<h2 style="text-align:justify">En guise d&rsquo;introduction&nbsp;: Ravi<sup><a href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc">1</a></sup> ou l&rsquo;histoire humiliante d&rsquo;un parcours d&rsquo;&eacute;valu&eacute; / d&eacute;valu&eacute;</h2> <p style="text-align:justify">L&rsquo;histoire d&rsquo;un boursier de la Conf&eacute;d&eacute;ration suisse nous en dit long sur l&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;et les d&eacute;rives aveugles du tout-&eacute;valuatif. Ravi, inscrit en Master &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Fribourg a subi trois &eacute;valuations en langue par trois instances diff&eacute;rentes aux r&eacute;sultats contradictoires, s&rsquo;annulant les uns et les autres, comme suit.</p> <ul> <li style="text-align:justify">Premi&egrave;re &eacute;preuve&nbsp;: &agrave; travers des examens &eacute;crits et oraux, suivis d&rsquo;un entretien tr&egrave;s s&eacute;lectif &agrave; l&rsquo;Ambassade de Suisse &agrave; New-Dehli&nbsp;; Ravi a d&ucirc; prouver d&rsquo;un niveau B2 + minimum pour &ecirc;tre accept&eacute;&nbsp;en Master car les bourses suisses sont rares pour les nombreux candidats en Inde&nbsp;et surtout en sciences humaines ;</li> <li style="text-align:justify">Deuxi&egrave;me &eacute;preuve : &agrave; travers tests de classement ou de niveau au d&eacute;but du stage intensif de trois semaines, destin&eacute; aux &eacute;tudiants de mobilit&eacute; et proposant une immersion linguistique et culturelle avant la rentr&eacute;e universitaire, et un test de sortie indiquant son niveau acquis &agrave; la fin du stage&nbsp;; Ravi avait obtenu le rang B1 &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e et B1+&nbsp;&agrave; la sortie&nbsp;;</li> <li style="text-align:justify">Troisi&egrave;me &eacute;preuve&nbsp;: Ravi, d&eacute;sireux de renforcer ses comp&eacute;tences acquises lors du stage de mise &agrave; niveau linguistique et d&rsquo;am&eacute;liorer son niveau de langue acad&eacute;mique, a souhait&eacute; suivre des cours au Centre de langues de notre Universit&eacute;, dont c&rsquo;est la mission premi&egrave;re&nbsp;: soutenir et accompagner les &eacute;tudiants des diff&eacute;rentes facult&eacute;s&nbsp;; le responsable du Centre de langues, (hyper)sp&eacute;cialis&eacute; dans l&rsquo;&eacute;valuation et convaincu de la standardisation des comp&eacute;tences qui ne souffraient aucune comparaison avec d&rsquo;autres &eacute;valuations ni aucune prise en compte de la situation des candidats, n&rsquo;a pas reconnu les r&eacute;sultats tr&egrave;s s&eacute;lectifs de la Conf&eacute;d&eacute;ration suisse ni les ceux du stage de mobilit&eacute; indiquant des progr&egrave;s et a impos&eacute; &agrave; Ravi de refaire les tests <em>on-line</em> o&ugrave; il a obtenu A2+&nbsp;;</li> <li style="text-align:justify">Quatri&egrave;me &eacute;preuve&nbsp;: ayant pos&eacute; sa candidature un peu trop tard, il n&rsquo;a pas pu suivre les cours de langue en pr&eacute;sentiel, ces derniers &eacute;tant d&eacute;j&agrave; complets : la direction lui a conseill&eacute; d&rsquo;aller en auto-apprentissage, en d&rsquo;autres termes a pratiqu&eacute; l&rsquo;abandon puisque aucun tuteur ne lui a &eacute;t&eacute; propos&eacute; pour le guider dans cet apprentissage soudainement &laquo;&nbsp;autonome&nbsp;&raquo;, renvoy&eacute; &agrave; lui-m&ecirc;me et &agrave; la &laquo;&nbsp;machine&nbsp;interactive &raquo;, lui qui a mis tant d&rsquo;ann&eacute;es &agrave; construire ses comp&eacute;tences en fran&ccedil;ais dans un environnement anglophone o&ugrave; les amphith&eacute;&acirc;tres recevant 200 &agrave; 300 &eacute;tudiants, dans le meilleur des cas, ne donnent aucune chance de prononcer un seul mot de fran&ccedil;ais en quatre ans d&rsquo;&eacute;tudes&hellip;</li> </ul> <p style="text-align:justify">&Eacute;preuve est bien s&ucirc;r &agrave; prendre dans ses deux significations. D&eacute;courag&eacute;, humili&eacute;, malade, en d&eacute;pression, Ravi est reparti dans son pays&hellip; avant la fin du semestre.</p> <p style="text-align:justify">Ne pas croire que le cas de Ravi soit un cas isol&eacute;. &Agrave; plusieurs reprises, nous avons assist&eacute; &agrave; ce genre d&rsquo;&eacute;valuations en cha&icirc;ne (mais cloisonn&eacute;es) dont les r&eacute;sultats se contredisaient d&rsquo;un test &agrave; l&rsquo;autre, d&rsquo;une proc&eacute;dure &agrave; une autre, parce que les &eacute;valuateurs successifs, se positionnant dans un statut d&rsquo;experts, le plus souvent ext&eacute;rieurs &agrave; l&rsquo;institution concern&eacute;e, ne reconnaissaient pas ou pire ignoraient les r&eacute;sultats de l&rsquo;&eacute;valuation pr&eacute;c&eacute;dente. Les &eacute;tudiants allophones, pourtant d&eacute;sireux de s&rsquo;am&eacute;liorer en langue &eacute;trang&egrave;re ou seconde pour mener leurs &eacute;tudes dans de bonnes conditions, ont pay&eacute; tr&egrave;s cher &laquo;&nbsp;cette guerre des &eacute;valuations&nbsp;&raquo;&hellip;</p> <p style="text-align:justify">Qu&rsquo;avons-nous fait &agrave; nos langues et surtout &agrave; nos usagers de langues&nbsp;? Qu&rsquo;avons-nous fait &agrave; nos enseignants, qui sont en principe form&eacute;s pour enseigner et &eacute;valuer les comp&eacute;tences acquises ou requises ?&nbsp;<span style="font-size:12.16px">&Agrave;</span>&nbsp;quel moment ont commenc&eacute; les d&eacute;rives&nbsp;o&ugrave; l&rsquo;&eacute;valuation a non seulement domin&eacute; mais aussi recouvert toutes les pratiques enseignantes, et plus largement institutionnelles, jusqu&rsquo;&agrave; en d&eacute;poss&eacute;der les acteurs concern&eacute;s et les principales instances &eacute;valuatrices charg&eacute;es de le faire?</p> <p style="text-align:justify">Pour comprendre comment s&rsquo;est implant&eacute;e dans tous les secteurs cette &laquo;&nbsp;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;&raquo;<sup><a href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc">2</a></sup>, jusqu&rsquo;au c&oelig;ur de l&rsquo;&eacute;ducation, de la formation et de la recherche, il nous faut revenir sur son histoire.</p> <h2 style="text-align:justify">1. Liens entre &eacute;valuation, comp&eacute;tences, standardisation et politiques &eacute;ducatives de l&rsquo;UE</h2> <h3 style="text-align:justify">1.1. Liens entre &eacute;valuation et (re) production de valeurs</h3> <p style="text-align:justify">Selon Fran&ccedil;ois Simonet (2009), &laquo;&nbsp;le ma&icirc;tre-mot actuel est celui d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;&eacute;valuer&nbsp;&raquo;, et tout est soumis &agrave; cette injonction &raquo; (p. 97). Mais que veut dire au fait &laquo;&nbsp;&eacute;valuer&nbsp;&raquo;&nbsp;? Yves Charles Zarka (2009) nous en propose la d&eacute;finition suivante&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">&Eacute;valuer, c&rsquo;est d&eacute;terminer la valeur. L&rsquo;&eacute;valuation suppose donc l&rsquo;&eacute;tablissement d&rsquo;une &eacute;chelle de valeurs&nbsp;: valeurs positives et des valeurs n&eacute;gatives. Sans cette &eacute;chelle, il ne peut y avoir de d&eacute;termination de la valeur. L&rsquo;&eacute;valuation suppose ensuite de confronter l&rsquo;objet &agrave; &eacute;valuer &agrave; cette &eacute;chelle des valeurs propos&eacute;es pr&eacute;alablement. Ce processus recouvre trois op&eacute;rations qui sont elles-m&ecirc;mes conflictuelles. (p.116)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Nous r&eacute;sumerons les liens &eacute;troits qu&rsquo;&eacute;tablit l&rsquo;auteur entre &eacute;valuation et valeurs en trois points&nbsp;:</p> <p style="text-align:justify"><em>La premi&egrave;re op&eacute;ration</em> consiste &agrave; fixer des valeurs ce qui implique que ces valeurs sont pos&eacute;es avant le jugement&nbsp;: elles ne peuvent garantir l&rsquo;objectivit&eacute; et l&rsquo;universalit&eacute;&nbsp;postul&eacute;es dans l&rsquo;&eacute;valuation. Car ces valeurs ont fait l&rsquo;objet l&rsquo;un choix or ceux qui l&rsquo;ont choisi ont des int&eacute;r&ecirc;ts particuliers. Donc aucun syst&egrave;me particulier de valeurs n&rsquo;a d&rsquo;objectivit&eacute; inh&eacute;rente puisque un syst&egrave;me particulier de valeurs en nie <em>de facto</em> un autre. En outre, la hi&eacute;rarchie des valeurs pr&eacute;construites ne peuvent &ecirc;tre impos&eacute;es que par un acte de volont&eacute; et donc de pouvoir. Nous retiendrons cette phrase-cl&eacute; de l&rsquo;auteur quand il d&eacute;clare : &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;valuation ouvre la voie vers la contestation ind&eacute;finie &agrave; la <em>guerre des valeurs</em>&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, p. 117)</p> <p style="text-align:justify"><em>La seconde op&eacute;ration</em> consiste &agrave; masquer le caract&egrave;re subjectif et relatif de valeurs pos&eacute;es &agrave; un moment donn&eacute;. Le proc&eacute;d&eacute; est simple&nbsp;: il consiste &agrave; transformer toute d&eacute;termination qualitative en d&eacute;termination quantitative, car la g&eacute;n&eacute;ralisation du chiffrage et &laquo;&nbsp;une sorte de scholastique num&eacute;rique&nbsp;&raquo;, l&rsquo;usage des indicateurs de comptabilisation donnent un lustre d&rsquo;objectivit&eacute; mais traduisent aussi un acte de pouvoir. Nous faisons n&ocirc;tre la phrase-cl&eacute; de ce passage&nbsp;: &laquo;&nbsp;Voil&agrave; comment on soumet tout le champ du savoir et de l&rsquo;enseignement au r&egrave;gne des experts-comptables. Le but, sous la tromperie de la quantification, est de justifier un classement, une hi&eacute;rarchie en mati&egrave;re de recherche, d&rsquo;enseignement ou de toute autre mati&egrave;re&nbsp;&raquo; (<em>ibidem</em>, p. 117)</p> <p style="text-align:justify"><em>La troisi&egrave;me op&eacute;ration</em> se fonde sur le jeu de la transparence et de l&rsquo;ombre. L&rsquo;&eacute;valuation ne parle que de transparence alors que tout se joue dans le flou et le vague : les crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation ne sont jamais explicit&eacute;s et restent opaques, par cons&eacute;quent, arbitraires parce que d&eacute;contextualis&eacute;s et de plus en plus externalis&eacute;s. Les noms des &eacute;valuateurs sont anonymes par &laquo;&nbsp;souci d&rsquo;objectivit&eacute;&nbsp;&raquo;, et seront donc masqu&eacute;s par des labels d&rsquo;organismes d&rsquo;experts reconnus (nous ajouterons&nbsp;pour notre part : tant&ocirc;t &laquo;&nbsp;nomm&eacute;s&nbsp;&raquo; par des instances sup&eacute;rieures, tant&ocirc;t auto-proclam&eacute;s).&nbsp;&laquo;&nbsp;Le langage de l&rsquo;&eacute;valuation n&rsquo;est jamais univoque, il fonctionne sur le mode de la double v&eacute;rit&eacute;&nbsp;: celle qui est publi&eacute;e et celle qui doit rester cach&eacute;e&nbsp;&raquo; (<em>idem</em>, p. 118).</p> <p style="text-align:justify">Plus loin, Zarka montre bien comment le syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;valuation mis en place, que nous d&eacute;signons par le tout-&eacute;valuatif, peut fonctionner en syst&egrave;me clos avec ses propres r&egrave;gles de s&eacute;lection, de r&eacute;compenses et de sanctions, agissant avec la complicit&eacute; de certains acteurs de l&rsquo;institution mais aussi comme un syst&egrave;me de contr&ocirc;le en surplomb de ces m&ecirc;mes institutions &nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">L&rsquo;&eacute;valuation est un syst&egrave;me de contr&ocirc;le qui n&rsquo;aurait pas lui-m&ecirc;me de comptes &agrave; rendre&nbsp;: qui contr&ocirc;le les contr&ocirc;leurs&nbsp;? Ce sont des experts, dit-on Mais qui nomme ces experts&nbsp;? Qui a expertis&eacute; leur capacit&eacute; &agrave; expertiser&nbsp;et leur probit&eacute; ? Tout cela reste dans l&rsquo;obscurit&eacute; et doit le demeurer, le syst&egrave;me de l&rsquo;&eacute;valuation ne peut fonctionner que dans l&rsquo;ambigu&iuml;t&eacute; et la duplicit&eacute;&nbsp;(<em>op. cit.</em>, pp. 118. 119)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Simonet, susmentionn&eacute;, rejoint Zarka quand ce dernier postule la (re)production de valeurs pens&eacute;es en amont de toute &eacute;valuation. Pour sa part, il t&acirc;chant d&rsquo;en d&eacute;crire les principaux &eacute;l&eacute;ments processuels&nbsp;qui s&rsquo;organisent selon des cadres majeurs&nbsp;: social et culturel, technique et scientifique, politique et &eacute;conomique, comme suit :</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Au premier correspond le contexte &eacute;voqu&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment, avec l&rsquo;ensemble de ses caract&eacute;ristiques. Le second contient l&rsquo;ensemble des proc&eacute;dures, comme caract&eacute;ristiques techniques. Comment ne pas voir autrement que techniquement le processus de fabrication de valeurs, la r&eacute;f&eacute;rence (<em>au sujet de quoi ?</em>)&nbsp;; selon un mod&egrave;le (comportant des normes), le r&eacute;f&eacute;rent (<em>par rapport &agrave; quoi&nbsp;?</em>)&nbsp;; en fonction de l&rsquo;existant, le r&eacute;f&eacute;r&eacute; (<em>&agrave; partir de quoi&nbsp;?</em>). De cela appara&icirc;t le r&eacute;f&eacute;rentiel. Comme construit le plus technicis&eacute; du processus qui va guider l&rsquo;&eacute;valuation dans sa mise en acte, avec des crit&egrave;res, et &agrave; partir duquel l&rsquo;op&eacute;rateur va pouvoir &eacute;valuer et interpr&eacute;ter pour agir, avec pour int&eacute;r&ecirc;t d&rsquo;obtenir &laquo;&nbsp;une cartographie de l&rsquo;existant&nbsp;&raquo;&nbsp;&raquo; (<em>op. cit.</em>, pp. 97-98)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Certes que des valeurs soient pos&eacute;es avant le jugement nous semble in&eacute;vitable et le caract&egrave;re de non-universalit&eacute; de toute &eacute;valuation est ind&eacute;niable. Mais c&rsquo;est ici le caract&egrave;re particulier du choix, le fait que le choix s&#39;&eacute;rige en valeur universelle, que se niche la tricherie<sup><a href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc">3</a></sup>. Si Bourdieu a bien montr&eacute; que tout acte de jugement, notamment dans tout &eacute;change linguistique, s&rsquo;inscrit dans une rapport de force et de pouvoir (Bourdieu, 1980), c&#39;est le fait de l&#39;occulter qui rend la d&eacute;marche arbitraire voire totalitaire.</p> <h3 style="text-align:justify">1.2. Liens entre &eacute;valuation et comp&eacute;tences&nbsp;: glissements progressifs du monde l&rsquo;entreprise vers le monde de l&rsquo;&eacute;ducation</h3> <p style="text-align:justify">Tout le monde est d&rsquo;accord sur ce point&nbsp;: la notion de comp&eacute;tences vient du monde de l&rsquo;entreprise et des affaires (n&eacute;e avant la Deuxi&egrave;me guerre mondiale dans les ann&eacute;es trente aux &Eacute;tats-Unis et li&eacute;e &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie du taylorisme), mais introduite, &agrave; la fin des ann&eacute;es soixante-dix, d&eacute;but des ann&eacute;es quatre-vingts, par les entreprises europ&eacute;ennes dans le souci de mieux g&eacute;rer les ressources humaines au service de l&rsquo;organisation et plus largement de la soci&eacute;t&eacute;.</p> <p style="text-align:justify">Mais cette notion &laquo;&nbsp;import&eacute;e&nbsp;&raquo; en Europe &eacute;tait en fait d&eacute;j&agrave; fort discut&eacute;e au sein des entreprises d&egrave;s les ann&eacute;es 80. Ainsi Fran&ccedil;ois Minet, Michel Parlier et Serge de Witte (experts en conseil et formation) interrogent la notion de comp&eacute;tences (1994) en soulignant d&egrave;s le d&eacute;part le caract&egrave;re polys&eacute;mique et flou de ce terme&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Il n&rsquo;y a pas une seule acceptation de ce terme. Selon l&rsquo;interlocuteur, selon le point de vue et selon l&rsquo;utilisation de la notion de comp&eacute;tence les d&eacute;finitions seront diff&eacute;rentes, incompatibles parfois. Serge de Witte montre qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas une notion de comp&eacute;tences, mais plusieurs, concomitantes, voire concurrentes. Plus qu&rsquo;un abus de langage, ce serait un contre-sens d&rsquo;utiliser les &eacute;l&eacute;ments de l&rsquo;une dans le contexte ou avec les objectifs de l&rsquo;autre. En attendant que le concept prenne un contenu plus pr&eacute;cis, la prudence s&rsquo;impose dans son maniement&hellip;&nbsp;&raquo; (p. 16)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Pour ajouter plus loin&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">La comp&eacute;tence n&rsquo;est pas seulement un contenu cognitif exprimant un rapport, une relation entre un sujet, porteur de la comp&eacute;tence, et des situations sur lesquelles elle s&rsquo;investirait (&hellip;) <em>Allant plus loin, la comp&eacute;tence serait le proc&egrave;s r&eacute;gulateur des rapports entre l&rsquo;individuel et le collectif, entre le psychologique et le social</em>&nbsp;(p. 17).</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Jean-Pierre Le Goff, dans <em>La barbarie douce</em>, parle de &laquo;&nbsp;logomachie de la comp&eacute;tence&nbsp;&raquo; (1999, p. 28), non pas en tant que concept h&eacute;g&eacute;monique en soi mais ins&eacute;r&eacute; dans un appareil th&eacute;orique qui lui donne de gages de s&eacute;rieux comme&nbsp;: &laquo;&nbsp;audit&nbsp;&raquo;, diagnostic&nbsp;&raquo;, &eacute;valuation&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;bilan&nbsp;&raquo; (dont &laquo; bilan de comp&eacute;tences&nbsp;&raquo;), &laquo;&nbsp;profil&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;portefeuille de comp&eacute;tences, et dans la foul&eacute;e &laquo;&nbsp;r&eacute;f&eacute;rentiel de comp&eacute;tences&nbsp;&raquo;&nbsp;en vue de professionnaliser tous les agents&hellip;</p> <p style="text-align:justify">Ainsi &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;valu&eacute; s&rsquo;auto-&eacute;valuant &raquo; tout au long de l&rsquo;ann&eacute;e, tout au long de la vie, deviendrait auteur-acteur de son devenir professionnel, mobiliserait (conscientiserait) ainsi ses comp&eacute;tences pour son propre avenir et celui de son entreprise&nbsp;; &laquo;&nbsp;le bilan des comp&eacute;tences&nbsp;&raquo; devrait aussi permettre aux individus d&rsquo;acqu&eacute;rir plus d&rsquo;autonomie&hellip;</p> <p style="text-align:justify">Selon Le Goff (<em>op. cit.</em>), la pratique du &laquo;&nbsp;bilan de comp&eacute;tences&nbsp;&raquo; est bien ancr&eacute;e dans divers secteurs de l&rsquo;&eacute;conomie et de la formation (professionnelle), de plus r&eacute;glement&eacute;e par la loi. Mais en m&ecirc;me temps, elle donne un statut et un r&ocirc;le social aux prestataires que sont les organismes de formation et de management.</p> <blockquote> <p style="text-align:justify"><em>Cette cons&eacute;cration l&eacute;gale conf&egrave;re aux outils qu&rsquo;ils utilisent une l&eacute;gitimit&eacute; sans pr&eacute;c&eacute;dent</em>. Les sp&eacute;cialistes des comp&eacute;tences occupent ainsi des positions de pouvoir dans les institutions de formation et d&rsquo;enseignement, tiennent de nombreux s&eacute;minaires et colloques, se r&eacute;f&egrave;rent &agrave; des disciplines vari&eacute;es comme la psychologie, les sciences cognitives, les sciences de l&rsquo;&eacute;ducation, etc. dont l&rsquo;autorit&eacute; ne para&icirc;t pas devoir &ecirc;tre mis en question (p. 29)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Si les comp&eacute;tences sont tant&ocirc;t d&eacute;finies comme &laquo; g&eacute;n&eacute;rales, sp&eacute;cifiques, professionnelles, techniques, polyfonctionnelles, transversales, individuelles ou collectives&nbsp;&raquo;, on assiste &agrave; un d&eacute;coupage en gigogne avec des sous-comp&eacute;tences qui s&rsquo;ench&acirc;ssent dans de grandes comp&eacute;tences&hellip; Transform&eacute;s en objectifs (de formation) &agrave; atteindre, cette comp&eacute;tence finit par &ecirc;tre d&eacute;coup&eacute;e &agrave; son tour en cat&eacute;gories et sous-cat&eacute;gories&hellip; &laquo;&nbsp;qui se renvoient les unes aux autres dans une logomachie qui embrouille le sens commun&nbsp;&raquo; (<em>op. cit</em>., p. 31)</p> <p style="text-align:justify">Les difficult&eacute;s s&rsquo;accentuent encore davantage quand on aborde la notion de savoir&nbsp;: comment l&rsquo;articuler avec celle de comp&eacute;tences&nbsp;? La trilogie sacr&eacute;e du &laquo;&nbsp;savoir&nbsp;&raquo; (connaissance th&eacute;oriques), &laquo;&nbsp;savoir-faire&nbsp;&raquo; (comp&eacute;tences ou habilet&eacute;s acquises dans la pratique professionnelle) et &laquo;&nbsp;savoir-&ecirc;tre&nbsp;&raquo; (attitudes et comportements) subira &agrave; son tour des d&eacute;coupages subtils, selon les ancrages disciplinaires, comme par exemple en psychologie cognitive, &laquo;&nbsp;connaissances proc&eacute;durales, d&eacute;claratives, croyances, percepts et concepts, mais aussi repr&eacute;sentation et cognition sociale, attitudes, etc.&nbsp;&raquo;. Le Goff en soulignera la confusion ainsi&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Le savoir-&ecirc;tre est la notion la plus confuse car elle m&eacute;lange all&egrave;grement le plan professionnel et personnel, renvoie p&ecirc;le-m&ecirc;le aux comportements et valeurs, sentiments et se pr&ecirc;te &agrave; de multiples usages et manipulations. Selon certains sp&eacute;cialistes, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;un terme dont l&rsquo;utilisation apporte pas mal de difficult&eacute;s qu&rsquo;il est pr&eacute;f&eacute;rable d&rsquo;oublier<span style="font-size:12.16px">&nbsp;&raquo; </span>(p. 32)<sup><a href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc">4</a></sup></p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Conseil qui n&rsquo;a &eacute;t&eacute; entendu ni par les milieux du management, ni par ceux de la formation ni encore moins par ceux de l&rsquo;&eacute;ducation.</p> <p style="text-align:justify">Ce concept est parvenu jusqu&rsquo;au monde de l&rsquo;&eacute;ducation, de mani&egrave;re rampante mais inexorable selon &agrave; travers la formation continue professionnelle pour s&rsquo;installer d&eacute;finitivement dans les ann&eacute;es 90 dans tous les secteurs de l&rsquo;&eacute;ducation, de la formation et de la recherche&hellip; bouleversant la conception de la transmission des savoirs et savoir-faire mais aussi les modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation, et plus largement le rapport de l&rsquo;apprenant au savoir. Cons&eacute;quences de cette &laquo;&nbsp;machinerie de l&rsquo;insignifiance&nbsp;&raquo;, plus sp&eacute;cifiquement sur les acteurs de l&rsquo;&eacute;ducation, toujours selon Le Goff (p. 42)&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Ce n&rsquo;est pas seulement au regard de leurs usages et des effets qu&rsquo;ils peuvent produire que ces outils m&eacute;ritent d&rsquo;&ecirc;tre soumis &agrave; la critique. Ces outils ne sont pas seulement encombrants, ils n&rsquo;induisent pas seulement des &laquo;&nbsp;effets pervers&nbsp;&raquo; qui &eacute;chappent &agrave; leurs promoteurs pleins de bonnes intentions. Ils sont insidieusement porteurs d&rsquo;une repr&eacute;sentation de la formation de l&rsquo;enfant (de tout apprenant) qui fait fi de l&rsquo;exp&eacute;rience de la d&eacute;couverte et de la connaissance du monde.</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Un autre auteur, Fran&ccedil;oise Rop&eacute; dans un article, &laquo;&nbsp;Des savoirs aux comp&eacute;tences&nbsp;? Le cas du fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; (1994), confirme cette concordance entre l&rsquo;introduction de l&rsquo;&eacute;valuation et l&rsquo;apparition de la notion de &laquo;&nbsp;comp&eacute;tences&nbsp;&raquo; dans le monde de l&rsquo;&eacute;ducation (en France). Elle dit &agrave; ce sujet&nbsp;: &laquo;&nbsp;La notion de comp&eacute;tences s&rsquo;est impos&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;cole depuis quelques ann&eacute;es essentiellement par le biais de l&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;&raquo; (p. 63)</p> <h3 style="text-align:justify">1.3. La notion de comp&eacute;tence dans les politiques de l&rsquo;UE : un changement de paradigme ou une nouvelle id&eacute;ologie&nbsp;?</h3> <p style="text-align:justify">Ce terme de &laquo; comp&eacute;tences&nbsp;&raquo; de nos jours a conquis sa place dans notre propre jargon, nos conceptions, nos m&eacute;thodologies, &agrave; travers les politiques de l&rsquo;UE, les principes du CECR, relay&eacute;s par le <em>Portfolio europ&eacute;en des langues</em>, outil p&eacute;dagogique d&rsquo;&eacute;valuation et d&rsquo;auto-&eacute;valuation des comp&eacute;tences (linguistiques, communicatives, interculturelles), acquises notamment dans la mobilit&eacute;. Comment est-il arriv&eacute; jusqu&rsquo;&agrave; nous&nbsp;et quelles en sont les conceptions&nbsp;?</p> <p style="text-align:justify">Depuis les ann&eacute;es 80, nous assistons &agrave; une politique de l&#39;enseignement des langues ax&eacute;e davantage sur les comp&eacute;tences que sur les savoirs. Les programmes scolaires et universitaires sont d&eacute;sormais construits selon une logique de comp&eacute;tences, dans une perspective socioconstructiviste, qui valorise la co-construction en situation d&rsquo;interactions. Dunya Acklin Muji (2007) dit &agrave; ce sujet :</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">En effet l&#39;accent n&#39;est pas forc&eacute;ment mis sur les savoirs scolaires, mais plut&ocirc;t sur un certain nombre de qualit&eacute;s et comp&eacute;tences relationnelles et comportementales exig&eacute;es par le monde du travail, telles que l&#39;adaptabilit&eacute;, la facult&eacute; de communiquer, de travailler en &eacute;quipe, de faire preuve d&#39;initiative, d&#39;utiliser des informations, la capacit&eacute; &agrave; utiliser les nouvelles technologies, &agrave; r&eacute;soudre des probl&egrave;mes, ainsi que l&#39;aptitude &agrave; l&#39;apprentissage. (p. 238).</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Cette nouvelle conception de la notion de comp&eacute;tence ne peut &ecirc;tre dissoci&eacute;e de la logique &eacute;conomique et marchande qui p&eacute;n&egrave;tre l&#39;&eacute;cole et l&#39;universit&eacute; contemporaines et qui concourt &agrave; reconfigurer les relations &eacute;cole, Etat et priv&eacute;, individu et soci&eacute;t&eacute;.</p> <p style="text-align:justify">Vassiliki Papatsiba, dans son ouvrage <em>L&rsquo;&eacute;tudiant europ&eacute;en&nbsp;Erasmus et l&rsquo;aventure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;</em> (2003), analyse l&rsquo;&eacute;volution des principes de la mobilit&eacute; europ&eacute;enne, et montre comment s&rsquo;est &eacute;labor&eacute;e, d&egrave;s les ann&eacute;es 80, une conception de l&rsquo;&eacute;tudiant de mobilit&eacute; et d&rsquo;un ensemble de comp&eacute;tences &agrave; des fins de coh&eacute;sion sociale et d&rsquo;employabilit&eacute; &eacute;conomique&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Beaucoup de jeunes quittent l&rsquo;&eacute;cole sans avoir la moindre id&eacute;e des comp&eacute;tences qui leur seront indispensables dans la vie professionnelle&nbsp;: la capacit&eacute; de travailler en groupe, l&rsquo;esprit d&rsquo;&eacute;quipe et le go&ucirc;t du risque&nbsp;; le sens des responsabilit&eacute;s et la discipline personnelle&nbsp;; le sens de la d&eacute;cision et de l&rsquo;engagement&nbsp;; le sens de l&rsquo;initiative, la curiosit&eacute;, la cr&eacute;ativit&eacute;&nbsp;; l&rsquo;esprit de professionnalisme, la recherche de l&rsquo;excellence, le sens de la comp&eacute;tition&nbsp;; le sens du service &agrave; la communaut&eacute;, le civisme. Ces qualit&eacute;s constituent les fondements de l&rsquo;esprit d&rsquo;entreprise (ERT, 1995, <em>idem</em>, p. 59).</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Pour d&eacute;velopper ce &laquo;&nbsp;capital humain&nbsp;&raquo; potentiel, les id&eacute;ologues de l&rsquo;Union Europ&eacute;enne investissent dans l&rsquo;&eacute;ducation et proposent une formation &agrave; la &laquo;&nbsp;conscience europ&eacute;enne&nbsp;&raquo; pour une meilleure connaissance de l&rsquo;autre&nbsp;et pour contribuer au d&eacute;veloppement d&rsquo;une solidarit&eacute; entre tous les Europ&eacute;ens (<em>Commission europ&eacute;enne</em>, 1996, <em>ibid</em>., p 62). Dans cette politique europ&eacute;enne d&#39;inspiration lib&eacute;rale, reposant sur la notion de <em>capital humain</em>, l&#39;individu est autonomis&eacute; et responsabilis&eacute; dans ses choix et donc de ses &eacute;checs comme de ses succ&egrave;s&nbsp;; dans ce sens il est d&eacute;contextualis&eacute; et atomis&eacute;.</p> <p style="text-align:justify">Le <em>Portfolio europ&eacute;en des langues</em> illustre par excellence ce changement de paradigme : on passe de la &laquo;&nbsp;coordination&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;coh&eacute;rence&nbsp;&raquo; par la d&eacute;finition de contenus et d&rsquo;objectifs &agrave; &laquo;&nbsp;l&#39;harmonisation&nbsp;&raquo; par la d&eacute;finition de cat&eacute;gories de comp&eacute;tences dans le <em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence</em>.</p> <p style="text-align:justify">Dans ce nouveau mod&egrave;le, la comp&eacute;tence se mesure &agrave; travers des t&acirc;ches &agrave; accomplir : elle est donc strictement li&eacute;e &agrave; l&#39;action et devient un attribut qui doit &ecirc;tre appr&eacute;ci&eacute; et mesur&eacute; uniquement en situation. Les experts ont ainsi con&ccedil;u des &laquo;&nbsp;descripteurs de comp&eacute;tences&nbsp;&raquo;, soit la liste des comp&eacute;tences exigibles vis-&agrave;-vis des &eacute;l&egrave;ves impliquant l&#39;acquisition de savoirs et savoir-faire correspondants mais aussi les modalit&eacute;s d&#39;&eacute;valuation respectives. La cons&eacute;quence de cette nouvelle conception, selon Dunya Acklin Muji (<em>op. cit</em>.), est que&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">la comp&eacute;tence est ainsi essentiellement identifi&eacute;e aux descriptions et mesures qui en sont faites par les techniques d&#39;&eacute;valuation. Ces mesures deviennent alors la preuve de leur pertinence, ce qui a pour effet d&#39;&eacute;vacuer le rapport entre connaissance et action, qui &eacute;tait &agrave; l&#39;origine de l&#39;int&eacute;r&ecirc;t de la notion de comp&eacute;tence. (pp. 238-239).</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Cette conception a impliqu&eacute; une recentration sur l&rsquo;activit&eacute;, et la description pr&eacute;cise des t&acirc;ches pour la r&eacute;aliser,&nbsp;<span style="font-size:12.16px">&ndash;</span>&nbsp;et non plus sur les ressources et les besoins de l&rsquo;apprenant <span style="font-size:12.16px">&ndash;</span>, qui a donn&eacute; lieu &agrave; la p&eacute;dagogie actionnelle dominant actuellement champ de la didactique.</p> <p style="text-align:justify">C&rsquo;est donc par le biais des politiques de la mobilit&eacute; puis celles de l&rsquo;&eacute;ducation au plurilinguisme qu&rsquo;une conception de standardisation des&nbsp;comp&eacute;tences et de leur &eacute;valuation va s&rsquo;imposer dans le champ de la didactique des langues, des cultures et de l&rsquo;interculturel.</p> <h2 style="text-align:justify">2. Cons&eacute;quences de la&nbsp;standardisation des comp&eacute;tences et celle de leur &eacute;valuation</h2> <h3 style="text-align:justify">2.1. Savoirs et savoir-faire dissoci&eacute;s dans le PEL</h3> <p style="text-align:justify">Selon la politique europ&eacute;enne d&#39;inspiration lib&eacute;rale et reposant sur la notion de<em> capital humain</em>, l&#39;individu est donc postul&eacute; autonomis&eacute; et responsabilis&eacute;, c&#39;est-&agrave;-dire &laquo;&nbsp;conscient des avantages et des co&ucirc;ts d&#39;apprentissage, qui doit faire les meilleurs choix de formation pour son bien propre&nbsp;&raquo;&nbsp;: il doit g&eacute;rer ses comp&eacute;tences pour certifier son employabilit&eacute;. Cela aboutit &agrave; un syst&egrave;me de prescription subtile mais n&eacute;anmoins contraignante, que Le Goff a d&eacute;sign&eacute; sous le nom de &laquo;&nbsp;barbarie douce&nbsp;&raquo;, comme nous l&rsquo;avons vu plus haut. Les experts ont ainsi mis &agrave; disposition des &laquo;&nbsp;descripteurs de comp&eacute;tences&nbsp;&raquo;, soit la liste des comp&eacute;tences exigibles impliquant l&#39;acquisition des savoirs et savoir-faire correspondants mais aussi les modalit&eacute;s d&#39;&eacute;valuation respectives.</p> <p style="text-align:justify">Selon Pascale Banon et Chak&eacute; Cartron-Markardidjian (2006), si l&rsquo;outil <em>Portfolio europ&eacute;en des langues</em> a r&eacute;volutionn&eacute; le rapport entre apprentissage et &eacute;valuation, il s&rsquo;inscrit toutefois dans un courant sp&eacute;cifique qui v&eacute;hicule un certain nombre de limites &agrave; la fois conceptuelles, pragmatiques&hellip; et &eacute;thiques. Dans ce sens, elles identifient m&eacute;langes des genres et cumuls des t&acirc;ches, comme suit.</p> <h4>Saucissonnage des savoirs et savoir-faire</h4> <p>Les connaissances et comp&eacute;tences sont syst&eacute;matis&eacute;es et standardis&eacute;es selon une vis&eacute;e pragmatique de rentabilit&eacute; mais aussi d&rsquo;universalit&eacute; : le <em>Portfolio </em>a &eacute;t&eacute; con&ccedil;u dans la lign&eacute;e des approches notionnelles et communicatives, h&eacute;ritage de travaux qui ont donn&eacute; naissance au Niveau-Seuil en 1974, et qui a permis de mettre en place des descripteurs communs &agrave; 21 langues.</p> <p>Ces descripteurs sont essentiellement bas&eacute;s sur un mod&egrave;le fonctionnel avec segmentation des savoirs et des savoir-faire et une cat&eacute;gorisation en types et en genres de discours.</p> <p>Typologies<br /> <em>C2&nbsp;: Peut faire des <strong>descriptions</strong> limpides et courantes</em><br /> <em>C2&nbsp;: Peut <strong>raconter</strong> une histoire</em><br /> <em>B2&nbsp;: Peut d&eacute;velopper <strong>une argumentation</strong></em><br /> <br /> Genres<br /> <em>B2&nbsp;: Peut faire <strong>un expos&eacute;</strong> clair et bien structur&eacute;</em><br /> <em>C2&nbsp;: Peut produire <strong>des rapports et des articles</strong></em><br /> <em>C2&nbsp;: Peut &eacute;crire des histoires et <strong>des r&eacute;cits d&rsquo;exp&eacute;rience</strong></em></p> <p>Mais ce &laquo;&nbsp;saucissonnage&nbsp;&raquo; des comp&eacute;tences en genres et types ne tient pas compte des interrelations entre les sous-comp&eacute;tences&nbsp;: comment raconter une histoire sans savoir faire une description, sans int&eacute;grer du discours rapport&eacute;, des commentaires, des connections ?</p> <p>Nous pouvons aussi nous demander si toutes les cultures &eacute;ducatives concordent sur la d&eacute;termination des traits linguistiques et discursifs qui permettent de caract&eacute;riser et donc de cat&eacute;goriser certains types et genres de textes. Par exemple, la mise en discours (ou matrice) d&rsquo;un rapport ou d&#39;un r&eacute;sum&eacute; est-elle la m&ecirc;me dans tous les pays europ&eacute;ens&nbsp;? Que faut-il savoir pour savoir-faire &ccedil;a&nbsp;?</p> <h4>Ambigu&iuml;t&eacute;s de certains descripteurs</h4> <p>Certains descripteurs font r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des &eacute;v&eacute;nements dont on ne sait pas s&rsquo;ils appartiennent &agrave; une comp&eacute;tence linguistique ou &agrave; une capacit&eacute; d&rsquo;analyse du texte.</p> <p><em>Ex. B2&nbsp;: <u>Lire</u>&nbsp;: je peux reconna&icirc;tre en lisant un texte narratif ou dramatique, les raisons qui poussent les personnages &agrave; agir et les cons&eacute;quences de leurs d&eacute;cisions sur le d&eacute;roulement de l&rsquo;action (</em>Source&nbsp;: Portfolio suisse, version pour jeunes et adultes<em>).</em></p> <p>D&rsquo;autres descripteurs int&egrave;grent plusieurs param&egrave;tres d&rsquo;o&ugrave; la difficult&eacute; de r&eacute;pondre globalement de fa&ccedil;on affirmative.</p> <p><em>Ex. C1&nbsp;: <u>&Eacute;couter</u>&nbsp;: je peux comprendre <strong>le d&eacute;tail</strong> d&rsquo;une intervention sur <strong>des sujets sp&eacute;cialis&eacute;s</strong>, abstraits ou complexes, <strong>m&ecirc;me hors de mon domaine</strong>, tout en ayant besoin de me faire confirmer quelques &eacute;l&eacute;ments, notamment <strong>si l&rsquo;accent</strong> n&rsquo;est pas familier. (</em>Source&nbsp;: Portfolio suisse, version &eacute;ducation sup&eacute;rieure<em>)</em></p> <p>D&rsquo;autres encore int&egrave;grent les jugements des interlocuteurs sur la qualit&eacute; de leur propre discours. L&rsquo;interlocuteur ne joue pas toujours le r&ocirc;le d&rsquo;un r&eacute;gulateur de la norme, et souvent par politesse, ne manifeste pas de fa&ccedil;on visible l&rsquo;audition des fautes. Il est donc difficile de se positionner par rapport &agrave; l&rsquo;item suivant&nbsp;:</p> <p><br /> <em>Ex. C1&nbsp;: <u>Moyens linguistiques</u>&nbsp;: Je peux maintenir un haut niveau de correction grammaticale&nbsp;; les erreurs sont rares et <strong>passent presque inaper&ccedil;ues</strong>. (</em>Source&nbsp;: Portfolio suisse, version pour jeunes et adultes<em>).</em></p> <h4>Inad&eacute;quation de descripteurs socioculturels&nbsp;: la carte contre la grille</h4> <p>Rappelons que des groupes de recherche en didactique des langues et des cultures &eacute;trang&egrave;res ont men&eacute; une v&eacute;ritable bataille au sein du Conseil de l&rsquo;Europe pour imposer la reconnaissance du concept de complexit&eacute; sociale et culturelle dans la relation &agrave; l&rsquo;autre. En effet pour &eacute;viter la codification d&rsquo;un &laquo;&nbsp;culturel mutil&eacute;&nbsp;&raquo;, une reconnaissance des comp&eacute;tences pluriculturelles, voire interculturelles, est propos&eacute;e plut&ocirc;t qu&rsquo;une &eacute;valuation de ces comp&eacute;tences&nbsp;:<br /> <br /> En 2001 la nouvelle version du Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence pour les langues distribuait [&hellip;] des comp&eacute;tences exprim&eacute;es en terme de savoirs (culture g&eacute;n&eacute;rale, savoirs socioculturels, prise de conscience interculturelle), aptitudes et savoir-faire ([...] aptitudes interculturelles), savoir &ecirc;tre ([...] motivations, valeurs, croyances, styles cognitifs, traits de personnalit&eacute; qui affectent la communication. &raquo; (Anquetil, 2004).<br /> <br /> De quel type de comp&eacute;tences est-il question ? Une juxtaposition de comp&eacute;tences linguistiques et culturelles&nbsp;? Un <em>entre-deux</em> culturel o&ugrave; l&rsquo;apprenant participerait &agrave; une communication postul&eacute;e interculturelle sans s&rsquo;y fondre, aptitude &eacute;tablie sur des savoirs culturels, mais quels&nbsp;savoirs&nbsp;: patrimoniaux, cultiv&eacute;s, anthropologiques&nbsp;? Des savoir-faire comportementaux&nbsp;? Quels savoir-faire&nbsp;? Qui seraient &eacute;tablis &agrave; la fois sur une distanciation envers soi et une disponibilit&eacute; &agrave; aller vers l&rsquo;autre&nbsp;? Comment &eacute;valuer de tels processus intimes et interrelationnels&nbsp;?<br /> <br /> O&ugrave; est &laquo;&nbsp;l&rsquo;autre&nbsp;&raquo;&nbsp;? &nbsp;Dans le <em>Portfolio</em> une place fonctionnelle est attribu&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, <em>en dualit&eacute; avec le natif</em>&nbsp;: dans plusieurs items, l&rsquo;apprenant est per&ccedil;u comme l&rsquo;immigrant ou le touriste, c&rsquo;est-&agrave;-dire l&rsquo;&eacute;tranger dans la culture cible souligneront, &agrave; juste titre, Banon et Cartron-Makardidjian cit&eacute;es plus haut&nbsp;:</p> <p><em>Ex. C2&nbsp;: <u>Prendre part &agrave; une conversation</u>&nbsp;: je peux d&eacute;fendre ma position dans une discussion formelle sur des questions complexes, &eacute;laborer une argumentation nette et convaincante <strong>comme le ferait un interlocuteur natif</strong>. (</em>Source&nbsp;: Portfolio suisse version &eacute;ducation sup&eacute;rieure<em>)</em></p> <p>La grille d&rsquo;&eacute;valuation n&rsquo;int&egrave;gre pas non plus de comp&eacute;tences li&eacute;es &agrave; des relations agonales sur le mod&egrave;le &laquo;&nbsp;<em>je sais r&eacute;pondre &agrave; une insulte</em>&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;<em>je sais m&rsquo;imposer dans une conversation dont on cherche &agrave; m&rsquo;exclure !</em>&nbsp;&raquo;. La gestion du conflit ne trouve pas sa place dans ces interactions pens&eacute;es &laquo;&nbsp;dialogiques et harmonieuses&nbsp;&raquo;.</p> <p style="text-align:justify">&Agrave; nos yeux, cette description d&eacute;taill&eacute;e de parties de parties de comp&eacute;tences, qui n&rsquo;est pas sans rappeler le souci de pr&eacute;cision quasi obsessionnel d&rsquo;un entomologiste, &agrave; travers le descriptible, le mesurable et le classable, v&eacute;hiculent, &agrave; travers leur diffraction, ambigu&iuml;t&eacute; et confusion. Ce constat nous rapproche de de Zarka (2009), &eacute;voqu&eacute; plus haut, pourquoi &laquo;&nbsp;les crit&egrave;res d&#39;&eacute;valuation ne sont jamais explicit&eacute;s et restent opaques&nbsp;&raquo;. Si des bar&egrave;mes existent &agrave; partir des fameux descripteurs, en revanche, ce qui pr&eacute;domine, c&#39;est l&#39;&eacute;valuation de la satisfaction ou non (seuil d&#39;acceptabilit&eacute; par niveau) ou du degr&eacute; de satisfaction (note attribu&eacute;e) qui, en fin de compte, reste tr&egrave;s flou et tr&egrave;s arbitraire, sous des apparences de scientificit&eacute; inattaquable. L&rsquo;histoire de notre &eacute;tudiant Ravi en t&eacute;moigne.</p> <h3 style="text-align:justify">2.2. Les oubli&eacute;s</h3> <p style="text-align:justify">Nous tentons ici de cerner la place des usagers des langues dans cette &laquo;&nbsp;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;&raquo; et avons pu identifier quelques &eacute;carts (il y en a certainement bien d&rsquo;autres) entre le statut autonome et la libre expression du Soi pour l&rsquo;apprenant, revendiqu&eacute;s dans le CECR, et sa place effective dans cette grille de comp&eacute;tences du Portfolio.</p> <h4 style="text-align:justify">Une vision ethnocentr&eacute;e de la communication interculturelle</h4> <p style="text-align:justify">Nous avions identifi&eacute; une conception culturalisante de l&rsquo;&laquo;&nbsp;interculturel&nbsp;&raquo; et une vision moralisante du rapport &agrave; soi et &agrave; l&rsquo;autre&nbsp;(Gohard-Radenkovic, 2006) dans ces consignes donn&eacute;es dans la version suisse pour le sup&eacute;rieur du PEL (2002)&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify"><em>&laquo;&nbsp;Je suis conscient de ma propre identit&eacute; culturelle, de mes valeurs et de mes croyances culturelles qui d&eacute;terminent ma vision de l&#39;autre&nbsp;: oui / en partie / non / mon objectif &raquo;</em><br /> <em>&laquo;&nbsp;J&#39;aimerais aller au-del&agrave; d&#39;une vision st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e de l&#39;autre culture&nbsp;&raquo;&nbsp;: oui / en partie / non / mon objectif&nbsp;&raquo;</em><br /> <em>Passez en revue les diff&eacute;rents points de la liste de rep&eacute;rage, situez-vous par rapport aux diff&eacute;rents points et r&eacute;fl&eacute;chissez dans quelle mesure vous en &ecirc;tes conscient/e. (Mon s&eacute;jour de mobilit&eacute;, fiche 6.1.)</em></p> </blockquote> <p style="text-align:justify">On remarque, &agrave; travers cet exemple, que les consignes sont calqu&eacute;es sur celles des descripteurs des activit&eacute;s langagi&egrave;res. Les auteurs auraient-ils pens&eacute; que la culture pouvait comme la langue &ecirc;tre d&eacute;compos&eacute;e en descripteurs, en &eacute;l&eacute;ments de comp&eacute;tences &agrave; additionner&nbsp;?</p> <p style="text-align:justify">Par ailleurs, l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;<em>Encourager le dialogue des cultures</em>&nbsp;&raquo; est issue d&rsquo;une conception des ann&eacute;es 70 alors que de nombreuses voix de chercheurs se sont oppos&eacute;es &agrave; cette conception culturalisante qui promeut la &laquo;&nbsp;culture&nbsp;&raquo; comme interlocuteur privil&eacute;gi&eacute;. Nous observons ici un processus de <em>r&eacute;ification de l&#39;autre r&eacute;duit &agrave; sa culture</em>, dans l&#39;exp&eacute;rience de la &laquo;&nbsp;rencontre interculturelle&nbsp;&raquo;. (Gohard-Radenkovic, <em>op. cit.</em>).</p> <p style="text-align:justify">Cette conception est encore plus accentu&eacute;e dans le r&eacute;cent document europ&eacute;en qui propose une <em>Autobiographie de Rencontres Interculculturelles</em><sup><a href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc">5</a></sup> qui dans sa pr&eacute;sentation se demande &laquo;&nbsp;Comment les rencontres interculturelles sont-elles <em>exploit&eacute;es</em>&nbsp;?&nbsp;&raquo;<sup><a href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc">6</a></sup>&hellip; et s&#39;auto-l&eacute;gitime comme document qui &laquo;&nbsp;contribue au programme du Conseil de l&#39;Europe en mati&egrave;re d&#39;&eacute;ducation, en compl&eacute;tant le PEL&nbsp;&raquo;<sup><a href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc">7</a></sup>.</p> <p style="text-align:justify">Nous assistons ici &agrave; une autre forme de standardisation qui est op&eacute;r&eacute;e ici alors que l&rsquo;interculturalit&eacute; est un <em>processus</em> de qu&ecirc;te, d&rsquo;interrogation et de remise en question. En outre, nous avons observ&eacute; que certaines valeurs convoqu&eacute;es comme l&#39;empathie et la tol&eacute;rance qui peuvent impliquer les notions de conflits ou de tensions, &eacute;vitaient, contournaient, ces derni&egrave;res notions, absentes des consignes du <em>Portfolio</em> : la communication interculturelle ne peut &ecirc;tre que dialogique et harmonieuse, posture que Giordano d&eacute;signe par &laquo;&nbsp;l&rsquo;insoutenable innocence de l&rsquo;interculturel&nbsp;&raquo;&nbsp;(2008, cit&eacute; par Gohard-Radenkovic, 2010).</p> <h4 style="text-align:justify">La place du &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo;&nbsp; dans le PEL au coeur du tout-&eacute;valuatif</h4> <p style="text-align:justify">Anquetil, Derivry et Gohard-Radenkovic (&agrave; par.) se sont pench&eacute;es sur la place du &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; dans le PEL et identifient une phase transitoire o&ugrave; le pr&eacute;sent performatif absolu du Conseil de l&#39;Europe devient promesse au destinataire.</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Gr&acirc;ce &agrave; la biographie langagi&egrave;re vous pouvez voir votre apprentissage pass&eacute; et r&eacute;fl&eacute;chir aux chemins que vous avez parcourus en tant qu&#39;apprenants/e de langues. Vous pouvez en tirer des conclusions utiles pour votre apprentissage futur. [...] Vous avez la possibilit&eacute; de d&eacute;couvrir ce dont vous &ecirc;tes d&eacute;j&agrave; capables dans diff&eacute;rentes langues pour ensuite d&eacute;cider quelles comp&eacute;tences linguistiques et interculturelles vous voulez encore acqu&eacute;rir. [...] Vous pouvez, seul ou avec d&#39;autres, vous fixer des objectifs d&#39;apprentissage et planifier par vous-m&ecirc;me vos progr&egrave;s et les r&eacute;sultats que vous avez atteints. Vous pouvez r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; votre processus d&#39;apprentissage afin d&#39;apprendre &agrave; mieux vous conna&icirc;tre en tant qu&#39;apprenant/e (p. 2)</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Selon elles, &laquo;&nbsp;l&#39;&eacute;nonciateur cr&eacute;e ici son destinataire en&nbsp;le narrativisant sous la forme du h&eacute;ros en qu&ecirc;te de comp&eacute;tences linguistiques plurielles&nbsp;&raquo;. On anticipe pour lui les effets escompt&eacute;s de son parcours,&nbsp;qui ne sont pas des moindres, tant dans la conscience du pass&eacute; que dans l&#39;apprivoisement du futur&nbsp;: une pleine ma&icirc;trise des temps d&#39;&eacute;laboration cognitive des apprentissages, une connaissance de soi li&eacute;e harmonieusement &agrave; une expansion illimit&eacute; des apprentissages de langues. Elles s&rsquo;interrogent&nbsp;: &laquo; Pr&eacute;somption ou technique de communication proche de la publicit&eacute; promotionnelle &quot;participative&quot; &raquo; ?</p> <p style="text-align:justify">Les trois auteures susmentionn&eacute;es (<em>op. cit</em>.) concluent sur la place d&rsquo;un &laquo;&nbsp;je plus &laquo;&nbsp;contraint&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;cadr&eacute;&nbsp;&raquo; qu&rsquo;autonome comme suit&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Partant d&rsquo;une analyse des discours du PEL nous avons mis en &eacute;vidence combien le &laquo;&nbsp;JE contraint&nbsp;&raquo;, qui y est mis-en-sc&egrave;ne, d&eacute;coulait d&rsquo;une certaine vision de l&rsquo;individu qui, paradoxalement en son nom, r&eacute;duit, formate, &eacute;vacue le &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; en tant que sujet pluriel au v&eacute;cu langagier, social et culturel complexe mais int&eacute;gr&eacute;. Le mod&egrave;le PEL, &agrave; pr&eacute;tention unique et universaliste, en contradiction avec le principe d&rsquo;adaptation aux sp&eacute;cificit&eacute;s locales, dans lequel le moi est cens&eacute; s&rsquo;inscrire tout en revendiquant son autonomie et sa cr&eacute;ativit&eacute;, traduit en didactique des langues et cultures une certaine id&eacute;ologie de la formation au service de la seule employabilit&eacute; conforme au mod&egrave;le &eacute;conomique dominant&nbsp;; la rencontre interculturelle r&eacute;ifi&eacute;e dans le PEL se r&eacute;duit &agrave; une occasion de mettre en exercice la capacit&eacute; d&rsquo;adaptation et la&nbsp; &laquo;&nbsp;tol&eacute;rance utile&nbsp;&raquo; au bon fonctionnement du march&eacute; globalis&eacute;.</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Elles vont plus loin en invoquant l&rsquo;&eacute;chec du Portfolio &agrave; am&eacute;nager une place &agrave; l&rsquo;apprenant et l&rsquo;expression du Soi (<em>ibidem</em>) :</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">L&#39;une des raisons de l&rsquo;&eacute;chec du PEL se situe sans doute dans le caract&egrave;re dogmatique de sa pr&eacute;sentation qui n&#39;a rien de souple ni de convivial, mais &eacute;crase son utilisateur sous les listes formul&eacute;es pour des professionnels de l&#39;enseignement mais non pour des apprenants, et propose une vision trop d&eacute;contextualis&eacute;e de la comp&eacute;tence (Mondada, Pekarek Doehler 2006).</p> </blockquote> <h4 style="text-align:justify">D&rsquo;une conception multimodale de la m&eacute;diation au retour d&rsquo;une conception unimodale linguistique</h4> <p style="text-align:justify">D&egrave;s les ann&eacute;es 90, le concept de m&eacute;diation est lanc&eacute; dans le <em>Cadre europ&eacute;en commun de r&eacute;f&eacute;rence</em> o&ugrave; la notion y est abord&eacute;e sous forme de comp&eacute;tences glos&eacute;es g&eacute;n&eacute;riquement comme &laquo;&nbsp;conscience interculturelle&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;aptitude interculturelle&raquo;, &laquo;&nbsp;savoir-&ecirc;tre&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;aptitudes &agrave; la d&eacute;couverte&nbsp;&raquo;, etc., mais en fait r&eacute;duite au contexte de traduction et d&rsquo;interpr&eacute;tariat, instrumentalisant la communication en langues &eacute;trang&egrave;res &agrave; des fins purement fonctionnelles (Zarate, Gohard-Radenkovic, Lussier et Penz, 2003 / 2004).</p> <p style="text-align:justify">Plus r&eacute;cemment, en vue d&rsquo;&eacute;laborer des crit&egrave;res standardis&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation s&rsquo;appuyant sur le <em>Guide</em> promouvant l&rsquo;&eacute;ducation plurilingue (2008), les comp&eacute;tences de m&eacute;diation ont &eacute;t&eacute; d&eacute;finies en termes d&rsquo;interactions uniquement linguistique entre des usagers mobilisant des r&eacute;pertoires <em>de facto</em> plurilingues &agrave; l&rsquo;oral et l&rsquo;&eacute;crit, pouvant certes se r&eacute;v&eacute;ler diff&eacute;rents selon le niveau des interlocuteurs (Lenz et Berthele, 2010)<sup><a href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc">8</a></sup>&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Dans le CECR, la m&eacute;diation est l&#39;une des quatre activit&eacute;s langagi&egrave;res fondamentales, outre la r&eacute;ception, la production et l&#39;interaction. La m&eacute;diation comporte &agrave; la fois des &eacute;l&eacute;ments de r&eacute;ception et de production mais &eacute;galement une comp&eacute;tence particuli&egrave;re qui fait le lien entre la partie r&eacute;ceptive et les conditions sp&eacute;cifiques de la partie productive, c&#39;est-&agrave;-dire, principalement, qui prend en compte les particularit&eacute;s du destinataire. <em>Les interm&eacute;diaires doivent &ecirc;tre capables de d&eacute;terminer le genre de langue et de communication que peut comprendre le destinataire ; ils devraient avoir les moyens d&#39;adapter (ajuster) leur comportement communicatif en cons&eacute;quence. Selon la situation interpersonnelle, les comp&eacute;tences interculturelles joueront un r&ocirc;le plus ou moins important</em>.&nbsp;</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">&Agrave; ces comp&eacute;tences de m&eacute;diation identifi&eacute;es, &agrave; supposer que l&rsquo;on puisse les &eacute;valuer du tout (Zarate et Gohard-Radenkovic, 2004), s&rsquo;adjoindraient donc&nbsp;<span style="font-size:12.16px">&ndash;</span>&nbsp;&agrave; l&rsquo;occasion&nbsp;<span style="font-size:12.16px">&ndash;</span>&nbsp;des comp&eacute;tences interculturelles (voir citation ci-dessus). Mais on ne voit pas bien l&rsquo;articulation avec les comp&eacute;tences dites de m&eacute;diation qui semblent essentiellement issues de l&rsquo;intercompr&eacute;hension linguistique et de (bonnes) pratiques collaboratives, &agrave; caract&egrave;re intuitif, entre des protagonistes en interaction. Nous avions d&eacute;j&agrave; soulign&eacute; ce &laquo;&nbsp;tour de passe-passe&nbsp;&raquo; quasi magique, dans notre introduction &agrave; la notion de m&eacute;diation en contexte plurilingue (Gohard-Radenkovic, A. Gremion, M., Yanaprasart, P. et Veillette, J., 2012b).</p> <p style="text-align:justify">Nous constatons que ces conceptions, reposant implicitement sur une conception <em>volontariste</em> de l&rsquo;interculturel et du plurilinguisme, am&egrave;nent &agrave; la d&eacute;contextualisation (politique, &eacute;conomique, sociale, historique) des situations de communication en langues &eacute;trang&egrave;res, &agrave; la d&eacute;personnalisation des individus et &agrave; l&rsquo;ignorance de leurs capitaux, &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;vidence&nbsp;&raquo; pour les usagers en pr&eacute;sence de recourir &agrave; un r&eacute;pertoire qui serait <em>de facto</em> plurilingue, ainsi qu&rsquo;&agrave; la dissociation entre comp&eacute;tences linguistiques et comp&eacute;tences interculturelles, comp&eacute;tences interculturelles et comp&eacute;tences de m&eacute;diation. (<em>idem</em>, 2012b)</p> <p style="text-align:justify">Dans cette optique, Simona Pekarek-Doehler (2007) rappelle que les comp&eacute;tences langagi&egrave;res s&rsquo;inscrivent dans du lien social, lui-m&ecirc;me produit d&rsquo;une histoire des liens entre des individus, groupes d&rsquo;individus appartenant &agrave; une collectivit&eacute; dans un espace donn&eacute;e &agrave; un moment donn&eacute;&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Or la linguistique socio-interactionnelle nous fournit deux indications &agrave; prendre en compte (Mondada, Pekarek, 2000 ; Pekarek-Doeler, 2007)&nbsp;:<br /> - les comp&eacute;tences langagi&egrave;res ne sont pas ind&eacute;pendantes des conditions socio-interactionnelles o&ugrave; elles sont mobilis&eacute;es pour la production d&rsquo;une performance,<br /> - tout discours se d&eacute;finit comme co-construction o&ugrave; s&rsquo;organise le lien social, d&rsquo;o&ugrave; le caract&egrave;re local et &agrave; la fois socio-historique de l&rsquo;interaction.&nbsp;&raquo;</p> </blockquote> <h3 style="text-align:justify">2.3. Les d&eacute;poss&eacute;d&eacute;s</h3> <p style="text-align:justify">Nous rejoignons les propos de Fran&ccedil;oise Rop&eacute;, quand elle souligne, &agrave; juste titre, que le statut des p&eacute;dagogues a profond&eacute;ment chang&eacute;, car ils ne ma&icirc;trisent plus leurs propres contenus ni les objectifs de leur propre enseignement, ni encore moins leurs modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation des savoirs et savoir-faire qu&rsquo;ils transmettent puisqu&rsquo;ils sont tributaires de directives de l&rsquo;institution, elle-m&ecirc;me tributaire d&rsquo;un syst&egrave;me de contr&ocirc;le venu de plus-haut encore&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">En ce qui concerne l&rsquo;&eacute;valuation, si elle est pour des p&eacute;dagogues une fa&ccedil;on d&rsquo;entrer dans l&rsquo;innovation, elle est en m&ecirc;me temps source de changement de statut de l&rsquo;enseignant contraint &agrave; appliquer ce qui vient &laquo;&nbsp;d&rsquo;en haut&nbsp;&raquo; et n&rsquo;est pas construit par lui. Il n&rsquo;est pas certain que les enseignants veuillent &ecirc;tre transform&eacute;s en &laquo;&nbsp;techniciens&nbsp;&raquo; que l&rsquo;on obligerait &agrave; appliquer des directives qui viendraient &laquo;&nbsp;d&rsquo;experts&nbsp;&raquo;. Sans doute se sentent-ils dessaisis d&rsquo;une partie de leur autonomie face &agrave; une sorte de contr&ocirc;le social qui &eacute;chappe en partie et qui en dernier ressort les &eacute;valuer autant que les &eacute;l&egrave;ves.</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Bien s&ucirc;r, nous pouvons toujours r&eacute;pliquer que nous devrions prendre en compte, dans nos pratiques d&rsquo;&eacute;valuation, divers param&egrave;tres (contextuels, sociaux, institutionnels, individuels, acad&eacute;miques, disciplinaires, situationnels), quand ces comp&eacute;tences touchent des processus complexes de rem&eacute;diation linguistique et relationnelle &agrave; l&rsquo;autre, qu&rsquo;il faudrait diversifier les lieux d&rsquo;apprentissage, les modalit&eacute;s d&rsquo;apprentissages et d&rsquo;interactions et cons&eacute;quemment les modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation.</p> <p style="text-align:justify">L&rsquo;une des approches possibles pourrait &ecirc;tre est celle d&rsquo;une distance critique: ne pas prendre les &eacute;valuations, issues du Portfolio, comme la seule mani&egrave;re d&rsquo;&eacute;valuer les apprenants de langues. Dans ce sens, nous tenons &agrave; mentionner une d&eacute;marche men&eacute;e, dans le cadre d&rsquo;une recherche par Tisa Retfalvi-Schaer qui propose de se recentrer sur les apprenants plut&ocirc;t que de se plier aux mod&egrave;les d&rsquo;&eacute;valuation parachut&eacute;s d&rsquo;en-haut et impos&eacute;s comme des diktats&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">His main concern (speaking about Jan Hulstijn&rsquo;s (2007)) with the CEFR is that it accords primacy to teacher&rsquo;s and other expert&rsquo;s perceptions of what constitutes a level, <em>at the expense of what learners have to say about the topic, thus restricting our understanding of proficiency in a foreign language</em> (666). While lauding the CEFR &ldquo;entreprise&rdquo; as &ldquo;good for Europe and its citizens&rdquo; (665), he is nonetheless adamant that: &ldquo;We must not forget that its empirical base consists of judgements of language teachers and other experts with respect of the scaling of the descriptions. In some case, teachers have had to take one of their students as a point of reference, judging whether that student was or was not able to perform that was tasted by the descriptors. <strong>It is crucial to note&hellip; </strong><strong>that the CEFR is not based on evidence taken from learner data&rdquo;</strong> (666)<sup><a href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc">9</a></sup></p> </blockquote> <p>Car comme l&rsquo;indique Rop&eacute;, d&eacute;j&agrave; cit&eacute;e, dans sa conclusion&nbsp;:</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Au-del&agrave; des ambigu&iuml;t&eacute;s des conceptions diff&eacute;rentes et peut-&ecirc;tre m&ecirc;me des finalit&eacute;s diff&eacute;rentes mobilisant les divers acteurs de ces transformations. Aux finalit&eacute;s technocratiques de gestionnaires s&rsquo;opposent les finalit&eacute;s humanistes des p&eacute;dagogues, des linguistes....</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Nous ajouterons, pour notre part, cette posture concerne tous les professionnels de l&rsquo;apprentissage, enseignement, traduction, interpr&eacute;tation, transmission, m&eacute;diation, etc. des langues et des cultures.</p> <p>Doit-on rejoindre Isabelle Barb&eacute;ris qui conclut sa Pr&eacute;sentation du num&eacute;ro portant sur <em>L&rsquo;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation</em> (<em>in</em> Zarka, 2009) comme suit&nbsp;?</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">L&rsquo;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation signe l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; qui b&eacute;gaie, incapable de penser autrement que par fragments. Maigre consolation peut-&ecirc;tre&nbsp;: ne pas se reconna&icirc;tre dans ces nombreuses grilles permet de ressentir de la jubilation de l&rsquo;&eacute;lectron libre&hellip; Ne pas &ecirc;tre &laquo;&nbsp;in&nbsp;&raquo; mais &laquo;&nbsp;out&nbsp;&raquo;, cela signifie de ne pas avoir de compte &agrave; rendre, ce dont on pourrait se r&eacute;jouir. Mais pour combien de temps&nbsp;?</p> </blockquote> <p style="text-align:justify">Libert&eacute; conditionnelle et provisoire en tout cas&hellip; Car, nous l&rsquo;avons vu dans notre propre domaine, les &eacute;valuations de comp&eacute;tences, leurs contenus, leurs crit&egrave;res et leurs proc&eacute;dures &eacute;chappent de plus en plus aux apprenants, oubli&eacute;s dans ce cadrage-formatage. Mais ces nouvelles proc&eacute;dures d&rsquo;&eacute;valuation &eacute;chappent &eacute;galement aux professionnels de la langue, enseignants, formateurs, conseillers, eux-m&ecirc;mes &eacute;valuateurs, cens&eacute;s servir les objectifs de l&rsquo;institution (dans notre cas&nbsp;: universitaire)&nbsp;: ils sont en fait d&eacute;poss&eacute;d&eacute;s de leur expertise, de leur fonction et de leur responsabilit&eacute;s.</p> <p>Pourquoi&nbsp;ce ph&eacute;nom&egrave;ne ? Parce que les institutions, t&acirc;chant de complaire aux &laquo;&nbsp;experts&nbsp;&raquo; (la plupart externes pour plus de cr&eacute;dibilit&eacute;), sont elles-m&ecirc;mes devenues des terrains de jeu d&rsquo;une id&eacute;ologie de la gouvernance manag&eacute;riale, &laquo;&nbsp;appliqu&eacute;e &agrave; un monde qui n&rsquo;a rien &agrave; voir avec celui de l&rsquo;entreprise parce que la libert&eacute; d&rsquo;initiative, la libert&eacute; de la recherche, la libert&eacute; d&rsquo;esprit lui sont consubstantiels&nbsp;&raquo; (Zarka, 2009, p&nbsp;: 118). Il semblerait que ceux qui se pr&ecirc;tent &agrave; ce jeu (d&eacute;cideurs comme cadres-relais et ex&eacute;cutants) sont des apprentis sorciers qui ne contr&ocirc;lent plus les r&egrave;gles du jeu. Ils ont abandonn&eacute; &agrave; des instances occultes leur propre responsabilit&eacute; dans l&rsquo;&eacute;valuation, la s&eacute;lection et la formation, au nom de &laquo;&nbsp;bonnes pratiques&nbsp;&raquo; imagin&eacute;es et d&rsquo;une gouvernance fantasm&eacute;e.</p> <h2>Conclusion. L&rsquo;&eacute;valuation, une id&eacute;ologie&hellip; mais aussi une fabrique du pr&eacute;-pens&eacute;</h2> <p>Nous avons relev&eacute;, &agrave; travers des exemples concrets dans le domaine des langues, l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie des t&acirc;ches &agrave; accomplir sur les comp&eacute;tences &agrave; acqu&eacute;rir, des savoir-faire sur les savoirs, la dissociation entre connaissances et comp&eacute;tences, des incoh&eacute;rences entre t&acirc;ches et objectifs, des contradictions, voire des concurrences,&nbsp;entre diverses proc&eacute;dures d&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;: ainsi des r&eacute;sultats peuvent en annuler d&rsquo;autres obtenus dans des conditions tout aussi &laquo;&nbsp;objectives&nbsp;&raquo;, comme peut l&rsquo;illustrer la malheureuse histoire de Ravi.</p> <p style="text-align:justify">Cette histoire inqui&eacute;tante en cache une autre&nbsp;: elle montre comment une institution cens&eacute;e aider un apprenant, qui souhaite am&eacute;liorer ses comp&eacute;tences en langue pour mener &agrave; bien son projet universitaire, va le handicaper puis l&rsquo;abandonner parce qu&rsquo;il ne rentre dans aucune case. Elle joue &eacute;galement un autre r&ocirc;le&nbsp;: elle nous avertit, nous alerte m&ecirc;me, sur le fait que les modalit&eacute;s d&rsquo;&eacute;valuation ne sont plus centr&eacute;es sur le d&eacute;veloppement des comp&eacute;tences cibl&eacute;es de l&rsquo;individu, sont (hyper)standardis&eacute;es en proposant des mod&egrave;les pr&eacute;-pens&eacute;s et des crit&egrave;res de s&eacute;lection pens&eacute;s &laquo;&nbsp;universels&nbsp;&raquo; et au-dessus des contingences contextuelles. Ces types d&rsquo;&eacute;valuation &eacute;cartent <em>de facto</em> la singularit&eacute; de l&rsquo;apprenant et de son parcours, pourtant postul&eacute; &laquo;&nbsp;acteur/auteur de son apprentissage&nbsp;&raquo; dans les (euro)discours.</p> <p style="text-align:justify">Nous ne sommes pas au d&eacute;but de ce processus du tout-observable, du tout-mesurable, du tout-&eacute;valuable qui s&rsquo;&eacute;rige en &laquo;&nbsp;nouvelle science&nbsp;&raquo;<sup><a href="#sdfootnote10sym" name="sdfootnote10anc">10</a></sup> mais bien &agrave; l&rsquo;aboutissement &agrave; la fois institutionnalis&eacute; et individualis&eacute; du processus de standardisation dont nous avons tent&eacute; d&rsquo;analyser quelques effets sur notre propre champ (arbitraire, incoh&eacute;rence, contradictions et m&ecirc;me paralysie) quoique ces effets soient encore difficilement identifiables&hellip; et mesurables&nbsp;! Mais ce que nous pouvons noter d&egrave;s maintenant, c&rsquo;est que nous ne sommes plus dans un processus de formation prenant en compte les besoins objectiv&eacute;s des apprenants mais bien dans un processus de formatage calqu&eacute; sur une <em>mimesis de l&rsquo;&eacute;valuation </em>selon Zarka (<em>op. cit</em>., p. 122). Quels processus recouvre cette expression ?</p> <blockquote> <p style="text-align:justify">Il s&rsquo;agit d&rsquo;une &laquo;&nbsp;dynamique qui va s&rsquo;&eacute;tablir (nous dirions qui est &eacute;tablie) dans les &eacute;tablissements de production et de transmission du savoir qui consiste en un effort pour se conformer aux exigences de l&rsquo;&eacute;valuation et complaire aux &eacute;valuateurs. Plut&ocirc;t que d&rsquo;avoir pour objectif la production de savoirs &ndash; ce qui suppose de prendre des risques, d&rsquo;entamer des recherches dont l&rsquo;issue est longtemps incertaine mais dont les r&eacute;sultats souvent inattendus, peuvent &ecirc;tre d&eacute;cisifs, d&rsquo;ouvrir des voies non accr&eacute;dit&eacute;es, dans les champs de recherche non directement productifs&nbsp;<span style="font-size:12.16px">&ndash;</span>, les individus et les groupes vont t&acirc;cher de se conformer aux principes &eacute;tablis, aux valeurs accr&eacute;dit&eacute;es. C&rsquo;est la recherche et l&rsquo;enseignement dans leur totalit&eacute; qui peuvent &ecirc;tre contamin&eacute;es par le grotesque. La r&eacute;sistance est &eacute;videmment difficile, parce qu&rsquo;elle suppose l&rsquo;isolement, voire la disqualification publique. (<em>ibidem</em>).&nbsp;</p> </blockquote> <h2>Bibliographie</h2> <p style="text-align:justify">Acklin Muji, D. (2007).&nbsp;<em>Langues &agrave; l&rsquo;&eacute;cole : quelle politique pour la Suisse ?</em>&nbsp;Berne&nbsp;: Transversales / Peter Lang.</p> <p style="text-align:justify">Aflalo, A. (2009). &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;: un nouveau scientisme&nbsp;&raquo;&nbsp;in&nbsp;Zarka, Y.C. (2009). L&rsquo;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation. La grande imposture.&nbsp;<em>Cit&eacute;s</em><em>&nbsp;</em>n&deg;37. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align:justify">Anquetil, M. (2010), &laquo;&nbsp;L&rsquo;interaction en situation de certification de FLE, un regard critique&nbsp;&raquo; dans&nbsp;<em>Colloque international &quot;Sp&eacute;cificit&eacute;s et diversit&eacute; des interactions didactiques : disciplines, finalit&eacute;s, contextes&quot;, Universit&eacute; de Lyon&nbsp;&ndash;&nbsp;ICAR&nbsp;&ndash;&nbsp;CNRS&nbsp;&ndash;&nbsp;INRP</em>, Lyon 24-26 juin 2010.&nbsp;<a href="http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00534429" rel="noopener noreferrer" target="_blank">http://hal.archives-ouvertes.fr/hal-00534429</a></p> <p style="text-align:justify">Anquetil, M. (2004). &laquo;&nbsp;Les comp&eacute;tences interculturelles sont-elles des savoir-&ecirc;tre&nbsp;?&nbsp;&raquo;,&nbsp;in Zarate, G. et Gohard-Radenkovic, A. (dir.),&nbsp;<em>La reconnaissance des comp&eacute;tences interculturelles&nbsp;: de la grille &agrave; la carte</em>,&nbsp;Paris&nbsp;:&nbsp;Cahiers du CIEP /&nbsp;Didier.</p> <p style="text-align:justify">Anquetil, M., Derivry, M. et Gohard-Radenkovic,&nbsp;A. (&agrave; par.). &laquo;&nbsp;En finir avec le&nbsp;<em>Je</em>&nbsp;contraint et r&eacute;ifi&eacute; dans l&rsquo;objet PEL : pour une didactique de la biographie langagi&egrave;re comme&nbsp;<em>processus</em>&nbsp;relationnel&nbsp;&raquo;,&nbsp;n&deg;1, revue on-line&nbsp;<em>Travaux de Didactique du Fran&ccedil;ais Langue &Eacute;trang&egrave;re</em>.</p> <p style="text-align:justify">Banon, P. et&nbsp;Cartron-Markardidjian, C. (2006). &laquo;&nbsp;Un outil controvers&eacute; d&rsquo;une standardisation europ&eacute;enne :&nbsp;<em>le Portfolio des langues</em>&nbsp;&raquo;, La richesse de la diversit&eacute;&nbsp;: recherches et r&eacute;flexions dans l&rsquo;Europe des langues et cultures sous dir. Piccardo, E.,&nbsp;<em>Synergies n&deg; 1</em>, R&eacute;seau GERFLINT.</p> <p style="text-align:justify">Barb&eacute;ris, I. (2009). &laquo;&nbsp;Pr&eacute;sentation du dossier. Le cauchemar de Paul Otlet&nbsp;&raquo;, in&nbsp;Zarka, Y.C. (2009). L&rsquo;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation. La grande imposture.&nbsp;<em>Cit&eacute;s</em><em>&nbsp;</em>n&deg;37. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align:justify">Giordano, C. 2008. &laquo;&nbsp;Postface. L&rsquo;insoutenable innocence de l&rsquo;interculturel&nbsp;&raquo;, in Gohard-Radenkovic, A. et Akkari, A.&nbsp;<em>Coop&eacute;ration internationale&nbsp;: entre accommodements interculturels et utopies du changement</em>. Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan.</p> <p style="text-align:justify">Gohard-Radenkovic, A. (2012a). &laquo;&nbsp;Contre point : Le plurilinguisme, un nouveau champ ou une nouvelle id&eacute;ologie&nbsp;? Ou quand les discours politiquement corrects pr&ocirc;nent la diversit&eacute;&nbsp;&raquo;, &nbsp;in Gohard-Radenkovic, A. Gremion, M., Yanaprasart, P. et Veillette, J. (coord.),&nbsp;<em>Alterstice</em>&nbsp;n&deg;2, Uni Laval, Qu&eacute;bec :&nbsp;<a href="http://journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI" rel="noopener noreferrer" target="_blank">http://journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI</a></p> <p style="text-align:justify">Gohard-Radenkovic, A. 2006. &laquo;&nbsp;Interrogations sur la conception de &laquo;&nbsp;l&rsquo;interculturel&nbsp;&raquo; dans le&nbsp;<em>Portfolio europ&eacute;en des langues</em>&nbsp;et autres productions de l&rsquo;Europe&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>Synergies Europe</em>&nbsp;n&deg;1, coord. par E. Piccardo, Revue du GERFLINT.</p> <p style="text-align:justify">Gohard-Radenkovic, A. (2004, 2<sup><span style="font-size:9.16667px">e</span></sup>&nbsp;&eacute;d.&nbsp;; 1999, 1<sup>re</sup>&nbsp;&eacute;d.).&nbsp;<em>Communiquer en langue &eacute;trang&egrave;res. De comp&eacute;tences culturelles vers des comp&eacute;tences linguistiques</em>. Berne&nbsp;: Peter Lang.</p> <p style="text-align:justify">Gohard-Radenkovic, A. Gremion, M., Yanaprasart, P. et Veillette, J. (2012b) (coord.). &laquo;&nbsp;Introduction&nbsp;&raquo;. Strat&eacute;gies de (re)m&eacute;diation en situation plurilingue. Etudes de cas dans des contextes de recherche et d&#39;&eacute;ducation.&nbsp;<em>Alterstice</em>&nbsp;n&deg;2, Uni Laval, Qu&eacute;bec&nbsp;:&nbsp;<a href="http://journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI">http://journal.psy.ulaval.ca/ojs/index.php/ARIRI</a></p> <p style="text-align:justify">Le Goff, J.-P. (1999).&nbsp;<em>La barbarie douce. La modernisation aveugle des entreprises et de l&rsquo;&eacute;cole</em>. Paris&nbsp;: La d&eacute;couverte.</p> <p style="text-align:justify">Lenz, P. et Berthele, R. (2010).&nbsp;<em>Prise en compte des comp&eacute;tences plurilingue et interculturelle. &Eacute;tude satellite n&deg;2</em>, Strasbourg&nbsp;: Conseil de l&rsquo;Europe.</p> <p style="text-align:justify">Minet, F. Parlier, M. et Witte (de), S. (1994)&nbsp;:&nbsp;<em>La comp&eacute;tence&nbsp;:&nbsp;mythe, construction ou r&eacute;alit&eacute;&nbsp;?</em>&nbsp;Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan.</p> <p style="text-align:justify">Mondada L., Pekarek Doehler S. (2006).&nbsp;La comp&eacute;tence&nbsp;: &eacute;tudes critiques.&nbsp;<em>Bulletin VALS &ndash; ASLA</em>&nbsp;n&deg; 84.</p> <p style="text-align:justify">Papatsiba, V. (2003).&nbsp;<em>Des &eacute;tudiants europ&eacute;ens. &laquo;&nbsp;Erasmus&nbsp;&raquo; et l&rsquo;aventure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;</em>.&nbsp;Berne&nbsp;: Transversales / Peter Lang.</p> <p style="text-align:justify">Pekarek Doehler, S. (2007), &laquo;&nbsp;D&eacute;mythifier les comp&eacute;tences&nbsp;: vers une pratique &eacute;cologique d&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;&raquo; dans&nbsp;&nbsp;<em>Actes du colloque international CERCI, IRFFLE&nbsp;</em><em>&laquo;&nbsp;</em><em>Construction du sens et acquisition de la signification linguistique dans l&rsquo;interaction</em><em>&nbsp;&raquo;</em>, Nantes, 22-24 novembre 2007 :&nbsp;<a href="http://gramm-fle.ulb.ac.be/fichiers/colloques/Nantes2007/PEKAREKDOEHLER.pdf" rel="noopener noreferrer" target="_blank">http://gramm-fle.ulb.ac.be/fichiers/colloques/Nantes2007/PEKAREKDOEHLER.pdf</a></p> <p style="text-align:justify">Retfalvi-Schaer, T. (2012), &laquo;&nbsp;Enriching our understanding of level in foreign language learning and teaching by paying closer attention to learners&rsquo; perceptions of competence: Preliminary qualitative explorations&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Blons-Pierre, C. (&eacute;d.),&nbsp;<em>Apprendre, enseigner et &eacute;valuer les langues dans le contexte de Bologne et du CECR / Sprachen Lernen, Lehren und Beurteilen im Kontext von Bologna und dem GER</em>. Berne : Peter Lang.</p> <p style="text-align:justify">Rop&eacute;, F. (1994). &laquo;&nbsp;Des savoirs aux comp&eacute;tences&nbsp;? Le cas du fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;,&nbsp;<em>in</em>&nbsp;Rop&eacute;, F. et Tanguy, L. (dir.),&nbsp;<em>Savoirs et comp&eacute;tences</em>, Paris&nbsp;: L&rsquo;Harmattan</p> <p style="text-align:justify">Simonet, F. (2009). &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;: objet de standardisation des pratiques sociales&nbsp;&raquo;, in Zarka, Y.C. (2009). L&rsquo;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation. La grande imposture.&nbsp;<em>Cit&eacute;s</em>&nbsp;n&deg;37. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align:justify">Zarate, G., Gohard-Radenkovic, A., Lussier, D. et Penz, H. (2003).<em>&nbsp;M&eacute;diation culturelle et didactique des langues / Cultural Mediation in Language Learning and Teaching</em>, Conseil de l&rsquo;Europe / Council of Europe, Graz (Autriche / Austria) : CELV / ECML.</p> <p style="text-align:justify">Zarka, Y.C. (2009). L&rsquo;id&eacute;ologie de l&rsquo;&eacute;valuation. La grande imposture.&nbsp;<em>Cit&eacute;s</em>&nbsp;n&deg;37. Paris&nbsp;: PUF.</p> <p style="text-align:justify">&nbsp;</p> <hr /> <h2 style="text-align:justify">Notes</h2> <p><a href="#" id="ftn1" style="vertical-align: super;">[0]</a><sup>&nbsp;</sup>Pour reprendre le titre du num&eacute;ro de&nbsp;<em>Cit&eacute;s</em>&nbsp;n&deg; 37, 2009</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym">1</a> Nom fictif mais histoire vraie</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym">2</a> Pour reprendre le titre du num&eacute;ro de <em>Cit&eacute;s</em> n&deg;37, 2009</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym">3</a> Zarka utilise, quant &agrave; lui, le terme d&rsquo;imposture&nbsp;(2009)</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym">4</a> Nous n&rsquo;avions pas encore lu Le Goff quand nous avions d&eacute;j&agrave; remis en question cette notion de &laquo;&nbsp;savoir-&ecirc;tre&nbsp;&raquo; dans une monographie publi&eacute;e en 1999 (2004) chez Peter Lang ; Mathilde Anquetil a &eacute;galement questionn&eacute; ce &laquo;&nbsp;savoir-&ecirc;tre&nbsp;&raquo;&nbsp;: dans Zarate et Gohard-Radenkovic&nbsp;(2004). Voir bibliographie.</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym">5</a> <a href="http://www.coe.int/t/dg4/autobiography/default_FR.asp" rel="noopener noreferrer" target="_blank">http://www.coe.int/t/dg4/autobiography/default_FR.asp?</a></p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym">6</a> Nous soulignons ce terme malheureux</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym">7</a> <a href="http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/autobiogrweb_FR.asp" rel="noopener noreferrer" target="_blank">http://www.coe.int/t/dg4/linguistic/autobiogrweb_FR.asp</a></p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym">8</a> D&eacute;j&agrave; cit&eacute;s <em>in</em> Gohard-Radenkovic, A. Gremion, M., Yanaprasart, P. et Veillette, J. (2012b)</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym">9</a> C&rsquo;est l&rsquo;auteur de ce propos qui souligne</p> <p style="text-align:justify"><a href="#sdfootnote10anc" name="sdfootnote10sym">10</a> Voir &agrave; ce sujet le texte de Agn&egrave;s Aflao&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;valuation&nbsp;: un nouveau scientisme&nbsp;&raquo; (2009)</p>