nbsp;pacte de non lecture&nbsp;&raquo; (P. Sloterdijk). Autrement dit d&rsquo;innombrables &eacute;crits que presque personne ne lit. L&rsquo;on peut se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; L. Waters <em>L&rsquo;&eacute;clipse du savoir</em>, &Eacute;d. Alia, Paris, 2008. &laquo; Il nous faut faire face &agrave; la situation peu plaisante o&ugrave; l&rsquo;institution universitaire et le libre usage de l&rsquo;intelligence s&rsquo;opposent l&rsquo;un &agrave; l&rsquo;autre. &raquo;</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote10anc" name="sdfootnote10sym">10</a> Outre le CECRL, mentionnons le CARAP (un cadre de r&eacute;f&eacute;rence pour les approches plurielles des langues et des cultures) Strasbourg, 2011.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote11anc" name="sdfootnote11sym">11</a> Nous n&rsquo;entendons pas, ici, proc&eacute;der &agrave; l&rsquo;analyse de discours que ce document appelle, mais signaler quelques traits discursifs r&eacute;currents.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote12anc" name="sdfootnote12sym">12</a> Nous pensons &eacute;videmment au travail d&rsquo;A. Krieg-Planque.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote13anc" name="sdfootnote13sym">13</a> &laquo; T&acirc;che, progression, curriculum &raquo; in Rosen E. (dir) &laquo; La perspective actionnelle et l&rsquo;approche par t&acirc;ches en classe de langue &raquo; <em>Le fran&ccedil;ais dans le monde</em>,<em> Recherche et applications</em>, Paris, cl&eacute; international, 2009, p. 15.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote14anc" name="sdfootnote14sym">14</a> M.S. Berkaine, Th&egrave;se, <em>L&rsquo;approche par comp&eacute;tences, une approche en apesanteur et/ou les pesanteurs de l&rsquo;environnement d&rsquo;implantation? Le cas du curriculum de fran&ccedil;ais du troisi&egrave;me cycle du syst&egrave;me &eacute;ducatif alg&eacute;rien: pertinence et/ou faisabilit&eacute;</em>. Montpellier 3, d&eacute;cembre 2015.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote15anc" name="sdfootnote15sym">15</a> Ce qui fait &eacute;crire &agrave; B. Maurer que &laquo; la mutation &raquo; dont il t&eacute;moigne est &laquo; d&rsquo;autant plus difficile &agrave; critiquer qu&rsquo;elle promeut des valeurs humanistes de respect de l&rsquo;autre, d&rsquo;ouverture, de tol&eacute;rance, de dialogue entre les peuples, de paix &raquo;.<br /> E<em>nseignement des langues et construction europ&eacute;enne</em>, Paris, &Eacute;d. Des Archives contemporaines, 2011, p.2</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote16anc" name="sdfootnote16sym">16</a> C&rsquo;est V. Klemperer qui d&eacute;crit l&rsquo;intoxication provoqu&eacute;e par la langue du III Reich : &laquo; Les mots peuvent &ecirc;tre comme de minuscules doses d&rsquo;arsenic&nbsp;: on les avale sans y prendre garde, ils semblent ne faire aucun effet, et voil&agrave; qu&rsquo;apr&egrave;s quelques temps l&rsquo;effet toxique se fait sentir &raquo; <em>LTI La langue du III<sup>e</sup> Reich</em>, &Eacute;d. Agora Pocket (Albin-Michel 1996), Paris, 1998, p. 40.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote17anc" name="sdfootnote17sym">17</a> Une universit&eacute; parisienne fid&egrave;le &agrave; l&rsquo;air du temps se pr&eacute;sente sur sa page d&rsquo;accueil comme &laquo; un incubateur d&rsquo;innovation sociale &raquo;.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote18anc" name="sdfootnote18sym">18</a> Sur la notion de comp&eacute;tence comme &laquo; mot &eacute;ponge &raquo;, cf. Berkaine, <em>op.cit.</em>, p. 47. Sur la notion d&rsquo;excellence&nbsp; &laquo; &hellip;applicable dans la stricte mesure o&ugrave; elle est vide de sens &raquo;, cf. B. Readings &laquo; L&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;excellence &raquo; <em>Futur ant&eacute;rieur n&deg;43</em>, 1997, Paris, &Eacute;d. Syllepse, p. 9.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote19anc" name="sdfootnote19sym">19</a> Ce que montre tr&egrave;s bien A.E. Cliche <em>Ce que nous avons oubli&eacute;,</em> Lettre aux coll&egrave;gues et aux &eacute;tudiants de l&rsquo;universit&eacute;. Uqam, Montr&eacute;al, mars 2012. &laquo; La perversion de la violence symbolique c&rsquo;est qu&rsquo;elle arrive presque toujours &agrave; mettre &agrave; contribution ceux l&agrave; m&ecirc;me qu&rsquo;elle vise &raquo; (p 2). Un pouvoir est donc d&rsquo;autant plus efficace qu&rsquo;il s&rsquo;exerce avec l&rsquo;assentiment de ceux qu&rsquo;il assujettit. Ainsi des universitaires, qui participent dans le cadre de la L.R.U. &agrave; la &laquo; manag&eacute;risation &raquo; des universit&eacute;s &agrave; travers une position subjective qui les ali&egrave;ne &laquo; au registre de la demande (de subvention) &raquo; et aux proc&eacute;dures d&rsquo;&eacute;valuation par eux-m&ecirc;mes d&eacute;finies et mises en &oelig;uvre. L&rsquo;universit&eacute; ne peut plus &ecirc;tre qu&rsquo;un espace de servitude, de petits ma&icirc;tres et de valets o&ugrave; chacun peut tour &agrave; tour &ecirc;tre &eacute;valuateur et &eacute;valu&eacute;. Avec l&rsquo;auto-&eacute;valuation qui ne saurait tarder on ajoutera au sentiment coupable que l&rsquo;institution manipule d&rsquo;ordinaire, la contrition repentante. Et comme la recherche est elle aussi soumise au positivisme dominant des technosciences et &laquo; &agrave; l&rsquo;efficience des r&egrave;gles &eacute;conomiques &raquo; (p 7) la question se pose de savoir ce que deviennent la cr&eacute;ation et la transmission, dans un espace o&ugrave; &laquo; c&rsquo;est le rapport &agrave; l&rsquo;objet lui-m&ecirc;me que nous avons perdu, ce qu&rsquo;on appelle commun&eacute;ment l&rsquo;objet de &laquo; recherche &raquo;, l&rsquo;objet de savoir, l&rsquo;objet de cr&eacute;ation, l&rsquo;objet &agrave; cr&eacute;er, l&rsquo;objet &agrave; transmettre &raquo; (p 9). Sans doute faut-il se r&eacute;jouir de vivre cette &eacute;poque &eacute;tonnante o&ugrave; l&rsquo;on applique aux &eacute;quipes de recherche et aux chercheurs la m&ecirc;me proc&eacute;dure de notation (A, B, C) qu&rsquo;aux banques et aux &eacute;conomies des pays&nbsp;?</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote20anc" name="sdfootnote20sym">20</a> Ph. Murray.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote21anc" name="sdfootnote21sym">21</a> Au sens que ce terme a chez M. Foucault&nbsp;: mode de construction de la subjectivit&eacute;.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote22anc" name="sdfootnote22sym">22</a> C. Godin, Parle quant &agrave; lui d&rsquo;une subjectivit&eacute; de gestion, &laquo; Psychanalyse ou barbarie &raquo;, <em>Cit&eacute; 54</em>, &Eacute;d. Puf, Paris, 2013, p.75.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote23anc" name="sdfootnote23sym">23</a> <em>Cf. supra</em>, p. 4.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote24anc" name="sdfootnote24sym">24</a> Cf. A. F. Delouis &laquo; Le cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence par les langues&nbsp;: compte rendu du d&eacute;bat critique dans l&rsquo;espace germanophone &raquo; <em>Les langues modernes n&deg;2/2008</em> avril-mai-juin, Paris&nbsp;: APLV.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote25anc" name="sdfootnote25sym">25</a> Je renvoie pour cette notion de post-modernit&eacute; aux travaux de D. R. Dufour et de J.P. Lebrun.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote26anc" name="sdfootnote26sym">26</a> <em>Apprendre et enseigner dans la soci&eacute;t&eacute; de communication</em>, Conseil de l&rsquo;Europe, Strasbourg 2005, p. 12.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote27anc" name="sdfootnote27sym">27</a> Th&egrave;se en Sciences du langage de R. Mettetal, <em>Communication et malentendu dans la didactique du Fran&ccedil;ais Langue &eacute;trang&egrave;re</em>, Universit&eacute; de Franche-Comt&eacute;, janvier 2013, p. 277.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote28anc" name="sdfootnote28sym">28</a> Je renvoie aux travaux de J. Authier-Revuz.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote29anc" name="sdfootnote29sym">29</a> M.S. Berkaine fait remarquer que dans le CECR la notion de comp&eacute;tence au singulier est utilis&eacute;e 300 fois, alors que celle de comp&eacute;tence au pluriel l&rsquo;est 150 fois. <em>op. cit.</em>, p. 75.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote30anc" name="sdfootnote30sym">30</a> Ces propri&eacute;t&eacute;s sont signifi&eacute;es en linguistiques par la th&egrave;se dite de l&rsquo;arbitraire du signe.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote31anc" name="sdfootnote31sym">31</a> &Eacute;d. Gallimard, Paris, 1966.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote32anc" name="sdfootnote32sym">32</a> Cette notion n&rsquo;a ici aucun sens m&eacute;taphysique ou religieux, elle est prise dans son acception psychanalytique. Dans <em>Malaise dans la civilisation</em>, Freud traite de la &laquo; tendance native &raquo; de l&rsquo;homme &agrave; la m&eacute;chancet&eacute;, &agrave; la destruction, &agrave; la cruaut&eacute;. Cf. H. Rey-Flaud, &laquo; La loi du mal &raquo;, <em>L&rsquo;&eacute;loge du rien</em>, &Eacute;d. du Seuil, Paris, 1996, p. 254-55 et sv.</p>