<h2 style="text-align: justify; margin-top: 16px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:107%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Introduction</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans cette contribution, nous aborderons le devenir des langues en situation de migrations collectives forc&eacute;es, &agrave; partir de trois &eacute;tudes de cas bas&eacute;es sur des observations de terrain. Elles s&rsquo;inscrivent dans le contexte minoritaire europ&eacute;en et portent sur trois micro-communaut&eacute;s&nbsp;: celle des Tabarquins, celle des Croates du Molise et celle des vieux-croyants d&rsquo;Estonie. Ces trois exemples rel&egrave;vent de situations diff&eacute;rentes&nbsp;: sur le plan politique, les minorit&eacute;s et les langues, dont il sera ici question, ne b&eacute;n&eacute;ficient pas du m&ecirc;me statut ni de la m&ecirc;me reconnaissance</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1026" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn1"><span lang="FR" style="color:blue"> [1]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;; sur le plan sociolinguistique, on est en pr&eacute;sence de situations de contact diff&eacute;rentes qui font s&rsquo;enchev&ecirc;trer, dans la d&eacute;marche contrastive qui est la n&ocirc;tre, les mondes roman, slave et finno-ougrien</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1027" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn2"><span lang="FR" style="color:blue"> [2]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">. Les trois exemples pr&eacute;sentent cependant de nombreuses similitudes&nbsp;: sur le plan d&eacute;mographique, chaque communaut&eacute; compte moins de dix mille locuteurs</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1028" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn3"><span lang="FR" style="color:blue"> [3]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;; sur le plan historique, il s&rsquo;agit de migrations anciennes (XVI<sup>e</sup>, XV<sup>e</sup> et XVII<sup>e</sup> si&egrave;cles respectivement)&nbsp;; du point de vue des raisons qui ont motiv&eacute; le d&eacute;placement, on peut parler de migrations forc&eacute;es (pour chercher une vie meilleure, pour fuir l&rsquo;occupation &eacute;trang&egrave;re, ou encore, &eacute;chapper &agrave; l&rsquo;oppression vis-&agrave;-vis de leur pratique religieuse). Enfin, ces trois migrations ont pour caract&eacute;ristique d&rsquo;&ecirc;tre collectives&nbsp;: la travers&eacute;e de la M&eacute;diterran&eacute;e, de l&rsquo;Adriatique ou de la fronti&egrave;re terrestre entre la Russie et la Su&egrave;de, s&rsquo;est faite massivement, de mani&egrave;re relativement organis&eacute;e.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Apr&egrave;s avoir pr&eacute;sent&eacute; les trois situations de migration, et rappel&eacute; la situation sociolinguistique actuelle de chacune des trois communaut&eacute;s, guid&eacute;e par nos observations de terrain, nous porterons notre regard sur les trajectoires des langues qui ont accompagn&eacute; ces migrations, en donnant la parole &agrave; ceux qui les font exister&nbsp;: leurs locuteurs.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align:justify; margin-top:16px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:107%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">1. Trois terrains sociolinguistiques</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sur le plan m&eacute;thodologique, les trois terrains dont il est ici question ont combin&eacute; plusieurs approches. L&rsquo;observation directe (en Sardaigne, dans le Molise et en Estonie orientale), l&rsquo;observation participante, &agrave; travers notamment la participation &agrave; des activit&eacute;s men&eacute;es par des activistes, et les entretiens semi-directifs. Pour ces derniers, nous avons &agrave; chaque fois adapt&eacute; la m&eacute;thode&nbsp;<i>Les langues et vous</i>, &eacute;labor&eacute;e par Jean L&eacute;o L&eacute;onard et Liliane Jagueneau (2013), sous l&rsquo;inspiration de l&rsquo;&eacute;cole sociologique finlandaise de J.P. Roos, en pr&eacute;voyant de nous entretenir avec les activistes de diff&eacute;rents milieux (chercheurs, enseignants, travailleurs culturels et associatifs). La m&eacute;thode&nbsp;<i>Les langues et vous</i> est organis&eacute;e autour de six p&ocirc;les d&rsquo;activit&eacute;s&nbsp;: a) pratiques et usages de la langue minoritaire, b) motivations et modes d&rsquo;action, c) compl&eacute;mentarit&eacute; des actions d&rsquo;am&eacute;nagement linguistique, d) motivations et projections, e) &eacute;v&eacute;nements marquants de l&rsquo;activit&eacute; en faveur de la revitalisation, et f) centres d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t autour de la langue minoritaire. Les questions ont &eacute;t&eacute; pr&eacute;par&eacute;es et traduites en italien, croate et russe, mais chaque terrain nous a amen&eacute;e bien plus loin que ce que pr&eacute;voyait notre projet au d&eacute;part, et nous sommes revenue</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1029" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"> <a href="#_ftn4"><span lang="FR" style="color:blue">[4]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> avec des donn&eacute;es bien plus riches que ce qui &eacute;tait envisag&eacute; initialement.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le s&eacute;jour de terrain au sein de la communaut&eacute; tabarquine a eu lieu en mai 2014. Nous sommes revenue de San Pietro avec cinq entretiens film&eacute;s avec les activistes (syst&egrave;me &eacute;ducatif, monde culturel et associatif), des enregistrements des conversations spontan&eacute;es et des activit&eacute;s de classe &ndash; d&rsquo;une dur&eacute;e totale de cinq heures environ &ndash;, et un corpus de documents p&eacute;dagogiques et de produits m&eacute;diatiques (notamment le journal local, Quaderni tabarchini).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Deux ans plus tard, en avril 2016, nous sommes retourn&eacute;e en Italie m&eacute;ridionale, dans le Molise, pour r&eacute;aliser un terrain au sein de la communaut&eacute; croate. Notre motivation &eacute;tait aussi bien personnelle &ndash; d&eacute;couvrir une vari&eacute;t&eacute; archa&iuml;que proche de notre langue maternelle, dont l&rsquo;usage a perdur&eacute; durant plusieurs si&egrave;cles dans un contexte h&eacute;t&eacute;roglotte, que scientifique &ndash; comprendre les conditions de r&eacute;sistance et les raisons de la mobilisation de la soci&eacute;t&eacute; civile locale, dans le domaine de l&rsquo;enseignement, de la culture ou encore, dans la sph&egrave;re &eacute;ditoriale. Nous avons s&eacute;journ&eacute; dans trois communes peupl&eacute;es par les Croates&nbsp;: Acquaviva Collecroce, San Felice et Montemitro. La collecte avoisine, l&agrave; aussi, cinq heures d&rsquo;entretiens film&eacute;s avec les activistes (chercheurs, enseignants, &eacute;crivains&hellip;), compl&eacute;t&eacute;e par un corpus compos&eacute; d&rsquo;&eacute;crits en vari&eacute;t&eacute; croate locale (romans, journaux).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Deux ans plus tard encore, en avril 2018, nous avons r&eacute;alis&eacute; le troisi&egrave;me terrain dont il sera ici question. Nous souhaitions r&eacute;fl&eacute;chir aux conditions d&rsquo;int&eacute;gration interculturelle et transfrontali&egrave;re dans le contexte europ&eacute;en, sur un exemple pr&eacute;cis&nbsp;: la population des vieux-croyants d&rsquo;Estonie orientale. Nos objectifs &eacute;taient en partie linguistiques &ndash; pratiques langagi&egrave;res et discours sur ces pratiques, r&eacute;pertoires sociolinguistiques et r&eacute;partition des usages dans le champ s&eacute;culaire et les pratiques religieuses &ndash;, mais ils se sont consid&eacute;rablement enrichis gr&acirc;ce &agrave; la collecte r&eacute;alis&eacute;e sur place&nbsp;: environ six heures d&rsquo;entretiens avec les activistes, principalement issus du monde culturel et de celui de la recherche.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Sur les trois terrains, nous avons constat&eacute; que les communaut&eacute;s en question &eacute;taient moins menac&eacute;es par l&rsquo;assimilation que ce que l&rsquo;on pourrait croire, compte tenu de l&rsquo;anciennet&eacute; de leur implantation et de la faiblesse de leur poids d&eacute;mographique. La communaut&eacute; croate est celle qui se trouve le plus en difficult&eacute;. Sa langue est d&eacute;j&agrave; bien avanc&eacute;e sur le plan de la substitution linguistique, menac&eacute;e aussi bien par l&rsquo;italien standard que par le dialecte molisain. A cela s&rsquo;ajoutent les effets d&rsquo;une politique linguistique qui promeut le croate standard &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, au d&eacute;triment de la vari&eacute;t&eacute; dialectale locale. Face &agrave; cela, les efforts des activistes, aussi louables soient-ils, parviennent difficilement &agrave; ralentir le rouleau compresseur de l&rsquo;assimilation. Le tabarquin, vari&eacute;t&eacute; du ligure g&eacute;nois, r&eacute;siste beaucoup mieux, prot&eacute;g&eacute; par l&rsquo;insularit&eacute; de son habitat. La langue est tr&egrave;s vivante et tr&egrave;s parl&eacute;e, au point que l&rsquo;on ne devrait m&ecirc;me pas consid&eacute;rer que les efforts des activistes visent une revitalisation des pratiques&nbsp;; il s&rsquo;agit davantage d&rsquo;une consolidation et d&rsquo;une l&eacute;gitimation symbolique, tant la langue est encore pr&eacute;sente dans la sph&egrave;re priv&eacute;e et int&eacute;gr&eacute;e au r&eacute;pertoire sociolinguistique des habitats de San Pietro et de Sant&rsquo;Antioco. La situation du russe en Estonie est encore plus solide. S&rsquo;agissant d&rsquo;une grande langue internationale, sa minoration n&rsquo;est pas &agrave; l&rsquo;ordre du jour. Nous sommes ici en pr&eacute;sence d&rsquo;une situation paradoxale o&ugrave; la langue principale du pays &ndash; en l&rsquo;occurrence, l&rsquo;estonien &ndash;, langue de la majorit&eacute;, p&egrave;se bien moins sur le march&eacute; linguistique international que la langue de la minorit&eacute; &ndash; le russe. Entre la n&eacute;cessit&eacute; de ma&icirc;triser l&rsquo;estonien pour pouvoir s&rsquo;int&eacute;grer pleinement dans la soci&eacute;t&eacute; estonienne, et la volont&eacute; de conserver le russe, y compris les sp&eacute;cificit&eacute;s propres &agrave; la communaut&eacute; des vieux-croyants, la population n&rsquo;a pas d&rsquo;autre choix que d&rsquo;&ecirc;tre bilingue, et de pratiquer un bilinguisme plut&ocirc;t additif. Cependant, une ind&eacute;niable assimilation se produit au sein des r&eacute;pertoires langagiers, dans la mesure o&ugrave; le vernaculaire dialectal russe a beaucoup recul&eacute;, et que la connaissance de la vari&eacute;t&eacute; liturgique (le slavon d&rsquo;&eacute;glise) utilis&eacute;e dans le rite par la communaut&eacute;, a &eacute;galement p&eacute;riclit&eacute; au cours des derni&egrave;res d&eacute;cennies.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify; margin-top: 16px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:107%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">2. Trois situations de migration</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Si les migrations dont il est ici question sont anciennes, et se vivent dor&eacute;navant &agrave; travers les souvenirs et la m&eacute;moire, elles ne repr&eacute;sentent pas moins des mod&egrave;les de r&eacute;silience multiples, qui perdurent comme autant de rep&egrave;res culturels et de moments de partage dans l&rsquo;&eacute;criture d&rsquo;une histoire commune avec le reste de la population de chaque pays d&rsquo;accueil.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La notion de migration se laisse d&eacute;finir sans grande difficult&eacute; dans son sens le plus g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;: action de se d&eacute;placer d&rsquo;un lieu vers un autre pour s&rsquo;y &eacute;tablir. Cependant, de nombreux param&egrave;tres de ce processus rentrent en ligne de compte et enrichissent la d&eacute;finition initiale&nbsp;: le lieu de d&eacute;part, le moment, la distance parcourue, la trajectoire ou l&rsquo;itin&eacute;raire, les raisons de ce d&eacute;placement et ses cons&eacute;quences. Si ces diff&eacute;rents crit&egrave;res int&eacute;ressent au premier chef les d&eacute;mographes ou les sociologues</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1030" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn5"><span lang="FR" style="color:blue"> [5]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, ils sont int&eacute;ressants &eacute;galement pour les sociolinguistes que nous sommes. Comment le migrant s&rsquo;inscrit-il dans la langue et la culture d&rsquo;accueil&nbsp;? Quel avenir pour la langue d&rsquo;origine &agrave; moyen et &agrave; long termes&nbsp;? Quelles cons&eacute;quences peut-on observer de la rencontre des deux langues aux niveaux individuel et collectif&nbsp;? Comment se vit cet <em>entre-deux</em> ? Pour tenter de r&eacute;pondre &agrave; certaines de ces questions, nous laisserons la parole aux personnes concern&eacute;es</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1031" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn6"><span lang="FR" style="color:blue"> [6]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, tant il est vrai que, comme le remarquent tr&egrave;s justement C&eacute;cile Canut et Catherine Mazauric&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><q>Une des grandes caract&eacute;ristiques des discours tenus sur le ph&eacute;nom&egrave;ne migratoire, qu&rsquo;ils proviennent des m&eacute;dias ou des instances politiques, r&eacute;side en un effacement et un silence : celui des premiers concern&eacute;s, les migrants eux-m&ecirc;mes, toujours absents des commentaires port&eacute;s sur eux</q><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> (Canut et Mazauric, 2014&nbsp;: 7)</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La migration des Tabarquins est une migration qui s&rsquo;est r&eacute;alis&eacute;e en plusieurs &eacute;pisodes (cf. Gourdin, 2008). Avant de s&rsquo;installer sur les &icirc;les de San Pietro et de Sant&rsquo;Antioco au sud-ouest de la Sardaigne au XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, les Tabarquins ont travers&eacute; la M&eacute;diterran&eacute;e &agrave; plusieurs reprises. Tout a commenc&eacute; en 1544, lorsque des familles enti&egrave;res de p&ecirc;cheurs de corail ont quitt&eacute; la r&eacute;gion de Pegli en Ligurie pour aller s&rsquo;installer sur la minuscule &icirc;le de Tabarka en Tunisie. Ils sont rest&eacute;s deux si&egrave;cles sur cette &icirc;le surpeupl&eacute;e qu&rsquo;&eacute;tait Tabarca &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, avant d&rsquo;entamer une nouvelle travers&eacute;e de la mer, certains vers l&rsquo;Espagne o&ugrave; ils ont fond&eacute; la Nueva Tabarca au large d&rsquo;Alicante, d&rsquo;autres vers la Sardaigne o&ugrave;, en 1736 et en 1769, les villes de Carloforte et de Calasetta ont &eacute;t&eacute; fond&eacute;es. Ils ont connu une derni&egrave;re travers&eacute;e, elle aussi forc&eacute;e, &agrave; la fin du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle, victimes d&rsquo;une attaque des pirates tunisiens qui ont captur&eacute; un grand nombre de personnes pour les amener de nouveau&nbsp;en Tunisie ; ils ont &eacute;t&eacute; lib&eacute;r&eacute;s quelques ann&eacute;es plus tard. Le tabarquin s&rsquo;est &eacute;teint sur les c&ocirc;tes africaines et en Espagne&nbsp;; en revanche, il est toujours bien pr&eacute;sent au sud de la Sardaigne. Ces migrations collectives et plut&ocirc;t massives &ndash; une cinquantaine de bateaux pour le 1er &eacute;pisode, environ 400 personnes pour le 2<sup>e</sup>&nbsp;</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1032" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn7"><span lang="FR" style="color:blue"> [7]</span></a></v:shape></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &ndash; et la vie en communaut&eacute;, ou plut&ocirc;t en situation de promiscuit&eacute; extr&ecirc;me, ont contribu&eacute; &agrave; former ce que l&rsquo;historien Philippe Gourdin appelle </span></span></span></span></span><q>une soci&eacute;t&eacute; tabarquine originale</q><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> (Gourdin, 2008&nbsp;: 307).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Les Croates, eux, ont travers&eacute; la mer Adriatique &agrave; la fin du XV<sup>e</sup> si&egrave;cle pour fuir l&rsquo;avanc&eacute;e ottomane dans les Balkans. Ils ont trouv&eacute; dans le Molise une terre d&rsquo;accueil, dans une r&eacute;gion qui aspirait &agrave; &ecirc;tre repeupl&eacute;e, suite &agrave; des guerres et des calamit&eacute;s naturelles (Rovati et Seri, 2010&nbsp;: 320), dont le tremblement de terre de 1456, et une importante &eacute;pid&eacute;mie de peste. L&rsquo;installation s&rsquo;est faite au d&eacute;part dans plusieurs communes, mais seules les trois mentionn&eacute;es supra &ndash; Acquaviva Collecroce, Montemitro et San Felice &ndash;, r&eacute;sistent encore aujourd&rsquo;hui &agrave; l&rsquo;assimilation. Cette travers&eacute;e est symbolis&eacute;e dans le discours par l&rsquo;expression <i>iz one bane mora</i> (de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; de la mer), qui renvoie &agrave; la Dalmatie m&eacute;ridionale, leur terre d&rsquo;origine. En effet, la mer Adriatique &eacute;tait relativement facile &agrave; traverser, et les contacts entre les deux rives &eacute;taient fr&eacute;quents. D&rsquo;autres populations minoritaires ont emprunt&eacute; le m&ecirc;me chemin de l&rsquo;exil, comme, par exemple, les Albanais, dont la travers&eacute;e guid&eacute;e par Skanderbeg rev&ecirc;t &eacute;galement d&rsquo;un caract&egrave;re massif.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Quant aux vieux-croyants, en tout cas ceux des pays baltes qui nous int&eacute;ressent ici, ils ont travers&eacute; une fronti&egrave;re terrestre. Les vieux-croyants qui vivent aujourd&rsquo;hui en Estonie orientale, essentiellement au bord du lac Pe&iuml;pous, sont les anc&ecirc;tres de ceux qui ont fui la Russie suite aux r&eacute;formes du patriarche Nikon de 1666, qui ont eu pour r&eacute;sultat le schisme au sein de l&rsquo;Eglise orthodoxe russe. Les pers&eacute;cutions dont ils &eacute;taient victimes ont provoqu&eacute; un d&eacute;part massif d&rsquo;un grand nombre de ceux qui souhaitaient rester fid&egrave;les &agrave; la <i>vieille foi</i> et qui rejetaient les r&eacute;formes. Le chemin de l&rsquo;exil a men&eacute; certains d&rsquo;entre eux vers l&rsquo;Estonie, qui &agrave; l&rsquo;&eacute;poque &eacute;tait sous domination su&eacute;doise, et qui &eacute;tait bien plus ouverte et lib&eacute;rale sur les questions religieuses que ne l&rsquo;&eacute;tait la Russie tsariste. Mais en cette p&eacute;riode, l&rsquo;Estonie ne restera pas longtemps su&eacute;doise, et son incorporation dans la Russie va rendre l&rsquo;existence de la communaut&eacute; plus ardue. La p&eacute;riode qui a suivi, jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;&eacute;poque actuelle, est celle d&rsquo;une succession de changements d&rsquo;attitude &agrave; leur &eacute;gard, en fonction des r&eacute;gimes qui s&rsquo;y sont succ&eacute;d&eacute;.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans les trois situations, il s&rsquo;agit bien de migrations forc&eacute;es. Dans le cas des Tabarquins, la migration &eacute;tait surtout &eacute;conomique, provoqu&eacute;e par la recherche des fonds marins plus riches pour la p&ecirc;che de corail&nbsp;; dans une moindre mesure elle &eacute;tait g&eacute;opolitique, notamment lorsqu&rsquo;il s&rsquo;est agi de quitter la Tunisie, o&ugrave; les relations avec les voisins musulmans commen&ccedil;aient &agrave; se compliquer vers la fin du XVIII<sup>e</sup> si&egrave;cle. Dans le cas croate, la migration &eacute;tait motiv&eacute;e par la fuite face aux envahisseurs ottomans qui, une fois install&eacute;s dans les Balkans, cherchaient &agrave; &eacute;tendre leur territoire. Dans le cas des vieux-croyants, il s&rsquo;agissait, l&agrave; aussi, d&rsquo;une fuite, motiv&eacute;e par la recherche d&rsquo;une terre libre afin de pratiquer leur religion selon leur rite de pr&eacute;dilection. M&ecirc;me si nous ne disposons pas de donn&eacute;es statistiques pr&eacute;cises sur le nombre de personnes qui se sont d&eacute;plac&eacute;es, except&eacute; partiellement pour le cas tabarquin, l&rsquo;implantation dans des communes bien circonscrites, et la continuit&eacute; du peuplement jusqu&rsquo;&agrave; nos jours, indiquent qu&rsquo;il s&rsquo;agit bien de migrations collectives.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify; margin-top: 16px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:107%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3. Trois devenirs de langues</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">La troisi&egrave;me et derni&egrave;re section va porter sur la lecture des discours &eacute;pilinguistiques, autrement dit des discours sur la langue, les langues et les pratiques langagi&egrave;res, produits en situation d&rsquo;entretiens semi-dirig&eacute;s. Nous nous attarderons ici, dans un premier temps, sur les parcours langagiers de trois de nos informateurs, choisis sur la base de la richesse de leur t&eacute;moignage. Dans une lecture longitudinale ou individualis&eacute;e, tout est potentiellement important&nbsp;: les moments d&eacute;cisifs de leur biographie langagi&egrave;re, leurs souvenirs, les points de vue qu&rsquo;ils expriment. Nous proposerons ensuite une lecture transversale, donc th&eacute;matique, de l&rsquo;ensemble des entretiens r&eacute;alis&eacute;s sur les trois terrains, &agrave; travers quelques exemples saillants. On sait que l&rsquo;analyse th&eacute;matique consiste &agrave; <q>rep&eacute;rer dans des expressions verbales ou textuelles des th&egrave;mes g&eacute;n&eacute;raux r&eacute;currents qui apparaissent sous divers contenus plus concrets</q> (in Mucchelli, 2009), afin de proposer une lecture compr&eacute;hensive ou un cadre d&rsquo;interpr&eacute;tation du corpus (cf.</span></span>&nbsp;<span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Kaufmann, 2011). Nous nous concentrerons ici sur deux th&egrave;mes en particulier&nbsp;: la migration et la langue, en cherchant &agrave; comprendre quel regard nos informateurs portent sur le pass&eacute;, le pr&eacute;sent et l&rsquo;avenir de leur vari&eacute;t&eacute; linguistique, marqu&eacute;e par une histoire migratoire.</span></span></span></span></span></p> <h3 style="text-align: justify; text-indent: 1cm;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.1. Trajectoires individuelles</span></span></h3> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le premier informateur (d&eacute;sormais TE1</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1033" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn8"><span lang="FR" style="color:blue"> [8]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">), dont nous observerons ici le parcours, est un enseignant &agrave; la retraite, g&eacute;ologue de profession, tr&egrave;s actif dans le milieu culturel, &agrave; l&rsquo;origine de la cr&eacute;ation d&rsquo;une association de protection et de valorisation de l&rsquo;histoire, de la culture, de la tradition et de la langue des Tabarquins, qui porte le nom de Saphyrina. Nous l&rsquo;avons interview&eacute; le 5 mai 2014.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Son histoire est celle d&rsquo;un enfant du pays. Il est n&eacute;, a grandi et a fait toute sa carri&egrave;re professionnelle sur l&rsquo;&icirc;le. Le seul moment o&ugrave; il s&rsquo;est absent&eacute; de San Pietro, c&rsquo;&eacute;tait durant ses &eacute;tudes universitaires, &agrave; Cagliari. L&rsquo;&icirc;le a toujours &eacute;t&eacute; sa passion, et avec le temps, sa langue l&rsquo;est devenue aussi. Le travail sur le tabarquin a commenc&eacute; lorsque la population locale, gr&acirc;ce &agrave; un projet municipal, a fait venir un linguiste, sp&eacute;cialiste du ligure&nbsp;: Fiorenzo Toso. A l&rsquo;aide de ce linguiste, la vari&eacute;t&eacute; tabarquine (gallo-italique) a &eacute;t&eacute; codifi&eacute;e &agrave; cette occasion, les r&egrave;gles orthographiques, ainsi que la grammaire du tabarquin, ont &eacute;t&eacute; &eacute;crites, le travail sur le dictionnaire a &eacute;t&eacute; initi&eacute;, de mani&egrave;re collaborative, gr&acirc;ce aux efforts communs du linguiste et des locuteurs traditionnels. Ce travail a permis une v&eacute;ritable valorisation de la langue. Sur le plan personnel, pour TE1, le tabarquin a toujours &eacute;t&eacute; la langue de la famille, m&ecirc;me si son &eacute;pouse n&rsquo;est pas de Carloforte, et est plut&ocirc;t de culture sarde. Mais la transmission familiale a &eacute;t&eacute; un imp&eacute;ratif pour lui. Sa fille parle la langue tabarquine, et souhaite que son tr&egrave;s jeune fils l&rsquo;apprenne aussi. L&rsquo;entretien</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1034" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"> <a href="#_ftn9"><span lang="FR" style="color:blue">[9]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> a &eacute;t&eacute; l&rsquo;occasion pour lui de se souvenir de sa fille, enfant, qui, d&egrave;s qu&rsquo;elle sonnait &agrave; la porte de sa grand-m&egrave;re, changeait de langue, et passait au tabarquin. Par rapport &agrave; la situation sociolinguistique actuelle de la langue, il est conscient du caract&egrave;re exceptionnel de la vitalit&eacute; dont celle-ci jouit&nbsp;encore aujourd&rsquo;hui : &laquo; </span></span></span></span></span><em>nous en avons eu de la chance</em> <span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&raquo;, les gens &agrave; Carloforte ont &laquo;&nbsp;</span></span></span></span></span><em>une estime d&rsquo;eux-m&ecirc;mes</em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;&raquo;, et sont fiers de leur histoire, nous dira-t-il. Cette histoire, marqu&eacute;e par la migration, il la connait, tous les Tabarquins la connaissent, et c&rsquo;est cette m&eacute;moire collective qui, selon lui, explique en partie la fiert&eacute; ressentie par la population. Les Carlofortins sont&nbsp;&laquo; </span></span></span></span></span><em>tr&egrave;s attach&eacute;s &agrave; leur terre</em> &raquo;<span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, leur &icirc;le, leur histoire et leur mode de vie, au point de r&eacute;sister non seulement &agrave; l&rsquo;italien mais &eacute;galement au sarde. TE1 reconnait lui-m&ecirc;me ne pas parler cette langue, au-del&agrave; de quelques phrases idiomatiques. A l&rsquo;&eacute;chelle diglossique, le tabarquin &agrave; San Pietro domine donc le sarde, principale langue minoritaire de la Sardaigne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;histoire de TE1 est donc celle d&rsquo;un locuteur actif qui participe corps et &acirc;me &agrave; la vie de sa communaut&eacute;. Ses comp&eacute;tences linguistiques, &agrave; l&rsquo;oral et &agrave; l&rsquo;&eacute;crit, ses connaissances historiques, mais aussi son ancrage et son attachement profond &agrave; tout ce que repr&eacute;sente et &agrave; tout ce qui caract&eacute;rise l&rsquo;&icirc;le, de la gastronomie &agrave; la g&eacute;ologie, de la culture &agrave; la botanique, font de lui un personnage central, aussi bien pour le travail de m&eacute;moire qu&rsquo;il m&egrave;ne qu&rsquo;en raison de son activit&eacute; polyvalente.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le deuxi&egrave;me informateur (d&eacute;sormais CE1</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1035" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftn10"><span lang="FR" style="color:blue"> [10]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">), dont le parcours nous int&eacute;ressera dans le cadre de cette contribution, est un employ&eacute; municipal du village italo-croate d&rsquo;Acquaviva Collecroce, situ&eacute; dans le Molise. Juriste de profession, traducteur, il s&rsquo;est r&eacute;v&eacute;l&eacute; &ecirc;tre &eacute;galement un &eacute;crivain talentueux, auteur de po&eacute;sies, de r&eacute;cits et de romans en croate molisain, ou en na-na&scaron;u, comme les locuteurs aiment nommer leur vari&eacute;t&eacute; linguistique. Nous l&rsquo;avons interview&eacute; le 2 avril 2016.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">CE1 est n&eacute; dans l&rsquo;arri&egrave;re-pays de Termoli, dans cet &icirc;lot croate qu&rsquo;est Acquaviva Collecroce, qu&rsquo;il conna&icirc;t si bien et qu&rsquo;il affectionne au point d&rsquo;&eacute;crire des po&eacute;sies pour chacune des six fontaines du village, qui figurent, sous forme bilingue, sur les panneaux qui les pr&eacute;sentent au visiteur. L&rsquo;essentiel de sa vie, il l&rsquo;a pass&eacute; dans sa r&eacute;gion natale. Quand il a eu l&rsquo;&acirc;ge d&rsquo;&ecirc;tre scolaris&eacute;, il parlait seulement le na-na&scaron;u et quelques mots dans les dialectes molisains des environs&nbsp;; pourtant, nous dira-t-il, &laquo; </span></span></span></span></span><em>j&rsquo;ai m&ecirc;me r&eacute;ussi &agrave; faire des &eacute;tudes sup&eacute;rieures</em> &raquo;<span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, autrement dit, son enfance en croate n&rsquo;a pas entrav&eacute; sa scolarit&eacute; en italien. Ses contacts avec le pays de r&eacute;f&eacute;rence, la Croatie, ont &eacute;t&eacute; plut&ocirc;t rares. Il a pass&eacute; tout au plus quelques semaines &agrave; Dubrovnik, ou &agrave; Zagreb, o&ugrave; il a suivi un cours de langue croate, quand il &eacute;tait jeune. En parlant de son enfance, CE1 consid&egrave;re que le fait ne pas avoir &eacute;t&eacute; oblig&eacute; d&rsquo;aller &agrave; l&rsquo;&eacute;cole maternelle repr&eacute;sente une chance&nbsp;: c&rsquo;est sa grand-m&egrave;re qui l&rsquo;a gard&eacute; au domicile familial, et qui l&rsquo;a en partie &eacute;lev&eacute;. L&rsquo;entretien a &eacute;t&eacute; pour nous surtout l&rsquo;occasion d&rsquo;interroger CE1 sur son travail d&rsquo;&eacute;crivain. &laquo;</span></span></span></span></span>&nbsp;<em>La culture ne paie pas</em>&nbsp;<span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&raquo;, nous dira-t-il, on d&eacute;veloppe cette activit&eacute; parce qu&rsquo;on a envie d&rsquo;apprendre et d&rsquo;enseigner aux autres ce que l&rsquo;on sait. Ce travail r&eacute;dactionnel n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; simple pour quelqu&rsquo;un qui savait parler la langue, mais &agrave; qui on n&rsquo;a jamais enseign&eacute; comment l&rsquo;&eacute;crire&nbsp;; c&rsquo;&eacute;tait une sorte de &laquo; </span></span></span></span></span>d&eacute;fi lanc&eacute; &agrave; soi-m&ecirc;me <span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&raquo;, pour voir s&rsquo;il &eacute;tait capable, apr&egrave;s les po&egrave;mes et les r&eacute;cits, d&rsquo;&eacute;crire des formes plus longues. Dans ses romans, il raconte l&rsquo;histoire de son pays, de sa r&eacute;gion, en la situant dans des contextes historiques pr&eacute;cis &agrave; travers le pass&eacute;&nbsp;: </span></span></span></span></span><q>le monde que je d&eacute;cris l&agrave; est un monde qui n&rsquo;existe plus</q><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">. Sur le plan personnel, l&rsquo;&eacute;toile qui l&rsquo;a guid&eacute; dans ce travail, c&rsquo;&eacute;tait l&rsquo;image de sa grand-m&egrave;re, qui, l&rsquo;hiver, devant le feu, lui racontait des histoires&hellip;</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;histoire de CE1 est celle d&rsquo;un locuteur qui avait &agrave; c&oelig;ur &agrave; prouver que sa langue n&rsquo;&eacute;tait pas une langue pauvre, mais qu&rsquo;elle &eacute;tait aussi riche que n&rsquo;importe quelle autre langue, digne d&rsquo;&ecirc;tre dot&eacute;e d&rsquo;une litt&eacute;rature. En tant qu&rsquo;amateur de la culture populaire, il a mis toute sa volont&eacute; dans ce travail, qu&rsquo;il voit comme un t&eacute;moignage &agrave; laisser sur les Croates molisains, que les g&eacute;n&eacute;rations futures liront, tout comme on lit encore aujourd&rsquo;hui la pr&eacute;cieuse et tr&egrave;s d&eacute;taill&eacute;e monographie de Milan Re&scaron;etar de 1911 sur ce que cet auteur appelait les </span></span></span></span></span><q>colonies serbo-croates de l&rsquo;Italie du sud</q><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Le troisi&egrave;me informateur (VCE1</span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1036" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"> <a href="#_ftn11"><span lang="FR" style="color:blue">[11]</span></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">) est un artiste, graveur de formation, qui met ses comp&eacute;tences artistiques au service de la communaut&eacute;, en r&eacute;alisant des ic&ocirc;nes sur bois, et des dessins satiriques, appel&eacute;s <i>loubok</i>. Mais il est bien plus que cela. Se trouvant &agrave; la t&ecirc;te de la Soci&eacute;t&eacute; de la culture et du d&eacute;veloppement des vieux-croyants d&rsquo;Estonie, il a &eacute;galement entrepris un important travail d&rsquo;&eacute;dition, qui se pr&eacute;sente, d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave;, comme une v&eacute;ritable encyclop&eacute;die de la culture mat&eacute;rielle de cette communaut&eacute;. Nous l&rsquo;avons interview&eacute; le 20 avril 2018.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">VCE1 appartient, tout comme sa famille, &agrave; la communaut&eacute; des vieux-croyants d&rsquo;Estonie orientale. Il vit et travaille &agrave; Tartu. Son travail sur la valorisation de la culture et de la tradition des vieux-croyants s&rsquo;est intensifi&eacute; dans les ann&eacute;es 1990 lorsqu&rsquo;il a pris la t&ecirc;te de l&rsquo;association des communes habit&eacute;es par les vieux-croyants d&rsquo;Estonie, avec un triple objectif&nbsp;&agrave; r&eacute;aliser&nbsp;: &laquo; </span></span></span></span></span><em>collecter, sauvegarder, transmettre </em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&raquo; . Lors de l&rsquo;entretien, il a beaucoup insist&eacute; sur le fait que ce travail &eacute;tait bas&eacute; sur le volontariat&nbsp;; quiconque souhaite le mener, le fait &laquo;&nbsp;</span></span></span></span></span><em>pour le plaisir de son &acirc;me</em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;&raquo;. Le regard qu&rsquo;il porte sur sa communaut&eacute; et son avenir est un regard lucide. Une personne peut pr&eacute;tendre appartenir &agrave; cette communaut&eacute;, sans jamais fr&eacute;quenter l&rsquo;&eacute;glise, il s&rsquo;agit pour lui d&rsquo;une &laquo; </span></span></span></span></span><em>sub-ethnie ethno-socio-confessionnelle russe</em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo;. Pourtant le facteur religieux est un facteur important dans la d&eacute;finition de l&rsquo;identit&eacute; communautaire, m&ecirc;me si la pratique s&rsquo;estompe de plus en plus. CVE1 a v&eacute;cu toute sa vie en Estonie, sovi&eacute;tique d&rsquo;abord, ind&eacute;pendante ensuite. Il n&rsquo;aime pas le mot <i>int&eacute;gration</i>, car il prend le plus souvent, selon lui, la forme de l&rsquo;assimilation. L&rsquo;int&eacute;gration pour lui doit &ecirc;tre un&nbsp;&laquo; </span></span></span></span></span><em>processus bidirectionnel</em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo;, des Estoniens vers les russophones et vice-versa. Concernant la connaissance de la langue par laquelle passe la vieille-foi &ndash; le slavon d&rsquo;&eacute;glise &ndash; elle ne va pas de soi, m&ecirc;me si elle est au fondement m&ecirc;me de la religion des vieux-croyants. Pour cela, VCE1 a entrepris l&rsquo;organisation de colonies de vacances, qui se d&eacute;roulent l&rsquo;&eacute;t&eacute;, au bord du lac Pe&iuml;pous, o&ugrave; diff&eacute;rents cours et ateliers sont propos&eacute;s aux enfants int&eacute;ress&eacute;s&nbsp;: apprentissage du slavon d&rsquo;&eacute;glise, atelier de calligraphie, mais aussi instruction religieuse. Son projet est de fonder &agrave; Tartu un mus&eacute;e qui fonctionnerait comme un centre de documentation et de recherche.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;histoire de CVE1 est celle d&rsquo;un activiste qui souhaite transmettre les &eacute;l&eacute;ments de sa culture aux autres&nbsp;: aux chercheurs qui viennent l&rsquo;interroger sur les particularit&eacute;s de cette communaut&eacute;, mais aussi aux enfants, &agrave; qui il transmet les &eacute;l&eacute;ments de la culture mat&eacute;rielle, &agrave; travers les cours qu&rsquo;il propose, ainsi que les formations et les ateliers qu&rsquo;il organise.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Dans les trois cas, ces personnalit&eacute;s sont non seulement des protagonistes du d&eacute;veloppement culturel dans leur r&eacute;gion, par leur sens de l&rsquo;initiative et de l&rsquo;organisation, mais aussi des cr&eacute;ateurs, qui ont &eacute;labor&eacute; une vision profonde et, d&rsquo;une certaine fa&ccedil;on, ambitieuse, tout en restant pragmatiques et r&eacute;alistes, pour le devenir de leur langue et de leur communaut&eacute;. On voit comment sont li&eacute;es dans leur approche aussi bien une &eacute;rudition issue de leur formation universitaire (TE1) ou de la tradition orale (CE1), ou encore, d&rsquo;une pratique socioculturelle comme la religion (CVE1), qu&rsquo;une vision de l&rsquo;avenir pour la langue et la culture qu&rsquo;ils valorisent.</span></span></span></span></span></p> <h3 style="text-align: justify; text-indent: 1cm;"><span style="font-size:12pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">3.2. Trajectoires collectives</span></span></h3> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Nous avons &eacute;crit plus haut que l&rsquo;analyse longitudinale servait &eacute;galement &agrave; rep&eacute;rer les th&egrave;mes repr&eacute;sentatifs &eacute;mergeant du discours des enqu&ecirc;t&eacute;s. Deux th&egrave;mes ont travers&eacute; ces entretiens, mais &eacute;galement l&rsquo;ensemble des entretiens&nbsp;r&eacute;alis&eacute;s sur les trois terrains&nbsp;: la migration et la langue.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;id&eacute;e que la communaut&eacute; partage une histoire singuli&egrave;re, marqu&eacute;e par un ph&eacute;nom&egrave;ne migratoire ancien, est pratiquement le point d&rsquo;entr&eacute;e de chaque entretien. Nombreux sont les informateurs qui ont commenc&eacute; leur r&eacute;cit avec l&rsquo;histoire de leur communaut&eacute;&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span></span></span><em>Il y a un autre aspect tr&egrave;s important. Ici, &agrave; Carloforte, on a une certaine estime de soi, et c&rsquo;est important. Cette estime de soi provient du fait que &ndash; je ne sais pas, vous avez certainement lu un peu d&rsquo;histoire &ndash; [vous savez] comment est n&eacute; Carloforte. Autour de 1540, un certain nombre de familles de Pegli a d&eacute;m&eacute;nag&eacute; &agrave; Tabarka&hellip;</em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo; (TE1, 05/05/2014).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span></span></span><em>La population fuyait car les Turcs &eacute;taient en train d&rsquo;occuper la p&eacute;ninsule balkanique jusqu&rsquo;&agrave; &agrave; arriver aux portes de Vienne. Ces gens fuyaient, c&rsquo;&eacute;tait des r&eacute;fugi&eacute;s de guerre, ni plus ni moins [&hellip;].&nbsp;Certains [&hellip;] ont embarqu&eacute; sur des bateaux.</em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> &raquo; (CE1, 02/04/2016).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&laquo; </span></span></span></span></span><em>En effet, le &quot;raskol&quot; a eu lieu en 1652 lorsque les r&eacute;formes de Nikon ont commenc&eacute;. En r&eacute;alit&eacute;, il n&rsquo;a rien voulu faire de mal. [&hellip;] Nikon voulait seulement que toutes les &eacute;glises orthodoxes soient &eacute;gales, que les Russes parlent tous la m&ecirc;me langue, et que tous les livres religieux soient &eacute;crits de la m&ecirc;me fa&ccedil;on. [&hellip;] Il voulait unifier toutes les &eacute;glises orthodoxes. Cependant, il y avait un groupe de personnes qui ne voulait pas de cela. [&hellip;] Ils n&rsquo;avaient plus d&rsquo;autre solution que de partir</em>.<span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;&raquo; (VCE2, 18/04/2018).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">L&rsquo;histoire de chaque communaut&eacute; est le plus souvent pr&eacute;sent&eacute;e depuis <i>le d&eacute;but</i>, depuis l&rsquo;installation sur le territoire qu&rsquo;elle occupe aujourd&rsquo;hui. Une fois racont&eacute;es les moments saillants de l&rsquo;histoire, on passe &agrave; la phase suivante, qui consiste &agrave; expliquer la continuit&eacute; des pratiques langagi&egrave;res, en faisant valoir, pour le tabarquin et le croate, le paradoxe de la r&eacute;tention &ndash; r&eacute;silience plus forte du dialecte gallo-italique &agrave; San Pietro qu&rsquo;&agrave; Pegli en Ligurie, effet de miroir du croate molisain sur l&rsquo;&eacute;tat ancien du serbo-croate. En revanche, chez les vieux-croyants, ce sont surtout certaines composantes de la langue minoritaire qui se perdent (la vari&eacute;t&eacute; vernaculaire ainsi que la pratique du slavon d&rsquo;&eacute;glise), tout en se r&eacute;servant une marge de r&eacute;silience&nbsp;:</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&laquo; <em>[Le tabarquin] est plus vivant ici qu&rsquo;&agrave; Pegli, &eacute;videmment, si bien qu&rsquo;ils aimeraient, pour cette raison, en effet, avoir des rapports plus &eacute;troits avec nous, justement pour r&eacute;cup&eacute;rer la capacit&eacute; de l&rsquo;utiliser, pour comprendre peut-&ecirc;tre comment la langue s&rsquo;est maintenue ici.</em><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&nbsp;</span></span></span></span></span>&raquo;<span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> (TE2, 07/05/2014).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&laquo; <em>Je lis en croate, m&ecirc;me si je ne comprends pas tout, je ne connais pas le lexique, la terminologie [&hellip;]. Je parle une langue cristallis&eacute;e, d&rsquo;il y a 500 ans, qui a &eacute;t&eacute; ensuite un dialecte croate. [&hellip;] Elle leur [aux Croates] sert plus pour comprendre comment ils &eacute;taient qu&rsquo;&agrave; nous pour comprendre ce qu&rsquo;ils sont devenus.</em> &raquo;<span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> (CE1, 02/04/2016).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&laquo; <em>Le slavon d&rsquo;&eacute;glise est enseign&eacute;, tous les vendredis, de la 1&egrave;re &agrave; la 6&egrave;me classe. [&hellip;] Il y a une jeune femme ici que je connais bien, elle est en 7&egrave;me classe, et elle le lit tr&egrave;s bien, et y met du c&oelig;ur. [&hellip;] [Les enfants] comprennent que c&rsquo;est li&eacute; &agrave; notre religion et que nous devons le faire.</em> &raquo;<span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> (VCE3, 22/04/2018).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Ce qui transcende les six exemples pr&eacute;c&eacute;dents et de nombreux autres discours collect&eacute;s par la m&ecirc;me occasion, mais que, faute de place, nous ne citerons pas ici, c&rsquo;est le sentiment que la r&eacute;sistance de la communaut&eacute; et de ses usages linguistiques a quelque chose d&rsquo;exceptionnel. M&ecirc;me si l&rsquo;attrition linguistique est d&eacute;j&agrave; avanc&eacute;e dans le Molise, bien plus qu&rsquo;&agrave; San Pietro, et que la connaissance du slavon d&rsquo;&eacute;glise est bien moins partag&eacute;e au sein de la communaut&eacute; que par le pass&eacute;, le simple fait que les trois communaut&eacute;s sont encore l&agrave;, qu&rsquo;elles ne se sont pas assimil&eacute;es, et r&eacute;sistent &agrave; la pression environnementale, m&eacute;rite d&eacute;j&agrave; en soi notre attention : la longue dur&eacute;e est ici vue comme un &eacute;l&eacute;ment qui incite &agrave; l&rsquo;optimisme. Les diff&eacute;rents discours entendus sur le terrain illustrent la m&ecirc;me volont&eacute; de valoriser le patrimoine culturel immat&eacute;riel repr&eacute;sent&eacute; par l&rsquo;histoire migratoire et le devenir de langues dans une perspective de mise en valeur de la communaut&eacute; elle-m&ecirc;me.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify; margin-top: 16px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:107%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Conclusion&nbsp;: quels enseignements pour les jeunes chercheurs&nbsp;?</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">A la fin de ce parcours, il nous appara&icirc;t clairement que ces diff&eacute;rents ph&eacute;nom&egrave;nes qui nous ont int&eacute;ress&eacute;e ces derni&egrave;res ann&eacute;es ne peuvent qu&rsquo;interpeler les sp&eacute;cialistes, et en particulier des jeunes chercheurs, qui travaillent dans d&rsquo;autres r&eacute;gions du monde, o&ugrave; se produisent des ph&eacute;nom&egrave;nes similaires. Les le&ccedil;ons de ces trois terrains sont nombreuses. Premi&egrave;rement, nous voyons combien des micro-communaut&eacute;s issues de vagues migratoires massives, ici datant de plusieurs si&egrave;cles, peuvent s&rsquo;av&eacute;rer r&eacute;silientes, m&ecirc;me si une partie de leur <i>h&eacute;ritage</i> immat&eacute;riel s&rsquo;effrite, sous la pression de la modernit&eacute;. Il ne reste pas rien de la langue <i>ancestrale</i>, loin de l&agrave;&nbsp;: soit la langue continue de remplir une fonction sociale quotidienne forte, soit ce n&rsquo;est que le r&eacute;pertoire qui voit certaines de ses composantes affaiblies. Deuxi&egrave;mement, ce ne sont pas que les soci&eacute;t&eacute;s qui fondent ou maintiennent les langues, mais aussi des individus, par leur protagonisme et par leur vision du devenir de leur langue et culture. Troisi&egrave;mement, il serait erron&eacute; de penser qu&rsquo;on ne collectera jamais assez de t&eacute;moignages, ou que toute situation est relative et se pr&ecirc;te invariablement &agrave; un trop grand nombre d&rsquo;interpr&eacute;tations possibles : en comparant des situations aussi pr&eacute;cises que les trois &eacute;tudes de cas retenues ici, on voit rapidement se d&eacute;gager en ligne claire les contours &agrave; la fois d&rsquo;une continuit&eacute; et d&rsquo;une r&eacute;silience historique des complexes culturels, mais aussi d&rsquo;un style identitaire, qui peut d&rsquo;ailleurs s&rsquo;av&eacute;rer bien plus inclusif, ouvert et pluraliste, que ce que le relativisme contemporain est pr&ecirc;t &agrave; accepter. Il faut donc &eacute;couter les personnes, croiser les t&eacute;moignages, et chercher comment le sens est construit dans leur microcosme culturel, en relation avec le macrocosme du monde globalis&eacute;. On est loin ici du repli identitaire, de l&rsquo;irr&eacute;dentisme ou de la ghetto&iuml;sation, dans une dynamique de temps long &ndash; quatri&egrave;me et derni&egrave;re le&ccedil;on de ce triangle des identit&eacute;s migrantes au sein de l&rsquo;Union Europ&eacute;enne.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <h2 style="text-align: justify; margin-top: 16px;"><span style="font-size:14pt"><span style="line-height:107%"><span style="break-after:avoid"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Bibliographie</span></span></span></span></h2> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">C</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">anut, C&eacute;cile et <span style="font-variant:small-caps">M</span>azauric, Catherine, (2014), &laquo;&nbsp;Mise en r&eacute;cits et en images des migrations&nbsp;&raquo;, in C&eacute;cile Canut et Catherine Mazauric (dir.), <i>La migration prise aux mots</i>. <i>Mise en r&eacute;cit et en images des migrations transafricaines</i>, Paris, Le Cavalier Bleu, p. 7-13.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">C</span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">apriata, Nicolo, (2005), &quot;Pr&eacute;sentazione&quot;, in Fiorenzo <span style="font-variant:small-caps">Toso</span>, <i>Grammatica del tabarchino</i>, Genova, Le Mani, p. 5-28.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">D</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">omenach, Herv&eacute; et <span style="font-variant:small-caps">P</span>icouet, Michel, (1995), <i>Les migrations</i>, Paris, PUF.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">G</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ourdin, Philippe, (2008), <i>Tabarka. Histoire et arch&eacute;ologie d&rsquo;un pr&eacute;side espagnol et d&rsquo;un comptoir g&eacute;nois en terre africaine (XVe- XVIIIe si&egrave;cle),</i> Rome, &Eacute;cole fran&ccedil;aise de Rome. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">G</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">reni&eacute;, Paulette &amp; Claude, (2010), <i>Les Tabarquins esclaves du corail (1741-1769)</i>, Paris, Les Indes Savantes. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Kaufmann, Jean-Claude, (2011), <i>L&rsquo;enqu&ecirc;te et ses m&eacute;thodes : l&rsquo;entretien compr&eacute;hensif</i>, Paris, Armand Colin.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">L</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">&eacute;onard, Jean L&eacute;o et <span style="font-variant:small-caps">J</span>agueneau, Lilianne, (2013), &laquo;&nbsp;Disparition, apparition et r&eacute;apparition des langues d&rsquo;o&iuml;l&nbsp;: de l&rsquo;invisibilisation au nouveau regard&nbsp;&raquo;, in <i>Bulletin de la Soci&eacute;t&eacute; de Linguistique de Paris</i>, n&deg;108/1, p. 283-343.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">M</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">azzella, Sylvie, (2015), <i>Sociologie des migrations</i>, Paris, Puf.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">M</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ucchelli, Alex, (2009), <i>Dictionnaire des m&eacute;thodes qualitatives en sciences humaines</i>, Paris, Armand Colin.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">R</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">e&scaron;etar, Milan, (1911), <i>Die Serbokroatischen Kolonien S&uuml;ditaliens</i>, Schriften der Balkankommission, <i>Linguistische Abteilung</i>, IX, Wien. Cf. </span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><a href="http://www.uni-konstanz.de/FuF/Philo/Sprachwiss/slavistik/acqua/Resetar_Libro_completo1.pdf"><span lang="FR" style="color:blue">http://www.uni-konstanz.de/FuF/Philo/Sprachwiss/slavistik/acqua/Resetar_Libro_completo1.pdf</span></a></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, version &eacute;lectronique coordonn&eacute;e par Walter Breu en 2001.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="font-variant:small-caps">R</span></span></span><span lang="FR" style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">ovati, Paolo &amp; <span style="font-variant:small-caps">S</span>eri, Elisa, (2010), &quot;Le minoranze storiche albanesi e croate in Molise: tra estinzione e tutela&quot;, in L. Viganoni (dir.), <i>A Pasquale Coppola. </i></span></span><i><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">Raccolta di scritti</span></span></i><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times="">, 2 voll., Societ&agrave; Geografica Italiana, Roma, 2010, vol. I, p. 315-328. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <div style="margin-bottom:11px"> <hr align="left" size="1" width="33%" /></div> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1037" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref1"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[1]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Si le tabarquin ne figure pas dans la loi nationale n&deg;486 de 1999 qui porte sur la protection des minorit&eacute;s en Italie, cette langue b&eacute;n&eacute;ficie d&rsquo;une reconnaissance au niveau local (loi r&eacute;gionale n&deg;26/1997). Le croate, lui, est doublement reconnu (loi nationale n&deg;486/1999 et loi r&eacute;gionale n&deg;15/1997). En Estonie, la Constitution de 1992 a officialis&eacute; une seule langue &ndash; l&rsquo;estonien, mais la langue de la minorit&eacute; russe dispose &eacute;galement d&rsquo;un &eacute;ventail de dispositifs juridiques facilitant son int&eacute;gration dans l&rsquo;Estonie ind&eacute;pendante.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1038" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref2"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[2]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Les principales vari&eacute;t&eacute;s en contact sont ici l&rsquo;italien et le tabarquin (langues romanes), le russe et le croate (langues slaves) et l&rsquo;estonien (langue finno-ougrienne).</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1039" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref3"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[3]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Les communes o&ugrave; vivent les Croates totalisent moins de 2000 personnes, celles o&ugrave; sont implant&eacute;s les Tabarquins, moins de 10&nbsp;000. On consid&egrave;re que les vieux-croyants d&rsquo;Estonie ne d&eacute;passent pas 8&nbsp;000 personnes.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1040" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref4"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[4]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Les trois terrains ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s conjointement avec Jean L&eacute;o L&eacute;onard, de Sorbonne Universit&eacute;. Cette collecte de donn&eacute;es n&rsquo;aurait pas &eacute;t&eacute; possible sans son aide et son implication.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1041" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref5"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[5]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Cf. Domenach et Picouet, 1995, pour le regard d&eacute;mographique sur les ph&eacute;nom&egrave;nes migratoires&nbsp;; Mazzella, 2015, pour un point de vue sociologique. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1042" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref6"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[6]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Dans notre cas, certes, pas directement dans la mesure o&ugrave; il s&rsquo;agit de migrations anciennes. Mais celles-ci sont &agrave; ce point int&eacute;gr&eacute;es dans la m&eacute;moire collective de chacune des trois communaut&eacute;s, qu&rsquo;elles occupent une place tr&egrave;s importante dans le discours de la plupart de nos informateurs. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1043" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref7"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[7]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Ces donn&eacute;es proviennent de Gourdin (2008&nbsp;: 171-172), pour la travers&eacute;e de Pegli &agrave; Tabarka, et de Capriata (2005&nbsp;: 11) pour la travers&eacute;e de Tabarka &agrave; San Pietro&nbsp;; pour ce deuxi&egrave;me &eacute;pisode, on parle pr&eacute;cis&eacute;ment de 381 personnes qui ont quitt&eacute; Tabarka, et qui ont &eacute;t&eacute; rejointes par 86 personnes en provenance de la c&ocirc;te ligure. </span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1044" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref8"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[8]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> <i>T</i> pour <i>tabarquin</i>, <i>E</i> pour <i>enqu&ecirc;t&eacute;</i>, <i>1</i> pour son <i>num&eacute;ro</i> d&rsquo;identification.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1045" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref9"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[9]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> Faute de place, nous garderons dans le texte seulement les &eacute;l&eacute;ments de discours traduits en fran&ccedil;ais.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1046" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref10"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[10]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> <i>C</i> pour <i>croate</i>, <i>E</i> pour <i>enqu&ecirc;t&eacute;</i>, <i>1</i> pour son <i>num&eacute;ro</i> d&rsquo;identification.</span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><v:shape alt="Ancla" id="_x0000_i1047" style="width:24pt; height:24pt" type="#_x0000_t75"><a href="#_ftnref11"><sup><span lang="FR" style="font-size:10.0pt"><span style="color:blue">[11]</span></span></sup></a></v:shape></span></span><span style="font-size:10.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> <i>VC</i> pour <i>vieux-croyant</i>, <i>E</i> pour <i>enqu&ecirc;t&eacute;</i>, <i>1</i> pour son <i>num&eacute;ro</i> d&rsquo;identification.</span></span></span></span></span></p>