<p>Le n&deg;71 de la revue&nbsp;<em>Travaux de didactique du FLE</em>&nbsp;porte sur une question que notre &eacute;poque contemporaine, apr&egrave;s une p&eacute;riode de relative accalmie qui a suivi la Seconde Guerre mondiale, a de nouveau rendue d&rsquo;actualit&eacute;&nbsp;:&nbsp;<em>les cons&eacute;quences des crises (&eacute;conomiques et politiques) et des conflits (notamment arm&eacute;s) sur l&rsquo;enseignement des langues &eacute;trang&egrave;res</em>.</p> <p>Nous souhaitons nous pencher ici en particulier sur l&rsquo;<em>enseignement du fran&ccedil;ais</em>, l&rsquo;une des principales langues de grande diffusion, de par son expansion territoriale et son poids politique. L&rsquo;importance g&eacute;opolitique d&rsquo;une langue va de pair avec son importance au niveau didactique, en termes de&nbsp;<em>d&eacute;sir de langues</em>&nbsp;dans le contexte de la mondialisation actuelle, qui privil&eacute;gie la valeur projet&eacute;e d&rsquo;acquisition des &laquo;&nbsp;grandes langues&nbsp;&raquo;. En sa qualit&eacute; de langue de&nbsp;<em>grande diffusion</em>&nbsp;et du&nbsp;<em>grand espace de communication</em>&nbsp;que repr&eacute;sente la francophonie, le fran&ccedil;ais en tant que langue &eacute;trang&egrave;re est encore tr&egrave;s pr&eacute;sent dans l&rsquo;offre de formation de nombreux pays du monde. Cependant, les grands bouleversements g&eacute;opolitiques, intervenus &agrave; la charni&egrave;re du XX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;et du XXI<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle, ont eu pour cons&eacute;quence un repositionnement variable des langues sur l&rsquo;&eacute;chiquier glottopolitique mondial, qui s&rsquo;est refl&eacute;t&eacute; &eacute;galement sur les politiques &eacute;ducatives et sur l&rsquo;enseignement.</p> <p>Le n&deg;71 de la revue&nbsp;<em>Travaux de didactique du FLE</em>&nbsp;est organis&eacute; autour de trois chapitres&nbsp;:&nbsp;<em>Les crises &eacute;conomiques et politiques et l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais</em>&nbsp;(chapitre I),&nbsp;<em>Les conflits arm&eacute;s et l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais&nbsp;</em>(chapitre II) et&nbsp;<em>Au-del&agrave; du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re&nbsp;</em>(chapitre III).</p> <h2>Chapitre I)&nbsp;<em>Les crises &eacute;conomiques et politiques et l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais</em></h2> <p>L&rsquo;&eacute;cole est souvent en premi&egrave;re ligne, lorsqu&rsquo;un pays est frapp&eacute; par une crise &eacute;conomique&nbsp;: paup&eacute;risation du syst&egrave;me &eacute;ducatif, manque de moyens p&eacute;dagogiques et d&eacute;motivation des enseignants et des apprenants, en sont quelques-unes des cons&eacute;quences. Une crise &eacute;conomique aig&uuml;e bouleverse les priorit&eacute;s des parents et des apprenants, ce qui peut se traduire par des choix linguistiques guid&eacute;s essentiellement par une forme de pragmatisme (valeur attribu&eacute;e ou projet&eacute;e d&rsquo;une langue dans les offres d&rsquo;emplois propos&eacute;es sur le march&eacute;, d&eacute;sir d&rsquo;&eacute;migration&hellip;). Elle peut aussi mener vers de grandes restructurations dans les ressources humaines, ayant pour objectif de r&eacute;duire les co&ucirc;ts (augmentation du volume horaire, regroupement des &eacute;l&egrave;ves, r&eacute;organisation de l&rsquo;emploi du temps de l&rsquo;enseignant&hellip;), ce qui n&rsquo;est pas sans affecter la qualit&eacute; de l&rsquo;enseignement propos&eacute;. Il arrive par ailleurs qu&rsquo;une crise &eacute;conomique accompagne une conjoncture politique d&eacute;favorable (pays endett&eacute;, fortement d&eacute;pendant de l&rsquo;aide internationale&hellip;). Comment ces facteurs influencent-ils l&rsquo;offre de formation dans le domaine des langues &eacute;trang&egrave;res&nbsp;? Quelle est la situation de la langue fran&ccedil;aise, dans ce contexte&nbsp;? Est-elle si indemne qu&rsquo;on pourrait le penser &agrave; premi&egrave;re vue, dans la conjoncture mondiale actuelle&nbsp;? Subit-elle une perte de prestige, d&rsquo;attractivit&eacute;, de fonctionnalit&eacute;&nbsp;? Quels sont les gains et les pertes d&rsquo;une politique de promotion de la francophonie, qu&rsquo;on a longtemps crue sinon efficace, du moins protectrice d&rsquo;un rayonnement p&eacute;renne&nbsp;? Enfin, comment les questions &eacute;conomiques affectent l&rsquo;enseignement du FLE propos&eacute; aux migrants, sur le territoire fran&ccedil;ais&nbsp;? Telles sont, entre autres, les questions que nous avons souhait&eacute; aborder dans le premier chapitre de ce num&eacute;ro, compos&eacute; de quatre articles.</p> <p>Christophe Cosker, fort de son exp&eacute;rience d&rsquo;enseignant de fran&ccedil;ais &agrave; Mayotte, se penche sur ce territoire fran&ccedil;ais lointain, actuellement soumis &agrave; une crise &eacute;conomique et politique, &agrave; travers une r&eacute;flexion sur les moyens didactiques susceptibles de cr&eacute;er un lien plus fort entre le monde, ou l&rsquo;environnement, et le lieu d&rsquo;apprentissage, autrement dit l&rsquo;&eacute;cole. L&rsquo;enseignant &agrave; Mayotte, souvent m&eacute;tropolitain, doit tenir compte de la difficile situation &eacute;conomique des Mahorais (mis&egrave;re, pauvret&eacute; et discrimination sociale), qui se r&eacute;percute n&eacute;cessairement sur le domaine &eacute;ducatif. L&rsquo;auteur propose de ne pas fermer les yeux devant ces probl&egrave;mes, en travaillant avec les &eacute;l&egrave;ves les contenus &eacute;loign&eacute;s du contexte, mais au contraire de les aborder dans les cours de fran&ccedil;ais, afin d&rsquo;&eacute;tudier leurs causes, de les verbaliser, de les questionner, et de faire de la classe un lieu de r&eacute;flexion sur le milieu environnant, et sur le monde. Une autre proposition didactique consiste &agrave; faire de la classe de fran&ccedil;ais un lieu d&rsquo;accueil pour d&rsquo;autres langues, plus proches et moins &eacute;trang&egrave;res aux &eacute;l&egrave;ves que le fran&ccedil;ais. A travers la valorisation du patrimoine linguistique local, qui peut se faire lors d&rsquo;une &eacute;tude des contes, par exemple, l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve finit par apprivoiser &eacute;galement le fran&ccedil;ais, langue dominante. L&rsquo;&eacute;cole fran&ccedil;aise &agrave; Mayotte a tout &agrave; gagner d&rsquo;une plus grande prise en compte du contexte local&nbsp;: en transposant partiellement l&rsquo;univers de Moli&egrave;re ou de Rabelais dans l&rsquo;environnement mahorais, on peut rendre les programmes scolaires, &eacute;labor&eacute;s &agrave; Paris, plus proches des &eacute;l&egrave;ves, et plus facilement assimilables aussi, et permettre au plus grand nombre de r&eacute;ussir.</p> <p>Aline Gohard-Radenkovic part &eacute;galement de son exp&eacute;rience personnelle de conseill&egrave;re p&eacute;dagogique pour la langue fran&ccedil;aise, en Australie, entre 1983 et 1986. Son postulat principal est que, en situation de crise plus qu&rsquo;&agrave; un autre moment, une&nbsp;<em>didactique contextualis&eacute;e</em>&nbsp;est n&eacute;cessaire pour construire des&nbsp;<em>d&eacute;marches ad hoc</em>&nbsp;appropri&eacute;es, des&nbsp;<em>accommodements didactiques</em>&nbsp;ou tout simplement des&nbsp;<em>approches didactiques alternatives</em>, qui permettent de vaincre des r&eacute;sistances face &agrave; la pr&eacute;sence ou &agrave; l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue. Elle d&eacute;crit un contexte de tensions extr&ecirc;mes entre le gouvernement f&eacute;d&eacute;ral de Canberra et la France, dans les ann&eacute;es 1980, &agrave; une &eacute;poque o&ugrave; le fran&ccedil;ais ne r&eacute;ussissait pas &agrave; rivaliser avec les langues du continent asiatique, comme le chinois, et o&ugrave; la population civile &eacute;tait souvent hostile &agrave; tout ce qui venait de la France, notamment pour des raisons politiques et g&eacute;ostrat&eacute;giques. L&rsquo;auteure revient sur des projets &eacute;ducatifs qu&rsquo;elle a pu d&eacute;velopper sur place, qui ont permis de sortir les &eacute;l&egrave;ves de leurs manuels et des murs de leur &eacute;cole, tout en s&rsquo;appuyant sur des r&eacute;seaux partenaires et des pratiques collaboratives d&eacute;j&agrave; mises en place dans le syst&egrave;me &eacute;ducatif australien. Au lieu d&rsquo;une langue lointaine, le fran&ccedil;ais est devenu, pour les &eacute;l&egrave;ves, une langue proche, une langue dans laquelle une partie de leur propre histoire a pu &ecirc;tre racont&eacute;e.</p> <p>Julie Prevost-Zuddas, pour sa part, dans son article sur l&rsquo;enseignement du FLE en France, questionne la politique linguistique &eacute;ducative institutionnelle. Sa r&eacute;flexion est inspir&eacute;e par une enqu&ecirc;te men&eacute;e aupr&egrave;s d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves allophones scolaris&eacute;s dans le secondaire, dans des structures diff&eacute;rentes, et les entretiens r&eacute;alis&eacute;s avec des professeurs confront&eacute;s &agrave; ce public. En France, de nombreuses r&eacute;ponses ont &eacute;t&eacute; propos&eacute;es dans l&rsquo;objectif de trouver la m&eacute;thode la plus efficace pour la prise en charge des enfants migrants, depuis les ann&eacute;es 1970, afin de les int&eacute;grer au plus vite dans des classes ordinaires, cette int&eacute;gration ayant, par ailleurs, une justification &eacute;conomique. Son enqu&ecirc;te montre qu&rsquo;une r&eacute;ponse homog&egrave;ne ne peut pas &ecirc;tre donn&eacute;e &agrave; une situation marqu&eacute;e par l&rsquo;h&eacute;t&eacute;rog&eacute;n&eacute;it&eacute; des &eacute;l&egrave;ves. En voulant traiter le ph&eacute;nom&egrave;ne de la migration de mani&egrave;re exp&eacute;ditive, et insuffisamment contextualis&eacute;e, sans v&eacute;ritablement fournir aux enseignants des outils didactiques leur permettant de prendre en charge ce public, l&rsquo;&eacute;cole produit de nouvelles in&eacute;galit&eacute;s, et la soci&eacute;t&eacute; reste confront&eacute;e &agrave; une s&eacute;gr&eacute;gation scolaire.</p> <p>Diane Querrien prolonge cette r&eacute;flexion sur les &eacute;l&egrave;ves allophones, mais l&rsquo;applique au contexte qu&eacute;b&eacute;cois. Le Qu&eacute;bec est confront&eacute; depuis de longues ann&eacute;es &agrave; une immigration importante. A l&rsquo;&eacute;poque contemporaine, la province accueille surtout de nombreux r&eacute;fugi&eacute;s, avec des parcours scolaires variables. Leur int&eacute;gration aussi bien dans le syst&egrave;me &eacute;ducatif que dans la soci&eacute;t&eacute;, qui passe par la ma&icirc;trise de la langue fran&ccedil;aise, demande une formation de la part des enseignants, qui fait parfois d&eacute;faut, malgr&eacute; le soutien officiel dont b&eacute;n&eacute;ficient les milieux scolaires. Cette nouvelle donne sociale demande une adaptation de la part du corps enseignant, afin qu&rsquo;il puisse r&eacute;pondre pour le mieux aux besoins des &eacute;l&egrave;ves allophones. Cette adaptation passe par la formation continue, dont un exemple est pr&eacute;sent&eacute; ici par l&rsquo;auteure. Il s&rsquo;agit d&rsquo;un projet de formation continue universitaire, d&rsquo;une dur&eacute;e de deux ans, sur la capacit&eacute; d&rsquo;adaptation d&rsquo;enseignants et de conseill&egrave;res p&eacute;dagogiques de la r&eacute;gion de Qu&eacute;bec, portant sur l&rsquo;acquisition du fran&ccedil;ais chez des &eacute;l&egrave;ves allophones scolaris&eacute;s ou sous-scolaris&eacute;s : Alloscol. L&rsquo;objectif du projet &eacute;tait d&rsquo;aider les enseignants et les conseill&egrave;res p&eacute;dagogiques dans le d&eacute;veloppement de leur savoir-agir envers les &eacute;l&egrave;ves allophones concernant le fran&ccedil;ais langue de scolarisation.</p> <h2>Chapitre II)&nbsp;<em>Les conflits arm&eacute;s et l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais</em></h2> <p>Les guerres et les conflits bouleversent non seulement les configurations sociolinguistiques et les rapports entre les langues, mais r&eacute;orientent &eacute;galement les politiques linguistiques en fonction des nouveaux rapports de force. Le fran&ccedil;ais peut-il continuer &agrave; &ecirc;tre enseign&eacute;, de la m&ecirc;me fa&ccedil;on que par le pass&eacute;, dans un pays o&ugrave; la France intervient militairement&nbsp;? Comment cette implication politique joue-t-elle sur les pratiques p&eacute;dagogiques des enseignants et le regard port&eacute; sur la France et le fran&ccedil;ais par les apprenants&nbsp;dans une telle situation g&eacute;opolitique ? Quels sont les nouveaux besoins &eacute;ducatifs que fait na&icirc;tre un conflit arm&eacute;&nbsp;? Quelle &eacute;volution peut-on observer dans des contenus&nbsp;enseign&eacute;s, et dans les discours qui accompagnent cet enseignement&nbsp;? Comment enseigner et comment apprendre si l&rsquo;&eacute;cole n&rsquo;existe plus&nbsp;? Plusieurs r&eacute;ponses &agrave; ces questions sont propos&eacute;es ici, &agrave; travers trois terrains diff&eacute;rents&nbsp;: Liban, Jordanie et Vietnam.</p> <p>Amandine Denimal traite d&rsquo;un conflit tr&egrave;s meurtrier du XX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle &ndash; la guerre civile au Liban &ndash;, et de la p&eacute;riode post-conflit, en portant son regard essentiellement sur le domaine &eacute;ducatif, et le r&ocirc;le de ce secteur social dans la r&eacute;silience des Libanais. L&rsquo;objectif affich&eacute; par le Minist&egrave;re de l&rsquo;&eacute;ducation nationale est de d&eacute;passer les barri&egrave;res pos&eacute;es par le communautarisme &agrave; travers l&rsquo;&eacute;cole et les manuels scolaires, afin de permettre la r&eacute;conciliation de la soci&eacute;t&eacute; libanaise avec son histoire. Le fran&ccedil;ais a un r&ocirc;le &agrave; jouer dans ce sens, dans la mesure o&ugrave; cette langue v&eacute;hicule des valeurs qui sont celles de la tol&eacute;rance, de l&rsquo;ouverture et de la d&eacute;mocratie. A partir d&rsquo;un corpus compos&eacute; de manuels scolaires de fran&ccedil;ais (niveau coll&egrave;ge), l&rsquo;auteure interroge tour &agrave; tour les proc&eacute;d&eacute;s discursifs &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans la mani&egrave;re de pr&eacute;senter le conflit, les repr&eacute;sentations du Liban contemporain, et le projet de soci&eacute;t&eacute; sugg&eacute;r&eacute; par ces manuels. Elle met en &eacute;vidence une volont&eacute; manifeste de passer le conflit et la violence en partie sous silence dans des manuels scolaires, ce qui emp&ecirc;che la constitution d&rsquo;une m&eacute;moire collective r&eacute;siliente. A l&rsquo;aide des th&eacute;ories anthropologiques et sociologiques de Ren&eacute; Girard et de Camille Tarot, elle d&eacute;gage la n&eacute;cessit&eacute; de concevoir dans le scolaire des instances de tierc&eacute;it&eacute; qui feraient figure de m&eacute;diation et d&rsquo;universalisation entre les citoyens et la m&eacute;moire de la violence.</p> <p>Amal Khaleefa aborde un conflit toujours en cours&nbsp;: la guerre en Syrie, &agrave; travers une &eacute;tude qui porte sur l&rsquo;enseignement dans le plus grand camp de r&eacute;fugi&eacute;s au Proche-Orient, le camp de Zaatari, situ&eacute; en Jordanie. L&rsquo;&eacute;ducation en situation d&rsquo;urgence, comme c&rsquo;est le cas ici, est l&rsquo;une des priorit&eacute;s des institutions internationales, notamment dans le cadre d&rsquo;un conflit de longue dur&eacute;e. En Jordanie, elle se pr&eacute;sente sous un certain nombre de paradoxes&nbsp;: enseignement limit&eacute; dans le temps, propos&eacute; dans un &laquo;&nbsp;entre-deux&nbsp;&raquo;, suivant des objectifs politiques et &eacute;ducatifs du pays d&rsquo;accueil, ce qui n&rsquo;est pas sans poser des probl&egrave;mes identitaires aux &eacute;l&egrave;ves qui ne s&rsquo;y reconnaissent pas forc&eacute;ment, malgr&eacute; la proximit&eacute;, culturelle et linguistique, entre la Syrie et la Jordanie. Les diff&eacute;rences dans le domaine &eacute;ducatif existent, et l&rsquo;une d&rsquo;elles concerne l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais, obligatoire en Syrie, facultatif en Jordanie. L&rsquo;auteure appuie ses r&eacute;flexions sur une enqu&ecirc;te de terrain, men&eacute;e dans le camp de r&eacute;fugi&eacute;s, aupr&egrave;s de soixante &eacute;l&egrave;ves, de trois niveaux diff&eacute;rents. Les r&eacute;ponses montrent l&rsquo;importance de la langue fran&ccedil;aise aux yeux des &eacute;l&egrave;ves plus &acirc;g&eacute;s, pour qui elle repr&eacute;sente un espoir de retour au pays. Les plus jeunes, quant &agrave; eux, sont moins attach&eacute;s &agrave; cette langue, et affichent une plus grande volont&eacute; d&rsquo;int&eacute;gration dans la soci&eacute;t&eacute; jordanienne.&nbsp;</p> <p>Christine Ly nous invite, pour sa part, &agrave; revisiter des conflits plus anciens, notamment ceux qu&rsquo;a connus le Vietnam &agrave; partir de la fin du XIX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle, en s&rsquo;interrogeant sur l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais durant la p&eacute;riode coloniale. En retra&ccedil;ant l&rsquo;histoire du Vietnam, l&rsquo;auteure nous fait suivre &eacute;galement l&rsquo;histoire de sa langue, de ses diff&eacute;rentes vari&eacute;t&eacute;s, &agrave; l&rsquo;oral et &agrave; l&rsquo;&eacute;crit, les oscillations entre la tradition ancestrale et la modernit&eacute;, pour certains v&eacute;hicul&eacute;e par la puissance coloniale. A partir du d&eacute;but du XX<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle, le fran&ccedil;ais a r&eacute;ussi &agrave; s&rsquo;imposer comme la langue de l&rsquo;&eacute;lite vietnamienne. Cette m&ecirc;me &eacute;lite, encourag&eacute;e par le gouvernement fran&ccedil;ais, a jou&eacute; un r&ocirc;le central dans la promotion du&nbsp;<em>kinh</em>, langue majoritaire, et du&nbsp;<em>qu&ocirc;c ngu</em>, son &eacute;criture romanis&eacute;e, qui va coexister, un certain temps, avec le fran&ccedil;ais dans les documents administratifs. Le&nbsp;<em>qu&ocirc;c ngu&nbsp;</em>sera &eacute;galement enseign&eacute; dans le primaire, avant de laisser la place au fran&ccedil;ais langue officielle, &agrave; partir du cours moyen. Cependant le fran&ccedil;ais ne r&eacute;ussira pas &agrave; garder longtemps cette place privil&eacute;gi&eacute;e, la France se voyant contrainte de quitter le pays en 1954. La fin de la colonisation fran&ccedil;aise n&rsquo;apportera pas la paix, au contraire. Le Vietnam conna&icirc;tra une autre guerre, dans les ann&eacute;es 1970, et une division profonde entre le nord et le sud. La r&eacute;unification du pays ne changera pas la donne sur le plan linguistique. Le vietnamien joue aujourd&rsquo;hui pleinement son r&ocirc;le de langue nationale, des langues des pays voisins, comme le chinois, sont de nouveaux tr&egrave;s valoris&eacute;es, tandis que le rayonnement culturel du fran&ccedil;ais appartient d&eacute;finitivement au pass&eacute;.</p> <h2>Chapitre III)&nbsp;<em>Au-del&agrave; du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re...</em></h2> <p>Outre les questions abord&eacute;es dans les deux premiers chapitres, nous avons invit&eacute; les contributeurs &agrave; d&eacute;velopper toute approche qui pouvait apporter, dans une optique de regard crois&eacute;, des r&eacute;flexions compl&eacute;mentaires sur des questions analogues, au-del&agrave; du seul cas du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re (autres pays, autres langues, autres disciplines), notre objectif principal &eacute;tant de questionner les troubles g&eacute;o&eacute;conomiques et g&eacute;ostrat&eacute;giques qui marquent le d&eacute;but du XXI<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle, &agrave; travers le prisme de l&rsquo;&eacute;ducation.</p> <p>La contribution de Virginia Garin est, dans ce sens, particuli&egrave;rement &eacute;clairante. Elle revient sur les cons&eacute;quences de la crise &eacute;conomique et politique de 2015, au Br&eacute;sil, sur le domaine &eacute;ducatif, notamment &agrave; travers l&rsquo;examen de la r&eacute;forme n&eacute;olib&eacute;rale de l&rsquo;enseignement secondaire mise en place par le pr&eacute;sident Temer, en 2017. Celle-ci repr&eacute;sente un coup dur pour l&rsquo;enseignement de l&rsquo;espagnol dans ce pays, en invalidant la &laquo;&nbsp;loi de l&rsquo;espagnol&nbsp;&raquo; de 2005, et en instaurant la primaut&eacute; de l&rsquo;anglais. A partir de documents publi&eacute;s par des associations de professeurs d&rsquo;espagnol &ndash; qui repr&eacute;sentent un v&eacute;ritable contre-pouvoir face au n&eacute;olib&eacute;ralisme du gouvernement &ndash;, elle analyse les arguments que ces derniers utilisent pour d&eacute;fendre l&rsquo;espagnol aujourd&rsquo;hui sur le march&eacute; linguistique br&eacute;silien. Ces arguments portent sur cinq domaines&nbsp;: le contenu et la forme de la r&eacute;forme, la flexibilisation des conditions n&eacute;cessaires pour &ecirc;tre recrut&eacute; en tant qu&rsquo;enseignant, la suppression des arts et du sport des programmes scolaires, avec le caract&egrave;re optionnel donn&eacute; &agrave; l&rsquo;enseignement de la sociologie et de la philosophie, et la place de l&rsquo;espagnol. A propos de ce dernier point, l&rsquo;auteure s&rsquo;interroge, avec raison, sur les cons&eacute;quences d&rsquo;une telle r&eacute;forme sur le plurilinguisme et les politiques d&rsquo;int&eacute;gration r&eacute;gionale mises en place en Am&eacute;rique Latine.</p> <p><strong><em>***</em></strong></p> <p>Les huit contributions r&eacute;unies ici illustrent l&rsquo;un des grands d&eacute;fis de l&rsquo;enseignement des langues de ce d&eacute;but du XXI<sup>&egrave;me</sup>&nbsp;si&egrave;cle&nbsp;: la tension entre une politique de didactique au service de la globalisation, confortant une certaine h&eacute;g&eacute;monie &eacute;conomique et g&eacute;ostrat&eacute;gique, et une politique des &eacute;quilibres interculturels, transfrontaliers et g&eacute;opolitiques, qui sont n&eacute;cessairement r&eacute;alis&eacute;s dans un contexte multilingue ou plurilingue, avec des int&eacute;r&ecirc;ts et des objectifs concurrents, voire incompatibles, ou irr&eacute;ductibles. Toutes ces contributions tentent donc de faire appara&icirc;tre les situations, les cons&eacute;quences et les enjeux de cette tension, &agrave; travers des &eacute;tudes de cas, et des corpus de documents didactiques produits en &ndash; ou en dehors du &ndash; contexte local, dans une perspective qui interroge la relation du local au global, de la r&eacute;sistance et de la r&eacute;silience socioculturelle face &agrave; l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie.</p> <p>&nbsp;</p> <h2>Sommaire</h2> <h3>Chapitre I) Les crises &eacute;conomiques et politiques et l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais</h3> <p>Christophe COSKER,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/47-enseigner-la-langue-francaise-a-mayotte-des-moyens-de-surmonter-quelques-crises-et-conflits-possibles"><em>Enseigner la langue fran&ccedil;aise &agrave; Mayotte&nbsp;: des moyens de surmonter quelques crises et conflits possibles</em></a></p> <p>Aline GOHARD-RADENKOVIC,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/48-le-francais-en-contexte-conflictuel-quand-une-approche-didactique-alternative-peut-devenir-un-lieu-de-reconciliation-exemple-de-l-australie"><em>Le fran&ccedil;ais en contexte conflictuel&nbsp;: quand une approche didactique alternative peut devenir un lieu de r&eacute;conciliation. Exemple de l&rsquo;Australie.</em></a></p> <p>Julie PREVOST-ZUDDAS,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/49-l-apprentissage-du-fle-en-france-une-politique-educative-economique-discriminante"><em>L&rsquo;apprentissage du FLE en France&nbsp;: une politique &eacute;ducative &eacute;conomique discriminante</em></a></p> <p>Diane QUERRIEN,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/49-l-apprentissage-du-fle-en-france-une-politique-educative-economique-discriminante"><em>Accueillir les &eacute;l&egrave;ves allophones nouveaux arrivants en milieu r&eacute;gional au Qu&eacute;bec&nbsp;: un d&eacute;fi pour tous les enseignants</em></a></p> <h3>Chapitre II) Les conflits arm&eacute;s et l&rsquo;enseignement du fran&ccedil;ais</h3> <p>Amandine DENIMAL,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/51-oubli-institutionnel-et-tierceite-dans-les-manuels-de-francais-au-liban-quelle-construction-de-la-memoire-apres-une-guerre-civile"><em>Oubli institutionnel et tierc&eacute;it&eacute; dans les manuels de fran&ccedil;ais au Liban. Quelles constructions de la m&eacute;moire apr&egrave;s une guerre civile?</em></a></p> <p>Amal KHALEEFA,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/53-les-programmes-scolaires-appliques-aux-refugies-par-le-pays-d-accueil-interets-et-repercussions-une-enquete-au-camp-de-zaatari-pour-les-refugies-syriens-en-jordanie"><em>Les programmes scolaires appliqu&eacute;s aux r&eacute;fugi&eacute;s par le pays d&rsquo;accueil, int&eacute;r&ecirc;ts et r&eacute;percussions&nbsp;: une enqu&ecirc;te au camp de Zaatari pour les r&eacute;fugi&eacute;s syriens en Jordanie</em></a></p> <p>Christine LY,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/52-les-tribulations-d-une-civilisation-ancestrale-entre-langues-cultures-et-conflits"><em>Les tribulations d&rsquo;une civilisation ancestrale&nbsp;: entre langues, cultures et conflits</em></a></p> <h3>Chapitre III) Au-del&agrave; du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re...</h3> <p>Virginia GARIN,&nbsp;<a href="http://revue-tdfle.fr/les-numeros/numero-71/54-crise-politique-et-economique-au-bresil-quelles-implications-pour-l-enseignement-des-langues-etrangeres"><em>Crise politique et &eacute;conomique au Br&eacute;sil&nbsp;: quelles implications pour l&rsquo;enseignement des langues &eacute;trang&egrave;res&nbsp;?</em></a></p>