<p>Dr. Romain Racine et Dr. Alessandra Keller-Gerber, Universit&eacute; de Fribourg (CH)</p> <p><strong>Le FOU &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve des comp&eacute;tences pluridisciplinaires d&rsquo;&eacute;tudiants en droit dans un contexte bilingue : rem&eacute;diation de savoir-dire entre d&eacute;centrement et r&eacute;flexivit&eacute;</strong></p> <p>L&rsquo;Universit&eacute; de Fribourg (CH) offre aux &eacute;tudiants la possibilit&eacute; de faire leurs &eacute;tudes soit enti&egrave;rement en fran&ccedil;ais, soit enti&egrave;rement en allemand, ou alors &laquo;&nbsp;en bilingue&nbsp;&raquo;[1]. &Agrave; titre indicatif, &agrave; la facult&eacute; de droit, environ un tiers des &eacute;tudiants suit les &eacute;tudes disciplinaires au niveau du bachelor[2] en fran&ccedil;ais, un tiers en allemand et un tiers en bilingue[3]. Parmi ce dernier groupe, les &eacute;tudiants qui le souhaitent et qui attestent d&rsquo;un niveau B2 en langue 2 (le fran&ccedil;ais ou l&rsquo;allemand) &agrave; l&rsquo;issue d&rsquo;un entretien d&rsquo;admission, peuvent s&rsquo;inscrire &agrave; la formation compl&eacute;mentaire &laquo;&nbsp;bilingue plus-droit&nbsp;&raquo;[4]. Celle-ci a &eacute;t&eacute; con&ccedil;ue comme un dispositif de soutien linguistique et culturel en langue 2 ayant pour objectif d&rsquo;amener les &eacute;tudiants au niveau C1 (voire du C1 au C2 pour les &eacute;tudiants inscrits en master[5]). Or, afin de mieux tenir compte de la double finalit&eacute; d&eacute;finie par le rectorat de l&rsquo;universit&eacute; bilingue de Fribourg &ndash; &agrave; savoir le renforcement du bilinguisme et de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;[6] &ndash; le dispositif &laquo;&nbsp;bilingue plus-droit&nbsp;&raquo; a &eacute;volu&eacute; depuis 2014. En effet,&nbsp;il s&rsquo;est mu&eacute; en une formation plus complexe ayant pour ambition d&rsquo;offrir aux &eacute;tudiants en droit, outre la possibilit&eacute; d&rsquo;approfondir leurs comp&eacute;tences linguistiques et culturelles en langue 2, un espace formatif qui leur permet d&rsquo;&eacute;voluer non seulement dans les deux aires linguistiques pr&eacute;sentes &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; de Fribourg/Freiburg mais aussi dans plusieurs disciplines acad&eacute;miques[7].</p> <p>Afin de d&eacute;velopper des outils suppl&eacute;mentaires favorisant l&rsquo;&eacute;veil des capacit&eacute;s bilingues et pluridisciplinaires, l&rsquo;&eacute;quipe &laquo;&nbsp;bilingue <em>plus</em>-droit&nbsp;&raquo; a choisi de placer au centre d&rsquo;un nouveau projet d&rsquo;apprentissage de la langue 2 des soir&eacute;es cin&eacute;ma-d&eacute;bat organis&eacute;es &ndash; en dehors des cursus officiels et pour l&rsquo;ensemble de la communaut&eacute; universitaire &ndash; par la Chaire de droit &eacute;conomique et de droit international. Consacr&eacute; chaque ann&eacute;e &agrave; un nouveau th&egrave;me transversal (la libert&eacute; / <em>Freiheit</em> 2016, la r&eacute;volution / <em>Revolution</em> 2017, la v&eacute;rit&eacute; / <em>Wahrheit</em> 2018, l&rsquo;identit&eacute; / <em>Identit&auml;t</em> 2019, l&rsquo;erreur / <em>Irrtum</em> 2020), cet &eacute;v&eacute;nement bilingue intitul&eacute; &laquo; Le Droit dans le cin&eacute;ma / <em>Recht im Film</em> &raquo;[8] nous permet de constituer, &agrave; l&rsquo;intersection des langues et des disciplines, un r&eacute;seau d&rsquo;&eacute;changes et de rencontres au sein duquel l&rsquo;&eacute;tudiant pourra devenir un v&eacute;ritable acteur de son apprentissage. Loin de son cadre disciplinaire habituel, il est amen&eacute; &agrave; avancer sur des terrains inexplor&eacute;s et &agrave; r&eacute;investir la langue 2 dans une r&eacute;alit&eacute; &laquo;&nbsp;hors classe&nbsp;&raquo; &ndash; l&agrave; o&ugrave;, pr&eacute;cis&eacute;ment, le bilinguisme ainsi que la pluridisciplinarit&eacute; sont v&eacute;cus comme une normalit&eacute; et non comme une exception.</p> <p>Autrement dit, sans vouloir abolir les fronti&egrave;res entre les langues et les disciplines, nous mettons &agrave; la disposition des &eacute;tudiants un nouvel espace formatif o&ugrave; ces fronti&egrave;res sont perm&eacute;ables, la circulation des id&eacute;es encourag&eacute;e ainsi que les rapprochements valoris&eacute;s. Concr&egrave;tement, l&rsquo;objectif propos&eacute; aux &eacute;tudiants est de se pr&eacute;parer &agrave; ces soir&eacute;es cin&eacute;ma-d&eacute;bat, de les suivre activement et de r&eacute;aliser, en langue 2, un m&eacute;moire qui mat&eacute;rialisera leurs r&eacute;flexions et leurs analyses relatives au th&egrave;me de l&rsquo;ann&eacute;e en y int&eacute;grant des apports th&eacute;oriques et pratiques en provenance de la litt&eacute;rature, du cin&eacute;ma, de la philosophie, etc. et, bien s&ucirc;r, du droit. En fin de formation, ce travail transdisciplinaire devra &ecirc;tre pr&eacute;sent&eacute; lors d&rsquo;une soutenance devant un jury bilingue compos&eacute; d&rsquo;un professeur de droit, d&rsquo;un sp&eacute;cialiste des m&eacute;dias et des lecteurs de langues en charge de la formation &laquo;&nbsp;bilingue <em>plus</em>-droit&nbsp;&raquo;. Op&eacute;rationnel depuis l&rsquo;ann&eacute;e universitaire 2015&ndash;2016, ce dispositif tripartite &ndash; comprenant donc les soir&eacute;es cin&eacute;ma-d&eacute;bat, le m&eacute;moire et l&rsquo;&eacute;valuation finale &ndash; constitue la partie &eacute;mergente et &eacute;valuable d&rsquo;un nouveau r&eacute;seau d&rsquo;&eacute;changes et de collaborations entre les langues et les disciplines qui, en d&eacute;passant les clivages disciplinaires traditionnels, se donne pour objectif de bousculer (l&eacute;g&egrave;rement) la mani&egrave;re d&rsquo;aborder l&rsquo;enseignement du FOU/FOS (droit) en milieu universitaire.</p> <p>Cr&eacute;&eacute;e d&rsquo;une mani&egrave;re relativement spontan&eacute;e afin de suivre rapidement les directives du rectorat en mati&egrave;re de bilinguisme et d&rsquo;interdisciplinarit&eacute;, cette nouvelle orientation de la formation &laquo;&nbsp;bilingue <em>plus</em>-droit&nbsp;&raquo;, comme nous l&rsquo;avons d&eacute;j&agrave; mentionn&eacute;, ne pourra plus &ecirc;tre con&ccedil;ue ni comme un simple cours de soutien linguistique compl&eacute;mentaire (FLE) ni comme un cours de langue sur objectifs juridiques (FOU/FOS-droit). Ces nouveaux besoins &agrave; la fois (inter)linguistiques, (inter)culturels et interdisciplinaires &ndash; dict&eacute;s par l&rsquo;universit&eacute; bilingue de Fribourg ainsi que par les exigences du m&eacute;tier de juriste en Suisse &ndash;, nous contraignent &agrave; &eacute;voluer sur un terrain &laquo;&nbsp;d&rsquo;entre-deux&nbsp;&raquo; pour lequel ni l&rsquo;un ni l&rsquo;autre cadre m&eacute;thodologique ne semblent tout &agrave; fait adapt&eacute;s &ndash; un terrain en r&eacute;alit&eacute; assez mouvant et d&eacute;stabilisant o&ugrave; enseignants et &eacute;tudiants sont confront&eacute;s &agrave; une nouvelle approche <em>pluriperspectiviste</em>[9] pour laquelle nous avons forg&eacute; la notion op&eacute;ratoire de &laquo;&nbsp;digression m&eacute;thodique&nbsp;&raquo; (Racine, 2018&nbsp;: 26).</p> <p>Bien que l&rsquo;exp&eacute;rience men&eacute;e depuis 2015 semble avoir donn&eacute; enti&egrave;re satisfaction &agrave; tous les acteurs impliqu&eacute;s &ndash; investissement des &eacute;tudiants dans les activit&eacute;s de terrain, relectures enthousiastes des m&eacute;moires de la part des lecteurs de langue, les partenaires de la facult&eacute; de droit oubliant m&ecirc;me que l&rsquo;&eacute;preuve est tout d&rsquo;abord une performance pluridisciplinaire et pluridimensionnelle en langue-culture &eacute;trang&egrave;re avant d&rsquo;&ecirc;tre un &eacute;crit disciplinaire[10] &ndash; nous ressentons aujourd&rsquo;hui le besoin d&rsquo;une prise de distance. Dans cette r&eacute;ussite, quelle est la part effectivement attribuable &agrave; l&rsquo;enseignement mis en place&nbsp;? La qualit&eacute; des m&eacute;moires ne serait-elle pas, plus simplement, attribuable &agrave; des ph&eacute;nom&egrave;nes de transfert de comp&eacute;tences d&eacute;j&agrave; acquises en langue 1&nbsp;? Comment, en d&eacute;finitive, mieux cibler sur le plan didactique des <em>savoir-dire</em>[11] pouvant &ecirc;tre reconduits, de mani&egrave;re sp&eacute;cifique, &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience d&rsquo;une pluridisciplinarit&eacute; &eacute;prouv&eacute;e, v&eacute;cue en contexte ?</p> <p>Nous ne pourrons &eacute;videmment pas r&eacute;pondre de mani&egrave;re exhaustive &agrave; toutes ces questions, mais elles nous bousculent dans notre confort didactique et nous incitent &agrave; nous repositionner. Dans cet article, nous nous appuyons sur des m&eacute;moires, produits depuis 2015 par les &eacute;tudiants inscrits en seconde ann&eacute;e de &laquo;&nbsp;bilingue <em>plus</em>-droit&nbsp;&raquo;, que nous avons choisis comme corpus d&rsquo;analyse[12]. Ces &eacute;crits semblent &ecirc;tre &ndash; pour de nombreux &eacute;tudiants germanophones &ndash; le lieu d&rsquo;une appropriation op&eacute;ratoire de la culture francophone[13] (romande, plus sp&eacute;cifiquement)&nbsp;: quelles sont les traces de ce processus dans leurs discours ? Peut-on, &agrave; partir de nos observations, &eacute;tablir une typologie d&rsquo;unit&eacute;s discursives caract&eacute;ristiques de ce corpus&nbsp;? Loin de pouvoir apporter, &agrave; ce stade, un cadre th&eacute;orique &eacute;labor&eacute; qui puisse &ecirc;tre appliqu&eacute; &agrave; notre terrain particulier, cet article constitue la partie &eacute;mergente d&rsquo;un vaste chantier o&ugrave; nos r&eacute;flexions et nos interrogations, issues d&rsquo;une pratique d&rsquo;enseignement dans un environnement bilingue et pluridisciplinaire complexe, se forment et se mat&eacute;rialisent en observant l&rsquo;&eacute;volution des exigences universitaires et professionnelles, dans le souci constant d&rsquo;am&eacute;liorer la qualit&eacute; de nos formations en contexte bilingue.</p> <p>1. Le d&eacute;centrement au niveau du raisonnement et de la rh&eacute;torique</p> <p>Paradoxalement, suite &agrave; son remaniement bilingue et pluridisciplinaire, il semble que la formation &laquo;&nbsp;bilingue <em>plus</em>-droit&nbsp;&raquo; vise d&eacute;sormais davantage au c&oelig;ur du m&eacute;tier de juriste &ndash; ce qui <em>a priori</em> est surprenant. En effet, si l&rsquo;on s&rsquo;&eacute;loigne de l&rsquo;id&eacute;e r&eacute;ductrice du bachotage des premi&egrave;res ann&eacute;es de droit qui semble consister &agrave; accumuler le maximum de connaissances disciplinaires[14], on s&rsquo;aper&ccedil;oit que le point commun &agrave; tous les juristes, universitaires ou non universitaires, est la pratique du langage juridique, impr&eacute;gn&eacute;e de postures culturelles et acad&eacute;miques tout &agrave; fait sp&eacute;cifiques. Selon Didier Truchet, sp&eacute;cialiste du droit public &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Paris II Panth&eacute;on-Assas, ce discours sp&eacute;cialis&eacute;, qu&rsquo;il soit ancr&eacute; dans un contexte universitaire ou professionnel, est enti&egrave;rement fa&ccedil;onn&eacute; par un raisonnement juridique dont &laquo;&nbsp;toutes les &eacute;tapes [&hellip;] appellent un effort particulier d&rsquo;argumentation&nbsp;&raquo;. Autrement dit, le m&eacute;tier de juriste est, d&rsquo;apr&egrave;s lui, essentiellement &laquo;&nbsp;rh&eacute;torique&nbsp;&raquo; (Truchet, 2002&nbsp;: 59).</p> <p>Sans vouloir reprendre la distinction st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;e entre le sophiste, qui ma&icirc;trise tous les (en)jeux du discours au point de pouvoir faire passer pour vrai ce qui est faux, et le philosophe, qui lui se contente du questionnement du vrai pour d&eacute;noncer le faux, il n&rsquo;emp&ecirc;che que dans le m&eacute;tier de juriste, l&rsquo;argumentation juridique suit sa propre logique, se tenant &agrave; distance des points de vue individuels et, quelquefois, des convictions collectives, voire professionnelles. Ainsi, pour d&eacute;fendre son client, sur le plan de la pratique professionnelle, il n&rsquo;est pas rare que l&rsquo;avocat soit oblig&eacute; de faire la difficile synth&egrave;se entre l&rsquo;appr&eacute;hension de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t du client et les exigences de fond et de forme du m&eacute;tier de juriste. Sur le plan de l&rsquo;id&eacute;ologie professionnelle, il arrive qu&rsquo;un avocat soit amen&eacute; &agrave; argumenter &agrave; l&rsquo;encontre des id&eacute;es commun&eacute;ment admises. Nous pensons notamment &agrave; M<sup>e</sup> Robert Badinter[15] qui pour sauver son client Bontems plaidait &agrave; l&rsquo;&eacute;poque, en vain, contre la peine capitale pr&eacute;vue par le code p&eacute;nal, envisag&eacute;e par le jury d&rsquo;assises et r&eacute;clam&eacute;e par l&rsquo;opinion publique. Enfin, sur le plan rh&eacute;torique, et afin de garantir le droit de chacun d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;fendu, il n&rsquo;est pas impossible qu&rsquo;un avocat prenne en charge la d&eacute;fense d&rsquo;un client dont les actes sont <em>a priori</em> ind&eacute;fendables. Pour s&rsquo;en convaincre, il suffit de citer M<sup>e</sup> Jacques Verg&egrave;s, avocat de Klaus Barbie, et M<sup>e</sup> Francis Vuillemin, jeune avocat d&eacute;fenseur de Maurice Papon[16]. C&rsquo;est donc avant tout la fonction que rev&ecirc;t chaque juriste (juge, procureur, avocat, conseiller, m&eacute;diateur, etc.) qui, dans le cadre &eacute;troit du raisonnement juridique et celui des proc&eacute;dures judiciaires, lui dicte sa prise de position particuli&egrave;re et, de ce fait, son argumentaire sp&eacute;cifique.</p> <p>Afin de ma&icirc;triser &agrave; la fois l&rsquo;art du raisonnement juridique, qui a son fonctionnement propre d&ucirc; &agrave; une tradition juridique et acad&eacute;mique particuli&egrave;re &agrave; chacune des deux zones linguistiques, et celui de la rh&eacute;torique sp&eacute;cialis&eacute;e, qui permet de s&rsquo;adapter aux normes et codes, plus ou moins implicites, de chaque langue-culture[17], les &eacute;tudiants sont m&eacute;thodiquement contraints, d&egrave;s la premi&egrave;re ann&eacute;e de droit, de se glisser dans les m&eacute;andres de proc&eacute;dures sp&eacute;cifiques, de se d&eacute;centrer dans un syst&egrave;me de pens&eacute;e autre et, au cours de leur parcours professionnel, de rev&ecirc;tir diff&eacute;rentes fonctions, parfois oppos&eacute;es, du m&eacute;tier de juriste. &Agrave; d&eacute;faut d&rsquo;acqu&eacute;rir l&rsquo;habilet&eacute; langagi&egrave;re, les techniques r&eacute;dactionnelles et la capacit&eacute; intellectuelle de pouvoir argumenter en mettant en retrait, ou en sourdine, leur position personnelle ancr&eacute;e dans la langue-culture 1, les &eacute;tudiants en droit &laquo;&nbsp;mention bilingue&nbsp;&raquo; ne passeront gu&egrave;re le cap des premiers examens, notamment en langue 2. Il s&rsquo;agit donc, pour eux, de s&rsquo;approprier la posture du d&eacute;centrement &ndash; notion qui pourrait &ecirc;tre compl&eacute;t&eacute;e et enrichie par l&rsquo;id&eacute;e du &laquo;&nbsp;travestissement&nbsp;&raquo;[18] &ndash; afin de faire corps &agrave; tout moment avec le raisonnement juridique idoine et de pouvoir l&rsquo;appliquer &agrave; toute situation litigieuse qui se pr&eacute;sentera &agrave; eux tout au long de leur carri&egrave;re, <em>a fortiori</em> lors de missions professionnelles de l&rsquo;autre c&ocirc;t&eacute; de la fronti&egrave;re langagi&egrave;re ou au niveau f&eacute;d&eacute;ral[19].&nbsp;</p> <p>En d&eacute;finitive, si l&rsquo;appropriation du raisonnement juridique demande un effort certain &agrave; l&rsquo;&eacute;tudiant en droit de langue maternelle[20], que dire alors de l&rsquo;&eacute;tudiant allophone&nbsp;? Ce dernier devra r&eacute;ussir le tour de force de r&eacute;aliser un double d&eacute;centrement : &agrave; la fois mettre en relation (et &agrave; distance) les conceptions et traditions juridiques germanophone (de Suisse al&eacute;manique) et francophone (de Suisse romande) tout en s&rsquo;&eacute;loignant momentan&eacute;ment de sa position de d&eacute;part pour faire une incursion dans la langue-culture &eacute;trang&egrave;re &ndash; &agrave; l&rsquo;instar du com&eacute;dien paradoxal de Diderot qui, travestissant ponctuellement son <em>moi originel</em>, sait prendre de la hauteur et &laquo;&nbsp;dit qu&rsquo;[il] pleure mais [il] ne pleure pas&nbsp;&raquo;[21] &ndash; et s&rsquo;aventurer dans des disciplines inconnues jusqu&rsquo;alors, plus &laquo;&nbsp;humaines&nbsp;&raquo;, plus &laquo;&nbsp;litt&eacute;raires&nbsp;&raquo;, plus &laquo;&nbsp;cin&eacute;matographiques&nbsp;&raquo;. En effet, si nous souhaitons que le futur juriste helv&eacute;tique, bien qu&rsquo;ancr&eacute; dans les traditions cantonales, devienne un professionnel &laquo;&nbsp;r&eacute;fl&eacute;chi&nbsp;&raquo; &nbsp;qui soit &agrave; l&rsquo;aise dans les deux aires linguistiques germanophone et francophone, il nous semble utile d&rsquo;&eacute;largir l&rsquo;approche de l&rsquo;enseignement du FOU/FOS-droit en proposant une formation plus rh&eacute;torique et plus globalisante en langue 2 qui mette en valeur ces m&eacute;canismes de d&eacute;centrement &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans le m&eacute;tier de juriste bilingue &ndash; ceux-l&agrave; m&ecirc;mes qui op&egrave;rent syst&eacute;matiquement lors du passage entre les langues-cultures, les disciplines universitaires et les fonctions professionnelles[22].</p> <p>2. Croisements et changements de perspectives</p> <p>Bien que des propositions m&eacute;thodologiques innovantes aient r&eacute;guli&egrave;rement vu le jour concernant l&rsquo;insertion d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments culturels en classe de langue[23], les appareillages didactiques qui les englobent oscillent, encore aujourd&rsquo;hui, entre objectifs de r&eacute;tention d&rsquo;informations factuelles (dans des exercices de type compte rendu ou synth&egrave;se de documents, par exemple, pour le FOU) ou de jugement m&eacute;ta-litt&eacute;raire (dans des explications de texte, se rapprochant de ce que l&rsquo;on ferait produire en langue maternelle). Dans un contexte helv&eacute;tique germanophone o&ugrave; l&rsquo;influence de la langue fran&ccedil;aise (et, &agrave; travers elle, des valeurs qu&rsquo;elle v&eacute;hicule) est en perte de vitesse[24], nous nous posons donc la question de savoir quel autre r&ocirc;le l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment culturel francophone pourrait avoir dans la formation en langue de juristes allophones qui &ndash; sans se destiner &agrave; des m&eacute;tiers artistiques ou litt&eacute;raires[25] &ndash; vont faire de cette langue-culture une marque de distinction professionnelle.</p> <p>Avant de d&eacute;crire pr&eacute;cis&eacute;ment ces nouveaux enjeux auxquels nous pensons, ainsi que les <em>savoir-dire</em> rh&eacute;toriques qui leur sont reli&eacute;s, il semble n&eacute;cessaire de les situer au sein d&rsquo;un cadre didactique centr&eacute; sur la <em>didactisation</em> de l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment culturel, envisag&eacute; dans une perspective diachronique. Ce cadre nous permettra ensuite de situer la <em>troisi&egrave;me voie</em> &ndash; celle que nous avons choisie &ndash; se frayant un chemin dans le paysage des m&eacute;thodologies.</p> <p>2.1. Lire la dimension culturelle en classe de FOU</p> <p>Le document culturel &ndash; litt&eacute;raire, en particulier &ndash; &eacute;tait au centre de tous les apprentissages jusqu&rsquo;&agrave; ce que les m&eacute;thodologies dites traditionnelles soient remplac&eacute;es par la SGAV (structuro-globale audiovisuelle): apprendre une langue, c&rsquo;&eacute;tait avant tout se cultiver dans cette langue (Gohard-Radenkovic, [1999] 2004). De mani&egrave;re cyclique, ensuite, la culture a &eacute;t&eacute; &eacute;vinc&eacute;e des programmes au profit de mat&eacute;riaux relevant (plus clairement) de la langue orale, pour &ecirc;tre &agrave; nouveau exploit&eacute;e &ndash; mais &agrave; des fins diff&eacute;rentes&hellip;</p> <p>Sans contester sa valeur en tant que t&eacute;moin d&rsquo;un monde et d&rsquo;une langue id&eacute;alis&eacute;s, la m&eacute;thodologie active avait con&ccedil;u des objectifs autour de l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment culturel, s&rsquo;appuyant sur des sources diverses et des connaissances apport&eacute;es par l&rsquo;enseignant (Luscher, 2009). Puis les m&eacute;thodologies communicatives, en envisageant les progressions autour de documents authentiques ayant pour (seul) but de d&eacute;clencher des &eacute;changes verbaux en classe, ont bris&eacute; ce lien entre discours et contextes de production&nbsp;: l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment culturel devenait un ph&eacute;nom&egrave;ne civilisationnel isol&eacute; rapidement p&eacute;rissable.</p> <p>Si l&rsquo;approche communicative a install&eacute; l&rsquo;oral et la conversation au centre de l&rsquo;apprentissage, la perspective actionnelle, quant &agrave; elle, y a instaur&eacute;, &agrave; travers la &laquo;&nbsp;p&eacute;dagogie du projet&nbsp;&raquo;, une vis&eacute;e d&rsquo;efficacit&eacute; et de rendement&nbsp;: le r&eacute;sultat devient le but vers lequel tendent et se focalisent tous les efforts d&rsquo;apprentissage et auquel tous les objectifs sont subordonn&eacute;s. Les &laquo;&nbsp;t&acirc;ches&nbsp;&raquo;, d&eacute;coupant le projet final en s&eacute;quences discursives et en actes de parole, incitent l&rsquo;apprenant &agrave; parcourir toutes les &eacute;tapes qui m&egrave;nent &agrave; l&rsquo;accomplissement de celui-ci. Or dans cette course lin&eacute;aire o&ugrave; aucune digression enrichissante ni aucun travestissement rh&eacute;torique ou pluridisciplinaire ne sont admises, l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment culturel est englouti dans un &laquo;&nbsp;acte social d&rsquo;expression et de communication&nbsp;&raquo; (Puren, 2006) qui se borne &agrave; exploiter le fait culturel comme un &laquo;&nbsp;r&eacute;servoir de formes&nbsp;&raquo;, en vue de la mise en mots du projet final. M&ecirc;me si Christian Puren, se rendant compte du d&eacute;ficit culturel inh&eacute;rent &agrave; la d&eacute;marche actionnelle, a tent&eacute; de r&eacute;habiliter le texte litt&eacute;raire en proposant une typologie pour l&rsquo;enseignement de la litt&eacute;rature, qui d&eacute;partage les savoir-faire li&eacute;s &agrave; la lecture de textes en sept macro-comp&eacute;tences (paraphraser / analyser / extrapoler / interpr&eacute;ter / comparer / r&eacute;agir / transposer), (Puren, 2006), on ne peut s&rsquo;emp&ecirc;cher de constater que cette p&eacute;dagogie purement pragmatique a gomm&eacute; deux distinctions fondamentales&nbsp;: d&rsquo;une part, celle entre un travail accompli en langue-culture maternelle et un apprentissage intellectuel et culturel effectu&eacute; en langue-culture &eacute;trang&egrave;re o&ugrave; l&rsquo;obstacle de la langue oblige &agrave; une prise de distance par rapport au projet &agrave; accomplir; et, d&rsquo;autre part, celle entre l&rsquo;acquisition d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re en contexte homoglotte et l&rsquo;apprentissage de celle-ci dans un contexte h&eacute;t&eacute;roglotte o&ugrave; la mise en &oelig;uvre de v&eacute;ritables projets &ndash; avec &agrave; la clef un livrable &agrave; vis&eacute;e &laquo;&nbsp;sociale&nbsp;&raquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire hors classe et, le plus souvent, en milieu professionnel &ndash; ne pr&eacute;sente <em>in fine</em> qu&rsquo;un int&eacute;r&ecirc;t limit&eacute; (Cuq, 2016&nbsp;: 29).</p> <p>En d&eacute;finitive si, sur le plan m&eacute;thodologique, nous reconnaissons notre dette vis-&agrave;-vis de la perspective actionnelle puisque les programmes de FOS, et donc de FOU, dont nous nous revendiquons, se con&ccedil;oivent, en lien avec des analyses de besoin (Richer, 2008&nbsp;: 23), autour de t&acirc;ches d&eacute;coupant l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment culturel en s&eacute;quences discursives afin de faciliter leur r&eacute;alisation en langue-cible, nous constatons &ndash; suite &agrave; la &laquo;&nbsp;pragmatisation&nbsp;&raquo; de l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment culturel[26] &ndash; un manque de comp&eacute;tence interpr&eacute;tative, voire r&eacute;flexive, aupr&egrave;s des apprenants de langue, comp&eacute;tence pourtant indispensable en milieu universitaire. Non point que cette r&eacute;flexivit&eacute; soit totalement absente de la d&eacute;marche actionnelle, mais elle reste &ndash; telle qu&rsquo;elle est envisag&eacute;e &ndash; &agrave; l&rsquo;&eacute;tat implicite comme si l&rsquo;apprenant en langue &eacute;trang&egrave;re, &agrave; l&rsquo;instar du natif lors de la r&eacute;alisation d&rsquo;un projet en langue maternelle, pouvait faire l&rsquo;impasse sur l&rsquo;appropriation active et explicite d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments d&rsquo;ordre culturel (Zarate, 1995 [1993])[27]. &Agrave; titre illustratif, on peut remarquer que, bien que les trois derni&egrave;res macro-comp&eacute;tences propos&eacute;es par Puren&nbsp; &ndash; &nbsp;comparer / r&eacute;agir / transposer &ndash; soient, effectivement, d&eacute;clinables en consignes se rapportant au monde de l&rsquo;apprenant allophone, celui-ci ne saura pas concurrencer (et tel n&rsquo;est pas l&rsquo;objectif&nbsp;!) le natif dans les r&eacute;ponses qu&rsquo;il apportera aux quatre premi&egrave;res&nbsp;: dans l&rsquo;exercice de paraphrase, son obstacle sera d&rsquo;ordre linguistique&nbsp;; pour l&rsquo;analyse &ndash; l&rsquo;extrapolation et l&rsquo;interpr&eacute;tation &ndash; ce sont les r&eacute;f&eacute;rences socio-culturelles (ayant s&eacute;diment&eacute;, chez le natif, durant toute une scolarit&eacute;) qui lui feront d&eacute;faut. Et, dans les deux cas, aucune indication ne nous est donn&eacute;e pour savoir comment il acquerra la langue et la culture, &eacute;troitement li&eacute;es, pour mettre en place ces &laquo;&nbsp;actions&nbsp;&raquo;.</p> <p>2.2. De l&rsquo;objet regard&eacute; &agrave; l&#39;&oelig;il qui regarde&nbsp;: du positionnement d&eacute;centr&eacute; &agrave; la posture r&eacute;flexive</p> <p>L&rsquo;un des moyens pour apprendre &agrave; parler une langue est d&rsquo;&ecirc;tre en contact avec ses locuteurs natifs, cette remarque rel&egrave;ve du sens commun. En ce qui concerne la compr&eacute;hension du fait culturel, cependant &ndash; pour toutes les raisons que nous venons d&rsquo;&eacute;voquer &ndash; un apprentissage par imitation induit n&eacute;cessairement des difficult&eacute;s d&rsquo;interpr&eacute;tation, &agrave; cause de la donne implicite qui s&rsquo;immisce dans les interactions (Kerbrat-Orecchioni, 1986). Ces probl&egrave;mes sont d&rsquo;autant plus difficiles &agrave; cibler qu&rsquo;ils passent inaper&ccedil;us, la plupart du temps, &agrave; l&rsquo;apprenant lui-m&ecirc;me&nbsp;; ressentant un d&eacute;calage, une inad&eacute;quation de son discours ou de son comportement face aux attentes du nouveau milieu social, il ne saura pas en cibler la cause. Contrairement aux processus d&rsquo;apprentissage linguistique &agrave; proprement parler, une progression par paliers &ndash; bas&eacute;e sur des savoirs interm&eacute;diaires &ndash; n&rsquo;est donc pas envisageable pour les connaissances culturelles (Zarate, 1986). Les cadres discursifs qui les instaurent, de nature intersubjective, s&rsquo;appuient sur une dialectique complexe. Nous privil&eacute;gierons donc leur explicitation pr&eacute;alable afin d&rsquo;&eacute;viter que la culture ne s&rsquo;aplatisse dans des fiches de manuels &ndash; condensant quelques donn&eacute;es objectives, regroup&eacute;es par une th&eacute;matique commune (dates, grands noms, images). Consid&eacute;rant nos publics sp&eacute;cifiques &ndash; des &eacute;tudiants en droit allophones pour lesquels la culture-cible n&rsquo;est pas, <em>a priori</em>, une culture lointaine &agrave; d&eacute;couvrir, mais un bagage de r&eacute;f&eacute;rences dont il s&rsquo;agit de comprendre le fonctionnement intrins&egrave;que pour pouvoir l&rsquo;exploiter &ndash; nous compl&eacute;terons la r&eacute;flexion amorc&eacute;e sur le statut du <em>regard&eacute;</em> (la culture), en nous questionnant davantage sur le r&ocirc;le du <em>regardeur</em> (l&rsquo;apprenant lui-m&ecirc;me). En alternative aux d&eacute;marches impliquant des savoir-faire factuels ou des r&eacute;flexions de type m&eacute;ta-litt&eacute;raire, encore tr&egrave;s pr&eacute;sentes en FLE, comment reformuler alors ces objectifs pour que se r&eacute;alise l&rsquo;alchimie de l&rsquo;appropriation, de l&rsquo;incorporation, du travestissement dans le sens d&rsquo;une <em>mise en corps</em> intellectuelle et sensorielle ?</p> <p>&Agrave; l&rsquo;&eacute;poque o&ugrave; la didactique du FLE a crois&eacute; le chemin des anthropologues, Louis Porcher avait d&eacute;crit le processus de construction de comp&eacute;tences culturelles &ndash; en proposant d&rsquo;organiser le travail en classe autour d&rsquo;&laquo;&nbsp;universels singuliers&nbsp;&raquo;&nbsp;: ces th&egrave;mes, comme l&rsquo;amour, le temps ou l&rsquo;eau, pr&eacute;sents dans toutes les soci&eacute;t&eacute;s, mais incarnant, dans leur mise en mots/mise en sc&egrave;ne, la singularit&eacute; des rapports au monde (Porcher, 1987)[28]. Par ces propositions p&eacute;dagogiques, l&rsquo;auteur entendait contrer le r&eacute;flexe rassurant &ndash; pour l&rsquo;enseignant, comme pour l&rsquo;apprenant &ndash; d&rsquo;un catalogage hi&eacute;rarchis&eacute; de donn&eacute;es culturelles immuables &agrave; m&eacute;moriser par blocs[29]. La construction de savoirs &eacute;tant un processus dynamique, la classe de langue devenait alors le lieu m&ecirc;me o&ugrave; s&rsquo;amorce un syst&egrave;me de classement, pour une mise en lien &eacute;volutive de faits culturels &ndash; entre ce qui est connu et <em>ce qu&rsquo;il reste &agrave; conna&icirc;tre</em>. Au gr&eacute; des exp&eacute;riences (faites intra- et extra- muros), la pens&eacute;e interpr&eacute;tative &eacute;mergeait au sein de productions individuelles ou en co-construction avec le groupe-classe &ndash; la verbalisation devenant, en elle-m&ecirc;me, le lieu o&ugrave; s&rsquo;explicitent les &eacute;tonnements (Zarate, 1986&nbsp;: 16-19, Gohard-Radenkovic, dir., 2004,&nbsp; Godard, 2015&nbsp;: 75 <em>sq.</em>). Au centre de ce syst&egrave;me, pour que les fils de ces mises en lien puissent se tisser, la notion de <em>positionnement</em> &ndash; associ&eacute;e depuis Georg Simmel &agrave; une &laquo;&nbsp;sociologie [du regard] &eacute;tranger&nbsp;&raquo; (Simmel, 1979 [1908]&nbsp;; Molini&eacute;, 2002 et 2009). Car, de par sa position liminaire, l&rsquo;&eacute;tranger porte un regard &laquo;&nbsp;plus objectif&nbsp;&raquo; sur le monde dans lequel il p&eacute;n&egrave;tre &ndash; ce qui ne veut pas n&eacute;cessairement dire une vision <em>plus juste</em>. Les cadres de r&eacute;f&eacute;rence, acquis par ses socialisations ant&eacute;rieures, questionneront n&eacute;cessairement ce qu&rsquo;il observe dans la nouvelle soci&eacute;t&eacute; &ndash; des pratiques et des discours que les membres eux-m&ecirc;mes ne pourront pas toujours expliquer parce qu&rsquo;elles rel&egrave;vent, pour eux, d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;vidences invisibles&nbsp;&raquo; (Carroll, 1987).</p> <p>2.3. L&rsquo;histoire singuli&egrave;re, sa valeur universelle et sa relecture dans un cadre intime</p> <p>La mati&egrave;re (auto-)biographique[30] se pr&ecirc;te particuli&egrave;rement bien &agrave; un travail en classe de langue organis&eacute; sur ce mode binaire, dans une poursuite de ce qui serait universel dans l&rsquo;exp&eacute;rience singuli&egrave;re (Bertaux, 1997&nbsp;; Lejeune, 1975). &laquo;&nbsp;Outil de description du quotidien&nbsp;&raquo;, le r&eacute;cit de vie &ndash; qu&#39;il fasse l&rsquo;objet d&rsquo;un livre, d&rsquo;un film ou d&rsquo;une exposition m&ecirc;lant tout type de m&eacute;dium &ndash; est toujours une narration qui donne &agrave; voir &laquo;&nbsp;des pratiques culturelles &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle individuelle&nbsp;&raquo; (Zarate, 1986&nbsp;: 86 <em>sqq.</em>). Mieux que tout autre document authentique &ndash; produit en langue cible dans, et pour, la soci&eacute;t&eacute; cible &ndash; il permettra &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger de suivre des attitudes, des r&eacute;actions, des relations qui se construisent dans un espace sp&eacute;cifique, &eacute;voluant au sein de temporalit&eacute;s pouvant &ecirc;tre longues (toute une vie), ou courtes, (un instant d&rsquo;&eacute;tonnement). Ces situations ont en commun le point de vue par lequel elles sont racont&eacute;es&nbsp;: un narrateur prenant en charge le discours se d&eacute;peignant au sein de situations pass&eacute;es, mettant en acte tout le social qu&rsquo;il a incorpor&eacute; (dont il &eacute;tait p&eacute;tri au moment racont&eacute;, mais dont il s&rsquo;est peut-&ecirc;tre distanc&eacute;): ses statuts et ses r&ocirc;les dans la soci&eacute;t&eacute;, ses ant&eacute;c&eacute;dents familiaux et historiques, sa religion, son sexe, son appartenance &agrave; une g&eacute;n&eacute;ration bref, toutes les tesselles[31] condensant ce qu&rsquo;il estime &ecirc;tre devenu (au moment de la mise en r&eacute;cit), sa mosa&iuml;que identitaire (Maalouf, 1998). Construire une (auto-)biographie, c&rsquo;est faire sa r&eacute;trospective &agrave; un moment t&nbsp;; c&rsquo;est s&rsquo;observer &eacute;voluer de l&rsquo;ext&eacute;rieur, sur une longue dur&eacute;e, &laquo;&nbsp;comme si [l&rsquo;on] &eacute;tait un autre&nbsp;&raquo;&nbsp;(Ric&oelig;ur, 2005 [1990], Kaufmann, 2004); en litt&eacute;rature, c&rsquo;est une d&eacute;marche comparable &agrave; (l&rsquo;auto-) portrait en peinture, dans la mesure o&ugrave; l&rsquo;image de soi mise en texte &ndash; celle qui sera tendue au lecteur une fois l&rsquo;auteur satisfait du r&eacute;sultat &ndash; se construira par strates, dissimulant peut-&ecirc;tre des renoncements. Si elle arrive &agrave; y poser un point final, c&rsquo;est que la voix narrative aura atteint une forme de coh&eacute;rence identitaire au sein de cette galerie d&rsquo;images de soi s&rsquo;encha&icirc;nant chronologiquement dans le discours. Le flux du r&eacute;cit en lui-m&ecirc;me a donc une fonction performative&nbsp;: le peintre pose son pinceau face au portrait, le narrateur arr&ecirc;te de se ciseler en mots, au moment o&ugrave; l&rsquo;&oelig;uvre, soudainement, refl&egrave;te une totalit&eacute; satisfaisante &agrave; leurs yeux&nbsp;: c&rsquo;est l&rsquo;espace entre soi et soi, tel qu&rsquo;analys&eacute; pour le th&eacute;&acirc;tre par Mesguich (Viala, Mesguich, 2018). &nbsp;</p> <p>C&rsquo;est donc dans cet espace interstitiel de miroitements entre exp&eacute;rience de soi et (re-)lecture de l&rsquo;histoire des autres que le sentiment d&#39;inad&eacute;quation face &agrave; l&rsquo;objet culturel produit dans la culture-cible pourra se transformer en posture r&eacute;flexive permettant ainsi une appropriation de nouvelles connaissances reli&eacute;es entre elles. L&rsquo;espace-classe, dans sa mat&eacute;rialit&eacute; m&ecirc;me, aura un r&ocirc;le &agrave; jouer en tant que lieu de rencontre, semi-prot&eacute;g&eacute;, entre les &oelig;uvres et leurs nouveaux lecteurs. Mais pour que ce type de lecture ne se traduise pas en versions d&eacute;lav&eacute;es de discours savants prononc&eacute;s ailleurs ou qu&rsquo;il serve, au contraire, des r&eacute;flexions intimistes d&eacute;contextualis&eacute;es &ndash; le texte devenant un <em>pr&eacute;texte</em> pour de l&#39;introspection &ndash; nous proposons de r&eacute;articuler les orientations didactiques que nous venons bri&egrave;vement d&rsquo;exposer: de la perspective actionnelle, nous retiendrons l&rsquo;analyse s&eacute;quentielle m&eacute;ticuleuse des discours-support pour leur reproduction totale ou partielle (l&rsquo;objet culturel lui-m&ecirc;me, ou le discours <em>sur</em>, devenant une matrice formelle pour la mise en mots du livrable final). De la perspective anthropologique, en revanche, nous retiendrons l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une inversion des regards, pour que soient associ&eacute;es aux visions diachroniques sur les objets culturels (issues des m&eacute;thodologies traditionnelles) des lectures synchroniques qui, entrem&ecirc;l&eacute;es aux premi&egrave;res, permettent des perspectives d&eacute;centr&eacute;es et des croisements de perspectives plus approfondis. Afin de parvenir &agrave; une s&eacute;dimentation de ces op&eacute;rations de transformation et de d&eacute;centrement, notre d&eacute;marche s&rsquo;inspire de l&rsquo;id&eacute;e qu&rsquo;en FOU, il s&rsquo;agit de travailler non plus au niveau du mot, de la phrase ou de l&rsquo;acte de parole &agrave; travers des t&acirc;ches &ndash; comme on le propose encore souvent &ndash; mais sur du discours analys&eacute; selon les sch&egrave;mes rh&eacute;toriques attendus dans la soci&eacute;t&eacute;-cible et d&eacute;coup&eacute; en s&eacute;quences prototypiques dont il s&rsquo;agit d&rsquo;&eacute;valuer le degr&eacute; de ritualisation (Richer, 2008).</p> <p>3. &Eacute;bauche d&rsquo;une typologie des <em>savoir-dire</em> propres au regard r&eacute;flexif et pluridisciplinaire&nbsp;</p> <p>Dans cette partie, nous proc&eacute;derons &agrave; une relecture des m&eacute;moires existants &ndash; produits depuis 2015 &ndash; en nous posant la question suivante&nbsp;: ce type d&rsquo;&eacute;crit porte-t-il la trace de l&rsquo;&eacute;mergence du futur juriste bi/plurilingue et, si tel est le cas, peut-on en tirer des <em>savoir-dire</em>&nbsp;potentiellement transf&eacute;rables &agrave; d&rsquo;autres contextes de formation&nbsp;? Afin d&rsquo;&eacute;tablir la &laquo;&nbsp;table des savoir-dire&nbsp;&raquo; de la partie 3, nous avons donc entrepris&nbsp;une analyse typologique du discours de nos &eacute;tudiants&nbsp;: nous les avons observ&eacute;s durant leur va-et-vient entre les langues et les disciplines, en laissant de c&ocirc;t&eacute; nos crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation habituels. Au travers de leurs textes, nous avons rep&eacute;r&eacute; &agrave; quels endroits se posaient leurs regards sur la culture-support et comment ces d&eacute;couvertes &eacute;taient r&eacute;investies dans leur propre argumentaire. Nos cat&eacute;gorisations se suivront ici en fonction du jeu de focale que les auteurs adoptent, en limitant les exemples par manque de place&nbsp;: de la construction d&rsquo;une vision intime, li&eacute;e &agrave; la logique d&rsquo;un personnage remis en sc&egrave;ne pour les n&eacute;cessit&eacute;s du discours, &agrave; la r&eacute;flexion plus g&eacute;n&eacute;rale relative &agrave; l&rsquo;impact du dispositif de formation en lui-m&ecirc;me sur la pens&eacute;e qui se formule.</p> <p>Avant de poursuivre&nbsp;notre r&eacute;flexion, une petite pr&eacute;cision reste &agrave; faire concernant le contexte de production original des extraits s&eacute;lectionn&eacute;s dans nos analyses. Il s&rsquo;agit majoritairement d&rsquo;&eacute;crits initialement pens&eacute;s comme des exercices de style pour s&rsquo;essayer &agrave; diff&eacute;rentes matrices discursives (le compte rendu d&rsquo;article de presse, de conf&eacute;rence ou la critique litt&eacute;raire&nbsp;; l&rsquo;analyse de sc&egrave;ne de film ou de roman&nbsp;; le r&eacute;cit autobiographique d&rsquo;une sc&egrave;ne o&ugrave; l&rsquo;on s&rsquo;est senti en d&eacute;calage avec son environnement), produits durant des cours-blocs d&rsquo;une semaine en amont des soir&eacute;es-cin&eacute;ma. Ces exercices pouvaient, si les auteurs y voyaient un int&eacute;r&ecirc;t en relation au sujet de leur m&eacute;moire, &ecirc;tre retravaill&eacute;s pour s&rsquo;y ins&eacute;rer dans une perspective pluridisciplinaire. Ceci explique que les documents d&eacute;clencheurs des discours que nous analysons ici n&rsquo;&eacute;taient pas syst&eacute;matiquement attach&eacute;s au cin&eacute;ma, ni au th&egrave;me juridique&nbsp;; ils &eacute;taient s&eacute;lectionn&eacute;s en lien avec la th&eacute;matique g&eacute;n&eacute;rale annonc&eacute;e par le festival &agrave; venir (la libert&eacute;, l&rsquo;identit&eacute;, la v&eacute;rit&eacute;, etc.). Il pouvait s&rsquo;agir aussi bien d&rsquo;extraits de romans, de sc&egrave;nes de films ou de comptes rendus de discussions impliquant initialement plusieurs locuteurs (en s&eacute;ance tandem, par exemple[32]).</p> <p>3.1. Inclusion de voix tierces dans un argumentaire</p> <p>Une pr&eacute;occupation apparaissant syst&eacute;matiquement dans le corpus des m&eacute;moires est la volont&eacute;, de la part des auteurs, de s&rsquo;approprier d&rsquo;autres voix pour les inclure dans leur propre argumentaire, en particulier celles de personnages de fiction. L&rsquo;extrait ci-dessous porte sur <em>Premier amour</em>, un texte de Samuel Beckett se d&eacute;veloppant sur le mode de la digression &ndash; le narrateur parle pour ne pas dispara&icirc;tre, comme si seule sa voix le maintenait en vie&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Bien que l&rsquo;on pourrait imaginer qu&rsquo;il soit indiff&eacute;rent &agrave; l&rsquo;opinion des autres, le narrateur [&hellip;] admet qu&rsquo;il pourrait mourir de honte (p. 29)&nbsp;: &laquo; Alors je pensais &agrave; Anne, moi qui avais appris &agrave; ne penser &agrave; rien, sinon &agrave; mes douleurs, tr&egrave;s rapidement, puis aux mesures &agrave; prendre pour ne pas mourir de faim, ou de froid, ou de honte, mais jamais sous aucun pr&eacute;texte aux &ecirc;tres vivants en tant que tels &raquo;. Ce manque de confiance en soi, et la n&eacute;cessit&eacute; du regard de l&rsquo;autre, appara&icirc;t &eacute;galement &agrave; la page 32 : &laquo; Que pouvait-elle voir en moi ? &raquo;&nbsp;(cours-bloc &laquo;&nbsp;Identit&eacute;&nbsp;&raquo; SP19).</p> </blockquote> <p>Dans un m&eacute;moire portant sur les relations entre identit&eacute; personnelle et identit&eacute; collective, l&rsquo;analyse du fonctionnement mental d&rsquo;un protagoniste beckettien offre un cas extr&ecirc;me de d&eacute;tachement du monde servant pourtant, par la concessive &laquo;&nbsp;bien qu&#39;on pourrait [<em>sic</em>] imaginer que&hellip;&nbsp;&raquo;, l&rsquo;id&eacute;e inverse&nbsp;: celle d&rsquo;une d&eacute;pendance in&eacute;luctable de tout homme &agrave; ses cadres sociaux. Afin d&rsquo;illustrer sa th&egrave;se, l&rsquo;&eacute;tudiant a relu le texte litt&eacute;raire &agrave; la recherche de ces rares passages o&ugrave; les autres (le monde) ont un impact sur la pens&eacute;e du narrateur. Il a fallu ensuite relier ces citations prises &agrave; des moments diff&eacute;rents de l&rsquo;histoire pour qu&rsquo;elles jouent le r&ocirc;le d&rsquo;<em>exempla</em> dans le discours global (mention des pages rappelant un rythme de lecture, usage de connecteurs pour souligner les liens entre les citations choisies, phrases de commentaire sur ces m&ecirc;mes citations et retour sur la th&egrave;se en guise de conclusion).</p> <p>Si elle fait partie des savoir-faire attendus d&rsquo;un &eacute;tudiant en litt&eacute;rature, l&rsquo;imbrication de citations &agrave; bon escient au sein d&rsquo;une d&eacute;monstration n&rsquo;est pas une comp&eacute;tence &eacute;vidente pour un &eacute;tudiant inscrit en droit dans une universit&eacute; helv&eacute;tique. Nos &eacute;tudiants germanophones attestent n&rsquo;avoir jamais fait l&rsquo;exercice dans leur propre langue maternelle. Une fois ce savoir-faire acquis, n&eacute;anmoins, ils r&eacute;alisent qu&rsquo;extraire les &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;un discours-source pour reconstituer des logiques de pens&eacute;es &ndash; pouvoir d&eacute;fendre l&rsquo;ind&eacute;fendable ainsi que des personnalit&eacute;s peu dignes d&rsquo;empathie (voir <em>supra</em>, partie 1), comme celles mises en sc&egrave;ne par Beckett &ndash; est un atout dans la formation linguistique et professionnelle d&rsquo;un juriste.</p> <table align="center" border="1" cellpadding="1" cellspacing="0" style="width:100%;"> <tbody> <tr> <td> <p>VIS&Eacute;E RH&Eacute;TORIQUE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-DIRE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-FAIRE OP&Eacute;RATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p> </td> </tr> <tr> <td colspan="1" rowspan="6" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p style="text-align: left;">Inclusion de voix tierces pour consolider un argumentaire</p> </td> <td rowspan="3" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>1. Pr&eacute;senter la logique d&rsquo;une personne / d&rsquo;un personnage</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>S&eacute;lectionner quelques traits (psychologiques / physiques / symboliques) servant &agrave; la d&eacute;monstration</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>D&eacute;crire les &eacute;tapes d&rsquo;un mode de pens&eacute;e / d&rsquo;agir</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Extraire quelques passages repr&eacute;sentatifs d&rsquo;un mode de pens&eacute;e et d&rsquo;agir&nbsp;; les relier entre eux</p> </td> </tr> <tr> <td rowspan="3" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>2. Faire un parall&egrave;le avec une exp&eacute;rience (personnelle) v&eacute;cue</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Intervenir, au fil du texte, par des phrases liantes indiquant un positionnement personnel</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Mimer une exp&eacute;rience de lecture, &eacute;voquer des &eacute;motions ressenties</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>&Eacute;voquer des personnages / personnalit&eacute;s &laquo;&nbsp;hors texte&nbsp;&raquo;, au profil similaire, pour soutenir sa th&egrave;se</p> </td> </tr> </tbody> </table> <p>&nbsp;</p> <p>3.2. D&eacute;composition et recomposition de l&rsquo;artifice culturel&nbsp;: passer du statut d&rsquo;explorateur &agrave; celui d&rsquo;analyste</p> <p>Dans un deuxi&egrave;me texte consacr&eacute; &agrave; <em>Premier amour</em>, la consigne avait &eacute;t&eacute; de r&eacute;diger une courte critique litt&eacute;raire (sur le mod&egrave;le de celles que l&rsquo;on peut trouver dans des magazines, incitant les lecteurs &agrave; acheter des livres avant de partir en vacances) :&nbsp;</p> <blockquote> <p>Il y a certainement de l&rsquo;amour dans la nouvelle &laquo; Premier Amour &raquo; de Beckett, mais pas comme on peut l&rsquo;attendre. La personnalité du narrateur est beaucoup trop complexe pour donner de l&rsquo;élan à une simple histoire romantique. Non, cet homme &ndash; dont le nom nous est inconnu jusqu&rsquo;à la fin du livre &ndash; ne se prête pas à être une personne facilement compréhensible, ou aimée, ni même par le lecteur. En effet, &laquo; être aimé &raquo; n&rsquo;était jamais l`intention du narrateur ; même lorsqu`un jour une femme le rejoint sur le banc où il est habitué à passer ses après-midi depuis la mort de son père, et provoque chez lui &laquo; des sensations &raquo;. Mais il devra écrire dans des excr&eacute;ments de vache et changer le nom de la femme pour s&rsquo;habituer finalement au fait qu&rsquo;il ressent de l&rsquo;amour. Ce début de relation n`est pas du tout la fin de l`histoire : cela serait trop facile, vous ne le croyez pas ? Le dialogue intérieur continue et vers la fin, on découvre qu&rsquo;un &laquo; mariage &raquo; ne suffit pas pour aider à surmonter la mort d&rsquo;un père.</p> <p>Que peut-on donc attendre de cette nouvelle ? &Eacute;videmment pas de happy end. Mais Beckett nous offre une histoire sur l&rsquo;identité (ou plutôt la non-identité ?) habile et captivante, tellement hors la norme, qu&rsquo;on apprend, finalement, des choses sur soi-même (cours-bloc &laquo;&nbsp;Identit&eacute;&nbsp;&raquo; SP19).</p> </blockquote> <p>Dans un &eacute;crit volontairement court, l&rsquo;auteur glisse quelques &eacute;l&eacute;ments de sc&eacute;nario (excr&eacute;ments de vache, banc), et y m&ecirc;le des voix tir&eacute;es du texte, pour aboutir &agrave; une &eacute;valuation esth&eacute;tique. Ce tissage d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments disparates, apparaissant par touches, mime l&rsquo;activit&eacute; de lecture (le lecteur de la critique devient, par procuration, le lecteur de l&rsquo;&oelig;uvre). Ce partage de sensations se construit par l&rsquo;usage de &laquo;&nbsp;on&nbsp;&raquo; &agrave; valeur inclusive, et par une suite de questions rh&eacute;toriques.</p> <p>Dans le texte suivant, la consigne portait sur l&rsquo;analyse d&rsquo;une sc&egrave;ne de film. L&rsquo;&eacute;tudiante d&eacute;construit pour les comprendre des effets qui sont g&eacute;n&eacute;ralement <em>subis</em> inconsciemment lorsque l&rsquo;on regarde un film. En prenant l&rsquo;exemple d&rsquo;une m&ecirc;me sc&egrave;ne, elle passe en revue diff&eacute;rents proc&eacute;d&eacute;s techniques (la musique et les bruitages, les cadrages et les lumi&egrave;res, le langage m&eacute;taphorique). Son texte, dans son d&eacute;veloppement, suit le regard du spectateur&nbsp;: on rencontre, d&rsquo;abord, les deux protagonistes &ndash; deux jeunes filles en processus d&rsquo;embrigadement &ndash; pour glisser ensuite, sous la couverture, avec celle qui deviendra l&#39;h&eacute;ro&iuml;ne du film (qui gagnera, progressivement, notre empathie)&nbsp;:</p> <blockquote> <p>Le premier &eacute;l&eacute;ment visuel que nous aimerons illustrer est la pr&eacute;sentation des filles au d&eacute;but du film. Nous rencontrons deux jeunes filles&nbsp;: M&eacute;lanie, la fille sympathique, et Sonia, la folle. Mais m&ecirc;me si M&eacute;lanie est plus aimable, on garde la distance. Par contre on se sent plus proche de Sonia. Il y a une sc&egrave;ne o&ugrave; elle est couch&eacute;e dans son lit et nous, en temps que spectateurs, sommes &agrave; la m&ecirc;me hauteur. A la fin de cette sc&egrave;ne, nous sommes m&ecirc;me sous la couverture avec elle, donc nous devenons ses complices sans le vouloir.</p> <p>On continue &agrave; se distancier quand M&eacute;lanie dessine un c&oelig;ur sur sa fen&ecirc;tre avec son doigt. Elle fait ce geste directement apr&egrave;s sa premi&egrave;re conversation avec son rabatteur. Cette image est suivie par un shot de Sonia qui fait le m&ecirc;me geste. Par ce contraste, le spectateur comprend que M&eacute;lanie est en train de tomber dans le pi&egrave;ge. Les deux filles se trouvent &agrave; un stade tr&egrave;s diff&eacute;rent&nbsp;: Sonia est en train de se r&eacute;habiliter lorsque M&eacute;lanie vient de d&eacute;couvrir l&rsquo;Islam (cours-bloc &laquo;&nbsp;Libert&eacute;&nbsp;&raquo; SP16).</p> </blockquote> <p>On voit ici le travail que requiert, sur le plan discursif, la mise en lien de s&eacute;quences &eacute;loign&eacute;es dans le document support. Ce commentaire s&rsquo;appuie sur une utilisation &agrave; bon escient de vocabulaire sp&eacute;cifique pour l&rsquo;analyse cin&eacute;matographique. L&rsquo;auteure guide son propre lecteur (qui n&rsquo;a pas forc&eacute;ment vu le film) en mentionnant quelques d&eacute;tails de d&eacute;cor &ndash; le lit, la couverture, la fen&ecirc;tre &ndash; et sugg&egrave;re la valeur symbolique de ces objets, le r&ocirc;le qu&rsquo;ils jouent au sein d&rsquo;une histoire d&rsquo;enfermement psychologique et physique.</p> <table align="center" border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:100%;"> <tbody> <tr> <td> <p>VIS&Eacute;E RH&Eacute;TORIQUE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-DIRE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-FAIRE OP&Eacute;RATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p> </td> </tr> <tr> <td colspan="1" rowspan="5" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p style="text-align: left;">Composition de son propre artifice pour rendre l&rsquo;argumentaire coh&eacute;rent et convaincant</p> </td> <td rowspan="2" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p style="text-align: left;">1.D&eacute;composer et expliciter</p> <p style="text-align: left;">(analyser)</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Circonscrire&nbsp;(artificiellement) des &eacute;l&eacute;ments du langage cin&eacute;matographique (fonctionnant simultan&eacute;ment en temps r&eacute;el)</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Expliciter des m&eacute;taphores et parler de leur port&eacute;e symbolique g&eacute;n&eacute;rale, pour la sc&egrave;ne et pour l&rsquo;histoire</p> </td> </tr> <tr> <td rowspan="3" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p style="text-align: left;">2.Recomposer une nouvelle matrice</p> <p style="text-align: left;">(synth&eacute;tiser / recr&eacute;er)</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>&Eacute;voquer, en lien, des &eacute;l&eacute;ments esth&eacute;tiques comme la musique / la lumi&egrave;re / les cadrages / les mouvements de cam&eacute;ra</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Mimer (par les mots) l&rsquo;exp&eacute;rience du spectateur (le mouvement du regard sur des objets / des personnages / des parties de corps / des paysages, guid&eacute; par la cam&eacute;ra)</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Synth&eacute;tiser, en quelques phrases, des &eacute;l&eacute;ments de narration n&eacute;cessaires &agrave; comprendre la sc&egrave;ne</p> </td> </tr> </tbody> </table> <p>&nbsp;</p> <p>3.3. Mise en sc&egrave;ne de connaissances patrimoniales dans une perspective biculturelle et pluridisciplinaire</p> <p>&Agrave; l&rsquo;occasion d&rsquo;une s&eacute;ance tandem (une classe en mode bilingue, mettant en dialogue des &eacute;tudiants germanophones dont la langue-cible &eacute;tait le fran&ccedil;ais et des &eacute;tudiants francophones dont la langue-cible &eacute;tait l&rsquo;allemand), les participants des deux groupes linguistiques ont &eacute;chang&eacute; des caricatures en provenance de leur propre sph&egrave;re culturelle. Dans l&rsquo;un des bin&ocirc;mes, la discussion a port&eacute; sur la figure f&eacute;minine aux yeux band&eacute;s, &eacute;l&eacute;gamment d&eacute;hanch&eacute;e, &agrave; gauche dans la caricature. Puisant dans son encyclop&eacute;die de connaissances personnelles, l&rsquo;&eacute;tudiant francophone a fait le rapprochement avec une figure repr&eacute;sentant la Synagogue, provenant de la cath&eacute;drale de Strasbourg en France[33]&nbsp;: &nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p><img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_6_image.png" style="width: 30%; height: 60%; float: left;" /> <img src="https://www.numerev.com/img/ck_20_6_image1.png" style="width: 60%; height: 30%; float: right;" /></p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>C&rsquo;est parce que nous partageons, sans doute, avec l&rsquo;&eacute;tudiant francophone des repr&eacute;sentations sur ce qu&rsquo;il faut <em>savoir dire</em> dans une conversation pour para&icirc;tre <em>cultiv&eacute;</em> que nous d&eacute;masquons ici (avec beaucoup d&rsquo;amusement et de connivence) une mise en sc&egrave;ne (pour impressionner&nbsp;!) de connaissances patrimoniales&hellip; Au-del&agrave; de la boutade, cet exemple sert &agrave; montrer qu&rsquo;&ecirc;tre comp&eacute;tent en rh&eacute;torique, c&rsquo;est aussi <em>savoir parler pour nous, &agrave; travers un syst&egrave;me de r&eacute;f&eacute;rences partag&eacute;es</em>.</p> <table align="center" border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:100%;"> <tbody> <tr> <td> <p>VIS&Eacute;E RH&Eacute;TORIQUE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-DIRE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-FAIRE OP&Eacute;RATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p> </td> </tr> <tr> <td colspan="1" rowspan="5" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p style="text-align: left;">Mise en sc&egrave;ne d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments (culturels) pluridisciplinaires pour enrichir le d&eacute;bat et impressionner</p> <p style="text-align: left;">(posture culturelle et interdisciplinaire)</p> </td> <td rowspan="4" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>1.Rapprocher des &eacute;l&eacute;ments de diff&eacute;rentes disciplines</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Pr&eacute;senter des d&eacute;finitions (divergentes&nbsp;?) portant sur un concept</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Adopter une &laquo;&nbsp;bo&icirc;te &agrave; outils d&rsquo;analyse&nbsp;&raquo; appropri&eacute;e au domaine choisi (ex&nbsp;: le lexique pour parler d&rsquo;iconographie ou du style d&rsquo;une &oelig;uvre d&rsquo;art)</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>&Eacute;mettre des hypoth&egrave;ses expliquant le transfert / emprunt de figures iconographiques / th&egrave;mes ou symboles dans le temps et entre les disciplines (ici sculpture du Moyen-&Acirc;ge / caricature contemporaine)</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Expliciter la mani&egrave;re dont le concept op&egrave;re dans le domaine choisi</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>2.Exposer les r&eacute;sultats de la relecture du domaine</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>&Agrave; la lumi&egrave;re du concept (&laquo;&nbsp;autre&nbsp;&raquo;) introduit, remonter &eacute;ventuellement &agrave; des observations de terrain et revenir dans le domaine d&rsquo;origine</p> </td> </tr> </tbody> </table> <p>&nbsp;</p> <p>3.4. De la succession &agrave; la simultan&eacute;it&eacute; des perspectives&nbsp;: entrem&ecirc;ler les visions diachroniques et synchroniques</p> <blockquote> <p>Chaque mercredi soir je d&icirc;ne avec ma grand-m&egrave;re. C&rsquo;&eacute;tait ainsi un mercredi soir en f&eacute;vrier apr&egrave;s avoir pass&eacute; ma journ&eacute;e au cours bloc bilingue plus. En lui expliquant ce qu&rsquo;on faisait, elle m&rsquo;a pos&eacute; la question d&rsquo;o&ugrave; venaient mes coll&egrave;gues participants &agrave; ce cours bloc. Ma r&eacute;ponse &eacute;tait qu&rsquo;ils venaient un peu de partout mais elle &eacute;tait &eacute;tonn&eacute;e d&rsquo;apprendre qu&rsquo;il y avait des Zurichois. Selon elle, il y a juste une seule raison pourquoi des Zurichois font leurs &eacute;tudes &agrave; Fribourg, alors elle m&rsquo;a dit : &laquo; Les Zurichois qui sont &agrave; Fribourg&hellip; c&rsquo;est bien parce qu&rsquo;ils sont catholiques ? &raquo;[34].</p> <p>Apr&egrave;s un petit moment de r&eacute;flexion je me suis rendu compte que je n&rsquo;ai aucune id&eacute;e de la confession de mes coll&egrave;gues d&rsquo;&eacute;tudes. Et cela parce que l&rsquo;orientation religieuse ne joue aucune importance pour ma g&eacute;n&eacute;ration. Ayant fait l&rsquo;&eacute;cole avec des catholiques, protestants, musulmans etc., l&rsquo;orientation religieuse d&rsquo;une autre personne m&rsquo;est compl&egrave;tement &eacute;gale et je n&rsquo;aurais jamais choisi le lieu de mes &eacute;tudes sur la base de ma confession. Apr&egrave;s discussion avec mes coll&egrave;gues d&rsquo;&eacute;tudes j&rsquo;ai constat&eacute; qu&rsquo;ils sont du m&ecirc;me avis que moi. Mais cela ne veut pas dire que ma grand-m&egrave;re a tort ! Dans la g&eacute;n&eacute;ration o&ugrave; elle a grandi c&rsquo;&eacute;tait une r&eacute;alit&eacute;, la confession avait une grande importance, non seulement concernant le choix de l&rsquo;universit&eacute; mais aussi concernant l&rsquo;identit&eacute; de cette g&eacute;n&eacute;ration&nbsp;(cours-bloc &laquo;&nbsp;Identit&eacute;&nbsp;&raquo; SP18).</p> </blockquote> <p>L&rsquo;auteur se met en sc&egrave;ne &ndash; au moment du cours-bloc qui vient de se conclure &ndash; face &agrave; des figures (des voix, presque des slogans) porteuses de messages discordants. Par sa personne, il se fait le v&eacute;hicule de ces th&egrave;ses qu&rsquo;il transporte d&rsquo;un cercle social &agrave; l&rsquo;autre (de la maison &agrave; la classe), pour tester leur effet. Comme le veut la rh&eacute;torique, l&rsquo;argumentaire se d&eacute;noue par un retour &agrave; la r&eacute;alit&eacute; de l&rsquo;&eacute;criture et au th&egrave;me g&eacute;n&eacute;ral du cours-bloc (l&rsquo;identit&eacute;).</p> <p>Il s&rsquo;agit ici d&rsquo;une autre forme de travestissement rh&eacute;torique et de d&eacute;centrement car l&rsquo;auteur se met &agrave; la place des personnes qu&rsquo;il interroge (la grand-m&egrave;re / les camarades), adopte/se glisse dans l&rsquo;argumentation &laquo;&nbsp;historique&nbsp;&raquo; de sa grand-m&egrave;re pour la confronter &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;artefact&nbsp;&raquo; cr&eacute;&eacute; en classe (argumentaire &eacute;voluant de fa&ccedil;on synchronique).</p> <table align="center" border="1" cellpadding="1" cellspacing="1" style="width:100%;"> <tbody> <tr> <td> <p>VIS&Eacute;E RH&Eacute;TORIQUE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-DIRE</p> </td> <td> <p>SAVOIR-FAIRE OP&Eacute;RATIONNELS (POUR LA CLASSE)</p> </td> </tr> <tr> <td colspan="1" rowspan="6" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Mise en sc&egrave;ne de soi face &agrave; des visions du monde incompatibles (&agrave; premi&egrave;re vue)</p> </td> <td rowspan="2" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>1.Exposer une probl&eacute;matique existentielle / un cas de conscience</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Introduire une th&eacute;matique / une question importante</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Expliciter la port&eacute;e de la th&eacute;matique / question par rapport au moment v&eacute;cu</p> </td> </tr> <tr> <td rowspan="4" style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>2.Proc&eacute;der &agrave; un d&eacute;centrement diachronique (= voix tierce diachronique) pour mettre en perspective le point de vue de d&eacute;part, construit &agrave; partir de visions synchroniques</p> </td> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Se mettre en sc&egrave;ne, successivement, face &agrave; des figures porteuses, par leurs voix, de logiques contraires &gt; d&eacute;cider d&rsquo;une succession de ces sc&egrave;nes (chronologique ici)</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Produire un discours liant permettant de montrer ce que l&rsquo;on retient de chacune des logiques mises en jeu</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>Trancher, ou ne pas trancher&hellip;</p> </td> </tr> <tr> <td style="background-color: rgb(231, 230, 230);"> <p>&hellip;et remonter au th&egrave;me g&eacute;n&eacute;ral de l&rsquo;argumentaire</p> </td> </tr> </tbody> </table> <p>&nbsp;</p> <p>Enfin, dans le dernier exemple, la langue-cible devient, en elle-m&ecirc;me, le terrain de libert&eacute; qui permet de devenir &laquo;&nbsp;autre&nbsp;&raquo; (Ric&oelig;ur, [1990] 2005)&nbsp;: s&rsquo;exprimer en langue &eacute;trang&egrave;re permet le d&eacute;centrement, l&rsquo;explicitation des implicites qui rend <em>plus objectif</em>. Pour &eacute;tayer sa th&egrave;se, l&rsquo;&eacute;tudiant en droit a saisi l&rsquo;outil de la pluridisciplinarit&eacute; que lui offre la formation &laquo;&nbsp;bilingue <em>plus</em>-droit&nbsp;&raquo; pour aller puiser dans des th&eacute;ories &eacute;manant de domaines autres que le sien, en psychologie et en didactique des langues :</p> <blockquote> <p>Nous avons vu qu&rsquo;une langue est bien plus qu&rsquo;un seul outil pour exprimer des pens&eacute;es et id&eacute;es seulement. Dans des exp&eacute;riences faites avec des personnes polyglottes, des chercheurs ont trouv&eacute; des indications selon lesquelles l&rsquo;utilisation d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re nous rendrait moins impulsifs et nous feraient prendre des d&eacute;cisions plus r&eacute;fl&eacute;chies face &agrave; un probl&egrave;me. De plus, la th&eacute;orie de la &laquo;&nbsp;relativit&eacute; linguistique&nbsp;&raquo; propose que la perception m&ecirc;me de la r&eacute;alit&eacute; puisse d&eacute;pendre de notre langue maternelle.</p> <p>Par cons&eacute;quent, force est de constater qu&rsquo;il faudrait ajouter la question de la langue utilis&eacute;e &agrave; la longue liste des param&egrave;tres qui fa&ccedil;onnent notre relation &agrave; la v&eacute;rit&eacute;. True, isn&rsquo;t it&nbsp;? (cours-bloc &laquo;&nbsp;V&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo; SP17)</p> </blockquote> <p>C&rsquo;est l&rsquo;apologie du plurilingue <em>qui voit mieux</em>, au sens de Simmel&nbsp;&ndash; dont l&rsquo;allophonie n&rsquo;est plus per&ccedil;ue comme un handicap, mais comme un atout&nbsp;: c&rsquo;est l&rsquo;av&egrave;nement du juriste suisse-allemand &laquo;&nbsp;augment&eacute; d&rsquo;une nouvelle dimension, le fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; (Simmel, 1979 [1908]; Keller-Gerber, Chomentowski, &agrave; para&icirc;tre).</p> <p><strong>En guise de conclusion&nbsp;: une troisi&egrave;me voie&nbsp;pour un FOU interdisciplinaire ?</strong></p> <p>En d&eacute;finitive, ce chantier complexe et vaste relatif au d&eacute;veloppement des comp&eacute;tences interdisciplinaires des &eacute;tudiants en droit que nous sommes en train d&rsquo;ouvrir nous oblige &agrave; emprunter des sentiers sinueux, sem&eacute;s d&rsquo;emb&ucirc;ches, et tr&egrave;s &eacute;loign&eacute;s de nos chemins didactiques habituels (et confortables), qui rel&egrave;vent soit des m&eacute;thodologies du FLE/FOS soit de celles des m&eacute;thodologies disciplinaires&hellip; Or, ce que nous entr&rsquo;apercevons d&rsquo;ores et d&eacute;j&agrave; &ndash; et que nous esp&eacute;rons avoir pu d&eacute;montrer dans cet article &ndash;, c&rsquo;est que, sur cette voie tierce qui transgresse sans cesse les fronti&egrave;res linguistiques, culturelles et disciplinaires, l&rsquo;&eacute;tudiant en droit (et futur juriste bilingue), s&rsquo;il veut r&eacute;ussir ses &eacute;tudes et exercer avec succ&egrave;s son m&eacute;tier, est amen&eacute; &agrave; changer radicalement de posture, et ce &agrave; diff&eacute;rents niveaux&nbsp;: il lui faut non seulement acqu&eacute;rir diff&eacute;rents r&eacute;pertoires rh&eacute;toriques en fonction des contextes afin de s&rsquo;approprier et reproduire le raisonnement juridique en langue &eacute;trang&egrave;re, mais encore op&eacute;rer syst&eacute;matiquement des revirements de perspectives au niveau culturel et (inter)disciplinaire afin de parvenir &agrave; se hisser &agrave; un haut degr&eacute; de r&eacute;flexivit&eacute; qui r&eacute;sulte de l&rsquo;explicitation et de la synth&eacute;tisation de tous ces d&eacute;centrements simultan&eacute;s et successifs.</p> <p>Si ces observations th&eacute;oriques sont indispensables pour saisir en quoi consiste une formation ax&eacute;e sur la pluridisciplinarit&eacute; (et, qui plus est, en langue &eacute;trang&egrave;re) et expliciter les m&eacute;canismes de transformation qui y sont &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre, il n&rsquo;en est pas moins d&eacute;cisif de circonscrire les comp&eacute;tences interdisciplinaires y aff&eacute;rentes en vue de les &eacute;valuer dans le cadre d&rsquo;un cursus universitaire. En effet, il nous semble important que l&rsquo;interdisciplinarit&eacute; devienne &eacute;valuable de crainte qu&rsquo;elle ne demeure purement ornementale&hellip; Pour cela, nous avons tent&eacute;, dans la derni&egrave;re partie de cet article, d&rsquo;&eacute;baucher une typologie culturelle et transdisciplinaire &agrave; partir de s&eacute;quences discursives que nous avons relev&eacute;es dans les m&eacute;moires r&eacute;dig&eacute;s par les &eacute;tudiants en droit, afin de pouvoir, &agrave; terme, passer d&rsquo;une d&eacute;marche spontan&eacute;e &agrave; une m&eacute;thode reproductible avec &agrave; la clef une &eacute;valuation pertinente.</p> <p>Au regard de tous ces &eacute;l&eacute;ments &eacute;tudi&eacute;s, qui nous conduisent, sans doute au-del&agrave; du FOU traditionnel, vers une approche digressive et pluriperspectiviste o&ugrave; les <em>savoir-dire</em> sont indissociables des &laquo;&nbsp;savoir-r&eacute;fl&eacute;chir&nbsp;&raquo; en r&eacute;seaux transdisciplinaires, on pourrait se demander si la m&eacute;thode &laquo;&nbsp;actionnelle&nbsp;&raquo;, qui pr&eacute;cipite l&rsquo;apprentissage de fa&ccedil;on lin&eacute;aire vers un but pragmatique (pour ne pas dire pratique), est encore adapt&eacute;e aux nouveaux contextes et enjeux universitaires. Face &agrave; ces derniers (bien que la pression financi&egrave;re se fasse de plus en plus sentir), l&rsquo;&eacute;tudiant en droit bi/plurilingue, avant d&rsquo;&ecirc;tre un acteur social et &eacute;conomique pr&ecirc;t &agrave; se lancer sur le terrain professionnel et scientifique, est en premier lieu un acteur-com&eacute;dien intellectuel et culturel qui, confront&eacute; &agrave; des disciplines et des rh&eacute;toriques inconnues, effectue nombre de rem&eacute;diations successives dans, et au moyen, de la langue-culture &eacute;trang&egrave;re. C&rsquo;est pr&eacute;cis&eacute;ment ce parcours d&rsquo;apprentissage non lin&eacute;aire en langue 2 qui, entre l&rsquo;exp&eacute;rience de soi et de l&rsquo;autre, explicite les codes et les m&eacute;canismes &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans les diff&eacute;rents syst&egrave;mes culturels et permet ainsi aux &eacute;tudiants en droit d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; un excellent niveau de r&eacute;flexivit&eacute; et de mobilit&eacute; intellectuelle. Il nous semble donc que les comp&eacute;tences interdisciplinaires &ndash; qui sont peut-&ecirc;tre avant tout des savoir-&ecirc;tre &ndash; ne pourront &ecirc;tre acquises qu&rsquo;&agrave; ce prix.</p> <p>&nbsp;</p> <p><u>BIBLIOGRAPHIE</u> :</p> <p>BERTAUX, Daniel, <em>Le R&eacute;cit de vie</em>, Paris, A. 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Que sais-je&nbsp;?, 2018.</p> <p>ZARATE, Genevi&egrave;ve, <em>Enseigner une culture &eacute;trang&egrave;re</em>, Paris, Hachette, 1986.</p> <p>ZARATE, Genevi&egrave;ve, <em>Repr&eacute;sentations de l&rsquo;&eacute;tranger et didactique des langues</em>, Paris, Didier, [1993], 1995.</p> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <p>[1] Par exemple, pour le bachelor de droit &laquo;&nbsp;mention bilingue/Zusatz zweisprachig&nbsp;&raquo;, il faut obtenir 72 cr&eacute;dits ECTS (sur 180) dans la deuxi&egrave;me langue d&rsquo;&eacute;tudes (le fran&ccedil;ais ou l&rsquo;allemand). &Agrave; partir de 36 cr&eacute;dits ECTS, il est ajout&eacute;, sur l&rsquo;attestation de notes uniquement, une remarque particuli&egrave;re (<em>Vermerk</em>) qui fait mention des cours suivis dans la deuxi&egrave;me langue d&rsquo;&eacute;tudes.</p> <p>[2] &Agrave; l&rsquo;universit&eacute; bilingue de Fribourg, le bachelor sanctionne la fin du premier cycle (correspondant &agrave; la licence en France apr&egrave;s le processus de Bologne), le d&eacute;canat est l&rsquo;organe ex&eacute;cutif d&rsquo;une facult&eacute; et le rectorat est l&rsquo;organe ex&eacute;cutif et dirigeant de l&rsquo;universit&eacute;.</p> <p>[3] Pour 2019, le d&eacute;canat de la facult&eacute; de droit a eu l&rsquo;amabilit&eacute; de nous communiquer les chiffres suivants&nbsp;: au niveau du bachelor ont &eacute;t&eacute; d&eacute;livr&eacute;s 237 dipl&ocirc;mes dont 67 avec mention bilingue et 29 avec attestation, et au niveau du master, 196 dipl&ocirc;mes dont 18 avec mention bilingue et 24 avec attestation. Il est &eacute;galement &agrave; noter qu&rsquo;un tiers des &eacute;tudiants obtient des cr&eacute;dits ECTS dans la deuxi&egrave;me langue d&rsquo;&eacute;tudes sans pour autant obtenir l&rsquo;une ou l&rsquo;autre mention.</p> <p>[4] C&rsquo;est cet appui compl&eacute;mentaire et parall&egrave;le aux &eacute;tudes disciplinaires visant la &laquo;&nbsp;mention bilingue&nbsp;&raquo; qui explique le <em>plus</em> dans l&rsquo;intitul&eacute; de la formation.</p> <p>[5] Dans cet article, nous nous r&eacute;f&eacute;rons principalement au parcours d&rsquo;apprentissage des &eacute;tudiants inscrits au premier cycle universitaire (bachelor), bien que notre d&eacute;marche s&rsquo;applique &eacute;galement aux &eacute;tudiants inscrits en master.</p> <p>[6] Le rectorat de l&rsquo;universit&eacute; de Fribourg, dans son rapport &laquo;&nbsp;Strat&eacute;gie Horizon 2020&nbsp;&raquo; ainsi que dans sa &laquo;&nbsp;Planification pluriannuelle 2018-2020&nbsp;&raquo;, identifie un potentiel d&rsquo;am&eacute;lioration dans le d&eacute;veloppement du bilinguisme et de l&rsquo;interdisciplinarit&eacute;. Il consid&egrave;re en effet que si ce syst&egrave;me, organis&eacute; au niveau linguistique selon un bilinguisme parall&egrave;le (&laquo;&nbsp;double monolinguisme&nbsp;&raquo;) et au niveau disciplinaire selon une coordination facultaire, a prouv&eacute; son efficacit&eacute;, il n&rsquo;en demeure pas moins qu&rsquo;un renforcement des &eacute;changes entre les langues et les disciplines est souhaitable pour augmenter la qualit&eacute; de la recherche et de l&rsquo;enseignement.</p> <p>[7] Les heures de cours dont dispose la formation &laquo;&nbsp;bilingue plus-droit&nbsp;&raquo; se r&eacute;partissent entre des cours en face &agrave; face p&eacute;dagogique (cours de FOS/FOU pour les &eacute;tudiants germanophones et de <em>DAFF-Deutsch als Fremd- und Fachsprache an Hochschulen</em> pour les &eacute;tudiants francophones), des s&eacute;ances tandem (o&ugrave; les deux groupes linguistiques travaillent ensemble sous l&rsquo;&eacute;gide des lecteurs de FOS/FOU et/ou de DAFF), du travail personnel (pour la recherche et la r&eacute;daction du m&eacute;moire de fin de formation) ainsi que des activit&eacute;s en bin&ocirc;mes bilingues semi-dirig&eacute;es pour participer &agrave; des &eacute;v&eacute;nements &laquo;&nbsp;hors classe&nbsp;&raquo; (soir&eacute;es-cin&eacute;ma/tables rondes, visites d&rsquo;institutions bilingues, interviews de sp&eacute;cialistes juridiques et non juridiques, concours de plaidoiries, etc.). Vu l&rsquo;entrecroisement complexe d&rsquo;une partie des activit&eacute;s, il est d&eacute;sormais n&eacute;cessaire que les enseignants francophones de FOS/FOU et germanophones de DAFF travaillent en &eacute;troite collaboration afin de garantir l&rsquo;harmonisation syst&eacute;mique de ce nouvel espace formatif commun (voir https://www3.unifr.ch/centredelangues/fr/bilingueplus/).</p> <p>[8] Cf. https://www3.unifr.ch/ius/stoffel/fr/droitcinema/edition-2020/. Nous tenons &agrave; remercier ici monsieur Walter Stoffel, professeur &eacute;m&eacute;rite de droit et m&eacute;diateur de l&rsquo;universit&eacute; de Fribourg, ainsi que madame Lucie Bader, sp&eacute;cialiste en sciences de la communication et des m&eacute;dias pour l&rsquo;organisation annuelle de cet &eacute;v&eacute;nement interdisciplinaire.</p> <p>[9] Si pour le champ interdisciplinaire Jules Duchastel et Danielle Laberge, en r&eacute;f&eacute;rence aux sciences &eacute;conomiques et sociales, parlent d&rsquo;approche &laquo;&nbsp;extensive&nbsp;&raquo; (&laquo;&nbsp;La recherche comme espace de m&eacute;diation interdisciplinaire&nbsp;&raquo;, <em>Sociologie et soci&eacute;t&eacute;s</em>, vol. 31, n<sup>o</sup> 1, 1999, p. 68 [en ligne]), nous pr&eacute;f&eacute;rons parler d&rsquo;approche <em>pluriperspectiviste</em>.</p> <p>[10] Nous faisons r&eacute;f&eacute;rence ici &agrave; une critique adress&eacute;e par un professeur de droit, membre du jury de soutenance, lors de la pr&eacute;sentation orale d&rsquo;un m&eacute;moire. Ce professeur avait attir&eacute; l&rsquo;attention &ndash; &agrave; juste titre &ndash; sur le fait qu&rsquo;une candidate avait int&eacute;gr&eacute; dans son &eacute;crit des &eacute;l&eacute;ments entendus durant une table-ronde, sans citer ses sources. Tout en reconnaissant que cette observation a sa raison d&rsquo;&ecirc;tre &ndash; surtout concernant un travail universitaire &ndash; nous avions n&eacute;anmoins attir&eacute; l&rsquo;attention du jury sur le fait qu&rsquo;&eacute;crire un compte rendu de soir&eacute;e-cin&eacute;ma/table&nbsp;ronde&nbsp;est un exercice complexe, bas&eacute; uniquement sur une prise de notes. Il est assez ais&eacute; de comprendre, de ce fait, qu&rsquo;un &eacute;tudiant allophone, dans le feu de l&rsquo;action, puisse ne pas r&eacute;ussir &agrave; noter syst&eacute;matiquement &ndash; ou m&ecirc;me entendre &ndash; le nom des personnes s&rsquo;alternant pour prendre la parole. Ce cas pose, de mani&egrave;re int&eacute;ressante de notre point de vue, la question des crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation d&rsquo;un travail &eacute;manant &agrave; la fois de comp&eacute;tences (inter)disciplinaires, (inter)culturelles et (inter)linguistiques.&nbsp;</p> <p>[11] Nous visons ici le rep&eacute;rage de <em>savoir-dire</em>, ce qui pourrait para&icirc;tre r&eacute;ducteur. En effet, ces <em>savoir-dire</em> r&eacute;pertori&eacute;s dans le corpus des m&eacute;moires&nbsp;sont la trace visible, analysable et palpable, de savoir-faire / savoir-&ecirc;tre / savoir-apprendre qu&rsquo;ils impliquent.</p> <p>[12] Le corpus, limit&eacute; aux textes r&eacute;dig&eacute;s en fran&ccedil;ais, comprend 42 m&eacute;moires produits entre 2015 et 2020. Durant l&rsquo;analyse, nous nous sommes aper&ccedil;us qu&rsquo;au fil des ann&eacute;es la ma&icirc;trise des formats, sur le plan m&eacute;thodologique, augmentait chez les &eacute;tudiants &ndash; en lien, sans doute, avec l&rsquo;affinement du dispositif d&rsquo;enseignement (et donc des consignes donn&eacute;es). Dans cet article, nous n&rsquo;avons retenu que des extraits issus des promotions&nbsp;2018-2020.</p> <p>[13] Nous entendons parler ici de culture cultiv&eacute;e et patrimoniale bien s&ucirc;r, mais tenterons aussi &ndash; d&egrave;s que nous en aurons l&rsquo;occasion &ndash; d&rsquo;&eacute;largir nos propos &agrave; tout type de culture, &agrave; ses codes et rituels sp&eacute;cifiques (scolaire et acad&eacute;mique, g&eacute;n&eacute;rationnelle, de masse ou savante, etc.).&nbsp;</p> <p>[14] En r&eacute;alit&eacute;, il pourrait s&rsquo;agir d&rsquo;un moment crucial o&ugrave; les &eacute;tudiants se confrontent au r&eacute;pertoire &eacute;nonciatif juridique dont la ma&icirc;trise passe par une mise en place successive du lexique, des codes et des normes sp&eacute;cifiques du droit.</p> <p>[15] Robert Badinter, garde des Sceaux de 1981 &agrave; 1986, a fait voter l&rsquo;abolition de la peine de mort en France (cf. son discours &agrave; l&rsquo;Assembl&eacute;e nationale du 17 septembre 1981). Pour ses strat&eacute;gies de d&eacute;fense lors du proc&egrave;s contre Roger Bontems en 1972, voir son livre, <em>L&rsquo;Ex&eacute;cution</em>, Paris, Grasset, 1973.</p> <p>[16] Klaus Barbie, chef de la Gestapo de Lyon, a &eacute;t&eacute; jug&eacute; pour crimes contre l&rsquo;humanit&eacute; et condamn&eacute; en 1987 &agrave; la r&eacute;clusion criminelle &agrave; perp&eacute;tuit&eacute;. &ndash; Maurice Papon, ancien secr&eacute;taire g&eacute;n&eacute;ral de la pr&eacute;fecture de la Gironde sous l&rsquo;Occupation, a &eacute;t&eacute; condamn&eacute; le 2 avril 1998 &agrave; 10 ans de r&eacute;clusion criminelle pour complicit&eacute; de crimes contre l&rsquo;humanit&eacute;.</p> <p>[17] &nbsp;Il est admis que le droit est un fait social et culturel qui s&rsquo;inscrit dans des traditions bien r&eacute;elles. Cf. Thierry Rambaud, <em>Introduction au droit compar&eacute;. Les grandes traditions juridiques dans le monde</em>, Paris, Puf, 2017. Ceci dit, ces derni&egrave;res ann&eacute;es, l&rsquo;on peut remarquer au niveau de la Conf&eacute;d&eacute;ration helv&eacute;tique une certaine volont&eacute; d&rsquo;unification entre les diff&eacute;rents syst&egrave;mes judicaires cantonaux (avec une modification des traditions juridiques que cela implique). T&eacute;moin l&rsquo;entr&eacute;e en vigueur du code de proc&eacute;dure p&eacute;nale suisse unifi&eacute; le 1er janvier 2011 qui, notamment, a fait dispara&icirc;tre le juge d&rsquo;instruction, fonction traditionnellement ancr&eacute;e dans les cantons romands.</p> <p>[18] Nous empruntons le terme de &laquo;&nbsp;travestissement&nbsp;&raquo; &agrave; l&rsquo;univers du th&eacute;&acirc;tre o&ugrave; ce glissement temporaire, r&eacute;fl&eacute;chi et surtout strat&eacute;gique dans la peau d&rsquo;un deuxi&egrave;me personnage &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;une pi&egrave;ce est essentiel &agrave; son fonctionnement afin de m&eacute;nager &agrave; chaque personnage &laquo;&nbsp;un espace entre soi et soi&nbsp;&raquo; (entretien avec Daniel Mesguich, <em>Th&eacute;&acirc;tre et travestissement</em>, &agrave; propos du <em>Prince travesti</em> de Marivaux, 22 mars 2016, en ligne). Nous nous permettons de faire ce rapprochement &ndash; sans doute surprenant &ndash; entre l&rsquo;interculturel, le juridique et le th&eacute;&acirc;tre afin de souligner qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas ici de singer une autre <em>personne</em> comme lors des diff&eacute;rents jeux de r&ocirc;les pratiqu&eacute;s dans l&rsquo;approche communicative ni de simuler des actes de parole dans le cadre de t&acirc;ches cibl&eacute;es (approche actionnelle) mais bien d&rsquo;une appropriation momentan&eacute;e et strat&eacute;gique du discours et du &laquo;&nbsp;costume&nbsp;&raquo; d&rsquo;un deuxi&egrave;me <em>personnage</em> poss&eacute;dant un raisonnement et une rh&eacute;torique diff&eacute;rents. Dans ce contexte, le travestissement n&rsquo;est donc pas l&rsquo;art de la tromperie, comme on pourrait l&rsquo;imaginer (m&ecirc;me si cela peut &ecirc;tre l&rsquo;un des effets produits), mais l&rsquo;art consomm&eacute; d&rsquo;une seconde strat&eacute;gie th&eacute;&acirc;trale mise en abyme dans la pi&egrave;ce elle-m&ecirc;me. Et selon nous, c&rsquo;est ce qui se produit lorsque les &eacute;tudiants en droit et futurs juristes &laquo;&nbsp;se d&eacute;centrent&nbsp;&raquo; momentan&eacute;ment dans une fonction professionnelle en langue 2.</p> <p>[19] Que le discours juridique soit essentiellement rh&eacute;torique pourrait para&icirc;tre &eacute;vident pour un lecteur francophone. Cependant, nous employons ici la notion de rh&eacute;torique dans son acception la plus large, incluant toutes les normes (&eacute;nonciatives), postures et attitudes, y compris vestimentaires, qui sous-tendent et encadrent ledit discours juridique. &Agrave; titre illustratif, il suffit de mentionner l&rsquo;aspect solennel &ndash; certains diraient &laquo;&nbsp;th&eacute;&acirc;tral&nbsp;&raquo; &ndash; d&rsquo;une audience se d&eacute;roulant dans un canton enti&egrave;rement francophone o&ugrave; il se peut que les robes d&rsquo;avocat et de magistrat soient de rigueur (dans le canton de Vaud notamment). Par contre, la rh&eacute;torique en est tout autre dans les cantons germanophones o&ugrave; les audiences, afin de souligner la proximit&eacute; de la justice vis-&agrave;-vis du peuple, se d&eacute;roulent partiellement en dialecte suisse allemand (et non pas en allemand standard / &laquo;&nbsp;<em>Hochdeutsch</em>&nbsp;&raquo;) et sans &laquo;&nbsp;transformations&nbsp;&raquo; vestimentaires particuli&egrave;res. Dans ce contexte, on mesure ais&eacute;ment la surprise des &eacute;tudiants germanophones devant le d&eacute;corum des proc&eacute;dures judiciaires en Suisse francophone, m&ecirc;me si, l&agrave; encore, il y a de fortes disparit&eacute;s.</p> <p>[20] Pour plus de pr&eacute;cision, peut-&ecirc;tre vaudrait-il mieux parler de langue de scolarisation.</p> <p>[21] Denis Diderot, <em>Paradoxe sur le com&eacute;dien,</em> [1773, 1830], Paris, Gallimard, folio n<sup>o</sup> 2575, 1994, p. 67.</p> <p>[22] On pourrait &eacute;voquer ici les travaux du sociologue Erving Goffman, notamment <em>La mise en sc&egrave;ne de la vie quotidienne</em> (1973), qui se rapprochent de nos r&eacute;flexions sur bon nombre de points relatifs &agrave; la vie sociale con&ccedil;ue comme une pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre. Ce qui nous distingue cependant, c&rsquo;est que nous &eacute;voluons ici dans un cadre universitaire et professionnel tr&egrave;s sp&eacute;cifique (bilingue, juridique et inter/transdisciplinaire), assez loin du fonctionnement de la vie quotidienne. Nous pr&eacute;f&eacute;rons donc, &agrave; notre niveau (&laquo;&nbsp;une pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre dans une pi&egrave;ce de th&eacute;&acirc;tre&nbsp;&raquo;), parler de d&eacute;centrement et de travestissement strat&eacute;gique, qui soulignent le rapprochement et l&rsquo;enrichissement des perspectives, plut&ocirc;t que de jeux de r&ocirc;les et de rites d&rsquo;interaction qui, en cas de non-respect des codes, risquent selon Goffman de finir en drame.</p> <p>[23] Nous pensons en particulier &agrave; une publication qui date, mais qui n&rsquo;a &ndash; selon nous &ndash; jamais &eacute;t&eacute; &eacute;gal&eacute;e&nbsp;: Lysane Dou&euml;nel, Genevi&egrave;ve Jackson, Sylvette Raoul, <em>Si tu t&rsquo;imagines&hellip; Atelier de litt&eacute;rature, lecture, &eacute;criture</em>, Paris, Hatier-Didier, 1994. Et, plus r&eacute;cemment&nbsp;: Romain Racine, Jean-Charles Schenker, <em>Communication progressive du fran&ccedil;ais perfectionnement C1-C2</em>, Paris, Cl&eacute; International, 2018, qui pr&eacute;pare &agrave; la production de s&eacute;quences discursives autour d&rsquo;actes de parole qui guident la lecture d&rsquo;objets culturels &ndash; comme &laquo;&nbsp;s&rsquo;exercer &agrave; la critique d&rsquo;une production artistique&nbsp;&raquo;, ou &laquo;&nbsp;lire la presse francophone&nbsp;&raquo;.</p> <p>[24] Romain Racine, &laquo;&nbsp;La Suisse&nbsp;: un jardin des langues &agrave; d&eacute;fendre&nbsp;&raquo;, <em>Le Temps</em>, 18 mars, 2016. Du c&ocirc;t&eacute; des jeunes Suisses romands, le manque d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t pour l&rsquo;allemand se fait &eacute;galement sentir. La formation &laquo;&nbsp;bilingue <em>plus</em>-droit&nbsp;&raquo; sert, entre autres, &agrave; provoquer des prises de conscience au niveau linguistique et culturel afin d&rsquo;infl&eacute;chir cette tendance.</p> <p>[25] Nous pensons ici &agrave; notre public-cible de juristes en contraste, par exemple, avec des &eacute;tudiants inscrits en facult&eacute; des lettres &ndash; dont l&rsquo;analyse litt&eacute;raire, picturale ou cin&eacute;matographique constituerait un <em>objectif sp&eacute;cifique</em> en soi.</p> <p>[26] Cf. V&eacute;ronique Castellotti, Marc Debono, &laquo;&nbsp;D&#39;une mission &quot;civilisatrice&quot; &agrave; une centration &quot;(socio)pragmatique&quot;: une interpr&eacute;tation de l&#39;&eacute;volution de la dimension culturelle en didactologie du FLE&nbsp;&raquo;, <em>Documents pour l&#39;histoire du fran&ccedil;ais langue &eacute;trang&egrave;re et seconde</em>, SIHFLES, 2018, p. 41-62.</p> <p>[27] Cette &laquo;&nbsp;omission&nbsp;&raquo; vaut &eacute;galement pour le vocabulaire qui, bien que les &eacute;diteurs de FLE proposent d&rsquo;excellents ouvrages tels que <em>Pratique Vocabulaire B2</em> (Paris, Cl&eacute; International, 2020), n&rsquo;est plus gu&egrave;re travaill&eacute; d&rsquo;une fa&ccedil;on approfondie dans l&rsquo;approche actionnelle.</p> <p>[28] Les th&egrave;mes (la v&eacute;rit&eacute;, la libert&eacute;, l&rsquo;identit&eacute;, etc.) qui nous sont impos&eacute;s par l&rsquo;&eacute;v&eacute;nement culturel et interdisciplinaire &laquo;&nbsp;Le Droit dans le cin&eacute;ma&nbsp;&raquo; sont, en r&eacute;alit&eacute;, des &laquo;&nbsp;universels singuliers&nbsp;&raquo; qu&rsquo;il nous faut transposer et int&eacute;grer dans notre contexte sp&eacute;cifique.</p> <p>[29] Par exemple, un ouvrage comme Denis C. Meyer, <em>Cl&eacute;s pour la France&nbsp;: en 80 ic&ocirc;nes culturelles</em>, Paris, Hachette, 2010, qui fait le pari de faire &laquo;&nbsp;comprendre la France et les Fran&ccedil;ais&nbsp;&raquo; par un catalogue de fiches th&eacute;matiques telles que&nbsp;: &laquo;&nbsp;le Beaujolais nouveau&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Coluche&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;B.B. &raquo;, &laquo;&nbsp;le bonhomme Michelin&nbsp;&raquo; ou &laquo;&nbsp;le tour de France&nbsp;&raquo;.</p> <p>[30] Nous consid&eacute;rons ici l&rsquo;autobiographie et la biographie (r&eacute;cit de vie ou le portrait r&eacute;dig&eacute;, prononc&eacute;, ou peint par un autre), de la m&ecirc;me mani&egrave;re &ndash; &agrave; partir du moment o&ugrave; ces discours racontent tous une histoire adoptant un point de vue unique, qu&rsquo;il soit interne ou externe. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, sur le plan didactique, est que l&rsquo;apprenant (le <em>regardeur</em>) suive la logique de celui qui parle de (et dans) son univers.</p> <p>[31] Les tesselles sont les petits morceaux de pierre, de verre, composant les mosa&iuml;ques.</p> <p>[32] Une s&eacute;ance tandem est un cours o&ugrave; les &eacute;tudiants de langue-cible fran&ccedil;ais et de langue-cible allemand se retrouvent autour d&rsquo;une activit&eacute; commune. G&eacute;n&eacute;ralement, chacun s&rsquo;exprime dans sa langue-cible et l&rsquo;un des enseignants des deux groupes m&egrave;ne l&rsquo;activit&eacute; (dans sa langue-cible). Nous tentons donc d&rsquo;&eacute;quilibrer, durant les semestres, les s&eacute;ances qui seront tenues majoritairement en fran&ccedil;ais, et celles tenues majoritairement en allemand.</p> <p>[33] R&eacute;f&eacute;rence des illustrations&nbsp;: la Synagogue (sculpture), cath&eacute;drale de Strasbourg (France), portail droit&nbsp;; <em>Das erstes Opfer des Krieges: die Wahrheit</em>, caricature publi&eacute;e sur le site&nbsp;: https://wolf147.wordpress.com/2014/08/26/das-erste-opfer-des-krieges/ (trad.&nbsp;: &laquo;&nbsp;la premi&egrave;re victime de la guerre&nbsp;: la v&eacute;rit&eacute;&nbsp;&raquo;).</p> <p>[34] La la&iuml;cisation de l&rsquo;Universit&eacute; de Fribourg, de ses enseignements &ndash; et donc du public cibl&eacute; &ndash; est relativement r&eacute;cente. Dans le discours de cet &eacute;tudiant, la voix de la grand-m&egrave;re se r&eacute;f&egrave;re &agrave; ce pass&eacute; o&ugrave; l&rsquo;institution s&rsquo;&eacute;tait vue comme un lieu de formation de la jeunesse catholique, europ&eacute;enne d&rsquo;abord, mondiale ensuite (&agrave; travers ses r&eacute;seaux monastiques &agrave; l&rsquo;&eacute;tranger, par exemple, recrutant des &eacute;tudiants par un syst&egrave;me de bourses). Voir &agrave; ce sujet la partie &laquo;&nbsp;Contexte historique&nbsp;&raquo; de la th&egrave;se&nbsp;: Alessandra Keller-Gerber, <em>&laquo;&nbsp;Ces &eacute;trangers qui restent ou qui veulent rester&nbsp;&raquo;. R&eacute;sonance de discours en circulation sur l&rsquo;immigration dans les r&eacute;cits d&rsquo;&eacute;trangers dipl&ocirc;m&eacute;s en Suisse, candidats &agrave; l&rsquo;&eacute;tablissement</em>, th&egrave;se de doctorat, 2015, disponible en ligne sur le site&nbsp;: http://doc.rero.ch/record/258797.</p> <p>&nbsp;</p>