<p>&shy;Faire d&rsquo;une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; acad&eacute;mique une exp&eacute;rience formatrice inscrite dans un parcours de vie</p> <p>Mots-cl&eacute;s&nbsp;: mobilit&eacute; acad&eacute;mique intra-europ&eacute;enne, pouvoir d&rsquo;agir, approche biographique, r&eacute;flexivit&eacute;, identit&eacute; narrative</p> <p>Le principe de libre circulation au sein de l&rsquo;Union europ&eacute;enne et celui de l&rsquo;interdiction des discriminations fond&eacute;es sur la nationalit&eacute; implique le droit pour tout citoyen europ&eacute;en d&rsquo;&ecirc;tre trait&eacute; sur le territoire d&rsquo;un autre &Eacute;tat membre comme s&rsquo;il n&rsquo;y &eacute;tait pas &eacute;tranger (Chopin, 2008). Ces principes, conjugu&eacute;s &agrave; des situations socio&eacute;conomiques diff&eacute;renci&eacute;es entre les pays membres, favorisent une &eacute;migration importante des pays de l&rsquo;Europe centrale et orientale vers l&rsquo;Europe occidentale. Dans ce contexte, une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; acad&eacute;mique intra-europ&eacute;enne repr&eacute;sente une opportunit&eacute; pour les &eacute;tudiants de &laquo;&nbsp;tester&nbsp;&raquo; et de se former &agrave; une vie &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger. Notre travail de doctorat, qui cherchait &agrave; comprendre le v&eacute;cu d&rsquo;une exp&eacute;rience Erasmus, a montr&eacute; qu&rsquo;elle permet &agrave; ceux qui la vivent de d&eacute;velopper confiance en soi, adaptabilit&eacute;, autonomie ainsi que sa motilit&eacute;[1]. Mais que se passe-t-il lorsque les &eacute;tudiants reviennent&nbsp;&laquo;&nbsp;chez eux&nbsp;&raquo;&nbsp;? Cette exp&eacute;rience a-t-elle une influence sur leur parcours de vie&nbsp;?</p> <p>&Agrave; partir de l&rsquo;analyse qualitative d&rsquo;entretiens compr&eacute;hensifs, biographiques et multimodaux[2] effectu&eacute;s avec des &eacute;tudiants croates ayant effectu&eacute; une mobilit&eacute; Erasmus vers la France il y a quelques ann&eacute;es, cet article propose d&rsquo;explorer la phase de post-mobilit&eacute; &eacute;tudiante. Apr&egrave;s une approche ethnographique &agrave; vis&eacute;e de compr&eacute;hension, nous nous interrogerons sur les comp&eacute;tences qui permettent de rendre une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; formatrice et les approches didactiques qui peuvent &ecirc;tre mises en place pour les d&eacute;velopper.</p> <p>Que se passe-t-il apr&egrave;s une mobilit&eacute; Erasmus&nbsp;?</p> <p>Sur de nombreux points (temporels, spatiaux, sociaux&hellip;), un s&eacute;jour en Erasmus se pr&eacute;sente comme un moment de vie &laquo;&nbsp;&agrave; part&nbsp;&raquo;, inscrit en dehors de la &laquo;&nbsp;r&eacute;alit&eacute;&nbsp;&raquo;, et ne laisse jamais indemnes les &eacute;tudiants qui en font l&rsquo;exp&eacute;rience. C&rsquo;est une p&eacute;riode g&eacute;n&eacute;ralement riche en enseignements mais &eacute;galement en questionnements.</p> <p>Un point de bifurcation qui entra&icirc;ne des choix difficiles</p> <p>Un s&eacute;jour Erasmus peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un point de bifurcation car il a toujours un impact sur le parcours de vie d&rsquo;un individu. Pas un seul des &eacute;tudiants interrog&eacute;s n&rsquo;a l&rsquo;impression que cela n&rsquo;a pas eu d&rsquo;influence sur sa vie. Cette exp&eacute;rience semble surtout provoquer plus de questions en apportant aussi plus de choix&nbsp;: avoir v&eacute;cu &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger permet de s&rsquo;&eacute;manciper de certains d&eacute;terminismes sociaux, ou du moins de r&eacute;aliser que d&rsquo;autres alternatives sont possibles.</p> <p>En effet, Erasmus semble apporter une augmentation de la motilit&eacute; parce qu&rsquo;en g&eacute;n&eacute;ral leur s&eacute;jour s&rsquo;est bien pass&eacute; et qu&rsquo;ils ont d&eacute;velopp&eacute; &agrave; la fois de nouvelles comp&eacute;tences (autonomie, peur de l&rsquo;inconnu moindre) et un d&eacute;but de r&eacute;seau international. Une exp&eacute;rience de mobilit&eacute;, en cr&eacute;ant un nouveau champ des possibles (un parcours de vie &laquo;&nbsp;mobile&nbsp;&raquo;), prend la forme d&rsquo;un &laquo;&nbsp;d&eacute;rangement&nbsp;&raquo; dans les projets initiaux &ndash; ce qui &eacute;tait aussi une des motivations pour partir, car &laquo;&nbsp;il fallait changer quelque chose&nbsp;&raquo;. Ce changement est toujours jug&eacute; positif, m&ecirc;me s&rsquo;il apporte &eacute;galement une grande part d&rsquo;instabilit&eacute;. Ainsi, m&ecirc;me si l&rsquo;envie premi&egrave;re de repartir diminue avec le temps, reste de nombreux questionnements d&rsquo;ordre existentiels et de grandes incertitudes sur la suite &agrave; donner au parcours de vie. Ce qui ressort le plus clairement de l&rsquo;analyse des entretiens est l&rsquo;ind&eacute;cision (repartir &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger ou construire leur vie dans leur pays d&rsquo;origine) des jeunes au retour de leur s&eacute;jour de mobilit&eacute;.</p> <p>Sch&eacute;matiquement, les jeunes opposent une vie plus int&eacute;ressante, avec un meilleur niveau de vie et un moindre impact du client&eacute;lisme s&rsquo;ils font le choix de poursuivre un mode de vie mobile, &agrave; une vie plus tranquille et sans rupture &ndash; avec leur environnement, leur famille et leurs amis &ndash; s&rsquo;ils restent en Croatie. Pour tenter de combiner ces deux options, la plupart envisage &ndash; apr&egrave;s avoir valid&eacute; leurs &eacute;tudes en Croatie &ndash; de passer quelques ann&eacute;es de leur jeunesse &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, ce qui leur permettra d&rsquo;am&eacute;liorer leur chance de trouver un bon emploi quand ils reviendront dans leur pays d&rsquo;origine pour s&rsquo;y installer et fonder une famille.</p> <p>Je vais voir quand j&#39;ai fini mes &eacute;tudes mais pour l&#39;instant, je me sens un peu perdue, franchement, et je me pose beaucoup de questions qu&#39;est-ce que je vais faire apr&egrave;s que j&#39;ai fini mes &eacute;tudes et tout &ccedil;a. Mais pour l&#39;instant, c&#39;est possible que je vais changer d&#39;avis, mais j&#39;ai pas trop envie de rester en Croatie (Gabriela)</p> <p>Ce choix les am&egrave;ne &agrave; prolonger un statut d&rsquo;entre-deux&nbsp;(entre la vie &eacute;tudiante et la vie professionnelle) sans faire de projets sur le long terme, afin de se laisser des portes de sortie et d&rsquo;avoir le temps de tester ce qui leur convient le mieux.</p> <p>Un s&eacute;jour en Erasmus est souvent consid&eacute;r&eacute; comme une pause &ndash; certes formatrice &ndash; par rapport &agrave; la &laquo;&nbsp;vraie vie&nbsp;&raquo;. Si les &eacute;tudiants ne regrettent absolument pas cette pause, nous pouvons voir dans leur discours qu&rsquo;ils sentent maintenant de leur responsabilit&eacute; de ne pas &laquo;&nbsp;trainer&nbsp;&raquo; davantage et de capitaliser ce qu&rsquo;ils ont acquis jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent afin de pouvoir, par la suite, faire des choix plus engageants. Ainsi, alors que les &eacute;tudiants partaient sans v&eacute;ritables calculs par rapport &agrave; l&rsquo;augmentation de leur employabilit&eacute; ou de leur capital de mobilit&eacute; (mais bien plus pour se d&eacute;couvrir eux-m&ecirc;mes, sans savoir r&eacute;ellement ce qu&rsquo;&rsquo;ils allaient chercher), leur motivation pour une seconde mobilit&eacute; a beaucoup &eacute;volu&eacute;&nbsp;: ils envisagent un s&eacute;jour &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger beaucoup plus pour ce que cela pourrait leur apporter en terme de carri&egrave;re ou de niveau de vie, que pour une autre exp&eacute;rience &laquo;&nbsp;existentielle&nbsp;&raquo;.</p> <p>J&rsquo;ai envie de rester en Croatie mais c&#39;est juste [repartir &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger] pour... assembler... de l&#39;exp&eacute;rience et voil&agrave;. C&#39;est juste, et apr&egrave;s le barreau je voudrais bien faire un L.L.M. [3] quelque part en France peut-&ecirc;tre ou en Allemagne... parce que je parle allemand aussi et j&#39;aimerais bien le renaitre, r&eacute;activer (Petar)</p> <p>Un r&eacute;investissement faible de l&rsquo;exp&eacute;rience de mobilit&eacute;</p> <p>Comme nous l&rsquo;avons dit pr&eacute;c&eacute;demment, un s&eacute;jour Erasmus permet g&eacute;n&eacute;ralement d&rsquo;augmenter sa motilit&eacute; et de d&eacute;velopper de nouvelles comp&eacute;tences. Cependant, lorsque les &eacute;tudiants font le choix de rester en Croatie, ces comp&eacute;tences acquises sont peu reconnues et ne permettent pas de fa&ccedil;on &eacute;vidente d&rsquo;&ecirc;tre plus concurrentiel sur le march&eacute; du travail croate. Le portfolio europ&eacute;en des langues permet de valoriser les acquis linguistiques bien qu&rsquo;il reste encore peu employ&eacute;. Mais il est encore plus compliqu&eacute; de quantifier, ou de valoriser, les comp&eacute;tences d&rsquo;observation, de r&eacute;flexion, de compr&eacute;hension de l&rsquo;environnement ou de remises en question par rapport &agrave; ses propres valeurs et pratiques. L&rsquo;Europass Mobilit&eacute;[4] a &eacute;t&eacute; cr&eacute;&eacute; pour tenter de valoriser ces comp&eacute;tences. Cependant, il est pour le moment peu d&eacute;livr&eacute;[5], et les &eacute;tudiants eux-m&ecirc;mes ne semblent pas vraiment valoriser, au niveau du monde du travail, les comp&eacute;tences relevant de ce qu&rsquo;ils consid&egrave;rent comme un &laquo;&nbsp;d&eacute;veloppement personnel&nbsp;&raquo;. On rep&egrave;re ainsi dans les discours diff&eacute;rents types de frustration&nbsp;:</p> <p>- de ne pas pouvoir r&eacute;utiliser leurs comp&eacute;tences langagi&egrave;res&nbsp;: de toutes les personnes de notre corpus qui sont rest&eacute;es en Croatie et qui y travaillent, pas une ne parle fran&ccedil;ais dans le cadre de son emploi, ce qu&rsquo;elles ont tendance &agrave; regretter&nbsp;:</p> <p>C&#39;est un cabinet d&#39;avocat qui est en coop&eacute;ration avec E. [une compagnie d&#39;audit]. C&#39;est tr&egrave;s int&eacute;ressant [&hellip;] malheureusement il n&#39;y a pas d&#39;occasion de fran&ccedil;ais, peut-&ecirc;tre dans le futur, je sais pas. On utilise que l&#39;anglais. Peut-&ecirc;tre il y des opportunit&eacute;s pour notre compagnie, apr&egrave;s deux ans tu peux aller, ou faire un transfert ailleurs, en France, ou en Allemagne, je sais pas o&ugrave;. Peut-&ecirc;tre je peux... j&#39;esp&egrave;re de... (Petar)</p> <p>Cela rejoint l&rsquo;analyse faite par Aline Gohard-Radenkovic&nbsp;:</p> <p>Dans cet immense brassage mobilitaire, le bagage plurilingue et les comp&eacute;tences linguistiques [font] partie des capitaux en creux, oubli&eacute;s ou ignor&eacute;s, peu ou pas du tout reconnus par le monde de l&rsquo;entreprise ni m&ecirc;me de la recherche, m&ecirc;me si les discours circulant sur la diversit&eacute;, ici linguistique, ne cessent de clamer leur prise en compte (2017 :&nbsp;164).</p> <p>C&rsquo;est en effet de plus en plus le tout-anglais qui est pratiqu&eacute;, dans tous les secteurs professionnels, et finalement, les comp&eacute;tences plurilingues acquises pendant Erasmus sont peu valoris&eacute;es.</p> <p>- un regret de ne pas avoir saisi certaines opportunit&eacute;s lors de leur s&eacute;jour &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger principalement car ils manquaient de projet au moment de leur d&eacute;part&nbsp;;</p> <p>- et enfin une certaine frustration d&rsquo;avoir &laquo;&nbsp;perdu&nbsp;&raquo; une vie qu&rsquo;ils jugent plus int&eacute;ressante&nbsp;: nous l&rsquo;avons vu, les &eacute;tudiants sont souvent en grande incertitude &agrave; leur retour, et choisissent de terminer leurs &eacute;tudes avant de prendre une d&eacute;cision. Mais conjuguer stabilit&eacute; et instabilit&eacute; n&rsquo;est pas chose ais&eacute;e. Et une fois r&eacute;habitu&eacute; &agrave; son ancien environnement, il est parfois difficile de rester dans la vitalit&eacute; impuls&eacute;e par le s&eacute;jour de mobilit&eacute;.</p> <p>Comme je l&#39;ai dit, le premier jour de mon retour, j&#39;ai d&eacute;cid&eacute; que je devais revenir ici [en France]. Maintenant, je suis de nouveau habitu&eacute;e, mais maintenant je vois que je redeviens comme avant, alors je deviens aussi un peu paresseuse (Paula)</p> <p>Jelena exprime aussi l&rsquo;inqui&eacute;tude de revenir &agrave; son premier dessin[6], qui la repr&eacute;sente avant sa mobilit&eacute;&nbsp;: ce dessin est compos&eacute; d&rsquo;une fl&egrave;che toute droite &ndash; une vie o&ugrave; rien ne se passe &ndash; alors que le dessin la repr&eacute;sentant pendant sa mobilit&eacute; est une ligne allant dans tous les sens, et rempli d&rsquo;&eacute;toiles. Son troisi&egrave;me dessin (son apr&egrave;s mobilit&eacute;) semble &ecirc;tre une combinaison des deux.</p> <p>&nbsp;&nbsp;</p> <p>Figure 1 : Dessin du parcours de mobilit&eacute; de Jelena</p> <p>Elle explique son troisi&egrave;me dessin&nbsp;:</p> <p>- Les &eacute;toiles &ccedil;a repr&eacute;sente quelque chose ?</p> <p>- Non... seulement des petits moments de folie... (Jelena)</p> <p>Un s&eacute;jour de mobilit&eacute; lui a donc permis d&rsquo;apporter des &laquo;&nbsp;petits moments de folie&nbsp;&raquo; dans une vie qu&rsquo;elle consid&egrave;re calme et peu excitante. Mais elle a peur qu&rsquo;au fur et &agrave; mesure &ndash; cela fait cinq ans qu&rsquo;elle est rentr&eacute;e &ndash; les &eacute;toiles disparaissent&nbsp;:</p> <p>- Mais tu avais envie de revenir dans cette premi&egrave;re image ?</p> <p>- Non&hellip; mais c&#39;&eacute;tait ma vie avant, ma r&eacute;alit&eacute; avant&hellip; et bon, je pense que j&#39;y suis pas revenue mais&hellip; je suis proche [rires] &hellip; euh&hellip; oui, je pense qu&#39;il faut changer quelque chose tout de suite ! pour ne pas revenir !</p> <p>- Tu ne veux pas revenir &agrave; la premi&egrave;re image ?</p> <p>- Non ! Non&hellip; (Jelena)</p> <p>On retrouve dans le reste de son entretien, une sorte de regret de ne jamais &ecirc;tre repartie apr&egrave;s son s&eacute;jour en Erasmus.</p> <p>Cette envie de repartir &ndash; et cette frustration si on ne r&eacute;ussit pas &agrave; le faire &ndash; correspond &eacute;galement &agrave; une injonction de notre soci&eacute;t&eacute;. En effet, la mobilit&eacute; est hyper valoris&eacute;e. Ainsi, &laquo;&nbsp;refuser d&#39;&ecirc;tre mobile spatialement - ou en &ecirc;tre emp&ecirc;ch&eacute; - s&#39;apparente, dans cette conception, &agrave; un refus d&#39;assurer sa promotion individuelle ou &agrave; un renoncement dans la course au statut. L&#39;immobile est un looser&nbsp;&raquo; (Kaufmann et Montulet, 2004 :&nbsp;292). Alors que l&rsquo;id&eacute;ologie contemporaine de la mobilit&eacute; met en avant que mobilit&eacute; spatiale et mobilit&eacute; sociale se conjuguent obligatoirement, les individus doivent &ecirc;tre mobiles pour prouver leur individualit&eacute; et leur capacit&eacute; &agrave; s&rsquo;&eacute;lever dans la soci&eacute;t&eacute;.</p> <p>On retrouve donc souvent une sorte de sentiment d&rsquo;&eacute;chec si l&rsquo;on a &eacute;t&eacute; mobile et que l&rsquo;on fait le choix de ne plus l&rsquo;&ecirc;tre (ou qu&rsquo;il est moins facile qu&rsquo;on le croyait de l&rsquo;&ecirc;tre)[7].</p> <p>Une expatriation difficile</p> <p>Face &agrave; ces nombreuses h&eacute;sitations, certains font le choix de repartir &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, souvent pour compl&eacute;ter leurs &eacute;tudes, parfois pour un stage ou un premier emploi. Ils subissent alors souvent une d&eacute;ception par rapport &agrave; ce qu&rsquo;ils avaient v&eacute;cu pendant leur s&eacute;jour Erasmus. En effet, la situation entre une mobilit&eacute; courte et encadr&eacute;e et une mobilit&eacute; plus longue et autonome est tr&egrave;s diff&eacute;rente. Les principales diff&eacute;rences portent sur&nbsp;:</p> <p>- le rapport au temps, car les intentions des migrants jouent un r&ocirc;le important dans la relation qu&rsquo;ils ont avec le pays d&#39;accueil selon qu&#39;ils d&eacute;sirent y rester (&quot;solid strangers&quot;), se consid&egrave;rent de passage (&quot;liquid strangers&quot;) ou h&eacute;sitent entre les deux (&quot;effervescent strangers&quot;) (Dervin, 2009 :&nbsp;123). Alors que pour un s&eacute;jour Erasmus la dur&eacute;e est d&eacute;finie, ce n&rsquo;est g&eacute;n&eacute;ralement pas le cas pour les &eacute;tudiants en autonomie qui partent pour une ann&eacute;e minimum, et envisagent de rester par la suite. Ainsi, la p&eacute;riode de vie &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger n&rsquo;est plus du tout consid&eacute;r&eacute;e comme une &laquo;&nbsp;pause&nbsp;&raquo; dans sa vie, mais la vie m&ecirc;me&nbsp;:</p> <p>Erasmus c&#39;&eacute;tait cool [&hellip;] Et aujourd&#39;hui... aujourd&#39;hui je me sens &eacute;puis&eacute;e [&hellip;] parce que l&agrave; maintenant, franchement, je suis dedans ! J&#39;ai l&#39;image compl&egrave;te de la culture et tout, et c&#39;est diff&eacute;rent, c&#39;est pas la bulle... &ccedil;a c&#39;est ma vie ici maintenant, et c&#39;est pas une pause de ma vie, c&#39;est ma vie ici ! Et du coup, c&#39;est juste une autre vie. Donc c&#39;est compl&egrave;tement diff&eacute;rent, beaucoup plus fort. C&#39;est juste que j&#39;ai chang&eacute; ma vie maintenant, c&#39;est pas que je fais une pause de la vie en Croatie, il n&rsquo;y a plus de vie en Croatie, tu vois, ma vie est maintenant ici, c&#39;est compl&egrave;tement diff&eacute;rent, tu peux pas faire des pauses, tu vis avec tous les probl&egrave;mes en fait (Katarina)</p> <p>- le mode de sociabilit&eacute;&nbsp;et l&rsquo;organisation de la vie quotidienne&nbsp;qui ne sont plus encadr&eacute; par l&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;institution Erasmus&nbsp;&raquo;&nbsp;;</p> <p>- et surtout le statut&nbsp;: tandis que lors de leur s&eacute;jour Erasmus ils appartenaient &agrave; une certaine &eacute;lite europ&eacute;enne et qu&rsquo;ils &eacute;voluaient dans un milieu international o&ugrave; la diversit&eacute; culturelle europ&eacute;enne &eacute;tait c&eacute;l&eacute;br&eacute;e et valoris&eacute;e, ils se retrouvent maintenant dans un statut de travailleurs ou &eacute;tudiants des &laquo;&nbsp;pays de l&rsquo;Est&nbsp;&raquo;. Or, avec l&rsquo;ouverture des fronti&egrave;res de l&rsquo;Union europ&eacute;enne, les travailleurs venant de pays au niveau de vie plus bas ont tendance &agrave; &ecirc;tre per&ccedil;us plus comme des concurrents que comme des partenaires ou concitoyens. Ils ont ainsi tendance &agrave; ressentir de la m&eacute;fiance, des jugements hostiles et une certaine discrimination. De plus, les &eacute;tudiants ne b&eacute;n&eacute;ficient plus des aides (financi&egrave;res, pratiques ou de bienveillance) que leur conf&eacute;rait leur statut d&rsquo;&eacute;tudiants Erasmus.</p> <p>Erasmus peut donc apparaitre comme une image &laquo;&nbsp;trompeuse&nbsp;&raquo; de la mobilit&eacute;&nbsp;:</p> <p>- [Quand tu fais des &eacute;tudes &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger en autonomie] tu dois faire beaucoup de sacrifices et pas juste niveau financier, je trouve... toutes les d&eacute;marches administratives, pour essayer de t&#39;int&eacute;grer et tout, c&#39;est pas vraiment... tu dois &ecirc;tre motiv&eacute;e !</p> <p>- et Erasmus peut te donner l&#39;envie de le faire</p> <p>- Oui ! Il peut te donner l&#39;envie de continuer &agrave; explorer l&#39;&eacute;tranger, tu vois... c&#39;est vrai que&hellip; parce que &ccedil;a te donne un peu l&#39;image de &quot;Ah mais c&#39;est trop bien !&quot;, nous on &eacute;tait un peu choqu&eacute; quand on est venu et en fait pour l&#39;administration on &eacute;tait juste un &eacute;tudiant, il y avait pas grand-chose qui &eacute;tait pr&eacute;par&eacute; pour les internationaux, tu avais pas vraiment un soutien, rien ! [&hellip;] Tu te d&eacute;brouilles, c&#39;est compl&egrave;tement diff&eacute;rent par rapport &agrave; Erasmus (Katarina)</p> <p>1.3.1 Une forme de d&eacute;qualification</p> <p>Les discours autour de la mobilit&eacute; tendent &agrave; corr&eacute;ler mobilit&eacute; et fluidit&eacute; sociale&nbsp;: &laquo;&nbsp;les travers&eacute;es de l&rsquo;espace sont toujours des travers&eacute;es des hi&eacute;rarchies sociales&nbsp;&raquo; affirme par exemple le sociologue Alain Tarrius (2000). Cependant, cela n&rsquo;a rien d&rsquo;automatique.</p> <p>En effet, les &eacute;tudiants croates qui font le choix de l&rsquo;expatriation font plut&ocirc;t l&rsquo;exp&eacute;rience inverse&nbsp;que celle promise par l&rsquo;id&eacute;ologie lib&eacute;rale : se retrouver &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger est souvent pour eux synonyme de d&eacute;qualification. Certes, pour certains cela est le moyen d&rsquo;&eacute;tudier ou de travailler dans un domaine o&ugrave; ils ne pourraient pas travailler en Croatie, mais pour la plupart, ils ont plut&ocirc;t du mal &agrave; faire valoir leurs qualifications.</p> <p>Alors que certains sont partis car ils souhaitaient fuir les d&eacute;terminismes sociaux[8], ils se voient rattrap&eacute;s par l&rsquo;injonction de trouver un travail, peu importe lequel.</p> <p>Mais... donc j&#39;ai trouv&eacute; du travail maintenant, donc je travaille, voil&agrave;, c&#39;est ma vie [rires]. Je travaille, pendant la semaine et dimanche et lundi je me repose, donc... [&hellip;] Je veux pas... travailler dans un restaurant pff, c&#39;est... j&#39;ai fait des &eacute;tudes pour quelque chose seulement diff&eacute;rent, donc... et je voudrais faire mieux chaque jour, pr&eacute;parer pour mon cours parce que je sais que je vais am&eacute;liorer, r&eacute;viser quelque chose qui est mon m&eacute;tier, et comme &ccedil;a tu sais, je suis fatigu&eacute;e tout le temps... j&#39;ai pas d&#39;envie. Et pour &ccedil;a je suis triste parce que je, je bien voudrais faire quelque chose, mais... j&#39;ai pas d&#39;&eacute;nergie (Ema)</p> <p>Aline Gohard-Radenkovic (2017) parle de double-injonction contradictoire&nbsp;car les d&eacute;cideurs &ndash; politiques et &eacute;conomiques &ndash; encouragent fortement la mobilit&eacute; des jeunes g&eacute;n&eacute;rations, sans pour autant mettre en place des dispositifs qui permettraient &agrave; ces personnes qualifi&eacute;es de trouver un emploi correspondant &agrave; leurs comp&eacute;tences. Arriver &agrave; faire valoir ces comp&eacute;tences et s&rsquo;ins&eacute;rer sur le march&eacute; du travail &ndash; m&ecirc;me en dehors de la Croatie &ndash; est donc particuli&egrave;rement difficile. Ce qui am&egrave;ne souvent les jeunes &agrave; poursuivre longuement leurs &eacute;tudes &ndash; seul choix qui leur semble accessible &ndash; et &agrave; rester pendant longtemps dans une situation d&rsquo;entre-deux. &nbsp;</p> <p>1.3.2 Un ancrage n&eacute;cessaire</p> <p>Si la sensation de faire une &laquo;&nbsp;pause&nbsp;&raquo; dans sa vie lorsque l&rsquo;on est Erasmus a un pouvoir lib&eacute;rateur pour les individus, elle devient tr&egrave;s inconfortable si cette situation dure sur le long terme. Vincent Kaufmann montre que les processus migratoires sont d&rsquo;abord et avant tout des processus de s&eacute;dentarisation&nbsp;: &laquo;&nbsp;Le paradoxe de la mobilit&eacute;, c&rsquo;est de vouloir s&rsquo;&eacute;tablir, s&rsquo;installer, se s&eacute;dentariser&nbsp;&raquo; (2008).</p> <p>Fran&ccedil;ois De Singly dit &agrave; ce propos que</p> <p>m&ecirc;me hypermoderne, l&rsquo;individu ne peut pas vivre sans un certain enracinement, sans des appartenances revendiqu&eacute;es. Il le fait avec mod&eacute;ration. Mais il le fait, non seulement pour se distinguer, mais aussi pour &ecirc;tre ancr&eacute;. La consistance dont il a besoin ne peut pas venir d&rsquo;une identit&eacute; virevoltante, elle doit prendre appui sur d&rsquo;autres supports, notamment des appartenances (De Singly, 2008 :&nbsp;95).</p> <p>Vedrana a beaucoup r&eacute;fl&eacute;chi &agrave; cette question de l&rsquo;enracinement, qu&rsquo;elle repr&eacute;sente sur son dessin&nbsp;o&ugrave; figurent trois personnages la repr&eacute;sentant&nbsp;: avant la mobilit&eacute; (elle a les mains vers le sol), pendant son s&eacute;jour Erasmus (les mains en l&rsquo;air) et aujourd&rsquo;hui (une main vers le sol et une en l&rsquo;air).</p> <p>Figure 2 : Dessin du parcours de mobilit&eacute; de Vedrana</p> <p>Elle commente&nbsp;:</p> <p>- Pour commencer [sur le dessin du milieu, quand elle est en mobilit&eacute; Erasmus], c&#39;est normal, un petit sourire, quand je suis l&agrave;, les mains en l&#39;air, la joie, des nouvelles exp&eacute;riences et de nouvelles personnes, de nouvelles d&eacute;couvertes et des exp&eacute;riences vraiment tr&egrave;s positives et apr&egrave;s, le retour. Ici [le personnage en haut &agrave; droite, la repr&eacute;sentant aujourd&rsquo;hui], en fait c&rsquo;est la balance. En essayant d&rsquo;&eacute;quilibrer vraiment, une main est en l&rsquo;air comme l&agrave;-bas et l&rsquo;autre est baiss&eacute;e... et en fait, comme un &eacute;quilibre.. Et maintenant [le dessin en haut &agrave; droite], tout ce que j&#39;ai apport&eacute; avec moi, toutes les personnes que j&#39;ai rencontr&eacute;es, les amiti&eacute;s et tous les supers souvenirs, comme si tu as un grand c&oelig;ur et qu&rsquo;ensuite tu l&rsquo;emportes avec toi. C&#39;&eacute;tait l&#39;id&eacute;e. [&hellip;] tu dois chercher un &eacute;quilibre car, avec toutes ces exp&eacute;riences, quand tu te retrouves dans l&#39;ancien environnement [&hellip;] et tout ce que tu as v&eacute;cu, c&#39;est un peu bizarre, tu dois accumuler, tu dois t&rsquo;adapter &agrave; nouveau. Tu dois apprendre que tu as exp&eacute;riment&eacute;, ce qui fait maintenant partie de toi (Vedrana)</p> <p>Plus tard lors de l&rsquo;entretien, apr&egrave;s avoir expliqu&eacute; tout son parcours &ndash; qui comprend de nombreuses mobilit&eacute;s, &agrave; la fois en Europe (France, Roumanie) et aux &Eacute;tats-Unis, avec des retours en Croatie pour quelques temps &ndash; Vedrana nous explique comment elle s&rsquo;est rendu compte qu&rsquo;elle avait besoin de cet &eacute;quilibre et de l&rsquo;importance pour elle d&rsquo;avoir des racines. Ainsi, pour elle, c&rsquo;est parce qu&rsquo;elle a pu revenir en Croatie pendant un moment, qu&rsquo;elle a pu savoir d&rsquo;o&ugrave; elle venait et repartir plus sereinement par la suite. Dans cette recherche de racine, la langue joue un r&ocirc;le capital&nbsp;:</p> <p>Ce n&#39;est pas n&eacute;cessaire pour moi, mais j&rsquo;aime bien [parler en croate]. De temps en temps je suis vraiment contente de pouvoir parler en croate maintenant [pendant l&rsquo;entretien][9]. Comme si &ccedil;a te ramenait d&rsquo;une certaine mani&egrave;re &agrave; la r&eacute;alit&eacute;. Parce que c&#39;est un peu comme un film, tout est &eacute;tranger. Tu as toujours cette base. Je pense que c&#39;est bien de revenir de temps en temps. Je pense m&ecirc;me que nous en avons vraiment besoin et c&#39;est pourquoi je vais en Croatie en &eacute;t&eacute; (Vedrana)</p> <p>Apr&egrave;s avoir eu la sensation d&rsquo;&ecirc;tre perdue dans son identit&eacute; (y compris physiquement puisqu&rsquo;elle associe perte de poids et perte d&rsquo;identit&eacute;), elle a r&eacute;ussi &agrave; trouver son &laquo;&nbsp;&eacute;quilibre&nbsp;&raquo; &agrave; la fois en revenant r&eacute;guli&egrave;rement en Croatie, et surtout dans une pratique spirituelle et sportive (le yoga et le pole-dance) qui lui permet de trouver un &eacute;quilibre interne, finalement d&eacute;tach&eacute; de toute appartenance territoriale. Une &laquo;&nbsp;identit&eacute;&nbsp;&raquo; interne, qu&rsquo;elle peut &laquo;&nbsp;emmener&nbsp;&raquo; avec elle, peu importe l&rsquo;endroit&nbsp;:</p> <p>J&#39;&eacute;tais tr&egrave;s maigre &agrave; l&#39;&eacute;poque, je pesais 51 kilos. Et au lyc&eacute;e, j&#39;en avais 58. C&#39;est l&agrave; que j&#39;ai vraiment compris que c&#39;&eacute;tait essentiel. Je n&#39;&eacute;tais vraiment pas physiquement pr&eacute;sente [&hellip;] j&#39;ai vu que c&#39;&eacute;tait l&#39;un des r&eacute;sultats lorsque tu deviens un d&eacute;racin&eacute; [&hellip;] Je n&#39;ai plus besoin de me lier &agrave; un endroit pr&eacute;cis&eacute;ment parce que j&#39;essaie de maintenir cette stabilit&eacute; chez moi [&hellip;] M&ecirc;me si je ne vais pas physiquement [en Croatie], gr&acirc;ce au yoga, je peux rester connect&eacute; &agrave; ma racine int&eacute;rieure, &agrave; mon arbre. Si tu as cette stabilit&eacute; int&eacute;rieure, tu peux aller n&#39;importe o&ugrave; et y rester (Vedrana)</p> <p>Ce d&eacute;tour par l&rsquo;exp&eacute;rience de Vedrana nous permet de pointer que cette question de l&rsquo;enracinement, ou du moins de la d&eacute;finition de ses racines est capital pour de nombreux individus. Son t&eacute;moignage refl&egrave;te bien</p> <p>the ambivalent experience of individuals who seek to avoid the discomfort of the uncanny (strangeness) of their own reflection yet struggle to find the elusive comfort of home as they wander and look beyond their horizons for that which is within (Coffey, 2013 : 279).</p> <p>Comme pour Vedrana, il peut &ecirc;tre possible de trouver son &laquo;&nbsp;ancrage&nbsp;&raquo; en dehors d&rsquo;un territoire. Au contraire, on voit souvent chez les &eacute;tudiants une volont&eacute; de reterritorialisation (en s&rsquo;installant sur le long terme dans un endroit en particulier), qui pourrait leur permettre de s&rsquo;ancrer et de trouver un &eacute;quilibre&nbsp;:</p> <p>&Agrave; vrai dire, avant cette proposition de travail en Croatie il y a 10 jours[10], je me voyais vraiment pas &agrave; Paris, je me disais ok, Paris pour un certain moment, mais apr&egrave;s [...] et apr&egrave;s quand j&#39;ai eu cette proposition, j&#39;ai vraiment commenc&eacute; &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir parce que si je rentre en Croatie pour un an et demi, ce n&#39;est pas vraiment pour un an et demi c&#39;est pour construire quelque chose en Croatie, pour rester, pour ne pas tout le temps faire des allers retours [&hellip;] je pense que c&#39;est un peu...tu n&#39;as pas de rep&egrave;re, tu perds tout le temps quelque chose (Vida).</p> <p>Ce besoin d&rsquo;ancrage implique qu&rsquo;il faille effectuer certains renoncements.</p> <p>Chez les dipl&ocirc;m&eacute;s s&rsquo;installant en Suisse, le r&eacute;cit du non-retour inclut une r&eacute;flexion sur la place acquise &ndash; ou perdue &ndash; dans les diff&eacute;rentes sph&egrave;res sociales investies ; nous avons appel&eacute; ces s&eacute;quences ballotages d&rsquo;identit&eacute;(s) (Keller-Gerber, 2017 :&nbsp;105).</p> <p>Ces ballotages identitaires sont importants car alors la question de se sentir &laquo;&nbsp;chez soi&nbsp;&raquo; et reconnu se fait beaucoup plus sentir que lorsque l&rsquo;on est en Erasmus ou dans une mobilit&eacute; temporaire. Ainsi, alors que les &eacute;tudiants en mobilit&eacute; Erasmus se posent peu la question d&rsquo;&ecirc;tre int&eacute;gr&eacute;s, la question se fait plus pr&eacute;gnante quand il s&rsquo;agit de rester sur le long terme avec une recherche d&rsquo;&agrave; la fois conserver son identit&eacute;, tout en faisant pleinement partie de la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;accueil.</p> <p>Des comp&eacute;tences qui aident &agrave; g&eacute;rer la post-mobilit&eacute;</p> <p>Revenir d&rsquo;une mobilit&eacute; acad&eacute;mique et l&rsquo;int&eacute;grer dans un parcours de vie n&rsquo;est donc pas toujours ais&eacute;. Quels sont les besoins que ressentent les &eacute;tudiants&nbsp;? Quelles comp&eacute;tences leur sont n&eacute;cessaires pour faire de cette exp&eacute;rience une exp&eacute;rience formatrice, utile pour leur vie future&nbsp;?</p> <p>Conscientiser les apports d&rsquo;une mobilit&eacute;</p> <p>Voyager ne suffit pas pour d&eacute;velopper et r&eacute;employer les comp&eacute;tences acquises en mobilit&eacute; par la suite. Car &laquo;&nbsp;avoir v&eacute;cu une exp&eacute;rience de suffit pas pour que cette exp&eacute;rience devienne de l&rsquo;exp&eacute;rience. Il faut sans cesse la ren&eacute;gocier et la re-m&eacute;dier&nbsp;&raquo; nous dit Edgar Morin (1959 :&nbsp;10).</p> <p>Nous rep&eacute;rons dans nos entretiens que si les &eacute;tudiants affirment tous avoir &laquo;&nbsp;chang&eacute;&nbsp;&raquo;, peu d&rsquo;entre eux sont capables de dire &laquo;&nbsp;en quoi&nbsp;&raquo;. Ils sont &eacute;galement peu conscients d&rsquo;avoir augment&eacute; leur motilit&eacute; et donc peu &agrave; m&ecirc;me de pouvoir r&eacute;investir les acquis de la mobilit&eacute; qui pourraient leur &ecirc;tre utiles dans leur parcours de vie, que celui-ci soit mobile ou non. Pour cela un travail &laquo;&nbsp;d&eacute;capitalisation&nbsp;de l&rsquo;exp&eacute;rience &raquo; (Gohard-Radenkovic, 2014), c&rsquo;est-&agrave;-dire de r&eacute;examen et de r&eacute;flexivit&eacute; est n&eacute;cessaire pour arriver &agrave; la conscientisation de ces acquis. &nbsp;</p> <p>Des outils ont &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute;s afin de conscientiser les acquis de la mobilit&eacute; et de pouvoir les valoriser aupr&egrave;s de futurs employeurs. Par exemple, l&#39;Europass Mobilit&eacute; est un document officiel de l&#39;Union europ&eacute;enne qui permet la reconnaissance d&#39;une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; r&eacute;alis&eacute;e &agrave; des fins d&#39;apprentissage, d&#39;&eacute;ducation ou de formation et est rempli par l&rsquo;organisme d&rsquo;envoi et d&rsquo;accueil (universit&eacute;, entreprise&hellip;). Il se veut &laquo;&nbsp;un gage de qualit&eacute; qui apporte les ʺpreuvesʺ des activit&eacute;s r&eacute;alis&eacute;es et des comp&eacute;tences acquises &agrave; l&#39;&eacute;tranger&nbsp;&raquo;[11]. Ces documents permettant l&rsquo;identification et la reconnaissance des comp&eacute;tences de l&rsquo;&eacute;tudiant sont tr&egrave;s utiles. Cependant, ils ne sont orient&eacute;s que vers une ad&eacute;quation des comportements du stagiaire aux attentes et besoins de l&rsquo;organisme ou de l&rsquo;entreprise d&rsquo;accueil. Or &laquo;&nbsp;la d&eacute;couverte du monde du travail est aussi l&rsquo;occasion d&rsquo;une prise de conscience critique du fonctionnement des organismes/entreprises&nbsp;&raquo; (Anquetil et Derivry, 2019), mais celle-ci n&rsquo;est pas comprise dans les comp&eacute;tences d&eacute;velopp&eacute;es. Mathilde Anquetil et Martine Derivry montrent qu&rsquo;il devient alors de la responsabilit&eacute; de l&rsquo;individu d&rsquo;acqu&eacute;rir les comp&eacute;tences de r&eacute;silience et de flexibilit&eacute; n&eacute;cessaires pour s&rsquo;adapter aux nouvelles conditions de travail. Et nous rejoignons les conclusions des auteures qui y voient &laquo;&nbsp;un m&eacute;canisme de reproduction soumis &agrave; un syst&egrave;me de violence symbolique, selon les analyses de Bourdieu, ainsi qu&rsquo;une adaptation aux in&eacute;galit&eacute;s sociales du nouvel espace europ&eacute;en selon l&rsquo;ordre n&eacute;olib&eacute;ral&nbsp;&raquo; (Anquetil et Derivry, 2019).</p> <p>Ainsi, nous pensons que s&rsquo;il est n&eacute;cessaire d&rsquo;aider les &eacute;tudiants &agrave; faire &eacute;merger les comp&eacute;tences qu&rsquo;ils d&eacute;veloppent pendant une exp&eacute;rience de mobilit&eacute;, il est important que cette conscientisation ne soit pas uniquement dirig&eacute;e vers des comp&eacute;tences utiles pour le march&eacute; du travail, mais &eacute;galement pour la construction de leur parcours de vie et leur &eacute;panouissement personnel.</p> <p>D&eacute;velopper son pouvoir d&rsquo;agir[12]</p> <p>Une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; est un moment de vie riche en potentiel de d&eacute;veloppement du pouvoir d&rsquo;agir. D&rsquo;ailleurs, les &eacute;tudiants reconnaissent tous le caract&egrave;re existentiel d&rsquo;un s&eacute;jour Erasmus qu&rsquo;ils ont v&eacute;cu beaucoup plus intens&eacute;ment que leur vie quotidienne habituelle.</p> <p>L&rsquo;exp&eacute;rience de d&eacute;nuement et de d&eacute;sarroi initial, le vide cr&eacute;&eacute; par le manque de rep&egrave;res sociaux, permet de cr&eacute;er ce d&eacute;tachement vis-&agrave;-vis des attitudes routini&egrave;res d&rsquo;accommodement au tel qu&rsquo;il est, qui nous semble propice &agrave; une r&eacute;flexion existentielle sur les fa&ccedil;ons d&rsquo;&ecirc;tre au monde. (Anquetil, 2006 :&nbsp;45).</p> <p>Cette position de retour r&eacute;flexif sur sa vie en g&eacute;n&eacute;ral, de remise en question de certaines croyances et le fait que des &laquo;&nbsp;&eacute;preuves&nbsp;&raquo; soient surpass&eacute;es renforcent souvent confiance en soi et capacit&eacute; d&rsquo;adaptation. Cependant, malgr&eacute; ces &laquo;&nbsp;transformations&nbsp;&raquo;, ressenties par tous les &eacute;tudiants, l&rsquo;&laquo;&nbsp;apr&egrave;s&nbsp;&raquo; reste souvent difficile &agrave; g&eacute;rer.</p> <p>Le d&eacute;veloppement du pouvoir d&rsquo;agir peut prendre quatre axes&nbsp;: l&rsquo;atteinte de l&rsquo;estime de soi et de la confiance en soi ; la capacit&eacute; de vivre en soci&eacute;t&eacute; dans le respect de soi et des autres&nbsp;; l&rsquo;acquisition d&rsquo;une capacit&eacute; d&rsquo;int&eacute;gration scolaire et professionnelle et, enfin, la capacit&eacute; de d&eacute;ployer un projet personnel mobilisant l&rsquo;ensemble de ses comp&eacute;tences et des ressources pr&eacute;sentes dans son environnement (B&eacute;dard et al., 2013). Il ressort de l&rsquo;analyse des entretiens, que ce serait ce dernier axe&nbsp;qui fasse le plus souvent d&eacute;faut aux &eacute;tudiants.</p> <p>Au regard de ce que nous avons mis en &eacute;vidence pr&eacute;c&eacute;demment, il est n&eacute;cessaire de former les &eacute;tudiants tout autant &agrave; la mobilit&eacute; qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;immobilit&eacute;. Or la promotion de la mobilit&eacute; universitaire se limite souvent au premier segment&nbsp;: apprendre &agrave; changer (aboutissant parfois &agrave; des accumulations de s&eacute;jours, stages et qualifications en itin&eacute;rances prolong&eacute;e), sans accompagnement de la seconde phase d&rsquo;enracinement dans un projet de vie n&eacute;cessairement localis&eacute;&nbsp;(Anquetil et Derivry, 2019). Pour cela, nous postulons qu&rsquo;il est n&eacute;cessaire&nbsp;de former les &eacute;tudiants &agrave; comprendre et interpr&eacute;ter&nbsp;&agrave; la fois la soci&eacute;t&eacute; &agrave; laquelle ils appartiennent et celle o&ugrave; ils arrivent, leur place dans ces soci&eacute;t&eacute;s et ce qu&rsquo;ils veulent faire de la mobilit&eacute;. Il leur faut en particulier conscientiser leur nouveau statut (non plus d&rsquo;&eacute;tudiant Erasmus faisant plut&ocirc;t partie d&rsquo;une &eacute;lite mais plut&ocirc;t de celui de travailleur &eacute;tranger parfois consid&eacute;r&eacute; comme &laquo;&nbsp;migrant &eacute;conomique&nbsp;&raquo;) et les conditions socio-&eacute;conomico-politiques en Europe. En effet, les &eacute;tudiants croates ont tendance, lors de leur s&eacute;jour &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, &agrave; prendre conscience[13] de la situation du march&eacute; du travail en Croatie, fortement domin&eacute;e par le client&eacute;lisme. Vouloir y &eacute;chapper est l&rsquo;une de leurs principales motivations s&rsquo;ils veulent repartir. Cependant, ils sont beaucoup moins conscients des conditions de travail, li&eacute;es &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologie n&eacute;olib&eacute;rale, qui sont en cours en France par exemple, et qui demandent flexibilit&eacute; et adaptation. De plus, l&rsquo;injonction &agrave; la mobilit&eacute; qui caract&eacute;rise notre soci&eacute;t&eacute; ne questionne pas les effets n&eacute;gatifs qui peuvent &ecirc;tre li&eacute;s &agrave; la mobilit&eacute; et les tensions qui peuvent en d&eacute;couler (perte de lien social, in&eacute;galit&eacute;s, etc.) (Kaufmann et Montulet, 2004). Or les discours entourant la mobilit&eacute; (tout comme l&rsquo;interculturel d&rsquo;ailleurs) sont souvent exempts, ou du moins limitent, les tensions et ne pr&eacute;parent donc pas les individus &agrave; y faire face. Nous pensons qu&rsquo;il est au contraire important de pr&eacute;parer &agrave; ces possibles tensions, de les nommer afin que les &eacute;tudiants puissent y r&eacute;pondre lorsqu&rsquo;ils les rencontrent.</p> <p>Comprendre les conditions sociales dans lesquelles s&rsquo;ins&egrave;re l&rsquo;&eacute;tudiant est n&eacute;cessaire pour que ce dernier puisse ensuite se positionner et faire ses choix car connaitre est dans un certain sens &laquo; pouvoir &raquo;. Il peut alors d&eacute;velopper ce que Marcel Lebrun nomme le &laquo; savoir-devenir &raquo;, qui ajoute au savoir-&ecirc;tre &laquo; une perspective dynamique et temporelle : la mani&egrave;re dont la personne se met en projet en tentant d&rsquo;infl&eacute;chir le cours des choses &raquo; (Lebrun, 2007&nbsp;: 27).</p> <p>Savoir se dire et s&rsquo;inventer</p> <p>La modernit&eacute; a vu l&rsquo;&eacute;mergence du sujet, et ce que Danilo Martucelli d&eacute;signe par la singularisation[14]. &laquo;&nbsp;L&rsquo;identit&eacute; personnelle devient une op&eacute;ration r&eacute;flexive. [&hellip;] Confront&eacute;s &agrave; la pluralit&eacute; des mondes v&eacute;cus et des styles de vie, les individus doivent choisir, produire, bricoler, fa&ccedil;onner et mettre en sc&egrave;ne leurs propres biographies&nbsp;&raquo; (Vandenberghe, 2001 :&nbsp;32). Ulrich Beck et Elisabeth Beck-Gernsheim parlent de &laquo;&nbsp;biographie &eacute;lective&nbsp;&raquo;&nbsp;:</p> <p>The normal biography thus becomes the &ldquo;elective biography&rdquo;, the &ldquo;reflexive biography&rdquo;, the &ldquo;do-it-yourself biography&rdquo;. This does not necessarily happen by choice, nor does it necessarily succeed. The do it yourself biography in always a &ldquo;risk biography&rdquo;, indeed a &ldquo;tightrope biography&rdquo;, a state of permanent (partly over, partly concealed) endangerment (1999 :&nbsp;157).</p> <p>L&rsquo;&eacute;mergence du sujet va avec celui de sa subjectivit&eacute; qui est un espace r&eacute;flexif dans le sens o&ugrave; elle est le lieu de la repr&eacute;sentation de soi, mais aussi celui de la prise de conscience par l&rsquo;individu de ses repr&eacute;sentations et de sa relation au monde (Bertucci, 2009&nbsp;: 45).</p> <p>Cette mise en valeur de l&rsquo;individu et de sa subjectivit&eacute; - un individu &eacute;mancip&eacute; vis-&agrave;-vis de ses propres d&eacute;terminations, capable de s&rsquo;inventer et de se r&eacute;inventer face &agrave; toute situation nouvelle[15] &ndash; rend la responsabilit&eacute; de l&rsquo;individu sur sa propre r&eacute;ussite croissante.</p> <p>Ainsi, l&rsquo;individu contemporain se donne pour objectif de se promouvoir lui-m&ecirc;me, d&rsquo;inventer &agrave; tout instant sa propre vie et ses rapports aux autres. &Ecirc;tre mobile devient alors pour lui notamment une capacit&eacute; d&rsquo;orientation active qui doit lui permettre d&rsquo;affronter des environnements changeants, au lieu de les subir passivement et surtout une mani&egrave;re de prendre en main et de guider sa trajectoire &agrave; des fins formatives et d&rsquo;&eacute;panouissement personnel (Papatsiba, 2003 :&nbsp;2).</p> <p>La mobilit&eacute; est alors une situation par excellence pour &laquo;&nbsp;entrainer&nbsp;&raquo; l&rsquo;individu &agrave; la maitrise des situations inconnues et pour d&eacute;couvrir sa propre subjectivit&eacute;[16]. Cependant,</p> <p>cette &laquo; capacit&eacute; d&rsquo;invention ou d&rsquo;adaptation &raquo;, cette &laquo; flexibilit&eacute; et fluidit&eacute; identitaires &raquo;, cette &laquo; bonne volont&eacute; &raquo; sont surtout attendues de la part du candidat &agrave; la migration, mais plus vital encore, candidat &agrave; l&rsquo;installation dans le lieu qui lui est le plus souvent &eacute;chu ou impos&eacute;, afin de &laquo; trouver sa place&nbsp;&raquo; [&hellip;] Or les tensions observ&eacute;es dans un grand nombre de pays remettent en question ces conceptions euphoriques de la toute-mobilit&eacute; et de la toute-libert&eacute; de l&rsquo;individu en situation de migrance (Gohard-Radenkovic et Veillette, 2015 :&nbsp;28).</p> <p>Comment pr&eacute;parer les &eacute;tudiants &agrave; la post-mobilit&eacute;&nbsp;?</p> <p>Par rapport &agrave; toutes ces op&eacute;rations mentales que nous avons mis en &eacute;vidence auparavant (conscientisation des acquis, positionnement dans l&rsquo;espace social, etc.) la comp&eacute;tence centrale n&eacute;cessaire est la r&eacute;flexivit&eacute;.</p> <p>De plus, nous assistons &agrave; une d&eacute;-standardisation des mobilit&eacute;s, ce qui implique qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de &laquo;&nbsp;mod&egrave;le&nbsp;type&nbsp;&raquo; de mobilit&eacute; auquel les &eacute;tudiants peuvent se r&eacute;f&eacute;rer, ce qui les obligent &agrave; tracer leur propre voie. Une conscientisation des enjeux, des contraintes, mais &eacute;galement des possibilit&eacute;s se r&eacute;v&egrave;lent donc capitale.</p> <p>Cependant, le savoir comme source cr&eacute;ative, travail bas&eacute; sur un effort de synth&egrave;se et d&rsquo;imagination, semble r&eacute;serv&eacute;, comme voie de salut existentiel, &agrave; une &eacute;lite restreinte, capable de traiter la masse d&rsquo;information et de savoir &agrave; laquelle elle est confront&eacute;e dans l&rsquo;enseignement sup&eacute;rieur, et de la d&eacute;passer en un projet de recherche original qui pourra donner un sens &agrave; sa vie (Anquetil, 2006 :&nbsp;43).</p> <p>Pour plus de &laquo;&nbsp;justice sociale&nbsp;&raquo;, nous pensons donc qu&rsquo;il est du r&ocirc;le de l&rsquo;universit&eacute; d&rsquo;accompagner les &eacute;tudiants sur ce cheminement personnel de la r&eacute;flexivit&eacute; et de la construction de leur projet de vie. Mais comment d&eacute;velopper ces comp&eacute;tences&nbsp;? La didactique des langues et des cultures peut-elle jouer un r&ocirc;le&nbsp;? Et si oui, quels seraient les outils et les dispositifs didactiques qui pourraient &ecirc;tre mis en place&nbsp;?</p> <p>Utiliser les outils de l&rsquo;anthropologie pour se d&eacute;centrer et analyser</p> <p>Enseigner aux &eacute;tudiants des savoirs et des m&eacute;thodologies propres &agrave; l&rsquo;anthropologie peut se r&eacute;v&eacute;ler pertinent pour leur s&eacute;jour de mobilit&eacute;[17]. La pratique de l&rsquo;observation participante en particulier est utile pour les &eacute;tudiants &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger car elle implique une interaction approfondie avec la soci&eacute;t&eacute; afin de comprendre des ph&eacute;nom&egrave;nes socioculturels. L&rsquo;&eacute;tudiant est en position d&rsquo;observateur externe, tout en &eacute;tant impliqu&eacute; sur son &laquo;&nbsp;terrain&nbsp;&raquo;, ce qui se r&eacute;v&egrave;le potentiellement formateur.</p> <p>Cette formation &agrave; l&rsquo;anthropologie a un r&ocirc;le &agrave; jouer dans diff&eacute;rentes phases de la mobilit&eacute;&nbsp;: avant, pour apprendre &agrave; se d&eacute;centrer&nbsp;; pendant, pour d&eacute;velopper des capacit&eacute;s d&rsquo;analyse comparative et critique&nbsp;; mais &eacute;galement apr&egrave;s lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agira de &laquo;&nbsp;d&eacute;capitaliser&nbsp;&raquo; les nouveaux savoirs et savoir-faire acquis dans la mobilit&eacute; en revisitant cette exp&eacute;rience, afin d&rsquo;assurer &laquo; la capitalisation, soit le passage de l&rsquo;exp&eacute;rience &agrave; la connaissance partageable&nbsp;&raquo; (Gohard-Radenkovic, 2014).</p> <p>Mettre en mot l&rsquo;exp&eacute;rience et d&eacute;velopper une identit&eacute; narrative</p> <p>Si un d&eacute;centrement est n&eacute;cessaire, un &laquo; recentrement &raquo; l&rsquo;est &eacute;galement afin de comprendre la place que l&rsquo;on occupe ou que l&rsquo;on veut occuper dans son nouvel environnement. Pour cela, l&rsquo;approche biographique, &agrave; travers des dispositifs tels que des biographies langagi&egrave;res, des portfolios et des journaux[18] se r&eacute;v&egrave;le particuli&egrave;rement int&eacute;ressante.</p> <p>L&rsquo;un des objectifs des productions de type autobiographique est de d&eacute;velopper une identit&eacute; narrative qui selon Paul Ric&oelig;ur se trouve au centre des processus de construction de l&#39;identit&eacute; car</p> <p>raconter, c&#39;est dire qui a fait quoi, pourquoi et comment, en &eacute;talant dans le temps la connexion entre ces points de vue [&hellip;]. Le personnage tire sa singularit&eacute; de l&#39;unit&eacute; de sa vie consid&eacute;r&eacute;e comme une totalit&eacute; temporelle elle-m&ecirc;me singuli&egrave;re qui le distingue de tout autre. Selon la ligne de discordance, cette totalit&eacute; temporelle est menac&eacute;e par l&#39;effet de rupture des &eacute;v&egrave;nements impr&eacute;visibles qui la ponctuent (rencontres, accidents&hellip;) (Ric&oelig;ur, 1990 :&nbsp;174).</p> <p>Sur bien des points, une exp&eacute;rience de mobilit&eacute; est une rupture dans la vie d&#39;un individu qui doit &ecirc;tre accompagn&eacute;e afin d&#39;&ecirc;tre en mesure d&#39; &laquo;&nbsp;organiser son existence autour d&#39;un r&eacute;cit qui fait sens et garantit une coh&eacute;rence identitaire&nbsp;&raquo; (Burnay, 2015 :&nbsp;76). Se dire &ndash; et s&rsquo;&eacute;crire &ndash; permet ainsi &agrave; l&rsquo;individu de construire le sens de sa vie &agrave; travers son r&eacute;cit car c&rsquo;est par la narration que l&rsquo;individu peut mettre en coh&eacute;rence les diff&eacute;rents &eacute;pisodes de sa vie, et que le soi peut se construire, en tension entre le p&ocirc;le de la m&ecirc;met&eacute; (la permanence dans le temps) et de l&rsquo;ips&eacute;it&eacute; (la conservation d&rsquo;un noyau de la personnalit&eacute;) (Ric&oelig;ur, 1990). Le d&eacute;veloppement d&rsquo;une identit&eacute; narrative &ndash; qui va avec la comp&eacute;tence de r&eacute;flexivit&eacute; &ndash; rend alors capable d&rsquo;&eacute;crire sa &laquo;&nbsp;biographie &eacute;lective&nbsp;&raquo; (Beck et Beck-Gernsheim, 1999).</p> <p>Cependant, le travail biographique n&rsquo;est pas qu&rsquo;un &laquo;&nbsp;recentrement&nbsp;&raquo; sur l&rsquo;individu, au sens d&rsquo;un travail d&rsquo;introspection, mais plut&ocirc;t un travail d&rsquo;extrospection[19]. Il s&rsquo;agit au final pour l&rsquo;acteur de comprendre &laquo; pour chaque &eacute;preuve, les mani&egrave;res dont les contraintes sociales op&egrave;rent sur lui&nbsp;&raquo; (Martuccelli, 2010a&nbsp;:&nbsp;195) et de prendre conscience de ses possibilit&eacute;s r&eacute;elles d&rsquo;action.</p> <p>Ainsi, il nous semble utile de mettre en &oelig;uvre des dispositifs de formation int&eacute;grant les approches biographiques qui auraient pour but d&rsquo;amener les &eacute;tudiants &agrave; raconter les exp&eacute;riences de mobilit&eacute; et de diversit&eacute; &agrave; la fois dans leur dimension objective (sociale, contextuelle) et subjective (psycho-affective, imaginaire) (Molini&eacute;, 2014) et permettrait &laquo;&nbsp;une repr&eacute;sentation diachronique de soi &agrave; trois niveaux : la r&eacute;alit&eacute; historico-empirique du v&eacute;cu, la r&eacute;alit&eacute; psychique et s&eacute;mantique du narrateur, la r&eacute;alit&eacute; discursive du r&eacute;cit&nbsp;&raquo; (Gohard-Radenkovic et Murphy-Lejeune, 2008 :&nbsp;135).</p> <p>Conclusion</p> <p>Erasmus se pr&eacute;sente donc comme une bonne exp&eacute;rience mais qui peine &agrave; &ecirc;tre r&eacute;investie dans le parcours de vie des &eacute;tudiants qui la vivent. Pour faire face aux difficult&eacute;s rencontr&eacute;es en post-mobilit&eacute; acad&eacute;mique (manque de reconnaissance des acquis, d&eacute;qualification, difficult&eacute; d&rsquo;enracinement) nous avons montr&eacute; qu&rsquo;il serait utile de d&eacute;velopper des comp&eacute;tences r&eacute;flexives permettant aux jeunes adultes (mobiles ou immobiles) de conscientiser leurs acquis, les conditions sociales de leur existence et de pouvoir se positionner et d&eacute;velopper une identit&eacute; narrative. Des formations allant dans ce sens pourraient trouver leur place au sein de l&rsquo;universit&eacute;. Cependant cela suppose de repenser la posture des enseignants (qui seraient alors en position d&rsquo;accompagnateurs plut&ocirc;t que de formateurs) mais &eacute;galement d&rsquo;engager une r&eacute;flexion sur le r&ocirc;le de l&rsquo;universit&eacute; car la fa&ccedil;on dont est pr&eacute;par&eacute;e et accompagn&eacute;e la mobilit&eacute; rel&egrave;ve d&#39;un choix politique et &eacute;thique selon que l&rsquo;on cherche &laquo;&nbsp;d&eacute;velopper les ressources des individus en vue de la r&eacute;alisation de leurs aspirations culturelles ; [ou &agrave;] acc&eacute;l&eacute;rer leur profilage et leur adaptabilit&eacute; maximum aux contextes externes&quot; (Molini&eacute;, 2011 : 56).</p> <p>Bibliographie</p> <p>ANQUETIL, Mathilde, DERIVRY, Martine, &laquo;&nbsp;Reconnaitre et valoriser les mobilit&eacute;s : &eacute;volution du management de la &ldquo;dimension europ&eacute;enne&rdquo;&nbsp;&raquo;, Recherches en didactique des langues et des cultures : Les Cahiers de l&rsquo;Acedle, 2, 16, 2019.</p> <p>ANQUETIL, Mathilde, Mobilit&eacute; Erasmus et communication interculturelle : une recherche-action pour un parcours de formation, Berne, Peter Lang, 2006.</p> <p>BACQU&Eacute;, Marie-H&eacute;l&egrave;ne, &laquo;&nbsp;Empowerment et politiques urbaines aux &Eacute;tats-Unis&nbsp;&raquo;, G&eacute;ographie, &eacute;conomie, soci&eacute;t&eacute;, 8, 1, 2006, p.&nbsp;107‑124.</p> <p>BECK, Ulrich, BECK-GERNSHEIM, Elisabeth, &laquo;&nbsp;Individualization and &ldquo;precarious Freedoms&rdquo;: Perspectives and controversies of a Subject-oriented Sociology&nbsp;&raquo;, dans Elliott A. (dir.), Contemporary Social Theory, Oxford, Blackwells, 1999, p.&nbsp;23‑48.</p> <p>B&Eacute;DARD, Johanne, BOULANGER, Dany, LAROSE, Fran&ccedil;ois, COUTURIER Yves, LARIV&Eacute;E, Serge, TERRISSE Bernard, &laquo;&nbsp;L&rsquo;arrimage de l&rsquo;intervention &eacute;ducative et socio&eacute;ducative en contexte de r&eacute;ussite &eacute;ducative. Empowerment en perspective &eacute;cosyst&eacute;mique et impact sur l&rsquo;intervention&nbsp;&raquo;, Nouveaux cahiers de la recherche en &eacute;ducation, 161, 2013, p.&nbsp;24‑49.</p> <p>BERTUCCI, Marie-Madeleine, &laquo;&nbsp;Place de la r&eacute;flexivit&eacute; dans les sciences humaines et sociales : quelques jalons&nbsp;&raquo;, Cahiers de sociolinguistique, 14, 2009, p.&nbsp;43‑55.</p> <p>BURNAY, Nathalie, &laquo;&nbsp;Du d&eacute;voilement de l&rsquo;intime &agrave; l&rsquo;intimit&eacute; du d&eacute;voilement. R&eacute;flexions th&eacute;oriques et m&eacute;thodologiques&nbsp;&raquo;, dans Defreyne &Eacute;lisabeth, Hagdad Mofrad Ghazaleh, Mesturini Silvia, Vuillemenot Anne-Marie (dir.), Intimit&eacute; et r&eacute;flexivit&eacute;. Itin&eacute;rances d&rsquo;anthropologues, Louvain-la-Neuve, Academia - L&rsquo;Harmattan, 2015, p.&nbsp;65‑82.</p> <p>CHOPIN, Thierry, &laquo; Les relations complexes entre mobilit&eacute; et identit&eacute; europ&eacute;enne &raquo;, dans Bertoncini Yves. (dir.), Encourager la mobilit&eacute; des jeunes en Europe : orientations strat&eacute;giques pour la France et l&rsquo;Union europ&eacute;enne, Paris, Documentation Fran&ccedil;aise (Rapports et documents&nbsp;/ Centre d&rsquo;Analyse Strat&eacute;gique), 2008, p. 118‑127.</p> <p>COFFEY, Simon, &laquo;&nbsp;Strangerhood and intercultural subjectivity&nbsp;&raquo;, Language and Intercultural Communication, 13, 3, 2013, p.&nbsp;266‑282.</p> <p>DE SINGLY, Fran&ccedil;ois, L&rsquo;&oelig;il laser 2008 : Les nouveaux imaginaires du quotidien, Paris, L&rsquo;&OElig;il laser, 2008.</p> <p>DERVIN, Fred, &laquo;&nbsp;Transcending the culturalist approach in stays abroad: Helping mobile students to appreciate diverse diversities&nbsp;&raquo;, Frontiers, The International Journal of Studies abroad, 18, 2009, p.&nbsp;119‑142.</p> <p>GALLEZ, Caroline, KAUFMANN, Vincent, &laquo;&nbsp;Aux racines de la mobilit&eacute; en sciences sociales. Contribution au cadre d&rsquo;analyse socio-historique de la mobilit&eacute; urbaine&nbsp;&raquo;, dans Flonneau Mathieu, Guigueno Vincent (dir.), De l&rsquo;histoire des transports &agrave; l&rsquo;histoire de la mobilit&eacute; ?, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2009, p.&nbsp;41&ndash;55.</p> <p>GOHARD-RADENKOVIC, Aline, &laquo;&nbsp;Impacts de la mobilit&eacute; acad&eacute;mique sur les divers acteurs de l&rsquo;institution. Repenser nos &eacute;vidences ou le d&eacute;senchantement n&eacute;cessaire&nbsp;&raquo;, Journal of International Mobility, 2, 14, 2014, p.&nbsp;223&ndash;248.</p> <p>GOHARD-RADENKOVIC, Aline, &laquo;&nbsp;Contre-point. Quand la toute-mobilit&eacute; peut devenir l&rsquo;immobilisation des acteurs de la mobilit&eacute;... et quand soci&eacute;t&eacute;s d&rsquo;accueil et de d&eacute;part produisent du &ldquo;brain waste&rdquo;&nbsp;&raquo;, Journal of International Mobility, 1, 5, 2017, p.&nbsp;157‑176.</p> <p>GOHARD-RADENKOVIC, Aline, MURPHY-LEJEUNE, Elizabeth, &laquo;&nbsp;Introduction : mobilit&eacute;s et parcours&nbsp;&raquo;, dans Zarate Genevi&egrave;ve, L&eacute;vy Danielle, Kramsch Claire (dir.), Pr&eacute;cis du plurilinguisme et du pluriculturalisme, Paris, &Eacute;ditions des archives contemporaines, 2008, p.&nbsp;129‑136.</p> <p>GOHARD-RADENKOVIC, Aline, VEILLETTE, Josiane, &laquo;&nbsp;Nouveaux espaces dans de nouvelles logiques migratoires ? Entre mobilit&eacute; et immobilit&eacute; des acteurs&nbsp;&raquo;, Cahiers internationaux de sociolinguistique, 2, 8, 2015, p.&nbsp;19‑46.</p> <p>KAUFMANN, Vincent, &laquo;&nbsp;La mobilit&eacute; comme capital ?&nbsp;&raquo;, dans Montulet Bertrand, Kaufmann Vincent (dir.), Mobilit&eacute;s, fluidit&eacute;s... libert&eacute;s ?, Bruxelles, Publications des Facult&eacute;s universitaires Saint-Louis, 2004, p.&nbsp;25‑41.</p> <p>KAUFMANN, Vincent, Les paradoxes de la mobilit&eacute;, bouger, s&rsquo;enraciner, Lausanne, Presses polytechniques et universitaires romandes, 2008.</p> <p>KAUFMANN, Vincent, MONTULET Bertrand, &laquo;&nbsp;Mobilit&eacute;s, fluidit&eacute;s... libert&eacute;s ?&nbsp;&raquo;, dans Montulet Bertrand, Kaufmann Vincent (dir.), Mobilit&eacute;s, fluidit&eacute;s... libert&eacute;s ?, Bruxelles, Publications des Facult&eacute;s universitaires Saint-Louis, 2004, p.&nbsp;283‑293.</p> <p>KELLER-GERBER, Alessandra, &laquo;&nbsp;Poursuivre sa carri&egrave;re &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger. Histoires de parcours d&rsquo;&eacute;tudiants immigrants en Suisse : du r&eacute;cit de mobilit&eacute; au r&eacute;cit d&rsquo;&eacute;tablissement&nbsp;&raquo;, Journal of international Mobility, 1, 5, 2017, p.&nbsp;93‑114.</p> <p>LEBRUN, Marcel, Th&eacute;ories et m&eacute;thodes p&eacute;dagogiques pour enseigner et apprendre : Quelle place pour les TIC dans l&rsquo;&eacute;ducation ?, Bruxelles, De Boeck Universit&eacute;, 2007.</p> <p>MARTUCCELLI, Danilo, &laquo;&nbsp;Grand r&eacute;sum&eacute; de La soci&eacute;t&eacute; singulariste, Paris, &Eacute;ditions Armand Colin, coll. individu et soci&eacute;t&eacute;, 2010b&nbsp;&raquo;, SociologieS, 2010b. [En ligne : http://sociologies.revues.org/3344]</p> <p>MARTUCCELLI, Danilo, La soci&eacute;t&eacute; singulariste, Paris, Armand Colin, 2010a.</p> <p>MOLINI&Eacute;, Muriel, &laquo;&nbsp;Une approche biographique des trajectoires linguistiques et culturelles&nbsp;&raquo;, Le Fran&ccedil;ais dans le Monde Recherches et Applications, 39, 2006, p.&nbsp;10‑13.</p> <p>MOLINI&Eacute;, Muriel, &laquo;&nbsp;La m&eacute;thode biographique&nbsp;: de l&rsquo;&eacute;coute de l&rsquo;apprenant de langues &agrave; l&rsquo;herm&eacute;neutique du sujet plurilingue&nbsp;&raquo; dans Blanchet Philippe, Chardenet Patrick (dir.), Guide pour la recherche en didactique des langues et des cultures, Paris, &Eacute;ditions des archives contemporaines, 2011.</p> <p>MOLINI&Eacute;, Muriel, D&eacute;marches portfolio en didactique des langues et des cultures : enjeux de formation par la recherche action. Cergy-Pontoise : CRTF, 2011.</p> <p>MOLINI&Eacute;, Muriel, &laquo;&nbsp;(Se) repr&eacute;senter les mobilit&eacute;s : dynamiques plurilingues et relations alt&eacute;ritaires dans les espaces mondialis&eacute;s&nbsp;&raquo;, Glottopol, 24, 2014.</p> <p>MORIN, Edgar, Autocritique, Paris, R. Julliard, 1959.</p> <p>PAPATSIBA, Vassiliki, Des &eacute;tudiants europ&eacute;ens : &laquo;&nbsp;Erasmus&nbsp;&raquo; et l&rsquo;aventure de l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute;, Berne, Peter Lang, 2003.</p> <p>RIC&OElig;UR, Paul, Soi-m&ecirc;me comme un autre, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, 1990.</p> <p>TARRIUS, Alain, Les nouveaux cosmopolitismes. Mobilit&eacute;s, identit&eacute;s, territoires, La Tour-d&rsquo;Aigues, &Eacute;ditions de l&rsquo;Aube, 2000.</p> <p>VANDENBERGHE, Fr&eacute;d&eacute;ric, &laquo;&nbsp;Introduction &agrave; la sociologie (cosmo) politique du risque d&rsquo;ulrich&nbsp;&raquo;, Revue du MAUSS, 1, 17, 2001, p.&nbsp;25‑39.</p> <p>&nbsp;</p> <p>[1] Vincent Kaufmann d&eacute;fini la motilit&eacute; &laquo; comme la mani&egrave;re dont un individu ou un groupe fait sien le champ du possible en mati&egrave;re de mobilit&eacute; et en fait usage pour d&eacute;velopper des projets. L&#39;usage de ce potentiel peut soit conduire &agrave; la r&eacute;alisation d&#39;une mobilit&eacute; sociale ou spatiale, soit au renoncement actif, &agrave; la d&eacute;cision de ne pas &ecirc;tre mobile en vue du maintien du champ du possible, soit &agrave; la construction d&#39;un nouveau champ de motilit&eacute; &raquo; (Kaufmann, 2004&nbsp;: 32‑33). On peut la d&eacute;composer en &laquo; facteurs relatifs aux accessibilit&eacute;s (les conditions auxquelles il est possible d&#39;utiliser l&#39;offre au sens large), aux comp&eacute;tences (que n&eacute;cessite l&#39;usage de cette offre) et &agrave; l&#39;appropriation (l&#39;&eacute;valuation des possibilit&eacute;s) &raquo; (Gallez et Kaufmann, 2009&nbsp;: 7).</p> <p>[2] Nous avons r&eacute;alis&eacute; des entretiens ouverts et comportant des dessins r&eacute;flexifs, c&rsquo;est &agrave; dire un &laquo; dispositif comprenant le moment de la consigne, le moment du dessin et celui des entretiens d&rsquo;explicitation &raquo; (Molini&eacute;, 2011 : 202) qui s&rsquo;ins&egrave;re plus g&eacute;n&eacute;ralement dans une m&eacute;thode biographique. En fonction du souhait des interview&eacute;s les entretiens se d&eacute;roulaient en fran&ccedil;ais, en anglais ou en croate. Les extraits pr&eacute;sents dans cet article ont &eacute;t&eacute; traduits par nos soins. Au final, nous nous appuyons pour cette analyse sur 7 entretiens principalement effectu&eacute;s avec des &eacute;tudiants de diverses fili&egrave;res (droit, sciences politiques, langues&hellip;).</p> <p>[3] Un Master of Laws, un dipl&ocirc;me universitaire de troisi&egrave;me cycle sp&eacute;cialis&eacute; dans un domaine particulier du droit.</p> <p>[4] Un document d&eacute;livr&eacute; par un &eacute;tablissement qui consigne les savoirs et comp&eacute;tences acquis lors d&rsquo;une mobilit&eacute;. Nous en reparlerons plus en d&eacute;tail dans la deuxi&egrave;me partie de cet article.</p> <p>[5] &Agrave; notre connaissance, pas une seule personne de notre corpus n&rsquo;en a re&ccedil;u un.</p> <p>[6] Nous donnions comme consigne aux personnes avec lesquelles nous nous entretenions de se dessiner avant, pendant et apr&egrave;s leur mobilit&eacute;.</p> <p>[7] D&rsquo;ailleurs, Jelena est une des &eacute;tudiantes qui a le plus &eacute;vit&eacute; l&rsquo;entretien. Alors qu&rsquo;elle avait accept&eacute; de le faire, elle a ensuite repouss&eacute; plusieurs fois le moment de le r&eacute;aliser. Nous y voyons &ndash; contrairement &agrave; l&rsquo;enthousiasme des &eacute;tudiants fraichement rentr&eacute;s qui souhaitent pouvoir partager leur exp&eacute;rience &ndash; une certaine g&ecirc;ne &agrave; regarder le fait que les espoirs qui ont suivis son s&eacute;jour de mobilit&eacute; n&rsquo;ont pas vraiment &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;s.</p> <p>[8] Nous avons vu qu&rsquo;ils associent parfois la vie en Croatie &agrave; une vie traditionnelle qu&rsquo;ils souhaitent &eacute;viter mais surtout, qu&rsquo;ils partent car alors ils auront plus de choix professionnels et subiront moins le client&eacute;lisme.</p> <p>[9] C&rsquo;est la seule personne que nous avons interview&eacute;e qui a souhait&eacute; faire l&rsquo;entretien en croate.</p> <p>[10] Il y a 10 jours, on lui a propos&eacute; un travail en Croatie, pour un an et demi.</p> <p>[11] Selon le site officiel&nbsp;: http://europassmobilite.fr/page/3/EuropassMobilite. Ce document d&eacute;taille, outre la description du parcours de mobilit&eacute; (objectif, dur&eacute;e, etc.), les comp&eacute;tences acquises qui sont d&eacute;clin&eacute;es dans les rubriques suivantes : Activit&eacute;s/t&acirc;ches effectu&eacute;es ; Comp&eacute;tences li&eacute;es &agrave; l&rsquo;emploi ; Comp&eacute;tences linguistiques ; Comp&eacute;tences num&eacute;riques ; Comp&eacute;tences organisationnelles/manag&eacute;riales ; Comp&eacute;tences en communication.</p> <p>[12] Le d&eacute;veloppement du pouvoir d&rsquo;agir, traduction en fran&ccedil;ais de la notion d&rsquo;empowerment, indique &laquo; le processus par lequel un individu ou un groupe acquiert les moyens de renforcer sa capacit&eacute; d&rsquo;action, de s&rsquo;&eacute;manciper. [Cette notion] articule ainsi deux dimensions, celle du pouvoir, qui constitue la racine du mot, et celle du processus d&rsquo;apprentissage pour y acc&eacute;der &raquo; (Bacqu&eacute;, 2006&nbsp;: 108).</p> <p>[13] M&ecirc;me si cette prise de conscience n&rsquo;est pas une d&eacute;couverte mais plut&ocirc;t une confirmation.</p> <p>[14] Pour le sociologue, les soci&eacute;t&eacute;s actuelles sont soumises &agrave; un processus structurel de singularisation, qui est une inflexion de l&rsquo;individualisation o&ugrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;id&eacute;al supr&ecirc;me n&rsquo;est plus tant l&rsquo;autonomie politique ou l&rsquo;ind&eacute;pendance &eacute;conomique, que la qu&ecirc;te d&rsquo;une forme sui generis de justesse personnelle&nbsp;&raquo; (Martuccelli, 2010b).</p> <p>[15] Mais nous pourrions aussi parler d&rsquo;une injonction &agrave; se r&eacute;aliser, &agrave; &ecirc;tre libre, en projet&hellip;</p> <p>[16] Ce qui est plus facile car il est alors d&eacute;tach&eacute; des contraintes sociales habituelles.</p> <p>[17] Le site du SIEP (Service d&#39;Information sur les &Eacute;tudes et les Professions) par exemple, recense les savoir-&ecirc;tre n&eacute;cessaires pour exercer le m&eacute;tier d&rsquo;anthropologue&nbsp;: Capacit&eacute;s d&rsquo;observation&nbsp;; Curiosit&eacute; intellectuelle&nbsp;; Rigueur&nbsp;; Patience&nbsp;; Autonomie&nbsp;; Capacit&eacute;s d&rsquo;adaptation &agrave; un nouvel environnement&nbsp;; Ouverture d&rsquo;esprit&nbsp;; Capacit&eacute;s d&rsquo;analyse&nbsp;; Esprit critique&nbsp;; Disponibilit&eacute;&nbsp;; &Ecirc;tre dispos&eacute; &agrave; s&#39;expatrier&nbsp;; Flexibilit&eacute; (http://metiers.siep.be/metier/anthropologue/). Autant de savoir-&ecirc;tre que nous avons vu comme particuli&egrave;rement importants lors d&rsquo;un s&eacute;jour &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger.</p> <p>[18] Le journal de bord d&rsquo;apprentissage, le journal de recherche mais &eacute;galement le journal de formation d&eacute;veloppent chez le jeune praticien, non seulement la conscientisation des processus cognitifs sollicit&eacute;s par l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une langue nouvelle mais aussi la compr&eacute;hension des enjeux personnels, sociaux, professionnels associ&eacute;s au plurilinguisme, &agrave; la mobilit&eacute; culturelle, &agrave; l&rsquo;ouverture &agrave; l&rsquo;alt&eacute;rit&eacute; (Molini&eacute;, 2006 :&nbsp;10).</p> <p>[19] Le travail d&rsquo;extrospection se diff&eacute;rencie de l&rsquo;introspection &ndash; plut&ocirc;t utilis&eacute; dans le domaine de la psychologie &ndash; et consiste en une exploration libre des fronti&egrave;res de la r&eacute;alit&eacute;.</p>