<p>Nous d&eacute;finissons &agrave; partir de Bakhtine l&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re comme la possibilit&eacute; de faire des &laquo;&nbsp;mots &agrave;-soi&nbsp;&raquo; &agrave; partir des &laquo;&nbsp;mots de la langue&nbsp;&raquo; et des &laquo;&nbsp;mots d&rsquo;autrui&nbsp;&raquo; (Volle, 2019). Autrement dit, dans le processus d&rsquo;appropriation d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re, le sujet est appel&eacute; &agrave; se cr&eacute;er une parole singuli&egrave;re &agrave; partir du syst&egrave;me symbolique et de la m&eacute;moire discursive de la nouvelle langue. La parole singuli&egrave;re, entendue au sens d&rsquo;un positionnement cr&eacute;atif dans le langage, &eacute;merge de la confrontation qu&rsquo;impose l&rsquo;entre-deux langue au &laquo;&nbsp;r&eacute;el&nbsp;&raquo; de la langue<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>. Il y a en effet dans toute parole un oubli de la langue au sens o&ugrave; l&rsquo;&eacute;nonciation se d&eacute;roule sur le mode de l&rsquo;illusion r&eacute;f&eacute;rentielle, de l&rsquo;ad&eacute;quation du mot &agrave; la chose, que le passage d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre ne peut que d&eacute;voiler. Cette confrontation repr&eacute;sente une chance pour le sujet de s&rsquo;ouvrir &agrave; une position dans le langage qui met en jeu sa cr&eacute;ativit&eacute; sous la forme d&rsquo;une &eacute;nonciation singuli&egrave;re.&nbsp;Comme en t&eacute;moigne, l&rsquo;histoire de la didactique des langues, on a beaucoup reproch&eacute; &agrave; l&rsquo;enseignement de la grammaire de freiner l&rsquo;expression spontan&eacute;e, de d&eacute;velopper une capacit&eacute; &agrave; analyser la langue au d&eacute;triment d&rsquo;une capacit&eacute; &agrave; parler dans cette langue. Or nous voudrions ici explorer au contraire la fa&ccedil;on dont la distance m&eacute;talinguistique impliqu&eacute;e par la description grammaticale peut tout au contraire ouvrir &agrave; une appropriation cr&eacute;ative de la langue &eacute;trang&egrave;re.</p> <p>Dans un premier temps, nous reprendrons les termes du d&eacute;bat entre acquisition et apprentissage afin de d&eacute;faire l&rsquo;argument d&rsquo;un enseignement de la grammaire comme frein &agrave; la parole en langue &eacute;trang&egrave;re. Dans un second temps, nous proposerons et analyserons une s&eacute;quence sur l&rsquo;imp&eacute;ratif qui tente de concilier description grammaticale et parole singuli&egrave;re.</p> <h2>1. Description grammaticale et distance m&eacute;talinguistique&nbsp;: un frein &agrave; l&rsquo;appropriation de la langue et &agrave; la parole singuli&egrave;re ?</h2> <p>&nbsp;</p> <p>&nbsp;La description grammaticale implique une connaissance m&eacute;thodique et explicite de la langue que les grammairiens et les linguistes &eacute;laborent &agrave; partir de l&rsquo;observation des manifestations d&rsquo;une grammaire int&eacute;rioris&eacute;e particuli&egrave;re. Par description, on entend les r&eacute;sultats d&rsquo;une d&eacute;marche de cat&eacute;gorisation des unit&eacute;s de la langue et de mise en relation de ces cat&eacute;gories : ce sont les parties du discours, leurs paradigmes morphologiques et les r&egrave;gles syntaxiques des grammaires traditionnelles. Contrairement &agrave; l&rsquo;acquisition d&rsquo;une grammaire int&eacute;rioris&eacute;e, la connaissance d&rsquo;une description grammaticale r&eacute;sulte toujours d&rsquo;un apprentissage scolaire ou institutionnel. En effet, l&rsquo;apprentissage d&rsquo;une grammaire au sens d&rsquo;une description grammaticale se fait &agrave; partir de l&rsquo;&eacute;tude de la langue de scolarisation (qui n&rsquo;est pas toujours une langue parl&eacute;e dans la famille<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title="">[2]</a>) et en lien avec l&rsquo;apprentissage de l&rsquo;&eacute;criture<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title="">[3]</a>. Or l&rsquo;apprentissage de la grammaire en milieu scolaire ou institutionnel induit un positionnement r&eacute;flexif vis-&agrave;-vis de la langue, une distance m&eacute;talinguistique qui contrarie &agrave; priori la spontan&eacute;it&eacute; de la parole. La distance m&eacute;talinguistique comprise comme une focalisation sur le fond plus que sur le sens, sur le signifiant plut&ocirc;t que sur le signifi&eacute; selon la terminologie saussurienne, perturberait &agrave; priori &laquo;&nbsp;l&rsquo;oubli de la langue&nbsp;&raquo; sur lequel repose le fait-m&ecirc;me de parler. De surcroit, la description grammaticale suppose un rapport r&eacute;flexif au langage que nombre d&rsquo;&eacute;l&egrave;ves, d&rsquo;apprenants, enfants ou adultes, n&rsquo;adoptent pas spontan&eacute;ment. Elle suppose un r&eacute;el apprentissage qu&rsquo;il est par exemple difficile de mener pour les enfants avant l&rsquo;&acirc;ge de huit ans.&nbsp; Le sujet entretient avec les mots un rapport affectif qui l&rsquo;emp&ecirc;che de ressentir le signe comme arbitraire<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title="">[4]</a>. Adopter un point de vue ext&eacute;rieur sur le mot<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title="">[5]</a>, en analyser le fonctionnement, implique une mise &agrave; distance du signifi&eacute;, de sa port&eacute;e affective pour s&rsquo;arr&ecirc;ter sur les moyens &agrave; partir duquel le sujet parle<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title="">[6]</a>.</p> <p>Nous retrouvons ici les termes du d&eacute;bat entre acquisition et apprentissage<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title="">[7]</a>. Aujourd&rsquo;hui encore, on reproche &agrave; l&rsquo;enseignement/apprentissage des langues en milieu institutionnel d&rsquo;&ecirc;tre trop centr&eacute; sur la description grammaticale au d&eacute;triment du d&eacute;veloppement d&rsquo;une v&eacute;ritable capacit&eacute; &agrave; parler la langue. Or ce d&eacute;bat est au c&oelig;ur de l&rsquo;histoire de la didactique des langues, notamment lors de la rupture au d&eacute;but du XX&deg; si&egrave;cle qu&rsquo;op&egrave;re l&rsquo;&eacute;mergence de la m&eacute;thode directe face aux approches traditionnelles auxquelles on reprochait, entre autre, de d&eacute;velopper une capacit&eacute; &agrave; analyser la langue au d&eacute;triment d&rsquo;une capacit&eacute; &agrave; parler la langue. De l&agrave;, a &eacute;merg&eacute; la m&eacute;thode directe qui tentait de d&rsquo;&eacute;viter la description grammaticale par une grammaire implicite minimale. Les arguments en d&eacute;faveur de la description grammaticale sont connus&nbsp;: un &eacute;l&egrave;ve peut conna&icirc;tre une r&egrave;gle et ne pas savoir en faire un usage appropri&eacute;. De m&ecirc;me, il peut produire un usage efficace sans pouvoir rendre compte explicitement de la r&egrave;gle (Besse &amp; Porquier 1991). On conna&icirc;t aussi les situations d&rsquo;un long apprentissage en milieu scolaire d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re qui ne se traduit pas par la capacit&eacute; r&eacute;elle &agrave; parler la langue en situation. Les enseignants de&nbsp;&nbsp; fran&ccedil;ais langue maternelle ou langue &eacute;trang&egrave;re relatent encore l&rsquo;exp&eacute;rience de r&egrave;gles ma&icirc;tris&eacute;es en situation scolaire qui sont tout aussi vite oubli&eacute;es dans la prise de parole spontan&eacute;e. Dans certains cas, la description grammaticale peut m&ecirc;me sembler induire des fautes &agrave; l&rsquo;encontre de la grammaire int&eacute;rioris&eacute;e&nbsp;: Par exemple, un &eacute;l&egrave;ve de CE2 (Fran&ccedil;ais Langue Maternelle) r&eacute;tablit une r&eacute;gularit&eacute; dans son tableau de conjugaison du verbe aller au pr&eacute;sent en produisant la forme ils allent*, faute qu&rsquo;il ne commettrait jamais en situation de parole spontan&eacute;e.&nbsp;&nbsp;</p> <p>&nbsp;Au-del&agrave; de la dichotomie apparente entre acquisition et apprentissage, ne pourrait-on pas toutefois envisager, la fa&ccedil;on dont la description grammaticale favoriserait l&rsquo;int&eacute;riorisation de la grammaire et la parole singuli&egrave;re ? Le processus conscient, la connaissance r&eacute;flexive des structures de la langue, la capacit&eacute; de jugement grammatical par r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des r&egrave;gles enseign&eacute;es ne pourraient-ils pas soutenir la parole dans la langue &eacute;trang&egrave;re&nbsp;?</p> <p>En faveur de cette perspective, il nous faut d&rsquo;abord consid&eacute;rer que les activit&eacute;s m&eacute;talinguistiques ne rel&egrave;vent pas exclusivement de l&rsquo;apprentissage mais sont au c&oelig;ur des pratiques langagi&egrave;res ordinaires et de l&rsquo;acquisition en milieu naturel. Quand nous parlons, nous entretenons constamment une activit&eacute; m&eacute;talinguistique latente qui nous permet d&rsquo;&eacute;valuer, &agrave; tout moment, l&rsquo;effet ou l&rsquo;impact, potentiels ou r&eacute;els, de nos productions et de celles des autres, leur conformit&eacute; ou non-conformit&eacute; avec les normes et repr&eacute;sentations que nous avons de la langue utilis&eacute;e.&nbsp; Et ce m&ecirc;me chez les sujets qui n&rsquo;ont pas &eacute;t&eacute; scolaris&eacute;s, c&rsquo;est-&agrave;-dire qui n&rsquo;ont pas &laquo; appris &raquo; cette langue. L&rsquo;activit&eacute; m&eacute;talinguistique permet de reprendre, de modaliser, de reformuler, de n&eacute;gocier ce que nous disons en fonction de notre interlocuteur. Jakobson &eacute;crit &agrave; ce propos&nbsp;: &laquo;&nbsp;La facult&eacute; de parler une langue donn&eacute;e implique celle de parler de cette langue. Ce genre d&rsquo;op&eacute;rations &laquo;&nbsp;m&eacute;talinguistiques&nbsp;&raquo; permet de r&eacute;viser et de red&eacute;finir le vocabulaire employ&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;(Jakobson, 1963 : 81). Pour Jakobson, la fonction m&eacute;talinguistique a un r&ocirc;le majeur dans l&rsquo;apprentissage du langage tant chez l&rsquo;adulte que chez l&rsquo;enfant (Jakobson, 1963 : 204). Tout petit l&rsquo;enfant est amen&eacute; &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir sur la langue qu&rsquo;il parle : d&rsquo;abord parce que ses parents le &laquo; corrigent &raquo; quant &agrave; l&rsquo;usage de telle ou telle forme jug&eacute;e fautive ou inadapt&eacute;e, lui donnent des recommandations sur ce qui peut &ecirc;tre dit et comment le dire (la politesse est d&rsquo;une certaine mani&egrave;re une activit&eacute; m&eacute;talinguistique puisqu&rsquo;on adapte la forme de son propos en fonction de la situation de communication). D&rsquo;autre part, les enfants, d&egrave;s leur plus jeune &acirc;ge, t&eacute;moignent de leur capacit&eacute; &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir sur la langue en interrogeant les adultes sur ce qui leur appara&icirc;t bizarre ou amusant. Or pour parler de la langue, il faut bien que notre attention soit orient&eacute;e sur la &laquo; forme &raquo; plus que sur le fond, que nous ayons les moyens lexicaux et grammaticaux pour le faire explicitement, et qu&rsquo;on en ait donc une certaine conscience<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title="">[8]</a>.</p> <p>Par ailleurs, on peut constater que certains adolescents et adultes qui acqui&egrave;rent une langue seconde en milieu naturel (travailleurs immigr&eacute;s, par exemple, en immersion et en interactions constantes aves les natifs) ne parviennent jamais &agrave; &laquo; parler comme un natif &raquo; en raison du fait qu&rsquo;ils s&rsquo;en tiennent &agrave; une interlangue plus ou moins &laquo; fossilis&eacute;e &raquo; mais relativement efficace dans leurs &eacute;changes avec les natifs.&nbsp; Le &laquo; bain linguistique &raquo; ne suffit donc pas pour l&rsquo;acquisition d&rsquo;une langue &eacute;trang&egrave;re.&nbsp; De surcroit, des comparaisons entre des classes d&rsquo;immersion canadiennes, britanniques et scandinaves (classes, rappelons-le, dans lesquelles la langue &eacute;trang&egrave;re est surtout utilis&eacute;e pour enseigner d&rsquo;autres mati&egrave;res qu&rsquo;elle-m&ecirc;me) et des classes incluant un enseignement lexico-grammatical de la langue ont &eacute;t&eacute; men&eacute;es (Bibeau, 1983 : 107-108). Ces comparaisons sont &agrave; l&rsquo;avantage de ces derni&egrave;res. Dans les classes d&rsquo;immersion, le processus d&rsquo;acquisition se mettait en marche avec trop de lenteur, les enfants tra&icirc;nant de nombreuses fautes durant toutes leurs &eacute;tudes.&nbsp; La dichotomie entre acquisition et apprentissage est donc bien &agrave; nuancer, elle ouvre la voie &agrave; des pratiques de classe qui sauront jouer &agrave; la fois sur une description grammaticale explicite impliquant un rapport r&eacute;flexif vis-&agrave;-vis de la langue et une parole spontan&eacute;e voire m&ecirc;me une appropriation cr&eacute;ative de la r&egrave;gle mise au service d&rsquo;une parole singuli&egrave;re.&nbsp;</p> <h2>&nbsp; 2. L&rsquo;exemple d&rsquo;une s&eacute;quence sur l&rsquo;imp&eacute;ratif</h2> <p>&nbsp;</p> <p>Nous pr&eacute;sentons ici un s&eacute;quence sur l&rsquo;enseignement de l&rsquo;imp&eacute;ratif, elle constitue une proposition didactique qui tente de concilier des moments de classe orient&eacute;s vers une grammaire explicite avec des activit&eacute;s m&eacute;talinguistiques de comparaison des langues, de syst&eacute;matisation de la r&egrave;gle suivi d&rsquo;exercices de fixation, de travail sur l&rsquo;erreur avec des moments de classe plus proches des processus d&rsquo;&laquo;&nbsp;acquisition&nbsp;&raquo; et&nbsp; de la parole spontan&eacute;e. Dans ces moments, il s&rsquo;agit de &laquo;&nbsp;donner du sens&nbsp;&raquo; &agrave; la grammaire en rattachant le point de langue &eacute;tudi&eacute; de mani&egrave;re r&eacute;flexive &agrave; un projet expressif, une parole relevant d&rsquo;un v&eacute;ritable enjeu pour les &eacute;l&egrave;ves. La classe doit &ecirc;tre &agrave; ce moment-l&agrave; un espace de rencontre o&ugrave; il y a une r&eacute;elle adresse, un r&eacute;el int&eacute;r&ecirc;t &agrave; entendre ce que l&rsquo;autre a &agrave; dire. Dans cette rencontre, chacun peut prendre conscience de sa singularit&eacute; par la confrontation avec la parole des autres, avec les diff&eacute;rents modes de symbolisation et univers de discours des langues en pr&eacute;sence. Cette s&eacute;quence a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e avec des niveaux B2 et C1 mais pourrait &ecirc;tre envisag&eacute;e dans une forme all&eacute;g&eacute;e d&egrave;s le niveau A2. La s&eacute;quence didactique est pr&eacute;sent&eacute;e de mani&egrave;re int&eacute;grale sous forme de fiche en annexe de cet article (Annexe 1).</p> <p>L&rsquo;activit&eacute; 1 de comparaison des langues sollicite une r&eacute;flexion m&eacute;talinguistique. Le passage d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre implique un retour r&eacute;flexif sur la fa&ccedil;on dont chaque langue symbolise l&rsquo;exp&eacute;rience de l&rsquo;injonction. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une approche de la grammaire fondamentalement orient&eacute;e par les perspectives ouvertes par Humboldt, il s&rsquo;agit de donner &agrave; la d&eacute;couverte des structures des langues le go&ucirc;t d&rsquo;une d&eacute;couverte anthropologique. Par contraste, on observe la construction de l&rsquo;imp&eacute;ratif en fran&ccedil;ais&nbsp;: verbe plac&eacute; au d&eacute;but de la phrase, pas de pronom sujet explicite, etc. On s&rsquo;appuie ici sur les comp&eacute;tences de locuteurs plurilingues. La reconnaissance symbolique des langues premi&egrave;res des &eacute;l&egrave;ves peut ici avoir son importance notamment pour des publics migrants. L&rsquo;entre-deux langues ouvre &agrave; la distance m&eacute;talinguistique qui suppose une focalisation sur le signifiant. La d&eacute;couverte des diff&eacute;rentes langues de cette activit&eacute; 1 doit aboutir &agrave; une phase o&ugrave; toute confusion sera lev&eacute;e et o&ugrave; le fonctionnement de l&rsquo;imp&eacute;ratif en fran&ccedil;ais sera clairement stabilis&eacute; par un ensemble de r&egrave;gles explicites dans l&rsquo;activit&eacute; 2. Apr&egrave;s cette phase de d&eacute;couverte bas&eacute;e sur la comparaison des langues, nous retrouvons les phases de syst&eacute;matisation de la r&egrave;gle par une le&ccedil;on de grammaire explicite et de fixation par des exercices type structuraux propres aux approches communicatives.</p> <p>Ces deux premi&egrave;res activit&eacute;s sont clairement orient&eacute;es du c&ocirc;t&eacute; de la description grammaticale, de la r&eacute;flexion m&eacute;talinguistique. Reste donc &agrave; op&eacute;rer le passage vers une appropriation de cette structure dans un projet expressif o&ugrave; l&rsquo;attention sera moins port&eacute;e sur la forme que sur le sens avec l&rsquo;activit&eacute; 3&nbsp;: &laquo;&nbsp;Souvenez-vous de tous les &laquo;&nbsp;ordres&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;conseils&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;injonctions&nbsp;&raquo; que vous ont adress&eacute;s vos parents quand vous &eacute;tiez enfant dans vos langues maternelles&nbsp;&raquo;. Les mots reviennent ici dans la langue maternelle avec la m&eacute;moire et la charge affective dont ils sont porteurs. Il va s&rsquo;agir de traduire ces injonctions vers le fran&ccedil;ais mais la traduction n&rsquo;est pas un exercice scolaire uniquement port&eacute; sur la forme puis qu&rsquo;il s&rsquo;agit de partager avec les autres &eacute;l&egrave;ves ces injonctions souvenirs (activit&eacute; 4). La traduction est replac&eacute;e dans une adresse, le fran&ccedil;ais est la langue de partage de la classe tout particuli&egrave;rement quand les apprenants ont des langues premi&egrave;res diff&eacute;rentes. Ici est travaill&eacute; la distance m&eacute;talinguistique qu&rsquo;implique la traduction vers le fran&ccedil;ais&nbsp;:&nbsp; quelque chose de la valeur des mots de la langue premi&egrave;re se perd du fait de leur traduction en fran&ccedil;ais mais les mots en fran&ccedil;ais se chargent d&rsquo;une nouvelle port&eacute;e car ils permettent la rencontre avec les autres de la classe. L&rsquo;activit&eacute; 5 (Faire une liste &eacute;crite de toutes les injonctions que l&rsquo;apprenant s&rsquo;adresse &agrave; lui-m&ecirc;me maintenant qu&rsquo;il a grandi) doit cette fois se faire directement en fran&ccedil;ais sans passer par la langue maternelle. Il ne s&rsquo;agit plus de transf&eacute;rer de la langue maternelle vers le fran&ccedil;ais les injonctions entendues dans l&rsquo;enfance mais de prendre conscience dans la langue fran&ccedil;aise des injonctions qu&rsquo;ils s&rsquo;adressent &agrave; eux-m&ecirc;mes aujourd&rsquo;hui. Dans l&rsquo;activit&eacute; 6 (Echange en groupe autour des listes de chacun), un petit portait de chacun se dessine par contraste. On d&eacute;couvre ainsi les diff&eacute;rences en fonction des cultures et des exp&eacute;riences singuli&egrave;res de chacun. Pour Lima, &eacute;tudiante palestinienne, les injonctions entendues enfant sont marqu&eacute;es par l&rsquo;univers socioculturel dans lequel elle a grandi&nbsp;: &laquo;&nbsp;Enl&egrave;ve tes chaussures &agrave; la porte&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Ne reste pas longtemps &agrave; la porte sinon les gens (te) m&eacute;disent*&nbsp;&raquo;. On peut aussi noter l&rsquo;originalit&eacute; des injonctions qu&rsquo;elle s&rsquo;adresse &agrave; elle-m&ecirc;me devenue adulte&nbsp;: &laquo;&nbsp;Dis &laquo;&nbsp;bonjour beaut&eacute;&nbsp;&raquo; quand tu te regardes dans le miroir le matin&nbsp;&raquo; (Annexe 2). On remarquera chez les &eacute;tudiantes chinoises de nombreuses injonctions en relation avec le respect des anciens&nbsp;comme &laquo;&nbsp;Sois polis envers les vieils*&nbsp;&raquo; (envers les anciens). (Annexe 3).</p> <p>Les activit&eacute;s 7, 8 et 9 (correction des erreurs entre pairs puis par l&rsquo;enseignante) reviennent &agrave; un travail induisant une distance m&eacute;talinguistique. Cette focalisation sur la forme et cette nouvelle mobilisation de la r&egrave;gle se fait toujours dans une perspective de partage puisqu&rsquo;il s&rsquo;agit de corriger un camarade.</p> <p>L&rsquo;activit&eacute; 10 (retour de l&rsquo;enseignante sur les deux listes d&rsquo;injonctions constitu&eacute;es par les apprenants) permet de poursuivre la discussion sur ce que ces listes permettent de partager, les portraits de chacun qui s&rsquo;y dessinent, les points communs, les diff&eacute;rences, le lien entre les injonctions entendus dans l&rsquo;enfance et celles que l&rsquo;on s&rsquo;adresse devenu adulte. L&rsquo;activit&eacute; 11 constitue une phase de r&eacute;investissement, elle faire appel &agrave; la m&eacute;moire discursive d&rsquo;une autre g&eacute;n&eacute;ration et permet d&rsquo;entrer dans une perspective interculturelle mais aussi socio-culturelle&nbsp;: elle induit une prise de conscience de l&rsquo;&eacute;volution des soci&eacute;t&eacute;s &agrave; travers le temps. La grand-m&egrave;re de Vasileios n&eacute;e en 1939 sur l&#39;&icirc;le de Rhodes entendait les injonctions suivantes&nbsp;:</p> <p>&ndash; &Pi;ή&gamma;&alpha;&iota;&nu;&epsilon; &nu;&alpha; &phi;έ&rho;&epsilon;&iota;&sigmaf; &nu;&epsilon;&rho;ό &alpha;&pi;ό &tau;&omicron; &pi;&eta;&gamma;ά&delta;&iota; = Va et apporte de l&#39;eau du puits</p> <p>&ndash; &Mu;ά&zeta;&epsilon;&psi;&epsilon; &tau;&alpha; &rho;&omicron;ύ&chi;&alpha; = Ramasse les v&ecirc;tements (qui sont suspendus en dehors pour s&eacute;cher)</p> <p>&ndash; &Mu;ά&theta;&epsilon; &tau;έ&chi;&nu;&eta; &kappa;&iota; ά&sigma;&tau;&eta;&nu;, &kappa;&iota; &alpha;&nu; &pi;&epsilon;&iota;&nu;ά&sigma;&epsilon;&iota;&sigmaf; &pi;&iota;ά&sigma;&tau;&eta;&nu; = Apprends un m&eacute;tier et laisse-le, et si tu as faim, prends-le. (Annexe 4)</p> <p>La grand-m&egrave;re de Han, Suqing qui a 69 ans, a entendu enfant les injonctions suivantes&nbsp;:</p> <p>- Ne porte pas les v&ecirc;tements r&eacute;v&eacute;lateurs*</p> <p>- Fais bien le m&eacute;nage*</p> <p>- Prenez bien soin de les fr&egrave;res et s&oelig;urs plus jeunes*</p> <p>- Aide mes parents &agrave; faire des travaux agricoles*</p> <p>- Fais bien la cuisine pour la famille*</p> <p>- C&egrave;de l&#39;opportunit&eacute; d&#39;&eacute;tudier aux jeunes fr&egrave;res et s&oelig;urs</p> <p>&nbsp;</p> <p>Pour conclure, la s&eacute;quence d&eacute;velopp&eacute;e ici pr&eacute;sente diff&eacute;rents types d&rsquo;activit&eacute; m&eacute;talinguistique&nbsp;: la comparaison des langues, des phases de grammaire explicite par la syst&eacute;matisation et la fixation, un travail sur l&rsquo;erreur, la traduction. Afin de ne pas r&eacute;duire ces activit&eacute;s &agrave; des objectifs scolaires, elles sont toujours replac&eacute;es dans la perspective d&rsquo;une adresse. La parole doit en effet retrouver son enjeu, celui d&rsquo;une rencontre avec tous les autres qui composent la classe&nbsp;: les apprenants, l&rsquo;enseignant mais aussi les autres dont on peut rapporter la parole (comme ici les autres g&eacute;n&eacute;rations interrog&eacute;es). Il y a aussi bien s&ucirc;r les voix autres de la litt&eacute;rature, du cin&eacute;ma, des documents authentiques qui peuvent &ecirc;tre convoqu&eacute;es dans un contexte scolaire. Cette approche, comme en t&eacute;moigne le d&eacute;veloppement de la s&eacute;quence, suppose une temporalit&eacute; longue dans l&rsquo;enseignement/apprentissage. Or ce rapport au temps dans l&rsquo;apprentissage, la possibilit&eacute; de s&rsquo;installer dans une parole adress&eacute;e, semble contradictoire avec la finalit&eacute; &eacute;valuative de plus en plus marqu&eacute;e aujourd&rsquo;hui dans les contextes d&rsquo;apprentissage.</p> <h2 style="text-align: justify;">Bibliographie</h2> <p>&nbsp;</p> <p>Benveniste, E. ([1966] 2010). <em>Probl&egrave;mes de linguistique g&eacute;n&eacute;rale (Tome 1)</em>. Gallimard.</p> <p>Besse H., Porquier R. (1991). <em>Grammaires et didactique des langues</em>. Didier.</p> <p>Bibeau, G. (1983)&nbsp;Les rapports L1/L2 dans l&rsquo;acquisition de L2. <em>Bulletin de l&rsquo;Association canadienne de linguistique appliqu&eacute;e</em>, vol.5, n&deg;1, Printemps, 30-65.</p> <p>Bredart, Serge., Rondal, J-A. (1982). <em>L&rsquo;analyse du langage chez l&rsquo;enfant : les activit&eacute;s m&eacute;talinguistiques</em>. Mardaga.</p> <p>Jakobson, R. (1963). <em>Essais de linguistique g&eacute;n&eacute;rale</em>. Editions de Minuit.</p> <p>Krashen, S. (1981). <em>Second language acquisition and second language learning</em>. Pergamon Press.</p> <p>Volle, R-M. (2019). La cr&eacute;ativit&eacute; d&rsquo;une langue &agrave; l&rsquo;autre. <em>Revue de Travaux de didactique des langues</em>, Hors-s&eacute;rie n&deg;9.</p> <p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p><strong>Annexe 1 </strong></p> <p>1. Comparons les langues &ndash; AU TABLEAU</p> <p>On prend deux &eacute;nonc&eacute;s courants en fran&ccedil;ais qu&rsquo;ils ont peut-&ecirc;tre d&eacute;j&agrave; rencontr&eacute;s&nbsp;:</p> <p>Mange ta soupe&nbsp;!</p> <p>Montez &agrave; l&rsquo;avant&nbsp;!</p> <p>Deux &eacute;nonc&eacute;s &agrave; l&rsquo;imp&eacute;ratif&nbsp;: On demande aux &eacute;l&egrave;ves de traduire dans leur langue maternelle si possible.</p> <p>&rarr; On compare les constructions&nbsp;: on peut souligner ou encadrer en diff&eacute;rentes couleurs les points communs, les diff&eacute;rences.</p> <p>&rarr; Par contraste, on observe la construction de l&rsquo;imp&eacute;ratif en fran&ccedil;ais&nbsp;: Verbe plac&eacute; au d&eacute;but de la phrase, pas de pronom sujet explicite, etc.</p> <p>2. La le&ccedil;on de grammaire explicite (Syst&eacute;matisation)</p> <p>L&rsquo;enseignant formule la r&egrave;gle &agrave; partir des observations men&eacute;es en 1. Il peut s&rsquo;appuyer sur un manuel de grammaire. Exercices structuraux (Fixation)</p> <p>3. Retrouvez dans vos langues maternelles tous les &laquo;&nbsp;ordres&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;conseils&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;injonctions&nbsp;&raquo; que vous ont adress&eacute;s vos parents quand vous &eacute;tiez enfant.</p> <p>4. Par deux, partagez ces souvenirs avec votre coll&egrave;gue (en fran&ccedil;ais et en utilisant l&rsquo;imp&eacute;ratif)</p> <p>5. Seul, faites une liste &eacute;crite de toutes les injonctions que vous vous adressez &agrave; vous-m&ecirc;mes maintenant que vous avez grandi.</p> <p>6. En groupe, &eacute;changez vos listes. Faites des comparaisons. Qu&rsquo;avez-vous appris sur l&rsquo;autre&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce que vous avez en commun&nbsp;? Quels sont au contraire les diff&eacute;rences&nbsp;? On d&eacute;couvre un peu la singularit&eacute; de chacun&nbsp;: un petit portrait se dessine. On d&eacute;couvre aussi les diff&eacute;rences en fonction des cultures.</p> <p>7. Par deux, &eacute;changez vos listes et corrigez les fautes de votre camarade. (Mobilisation &agrave; nouveau de la r&egrave;gle).</p> <p>8. L&rsquo;enseignante reprend au tableau les fautes les plus r&eacute;currentes ( Le &ndash;s&nbsp; fautif &agrave; l&rsquo;imp&eacute;ratif 2&deg; pers. sing. verbe du premier groupe, oubli du tiret&hellip;)</p> <p>9. Retour par &eacute;crit &agrave; l&rsquo;enseignante des 2 listes d&rsquo;injonctions &laquo;&nbsp;enfant&nbsp;&raquo;/ &laquo;&nbsp;adulte&nbsp;&raquo;.</p> <p>10. L&rsquo;enseignante lit en classe des &laquo;&nbsp;morceaux choisis &raquo; pour mettre en valeur ce qu&rsquo;elle a appris de ses &eacute;l&egrave;ves et aussi engager une comparaison&nbsp;: quels points communs entre les injonctions enfant et adulte&nbsp;? En quoi sont-ils r&eacute;v&eacute;lateurs de la soci&eacute;t&eacute; d&rsquo;aujourd&rsquo;hui&nbsp;? Comparaisons culturelles, etc.</p> <p>11. Activit&eacute; finale (qui peut servir d&rsquo;&eacute;valuation)&nbsp;: Choisissez une personne plus &acirc;g&eacute;e que vous&nbsp;: parents, grands-parents, arri&egrave;re-grands parents&nbsp;; posez-lui les m&ecirc;mes questions.</p> <p>► Les &eacute;l&egrave;ves reviennent en classe avec leur liste&nbsp;: discussion sur les points communs, les diff&eacute;rences&nbsp;: &eacute;volution dans le temps, entre les g&eacute;n&eacute;rations et variations socio-culturelles.</p> <p class="TDFLE-Corpsdetexte" style="text-align:justify">&nbsp;</p> <p>Les textes des &eacute;tudiants sont pr&eacute;sent&eacute;s non corrig&eacute;s.</p> <p><strong>Annexe 2&nbsp;:</strong> Production Lama, &eacute;tudiante palestinienne, C1</p> <p>Injonctions entendues dans l&rsquo;enfance&nbsp;:</p> <p>&nbsp;- Mange sans faire de bruit&nbsp;</p> <p>- Range tes v&ecirc;tements</p> <p>- Enl&egrave;ve tes chaussures &agrave; l&rsquo;entr&eacute;e de la porte</p> <p>- Ne reste pas longtemps &agrave; la porte sinon les gens te m&eacute;disent</p> <p>- Parle doucement</p> <p>- Ne donne pas &agrave; manger aux chas</p> <p>Injonctions &agrave; soi-m&ecirc;me&nbsp;:</p> <p>- Aime-toi-m&ecirc;me</p> <p>- Dis Bonjour Beaut&eacute; quand tu te regardes dans le miroir</p> <p>- Sois prudent</p> <p>- Sois forte et courageuse</p> <p>- Ne mange pas beaucoup</p> <p>- Lis beaucoup d&rsquo;articles, de roman, en arabe surtout</p> <p>- Souris aux gens</p> <p>- Sois gentille avec ceux qui le m&eacute;ritent</p> <p>- Parle avec ta maman chaque jour</p> <p>- Sois ponctuelle</p> <p>- Reste calme face aux voisins qui font du bruit et met-toi des bouchons.</p> <p>- Sois toujours croyante</p> <p><strong>Annexe 3 : </strong>Zimeng, &eacute;tudiante chinoise, B2</p> <p>Injonctions entendues pendant l&rsquo;enfance&nbsp;:</p> <p>- Zimeng, mets-toi l&agrave;</p> <p>- Prend ce livre</p> <p>- Mange tout ton riz</p> <p>- L&egrave;ve toi de bonne heure</p> <p>- Travaille s&eacute;rieusement</p> <p>- Rentre &agrave; 11 heures</p> <p>- Fais ton devoir</p> <p>- Sois polis envers les vieils</p> <p>- Parle pas avec les inconnus</p> <p>- Passe tes examens en 90/100</p> <p>- Donne moi tes &eacute;trennes</p> <p>- Arr&ecirc;te de sauter comme un singe</p> <p>- Tiens correctement le stylo</p> <p>Injonctions adress&eacute;es &agrave; soi-m&ecirc;me&nbsp;:</p> <p>- Sois positive d&egrave;s que tu r&eacute;veill&eacute;e</p> <p>- Ne mange pas des chochonnerie</p> <p>- L&egrave;ve-toi de bonne heure</p> <p>- Ne lis pas dans le lit</p> <p>- Fais du sport deux fois par semaine</p> <p>- Ecoutes le fran&ccedil;ais tous les matin</p> <p><strong>Annexe 4&nbsp;:&nbsp;</strong> Vasileios, &eacute;tudiant chypriote, C1</p> <p>Injonctions entendues pendant l&rsquo;enfance&nbsp;:</p> <p>&ndash; &Tau;&alpha; &gamma;&rho;ά&mu;&mu;&alpha;&tau;&alpha; &nu;&alpha; &pi;&rho;&omicron;&sigma;έ&chi;&epsilon;&iota;&sigmaf; = Litt&eacute;ralement &lsquo;&rsquo;Fais attention aux lettres&rsquo;&rsquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire</p> <p>&lsquo;&rsquo;Concentre-toi sur l&rsquo;&eacute;cole, parce que l&rsquo;&eacute;ducation est importante&rsquo;&rsquo;.</p> <p>► Une expression utilis&eacute;e par mon grand-p&egrave;re. Un homme qui n&rsquo;est jamais all&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;cole mais il a toujours reconnu l&rsquo;importance d&rsquo;obtenir une &eacute;ducation.</p> <p>Les classiques:</p> <p>&ndash; &Kappa;ά&tau;&sigma;&epsilon; &kappa;ά&tau;&omega; &kappa;&alpha;&iota; &kappa;ά&nu;&epsilon; &tau;&alpha; &mu;&alpha;&theta;ή&mu;&alpha;&tau;&alpha; &sigma;&omicron;&upsilon;! : &lsquo;&rsquo;Assieds-toi et fais tes devoirs !&rsquo;&rsquo;</p> <p>&ndash; &Sigma;&tau;&rho;ώ&sigma;&epsilon; &tau;&omicron; &kappa;&rho;&epsilon;&beta;ά&tau;&iota; &sigma;&omicron;&upsilon;!&nbsp;: &nbsp;Fais ton lit !</p> <p>&ndash; Έ&lambda;&alpha; &mu;έ&sigma;&alpha;, &nu;ύ&chi;&tau;&omega;&sigma;&epsilon;&nbsp;: Rentre &agrave; la maison, il fait noir dehors.</p> <p>&ndash; &Mu;&eta;&nu; &pi;&eta;&gamma;&alpha;ί&nu;&epsilon;&iota;&sigmaf; &beta;&alpha;&theta;&iota;ά, έ&chi;&epsilon;&iota; &kappa;&alpha;&rho;&chi;&alpha;&rho;ί&epsilon;&sigmaf;! = Ne va pas trop loin (dans la mer), il y a des requins.</p> <p>► Bien &eacute;videmment, il n&rsquo;y a pas de requins en mer M&eacute;diterran&eacute;e, mais c&rsquo;est une expression utilis&eacute;e par plusieurs m&egrave;res de mon &icirc;le pour des raisons compr&eacute;hensibles.</p> <p>Injonctions adress&eacute;es &agrave; soi-m&ecirc;me :</p> <p>Il y a certaines &lsquo;&rsquo;Injonctions silencieuses&rsquo;&rsquo; en anglais. Pour diverses raisons, j&rsquo;ai une longue relation avec l&rsquo;anglais. Je ne suis pas bilingue mais je consid&egrave;re l&rsquo;anglais comme ma deuxi&egrave;me langue maternelle.</p> <p>&ndash; Just have some faith !&nbsp;: Aie juste un peu de foi!</p> <p>&ndash; Start with something! Just one battle at a time&nbsp;: Commence par quelque chose! Juste</p> <p>une seule bataille &agrave; la fois.</p> <p>&ndash; &Mu;&eta;&nu; &tau;&omicron; &alpha;&phi;ή&nu;&epsilon;&iota;&sigmaf; &gamma;&iota;&alpha; ά&upsilon;&rho;&iota;&omicron;, &kappa;ά&nu;&tau;&omicron; &sigma;ή&mu;&epsilon;&rho;&alpha;!&nbsp;: Ne le remets pas &agrave; demain, faites-le aujourd&#39;hui*</p> <p>&nbsp;&ndash;&nbsp; &Sigma;&tau;&alpha;&mu;ά&tau;&alpha; &kappa;&alpha;&iota; &pi;ή&gamma;&alpha;&iota;&nu;&epsilon; &gamma;&iota;&alpha; ύ&pi;&nu;&omicron;&nbsp;: Arr&ecirc;te et va dormir.</p> <p>Injonctions entendues par ma grand-m&egrave;re&nbsp;:</p> <p>Ma Grand-m&egrave;re (la deuxi&egrave;me m&egrave;re comme on dit en Gr&egrave;ce) n&eacute;e en 1939, &agrave; l&#39;&icirc;le de Rhodes au sud-est de Gr&egrave;ce pr&eacute;s de Chypre. Elle parle un dialecte local du grec, qui meurt lentement au fil des g&eacute;n&eacute;rations.</p> <p>&ndash; &Pi;ή&gamma;&alpha;&iota;&nu;&epsilon; &nu;&alpha; &phi;έ&rho;&epsilon;&iota;&sigmaf; &nu;&epsilon;&rho;ό &alpha;&pi;ό &tau;&omicron; &pi;&eta;&gamma;ά&delta;&iota;&nbsp;: Va et apporte de l&#39;eau du puits.</p> <p>&ndash; &Mu;ά&zeta;&epsilon;&psi;&epsilon; &tau;&alpha; &rho;&omicron;ύ&chi;&alpha;&nbsp;: Ramasse les v&ecirc;tements (qui sont suspendus en dehors pour s&eacute;cher).</p> <p>&ndash; &Mu;ά&theta;&epsilon; &tau;έ&chi;&nu;&eta; &kappa;&iota; ά&sigma;&tau;&eta;&nu;, &kappa;&iota; &alpha;&nu; &pi;&epsilon;&iota;&nu;ά&sigma;&epsilon;&iota;&sigmaf; &pi;&iota;ά&sigma;&tau;&eta;&nu;&nbsp;: Apprends un m&eacute;tier et laisse-le, et si tu as faim, prends-le. C&rsquo;est-&agrave;-dire qu&rsquo;aucune connaissance n&#39;est inutile, car un jour elle peut &ecirc;tre utile.</p> <p><strong>Annexe 5&nbsp;:</strong>&nbsp; Han, &eacute;tudiante chinoise B2</p> <p>Injonctions entendues par sa grand-m&egrave;re, Suqing, 69 ans</p> <p>- Ne porte pas les v&ecirc;tements r&eacute;v&eacute;lateurs*</p> <p>- Fais bien le m&eacute;nage*</p> <p>- Prenez bien soin de les fr&egrave;res et s&oelig;urs plus jeunes*</p> <p>- Aide mes parents &agrave; faire des travaux agricoles*</p> <p>- Fais bien la cuisine pour la famille*</p> <p>- C&egrave;de l&#39;opportunit&eacute; d&#39;&eacute;tudier aux jeunes fr&egrave;res et s&oelig;urs</p> <p>Injonctions que Suqing s&rsquo;adresse &agrave; elle-m&ecirc;me&nbsp;:</p> <p>- &Ecirc;tre heureuse toujours</p> <p>- Ne pense pas trop de choses</p> <p>- Sors pour danser tous les soir*</p> <p>- Il faut faire les voyages*</p> <p>- Il faut s&#39;abstenir de boire de l&#39;alcool</p> <p>- Ne t&#39;inqui&egrave;te pas pour mes enfants*</p> <div>&nbsp; <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a> Nous opposons confrontation au &laquo; r&eacute;el &raquo; de la langue et oubli de la langue. Le r&eacute;el serait selon la perspective saussurienne le syst&egrave;me dont la valeur du signe est fonction d&rsquo;un rapport d&rsquo;opposition, l&rsquo;arbitrarit&eacute; du lien entre signifiant et signifi&eacute; tandis que l&rsquo;oubli de la langue reposerait sur l&rsquo;illusion r&eacute;f&eacute;rentielle, l&rsquo;ad&eacute;quation du mot &agrave; la chose. D&egrave;s qu&rsquo;on est confront&eacute; &agrave; une langue &eacute;trang&egrave;re, on ne peut qu&rsquo;entendre le signifiant, la mat&eacute;rialit&eacute; sonore de la langue tandis que dans une langue connue, le signifiant s&rsquo;oublie. Tout se passe comme s&rsquo;il se fondait dans le signifi&eacute;.</p> </div> <div id="ftn2"> <p><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title="">[2]</a> Dans le cas du fran&ccedil;ais langue de scolarisation, la langue de l&rsquo;&eacute;cole n&rsquo;est pas par d&eacute;finition la langue de la famille. Dans les pays d&rsquo;Afrique francophone par exemple, les enfants sont scolaris&eacute;s en fran&ccedil;ais alors que dans les familles, ils pratiquent des langues africaines. Non seulement ils apprennent une langue &laquo; &eacute;trang&egrave;re/seconde &raquo; mais en m&ecirc;me temps ils apprennent &agrave; l&rsquo;analyser. De m&ecirc;me dans les classes UPE2A en France (classe d&rsquo;accueil pour les enfants nouvellement arriv&eacute;s, issus de l&rsquo;immigration et ne parlant pas ou peu fran&ccedil;ais), certains &eacute;l&egrave;ves ont peu ou pas &eacute;t&eacute; scolaris&eacute;s dans leur pays d&rsquo;origine : ils vont non seulement apprendre le fran&ccedil;ais mais aussi le processus m&ecirc;me de description grammaticale.</p> </div> <div id="ftn3"> <p><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title="">[3]</a> La distance m&eacute;talinguistique est aussi en jeu dans l&rsquo;entr&eacute;e dans l&rsquo;&eacute;crit. L&rsquo;&eacute;criture implique un d&eacute;doublement du scripteur&nbsp;: A un premier niveau, le sujet &eacute;crit en se focalisant sur le fond, sur ce qu&rsquo;il &laquo; veut&nbsp;&raquo; exprimer puis il doit contr&ocirc;ler ce qu&rsquo;il &eacute;crit en anticipant le point de vue de son lecteur. Cette v&eacute;rification de la lisibilit&eacute; de son texte &agrave; partir de l&rsquo;image mentale du lecteur implique une distance m&eacute;talinguistique&nbsp;qui lui permet entre autre d&rsquo;assurer la qualit&eacute; lexicale, syntaxique et orthographique de son texte, ainsi que sa coh&eacute;rence.</p> </div> <div id="ftn4"> <p><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title="">[4]</a> &laquo;&nbsp;Pour le sujet parlant, il y a entre la langue et la r&eacute;alit&eacute; ad&eacute;quation compl&egrave;te : le signe recouvre et commande la r&eacute;alit&eacute; ; mieux, il est cette r&eacute;alit&eacute; (nomen omen, tabous de la parole, pouvoir magique du verbe, etc.). A vrai dire le point de vue du sujet et celui du linguiste sont si diff&eacute;rents &agrave; cet &eacute;gard que l&rsquo;affirmation du linguiste quant &agrave; l&rsquo;arbitraire des d&eacute;signations ne r&eacute;fute pas le sentiment contraire du sujet parlant. &raquo; (Benveniste, [1966] 2010 : 52 (Tome 1)).</p> </div> <div id="ftn5"> <p><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title="">[5]</a> Notons bien que ce point de vue ext&eacute;rieur n&rsquo;est qu&rsquo;une vue de l&rsquo;esprit car notre rapport au r&eacute;el est toujours m&eacute;di&eacute; par les mots. On ne sort pas du langage pour parler sur langage.</p> </div> <div id="ftn6"> <p><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title="">[6]</a> Le jeu de la charade comme tout jeu de mot pr&eacute;pare l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve &agrave; entrer dans un rapport r&eacute;flexif au langage. En effet, pour associer mon premier &laquo;&nbsp;riz&nbsp;&raquo; et mon deuxi&egrave;me &laquo;&nbsp;dos&nbsp;&raquo; pour en faire mon tout &laquo;&nbsp;rideau&nbsp;&raquo;, il faut se d&eacute;tacher du signifi&eacute; pour se focaliser sur le signifiant. Si on associe du riz et un dos au plan des signifi&eacute;s, on n&rsquo;obtiendra jamais un rideau. L&rsquo;association ne fonctionne qu&rsquo;au plan des signifiants.</p> </div> <div id="ftn7"> <p><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title="">[7]</a> Cf. (Krashen, 1981)</p> </div> <div id="ftn8"> <p><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title="">[8]</a> Des &eacute;tudes ont &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;es sur les activit&eacute;s m&eacute;talinguistiques des enfants ou adultes non scolaris&eacute;s&nbsp;(Bredart &amp; Rondal, 1982)&nbsp;</p> </div> </div>