<p style="text-align:left"><strong>Fran&ccedil;ais langue africaine, anglais langue asiatique&nbsp;? </strong></p> <p style="text-align:left"><strong>Questions d&rsquo;imp&eacute;rialismes et de nationalismes linguistiques, vues depuis des lyc&eacute;es malaisiens</strong></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:small">D</span><sup><span style="font-size:small">r</span></sup><span style="font-size:small"> H&eacute;l&egrave;ne Girard,</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:small">Univ n</span><sup><span style="font-size:small">ale</span></sup><span style="font-size:small"> de Singapour</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left">Mots-cl&eacute;s&nbsp;:</p> <p style="text-align:left">R&eacute;sum&eacute;&nbsp;:</p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Cet article explore les dynamiques des langues communautaires, nationale et coloniale dans les politiques &eacute;ducatives postcoloniales en Malaisie. Avec une focalisation sur les perceptions plut&ocirc;t que sur les pratiques didactiques, la parole est donn&eacute;e &agrave; des enseignantes tamilophones malaisiennes sur l&rsquo;enseignement secondaire en langues anglaise et malaise. Mon analyse de leur parole contextualis&eacute;e, critique et comparative, questionne les parall&egrave;les potentiels avec le fran&ccedil;ais langue de scolarisation en France et en Afrique francophone.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Je m&rsquo;appuie comparativement sur une th&eacute;orie unificatrice des dynamiques imp&eacute;riales, d&eacute;velopp&eacute;e dans mon travail doctoral (Girard, 2015). J&rsquo;ai pu y mettre en parall&egrave;le l&rsquo;exp&eacute;rience du colonis&eacute; asiatique et celle du razzi&eacute; africain, comme je le d&eacute;cris plus loin. Cette r&eacute;flexion me permet d&rsquo;analyser comparativement la place du fran&ccedil;ais et de l&rsquo;anglais entant qu&rsquo;anciennes langues imp&eacute;riales sur des territoires anciennement colonis&eacute;s. De plus, dans la pr&eacute;sente analyse, je mettrai en parall&egrave;le des dynamiques nationalistes en Malaisie et en France qui ont conduit &agrave; l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie linguistique respectivement du malais et du fran&ccedil;ais, avec l&rsquo;ambition que cette analyse sur le terrain de la Malaisie puisse ouvrir des perspectives sur les politiques linguistiques fran&ccedil;aises dans des contextes plurilingues et pluriculturels. </span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <ol> <li> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium"><strong>Contextes parall&egrave;les</strong></span></p> </li> </ol> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">L&rsquo;analyse se tourne vers la Malaisie semi-rurale, dans une ancienne ville mini&egrave;re situ&eacute;e au milieu des cultures du palmier &agrave; huile. Je vais y placer les probl&eacute;matiques de terrain dans le contexte des politiques linguistiques, pour pr&eacute;senter les voix d&rsquo;&eacute;ducatrices dans la communaut&eacute; indienne qui ont pris l&rsquo;initiative de venir en aide aux enfants et adolescents tamilophones confront&eacute;s aux difficult&eacute;s de la scolarisation en malais et &agrave; certains apprentissages en anglais dans leurs &eacute;coles. Sur le terrain de leurs interventions &ndash; &agrave; l&rsquo;&eacute;glise, sur les march&eacute;s &ndash; j&rsquo;ai recueilli la parole de ces femmes sur le r&ocirc;le de leur action dans le paysage &eacute;ducatif national, et sur les politiques linguistiques qui ont men&eacute; aux difficult&eacute;s scolaires de communaut&eacute;s enti&egrave;res. Leur analyse et mon analyse de leur parole en contexte me permettront dans cette contribution d&rsquo;&eacute;clairer la probl&eacute;matique de la scolarisation en langue seconde dans un pays plurilingue et communautairement in&eacute;galitaire. </span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">C&rsquo;est avec une ambition comparative que je vais pr&eacute;senter le contexte malaisien dans lequel j&rsquo;ai interview&eacute;, selon une approche semi-directive, quatre &eacute;ducatrices issues du minist&egrave;re de l&rsquo;&eacute;ducation nationale malaisien. Je m&rsquo;appuierai pour cela sur une connaissance de la politique du pays consolid&eacute;e par mon travail dans l&rsquo;&eacute;ducation sup&eacute;rieure dans la m&ecirc;me r&eacute;gion, et sur mes recherches (</span><span style="font-size:medium">Girard, 2017</span><span style="font-size:medium">) consacr&eacute;es notamment &agrave; la construction de l&rsquo;identit&eacute; postcoloniale de ce pays.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Ces enseignantes ont fait l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;enseignement dans des coll&egrave;ges et lyc&eacute;es publiques, des coll&egrave;ges et lyc&eacute;e communautaires publics ou priv&eacute;s, et des &eacute;tablissements privil&eacute;gi&eacute;s r&eacute;serv&eacute;s strictement &agrave; la communaut&eacute; malaise. Elles donnent ou ont donn&eacute; volontairement des cours de soutien &agrave; des &eacute;l&egrave;ves tamilophones dans le cadre d&rsquo;une association catholique bas&eacute;e dans la capitale r&eacute;gionale &agrave; Ipoh. L&rsquo;ancienne ville mini&egrave;re offre 12 &eacute;coles secondaires nationales, o&ugrave; l&rsquo;enseignement se fait en malais et en anglais, 5 &eacute;coles de type secondaire, o&ugrave; l&rsquo;enseignement se fait en langue communautaire, le mandarin, et/ou en anglais, 2 internats r&eacute;serv&eacute;s &agrave; la communaut&eacute; malaise, o&ugrave; l&rsquo;enseignement se fait en malais et en anglais, 2 lyc&eacute;es professionnels, 1 &eacute;cole international, 2 &eacute;coles coraniques et 4 &eacute;coles j&eacute;suites</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote1sym" name="sdfootnote1anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>1</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium">.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">J&rsquo;utiliserai les pr&eacute;noms suivants&nbsp;: Glyn, la fondatrice du programme d&rsquo;aide scolaire, a enseign&eacute; l&rsquo;anglais dans un internat, avec des &eacute;l&egrave;ves malais boursiers du gouvernement&nbsp;; Gabriel enseigne l&rsquo;anglais depuis 8 ans dans une &eacute;cole secondaire nationale qu&rsquo;elle d&eacute;crit comme accueillant &laquo;&nbsp;99.8% d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves malais&nbsp;&raquo;. Dumi, a enseign&eacute; dans trois &eacute;tablissements dans la r&eacute;gion&nbsp;; Kassia est membre du conseil d&rsquo;administration de l&rsquo;association et enseigne dans un lyc&eacute;e sinophone.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Une &eacute;tude men&eacute;e dans cette r&eacute;gion, le Perak, </span><span style="font-size:medium">(Mokshein, Wong &amp; Ibrahim, 2016)</span><span style="font-size:medium">, montre que 8,11% des &eacute;l&egrave;ves quittent l&rsquo;&eacute;cole au coll&egrave;ge ou au lyc&eacute;e et que les abandons se concentrent surtout au moment de la transition du primaire au secondaire. Ils sont li&eacute;s &agrave; l&rsquo;&eacute;chec scolaire, souvent en corr&eacute;lation avec des difficult&eacute;s familiales et/ou financi&egrave;res.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Cette &eacute;tude, comme celle que j&rsquo;ai men&eacute;e, tendent &agrave; d&eacute;montrer que des facteurs familiaux et &eacute;conomiques, particuli&egrave;rement le travail &agrave; mi-temps ou &agrave; plein temps des lyc&eacute;ens, sont pr&eacute;valant dans les situations d&rsquo;abandon ou de difficult&eacute;s scolaires. Les &eacute;ducatrices interview&eacute;es notent en particulier l&rsquo;impossibilit&eacute; de se rendre dans l&rsquo;&eacute;cole publique la plus proche, la n&eacute;cessit&eacute; de travailler, les probl&egrave;mes familiaux. Cependant, elles notent &eacute;galement le sous-financement des &eacute;coles publiques de certains districts &agrave; majorit&eacute; indiennes et l&rsquo;absence d&rsquo;&eacute;coles secondaires tamilophones en nombre suffisant pour servir tous les &eacute;l&egrave;ves tamilophones qui voudraient choisir cette langue d&rsquo;enseignement.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">L&rsquo;histoire de la Malaisie et de son ind&eacute;pendance r&eacute;v&egrave;le la mise en place syst&eacute;matique de politiques discriminatoires envers les communaut&eacute;s minoritaires, les communaut&eacute;s chinoise et indienne. Dans mon travail doctoral, j&rsquo;ai montr&eacute; comment la Malaisie a construit politiquement une identit&eacute; postcoloniale ethnocentr&eacute;e sur la culture et la langue malaise et la religion musulmane (</span><span style="font-size:medium">Girard, 2015</span><span style="font-size:medium">). Ceci s&rsquo;est traduit notamment par des politiques &eacute;ducatives et linguistiques mouvantes entre enseignement en langue malaise ou anglaise, les langues minoritaires &eacute;tant souvent rel&eacute;gu&eacute;es aux institutions d&rsquo;enseignement priv&eacute;. Je reviendrai &eacute;galement dans cette contribution, &agrave; la lumi&egrave;re des analyses exprim&eacute;es par les &eacute;ducatrices interview&eacute;es, sur les pr&eacute;d&eacute;terminations communautaires &eacute;conomiques et sociales h&eacute;rit&eacute;es de l&rsquo;histoire coloniale, qui renforcent la situation de manque de ressources &eacute;ducatives tamilophones (en particulier d&rsquo;&eacute;tablissement financ&eacute;s par le gouvernement ou par la communaut&eacute;). </span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium"><strong>Politiques linguistiques&nbsp;: continuit&eacute; coloniale et imp&eacute;rialisme linguistique</strong></span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">L&rsquo;anthropologiste nig&eacute;rian Ayọ Bamgbọse (2003&nbsp;:422) observe que &laquo;&nbsp;la logique des politiques postcoloniales est le maintien plut&ocirc;t que le changement. Alors que les gouvernements ind&eacute;pendant semblent mener des politiques linguistiques, la plupart du temps ils ne font que perp&eacute;tuer les politiques linguistiques coloniales&nbsp;&raquo; .</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Comme au Nig&eacute;ria, la langue coloniale en Malaisie &eacute;tait l&rsquo;anglais, et l&rsquo;ambition du gouvernement apr&egrave;s l&rsquo;ind&eacute;pendance a &eacute;t&eacute; de r&eacute;tablir la langue majoritaire, le malais, comme langue nationale et de la faire rayonner comme la langue d&rsquo;&eacute;ducation, des affaires, de la politique et de l&rsquo;industrie d&rsquo;une nation en voie de d&eacute;veloppement. L&rsquo;enjeu, d&rsquo;abord nationaliste, &eacute;tait ce faisant d&rsquo;assurer la domination du groupe culturel majoritaire malais</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote2sym" name="sdfootnote2anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>2</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium"> dans ces domaines. La sp&eacute;cialiste des politiques linguistiques malaisienne, Saran Kaur Gill, note qu&rsquo;en remettant le malais au centre de la politique, de l&rsquo;&eacute;conomie et de l&rsquo;&eacute;ducation de la nation ind&eacute;pendante, les politiques linguistiques permettent aux locuteurs de cette langue de prendre l&rsquo;avantage dans ces domaines. C&rsquo;est un constat parall&egrave;le &agrave; celui d&rsquo;Ayọ Bamgbọse (2003&nbsp;:424) en Afrique, qui montre des exemples similaires de l&rsquo;influence des politiques linguistiques sur l&rsquo;exercice du pouvoir&nbsp;: en Tanzanie et au Kenya, il associe l&rsquo;introduction du Swahili en politique &agrave; un &eacute;largissement de la base d&eacute;mocratique et &agrave; l&rsquo;&eacute;mergence de politiciens locuteurs. Il cite &eacute;galement un pays tamilophone, le Sri Lanka, o&ugrave; une &eacute;lite tamilophone s&rsquo;est d&eacute;velopp&eacute;e dans les r&eacute;gions tamilophones.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">La lutte postcoloniale pour la promotion de la langue malaise, contre l&rsquo;imp&eacute;rialisme linguistique de l&rsquo;anglais, rencontre de nombreux obstacles, fait l&rsquo;objet de d&eacute;bat et de politiques linguistiques oscillatoires. &Agrave; l&rsquo;ind&eacute;pendance, la nation investit beaucoup dans une commission en charge de la modernisation du malais : d&eacute;veloppement, publications, traductions, commissions de terminologie, afin de pallier le manque de tradition acad&eacute;mique scientifique &eacute;crite. Cependant, des difficult&eacute;s se font sentir dans le domaine de l&rsquo;&eacute;ducation sup&eacute;rieure et le d&eacute;bat s&rsquo;ouvre dans l&rsquo;universit&eacute; nationale historique, menant en 1965 &agrave; la mise en place d&rsquo;un syst&egrave;me bilingue o&ugrave; l&rsquo;anglais pr&eacute;domine dans les secteurs scientifiques et technologiques. Mais avec le statut privil&eacute;gi&eacute; du groupe culturel majoritaire en jeu, l&rsquo;importance du malais langue d&rsquo;&eacute;ducation reste au c&oelig;ur du d&eacute;bat nationaliste, menant en 1970 &agrave; l&rsquo;ouverture</span><span style="font-size:medium"> d&rsquo;</span><span style="font-size:medium">une universit&eacute; nationale strictement de langue malaise. Une politique impose &agrave; toutes les universit&eacute;s du pays l&rsquo;enseignement strictement en malais. La mission de la nouvelle universit&eacute; nationale est &laquo;&nbsp;d&rsquo;anoblir et de positionner le malais dans le pays ainsi que d&rsquo;en d&eacute;velopper la valeur &eacute;conomique et le prestige &raquo;</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote3sym" name="sdfootnote3anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>3</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium">. Un nouveau retournement se produit pourtant en 2002, marquant un retour &agrave; l&rsquo;enseignement bilingue, avec l&rsquo;anglais pour les sciences et technologies, pour le sup&eacute;rieur mais aussi de nouveau pour l&rsquo;enseignement secondaire. Les raisons avanc&eacute;es pour cette d&eacute;cision ex&eacute;cutive du sommet de l&rsquo;&Eacute;tat sont &eacute;conomiques&nbsp;: les efforts pour favoriser le malais entreraient de plus en plus (&agrave; mesure que l&rsquo;ordre &eacute;conomique mondial anglophone se renforce) en contraction avec la mission du gouvernement de faire de la nation un pays d&eacute;velopp&eacute;&nbsp;: les efforts de traduction ne sont pas assez rapides, les dipl&ocirc;m&eacute;s des universit&eacute;s nationales ont des difficult&eacute;s &agrave; se faire employer dans le secteur priv&eacute;, et visent en masse un secteur publique que le gouvernement souhaite r&eacute;duire. L&rsquo;ancien premier ministre Mahatir Mohamad, malgr&eacute; une politique par ailleurs connue pour sa direction pro-malaise, d&eacute;clarait alors : &laquo;&nbsp;Le gouvernement est totalement engag&eacute; dans sa volont&eacute; de mettre en place l&rsquo;enseignement des math&eacute;matiques et des sciences en anglais. Ce n&rsquo;est pas politique. Nous ne pouvons pas continuer &agrave; traduire des milliers de livres, d&rsquo;articles et de r&eacute;f&eacute;rences. Nous devons admettre que l&rsquo;anglais est la langue de l&rsquo;apprentissage aujourd&rsquo;hui comme l&rsquo;ont &eacute;t&eacute; l&rsquo;arabe et le latin dans le pass&eacute; et nous devons accepter cette r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;elle nous plaise ou non. &raquo;</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote4sym" name="sdfootnote4anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>4</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium"> .</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Ces oscillations et ces difficult&eacute;s &agrave; l&eacute;gitimer la langue nationale sont le r&eacute;sultat de l&rsquo;imp&eacute;rialisme linguistique colonial, et de sa continuit&eacute;, constat&eacute;e par le premier ministre malaisien, dans l&rsquo;ordre &eacute;conomique et scientifique mondial. Ces d&eacute;bats et contradictions dans les politiques linguistiques font ressortir deux r&eacute;alit&eacute;s postcoloniales. </span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">D&rsquo;une part, la langue coloniale est l&eacute;gitim&eacute;e par l&rsquo;ordre &eacute;conomique mondial, faisant de l&rsquo;anglais et d&rsquo;autres langues ayant rayonn&eacute; par leurs conqu&ecirc;tes imp&eacute;riales (le fran&ccedil;ais, l&rsquo;espagnol), des outils de comp&eacute;titivit&eacute;s incontournables. Abdeljalil Akkari et Daniel Coste (2015&nbsp;:43) en donnent de nombreux exemples, d&eacute;passant souvent le cadre des colonisations&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans les pays du Maghreb, m&ecirc;me s&rsquo;il recule de fa&ccedil;on notable devant l&rsquo;anglais au niveau de la recherche, le fran&ccedil;ais reste langue d&rsquo;enseignement dans plusieurs secteurs du syst&egrave;me universitaire, notamment dans les fili&egrave;res comme les sciences exactes ou la m&eacute;decine. Les formations universitaires de la communaut&eacute; autonome du Pays basque assurent des enseignements en basque (histoire, g&eacute;ographie, philosophie, &eacute;ducation) mais fonctionnent pour l&rsquo;essentiel en espagnol, &agrave; des fins aussi d&rsquo;ouverture internationale. En Estonie, la plus grande universit&eacute; estonienne, l&rsquo;Universit&eacute; de Tartu, comptait en 2012 cinquante-cinq programmes de doctorat en langue anglaise contre seulement quatre en langue estonienne.&nbsp;&raquo;. </span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">En linguistique, Alastair Pennycook (1994 :8) r&eacute;sume cette l&eacute;gitimit&eacute; par sa formule : &laquo; l&rsquo;anglais est consid&eacute;r&eacute; naturel, neutre et b&eacute;n&eacute;fique &raquo;. Cette l&eacute;gitimit&eacute; allophone est une manifestation d&rsquo;une exp&eacute;rience universelle de l&rsquo;identit&eacute; postcoloniale. La langue, comme le territoire, est rendue ill&eacute;gitime et d&eacute;racin&eacute;e par la monade coloniale. Pour Jacques Coursil (1999 : 96), Aim&eacute; C&eacute;saire parle de l&rsquo;esclave razzi&eacute; africain comme d&rsquo;un homme qui &laquo; ne sait pas o&ugrave; il est, et mettra longtemps &agrave; se rappeler d&rsquo;o&ugrave; il vient. &raquo;. Sur ce point, la pens&eacute;e que d&eacute;veloppe &Eacute;douard Glissant &agrave; propos du descendant d&rsquo;esclave, marqu&eacute; par l&rsquo;exp&eacute;rience de la privation d&rsquo;une terre originelle, peut selon moi (Girard, 2017) s&rsquo;appliquer au colonis&eacute;, &agrave; l&rsquo;ex-colonis&eacute; : il y a l&agrave; aussi une rupture de filiation dans la relation entre l&rsquo;homme et son territoire, dont il est d&eacute;poss&eacute;d&eacute;. Genevi&egrave;ve B&eacute;lugue (1999 : 44), s&rsquo;exprimant &eacute;galement sur l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;&Eacute;douard Glissant d&rsquo;un point de vue litt&eacute;raire, distingue ainsi l&rsquo;exp&eacute;rience occidentale de celle des ex-colonis&eacute;s : &laquo; Contrairement &agrave; ce qui se passe dans les mythes fondateurs occidentaux, ces mythes de la cr&eacute;ation du monde o&ugrave; le territoire est donn&eacute; &agrave; un peuple &eacute;lu par ses dieux, et se transmet en possession l&eacute;gitime aux descendants, il y a eu dans l&rsquo;histoire des Antilles une rupture de la filiation. &raquo;. Alors qu&rsquo;il voit la relation entre son territoire et l&rsquo;Europ&eacute;en comme &laquo; l&rsquo;absolu sacralis&eacute; d&rsquo;une possession ontologique &raquo;, &Eacute;douard Glissant (1990 : 161), voit &laquo; une complexit&eacute; relationnelle &raquo; se r&eacute;aliser entre leur territoire et ceux qui ont connu cette rupture de filiation (une migration violente et forc&eacute;e dans l&rsquo;&oelig;uvre d&rsquo;&Eacute;douard Glissant, &agrave; laquelle je compare l&rsquo;exp&eacute;rience de la colonisation). </span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Cette l&eacute;gitimit&eacute; de cet h&eacute;ritage linguistique colonial renforc&eacute; par cet ordre &eacute;conomique mondial anglophone, combin&eacute;e avec le nationalisme postcolonial, favorise </span><span style="font-size:medium"><em>de facto</em></span><span style="font-size:medium"> l&rsquo;&eacute;mergence d&rsquo;une &eacute;ducation bilingue, comme &ccedil;a a &eacute;t&eacute; le cas en Malaisie. Id&eacute;alement, le compromis bilingue permet de m&eacute;nager les ambitions nationalistes tout en r&eacute;pondant aux imp&eacute;ratifs &eacute;conomiques. En r&eacute;alit&eacute;, ces politiques linguistiques s&rsquo;inscrivent dans un contexte plurilingue dans lequel elles posent des d&eacute;fis &agrave; toutes les communaut&eacute;s.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium"><strong>Politiques linguistiques&nbsp;: In&eacute;galit&eacute;s communautaires et nationalisme linguistique</strong></span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">L&rsquo;objectif des politiques linguistiques et &eacute;ducatives malaisiennes est toujours de privil&eacute;gier le groupe culturel majoritaire. Lowe (2003&nbsp;:219) analyse ainsi la situation&nbsp;: &laquo;&nbsp;La globalisation a &eacute;t&eacute; un dilemme pour les politiques linguistiques. Les succ&egrave;s dans la mise en avant de la langue nationale ont eu pour cons&eacute;quence de d&eacute;savantager les Malais, la &laquo;&nbsp;race&nbsp;&raquo; [sic] que ces politiques devaient favoriser. Les politiques ont donc &eacute;t&eacute; remplac&eacute;es par leurs contraires. Il s&rsquo;agit de propager l&rsquo;anglais maintenant, dans une population scolaris&eacute;e en malais, avec l&rsquo;objectif voil&eacute; de garantir &agrave; cette communaut&eacute; la continuit&eacute; de sa domination.&nbsp;&raquo;.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Dans l&rsquo;histoire plurielle de la nation, le fonctionnement communautariste de la soci&eacute;t&eacute; malaisienne pr&eacute; et postcoloniale a vu le d&eacute;veloppement de syst&egrave;mes &eacute;ducatifs parall&egrave;les. La premi&egrave;re &eacute;cole chinoise financ&eacute;e par des migrants chinois en Malaisie britannique date de 1815. L&rsquo;existence d&rsquo;une &eacute;ducation sinophone et tamilophone en Malaise ind&eacute;pendante a &eacute;galement subie les fluctuations des politiques linguistiques, tant&ocirc;t d&rsquo;assimilation au malais, tant&ocirc;t de reconnaissance du pluralisme. Le pluralisme &eacute;tait respect&eacute; apr&egrave;s l&rsquo;ind&eacute;pendance et la Malaisie &eacute;tait le pays avec le plus d&rsquo;&eacute;coles sinophones au monde en dehors de la Chine. L&rsquo;ordonnance &eacute;ducative de 1957 (de la F&eacute;d&eacute;ration ind&eacute;pendante de Malaya) proposait que &laquo;&nbsp;les politiques &eacute;ducatives de la F&eacute;d&eacute;ration &eacute;tablissent un syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;ducation adapt&eacute; &agrave; tous qui puissent satisfaire leurs besoins et promouvoir leur d&eacute;veloppement culturel, social, &eacute;conomique et politique en une nation, faisant de la langue malaise la langue nationale du pays tout en pr&eacute;servant et en maintenant le d&eacute;veloppement des langues et des cultures des populations non-malaises vivant dans le pays&nbsp;&raquo;</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote5sym" name="sdfootnote5anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>5</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium">.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Deux syst&egrave;mes parall&egrave;les datent de cette &eacute;poque, remis en question d&egrave;s l&rsquo;ordonnance &eacute;ducative de 1961, qui &eacute;dite toute r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la diversit&eacute; du texte original&nbsp;: &laquo;&nbsp;adapt&eacute; &agrave; tous&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;tout en pr&eacute;servant&hellip;&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est d&egrave;s cette &eacute;poque que les &eacute;coles sinophones et tamilophones ont vu de drastiques coupes budg&eacute;taires. Les politiques &eacute;ducatives ont continu&eacute; de d&eacute;favoriser l&rsquo;enseignement en langue maternelle pour les communaut&eacute;s minoritaires, l&rsquo;ordonnance de 1996</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote6sym" name="sdfootnote6anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>6</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium"> ne garantissant plus la continuation d&rsquo;enseignement principal en chinois ou en tamil dans aucune &eacute;cole du pays, ent&eacute;rinant une politique d&rsquo;assimilation, ou d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;ill&eacute;b&eacute;ralisme&nbsp;&raquo;, comme la nomme Saran Kaur Gill (2007&nbsp;: 113). Le financement d&rsquo;&eacute;coles primaires et secondaires sinophones et tamilophones (bilingues depuis la r&eacute;introduction de l&rsquo;anglais pour les math&eacute;matiques et les sciences) en Malaisie d&eacute;pend largement d&rsquo;investissements priv&eacute;s communautaires.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Or malgr&eacute; les politiques linguistiques, la langue malaise n&rsquo;a pas r&eacute;ussi &agrave; s&rsquo;imposer comme langue intercommunautaire. La place du malais comme langue nationale n&rsquo;est pas enti&egrave;rement neutre ni n&rsquo;a naturellement vocation &agrave; unifier, puisqu&rsquo;elle est avant tout la langue de la culture dominante.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Une &eacute;tude &eacute;galement men&eacute;e dans la r&eacute;gion du Perak dans une universit&eacute; anglophone, aupr&egrave;s des &eacute;tudiants malaisiens (Renganathan &amp; Chong, 2009) montre que sur le campus l&rsquo;anglais est plus souvent utilis&eacute; comme </span><span style="font-size:medium"><em>lingua franca</em></span><span style="font-size:medium"> entre les &eacute;tudiants malais, chinois et indiens que la langue nationale (sur un campus o&ugrave; l&rsquo;&eacute;tude montre que la vie sociale reste largement communautaire). Parall&egrave;lement, la perception de la langue de l&rsquo;ancien colonisateur am&egrave;ne les Malaisiens selon leurs communaut&eacute;s d&rsquo;origine &agrave; en avoir un usage contrast&eacute;. Son utilisation sur le campus par exemple, est pour les &eacute;tudiants malais strictement limit&eacute;e aux classes et la continuation de l&rsquo;utilisation de l&rsquo;anglais en dehors de la classe est per&ccedil;ue par certains &eacute;tudiants interview&eacute;s comme ostentatoire, ridicule voire antimalaise. Dans la m&ecirc;me &eacute;tude des &eacute;tudiants malais aimant parler anglais dans leur vie sociale rapportent m&ecirc;me avoir &eacute;t&eacute; la cible de moqueries ou de recadrages id&eacute;ologiques par certains de leurs pairs. Pour ce qui est des &eacute;tudiants malaisiens de culture chinoise, l&rsquo;&eacute;tude (ibid.) montre qu&rsquo;ils tendent &agrave; privil&eacute;gier les cercles sinophones pour pouvoir continuer &agrave; utiliser le mandarin dans leurs interactions sociales. Quant aux &eacute;tudiants indiens, ils favorisent l&rsquo;anglais comme langue intercommunautaire &eacute;galement. Certains d&rsquo;entre eux associent le malais &agrave; une obligation purement scolaire qu&rsquo;ils souhaitent laisser derri&egrave;re eux une fois qu&rsquo;ils ont obtenu une place dans une universit&eacute; anglophone, par exemple dans une universit&eacute; priv&eacute;e comme celle de l&rsquo;&eacute;tude, ou en Inde. De plus, cette m&ecirc;me &eacute;tude montre que les comp&eacute;tences en anglais sont un marqueur social et acad&eacute;mique et que beaucoup d&rsquo;&eacute;tudiants pr&eacute;f&egrave;rent par leurs pratiques langagi&egrave;res &eacute;viter de s&rsquo;exposer plus que n&eacute;cessaire au jugement de leurs pairs, particuli&egrave;rement lorsqu&rsquo;ils ont une perception n&eacute;gative de leurs propres comp&eacute;tences en anglais. </span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Les pratiques socio-langagi&egrave;res en Malaisie semblent trouver l&agrave; des points communs avec d&rsquo;autres soci&eacute;t&eacute;s plurilingues postcoloniales, dont l&rsquo;une des langues en pr&eacute;sence est celle de l&rsquo;ancien colonisateur. Cette situation peut donc &ecirc;tre rapproch&eacute;e de celles d&rsquo;anciennes colonies fran&ccedil;aises. Un travail de recherche en sociolinguistique sur la ville de Tanger expose une situation similaire sur les statuts et fonctions des langues, en particulier des langues occidentales et de la langue de l&rsquo;ancien colonisateur, le fran&ccedil;ais, autour de la langue nationale officielle, l&rsquo;arabe (Virasolvit : 2001). Foued Laroussi (2001 : 178) &eacute;crit au sujet du Maghreb, &laquo; En th&eacute;orie, aucune langue ne s&rsquo;impose plus que les autres pour dire son identit&eacute;, et se construire en tant que sujet. De fait, il en va tout autrement : le poids contradictoire des pressions id&eacute;ologiques g&eacute;n&egrave;re blocage et confusion &raquo;. Il me semble que cette observation de Foued Laroussi sur le Maghreb pourrait d&eacute;crire la situation en Malaisie, o&ugrave; la politique linguistique du gouvernement continue &agrave; osciller entre b&eacute;n&eacute;fices pragmatiques suppos&eacute;s de l&rsquo;anglais et valeur symbolique du malais.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Les enseignantes interview&eacute;es lient directement les probl&eacute;matiques de langue maternelle et langue de scolarisation aux difficult&eacute;s scolaires et au passage au secondaire&nbsp;: Glyn dit que </span><span style="font-size:medium"><em>&laquo;&nbsp;les &eacute;l&egrave;ves venant de familles tamilophones ont des difficult&eacute;s de compr&eacute;hension de l&rsquo;anglais et aussi de la langue nationale. De ces difficult&eacute;s, d&eacute;coulent des difficult&eacute;s &agrave; suivre d&rsquo;autres mati&egrave;res [scolaires] enseign&eacute;es dans ces langues.&nbsp;&raquo;. </em></span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Son association offre un programme d&rsquo;aide scolaire sp&eacute;cifique aux deux premi&egrave;res ann&eacute;es de l&rsquo;&eacute;cole secondaire, visant &agrave; faciliter la transition d&rsquo;un enseignement primaire communautaire qui recourt &agrave; la langue tamoul, &agrave; cet enseignement national anglo-malais. Les &eacute;l&egrave;ves ont 13 et 14 ans. Glyn explique que ce programme aide les &eacute;l&egrave;ves &agrave; am&eacute;liorer ces langues, l&rsquo;anglais et le malais, et aussi &agrave; rem&eacute;dier &agrave; leurs difficult&eacute;s en sciences et en math&eacute;matiques, li&eacute;s selon elle &agrave; ces obstacles linguistiques. </span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Les in&eacute;galit&eacute;s linguistiques et &eacute;conomiques vont de pair en Malaisie, puisque les groupes culturels ont &eacute;t&eacute; communautaris&eacute;s sous l&rsquo;empire britanniques, puis discrimin&eacute;s, avec la dominance du groupe malais, apr&egrave;s l&rsquo;ind&eacute;pendance. Toutes les enseignantes notent donc lors de nos entretiens les difficult&eacute;s socio-&eacute;conomiques corr&eacute;lant l&rsquo;&eacute;chec scolaire d&ucirc; notamment &agrave; ces difficult&eacute;s linguistiques. Lors de notre entretien, la fondatrice Glyn m&rsquo;invite, pour comprendre leur contexte, &agrave; &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>mener [mes] propres recherches sur le statut &eacute;conomique de la communaut&eacute; indienne en Malaisie</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;. Afin de replacer la parole de Glyn et de ses quatre coll&egrave;gues dans ce contexte. </span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">&Agrave; l&rsquo;origine des disparit&eacute;s socio-&eacute;conomiques, se trouve les politiques imp&eacute;rialistes britanniques&nbsp;: &laquo;&nbsp;L&rsquo;&eacute;conomie politique de la Malaya coloniale &eacute;tait l&rsquo;extension et le d&eacute;veloppement de l&rsquo;&eacute;conomie mercantile des comptoirs du d&eacute;troit [de Malacca]. Son essence &eacute;tait la manipulation de diverses populations asiatiques afin d&rsquo;exploiter une vari&eacute;t&eacute; limit&eacute;e de produits miniers et agricoles. &raquo; (Stenson, 1980 : 3). Outre les populations v&eacute;ritablement autochtones, seule la population malaise rel&egrave;ve d&rsquo;une immigration ancienne et pr&eacute;coloniale. Si des migrations chinoises et indiennes existent vers la p&eacute;ninsule malaise depuis 2000 ans, la masse actuelle des populations chinoises et indiennes s&rsquo;est constitu&eacute;e par des migrations plus r&eacute;centes, dont les flux les plus importants ont &eacute;t&eacute; orchestr&eacute;s par la gouvernance britannique. En effet, au-del&agrave; d&rsquo;une mixit&eacute; historique, la pluri-culturalit&eacute; actuelle du territoire tient surtout &agrave; l&rsquo;Empire britannique, qui y a fix&eacute;, en nombre, les communaut&eacute;s qui constituent aujourd&rsquo;hui les minorit&eacute;s malaisiennes, comme l&rsquo;analyse Nathalie Fau : &laquo; Si la colonisation britannique est un premier facteur d&eacute;terminant dans la gen&egrave;se du d&eacute;veloppement &eacute;conomique malaisien, ce n&rsquo;est pas tant en transformant la Malaya en une colonie d&rsquo;exploitation fond&eacute;e sur l&rsquo;extraction mini&egrave;re (&eacute;tain) et les plantations (h&eacute;v&eacute;a), qu&rsquo;en &eacute;tant &agrave; l&rsquo;origine de la formation d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; multi-ethnique et in&eacute;galitaire. &raquo; (Fau, 2013 : en ligne).</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">L&rsquo;Empire britannique a organis&eacute; l&rsquo;immigration de Chinois du sud pour participer &agrave; la construction des ports et &agrave; l&rsquo;exploitation mini&egrave;re de l&rsquo;&eacute;tain. &Agrave; la fin du si&egrave;cle et sous la Pax Britannica pr&egrave;s d&rsquo;1.7 million de Chinois s&rsquo;installent, faisant basculer la balance d&eacute;mographique des r&eacute;gions mini&egrave;res vers une majorit&eacute; chinoise. L&rsquo;Empire a ainsi remodel&eacute; la face d&eacute;mographique du pays. La pr&eacute;sence significative d&rsquo;Indiens sur le territoire est aussi une volont&eacute; de l&rsquo;Empire colonial britannique, au XIXe si&egrave;cle, pour les faire travailler sur les plantations d&rsquo;h&eacute;v&eacute;a qui repr&eacute;sentaient jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;ind&eacute;pendance pr&egrave;s des deux tiers de l&rsquo;ensemble du territoire agricole, formant un facteur important d&rsquo;attraction migratoire. Les rapports de force ont donc &eacute;t&eacute; boulevers&eacute;s sous l&rsquo;Empire britannique, passant d&rsquo;une population d&rsquo;environ 300 000 habitants aux deux tiers malais en 1835 &agrave; 6.3 millions avant l&rsquo;ind&eacute;pendance, dont la moiti&eacute; seulement est alors malaise.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Anim&eacute; par des pr&eacute;occupations purement pragmatiques de gain &eacute;conomique, l&rsquo;Empire britannique a &eacute;galement model&eacute; la r&eacute;partition des r&ocirc;les de chacun de ces trois grands groupes (chinois, indien et malais) selon ses int&eacute;r&ecirc;ts. Michael Stenson (1980 : 4), historien sp&eacute;cialiste de l&rsquo;Asie du Sud-Est, rappelle que la s&eacute;paration communautaire est n&eacute;e d&rsquo;une organisation &eacute;conomique coloniale dans laquelle chaque communaut&eacute; avait une fonction. Les immigrants chinois et indiens constituaient la main d&rsquo;&oelig;uvre bon march&eacute; pour l&rsquo;exploitation agricole et mini&egrave;re destin&eacute;e &agrave; l&rsquo;empire, tandis que les Malais assuraient &laquo; la stabilit&eacute; politique &raquo; et produisaient par leur activit&eacute; agricole &laquo; de la nourriture bon march&eacute; pour la main d&rsquo;&oelig;uvre chinoise et indienne &raquo;. Il y a de plus eu une volont&eacute; politique coloniale de diviser pour mieux r&eacute;gner, en particulier apr&egrave;s la seconde guerre mondiale durant laquelle des alliances prol&eacute;taires sino-malais-indiennes s&rsquo;&eacute;taient form&eacute;es. Cet auteur parle d&rsquo;une &laquo; scl&eacute;rification des structures &eacute;conomiques et sociales malaises &raquo; et cite de nombreux exemples d&rsquo;organisations sociales mises en place par les colons et visant &agrave; r&eacute;partir les t&acirc;ches selon les communaut&eacute;s dans les domaines administratifs, &eacute;conomiques, agricoles ou militaires, qui selon lui ont contribu&eacute; &agrave; un certain communautarisme dans la Malaisie ind&eacute;pendante. Shamsul Haque (2003), en sciences politiques, corrobore cet &eacute;tat de fait colonial : &laquo; Les dirigeants britanniques ont favoris&eacute; l&rsquo;immigration chinoise et indienne ; ils ont cr&eacute;&eacute; une s&eacute;gr&eacute;gation ethnique artificielle dans les secteurs de l&rsquo;&eacute;conomie (les Malais dans l&rsquo;agriculture, les Chinois dans l&rsquo;industrie et les Indiens dans les plantations) ; et ont ainsi consolid&eacute; les divisions interethniques. De cette fa&ccedil;on, ils ont emp&ecirc;ch&eacute; toute forme de solidarit&eacute; intergroupe [&hellip;] Pour faciliter l&rsquo;&eacute;tablissement du r&eacute;gime colonial, les Britanniques ont collabor&eacute; avec les dirigeants malais (sultans) en signant des trait&eacute;s pour les aider &agrave; g&eacute;rer leurs citoyens. Ils ont attis&eacute; les craintes des Malais en invoquant la menace que repr&eacute;sentaient les non-Malais, et ont jou&eacute; un r&ocirc;le de protecteur en d&eacute;fendant les int&eacute;r&ecirc;ts et les droits des Malais dans les diverses sph&egrave;res de la soci&eacute;t&eacute;. &raquo;. </span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">C&rsquo;est de cet h&eacute;ritage colonial que viennent les difficult&eacute;s &eacute;conomiques, &eacute;ducatives et sociales qu&rsquo;&eacute;voquent les interview&eacute;es. Cependant &agrave; travers leur action &eacute;ducative b&eacute;n&eacute;vole, c&rsquo;est &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>l&rsquo;inhabilit&eacute; &agrave; suivre les cours</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo; et &agrave; &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>acqu&eacute;rir les savoirs de base</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo; (Glyn), due aux difficult&eacute;s langagi&egrave;res en langues de scolarisation, qui est leur cible. De part de la situation socio-&eacute;conomique h&eacute;rit&eacute;e par la communaut&eacute; d&rsquo;origine indienne de la gouvernance imp&eacute;riale, les enseignantes notent qu&rsquo;il est plus difficile &agrave; leur communaut&eacute; de pallier l&rsquo;absence de soutien du gouvernement pour les &eacute;coles communautaires. Glyn exprime sa perception que &laquo;</span><span style="font-size:medium"><em>&nbsp;les [Malaisiens] Chinois, eux, ont le pouvoir &eacute;conomique d&rsquo;&eacute;duquer leurs enfants</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;, de les rendre suffisamment trilingue (mandarin, malais, anglais) dans leurs &eacute;coles secondaires communautaires&nbsp;; et &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>d&rsquo;employer et de donner une formation professionnelle &agrave; ceux qui ne r&eacute;ussissent pas &agrave; l&rsquo;&eacute;cole gr&acirc;ce &agrave; la solidit&eacute; de leurs entreprises&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. De m&ecirc;me, lorsque j&rsquo;ai parl&eacute; &agrave; Gabriel, elle comptait 1 &eacute;l&egrave;ve chinois et 5 &eacute;l&egrave;ves tamouls dans son &eacute;cole nationale. Elle les d&eacute;crit comme venant des abords imm&eacute;diats de l&rsquo;&eacute;cole, g&eacute;ographiquement et n&rsquo;ayant aucun moyen d&rsquo;aller plus loin&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>au niveau primaire, il y a beaucoup d&rsquo;&eacute;cole et ils peuvent aller dans une &eacute;cole communautaire, mais au secondaire, s&rsquo;ils n&rsquo;ont pas de transport, ils sont coinc&eacute;s avec l&rsquo;&eacute;cole la plus proche</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;. Elle les d&eacute;crit comme des &eacute;l&egrave;ves en grande difficult&eacute; scolaire depuis l&rsquo;&eacute;cole primaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>ils ont des difficult&eacute;s m&ecirc;me en classe de tamoul</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>&agrave; 16 ou 17 ans, ils ne peuvent ni lire ni &eacute;crire en anglais&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;, et socialement &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>dans des situations tr&egrave;s tristes</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;. Ce sont plus d&rsquo;&eacute;coles communautaires, plus de bourses vers ces &eacute;coles pour les tamilophones les plus d&eacute;munis, qui seraient pour les enseignantes la solution.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Pour Dumi, en sus de ces in&eacute;galit&eacute;s sociales, c&rsquo;est la &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>transition linguistique</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo; qui pose difficult&eacute; aux &eacute;l&egrave;ves tamilophones auxquels elle a enseign&eacute;. Selon elle, m&ecirc;me si les &eacute;coles primaires tamilophones suivent le programme national, l&rsquo;enseignement s&rsquo;y fait en r&eacute;alit&eacute; en majorit&eacute; en tamoul, et la plupart ne pr&eacute;parent pas les &eacute;l&egrave;ves aux niveaux requis de malais et d&rsquo;anglais pour le secondaire&nbsp;: &laquo;&nbsp;ils sont pr&eacute;par&eacute;s aux examens de fa&ccedil;on strat&eacute;giques, ils reconnaissent les mots cl&eacute;s, [mais ils ne sont pas pr&eacute;par&eacute;s &agrave; suivre des cours dans ces langues]&nbsp;&raquo;. C&rsquo;est une situation que Kassia a &eacute;galement observ&eacute; chez les &eacute;l&egrave;ves chinois et indiens de son &eacute;cole&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>pour les Malais, l&rsquo;anglais est une langue seconde, pour les autres, c&rsquo;est une troisi&egrave;me langue [&hellip;] l&rsquo;&eacute;cole les pr&eacute;pare &agrave; r&eacute;ussir aux examens, mais pas &agrave; utiliser la langue [anglaise] de fa&ccedil;on communicative.&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. Ainsi, des &eacute;l&egrave;ves excellents en primaire, &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>qui sont dans des clubs de d&eacute;bats, qui sont pr&eacute;fets scolaires, arrivent en secondaire et connaissent un v&eacute;ritable choc culturel&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. Pour tous les &eacute;l&egrave;ves, c&rsquo;est une transition brutale&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>Ils traversent la rue &ndash; leur &eacute;cole primaire est juste en face &ndash; et tout &agrave; coup ils sont perdus, ils deviennent timides, ils ne parlent plus, ils perdent confiance.&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. Cette situation pour Dumi, d&eacute;savantage les &eacute;l&egrave;ves tamilophones dans toutes les situations sociales&nbsp;: les plus avantag&eacute;s prennent des cours particuliers mais accusent tout de m&ecirc;me du retard par rapport aux locuteurs malais, quant aux plus d&eacute;savantag&eacute;s, ils quittent l&rsquo;&eacute;cole. Les in&eacute;galit&eacute;s sont renforc&eacute;es par le syst&egrave;me &eacute;ducatif malaisien bas&eacute; sur les notes&nbsp;: les &eacute;l&egrave;ves qui n&rsquo;ont pas les meilleurs r&eacute;sultats n&rsquo;ont pas acc&egrave;s aux &eacute;coles nationales les plus performantes</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Les points de vus acad&eacute;miques sur la question, venus de chercheurs internationaux, ne manquent pas de pointer l&rsquo;injustice de la supr&eacute;matie de la langue nationale malaise. Il est clair &agrave; la lecture de chercheurs malaisiens et &agrave; travers la parole de ces enseignantes tamilophones que les politiques linguistiques &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre d&eacute;favorisent les minorit&eacute;s linguistiques. Du point de vue de l&rsquo;&eacute;conomie des langues, ces politiques linguistiques respectent mal le cadre de crit&egrave;res propos&eacute;s dans ce domaine (Grin, 2010), en ce que l&rsquo;efficacit&eacute; et l&rsquo;&eacute;quit&eacute; sont questionnables, et les cons&eacute;quences intangibles sur ce qu&rsquo;Abdeljalil Akkari et Daniel Coste (2015) appellent le &laquo;&nbsp;poids&nbsp;&raquo; des langues sont motiv&eacute;es par les int&eacute;r&ecirc;ts d&rsquo;un groupe en particulier. James Tollesfson dans la r&eacute;gion (universit&eacute; de Hong Kong), critique ces politiques linguistiques &eacute;chouant selon lui &agrave;&nbsp;prendre en compte [leur] contexte social et politique complexe&nbsp;: &laquo;&nbsp;le socle des politiques &eacute;ducatives est fait d&rsquo;intentions politiques, sociales et &eacute;conomiques visant &agrave; prot&eacute;ger les int&eacute;r&ecirc;ts de certains groupes politiques et sociaux. Ces intentions sont parfois en contraction et triomphent invariablement sur les intentions &eacute;ducatives.&nbsp;&raquo; (2004&nbsp;:2)</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Pourtant revenant sur la place de la langue malaise dans la nation ind&eacute;pendante malaisienne, elle peut sembler un choix l&eacute;gitime&nbsp;: elle n&rsquo;est pas une langue aborig&egrave;ne mais elle a &eacute;t&eacute; introduite sur l&rsquo;archipel il y a des mill&eacute;naires&nbsp;; les locuteurs malais &eacute;taient en grande majorit&eacute; d&eacute;mographique avant les jeux de migrations op&eacute;r&eacute;s par l&rsquo;empire britannique. Un retour au malais dans un contexte nationaliste postcolonial n&rsquo;est donc pas sans fondements. Mais par nature, l&rsquo;unification linguistique d&rsquo;un territoire rel&egrave;ve d&rsquo;un projet politique. &Ccedil;a a &eacute;t&eacute; et c&rsquo;est le cas du fran&ccedil;ais langue nationale&nbsp;: l&rsquo;unit&eacute; linguistique de la France n&rsquo;est ni organique, ni unanime. C&rsquo;est un chantier en progr&egrave;s qui n&eacute;cessite de la volont&eacute; politique encore aujourd&rsquo;hui. Comme en Malaisie, la volont&eacute; de pr&eacute;server les cultures plurielles y est ambig&uuml;e, mais la volont&eacute; d&rsquo;imposer le fran&ccedil;ais, sans commune mesure de violence avec celle d&rsquo;imposer le malais en Malaisie&nbsp;: est-il besoin de rappeler la guerre id&eacute;ologique men&eacute;e en France contre les langues r&eacute;gionales au nom de l&rsquo;unit&eacute; linguistique nationale&nbsp;? Il s&rsquo;est agi en France d&rsquo;an&eacute;antir&nbsp;&laquo;&nbsp;des idiomes grossiers qui ne peuvent servir que le fanatisme et les contre-r&eacute;volutionnaires.&nbsp;&raquo;</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote7sym" name="sdfootnote7anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>7</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium">. Contrairement &agrave; celui du malais, sans autres concurrences que celles de ces &laquo;&nbsp;patois&nbsp;&raquo;, le mod&egrave;le d&rsquo;assimilation francophone a pu se d&eacute;velopper et op&eacute;rer efficacement sur les courants migratoires du xx&eacute; si&egrave;cle. Des chiffres de l&rsquo;INED</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote8sym" name="sdfootnote8anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>8</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium"> montrent ce pouvoir d&rsquo;absorption du fran&ccedil;ais&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dans l&#39;enqu&ecirc;te men&eacute;e en 1992par l&rsquo;INSEE et l&rsquo;INED, &agrave; la question : &laquo; En quelle langue ou dialecte vos parents vous parlaient-ils habituellement quand vous &eacute;tiez enfant ? &raquo;, 16 % des personnes interrog&eacute;es r&eacute;pondent autre chose que le fran&ccedil;ais. Leur demande-t-on ensuite : &laquo; En quelle langue ou dialecte parlez-vous habituellement &agrave; vos enfants&nbsp;?&nbsp;&raquo;, le chiffre tombe &agrave; 5 %. Ainsi, les deux tiers des parents &agrave; qui l&rsquo;on parlait dans l&rsquo;enfance une langue r&eacute;gionale ou &eacute;trang&egrave;re autre que le fran&ccedil;ais d&eacute;clarent ne plus la parler ordinairement &agrave; leurs propres enfants.&nbsp;&raquo;. L&rsquo;INED parle d&rsquo;une &laquo;&nbsp;&eacute;crasante domination du fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo;. Ce succ&egrave;s de l&rsquo;unit&eacute; linguistique fran&ccedil;aise tient &agrave; des politiques linguistiques pluri centenaires, &agrave; une continuit&eacute; historique dont l&rsquo;effort pro-malais ne b&eacute;n&eacute;ficie pas. Cependant, les intentions sont parall&egrave;les&nbsp;: il s&rsquo;agit d&rsquo;imposer (ou de tenter d&rsquo;imposer) l&rsquo;unit&eacute; nationale dans l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie plut&ocirc;t que dans la pluralit&eacute;.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium"><strong>Des politiques unitaires aux politiques plurielles</strong></span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Le gouvernement ind&eacute;pendant malaisien a appel&eacute; ses politiques linguistiques pro-malaises des politiques d&rsquo;unit&eacute;, mais j&rsquo;ai &eacute;voqu&eacute; l&rsquo;agenda de dominance que ces politiques recouvrent. Les enseignantes interview&eacute;es voient un &eacute;chec, ou m&ecirc;me une tromperie, dans la politique d&rsquo;assimilation malaisienne. Pour elles, seul un respect de la pluralit&eacute; serait &eacute;quitable, favorisant un mod&egrave;le inexistant en France&nbsp;: celui de l&rsquo;enseignement communautaire.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">On peut y voir une continuit&eacute; des politiques coloniales&nbsp;: l&rsquo;enseignement secondaire y &eacute;tait alors priv&eacute; et laiss&eacute; &agrave; charge des communaut&eacute;s. Les &eacute;coles secondaires chinoises sont assez nombreuses, d&rsquo;apr&egrave;s Gabriel, permettant &agrave; plus d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves de toutes situations socio-&eacute;conomiques de poursuivre leur &eacute;ducation secondaire dans un environnement que Gabriel et ses coll&egrave;gues consid&egrave;re plus propice &agrave; la r&eacute;ussite. Les &eacute;l&egrave;ves tamilophones eux, n&rsquo;ont pas le choix que d&rsquo;int&eacute;grer un syst&egrave;me qui est fait pour privil&eacute;gier les locuteurs malais, car &agrave; cette date, il n&rsquo;existe pas d&rsquo;&eacute;cole secondaire nationale tamilophone. Les &eacute;l&egrave;ves tamilophones, qui sont majoritairement all&eacute;s dans une &eacute;cole primaire nationale tamilophone, ont donc le choix entre &eacute;coles priv&eacute;es anglophones (&eacute;coles internationales, &eacute;coles j&eacute;suites), ou l&rsquo;&eacute;cole nationale bilingue malais-anglais. Leur r&eacute;ussite d&eacute;pend ainsi de leur environnement social et familial&nbsp;: Gabriel d&eacute;crit comment son fils, lyc&eacute;en, n&rsquo;a pas de difficult&eacute;s particuli&egrave;re &agrave; suivre la fili&egrave;re nationale bilingue malais-anglais, car &eacute;tant elle-m&ecirc;me enseignante d&rsquo;anglais, elle a pu l&rsquo;y pr&eacute;parer personnellement. Comme le dit Gabriel, &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>nous [les parents &eacute;duqu&eacute;s de la communaut&eacute; tamilophone] pallions les in&eacute;galit&eacute;s du syst&egrave;me&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;&nbsp;; pour les enfants de familles d&eacute;favoris&eacute;es, &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>il n&rsquo;y a pas de recours&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. De plus, &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>certains ont peur de ces &eacute;coles nationales o&ugrave; l&rsquo;enseignement religieux islamique est tr&egrave;s important&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. On voit par son exemple comment ce syst&egrave;me, &agrave; la fois faussement assimilatoire, mais dans un paysage social profond&eacute;ment communautariste, joue la reproduction des in&eacute;galit&eacute;s sociales.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Pour Gabriel, scolaris&eacute;e dans une &eacute;cole j&eacute;suite anglophone, et son mari scolaris&eacute; dans une &eacute;cole tamilophone, avec leurs privil&egrave;ges de classe, le compromis n&rsquo;est pas n&eacute;cessaire car leurs enfants peuvent devenir trilingues. Mais ce n&rsquo;est pas le cas pour les familles plus pauvres, moins &eacute;duqu&eacute;es. Le dilemme d&egrave;s lors, pour les tamilophones, est de privil&eacute;gier leur langue premi&egrave;re, au risque de perdre en comp&eacute;titivit&eacute; scolaire face aux locuteurs malais, ou de se d&eacute;tourner de leur langue maternelle par souci d&rsquo;efficacit&eacute; scolaire, et risquer de la voir dispara&icirc;tre. En effet, pour Glyn les difficult&eacute;s inh&eacute;rentes au tamoul ne se pr&ecirc;te pas &agrave; un apprentissage simultan&eacute; du malais et de l&rsquo;anglais : &agrave; l&rsquo;&eacute;cole primaire, beaucoup de temps est consacr&eacute; &agrave; rendre les enfants alphab&egrave;tes en tamoul, une langue de 247 lettres. Cet apprentissage de base laisse selon elle peu de temps pour pr&eacute;parer les &eacute;l&egrave;ves &agrave; ma&icirc;triser deux autres langues n&eacute;cessaires pour &ecirc;tre scolaris&eacute; dans une &eacute;cole publique du secondaire. Le prestige de la langue s&rsquo;en ressent alors et Gabriel &eacute;voque des adolescents &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>fiers de ne pas bien parler tamoul</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo; et associe ces repr&eacute;sentations &agrave; l&rsquo;histoire coloniale des &eacute;coles tamilophones&nbsp;: des &eacute;coles cr&eacute;&eacute;es par les migrants sur les plantations, &agrave; l&rsquo;origine sans aucun professeurs qualifi&eacute;s, qui font voir &agrave; certains malaisiens de culture indienne le choix de scolariser ses enfants dans une &eacute;cole primaire tamilophone comme un retour en arri&egrave;re alors que l&rsquo;&eacute;ducation y est &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>tellement meilleure maintenant&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. D&rsquo;apr&egrave;s Gabriel, les parents indiens qui renoncent &agrave; &eacute;duquer leurs enfants en tamoul &agrave; l&rsquo;&eacute;cole primaire le font pour &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>ne pas accuser de retard au passage &agrave; l&rsquo;&eacute;cole secondaire</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;. Elle ajoute, &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>la langue, la culture, vont dispara&icirc;tre</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Et ces enseignantes consid&egrave;rent que l&rsquo;&eacute;cole nationale ne fait rien pour valoriser les langues maternelles minoritaires. En France, de nombreuses politiques &eacute;ducatives visent &agrave; valoriser le terreau multilingue pr&eacute;sent par l&rsquo;immigration. La France et l&rsquo;Europe encouragent et d&eacute;veloppe les pratiques didactiques autour des approches plurielles</span><sup><span style="font-size:medium"><a class="sdfootnoteanc" href="#sdfootnote9sym" name="sdfootnote9anc" style="font-size:57%; color:#0000ff"><sup>9</sup></a></span></sup><span style="font-size:medium">. Les enseignantes interview&eacute;es consid&egrave;rent que ces approches ne sont pas offertes dans les &eacute;coles nationales.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Gabriel mentionne l&rsquo;offre en langue maternelle dans son &eacute;cole, mais en d&eacute;plore une impl&eacute;mentation m&eacute;diocre&nbsp;: &laquo; </span><span style="font-size:medium"><em>ces classes n&rsquo;existent que pour se conformer &agrave; un carnet de route politique </em></span><span style="font-size:medium">&raquo; qui se voudrait respecter la pluralit&eacute;. L&rsquo;existence de telles classes en France, appel&eacute;es ELCO (enseignement des langues et cultures d&rsquo;origine) ont &eacute;galement une histoire ambig&uuml;e&nbsp;: cet enseignement rel&egrave;ve d&rsquo;accord bilat&eacute;raux avec les pays d&rsquo;&eacute;migration et commence en 1976 avec le Portugal, dans un objectif int&eacute;gratif et de pr&eacute;servation des langues et cultures d&rsquo;origine. Mais une transition de ce programme se fait &agrave; partir de 2003 vers l&rsquo;enseignement des langues vivantes, notamment pour le posrtugais et l&rsquo;italien, et ce nouveau statut &laquo;&nbsp;contribue d&rsquo;une certaine mani&egrave;re &agrave; marginaliser les autres langues et cultures d&rsquo;origine et construit une in&eacute;galit&eacute; de fait.&nbsp;&raquo; (Bertuci, 2007&nbsp;: en ligne). Marie Bertuci explique que &laquo;&nbsp;les relations internationales tendues, le risque terroriste, le d&eacute;bat sur la la&iuml;cit&eacute; et la place des religions et notamment de l&rsquo;islam dans la vie publique cr&eacute;ent un climat de m&eacute;fiance et entretiennent la suspicion &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des ELCO et de l&rsquo;enseignement de l&rsquo;arabe dans ce cadre. Un lien est &eacute;tabli entre cet enseignement et des tentatives de d&eacute;stabilisation, et d&rsquo;infiltration &eacute;manant de groupes ayant des vis&eacute;es terroristes et profitant de l&rsquo;organisation sp&eacute;cifique de cet enseignement pour diffuser une propagande &agrave; des fins religieuses et identitaires hostiles au pays d&rsquo;accueil.&nbsp;&raquo;. Les approches plurielles se sont d&eacute;velopp&eacute;es en France et en Europe et substitu&eacute; &agrave; ces enseignements jug&eacute;s trop communautariste pour valoriser le patrimoine linguistique pluriel de la nation.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Les enseignantes tamilophone du P&eacute;rak constatent avec regret que l&rsquo;&eacute;cole nationale ne fait pas de place &agrave; la diversit&eacute;. Gabrielle &eacute;voque des obstacles mis par la culture dominante &agrave; sa pratique didactique&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>entant qu&rsquo;enseignante d&rsquo;anglais, je veux favoriser une classe joyeuse, o&ugrave; l&rsquo;on s&rsquo;amuse, mais certains &eacute;l&egrave;ves musulmans refusent de chanter, de taper des mains, pour des raisons religieuses&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. Elle &eacute;voque &eacute;galement le manque de respect pour sa culture&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>la professeure de religion m&rsquo;a demand&eacute; d&rsquo;apporter des modifications &agrave; mon sari [&hellip;] je ne l&rsquo;ai pas support&eacute;.&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Finalement, les enseignantes interview&eacute;es &eacute;voquent un autre manqu&eacute; dans ces politiques linguistiques de l&rsquo;&eacute;ducation anglo-malaise&nbsp;: elles regrettent de voir cette langue instrumentalis&eacute;e, et pas enseign&eacute;e comme une langue v&eacute;ritable. Kassia et Dumi pointent que l&rsquo;anglais &eacute;tait vu comme un code pour r&eacute;ussir des examens, un outil pour travailler. Kassia regrette que l&rsquo;anglais &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>ne soit pas enseign&eacute; comme langue et culture de communication, mais comme une technique&nbsp;</em></span><span style="font-size:medium">&raquo;. Pour Kassia, le fait que le malais soit impos&eacute; comme langue nationale rel&egrave;gue l&rsquo;anglais &agrave; une langue obligatoire seconde, ou troisi&egrave;me pour les minorit&eacute;s. C&rsquo;est en fait la </span><span style="font-size:medium"><em>lingua franca</em></span><span style="font-size:medium"> de choix des minorit&eacute;s, qui voudrait voir l&rsquo;anglais &ecirc;tre la langue de communication interculturelle entre les communaut&eacute;s linguistiques diverses de Malaisie, plut&ocirc;t que le malais, vu comme une difficult&eacute; suppl&eacute;mentaire plut&ocirc;t qu&rsquo;une fiert&eacute; nationale. Kassia pense que cette politique linguistique du malais langue nationale et en particulier langue d&rsquo;&eacute;ducation pose des difficult&eacute;s &agrave; tous les &eacute;l&egrave;ves, par sa nature m&ecirc;me d&rsquo;enseignement bilingue&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>des &eacute;l&egrave;ves malais &eacute;chouent en langue malaise</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;. Elle soutient l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une &eacute;ducation monolingue en anglais, pour les m&ecirc;mes raisons pratiques avanc&eacute;es par le premier ministre en 1965&nbsp;: &laquo;&nbsp;</span><span style="font-size:medium"><em>les livres sont en anglais, Google est en anglais</em></span><span style="font-size:medium">&nbsp;&raquo;, et pour des raison d&rsquo;&eacute;quit&eacute; entre les communaut&eacute;s linguistiques.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">La question sous-tendant ces aspirations exprim&eacute;es par les enseignantes interview&eacute;es, pour Saran Kaur Gill et d&rsquo;autres observateurs malaisiens, est celle de l&rsquo;intention d&rsquo;unit&eacute; des politiques &eacute;ducatives. On peut voir se dessiner deux mod&egrave;les&nbsp;et le premier est celui de l&rsquo;unit&eacute; nationale par l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie, qui est celle effectivement mise en place par les politiques linguistiques et &eacute;ducatives. Le gouvernement souhaite voir tous les &eacute;l&egrave;ves dans les m&ecirc;mes &eacute;coles nationales, mais ces &eacute;coles, domin&eacute;es par la langue et la culture majoritaire, effraient les familles minoritaires, favorisant le communautarisme. Saran Kaur Gill note 80% des familles chinoises choisissant un &eacute;tablissement scolaire primaire &laquo;&nbsp;monoethnique&nbsp;&raquo; chinois pour leurs enfants. Car les enseignants chinois sont sous-repr&eacute;sent&eacute;s dans les &eacute;coles nationales.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">L&rsquo;autre mod&egrave;le serait une unit&eacute; plurielle, par laquelle la diversit&eacute; linguistique et culturelle de la nation serait repr&eacute;sent&eacute;e dans les &eacute;coles nationales&nbsp;: une int&eacute;gration plurielle, &eacute;vitant les &eacute;cueils du nationalisme et du communautarisme.</span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium"><strong>Conclusions parall&egrave;les</strong></span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">En Malaisie, le soutient communautaire limit&eacute; d&rsquo;un groupe minoritaire et &eacute;conomiquement d&eacute;savantag&eacute;, coupl&eacute; aux financements gouvernementaux trop in&eacute;gaux, conduit de nombreux &eacute;l&egrave;ves tamilophones &agrave; ne pas avoir acc&egrave;s &agrave; une &eacute;ducation dans leur langue premi&egrave;re, alors qu&rsquo;ils ne sont pas pr&eacute;par&eacute;s &agrave; une &eacute;ducation en langue seconde&nbsp;malaise.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Les enseignantes interview&eacute;es ont offert un front commun de positionnement sur les politiques linguistiques dans l&rsquo;&eacute;ducation&nbsp;:</span></p> <ul> <li> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Selon elles, l&rsquo;anglais est l&eacute;gitime &agrave; &ecirc;tre une langue principale d&rsquo;&eacute;ducation. Elles confirment par ce positionnement les vues &eacute;voqu&eacute;es plus haut d&rsquo;Alistair Pennycook L&rsquo;anglais, jug&eacute; comme toujours dans ces situations postcoloniales comme &laquo;&nbsp;naturel, neutre et b&eacute;n&eacute;fique&nbsp;&raquo; n&rsquo;est pas remis en cause dans sa l&eacute;gitimit&eacute;.</span></p> </li> <li> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Selon elles, C&rsquo;est l&rsquo;unification nationale par le malais qui est remis en cause. Elles ne pensent pas cette politique efficace&nbsp;: le malais langue d&rsquo;enseignement constitue selon elles un obstacle pour tous les locuteurs car elle limite m&eacute;caniquement leur ma&icirc;trise de l&rsquo;anglais. Elles la consid&egrave;rent in&eacute;quitable, car elle d&eacute;favorise en particulier les minorit&eacute;s linguistiques, forc&eacute;es soit de d&eacute;laisser leurs langues maternelles pour ma&icirc;triser l&rsquo;enseignement bilingue malais-anglais, soit de se r&eacute;soudre &agrave; une ma&icirc;trise m&eacute;diocre des deux langues d&rsquo;enseignement.</span></p> </li> <li> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Selon elles, l&rsquo;&eacute;cole nationale n&rsquo;a pas de r&eacute;elle intention unificatrice. Leur pratique et leur exp&eacute;rience est celle d&rsquo;une &eacute;cole nationale h&eacute;g&eacute;monique visant &agrave; favoriser le groupe dominant, n&rsquo;offrant ni aide aux &eacute;l&egrave;ves locuteurs de langues minoritaires, ni repr&eacute;sentations de ces langues minoritaire et de leurs cultures, de leurs religions.</span></p> </li> </ul> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Leur mod&egrave;le id&eacute;al est cons&eacute;quemment communautariste&nbsp;: puisque l&rsquo;&eacute;cole nationale a &eacute;chou&eacute; &agrave; devenir un lieu repr&eacute;sentatif, linguistiquement, culturellement, de la diversit&eacute; d&eacute;mographique malaisienne, l&rsquo;enseignement communautaire doit se voir offrir les moyens de se d&eacute;velopper pour se substituer &agrave; ce qu&rsquo;elles ressentent comme une simagr&eacute;e d&rsquo;&eacute;cole nationale ouverte &agrave; tous, pr&eacute;servant les langues, les cultures et les religions plurielles de la nation, au prix d&rsquo;une certaine s&eacute;gr&eacute;gation. </span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">Ce jeu de dynamismes unitaires et communautariste en Malaisie apporte une perspective sur l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie du fran&ccedil;ais&nbsp;: sainement concurrenc&eacute; par l&rsquo;anglais parfois au Maghreb et en Afrique, mais laissant traditionnellement peu de place &agrave; la pluralit&eacute; linguistique sur le territoire fran&ccedil;ais.</span></p> <p style="text-align:left"><span style="font-size:medium">La tension entre nationalisme et imp&eacute;rialisme linguistique se joue en Malaisie entre le malais et l&rsquo;anglais, sous l&rsquo;observation constante de voix acad&eacute;miques et politiques dissidentes qui en pointent les potentielles iniquit&eacute;s pour les groupes minoritaires. En France, ce lien entre nationalisme et imp&eacute;rialisme linguistiques est franco-fran&ccedil;ais, un lien intime et peu questionn&eacute;, qui a donn&eacute; naissance &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie francophone (Kasuya, 2001&nbsp;: en ligne), nationalement &eacute;crasant les langues r&eacute;gionale, internationalement, sup&eacute;rieure aux langues indig&egrave;nes.</span> <span style="font-size:medium">Keisuke Kasuya en questionne le double langage&nbsp;d&rsquo;une francophonie qui &laquo;&nbsp;d&eacute;fend ses privil&egrave;ges face au monopole de l&rsquo;anglais, mais qui dirige son id&eacute;ologie contre les droits humains des locuteurs de langues minoritaires&nbsp;&raquo;.&nbsp; Selon Keisuke Kasuya, l&rsquo;id&eacute;ologie francophone est le &laquo;&nbsp;prototype&nbsp;&raquo; de toutes les dominations linguistiques du monde. </span></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left"><u><strong>R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</strong></u></p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <table style="border:none; width:602px"> <tbody> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Abdeljalil, A., Coste, D., &laquo; Les langues d&rsquo;enseignement entre politiques officielles et strat&eacute;gies des acteurs &raquo;, in <em>Revue internationale d&rsquo;&eacute;ducation de S&egrave;vres</em>, 70 | 2015, 41-52.</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Bamgbọse, A., 2003, &laquo;&nbsp;A recurring decimal&nbsp;: English in language policy and planning &raquo;, in <em>World Englishes</em>, 22, 4&nbsp;: 419-431</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Bertucci, M., 2007, &laquo;&nbsp;L&#39;enseignement des langues et cultures d&#39;origine : incertitudes de statut et ambig&uuml;it&eacute; des missions&nbsp;&raquo;, in <em>Le fran&ccedil;ais aujourd&#39;hui</em>, 158,(3), 28-38. doi:10.3917/lfa.158.0028.</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left"><span style="background-color:#ffffff">Fau, n., 2013, &laquo;&nbsp;La voie singuli&egrave;re du d&eacute;veloppement &eacute;conomique de la Malaisie&nbsp;&raquo;, in<em> Revue de la r&eacute;gulation </em>[en ligne]<em>,</em> Association recherche et r&eacute;gulation, n&deg;13. Disponible sur : <http: 10055="" regulation.revues.org=""> (consult&eacute; le 15/07/2015).</http:></span></p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Girard, H.S.V.O., 2015, <em>Alt&eacute;rit&eacute;s dans l&rsquo;expatriation lointaine : dialogisme des imaginaires collectifs et des discours individuels</em>, Th&egrave;se : Linguistique, Universit&eacute; de Bourgogne.</p> <p style="text-align:left">https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01357525/</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Girard, H.S.V.O., 2017, &laquo;&nbsp;De la Malaya britannique &agrave; la Malaisie mondialis&eacute;e ; Positionnements identitaires d&rsquo;une nation colonis&eacute;e devenue terre d&rsquo;accueil&nbsp;&raquo;, in Rolland, Y. (&eacute;d.). <em>Identit&eacute;s en Contextes Pluriels</em>, Paris : L&rsquo;Harmattan, 223-241.</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Grin, F., 2010, &laquo; Compl&eacute;mentarit&eacute;s entre sciences du langage et analyse &eacute;conomique: le cas des langues &eacute;trang&egrave;res dans l&#39;activit&eacute; professionnelle &raquo;, <em>Bulletin suisse de linguistique appliqu&eacute;e</em>, n&deg; sp&eacute;cial 2010/2, pp.107-131</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left"><span style="background-color:#ffffff">Haque, M. S., 2003, &laquo; The Role of the State in Managing Ethnic Tensions in Malaysia: A Critical Discourse &raquo;, in <em>American Behavioral Scientist</em>, vol. 47, n&deg; 3, pages 240-266. [ma lecture dans le texte original en anglais et ma traduction]</span></p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Kasuya, K., 2001, &laquo; Discourses of Linguistic Dominance: A Historical Consideration of French Language Ideology &raquo;, in <em>International Review of Education</em>, 47(3/4), 235-251.</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Kaur Gill, S., 2007, &laquo; Shift in langue policy in Malaysia &raquo;, in <em>AILA Review,</em> n&deg;20, pp106-122</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Kaur Gill, S., 2009, &laquo;&nbsp;Language education policy in multi-ethnic Malaysia&nbsp;&raquo;, in Banks, J.A., <em>The Routledge International Companion to Multicultural Education</em>, pages 397-410</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Kaur Gill, S., 2014, &laquo;&nbsp;Language Policy Challenges in Multi-Ethnic Malaysia&nbsp;&raquo;, in <em>Multilingual Education</em>, Vol 8, Springer, Netherlands, 124p</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Lowe, V., Khattab, U., 2003, &laquo;&nbsp;Malaysian Language Planning and Cultural Rights in the Face of a Global World &raquo;, in <em>Cultural Rights in a Global World</em>, Singapour: Eastern Universities Press, 217-22</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Mokshein, S.E., Wong K.T., Ibrahim H., 2016, &laquo;&nbsp;Trends and factors for dropout among secondary school students in Perak&nbsp;&raquo;, in <em>Sultan Idris Education University Journal of Research, Policy &amp; Practice of Teachers &amp; Teacher Education</em>, Vol. 6, No. 1, June 2016, pages 5-15</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Pennycook, A., 1994, <em>Cultural politics of English as an international language</em>, Harlow, UK: Pearson Education.</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Renganathan, S., Chong, S.L., 2007, &laquo;&nbsp;Diversity in Language Practices in a Multilingual and Multiethnic Society&nbsp;&raquo;, communication pr&eacute;sent&eacute;e lors de l&rsquo;<em>International Conference On Social Sciences and Humanities</em> (ICOSH&rsquo;07), 13-15 mars 2007, Kuala Lumpur, non publi&eacute;e. [copie des auteures]</p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left"><span style="background-color:#ffffff">Stenson, M., 1980, <em>Class, race and colonialism in West Malaysia</em>, Vancouver: University of British Colombia Press, 234 p. [ma lecture dans le texte original en anglais et ma traduction]</span></p> </td> </tr> <tr> <td style="vertical-align:top"> <p style="text-align:left">Tollefson, J.W., Tsui, A.B.M., 2004, &laquo; Medium of Instruction Policies. Which agenda? Whose Agenda? &raquo;, Mahwah NJ: Lawrence Erlbaum</p> </td> </tr> </tbody> </table> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <p style="text-align:left">&nbsp;</p> <div id="sdfootnote1"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote1anc" name="sdfootnote1sym" style="color:#0000ff">1</a><sup></sup> Ipoh city Council</span></p> </div> <div id="sdfootnote2"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote2anc" name="sdfootnote2sym" style="color:#0000ff">2</a><sup></sup> Le recensement disponible au d&eacute;partement des statistiques de Malaisie rend compte d&rsquo;une population de 65.1% de culture malaise, 26% de culture chinoise et 7.7% de culture indienne.</span></p> </div> <div id="sdfootnote3"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote3anc" name="sdfootnote3sym" style="color:#0000ff">3</a><sup></sup> Universiti Kebangsaan Malaysia, Mission Statement, [ma lecture dans le texte original en anglais et ma traduction].</span></p> </div> <div id="sdfootnote4"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote4anc" name="sdfootnote4sym" style="color:#0000ff">4</a><sup></sup> Discours du sommet Malaisie-Afrique du 18 septembre 2014 &agrave; Kuala Lumpur, propos retranscris par The Malay Mail Online du 18 septembre 2014, [ma lecture dans le texte original en anglais et ma traduction].</span></p> </div> <div id="sdfootnote5"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote5anc" name="sdfootnote5sym" style="color:#0000ff">5</a><sup></sup> Education Ordinance, N&deg;2, 1957&nbsp;:35 [ma lecture dans le texte original en anglais et ma traduction]</span></p> </div> <div id="sdfootnote6"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote6anc" name="sdfootnote6sym" style="color:#0000ff">6</a><sup></sup> 1996 Education Act</span></p> </div> <div id="sdfootnote7"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote7anc" name="sdfootnote7sym" style="color:#0000ff">7</a><sup></sup> Rapport du Comit&eacute; de salut public sur les idiomes, Le 8 pluvi&ocirc;se an II (27 janvier 1794), Bertrand Bar&egrave;re de Vieuzac</span></p> </div> <div id="sdfootnote8"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote8anc" name="sdfootnote8sym" style="color:#0000ff">8</a><sup></sup> Bulletin Mensuel d&#39;Informations de l&#39;Institut National d&#39;&Eacute;tudes D&eacute;mographiques, n&deg;285, d&eacute;cembre 1993</span></p> </div> <div id="sdfootnote9"> <p style="text-align:left"><span style="font-size:10pt"><a class="sdfootnotesym" href="#sdfootnote9anc" name="sdfootnote9sym" style="color:#0000ff">9</a><sup></sup> Par exemple le Conseil de l&rsquo;Europe&nbsp;: Valoriser, mobiliser et d&eacute;velopper les r&eacute;pertoires plurilingues et pluriculturels pour une meilleure int&eacute;gration scolaire (division des politiques linguistiques, Strasbourg, 2010, 29p)&nbsp;; ou encore le CARAP (cadre de r&eacute;f&eacute;rence pour les approches plurielles des langues et des cultures, Centre europ&eacute;en pour les langues vivantes, Graz, 2012, 104p)</span></p> </div>