<p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Par Andr&eacute; Tosel,&nbsp;</em></span></span><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Professeur &eacute;merite de philosophie.</em></span></span></p> <h1>Althusser et la critique de l&rsquo;historicisme&nbsp;: la philosophie de la praxis comme continuum &eacute;quivoque de d&eacute;termination</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Louis Althusser, voici cinquante ans, en 1965, a manifest&eacute; dans un texte fameux de <em>Lire le Capital II</em>, au point V intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Le marxisme n&rsquo;est pas un historicisme&nbsp;&raquo;, sa difficult&eacute; &agrave; saisir la complexit&eacute; de la pens&eacute;e de Gramsci&nbsp;et &agrave; accepter la compr&eacute;hension gramscienne de la philosophie de Marx comme &laquo;&nbsp;historicisme absolu&nbsp;&raquo;. Nous pouvons partir de ce jugement qui pose le probl&egrave;me de la coh&eacute;rence et la port&eacute;e r&eacute;elle de la philosophie de la praxis en la diversit&eacute; de ses expressions qui en fait une constellation apparemment fuyante et glissante.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Althusser a certes, et c&rsquo;est rare chez lui, pris des pr&eacute;cautions en reconnaissant au pr&eacute;alable &laquo;&nbsp;une &oelig;uvre g&eacute;niale profond&eacute;ment nuanc&eacute;e et subtile&nbsp;&raquo;, riche en &laquo;&nbsp;d&eacute;couvertes f&eacute;condes dans le domaine du mat&eacute;rialisme historique&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a>. Il&nbsp;a voulu de m&ecirc;me circonstancier la critique qu&rsquo;il lui adressait en la limitant &agrave; la seule sph&egrave;re de la philosophie &eacute;nonc&eacute;e alors encore en termes de mat&eacute;rialisme dialectique. Toutefois ces pr&eacute;cautions donnent encore plus de force &agrave; la critique. Celle-ci, en effet prend soin au pr&eacute;alable de souligner la fonction positive, qui est critique et pol&eacute;mique, de l&rsquo;historicisme absolu tel qu&rsquo;elle s&rsquo;exprime dans la revendication d&rsquo;immanence. L&rsquo;historicisme absolu qui est humanisme absolu a deux fonctions positives&nbsp;pour Althusser&nbsp;: </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">1) refuser toute interpr&eacute;tation m&eacute;taphysique de la philosophe marxiste et 2) indiquer comme concepts &ldquo;pratiques&rdquo; le lieu et la direction o&ugrave; la conception marxiste doit s&rsquo;&eacute;tablir pour rompre tous liens avec les m&eacute;taphysiques ant&eacute;rieures&nbsp;: le lieu de &ldquo;l&rsquo;immanence&rdquo;, de &ldquo;l&rsquo;ici-bas&rdquo; que Marx opposait d&eacute;j&agrave; comme le &ldquo;diesseits&rdquo; (notre ici-bas &agrave; la transcendance &ldquo;jentseits&rdquo;) des philosophies classiques<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a>. </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mais si Gramsci valorise ainsi les <em>Th&egrave;ses sur Feuerbach</em> (en ce cas la th&egrave;se n&deg;2) comme texte de r&eacute;f&eacute;rence, il ne peut pas d&eacute;passer ce stade indicatif, et, comme il ne prend pas en compte le type de scientificit&eacute; du <em>Capital</em>, il nous laisse dans l&rsquo;ind&eacute;termination philosophique et se borne &agrave; r&eacute;duire la philosophie &agrave; &ecirc;tre l&rsquo;expression simple de l&rsquo;histoire et l&rsquo;histoire &agrave; &ecirc;tre le corps de la philosophie la plus expressive de son temps et de ses probl&egrave;mes.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cette lecture qui ira toujours plus renfor&ccedil;ant et compliquant la critique anti-historiciste, part d&rsquo;un texte de Gramsci, des <em>Appunti di filosofia, premi&egrave;re s&eacute;rie</em>, <em>Cahier </em>4, 11, 432-3, repris et d&eacute;velopp&eacute; dans un cahier sp&eacute;cifiquement philosophique, le <em>Cahier </em>11, 27, 1436-7. Le texte commence par indiquer la nouveaut&eacute; radicale de la philosophie de la praxis propre &agrave; Marx : </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Sur le plan th&eacute;orique la philosophie de la praxis ne se confond avec aucune autre philosophie ni ne se r&eacute;duit &agrave; elle&nbsp;: elle est non seulement originale en tant qu&rsquo;elle d&eacute;passe les philosophies pr&eacute;c&eacute;dentes, mais elle l&rsquo;est en tant qu&rsquo;elle ouvre une route compl&egrave;tement nouvelle, c&rsquo;est-&agrave;-dire renouvelle de fond en comble le mode de concevoir la philosophie elle-m&ecirc;me. </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Elle incorpore et transvalue surtout l&rsquo;h&eacute;g&eacute;lianisme qui est l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment du mode de philosopher le plus important dans la formation de Marx. Althusser cite alors le texte :</span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;h&eacute;g&eacute;lianisme a tent&eacute; de d&eacute;passer les conceptions traditionnelles de l&rsquo;id&eacute;alisme et du mat&eacute;rialisme en une nouvelle synth&egrave;se qui eut sans nul doute une importance exceptionnelle et qui repr&eacute;sente un moment historico-mondial de la recherche philosophique. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;il arrive lorsqu&rsquo;on dit dans l&rsquo;<em>Essai</em> [Althusser ajoute Croce entre parenth&egrave;ses alors qu&rsquo;il s&rsquo;agit du <em>Manuel de sociologie</em> de Boukharine, un des principaux th&eacute;oriciens sovi&eacute;tiques du mat&eacute;rialisme historique avant le gel stalinien et objet de la critique contenue dans le <em>Cahier </em>11] le terme &ldquo;immanence&rdquo; dans la philosophie de la praxis est employ&eacute; dans un sens m&eacute;taphorique, on ne dit rien du tout&nbsp;; en r&eacute;alit&eacute; le terme d&rsquo;immanence a acquis une signification particuli&egrave;re qui n&rsquo;est pas celle des &ldquo;panth&eacute;istes&rdquo;, et qui n&rsquo;a rien de la signification m&eacute;taphysique traditionnelle, mais qui est nouvelle et doit &ecirc;tre fix&eacute;e. On a oubli&eacute; dans l&rsquo;expression tr&egrave;s courante (de mat&eacute;rialisme historique) qu&rsquo;il fallait mettre l&rsquo;accent sur le second terme &ldquo;historique&rdquo;, et non sur le premier qui est d&rsquo;origine m&eacute;taphysique. La philosophie de la praxis est &ldquo;l&rsquo;historicisme&rdquo;&nbsp;absolu, la mondanisation et la &ldquo;terrestr&eacute;it&eacute;&rdquo; absolues de la pens&eacute;e, un humanisme absolu de l&rsquo;histoire. C&rsquo;est dans cette direction qu&rsquo;il faut creuser le filon de la nouvelle conception du monde<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a>. </span></span></q></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Althusser comprend parfaitement qu&rsquo;identifi&eacute;e &agrave; une conception du monde la philosophie de la praxis soit cette conception du monde la&iuml;que, la seule capable de succ&eacute;der &agrave; la religion pour exercer un r&ocirc;le pratique dans l&rsquo;histoire r&eacute;elle, en p&eacute;n&eacute;trant la vie pratique des hommes, en fournissant une vue g&eacute;n&eacute;rale du cours du monde, unifiant tout &agrave; la fois la pens&eacute;e et le comportement politique des &laquo;&nbsp;intellectuels&nbsp;&raquo; et des &laquo;&nbsp;simples&nbsp;&raquo; dans la construction d&rsquo;une h&eacute;g&eacute;monie dont les masses subalternes sont les acteurs. Althusser accepte de m&ecirc;me que les conceptions du monde soient d&eacute;finies comme des id&eacute;ologies, des formations th&eacute;oriques dot&eacute;es d&rsquo;efficace politique qui p&eacute;n&egrave;trent dans toutes les couches de la soci&eacute;t&eacute; et aident &agrave; transformer la conduite de la vie quotidienne. Il va m&ecirc;me jusqu&rsquo;au bout des &eacute;quations gramsciennes et il d&eacute;cline la conception du monde nouvelle comme id&eacute;ologie organique &agrave; vocation h&eacute;g&eacute;monique &eacute;labor&eacute;e par le parti communiste, prince machiav&eacute;lien moderne Althusser reconna&icirc;t le continuum qui unit philosophie de la praxis, conception du monde nouvelle, religion unissant enfin vraiment les simples et les intellectuels, id&eacute;ologie organique sup&eacute;rieure aux id&eacute;ologies (au sens de l&eacute;gitimation mystificatrice) des rapports de pouvoir et de formations de l&rsquo;imaginaire. L&rsquo;historicisme est justifi&eacute; en ce qu&rsquo;il est vrai que l&rsquo;on ne peut s&eacute;parer d&eacute;sormais la philosophie de l&rsquo;histoire et donc de la politique, qu&rsquo;inversement toute politique effective est &agrave; la fois histoire et philosophie. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;historicisme comme indication pratique permettant la formulation de la r&eacute;volution philosophique de Marx n&rsquo;est pas une erreur. Althusser en arrive alors au point extr&ecirc;me de ce qu&rsquo;il consid&egrave;re comme positif chez Gramsci. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;historicisme du marxisme n&rsquo;est que la conscience de cette t&acirc;che et de cette n&eacute;cessit&eacute;&nbsp;: le marxisme ne peut pr&eacute;tendre &agrave; &ecirc;tre la th&eacute;orie de l&rsquo;histoire que s&rsquo;il pense dans sa th&eacute;orie m&ecirc;me les conditions de cette p&eacute;n&eacute;tration dans l&rsquo;histoire, dans toutes les couches de la soci&eacute;t&eacute; et jusque dans la conduite quotidienne des hommes. [&hellip;] Gramsci ne fait qu&rsquo;exprimer cette n&eacute;cessit&eacute;, non seulement pratiquement, mais consciemment, th&eacute;oriquement inh&eacute;rente au marxisme. L&rsquo;historicisme du marxisme n&rsquo;est alors que l&rsquo;un des aspects et des effets de sa propre th&eacute;orie bien con&ccedil;ue, il n&rsquo;est que sa propre th&eacute;orie cons&eacute;quente avec soi&nbsp;: une th&eacute;orie de l&rsquo;histoire r&eacute;elle doit passer aussi comme l&rsquo;ont fait jadis d&rsquo;autres &ldquo;conceptions du monde&rdquo;, dans l&rsquo;histoire r&eacute;elle. Ce qui est vrai des grandes religions doit l&rsquo;&ecirc;tre &agrave; plus forte raison du marxisme lui-m&ecirc;me, non seulement en d&eacute;pit, mais &agrave; cause m&ecirc;me de la diff&eacute;rence qui existe entre lui et ces id&eacute;ologies, en raison de sa nouveaut&eacute; philosophique puisque sa nouveaut&eacute; consiste &agrave; inclure le sens pratique de sa th&eacute;orie m&ecirc;me<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a>.</span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mais l&agrave; s&rsquo;arr&ecirc;tent ses m&eacute;rites. Toute cette probl&eacute;matique entre dans la science de l&rsquo;histoire et ne concerne pas la philosophie en tant que r&eacute;flexion immanente de la structure de cette science, en tant qu&rsquo;intelligence par cette science de la production de ses effets de v&eacute;rit&eacute; qui ne sont pas des effets id&eacute;ologiques comme les autres. Ce n&rsquo;est pas la seule immanence qui distingue les conceptions du monde ou id&eacute;ologies. &laquo;&nbsp;C&rsquo;est la forme distinctive de cette immanence absolue&nbsp;: <em>la forme de la scientificit&eacute;</em>&nbsp;&raquo; qui fait &laquo;&nbsp;coupure&nbsp;&raquo; entre les &eacute;l&eacute;ments du continuum, &laquo;&nbsp;entre les anciennes religions ou ihd&eacute;ologies m&ecirc;me organiques et le marxisme <em>qui, lui, est une science</em>, et qui doit devenir l&rsquo;id&eacute;ologie &laquo;&nbsp;organique&nbsp;&raquo; de l&rsquo;histoire humaine, en produisant dans les masses &laquo;&nbsp;une <em>nouvelle</em> forme d&rsquo;id&eacute;ologie (une id&eacute;ologie qui repose cette fois sur une science &ndash; <em>ce qui ne s&rsquo;&eacute;tait jamais vu</em> &ndash;. Cette distinction qui insiste sur la forme de la scientificit&eacute; est une coupure que Gramsci ne r&eacute;fl&eacute;chit pas. Cette carence de r&eacute;flexion conduit Gramsci &agrave; &laquo;&nbsp;r&eacute;unir sous un m&ecirc;me terme &ndash; philosophie de la praxis &ndash; la th&eacute;orie scientifique de l&rsquo;histoire (mat&eacute;rialisme historique) et la philosophie marxiste (mat&eacute;rialisme dialectique) et &agrave; penser cette unit&eacute; comme une &ldquo;conception du monde&rdquo; ou comme une &ldquo;id&eacute;ologie&rdquo; somme toute comparable aux anciennes religions&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a>. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il ensuit que Gramsci est conduit &agrave; &laquo;&nbsp;penser le rapport de la science marxiste &agrave; l&rsquo;histoire r&eacute;elle sur le mod&egrave;le d&rsquo;une id&eacute;ologie organique (historiquement dominante) et agissante &agrave; l&rsquo;histoire r&eacute;elle et en d&eacute;finitive &agrave; penser ce rapport &agrave; l&rsquo;histoire r&eacute;elle sur le mod&egrave;le du rapport d&rsquo;expression directe qui rend assez bien compte d&rsquo;une id&eacute;ologie organique &agrave; son temps&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a>. On ne sort donc jamais de l&rsquo;id&eacute;ologie puisque en d&eacute;finitive les conceptions du monde, les religions et la philosophie de la praxis s&rsquo;inscrivent dans la sph&egrave;re g&eacute;n&eacute;rique de l&rsquo;id&eacute;ologie et que &laquo;&nbsp;la science est elle-m&ecirc;me superstructure&nbsp;&raquo;, une &laquo;&nbsp;cat&eacute;gorie historique&nbsp;&raquo; r&eacute;ductible aux rapports humains qui la soutiennent en tant que pratique, alors que cette pratique th&eacute;orique est production de connaissances vraies dans son ordre qui est celui de la pens&eacute;e et qui vaut comme tel.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Althusser vise juste dans la mesure o&ugrave; il fait appara&icirc;tre la complexit&eacute; et la singularit&eacute; du r&eacute;seau cat&eacute;goriel qui d&eacute;finit la philosophie de la praxis et il pose la question de la v&eacute;rit&eacute; dont rel&egrave;verait une th&eacute;orie de l&rsquo;histoire qui s&rsquo;&eacute;tablit dans une continuit&eacute; entre philosophie, conception du monde, religion et id&eacute;ologie. Les termes de ce continuum id&eacute;ologique sont reli&eacute;s par leur fonction pratique d&rsquo;unification de forces sociales distinctes ou oppos&eacute;es, en lutte pour une h&eacute;g&eacute;monie qui est elle-m&ecirc;me divis&eacute;e. Elle est divis&eacute;e selon qu&rsquo;il s&rsquo;agit de promouvoir la capacit&eacute; d&rsquo;agir et de penser des masses subalternes modernes dans la transformation des rapports de domination, d&rsquo;exploitation, et d&rsquo;assujettissement, ou selon qu&rsquo;il s&rsquo;agit pour les forces dominantes et dirigeantes de maintenir et surtout de renforcer leur h&eacute;g&eacute;monie, en faisant accepter domination, exploitation et assujettissement comme autant de rapports sociaux faisant sens et constituant un monde ind&eacute;passable. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Voil&agrave; pourquoi Althusser s&rsquo;interroge sur la place occup&eacute;e par les religions dans ce continuum et sur la fonction de v&eacute;rit&eacute; de la philosophie de la praxis. Il s&rsquo;inqui&egrave;te de l&rsquo;&eacute;quivalence relative &eacute;tablie entre la philosophie de la praxis et la conception du mode qui la d&eacute;finit et de la religion, Gramsci emprunte cette &eacute;quivalence &agrave; Croce. Comment alors distinguer de la religion &ndash; catholique surtout &ndash; une conception du monde la&iuml;que fond&eacute;e sur l&rsquo;immanence, sur le d&eacute;veloppement de la pens&eacute;e scientifique et philosophique libre, sur le refus de tout surnaturalisme m&eacute;taphysique, sur la r&eacute;cusation de tout recours &agrave; une transcendance rendant impossible de d&eacute;velopper la pens&eacute;e sous &laquo;&nbsp;la forme de la scientificit&eacute;&nbsp;&raquo;&nbsp;? Insistons avec Althusser en reprenant en son entier un texte cit&eacute; &laquo;&nbsp;Gramsci est constamment hant&eacute; par la th&eacute;orie crocienne de la religion&nbsp;&raquo;<em>. </em></span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">S&rsquo;il en accepte les termes, et s&rsquo;il l&rsquo;&eacute;tend des religions effectives &agrave; la nouvelle conception du monde qu&rsquo;est le marxisme&nbsp;; s&rsquo;il ne fait sous ce rapport aucune diff&eacute;rence entre ces religions et le marxisme&nbsp;; s&rsquo;il les range, religions et marxisme, sous le m&ecirc;me concept de &ldquo;conceptions du monde&rdquo; ou &ldquo;id&eacute;ologies&rdquo;&nbsp;; s&rsquo;il identifie aussi ais&eacute;ment religion, id&eacute;ologie, philosophie et th&eacute;orie marxiste sans relever que ce qui distingue le marxisme de ces &ldquo;conceptions du monde&rdquo; id&eacute;ologiques, c&rsquo;est moins cette diff&eacute;rence formelle (importante) de mettre fin &agrave; tout&nbsp;&rdquo;au-del&agrave;&rdquo; supraterrestre que la forme distinctive de cette immanence absolue (sa &ldquo;terrestr&eacute;it&eacute;&rdquo;)&nbsp;: la forme de la scientificit&eacute;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a>.</span></span></q></p> <h1>&Eacute;l&eacute;ments pour une analyse du continuum id&eacute;ologique&nbsp;: une premi&egrave;re approche scalaire</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il nous semble utile de tenter une topologie de ce continuum dans les <em>Cahiers de prison</em> en le consid&eacute;rant &agrave; partir de ses points extr&ecirc;mes. Pr&eacute;sentons un premier sch&eacute;ma. La proposition de philosophie de la praxis occupe le point haut de ce continuum et son point bas est occup&eacute; par la notion d&rsquo;id&eacute;ologie au sens n&eacute;gatif. Chacun de ces extr&ecirc;mes se dilate &agrave; son tour et se d&eacute;place en se traduisant dans des &eacute;quivalents qui apportent chacun des aspects diff&eacute;rents sur la base d&rsquo;une critique.</span></span></p> <h2>Le niveau sup&eacute;rieur ou terminal du continuum&nbsp;: la philosophie et la philosophie de la praxis</h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La philosophie repr&eacute;sente un degr&eacute; sup&eacute;rieur de l&rsquo;activit&eacute; de penser, comme les sciences. Elle se distingue de la religion et du sens commun lesquels co&iuml;ncident souvent et sont affect&eacute;s de la mention d&rsquo;id&eacute;ologie. Si la philosophie n&rsquo;existe pas en g&eacute;n&eacute;ral, mais toujours dans la pluralit&eacute; des philosophies d&eacute;termin&eacute;es, de m&ecirc;me que la religion existe toujours sous des formes historiques, il n&rsquo;en demeure pas moins que &laquo;&nbsp;la religion et le sens commun ne peuvent pas constituer un ordre intellectuel, parce qu&rsquo;ils ne peuvent pas se r&eacute;duire &agrave; l&rsquo;unit&eacute; et &agrave; la coh&eacute;rence dans la conscience individuelle, pour ne rien dire de la conscience collective&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11, 1, 1378</em>). La philosophie comme telle exige une libert&eacute; de penser que la religion et le sens commun n&rsquo;impliquent pas en ce que tous deux pr&eacute;supposent le renvoi &agrave; une instance qui fait autorit&eacute;. La pluralit&eacute; des philosophies met celles-ci en concurrence et implique que chacun op&egrave;re un choix qui rel&egrave;ve &agrave; la fois de raisons intellectuelles et de motivations pratiques. D&eacute;finie comme affirmation d&rsquo;une conception du monde et comme conduite selon cette conception, toute philosophie est un acte d&rsquo;op&eacute;ration politique&nbsp;(<em>operare politico</em>, <em>Q. 11, 1, 1379</em>)<em>.</em> Consid&eacute;r&eacute;e comme ordre intellectuel, la philosophie de la praxis se distingue des modes de philosopher dominants jug&eacute;s m&eacute;taphysiques qu&rsquo;elle critique. Les raisons intellectuelles de cette critique sont ins&eacute;parables de la critique de la politique men&eacute;e en fait par ces philosophies. Elles soutiennent la possibilit&eacute; d&rsquo;un ordre historique &ndash; politique et social &ndash; nouveau et elles font opter pour le choix politique de la lutte pour cet ordre.&nbsp;</span></span><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour Gramsci, la philosophie de la praxis comme construction d&rsquo;un ordre intellectuel et politique sup&eacute;rieur lutte sur deux fronts. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il s&rsquo;agit d&rsquo;abord du front constitu&eacute; par la philosophie id&eacute;aliste sp&eacute;culative allemande (Hegel) ou italienne en laquelle Gramsci s&rsquo;est form&eacute;. Cet id&eacute;alisme italien a voulu se faire r&eacute;forme de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;lianisme dont il accepte l&rsquo;immanence li&eacute;e &agrave; un concept historicis&eacute; de l&rsquo;esprit. Gramsci est d&rsquo;abord proche de Gentile. S&rsquo;il accepte, en effet, la proposition venue d&rsquo;Antonio Labriola d&rsquo;identifier la philosophie de Marx comme philosophie de la praxis, Gentile en r&eacute;cuse le mat&eacute;rialisme &eacute;conomique et lui substitue la conception de l&rsquo;acte pur du penser comme r&eacute;f&eacute;rence terrestre absolue. Toutefois Gramsci se rapproche plus tard de Croce qui nourrit sa pens&eacute;e de contenus plus riches, tout en r&eacute;duisant la pens&eacute;e de Marx &agrave; une simple m&eacute;thodologie de l&rsquo;histoire. Celle-ci permet cependant de d&eacute;passer le d&eacute;terminisme &eacute;conomiste qui contamine le marxisme de la Seconde Internationale et surtout de la Troisi&egrave;me, en emp&ecirc;chant de r&eacute;soudre le probl&egrave;me d&eacute;cisif de l&rsquo;histoire en son moment politique actuel. Ce probl&egrave;me est pos&eacute; par la question&nbsp;suivante : comment la structure (en son automatisme tendanciel qui est un produit historique, non un destin) engendre-t-elle le mouvement historique en produisant un bloc historique avec les superstructures et en cr&eacute;ant les conditions des luttes h&eacute;g&eacute;moniques ? Comment rendre compte de ce mouvement qui engendre une situation de r&eacute;volution passive (fascisme et lib&eacute;ralisme am&eacute;ricain) et comment le d&eacute;passer dans le sens d&rsquo;une h&eacute;g&eacute;monie des subalternes&nbsp;? Cette situation implique une r&eacute;&eacute;laboration de la th&eacute;orie marxiste en tous ses moments &ndash; th&eacute;orie de la causalit&eacute; historique, rapports entre n&eacute;cessit&eacute; et libert&eacute;, question de la pr&eacute;vision dans et de l&rsquo;action se faisant, statut des soi-disant lois historiques qui ne sont que des r&eacute;gularit&eacute;s tendancielles, articulation entre conditions objectives durables et conjonctures singuli&egrave;res o&ugrave; joue l&rsquo;action humaine, formation des volont&eacute;s collectives antagoniques ou simplement relativement oppos&eacute;es &agrave; partir des conditions, relations de ces volont&eacute;s en fonction des capacit&eacute;s acquises des unes &agrave; absorber les autres dans des formation sociales plus ou moins universelles et dans leurs structures (&Eacute;tat &eacute;largi &agrave; la soci&eacute;t&eacute; civile). Au terme relatif de cette d&eacute;construction et reconstruction se repose la question de la dialectique et des contradictions manqu&eacute;e par l&rsquo;id&eacute;alisme italien. Celui-ci sur le plan politique d&eacute;fend l&rsquo;ordre social dominant sous ses deux formes concurrentes, que ce soit comme c&eacute;sarisme fasciste ou comme lib&eacute;ralisme constitutionnel.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il s&rsquo;agit en second lieu, mais simultan&eacute;ment, du front que d&eacute;finit le positivisme &eacute;volutionniste. Ce dernier r&eacute;duit le mat&eacute;rialisme historique &agrave; une sociologie &eacute;conomiciste et scientiste qui se veut model&eacute;e sur les sciences naturelles et leur mat&eacute;rialisme naturaliste. Il op&egrave;re la f&eacute;tichisation des lois, du d&eacute;terminisme, du &laquo;&nbsp;facteur technique&nbsp;&raquo;. Il d&eacute;fend le culte d&rsquo;une &eacute;volution progressiste, mais celui-ci peut soit passer par la m&eacute;diation des luttes de classes (version socialiste r&eacute;formiste) soit par une conception du conflit r&eacute;duit la lutte plus ou moins biologis&eacute;e des plus forts pour leur survie (version lib&eacute;rale). Ce positivisme a contamin&eacute; le marxisme et paralys&eacute; ses capacit&eacute;s d&rsquo;analyse socio-historique en s&rsquo;assurant de la garantie d&rsquo;une finalit&eacute; objective inscrite dans le progr&egrave;s historique. Incapable de penser l&rsquo;action politique de mani&egrave;re strat&eacute;gique, f&eacute;tichisant l&rsquo;&Eacute;tat, il a alli&eacute; un r&eacute;alisme r&eacute;formiste de courte vue &agrave; ce suppl&eacute;ment qu&rsquo;est une th&eacute;orie normative des valeurs de type n&eacute;okantien, pour m&eacute;nager une libert&eacute; sans efficace et buter sur les rapports entre n&eacute;cessit&eacute; et libert&eacute;. L&rsquo;id&eacute;alisme est sup&eacute;rieur th&eacute;oriquement &agrave; ce positivisme, &agrave; la condition que soit reformul&eacute;e la th&eacute;orie du mat&eacute;rialisme historique.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La t&acirc;che est donc celle d&rsquo;une r&eacute;forme intellectuelle et morale de la philosophie, elle vise &agrave; retrouver dans une conjoncture nouvelle le niveau de la th&eacute;orie atteint par Marx dans la haute culture. Ce niveau, en effet, a &eacute;t&eacute; &agrave; la fois perdu &agrave; la base dans le proc&egrave;s de diffusion et de vulgarisation d&rsquo;un marxisme positiviste aupr&egrave;s des masses et en m&ecirc;me temps dissous en son sommet par l&rsquo;offensive de la philosophie n&eacute;o-h&eacute;g&eacute;lienne italienne&nbsp;et la g&eacute;n&eacute;ralisation continentale du positivisme aupr&egrave;s des scientifiques. La philosophie de la praxis doit produire son autonomie et sa sp&eacute;cificit&eacute; unique dans la haute culture, montrer sa sup&eacute;riorit&eacute; au sein de la philosophie des sp&eacute;cialistes et faire la preuve de sa dimension &eacute;pocale unique. C&rsquo;est l&agrave; une ambition &laquo;&nbsp;historiale&nbsp;&raquo;, colossale, dont t&eacute;moigne le d&eacute;but du texte cit&eacute; par Althusser. En <em>Q. 11, 27, 1434-5</em>, Gramsci &eacute;nonce &laquo;&nbsp;le concept fondamental&nbsp;&raquo; de sa reconstruction : &laquo;&nbsp;La philosophie de la praxis &ldquo;se suffit &agrave; soi&rdquo;, elle contient tous les &eacute;l&eacute;ments pour construire une totale et int&eacute;grale conception du monde, une philosophie totale et une th&eacute;orie des sciences naturelles, mais plus encore, pour aussi vivifier une organisation int&eacute;grale pratique de la soci&eacute;t&eacute;, c&rsquo;est-&agrave;-dire pour devenir une civilisation totale, int&eacute;grale&nbsp;&raquo;. Elle est &laquo;&nbsp;r&eacute;volutionnaire&nbsp;&raquo; au sens &eacute;minent en ce qu&rsquo;elle op&egrave;re une &laquo;&nbsp;scission compl&egrave;te&nbsp;&raquo; avec les philosophies traditionnelles, m&eacute;taphysiques &agrave; divers titres ou incompl&egrave;tement immanentes et terrestres :&nbsp;&laquo;&nbsp;Une th&eacute;orie est effectivement &ldquo;r&eacute;volutionnaire&rdquo; dans la mesure o&ugrave; elle est &eacute;l&eacute;ment de s&eacute;paration et de distinction consciente en deux camps, en tant qu&rsquo;elle est un sommet inaccessible au camp adverse&nbsp;&raquo;. Gramsci insiste sur cette autonomie et cette ind&eacute;pendance qui met la philosophie de la praxis &laquo;&nbsp;en antagonisme avec toutes les philosophies et religions traditionnelles&nbsp;&raquo;. M&ecirc;me si en tant que conception du monde elle est d&rsquo;une certaine mani&egrave;re id&eacute;ologie, elle est paradoxalement une id&eacute;ologie &laquo;&nbsp;v&eacute;ritative&nbsp;&raquo; en quelque sorte&nbsp;: &laquo;&nbsp;elle est si robuste et f&eacute;conde en nouvelles v&eacute;rit&eacute;s que le vieux monde y recourt pour fournir son arsenal en armes plus modernes et plus efficaces&nbsp;&raquo;. Le pouvoir cosmog&eacute;n&eacute;tique &ndash; pouvoir de produire un nouveau monde comme un bloc historique &eacute;conomique, politique, culturel &ndash; est corr&eacute;latif de la puissance de production d&rsquo;un savoir vrai du monde, dans le monde.&nbsp;&laquo;&nbsp;La philosophie est la critique et le d&eacute;passement de la religion et du sens commun et en ce sens elle co&iuml;ncide avec le &laquo;&nbsp;bon sens&nbsp;&raquo; qui s&rsquo;oppose au sens commun&nbsp;&raquo;<em> </em>(<em>Q. 11, 1, 1378</em>). Le continuum implique des oppositions et la principale concerne le sens commun que l&rsquo;on pourrait nommer&nbsp;&laquo;&nbsp;id&eacute;ologie&nbsp;&raquo;. </span></span></p> <h2>Le niveau inf&eacute;rieur ou initial du continuum&nbsp;: les deux sens de l&rsquo;id&eacute;ologique et des id&eacute;ologies</h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Gramsci ne traite pas explicitement du concept marxien d&rsquo;id&eacute;ologie. Il en re&ccedil;oit cependant l&rsquo;usage fait dans les d&eacute;bats du temps. Il souligne les deux sens ou les deux faces que le terme a chez Marx, le sens n&eacute;gatif et le sens positif, pour donner le primat au second. Le sens n&eacute;gatif est le &laquo;&nbsp;sens p&eacute;joratif&nbsp;&raquo; (<em>l&rsquo;ideologia al senso deteriore</em>)&nbsp;: il connote une conscience distordue du r&eacute;el historique, voire invers&eacute;e, qui se prend pour v&eacute;rit&eacute; &eacute;ternelle et ne sait ni se relativiser ni s&rsquo;historiciser. Gramsci pr&eacute;f&egrave;re reprendre et &eacute;largir la caract&eacute;ristique positive que Marx indique dans la <em>Pr&eacute;face</em> de 1859 &agrave; la <em>Contribution &agrave; la critique de l&rsquo;&eacute;conomie politique</em>&nbsp;: les id&eacute;ologies rel&egrave;vent de la partie la plus m&eacute;diate de la superstructure&nbsp;: ce sont les formes &ndash; juridiques, politiques, artistiques, philosophiques de conscience &ndash; qui permettent aux hommes de concevoir les conflits en lesquels ils sont pris et de les combattre. Gramsci &eacute;largit ce concept positif si bien que ce point bas du continuum re&ccedil;oit sa n&eacute;cessit&eacute; pratique et sa dignit&eacute; th&eacute;orique de forme. En ce sens, il ne faut pas interpr&eacute;ter le continuum de mani&egrave;re verticale comme une ascension qualitative&nbsp;du bas inf&eacute;rieur vers le haut sup&eacute;rieur, mais de mani&egrave;re horizontale comme un spectre o&ugrave; se constituent des formes &agrave; la fois plus complexes et plus capables en quelque sorte de mani&egrave;re quantitative d&rsquo;int&eacute;grer de plus en plus d&rsquo;aspects du r&eacute;el historique, tout en demeurant ouvertes aux contradictions qui les traversent et les poussent &agrave; se transformer ind&eacute;finiment en raison de leur fonction antagonique. Il existe bien une sup&eacute;riorit&eacute; relative ou plut&ocirc;t relationnelle d&rsquo;une forme sur une autre et elle est d&rsquo;ordre quantitatif, non qualitatif&nbsp;: il s&rsquo;agit de la capacit&eacute; de mieux penser le tout social en approfondissant la connaissance de ses structures tout en identifiant les positions contradictoires assign&eacute;es aux forces sociales en lice.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les id&eacute;ologies ont une efficace en ce que c&rsquo;est sur leur terrain que les sujets forment leur volont&eacute; individuelle et collective et identifient leurs objectifs. La critique de l&rsquo;&eacute;conomisme et du d&eacute;terminisme dans la conception vulgaire de la relation entre structure et superstructures interdit de faire de ces derni&egrave;res de simples apparences ou illusions comme Croce le reproche ind&ucirc;ment &agrave; Marx en le rejetant dans le marxisme vulgaire du positivisme. Croce a us&eacute; du sens p&eacute;joratif de l&rsquo;id&eacute;ologie pour mieux rejeter la conception positive, ad&eacute;quate, du rapport entre structure et ce que Gramsci nomme tr&egrave;s vite des &laquo;&nbsp;id&eacute;ologies organiques&nbsp;&raquo; qui ont une teneur de r&eacute;alit&eacute; et de v&eacute;rit&eacute; comme &eacute;l&eacute;ments du bloc historique&nbsp;: &laquo;&nbsp;les forces mat&eacute;rielles sont le contenu, les id&eacute;ologies la forme&nbsp;&raquo;.&nbsp;Certes, cette distinction est p&eacute;dagogique et elle ne doit pas &ecirc;tre recouverte par la distinction dualiste m&eacute;taphysique entre le r&eacute;el et l&rsquo;appara&icirc;tre, ni &ecirc;tre interpr&eacute;t&eacute;e dans le sens d&rsquo;une opposition. C&rsquo;est ce que pr&eacute;cise un texte du m&ecirc;me <em>Cahier 7, 21, 869</em>, sous le titre &eacute;vocateur &laquo;&nbsp;validit&eacute; des id&eacute;ologies&nbsp;&raquo;&nbsp;: &laquo;&nbsp;Les forces mat&eacute;rielles ne seraient pas concevables historiquement sans forme et les id&eacute;ologies seraient des lubies individuelles sans les forces mat&eacute;rielles&nbsp;&raquo;. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ainsi, les id&eacute;ologies peuvent bien &laquo;&nbsp;&ecirc;tre des constructions, des instruments de direction politique&nbsp;&raquo; dans une approche que Gramsci dit dominer chez Marx et qu&rsquo;il nomme&nbsp;&laquo;&nbsp;critico-destructrice&nbsp;&raquo;. Mais il faut valoriser l&rsquo;approche positive et organique.<em>&nbsp;</em>Pour Marx, dit le texte <em>Q. 4, 15, 437</em> : </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les &ldquo;id&eacute;ologies&rdquo; sont toute autre chose qu&rsquo;illusion et apparence&nbsp;; elles sont une r&eacute;alit&eacute; objective et op&eacute;rante, mais elles ne sont pas le ressort de l&rsquo;histoire, voil&agrave; tout. Ce ne sont pas les id&eacute;ologies qui cr&eacute;ent la r&eacute;alit&eacute; sociale, mais c&rsquo;est la r&eacute;alit&eacute; sociale, dans sa structure productive, qui cr&eacute;e les id&eacute;ologies. Comment Marx pourrait-il avoir pens&eacute; que les superstructures sont apparence et illusion&nbsp;? Ses doctrines sont aussi une superstructure. Marx affirme explicitement que les hommes prennent conscience de leurs t&acirc;ches sur le terrain id&eacute;ologique, ce qui n&rsquo;est pas une mince affirmation de &ldquo;r&eacute;alit&eacute;&rdquo;&nbsp;: sa th&eacute;orie veut pr&eacute;cis&eacute;ment elle aussi &ldquo;faire prendre conscience&rdquo; &agrave; un groupe social d&eacute;termin&eacute; de ses propres t&acirc;ches, de sa propre force, de son propre devenir. Mais il d&eacute;truit les &ldquo;id&eacute;ologies&rdquo; des groupes sociaux adversaires qui pr&eacute;cis&eacute;ment sont des instruments pratiques de domination politique sur le reste de la soci&eacute;t&eacute;&nbsp;: il d&eacute;montre comment elles sont priv&eacute;es de sens, parce qu&rsquo;en contradiction avec la r&eacute;alit&eacute; effective.</span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Une surprise nous est ici r&eacute;serv&eacute;e&nbsp;: le continuum que nous avons pr&eacute;sent&eacute; comme orient&eacute; dans la direction unilin&eacute;aire d&rsquo;une complexit&eacute; et d&rsquo;une ad&eacute;quation quantitative croissantes n&rsquo;est pas r&eacute;ductible &agrave; cette figure. Il prend plut&ocirc;t la figure d&rsquo;un cercle o&ugrave; le d&eacute;but apparent&nbsp;dans les formes id&eacute;ologiques de bas niveau &eacute;pist&eacute;mologique se renverse en ce que les formes &eacute;labor&eacute;es de la philosophie et notamment de la philosophie de la praxis doivent se r&eacute;investir dans les premi&egrave;res formes, se faire id&eacute;ologie qui transforme l&rsquo;id&eacute;ologie, et ainsi ind&eacute;finiment, puisque la nouvelle id&eacute;ologie devient la forme de vie et de penser efficace qui se constitue en mat&eacute;riau de la nouvelle critique philosophique. Il faut appliquer le concept d&rsquo;id&eacute;ologie comme forme de conscience positive &agrave; la th&eacute;orie des id&eacute;ologies de Marx elle-m&ecirc;me. La philosophie de la praxis est une id&eacute;ologie comme les autres mais sup&eacute;rieure en ce qu&rsquo;elle peut et doit faire prendre conscience &agrave; une classe de sa fonction organique possible. Cette t&acirc;che exige que la philosophie de la praxis comme id&eacute;ologie organique &ndash; en cours de r&eacute;&eacute;laboration th&eacute;orique sup&eacute;rieure &ndash; se distingue des autres id&eacute;ologies adversaires, en faisant appara&icirc;tre leur caract&egrave;re devenu inorganique&nbsp;; elle doit montrer que ces id&eacute;ologies sont (re)tomb&eacute;es dans la cat&eacute;gorie d&rsquo;&nbsp;&laquo;&nbsp;instruments pratiques de domination politique&nbsp;&raquo; parce qu&rsquo;elles sont contradictoires en tentant de r&eacute;concilier vainement des int&eacute;r&ecirc;ts oppos&eacute;s.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La philosophie de la praxis se projette dans les formes id&eacute;ologiques pour les critiquer en se pr&eacute;sentant non pas comme r&eacute;solution pacifique et verbale des contradictions, mais comme terme de la contradiction, terme capable de r&eacute;solution effective. Le r&eacute;sultat de cette intervention est une modification des formes de conscience, mais ces formes peuvent &agrave; leur tour devenir &laquo;&nbsp;id&eacute;ologiques au sens p&eacute;joratif&nbsp;&raquo;, se faire instrument de domination productrice d&rsquo;illusions pour les gouvern&eacute;s et voulues comme illusions et tromperies pour les gouvernants. Elles sont alors l&rsquo;objet et le mat&eacute;riau d&rsquo;une nouvelle critique de la part de la philosophie de la praxis. Ici se pr&eacute;sente une alternative.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ou bien la philosophie de la praxis r&eacute;ussit &agrave; entreprendre cette critique et cela l&rsquo;oblige &agrave; un affinement de ses concepts et un approfondissement de sa probl&eacute;matique&nbsp;: assimil&eacute;s par la classe et les masses subalternes destinataires de cette intervention, ces concepts et cette probl&eacute;matique procurent une plus grande force intellectuelle et politique pour conduire la lutte pour l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie. Ils se font alors &laquo;&nbsp;conception du monde organique&nbsp;&raquo;, &eacute;l&eacute;ment du nouveau bloc historique en construction &agrave; venir.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ou bien la philosophie de la praxis n&rsquo;y parvient pas et elle se laisse transformer et d&eacute;former par la conception du monde dominante. Elle risque alors &agrave; son tour de devenir une id&eacute;ologie au sens p&eacute;joratif du terme. Cette situation d&rsquo;id&eacute;ologisation possible caract&eacute;rise la conjoncture pr&eacute;sente o&ugrave; Gramsci tente de donner &agrave; la philosophie de la praxis sa fonction unique, celle d&rsquo;une conception du monde qui repr&eacute;sente dans la th&eacute;orie et la politique la lutte h&eacute;g&eacute;monique de la nouvelle force sociale contre, d&rsquo;une part, l&rsquo;&eacute;conomisme et le positivisme univoquement mat&eacute;rialiste et, d&rsquo;autre part, contre le volontarisme et le spontan&eacute;isme unilat&eacute;ralement id&eacute;alistes. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&agrave; s&rsquo;op&egrave;re la transformation du continuum id&eacute;ologique en cercle ou plut&ocirc;t en spirale. On va d&rsquo;une id&eacute;ologie historique socialement d&eacute;termin&eacute;e qui est une philosophie non critique &agrave; la philosophie qui est l&rsquo;id&eacute;ologie th&eacute;orique capable en v&eacute;rit&eacute; de critiquer cette derni&egrave;re en produisant une autre forme id&eacute;ologique&nbsp;; et on repart de cette forme transform&eacute;e qui doit relancer la critique de la philosophie laquelle se modifie en cette occasion. Rien n&rsquo;assure de la continuit&eacute; du cercle ou de la circulation des formes qui est aussi une traduction. Le circuit peut s&rsquo;interrompre et une id&eacute;ologie orient&eacute;e sur la production d&rsquo;une conception du monde totale et int&eacute;grale peut se voir paralys&eacute;e et r&eacute;duite par une autre conception du monde au statut d&rsquo;une id&eacute;ologie de subalternes ou bien f&eacute;tichis&eacute;e en instrument de direction politique produisant des illusions. Celles-ci ont alors une double fonction&nbsp;: d&rsquo;une part, elles emp&ecirc;chent les classes dominantes de comprendre ad&eacute;quatement l&rsquo;histoire qu&rsquo;elles imaginent faire et elles l&eacute;gitiment des int&eacute;r&ecirc;ts particuliers en valeurs universelles&nbsp;; d&rsquo;autre part elles jettent dans la confusion les classes domin&eacute;es qui ne peuvent pas donner un sens transformateur &agrave; leur lutte et font de l&rsquo;histoire qui est celle de leur d&eacute;faite un destin subi dans la passivit&eacute;. L&rsquo;histoire se faisant paralyse la critique et l&rsquo;autocritique. Le cercle du continuum est ainsi une spirale qui n&rsquo;est pas garantie dans son mouvement ascensionnel &ndash; s&rsquo;&eacute;lever dans un sens h&eacute;g&eacute;monique &ndash; et peut soit s&rsquo;interrompre soit d&eacute;choir, retomber en donnant lieu &agrave; des formes id&eacute;ologiques et politiques impr&eacute;vues, efficaces mais mises au service de la domination politique et &eacute;conomique et de l&rsquo;assujettissement id&eacute;ologique d&rsquo;un nouveau sens commun emp&ecirc;chant la lutte r&eacute;volutionnaire.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Un texte de seconde r&eacute;daction (en <em>Q. 10, II, 41, xii, 1430</em>) op&egrave;re une reprise modificatrice du texte cit&eacute; (<em>Q. 4, 15</em>) et consigne ce pas en avant :&nbsp;</span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour la philosophie de la praxis les id&eacute;ologies sont bien autres qu&rsquo;arbitraires, elles sont des faits, qu&rsquo;il faut combattre et d&eacute;voiler dans leur nature d&rsquo;instruments de domination historiques r&eacute;els non pour des raisons de mentalit&eacute;, etc., mais pr&eacute;cis&eacute;ment pour des raisons de lutte politique, pour rendre les gouvern&eacute;s politiquement ind&eacute;pendants des gouvernants, pour d&eacute;truire une h&eacute;g&eacute;monie et en cr&eacute;er une autre, comme moment n&eacute;cessaire du renversement de la praxis [&hellip;]. En ce sens est juste l&rsquo;affirmation de Croce (&ldquo;Mat&eacute;rialisme historique et &eacute;conomie marxiste&rdquo;) que la philosophie de la praxis est &ldquo;l&rsquo;histoire faite ou in fieri&rdquo;. Il y a cependant une diff&eacute;rence fondamentale entre la philosophie de la praxis et les autres philosophies&nbsp;: les autres id&eacute;ologies sont des cr&eacute;ations inorganiques parce que contradictoires, parce que dirig&eacute;es vers la conciliation d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;ts oppos&eacute;s et contradictoires&nbsp;: leur &ldquo;historicit&eacute;&rdquo; sera br&egrave;ve parce que la contradiction &eacute;merge apr&egrave;s tout &eacute;v&eacute;nement dont elles ont &eacute;t&eacute; l&rsquo;instrument. La philosophie de la praxis au contraire ne tend pas &agrave; r&eacute;soudre pacifiquement les contradictions existantes dans l&rsquo;histoire et dans la soci&eacute;t&eacute;, elle est par contre la th&eacute;orie de ces contradictions&nbsp;; elle n&rsquo;est pas l&rsquo;instrument de gouvernement des groupes dominants pour avoir le consensus et exercer l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie sur les classes subalternes&nbsp;; elle est l&rsquo;expression de ces classes subalternes qui veulent s&rsquo;&eacute;duquer elles-m&ecirc;mes &agrave; l&rsquo;art du gouvernement et qui ont int&eacute;r&ecirc;t &agrave; conna&icirc;tre toutes les v&eacute;rit&eacute;s m&ecirc;me les plus d&eacute;sagr&eacute;ables et &agrave; &eacute;viter les tromperies (impossibles) de la classe sup&eacute;rieure et encore plus celles qu&rsquo;elles se font sur elles-m&ecirc;mes<em>. </em></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;id&eacute;ologie ne se r&eacute;duit donc pas &agrave; un rapport imaginaire de tout individu &agrave; la repr&eacute;sentation du r&eacute;el, &agrave; l&rsquo;id&eacute;ologique. Il s&rsquo;agit de formes de conscience collective propres &agrave; des classes et &agrave; des groupes&nbsp;: elles ont un sens politique mais int&egrave;grent ce sens politique dans une vision du monde plus large. Ces formes sont constitutives dans leur pluralit&eacute; antagoniste de ce qui doit &ecirc;tre th&eacute;matis&eacute; comme sens commun et elles s&rsquo;opposent en se subordonnant &agrave; une id&eacute;ologie dominante. L&rsquo;id&eacute;ologie comme telle est donc un syst&egrave;me plus ou moins organis&eacute; d&rsquo;id&eacute;es et de normes de conduite qui ont une extension diffuse, ouverte. Elle est politique, et essentielle pour la conqu&ecirc;te et le maintien du pouvoir des classes dominantes. L&rsquo;id&eacute;ologie n&rsquo;existe pas en g&eacute;n&eacute;ral, mais elle existe sous une pluralit&eacute; de formes polaris&eacute;es entre la forme dominante et les formes domin&eacute;es. Ces derni&egrave;res sont prises dans un sens commun qui est un produit historique complexe, v&eacute;cu comme une &eacute;vidence naturelle. Ce qui est g&eacute;n&eacute;ral, c&rsquo;est l&rsquo;obligation syst&eacute;mique qui contraint un groupe social en lutte pour le pouvoir de proc&eacute;der &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;laboration unitaire d&rsquo;une conscience collective&nbsp;&raquo;. Comme le montre l&rsquo;exemple de la presse d&rsquo;opinion, &laquo;&nbsp;la diffusion &agrave; partir d&rsquo;un centre homog&egrave;ne d&rsquo;un mode de penser et d&rsquo;op&eacute;rer en est la condition principale, mais elle ne doit et ne peut pas &ecirc;tre la seule. Une erreur tr&egrave;s r&eacute;pandue consiste &agrave; penser que chaque couche sociale &eacute;labore sa conscience et sa culture de la m&ecirc;me mani&egrave;re, avec les m&ecirc;mes m&eacute;thodes, c&rsquo;est-&agrave;-dire les m&eacute;thodes des intellectuels de profession<em>&nbsp;</em>&raquo; (<em>Q. 1, 3, 33</em>)<em>.</em> La th&eacute;orie se fait analyse comparative et historique en m&ecirc;me temps que le concept d&rsquo;id&eacute;ologie se dilate et se lie &agrave; celui de conception du monde et de sens commun, sous la perspective de la formation d&rsquo;une conscience collective. Ces r&eacute;sultats nous conduisent &agrave; modifier et &agrave; d&eacute;terminer notre premi&egrave;re approche en introduisant les termes &eacute;quivalents &agrave; chacun de ceux qui ont &eacute;t&eacute; p&eacute;dagogiquement pris comme point initial de d&eacute;part et point relativement terminal, termes qui ne sont pas absolument initiaux ou terminaux.</span></span></p> <h1>Conception du monde, sens commun, religion. La seconde approche&nbsp;: d&eacute;termination circulaire du continuum</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La philosophie de la praxis s&rsquo;&eacute;nonce en des &eacute;quations devenues c&eacute;l&egrave;bres qui la disent &eacute;gale &agrave; une conception philosophique du monde, au sens commun&nbsp;des subalternes, &agrave; une religion de masse, mais ces &eacute;quations impliquent une modification, d&eacute;cisive de chaque terme. La conception du monde est totale ou int&eacute;grale, on l&rsquo;a vu&nbsp;; le sens commun est propre &agrave; une volont&eacute; pratique active&nbsp;; la religion de masse n&rsquo;est pas la religion de la libert&eacute; selon Croce, mais une h&eacute;r&eacute;sie de la religion de la libert&eacute;. Ces termes se traduisent les uns dans les autres &agrave; la condition d&rsquo;op&eacute;rer ces qualifications. Il faudrait d&eacute;finir cette famille d&rsquo;&eacute;quations en pr&eacute;cisant que chacune d&eacute;finit un concept qui n&rsquo;est pas exactement superposable &agrave; un autre, alors que tous sont en corr&eacute;lation. Comme l&rsquo;indique Guido Liguori dans l&rsquo;entr&eacute;e &laquo;&nbsp;Ideologia&nbsp;&raquo; du volume <em>Le parole di Gramsci</em><a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a>, &laquo;&nbsp;ils forment un r&eacute;seau conceptuel&hellip; Ils peuvent diff&eacute;rer en fonction du degr&eacute; de conscience et de fonctionnalit&eacute;, plus ou moins m&eacute;diates eu &eacute;gard &agrave; la praxis et &agrave; la politique&nbsp;&raquo;&nbsp;; ils t&eacute;moignent du caract&egrave;re de la r&eacute;flexion en chemin dans les <em>Cahiers</em> mais&nbsp;&laquo;&nbsp;ils expriment une th&eacute;orie qui dans l&rsquo;ensemble est suffisamment coh&eacute;rente et explicite&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[9]</span></sup></sup></a>.</span></span></p> <h2>Le continuum id&eacute;ologique circulaire compris &agrave; partir de son effectuation individuelle et collective&nbsp;: conception du monde et sens commun</h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Tous les hommes sont philosophes&nbsp;&raquo;, telle est la th&egrave;se d&eacute;mocratique radicale qui relance la recherche. Elle vaut d&rsquo;abord pour chaque individu&nbsp;: d&eacute;pourvu de culture philosophique, l&rsquo;individu, &agrave; sa mani&egrave;re non r&eacute;fl&eacute;chie, imm&eacute;diate, spontan&eacute;e, ne peut pas ne pas manifester une activit&eacute; intellectuelle minimale, dans la mesure o&ugrave; il parle, o&ugrave; il s&rsquo;assimile les significations inscrites dans les r&eacute;seaux d&rsquo;appartenance sociale qui le d&eacute;finissent d&egrave;s sa naissance et sa venue &agrave; un monde historique et social, dans la mesure o&ugrave; il s&rsquo;inscrit dans une forme de religion populaire d&eacute;j&agrave; l&agrave;. Gramsci nomme id&eacute;ologie cette philosophie spontan&eacute;e pour faire appara&icirc;tre la fonction n&eacute;cessaire et irr&eacute;ductible de la &laquo;&nbsp;validit&eacute; des id&eacute;ologies&nbsp;&raquo;. Si la philosophie est id&eacute;ologie, l&rsquo;id&eacute;ologie est philosophie en ce qu&rsquo;elle donne une dimension v&eacute;ritative minimale &ndash; qui peut se r&eacute;v&eacute;ler illusoire et instrumentale, mais qui est n&eacute;cessaire &ndash; &agrave; la conception du monde en laquelle chacun advient au monde, y occupe un lieu qui est ou non une position permettant le d&eacute;veloppement de son humanit&eacute;. Cette philosophe spontan&eacute;e propre &agrave; &laquo;&nbsp;tout le monde&nbsp;&raquo; est contenue en trois formes de vie et d&rsquo;expression&nbsp;: &laquo;&nbsp;1) dans le langage lui-m&ecirc;me qui est un ensemble de notions et de concepts d&eacute;termin&eacute;s, non pas un simple jeu de mots grammaticalement vides de contenu&nbsp;; 2) dans le sens commun et le bon sens&nbsp;; 3) dans la religion populaire et donc aussi dans tout le syst&egrave;me de croyances, superstitions, opinions, modes de voir et d&rsquo;op&eacute;rer qui se pr&eacute;sentent en ce que g&eacute;n&eacute;ralement on appelle &ldquo;folklore&rdquo;&nbsp;&raquo; (<em>Q.11, 12, 1375</em>). On voit ici s&rsquo;enchev&ecirc;trer les termes du r&eacute;seau conceptuel.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Distinguons-en le sens commun qui est habituellement l&rsquo;oppos&eacute; de la philosophie et qui en est en fait la premi&egrave;re manifestation, non l&rsquo;autre absolu. Le sens commun est la conception du monde elle-m&ecirc;me envisag&eacute;e dans sa fonction pratique et politique de production d&rsquo;un lien social compos&eacute; de repr&eacute;sentations plus ou moins<em> </em>coh&eacute;rentes, d&rsquo;id&eacute;es plus ou moins &eacute;labor&eacute;es, de normes de conduite plus ou moins suivies. Il d&eacute;finit un &laquo;&nbsp;conformisme&nbsp;&raquo; social de classe ou de groupe, voire de masses (subalternes en ce cas). Il est en rapport &agrave; la fois avec la fonction dans la production propre &agrave; ces communaut&eacute;s dans une soci&eacute;t&eacute; donn&eacute;e et avec les strat&eacute;gies h&eacute;g&eacute;moniques possibles aff&eacute;rentes &agrave; cette position qui a alors sens quasi militaire. Cette position peut &ecirc;tre, en effet, tenue ou non avec conscience et m&ecirc;me avec un savoir relatif de ses possibilit&eacute;s h&eacute;g&eacute;moniques&nbsp;: elle peut &ecirc;tre assimil&eacute;e &agrave; un destin subi dans la passivit&eacute;, la conscience &eacute;tant occup&eacute;e par des &eacute;l&eacute;ments d&rsquo;un sens commun traditionnel pr&ecirc;chant la r&eacute;signation&nbsp;; elle peut inversement &ecirc;tre la base de d&eacute;part pour une expansion graduelle en d&eacute;veloppant ses th&eacute;matiques modernes, &eacute;conomiques et politiques, et envisager une universalisation quantitative &agrave; la majorit&eacute; de la soci&eacute;t&eacute;, une assimilation des couches les plus larges de cette soci&eacute;t&eacute; dans un conformisme sup&eacute;rieur. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Par sa conception personnelle du monde on appartient toujours &agrave; un regroupement d&eacute;termin&eacute; et pr&eacute;cis&eacute;ment &agrave; celui de tous les &eacute;l&eacute;ments sociaux qui partagent un m&ecirc;me mode de penser et d&rsquo;op&eacute;rer. On est les conformistes d&rsquo;un conformisme quelconque, on est toujours hommes-masses ou hommes-collectifs. La question est la suivante&nbsp;: de quel type historique est le conformisme, l&rsquo;homme-masse dont on fait parti&nbsp;? Quand la conception du monde n&rsquo;est pas critique et coh&eacute;rente mais occasionnelle et d&eacute;sagr&eacute;g&eacute;e, on appartient simultan&eacute;ment &agrave; une multiplicit&eacute; d&rsquo;hommes-masse, la personnalit&eacute; individuelle&nbsp;de chacun est composite de mani&egrave;re bizarre&nbsp;: se trouvent en elle des &eacute;l&eacute;ments de l&rsquo;homme des cavernes et des principes de la science la plus moderne et avanc&eacute;e, des pr&eacute;jug&eacute;s de toutes les phases historiquement grossi&egrave;rement localistes et des intuitions d&rsquo;une philosophie &agrave; venir telle que sera celle du genre humain unifi&eacute; mondialement (<em>Q.11, 11, 1377</em>).</span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le sens commun des masses subalternes modernes est particuli&egrave;rement divis&eacute; en ce qu&rsquo;il est marqu&eacute; par la non contemporan&eacute;it&eacute; de ses &eacute;l&eacute;ments&nbsp;; cette derni&egrave;re se r&eacute;v&egrave;le en ses potentialit&eacute;s oppos&eacute;es. D&rsquo;une part, il contient des &eacute;l&eacute;ments progressistes qui expriment la plus compl&egrave;te modernit&eacute; et qui d&eacute;finissent leur originalit&eacute; historique par rapport aux classes dirigeantes. D&rsquo;autre part, il inclut des &eacute;l&eacute;ments &laquo;&nbsp;anachroniques&nbsp;&raquo;, des superstitions religieuses, des croyances magiques, des habitudes de vie provinciales et mesquines, des comportements de soumission au clerg&eacute; r&eacute;actionnaire ou aux &eacute;lites fonci&egrave;res du pass&eacute;, des aptitudes &agrave; l&rsquo;ob&eacute;issance &agrave; l&rsquo;ordre capitaliste dominant qui impose et fait vivre comme rationnelles les formes d&lsquo;exploitation. Cette contradiction du sens commun des masses emp&ecirc;che &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme actif de masse&nbsp;&raquo; qui &laquo;&nbsp;op&egrave;re pratiquement&nbsp;&raquo; de parvenir &agrave; &laquo;&nbsp;la claire conscience th&eacute;orique de son mode d&rsquo;op&eacute;rer qui est cependant une connaissance du monde dans la mesure o&ugrave; il en est la transformation. Sa conscience th&eacute;orique peut &ecirc;tre historiquement en contraste avec son mode d&rsquo;op&eacute;rer &raquo; (<em><span style="background-color:white">Q. 11, 12, 1385</span></em><span style="background-color:white">)</span><em>.</em> La philosophe de la praxis est la conception du monde qui conduit la critique de cette contradiction et qui en fait une partie de sa constitution th&eacute;orique&nbsp;: elle intervient &agrave; la base comme r&eacute;forme intellectuelle et morale du sens commun des subalternes qui sont aussi intellectuellement des &laquo;&nbsp;simples&nbsp;&raquo; oppos&eacute;s aux &laquo;&nbsp;intellectuels&nbsp;&raquo; des classes dirigeantes et dominantes, mais ces simples peuvent pour la premi&egrave;re fois dans l&rsquo;histoire devenir intellectuels et dirigeants &agrave; leur tour. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On peut quasiment dire que l&rsquo;homme-masse a deux consciences th&eacute;oriques (ou une conscience contradictoire), une qui est implicite dans son mode d&rsquo;op&eacute;rer et qui r&eacute;ellement l&rsquo;unit &agrave; ses collaborateurs dans la transformation pratique de la r&eacute;alit&eacute; et une autre superficiellement explicite ou verbale qu&rsquo;il a h&eacute;rit&eacute; du pass&eacute; et accept&eacute; sans critique. Cette conception &ldquo;verbale&rdquo; n&rsquo;est pas cependant sans cons&eacute;quence&nbsp;: elle le relie &agrave; un groupe social d&eacute;termin&eacute;, elle influe dans sa conduite morale, dans l&rsquo;orientation de la volont&eacute;, de mani&egrave;re plus ou moins &eacute;nergique, au point d&rsquo;en arriver &agrave; cette extr&eacute;mit&eacute; o&ugrave; le caract&egrave;re contradictoire de la conscience ne permet aucune action, aucune d&eacute;cision, aucun choix et produit un &eacute;tat de passivit&eacute; morale et politique (<em>Q. 11, 12, 1385</em>)<em>.</em></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La philosophie de la praxis est la r&eacute;forme du sens commun des subalternes en un nouveau sens commun ou &laquo;&nbsp;bon sens&nbsp;&raquo; qui peut se d&eacute;velopper comme un devenir populaire de la conception du monde inspir&eacute;e par la philosophie de la praxis &ndash; laquelle maintient sa sp&eacute;cificit&eacute; &laquo;&nbsp;technique&nbsp;&raquo; et son effort d&rsquo;&eacute;laboration sup&eacute;rieure dans la haute culture. Cette r&eacute;forme se vit sous une forme mol&eacute;culaire comme un socratisme pratique et politique, un &laquo;&nbsp;connais-toi toi-m&ecirc;me&nbsp;&raquo; lorsque l&rsquo;individu dans sa biographie cesse de &laquo;&nbsp;pr&eacute;f&eacute;rer &ldquo;penser&rdquo; sans en avoir conscience&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;de &ldquo;participer&rdquo; &agrave; une conception du monde &ldquo;impos&eacute;e&rdquo; m&eacute;caniquement par le milieu ext&eacute;rieur, c&rsquo;est-&agrave;-dire par un des nombreux groupes sociaux en lesquels chacun est impliqu&eacute; automatiquement d&egrave;s son entr&eacute;e dans le monde conscient&nbsp;&raquo; (<em>Q.11, 12, 1376</em>). Elle est une conversion th&eacute;orique et pratique, une <em>catharsis</em> individuelle qui doit se faire collective. Il devient possible de sortir de sa propre stupidit&eacute; et de son impuissance et d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;laborer sa propre conception du monde de mani&egrave;re consciente et critique, et donc en connexion avec le travail de son cerveau, de choisir sa propre sph&egrave;re d&rsquo;activit&eacute;, de participer activement &agrave; la production de l&rsquo;histoire du monde, d&rsquo;&ecirc;tre le guide de soi-m&ecirc;me, et non d&rsquo;accepter passivement et subrepticement de l&rsquo;ext&eacute;rieur l&rsquo;empreinte impos&eacute;e &agrave; sa propre personnalit&eacute;&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11, 12, 1376</em>). </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Au plan collectif ce socratisme prend la forme d&rsquo;une &eacute;laboration philosophique qui a pour but immanent de critiquer la conception du monde dominante m&ecirc;me au sein du groupe subalterne, d&rsquo;en produire une autre plus unitaire et coh&eacute;rente et de &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;lever jusqu&rsquo;au point auquel est parvenu la pens&eacute;e mondiale la plus avanc&eacute;e&nbsp;&raquo;. Sens commun r&eacute;form&eacute; ou non, conception du monde des classes dirigeantes et des masses subalternes sont des moments internes de la philosophie de la praxis qui tous font histoire et sont politiques, tous sont politiques et histoire. La r&eacute;forme du sens commun est aussi r&eacute;forme et constitution de la philosophie de la praxis dans la mesure o&ugrave; se forme en elle &laquo;&nbsp;la conscience de son historicit&eacute;, de la phase de d&eacute;veloppement qu&rsquo;elle repr&eacute;sente et du fait qu&rsquo;elle est en contradiction avec les autres conceptions ou avec des &eacute;l&eacute;ments des autres conceptions. Sa propre conception du monde r&eacute;pond &agrave; des probl&egrave;mes d&eacute;termin&eacute;s pos&eacute;s par la r&eacute;alit&eacute; qui sont d&eacute;termin&eacute;s et &ldquo;originaux&rdquo; dans leur actualit&eacute;&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11, 12, 1377</em>).</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est le passage du sens commun (ici des subalternes) &agrave; la philosophie (ici de la praxis) et de la philosophie au sens commun qui est le centre de continuum qui se fait cercle en mouvement. &laquo;&nbsp;Ce passage est assur&eacute; par la&nbsp;politique&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11, 12, 1382</em>). Concr&egrave;tement il s&rsquo;agit d&rsquo;&laquo;&nbsp;&eacute;laborer une philosophie qui disposant d&rsquo;une diffusion ou d&rsquo;une diffusivit&eacute; parce que li&eacute;e &agrave; la vie pratique et implicite en elle devient un sens commun renouvel&eacute; avec la conscience et le nerf des philosophies individuelles&nbsp;&raquo;. Il ne s&rsquo;agit donc pas &agrave; partir de cette critique du sens commun et du monde culturel existant d&rsquo;&laquo;&nbsp;introduire <em>ex novo</em>&nbsp;&raquo; de mani&egrave;re intellectualiste et ext&eacute;rieure &laquo;&nbsp;une science dans la vie individuelle de &ldquo;tous&rdquo;,&nbsp;mais d&rsquo;innover et de rendre &ldquo;critique&rdquo; une activit&eacute; d&eacute;j&agrave; existante&nbsp;&raquo; qui est le fait d&rsquo;intellectuels sp&eacute;cialis&eacute;s qui se constituent alors en &laquo;&nbsp;pointes avanc&eacute;es&nbsp;&raquo; du progr&egrave;s du sens commun des subalternes et partagent la perspective potentiellement h&eacute;g&eacute;monique de ces masses et la traduisent en formant au sein des masses des intellectuels sp&eacute;cialis&eacute;s, en gardant le contact avec les contenus du sens commun qui sont li&eacute;s aux probl&egrave;mes historiques actuels. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est ce passage politique qui doit mettre en contact pour le r&eacute;former le sens commun des masses et qui universalise et affine la conception du monde &eacute;labor&eacute;e par des intellectuels qui sont du c&ocirc;t&eacute; des masses ou &eacute;mergent de leur sein. Mais ces intellectuels doivent se laisser instruire par ce que le sens commun des masses pr&eacute;cis&eacute;ment sent et ne comprend pas ad&eacute;quatement et qu&rsquo;eux-m&ecirc;mes ne peuvent comprendre qu&rsquo;&agrave; la condition de le sentir. La question du rapport entre sens commun et conception du monde sup&eacute;rieure se d&eacute;place&nbsp;; elle se pose comme question du rapport entre la masse des simples et une &eacute;lite d&rsquo;intellectuels sp&eacute;cialis&eacute;s dans l&rsquo;organisation th&eacute;orique et politique des masses. C&rsquo;est ici que nous rencontrons une ultime &eacute;quation de notre continuum, celle qui d&eacute;rangeait et inqui&eacute;tait Althusser&nbsp;: sens commun (r&eacute;nov&eacute;) = conception du monde (sup&eacute;rieure) = nouvelle religion (la&iuml;que) = id&eacute;ologie = politique.</span></span></p> <h2>La religion la&iuml;que au sein du continuum&nbsp;id&eacute;ologique : une &eacute;nigme ou une issue logique&nbsp;?</h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La complexit&eacute; du continuum id&eacute;ologique gramscien appara&icirc;t, en effet, dans la diff&eacute;rence qui se marque entre deux s&eacute;ries ordonn&eacute;es de lemmes mis en &eacute;quations. D&rsquo;une part, on a l&rsquo;&eacute;quation g&eacute;n&eacute;rale existante de fait entre philosophie au sens traditionnel = conception du monde dominante = religion traditionnelle = id&eacute;ologie&nbsp;au sens &agrave; la fois p&eacute;joratif et positif = politique&nbsp;comme h&eacute;g&eacute;monie d&rsquo;une classe dominante. D&rsquo;autre part, on a l&rsquo;&eacute;quation singuli&egrave;re &agrave; construire entre philosophie de la praxis comme couronnement de l&rsquo;histoire de la philosophie, conception du monde int&eacute;grale et totale des subalternes, religion la&iuml;que de la libert&eacute; unissant simples et intellectuels, id&eacute;ologie comme forme positive de pens&eacute;e et de conduite en lutte h&eacute;g&eacute;monique avec les autres id&eacute;ologies historique, politique comme&nbsp;h&eacute;g&eacute;monie des subalternes tendant &agrave; unifier l&rsquo;humanit&eacute;. C&rsquo;est sur la pr&eacute;sence et la fonction de la religion qu&rsquo;il nous faut insister pour tester l&rsquo;originalit&eacute; de l&rsquo;historicisme gramscien et aborder la question des rapports entre v&eacute;rit&eacute;, politique et id&eacute;ologie que nous avons laiss&eacute;e en suspens depuis la critique althuss&eacute;rienne.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour y voir clair il faut, comme nous y invite l&rsquo;entr&eacute;e &laquo;&nbsp;religion&nbsp;&raquo; du <em>Dizionario Gramsciano</em>, r&eacute;dig&eacute;e par Tomaso La Rocca<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[10]</span></sup></sup></a>, distinguer trois d&eacute;finitions de la religion selon Gramsci, toutes domin&eacute;es par la r&eacute;f&eacute;rence au christianisme. </span></span></p> <ul> <li><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La premi&egrave;re d&eacute;finition concerne la religion au sens chr&eacute;tien traditionnel. Elle r&eacute;unit trois &eacute;l&eacute;ments&nbsp;:&nbsp;&laquo; 1) la croyance qu&rsquo;existent une ou plusieurs divinit&eacute;s transcendant les conditions terrestres et temporelles&nbsp;; 2) le sentiment des hommes de d&eacute;pendre de ces &ecirc;tres sup&eacute;rieurs qui gouvernent totalement la vie du cosmos&nbsp;; 3) l&rsquo;existence d&rsquo;un syst&egrave;me de rapports (culte) entre les hommes et les dieux&nbsp;&raquo; (<em>Q. 6, 41, 715</em>). Emprunt&eacute;e &agrave; Turchi, un historien des religions, cette d&eacute;finition est trop large et inclut des id&eacute;ologies sociales non religieuses.</span></span></li> <li><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La seconde d&eacute;finition a pour objet ce que Gramsci nomme religion la&iuml;que dont l&rsquo;interpr&egrave;te principal est Croce qui d&eacute;fend la possibilit&eacute; et la dignit&eacute; accomplie d&rsquo;une vie sens&eacute;e dans l&rsquo;immanence, d&eacute;pourvue de toute croyance en une transcendance divine et toute soumission aux &Eacute;glises.&nbsp;La religion d&eacute;signe &laquo; l&rsquo;unit&eacute; de foi entre une conception du monde et une norme de conduite conforme&nbsp;&raquo;, mais Gramsci interroge&nbsp;: ne faut-il&nbsp;pas alors &laquo;&nbsp;affirmer que la religion la&iuml;que comme unit&eacute; de foi pourrait se nommer tout aussi bien &ldquo;id&eacute;ologie&rdquo; ou &ldquo;politique&rdquo;&nbsp;&raquo;&nbsp;? (<em>Q. 11, 12, 1378</em>).</span></span></li> <li><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La troisi&egrave;me d&eacute;finition est celle que Gramsci pr&eacute;sente comme la sienne. Elle fait de la religion un &eacute;l&eacute;ment du sens commun, susceptible de varier avec les m&eacute;tamorphoses de ce dernier, mais toujours en contraposition relative. </span></span></li> </ul> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;La philosophie est un ordre intellectuel, c&rsquo;est-&agrave;-dire ce que ne peuvent &ecirc;tre ni la religion, ni le sens commun. Voir comment dans la r&eacute;alit&eacute; religion et sens commun ne co&iuml;ncident pas&nbsp;; mais la religion est un &eacute;l&eacute;ment du sens commun, d&eacute;sagr&eacute;g&eacute;. [...] La philosophie est la critique et le d&eacute;passement de la religion et du sens commun et en ce sens elle co&iuml;ncide avec le &ldquo;bon sens&rdquo; qui s&rsquo;oppose au sens commun&nbsp;&raquo;. (<em>Q. 11, 12, 1378</em>).</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les deux d&eacute;finitions non gramsciennes, la premi&egrave;re surtout, sont souvent l&rsquo;objet d&rsquo;une critique qui doit beaucoup &agrave; la critique de Marx. Cette critique a re&ccedil;u une expression typique dans un article du 19 ao&ucirc;t 1920 intitul&eacute;&nbsp;&laquo;&nbsp;Socialisti e cristiani&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[11]</span></sup></sup></a>. Gramsci ne reviendra jamais sur cette critique. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les socialistes marxistes ne sont pas religieux&nbsp;: ils croient que la religion est une forme transitoire de la culture humaine qui sera d&eacute;pass&eacute;e par une culture sup&eacute;rieure, la culture philosophique&nbsp;; ils croient que la religion est une conception mythologique de la vie et du monde qui sera d&eacute;pass&eacute;e et remplac&eacute;e par une conception qui pose et recherche au sein m&ecirc;me de la soci&eacute;t&eacute; humaine et dans la conscience individuelle les causes et les forces qui produisent et cr&eacute;ent l&rsquo;Histoire. Mais tout en n&rsquo;&eacute;tant pas religieux, les socialistes marxistes ne sont pas davantage antireligieux&nbsp;; l&rsquo;&Eacute;tat ouvrier ne pers&eacute;cutera pas la religion&nbsp;: l&rsquo;&Eacute;tat ouvrier demandera aux prol&eacute;taires chr&eacute;tiens la loyaut&eacute; que tout &Eacute;tat ouvrier demande &agrave; ses citoyens, il leur demandera que s&rsquo;ils veulent &ecirc;tre dans l&rsquo;opposition, cette opposition soit constitutionnelle et non r&eacute;volutionnaire<em>.</em></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Sur le plan th&eacute;orique, la philosophie de la praxis se caract&eacute;rise par une intransigeance critique inflexible&nbsp;: elle insiste sur l&rsquo;impossibilit&eacute; de r&eacute;concilier une conception transcendante, surnaturaliste, avec la philosophie de la praxis. Elle critique de m&ecirc;me la religion la&iuml;que de la libert&eacute; ch&egrave;re &agrave; Croce qui se veut pourtant immanentiste et historiciste&nbsp;: cette religion aboutit &agrave; f&eacute;tichiser en id&eacute;es quasi platoniciennes des principes comme celui de la Libert&eacute; suppos&eacute;e &ecirc;tre le sujet &eacute;ternel de l&rsquo;histoire et vou&eacute; &agrave; s&rsquo;incarner ad&eacute;quatement dans l&rsquo;&Eacute;tat lib&eacute;ral. Gramsci se bat sur les deux fronts de la religion ici d&eacute;finis. Il r&eacute;cuse comme formes de m&eacute;taphysique tous les dualismes entre &acirc;me et corps, mati&egrave;re et esprit, structure et superstructure, homme et nature, masses et intellectuels, soci&eacute;t&eacute; civile et &Eacute;tat. La religion peut se nicher comme l&rsquo;id&eacute;alisme m&eacute;taphysique ou le mat&eacute;rialisme m&eacute;caniste en chacun de ces dualismes pour f&eacute;tichiser un terme ou un autre. Cette intransigeance th&eacute;orique culmine dans la th&egrave;se radicale que la religion est une utopie qui demeure in&eacute;vitable historiquement et aujourd&rsquo;hui encore pour autant qu&rsquo;&laquo;&nbsp;il a y toujours eu une grande partie de l&rsquo;humanit&eacute; dont l&rsquo;activit&eacute; a toujours &eacute;t&eacute; tayloris&eacute;e et rigidement disciplin&eacute;e et a cherch&eacute; de s&rsquo;&eacute;vader par l&rsquo;imagination et le r&ecirc;ve des limites &eacute;troites de l&rsquo;organisation existante qui l&rsquo;&eacute;crasait. La plus grande aventure, la plus grande &ldquo;utopie&rdquo; que l&rsquo;humanit&eacute; a cr&eacute;&eacute;e collectivement, la religion, n&rsquo;est-elle pas un mode d&rsquo;&eacute;vasion hors du &ldquo;monde terrestre&rdquo;&nbsp;? N&rsquo;est-ce pas en ce sens que Balzac parle du loto comme d&rsquo;un opium de la mis&egrave;re, phrase reprise ensuite par d&rsquo;autres&nbsp;?&nbsp;&raquo; (<em>Q. 21, 13, 2152</em>). Ce texte de la derni&egrave;re phase de r&eacute;daction des <em>Cahiers</em> reprend un texte plus ancien du <em>Cahier 6, 28, 706</em>, o&ugrave; sont cit&eacute;s Marx et la formule de la religion opium du peuple). </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cette th&egrave;se est constante, mais elle n&rsquo;est pas que n&eacute;gative&nbsp;: il y a une valeur philosophique de l&rsquo;utopie qui tout &agrave; la fois rec&egrave;le un contenu de v&eacute;rit&eacute; et une valeur politique. L&rsquo;utopie, religieuse ou non, est manifestation des contradictions qui d&eacute;chirent la soci&eacute;t&eacute; et aussi tentative inad&eacute;quate de r&eacute;solution. Cette position est affirm&eacute;e avec vigueur dans le <em>Cahier 4, 45,&nbsp;472</em> et reprise dans le <em>Cahier 11</em>&nbsp;: la philosophie de la praxis s&rsquo;oppose &agrave; la religion et aux m&eacute;taphysiques comme &agrave; des figures de la m&ecirc;me fonction d&rsquo;utopie. Ce qui unit la religion et ces philosophies, c&rsquo;est l&rsquo;utopie d&rsquo;un autre monde o&ugrave; r&egrave;gne le Dieu de justice et o&ugrave; s&rsquo;&eacute;panouissent l&rsquo;id&eacute;e de &laquo;&nbsp;l&rsquo;homme en g&eacute;n&eacute;ral&nbsp;&raquo; ou de&nbsp;&laquo;&nbsp;nature humaine&nbsp;&raquo;. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La religion est la plus gigantesque utopie, c&rsquo;est-&agrave;-dire la plus gigantesque [le Cahier 4 dit &laquo;&nbsp;mastodontique&nbsp;&raquo;] &ldquo;m&eacute;taphysique&rdquo; apparue dans l&rsquo;histoire parce qu&rsquo;elle est la tentative la plus grandiose de concilier sous forme mythologique les contradictions de la vie historique&nbsp;; elle affirme, en v&eacute;rit&eacute;, que l&rsquo;homme a la m&ecirc;me &ldquo;nature&rdquo;, qu&rsquo;existe l&rsquo;homme en g&eacute;n&eacute;ral, en tant que cr&eacute;&eacute; par Dieu, fils de Dieu, et donc fr&egrave;re des autres hommes, &eacute;gal aux autres hommes, libre au milieu des autres hommes et comme eux, et qu&rsquo;il peut se concevoir comme tel en se r&eacute;fl&eacute;chissant en Dieu, &ldquo;autoconscience&rdquo; de l&rsquo;humanit&eacute;, mais elle affirme aussi que tout cela n&rsquo;est pas de ce monde, mais d&rsquo;un autre monde (utopique). Ainsi les id&eacute;es d&rsquo;&eacute;galit&eacute;, de fraternit&eacute;, de libert&eacute; fermentent parmi les hommes, en ces couches d&rsquo;hommes qui ne se voient ni &eacute;gaux, ni fr&egrave;res des autres hommes, ni libres par rapport &agrave; eux. Ainsi est-il advenu qu&rsquo;en tout soul&egrave;vement radical des multitudes, d&rsquo;une mani&egrave;re ou d&rsquo;une autre, sous des formes et des id&eacute;ologies d&eacute;termin&eacute;es, aient &eacute;t&eacute; pos&eacute;es ces revendications (<em>Q. 11, 62, 1489</em>).</span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De ce point de vue, le droit naturel moderne est aussi une utopie, il&nbsp;exprime des aspirations profondes des masses mais il tend &agrave; se faire politique. Il existe une dimension utopique &agrave; la fois dans le contenu de la religion populaire &ndash; les h&eacute;r&eacute;sies m&eacute;di&eacute;vales &ndash; et les &eacute;laborations du rationalisme abstrait qui sont de d&eacute;rivation religieuse et peuvent donner lieu &agrave; des religions politiques, comme l&rsquo;utopie de &laquo;&nbsp;la religion de la libert&eacute;&nbsp;&raquo; ch&egrave;re &agrave; Croce &ndash; qui pourtant entend par son historicisme sp&eacute;culatif se d&eacute;gager du rationalisme abstrait des Lumi&egrave;res. La philosophie de la praxis une fois encore se constitue sur plusieurs fronts&nbsp;: son appr&eacute;ciation historique et critique de l&rsquo;utopie a une triple orientation. Elle va des id&eacute;ologies philosophiques les plus sophistiqu&eacute;es, de l&rsquo;utopie d&eacute;mocratique du droit naturel moderne et de la th&eacute;orie de la nature humaine, aux id&eacute;ologies m&eacute;taphysiques traditionnelles de l&rsquo;esprit. Elle d&eacute;rive de ces deux formations de la religion populaire et de son utopie. Elle s&rsquo;oppose &agrave; tout le complexe des philosophies, des religions et du sens commun religieux class&eacute; sous la rubrique &laquo;&nbsp;utopie&nbsp;&raquo;. Elle fait davantage et elle est seule&nbsp;&agrave; faire cela&nbsp;: elle enracine tous ces cas dans l&rsquo;analyse d&eacute;taill&eacute;e des contradictions d&rsquo;une r&eacute;alit&eacute; historique d&eacute;chir&eacute;e. Elle substitue &agrave; ces utopies une repr&eacute;sentation unifi&eacute;e qui identifie les termes potentiellement r&eacute;solutoires de ces contradictions dans les forces qui doivent purifier leur sens commun pour devenir h&eacute;g&eacute;moniques en contribuant &agrave; &eacute;laborer une conception du monde r&eacute;solument politique et la&iuml;que. Machiavel&nbsp;est l&rsquo;exemple de cette politique&nbsp;: il critique les utopies moralistes et religieuses pour identifier dans la cr&eacute;ation d&rsquo;un &Eacute;tat national-populaire la t&acirc;che historique immanente qui dans le pr&eacute;sent imm&eacute;diat demeure encore utopique.&nbsp;La philosophie de la praxis est confront&eacute;e &agrave; une t&acirc;che politique de plus grande envergure et autrement &eacute;pocale en ce qu&rsquo;elle a pour horizon l&rsquo;assimilation des masses subalternes dans un syst&egrave;me d&rsquo;institutions &eacute;thico-politique en prise sur la rationalisation d&eacute;mocratique de la production et sur le devenir actif du plus grand nombre. L&agrave; est son utopie auto-critique et r&eacute;aliste.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ce syst&egrave;me qui se veut total et tendanciellement unifi&eacute; &agrave; partir de la capacit&eacute; &agrave; r&eacute;soudre les contradictions que peuvent manifester en s&rsquo;organisant des forces qui sont des termes de ces contradictions. Les autres philosophies, religions et id&eacute;ologies, sont aussi des termes pris dans ces contradictions, mais elles n&rsquo;ont pas cette capacit&eacute; th&eacute;orique et pratique qui n&rsquo;est pour l&rsquo;instant que potentielle et prise en un devenir non garanti. Nous retrouvons un texte connu. Achevant et r&eacute;formant la dialectique de Hegel :</span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La philosophie de la praxis est une philosophie lib&eacute;r&eacute;e (ou qui cherche &agrave; se lib&eacute;rer) de tout &eacute;l&eacute;ment id&eacute;ologique unilat&eacute;ral et fanatique, elle est la pleine conscience des contradictions dans lesquelles le philosophe lui-m&ecirc;me, compris individuellement ou compris comme groupe social, non seulement comprend les contradictions mais se pose lui-m&ecirc;me comme &eacute;l&eacute;ment de la contradiction, &eacute;l&egrave;ve cet &eacute;l&eacute;ment au rang de principe de connaissance et d&rsquo;action. </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Tant qu&rsquo;existent des contradictions la philosophie de la praxis est li&eacute;e &agrave; la n&eacute;cessit&eacute;, &agrave; un monde historique o&ugrave; les id&eacute;es et les id&eacute;aux ne sont pas r&eacute;alit&eacute;. Le principe de connaissance d&rsquo;action oblige &agrave; l&rsquo;analyse de ces contradictions et &agrave; la recherche des strat&eacute;gies capables de les r&eacute;soudre. L&rsquo;effet de v&eacute;rit&eacute; de ces connaissances est ins&eacute;parable de l&rsquo;effet de pouvoir et inversement. On peut affirmer qu&rsquo;une fois ses contradictions r&eacute;solues, se produira le r&egrave;gne de la libert&eacute; comme r&egrave;gne de la pens&eacute;e. Nous sommes bien loin de cette situation uchronique : &laquo;&nbsp;Actuellement le philosophe (de la praxis) ne peut seulement que faire cette affirmation g&eacute;n&eacute;rique&nbsp;et il ne peut pas aller plus loin&nbsp;: de fait il ne peut pas s&rsquo;&eacute;vader du terrain actuel des contradictions, il ne peut pas affirmer autrement que de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rique un monde sans contradictions, sans cr&eacute;er imm&eacute;diatement une utopie&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11, 62, 1487-8&nbsp;</em>reprise de <em>Q. 4, 41, 471-2</em>)<em>.</em> </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous sommes ici entr&eacute;s dans le vif de la conception gramscienne de la religion comme sens commun. Toute l&rsquo;analyse concernant le sens commun devrait, semble-t-il, confirmer sa pertinence. La religion devrait &ecirc;tre prise dans le cercle transformateur du continuum id&eacute;ologique&nbsp;: il s&rsquo;agirait de rendre du moins autocritique la culture religieuse populaire existante en partant d&rsquo;elle d&eacute;finie comme sens commun ou savoir d&eacute;sagr&eacute;g&eacute;, stratifi&eacute; et m&eacute;taphysique, sans envisager pour autant sa r&eacute;sorption imm&eacute;diate dans la philosophie qui conduit&nbsp;la critique, sans non plus faire de la philosophie de la praxis une philosophie du christianisme. Si on donne &agrave; la religion des masses populaires une place dans le sens commun, que peut-&ecirc;tre sa forme r&eacute;form&eacute;e en &laquo; bon sens&nbsp;&raquo;&nbsp;? Sa forme ne peut &ecirc;tre qu&rsquo;une forme dot&eacute;e d&rsquo;une forte dimension politique dans la mesure o&ugrave; la masse d&rsquo;abord inconsciente et d&eacute;sorganis&eacute;e doit articuler sa conscience religieuse propre aux t&acirc;ches qui font d&rsquo;elle un acteur conscient de ses objectifs de transformation. Elle doit &ecirc;tre confront&eacute;e &agrave; la critique du sens commun en tenant compte des formes n&eacute;cessairement plurielles de religion et en int&eacute;grant dans la politique l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment de la&iuml;cit&eacute; exigible. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cet &eacute;l&eacute;ment n&rsquo;est pas pur&nbsp;: il ne s&rsquo;obtient pas n&eacute;cessairement par le moyen d&rsquo;une critique rationaliste de la religion et de la transcendance, mais il se d&eacute;veloppe par l&rsquo;exploitation de cette exp&eacute;rience, qui est exp&eacute;rience de v&eacute;rit&eacute; minimale, ressentie en personne, que font &laquo;&nbsp;les simples&nbsp;&raquo; dans l&rsquo;immanence, exp&eacute;rience de leur fonction proprement moderne dans la vie sociale d&rsquo;acteur possible dans la production et la politique. &laquo;&nbsp;La conscience d&rsquo;&ecirc;tre partie d&rsquo;une force h&eacute;g&eacute;monique d&eacute;termin&eacute;e (c&rsquo;est-&agrave;-dire la conscience politique) est la premi&egrave;re phase pour une autoconscience ult&eacute;rieure et progressive en laquelle th&eacute;orie et pratique finalement s&rsquo;unifient&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11,12, 1385</em>). </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cette conscience se forme avec des hauts et des bas. Elle n&rsquo;est jamais acquise. D&rsquo;une part, elle peut &ecirc;tre une simple foi qui commande l&rsquo;exercice de la volont&eacute; en des situations de soumission et de d&eacute;faite et elle &laquo;&nbsp;se transforme en acte de foi, en une certaine rationalit&eacute; de l&rsquo;histoire&nbsp;&raquo; qui est &laquo;&nbsp;un substitut de la pr&eacute;destination, de la providence&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11,12, 1388</em>). D&rsquo;autre part, cette foi peut se transformer en foi raisonn&eacute;e dans ses capacit&eacute;s politiques. Elle s&rsquo;&eacute;l&egrave;ve, en effet, quand &laquo;&nbsp;le subalterne devient dirigeant et responsable de l&rsquo;activit&eacute; &eacute;conomique de masse&nbsp;&raquo;&nbsp;: il transforme son sens commun quasi providentialiste et passif en un bon sens, de celui qui est devenu un peu &laquo;&nbsp;protagoniste, qui a cess&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre une chose et devient &ldquo;&nbsp;une personne&rdquo; historique&nbsp;&raquo; responsable. Il n&rsquo;est plus seulement celui qui a foi dans une h&eacute;g&eacute;monie &agrave; venir, qui ne peut que faire acte de r&eacute;sistance aux volont&eacute;s ext&eacute;rieures. Il est devenu &laquo;&nbsp;un agent, et n&eacute;cessairement actif et entreprenant&nbsp;&raquo;. Cette <em>catharsis</em> du r&eacute;sistant passif et fid&eacute;iste en protagoniste actif et agent capable d&rsquo;entreprise raisonn&eacute;e est fragile, certes, et doit &ecirc;tre reproduite ind&eacute;finiment. Mais elle est d&eacute;cisive. Elle est la traduction pratique de l&rsquo;intervention th&eacute;orique de la philosophie de la praxis dans la vision du monde du d&eacute;terminisme m&eacute;caniste et elle contribue &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration de la th&eacute;orie du bloc historique. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ainsi une religion de subalternes &ndash; le marxisme d&eacute;terministe m&eacute;caniste devenu sens commun et v&eacute;cu comme analogue &agrave; la croyance religieuse en la pr&eacute;destination &ndash; laisse place &agrave; un sens commun &laquo;&nbsp;religieux&nbsp;&raquo; renouvel&eacute;. Il devient possible aux subalternes de transformer leur religion passive o&ugrave; domine la foi sur l&rsquo;argumentation rationnelle en une religion plus active qui rend raison historiquement de sa foi et la transforme peu &agrave; peu en conception du monde plus immanente, plus la&iuml;que, plus politique &ndash; que l&rsquo;on peut d&rsquo;abord nommer avec Croce religion de la libert&eacute;. Gramsci n&rsquo;accepte pas cette appellation&nbsp;; il entend la radicaliser et la la&iuml;ciser &agrave; son point maximal de rupture avec le sens commun comme religion des masses subalternes, en la transformant en&nbsp;&laquo;&nbsp;h&eacute;r&eacute;sie de la religion de la libert&eacute;&nbsp;&raquo; dont le propre est d&rsquo;unir simples et intellectuels dans le m&ecirc;me cercle de modifications corr&eacute;latives au sein d&rsquo;une conception du monde int&eacute;grale. Croce entend que la philosophie soit pens&eacute;e comme la v&eacute;rit&eacute; de la religion et que la religion de la libert&eacute;, la&iuml;que, immanente et historiciste soit pens&eacute;e comme philosophie du christianisme purifi&eacute; de sa tentation th&eacute;ologico-politique. Gramsci critique cette religion croc&eacute;eenne comme moment et aspect du christianisme pass&eacute;, r&eacute;cent et contemporain, en particulier du catholicisme : &laquo;&nbsp;Toute religion est une multiplicit&eacute; de religions&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11, 13, 1397</em>) et chacune exige la m&ecirc;me critique et le m&ecirc;me d&eacute;passement que celui qui a &eacute;t&eacute; d&eacute;j&agrave; pr&eacute;cis&eacute; &agrave;&nbsp;propos du rapport entre philosophie et sens commun en g&eacute;n&eacute;ral puisque &laquo;&nbsp;la philosophie est la critique et le d&eacute;passement de la religion et du sens commun&nbsp;&raquo; <em>(Q. 11, 12, 1378</em>). </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La religion de la libert&eacute; pose, en effet, un probl&egrave;me sp&eacute;cifique en ce que la critique que Gramsci lui inflige fait appara&icirc;tre que sa sup&eacute;riorit&eacute; relative s&rsquo;inverse en d&eacute;faut r&eacute;dhibitoire&nbsp;: elle n&rsquo;est pas capable paradoxalement d&rsquo;affronter et de r&eacute;soudre le probl&egrave;me que le catholicisme a su du moins poser&nbsp;: produire &laquo;&nbsp;une unit&eacute; de foi entre une conception du monde et une norme de conduite conforme&nbsp;&raquo;. Le christianisme en tant que catholicisme re&ccedil;oit alors une valeur historique et sociale inattendue&nbsp;: il a compris l&rsquo;importance du rapport &eacute;troit qu&rsquo;il faut maintenir entre religion pratique des simples et religion des intellectuels de la hi&eacute;rarchie. Ce rapport doit &ecirc;tre pens&eacute; et traduit dans la mesure o&ugrave; il traite la question des rapports entre politique et sens commun, c&rsquo;est-&agrave;-dire le probl&egrave;me des rapports entre mouvement ouvrier &ndash; parti prince moderne &ndash; &Eacute;tat &eacute;thico-politique. C&rsquo;est sur ce terrain que l&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie de la religion de la libert&eacute; se constitue. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;expression d&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie de la religion de la libert&eacute; est en fait rare dans les <em>Cahiers.</em> Elle intervient dans la critique de Croce qui poursuivie dans les trois s&eacute;ries des <em>Appunti di Filosofia</em> (<em>Cahiers 4, 7, 8</em>) se concentre dans le <em>Cahier 10 I, 13, 1238</em>. L&rsquo;expression a pour fonction de discuter avant tout de l&rsquo;<em>Histoire de l&rsquo;Europe au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle </em>que Gramsci lit avec passion en 1932 d&egrave;s sa publication partielle par Croce. Il en tire pour la reformuler la notion d&rsquo;histoire &eacute;thico-politique apr&egrave;s avoir montr&eacute; que Croce contredit son immanentisme et son historicisme en r&eacute;duisant toute l&rsquo;histoire sous une formule g&eacute;n&eacute;rique emprunt&eacute;e &agrave; Hegel. L&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie gramscienne consiste dans le refus de ce mode g&eacute;n&eacute;rique de penser l&rsquo;histoire, mais aussi dans la reprise qui est reformulation de l&rsquo;id&eacute;e crocienne d&rsquo;une histoire &eacute;thico-politique, articul&eacute;e &agrave; la compr&eacute;hension des rapports de force d&eacute;finissant le bloc historique et identifiant sans d&eacute;terminisme m&eacute;caniste, l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie.&nbsp;Croce est ici d&rsquo;une aide pr&eacute;cieuse, en effet, en ce qu&rsquo;il permet d&rsquo;introduire des &laquo;&nbsp;&eacute;l&eacute;ments d&rsquo;histoire &eacute;thico-politique dans la philosophie de la praxis&nbsp;: concept d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie, r&eacute;&eacute;valuation du front philosophique, &eacute;tude syst&eacute;matique de la fonction des intellectuels dans la vie &eacute;tatique et historique, doctrine du parti politique comme&nbsp;avant-garde de tout mouvement historique progressif&nbsp;&raquo; (<em>Q. 10 I, 13, 1235-6</em>). Mais Croce compromet ces apports en ce que sa conception de l&rsquo;histoire demeure sp&eacute;culative c&rsquo;est-&agrave;-dire non compl&egrave;tement historiciste, insuffisamment immanentiste.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Gramsci lui adresse deux critiques importantes qui permettent en contre-champ de mieux pr&eacute;ciser son propre historicisme et son propre immanentisme qui d&eacute;finissent l&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie qu&rsquo;il injecte dans la religion de la libert&eacute; pour la transformer en une conception du monde plus conforme aux possibilit&eacute;s et aux t&acirc;ches des subalternes.</span></span></p> <ol> <li><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Tout d&rsquo;abord Croce &eacute;rige en absolu sp&eacute;culatif un principe g&eacute;n&eacute;ral, la libert&eacute;, qui devient malgr&eacute; l&rsquo;historicisme affich&eacute;, sinon une id&eacute;e &eacute;ternelle quasi platonicienne, du moins une m&eacute;tacat&eacute;gorie transhistorique.</span></span></li> </ol> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cette g&eacute;n&eacute;ralit&eacute; abstraite conduit &agrave; r&eacute;duire l&rsquo;histoire &agrave; la lutte &eacute;ternelle entre ce principe et un autre principe contraire, le principe d&rsquo;autorit&eacute;. Croce rend ainsi indistincte l&rsquo;histoire en annulant ses conditions, ses formes complexes et ses luttes sp&eacute;cifiques en une gigantomachie abstraite de principes oppos&eacute;s. Il ne rend pas compte des raisons de la victoire de ce principe de libert&eacute; ou plut&ocirc;t il fait croire que ce principe avait en lui-m&ecirc;me par ses propri&eacute;t&eacute;s logiques le pouvoir miraculeux de devenir h&eacute;g&eacute;monique. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">S&rsquo;il &eacute;tait vrai de mani&egrave;re aussi g&eacute;n&eacute;rique que l&rsquo;histoire du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle avait &eacute;t&eacute; histoire de la libert&eacute;, toute l&rsquo;histoire pr&eacute;c&eacute;dente aurait &eacute;t&eacute; de mani&egrave;re tout autant g&eacute;n&eacute;rique histoire de l&rsquo;autorit&eacute;&nbsp;; tous les si&egrave;cles pr&eacute;c&eacute;dents auraient &eacute;t&eacute; de la m&ecirc;me couleur grise et indistincte, sans d&eacute;veloppement, sans lutte. Il y a plus&nbsp;: un principe h&eacute;g&eacute;monique (&eacute;thico-politique) triomphe apr&egrave;s voir vaincu un autre principe (et apr&egrave;s l&rsquo;avoir subsum&eacute; comme son moment dirait de fait Croce). Mais pourquoi aura-t-il vaincu&nbsp;? Par ses dons intrins&egrave;ques de caract&egrave;re &ldquo;logique&rdquo; et rationnel abstrait&nbsp;? Ne pas rechercher les raisons de cette victoire signifie faire une histoire ext&eacute;rieurement descriptive, sans mise en &eacute;vidence des rapports n&eacute;cessaires et causaux (<em>Q. 10 I, 11, 1236).</em> </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les principes &eacute;thico-politiques sont multiples et si la lutte entre eux est r&eacute;elle et peut se concentrer autour de deux principes, s&rsquo;il y a bien lutte entre deux &laquo;&nbsp;religions&nbsp;&raquo; qui sont des &eacute;l&eacute;ments de l&rsquo;effectivit&eacute; historique, il est th&eacute;oriquement improductif et pratiquement dangereux de se borner &agrave; &laquo;&nbsp;d&eacute;crire l&rsquo;expansion triomphale de l&rsquo;une d&rsquo;entre elles &laquo;&nbsp;alors qu&rsquo;il s&rsquo;agit aussi &ldquo;de la justifier historiquement&rdquo;&nbsp;&raquo;.</span></span></p> <ol start="2"> <li><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ces consid&eacute;rations sur l&rsquo;abstraction anhistorique et sur le caract&egrave;re amorphe de la religion de la libert&eacute; sont en fait accept&eacute;es par Croce malgr&eacute; lui dans la mesure o&ugrave; il est oblig&eacute; de prendre acte du fait que la religion de la libert&eacute; s&rsquo;incarne dans des institutions politiques et se r&eacute;alise en combinaison avec les formes de &laquo;&nbsp;religion populaire&nbsp;&raquo; comme le nationalisme qui est lui-m&ecirc;me pris en combinaison avec le catholicisme.</span></span></li> </ol> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ces combinaisons qui pouvaient contredire le principe de libert&eacute; ont &eacute;t&eacute; combattues par Croce lui-m&ecirc;me qui leur a oppos&eacute; l&rsquo;universalit&eacute; abstraite du principe. Croce n&rsquo;est pas parvenu &agrave; &eacute;laborer un concept d&rsquo;histoire non sp&eacute;culatif parce que chez lui &laquo;&nbsp;l&rsquo;histoire &eacute;thico-politique fait abstraction du concept de bloc historique dans lequel le contenu &eacute;conomique social et la forme &eacute;thico-politique s&rsquo;identifient concr&egrave;tement dans la reconstruction des diverses p&eacute;riodes historiques (<em>Q. 10 I, 11, 1237</em>). La religion de la libert&eacute; pr&eacute;suppose un concept d&rsquo;histoire r&eacute;duit &agrave; &laquo;&nbsp;la pr&eacute;sentation pol&eacute;mique de &ldquo;philosoph&egrave;mes&rdquo; plus ou moins int&eacute;ressants, mais elle n&rsquo;est pas histoire&nbsp;&raquo;. &laquo;&nbsp;L&rsquo;histoire de Croce repr&eacute;sente des &ldquo;figures&rdquo; d&eacute;soss&eacute;es, sans squelette, aux chairs molles et tombantes aussi sous le fard des ornements litt&eacute;raires de l&rsquo;&eacute;crivain&nbsp;&raquo; (<em>Q. 10 I, 11, 1238</em>). Cette histoire est en fait une histoire politique, lib&eacute;rale, de combat. Elle se pare d&rsquo;une &eacute;ternit&eacute; m&eacute;ta-historique alors qu&rsquo;en fait elle intervient et se r&eacute;sout comme politique sur un triple front&nbsp;: elle est oppos&eacute;e au conservatisme catholique, au socialisme et au communisme, au fascisme, &agrave; toutes ces &laquo;&nbsp;religions&nbsp;&raquo; invit&eacute;es &agrave; se laisser m&eacute;taboliser par le lib&eacute;ralisme &eacute;thico-politique de Croce. Ce dernier est la forme th&eacute;orique de la r&eacute;volution passive que le lib&eacute;ralisme entend conduire sans s&rsquo;identifier trop vite au lib&eacute;ralisme &eacute;conomique, pour mieux convaincre les subalternes de son caract&egrave;re ind&eacute;passable et les arracher tout &agrave; la fois au communisme mena&ccedil;ant et au fascisme dominant, l&rsquo;un et l&rsquo;autre &eacute;tant pr&eacute;sent&eacute;s comme deux religions ennemies, mais le fascisme &eacute;tant en fait pire comme une anti-religion quasi diabolique.</span></span></p> <h1>L&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie de la religion de la libert&eacute; et ses traductions&nbsp;: du cercle entre le sentir des simples et le comprendre des intellectuels &agrave; l&rsquo;institution du partir politique d&rsquo;&Eacute;tat</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On peut alors en venir &agrave; la proposition gramscienne : &laquo;&nbsp;Avec le langage de Croce on peut dire que la religion de la libert&eacute; s&rsquo;oppose &agrave; la religion du Syllabus, qui nie en bloc la civilisation moderne&nbsp;; la philosophie de la praxis est une &ldquo;h&eacute;r&eacute;sie&rdquo; de la religion de la libert&eacute; parce qu&rsquo;elle est n&eacute;e sur le m&ecirc;me terrain de la civilisation moderne&nbsp;&raquo; (<em>Q. 10, 1, 13,1238</em>)<em>.</em> En quoi r&eacute;side l&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie&nbsp;? Non pas d&rsquo;abord dans une s&eacute;cularisation des contenus chr&eacute;tiens, ce qui aboutirait &agrave; faire de la philosophie de la praxis une captation gnostique du christianisme et de ses th&egrave;mes &ndash; incarnation, r&eacute;demption, messianisme&nbsp;la&iuml;que, eschatologie de la fin des temps &ndash; comme Karl Lowith le reproche &agrave; Marx et &agrave; Ernst Bloch qui serait sur ce point son interpr&egrave;te fid&egrave;le. Gramsci souligne que l&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie est une autre conception du monde qui r&eacute;affirme la critique fond&eacute;e sur l&rsquo;immanence et l&rsquo;historicisme, non une philosophie post-chr&eacute;tienne du christianisme. Ce qui d&eacute;finit l&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie, c&rsquo;est la forme institutionnelle totalement politique de la religion en tant que conception du monde, c&rsquo;est son aptitude &agrave; h&eacute;riter de la promesse de la modernit&eacute;&nbsp;: l&rsquo;assimilation des masses &agrave; un degr&eacute; sup&eacute;rieur de culture et la r&eacute;duction de l&rsquo;opposition entre gouvernants et gouvern&eacute;s, simples et intellectuels, foi passive, impos&eacute;e, et compr&eacute;hension active et r&eacute;fl&eacute;chie de soi et du monde.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Reprenons une ultime fois un de ces textes synth&eacute;tiques qui formulent la question en mettant en jeu tous les lemmes de la proposition gramscienne : </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En ce point se pose le probl&egrave;me fondamental de toute conception du monde, de toute philosophie qui est devenue un mouvement culturel, une &ldquo;religion&rdquo;, une &ldquo;foi&rdquo;, c&rsquo;est-&agrave;-dire qui ait produit une activit&eacute; pratique et une volont&eacute; et qu&rsquo;en elles soit contenue comme &ldquo;pr&eacute;misse&rdquo; th&eacute;orique implicite (une &ldquo;id&eacute;ologie&rdquo;, pourrait-on dire si au terme d&rsquo;id&eacute;ologie on donne la signification plus &eacute;lev&eacute;e d&rsquo;une conception du monde qui se manifeste implicitement dans l&rsquo;art, dans le droit, dans l&rsquo;activit&eacute; &eacute;conomique, en toutes les manifestations de vie individuelles et collectives), c&rsquo;est-&agrave;-dire le probl&egrave;me de conserver l&rsquo;unit&eacute; id&eacute;ologique, en tout le bloc social qui pr&eacute;cis&eacute;ment est ciment&eacute; et unifi&eacute; par cette id&eacute;ologie d&eacute;termin&eacute;e. La force des religions et sp&eacute;cialement de l&rsquo;&eacute;glise catholique a consist&eacute; et consiste en ce qu&rsquo;elles sentent &eacute;nergiquement la n&eacute;cessit&eacute; de l&rsquo;unit&eacute; doctrinale de toute la masse &ldquo;religieuse&rdquo; et qu&rsquo;elles luttent pour que les couches intellectuellement sup&eacute;rieures ne se d&eacute;tachent pas des inf&eacute;rieures. L&rsquo;&eacute;glise romaine a toujours &eacute;t&eacute; la plus tenace dans la lutte pour emp&ecirc;cher qu&rsquo;&rdquo;officiellement&rdquo; se forment deux religions, celle des &ldquo;intellectuels&rdquo; et celle des &ldquo;&acirc;mes simples&rdquo; (<em>Q. 11, 12, 1380-1</em>). </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La production de cette unit&eacute; id&eacute;ologique a &eacute;t&eacute; manqu&eacute;e par&nbsp;les philosophies id&eacute;alistes immanentistes et par tous les mouvements qui se sont inspir&eacute;s de la Renaissance &ndash; qui fut pourtant un sommet de haute culture.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Elle ne s&rsquo;est&nbsp;pas transform&eacute;e en une nouvelle R&eacute;forme qui, elle, fut un mouvement populaire r&eacute;el mais initialement incapable de s&rsquo;&eacute;lever comme sommet en philosophie. Cette dualit&eacute; entre Renaissance et R&eacute;forme s&rsquo;est reproduite dans la suite de l&rsquo;histoire moderne. Les Lumi&egrave;res fran&ccedil;aises et la R&eacute;volution de 1789 ont r&eacute;ussi &agrave; un moment &agrave; &eacute;lever la culture populaire des simples et les intellectuels ont, &agrave; autre un moment, assimil&eacute; les aspirations populaires. Le jacobinisme repr&eacute;sente ce point haut, mais avec la Restauration cette unit&eacute; a &eacute;t&eacute; bris&eacute;e. Par contre l&rsquo;id&eacute;alisme allemand &ndash; de Kant &agrave; Fichte et &agrave; Hegel &ndash; actualise une figure inverse&nbsp;: il fait franchir &agrave; la haute culture un seuil philosophique jamais atteint, mais sans pouvoir se traduire en force politique aupr&egrave;s des simples pris dans la mis&egrave;re politique allemande.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Marx est une &eacute;tape d&eacute;cisive dans la haute culture et &eacute;claire la possibilit&eacute; objective d&rsquo;une transformation des masses prol&eacute;tariennes. La synth&egrave;se de haut niveau qu&rsquo;il a produit s&rsquo;est cependant disloqu&eacute;e&nbsp;: la r&eacute;forme de masse s&rsquo;est accomplie comme diffusion d&rsquo;une vulgate mat&eacute;rialiste d&eacute;terministe qui st&eacute;rilise le marxisme-l&eacute;ninisme officiel mais peine &agrave; transformer le sens commun des masses en h&eacute;ritant du pass&eacute;. L&eacute;nine a bien &eacute;lev&eacute; la nouvelle conception &agrave; son maximum de politicit&eacute;, sans en mesurer ni penser cependant la dimension de conception du monde sup&eacute;rieure qui est immanente &agrave; sa politique. En Occident l&rsquo;&oelig;uvre de Marx a &eacute;t&eacute; traduite, filtr&eacute;e par l&rsquo;id&eacute;alisme italien qui en a utilis&eacute; certains &eacute;l&eacute;ments pour se rajeunir et d&eacute;velopper son h&eacute;g&eacute;monie dans la haute culture&nbsp;; celle-ci d&eacute;fend avant tout et &agrave; divers titres l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie des classes dirigeantes. Elle a donn&eacute; un coup d&rsquo;arr&ecirc;t &agrave; l&rsquo;assimilation des masses en les maintenant dans une forme de nouvelle&nbsp;&laquo;&nbsp;simplicit&eacute;&nbsp;&raquo; &agrave; laquelle elles consentent et qui les emp&ecirc;che de comprendre les enjeux historiques et politiques et les rend passives.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La question de l&rsquo;appareil d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie scolaire est le test&nbsp;: les penseurs id&eacute;alistes qui se veulent la&iuml;ques ont accept&eacute; le Concordat avec le Vatican qui condamne les masses &agrave; n&rsquo;acc&eacute;der qu&rsquo;&agrave; un enseignement primaire livr&eacute; &agrave; l&rsquo;&Eacute;glise et les expose &agrave; l&rsquo;inculcation de la m&eacute;taphysique traditionnelle et de sa th&egrave;se d&rsquo;une nature humaine immuable et p&eacute;cheresse. Les intellectuels traditionnels qui se veulent modernes &ndash; Croce et Gentile &ndash; ont manifest&eacute; la faiblesse radicale de leur conception du monde&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;ne pas avoir su cr&eacute;er une unit&eacute; id&eacute;ologique entre le bas et le haut, entre les &ldquo;simples&rdquo; et les &ldquo;intellectuels&rdquo;&nbsp;&raquo;. Il s&rsquo;agit alors pour la nouvelle force subalterne de produire ses propres intellectuels &agrave; partir de leur fonction dans la soci&eacute;t&eacute; de production, de les &eacute;duquer &agrave; prendre en compte &laquo;&nbsp;la volont&eacute; des simples de s&rsquo;&eacute;lever &agrave; une forme sup&eacute;rieure de culture et de conception du monde&nbsp;&raquo;, &agrave; interpr&eacute;ter et comprendre ce qu&rsquo;ils sentent sans le comprendre, d&rsquo;&eacute;tablir le cercle du sentir et du comprendre. Les intellectuels nouveaux de ces masses ne peuvent exister socialement qu&rsquo;en s&rsquo;organisant politiquement en un parti politique qui rendra coh&eacute;rents les principes et les probl&egrave;mes que ces masses posent par leur activit&eacute; pratique, en constituant ainsi un bloc culturel et moral. Le parti politique est un appareil d&eacute;cisif : </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans le travail d&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une pens&eacute;e sup&eacute;rieure au sens commun et scientifiquement coh&eacute;rente il n&rsquo;oublie jamais de demeurer au contact des &ldquo;simples&rdquo; et trouve en contact la source des probl&egrave;mes &agrave; &eacute;tudier et &agrave; r&eacute;soudre. C&rsquo;est seulement par ce contact qu&rsquo;une philosophie devient &ldquo;historique&rdquo;, s&rsquo;&eacute;pure des &eacute;l&eacute;ments intellectualistes de nature individuelle et se fait &ldquo;vie&rdquo; (<em>Q. 11, 12, 1382</em>).</span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il ne fait pas de doute que ce travail d&rsquo;&eacute;laboration circulaire exige la formation d&rsquo;intellectuels de type nouveau, d&rsquo;une nouvelle &eacute;lite, d&eacute;mocratique, capable de comprendre, d&rsquo;assimiler et de rectifier tout &agrave; la fois ce que les masses sentent dans leur position sociale et culturelle, afin que les couches populaires puissent produire l&rsquo;effet d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie en assimilant cette haute culture. Cette assimilation pose de nouveaux probl&egrave;mes qu&rsquo;il faudra sentir et comprendre &agrave; leur tour dans ce cercle p&eacute;dagogique qui est la condition de possibilit&eacute; vitale de la transformation du continuum id&eacute;ologique. Il faut penser la n&eacute;cessit&eacute; r&eacute;gissant chaque mouvement culturel qui tend &agrave; substituer le sens commun et les vieilles conceptions du monde&nbsp;: &laquo;&nbsp;travailler incessamment pour &eacute;lever intellectuellement des couches populaires toujours plus vastes, c&rsquo;est-&agrave;-dire pour donner une personnalit&eacute; &agrave; l&rsquo;amorphe &eacute;l&eacute;ment de masse, ce qui signifie travailler &agrave; susciter des &eacute;lites d&rsquo;intellectuels d&rsquo;un type nouveau qui surgissent directement de la masse tout en demeurant en contact avec elle pour devenir les armatures du corset&nbsp;&raquo; (<em>Q. 11, 12&nbsp;, 1392</em>).</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On pourrait croire alors que l&rsquo;analogie du rapport entre masses et &eacute;lites intellectuelles sp&eacute;cifiques organis&eacute;e en parti politique avec le rapport entre simples fid&egrave;les et &eacute;glise hi&eacute;rarchique ne soit pas tant la s&eacute;cularisation compl&egrave;te de la religion qu&rsquo;une version modifi&eacute;e d&rsquo;une pens&eacute;e catholique dont la philosophie h&eacute;rite et dit la v&eacute;rit&eacute; sans &ecirc;tre son autre, en demeurant dans son horizon de pens&eacute;e qui est celui d&rsquo;une transcendance politique d&rsquo;organisation et non pas une immanence d&rsquo;appareil h&eacute;g&eacute;monique. La philosophie de la praxis serait alors un catholicisme cryptique que les penseurs catholiques pourraient consid&eacute;rer comme une d&eacute;viation pa&iuml;enne totalitaire, une h&eacute;r&eacute;sie n&eacute;faste au sens religieux strict du terme. Comment interpr&eacute;ter, en effet, ce texte fameux du <em>Cahier 13</em> qui reprend Machiavel, formule la th&eacute;orie du parti communiste comme prince moderne et qui identifie le continuum id&eacute;ologico-politique comme son terme final (et donc inaugural d&rsquo;un nouveau cycle)&nbsp;?&nbsp;La philosophie de la praxis est-elle une religion politique qui t&eacute;moignerait de l&rsquo;impossibilit&eacute; d&rsquo;une s&eacute;cularisation la&iuml;que puisqu&rsquo;elle reposerait sur le transfert ind&eacute;pass&eacute; d&rsquo;un sch&eacute;ma d&rsquo;organisation religieuse sur le dynamisme de la politique&nbsp;? </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Une partie importante du Prince moderne devra &ecirc;tre consacr&eacute;e &agrave; la question d&rsquo;une r&eacute;forme intellectuelle et morale, c&rsquo;est-&agrave;-dire &agrave; la question religieuse ou &agrave; une conception du monde&nbsp;&raquo;. Celle-ci ne doit pas &ecirc;tre seulement en n&eacute;gatif la fin de la lutte des classes et de l&rsquo;exploitation des masses et en positif la cr&eacute;ation d&rsquo;une h&eacute;g&eacute;monie fond&eacute;e sur un &Eacute;tat &eacute;thico-politique &eacute;largi &agrave; une soci&eacute;t&eacute; civile transform&eacute;e. &laquo;&nbsp;La r&eacute;forme intellectuelle et morale a en d&eacute;finitive pour but immanent la cr&eacute;ation du terrain pour un d&eacute;veloppement ult&eacute;rieur de la volont&eacute; collective nationale populaire orient&eacute;e vers l&rsquo;accomplissement d&rsquo;une forme sup&eacute;rieure et totale de civilisation moderne (<em>Q. 13, 1, 1560</em>). </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La modernit&eacute; s&rsquo;ach&egrave;verait alors en un m&eacute;tacatholicisme fond&eacute; sur une r&eacute;forme intellectuelle et morale qui accomplit &agrave; la fois la R&eacute;forme, &oelig;uvre des simples et des masses, et la Renaissance, &oelig;uvre de la haute culture et de ses intellectuels d&rsquo;&eacute;lite.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On pourrait ainsi se demander sur ce point si Marx et le marxisme sont ici accomplis comme pens&eacute;e-action politique de la lutte r&eacute;volutionnaire des classes subalternes ou plut&ocirc;t d&eacute;plac&eacute;s comme th&eacute;orie de la modernit&eacute; la&iuml;que&nbsp;d&eacute;finie par la religion politique et sa culture. Cette question trouve sa l&eacute;gitimit&eacute; dans le texte qui ach&egrave;ve le paragraphe 1 du <em>Cahier 13</em> :&nbsp;</span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le Prince moderne, en se d&eacute;veloppant, bouleverse tout le syst&egrave;me des rapports intellectuels et moraux en tant que son d&eacute;veloppement signifie pr&eacute;cis&eacute;ment que tout acte est con&ccedil;u comme utile ou dangereux, comme vertueux ou sc&eacute;l&eacute;rat en tant qu&rsquo;il a comme point de r&eacute;f&eacute;rence le Prince moderne lui-m&ecirc;me et sert &agrave; accro&icirc;tre son pouvoir ou &agrave;&nbsp;lui &ecirc;tre contraire. Le Prince prend la place, dans les consciences, de la&nbsp;divinit&eacute; ou l&rsquo;imp&eacute;ratif cat&eacute;gorique, il devient la base d&rsquo;un la&iuml;cisme moderne, d&rsquo;une la&iuml;cisation compl&egrave;te de toute la vie et de tous les rapports &eacute;thiques&nbsp;(<em>Q. 13, 1, 1561</em>). </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;histoire de l&rsquo;URSS stalinienne et du parti unique devenu &Eacute;tat donnerait &agrave; ce texte un sens totalitaire r&eacute;current qu&rsquo;il n&rsquo;a pas. L&rsquo;existence des partis politiques et du syst&egrave;me qui les relie &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat et &agrave; la soci&eacute;t&eacute; civile est bien un moment de la modernit&eacute;. Le risque de religion politique n&rsquo;a pas davantage &eacute;pargn&eacute; le r&eacute;publicanisme la&iuml;que qui a souvent poursuivi l&rsquo;entreprise de s&eacute;paration de l&rsquo;&Eacute;tat et de l&rsquo;&Eacute;glise en d&eacute;veloppant une religion de foi civile organis&eacute;e autour d&rsquo;un signifiant ma&icirc;tre, la R&eacute;publique, avec ses codes et ses prescriptions &eacute;thiques, ses institutions vite f&eacute;tichis&eacute;es, avec son marquage des corps et ses pr&eacute;tentions de civilisation universelle &agrave; exporter dans les colonies. </span></span></p> <h1>En guise de conclusion&nbsp;: la dialectique comme mise en &eacute;quivalence de la philosophie et de la politique</h1> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ce qui fait le propre de la th&egrave;se gramscienne est qu&rsquo;elle repose sur un pr&eacute;suppos&eacute;, celui d&rsquo;une unification culturelle rendue possible et totale de la soci&eacute;t&eacute; par le travail comme assimilation de ses masses fragment&eacute;es et s&eacute;par&eacute;es. Gramsci compte sur les nouvelles conditions de la production &ndash; le fordisme et l&rsquo;am&eacute;ricanisme &ndash; pour cr&eacute;er les bases de cette unification religieuse et culturelle qui est pour lui le sens historique immanent de la modernit&eacute;. On ne lit pas assez les quelques lignes qui pr&eacute;c&egrave;dent le texte cit&eacute; sur le Prince qui &laquo;&nbsp;prend la place de la divinit&eacute; ou de l&rsquo;imp&eacute;ratif cat&eacute;gorique&nbsp;&raquo;. Elles assignent &agrave; la r&eacute;forme intellectuelle et morale une condition &eacute;conomico-politique que l&rsquo;on sous-estime et lui &eacute;vitent de se r&eacute;duire &agrave; une op&eacute;ration culturelle et religieuse, vou&eacute;e &agrave; produire une transcendance incoh&eacute;rente. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Peut-il y avoir une r&eacute;forme culturelle, c&rsquo;est-&agrave;-dire une &eacute;l&eacute;vation civile des couches d&eacute;prim&eacute;es de la soci&eacute;t&eacute;, sans une pr&eacute;c&eacute;dente r&eacute;forme &eacute;conomique et un changement dans la position sociale et dans le monde &eacute;conomique&nbsp;? Voil&agrave; pourquoi une r&eacute;forme intellectuelle et morale ne peut ne pas &ecirc;tre li&eacute;e &agrave; un programme de r&eacute;forme &eacute;conomique, bien au contraire le programme de r&eacute;forme &eacute;conomique est en fait le mode concret sous lequel se pr&eacute;sente toute r&eacute;forme intellectuelle et morale (<em>Q. 13, 1, 1561</em>).</span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie de la religion de la libert&eacute; n&rsquo;hypostasie ni l&rsquo;&Eacute;tat des subalternes ni le parti&nbsp;: ce sont l&agrave; des appareils indispensables pour r&eacute;articuler politique et &eacute;conomie&nbsp;; ils doivent &ecirc;tre objet de la critique des simples et &ecirc;tre contr&ocirc;l&eacute;s par des m&eacute;canismes internes. Ils sont particuli&egrave;rement difficiles &agrave; cr&eacute;er pour deux raisons. D&rsquo;une part, les simples ne peuvent pas adh&eacute;rer politiquement et agir uniquement pour des raisons intellectuelles. Ils ne peuvent pas se dispenser de penser et d&rsquo;agir dans un &eacute;l&eacute;ment domin&eacute; par une foi qui peut &ecirc;tre &eacute;duqu&eacute;e, non &eacute;limin&eacute;. On demeure dans l&rsquo;ordre de la rh&eacute;torique non dans celui de l&rsquo;analytique pour paraphraser Aristote et Vico. D&rsquo;autre part, il est difficile de s&eacute;lectionner dans les masses subalternes les intellectuels n&eacute;cessaires, d&rsquo;autant que ces intellectuels sont, &agrave; leur tour, vou&eacute;s &agrave; se disposer selon des &laquo;&nbsp;hi&eacute;rarchisations d&rsquo;autorit&eacute; et de comp&eacute;tence intellectuelle&nbsp;&raquo;. La r&eacute;volution passive que d&eacute;finit la situation historique consiste sur ce plan &agrave; rejeter les masses dans une activit&eacute; passive subie et &agrave; d&eacute;sagr&eacute;ger par int&eacute;gration, &agrave; d&eacute;capiter les sommets du parti, &agrave; dissoudre sa fraction m&eacute;diane n&eacute;cessaire pour assurer le contact entre simples et intellectuels. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;h&eacute;r&eacute;sie gramscienne affirme sa sp&eacute;cificit&eacute; qui en fait la critique la&iuml;que de ce qui est en d&eacute;finitive un mod&egrave;le analogue mais n&eacute;gatif qu&rsquo;il faut surtout ne pas suivre. </span></span></p> <p style="margin-right: 0cm; text-align: left; margin-left: 40px;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La position de la philosophie de la praxis est antith&eacute;tique &agrave; la position catholique&nbsp;: la philosophie de la praxis ne tend pas &agrave; maintenir les &ldquo;simples&rdquo; dans leur philosophie primitive du sens commun, mais au contraire &agrave; les conduire &agrave; une conception sup&eacute;rieure de la vie. On affirme l&rsquo;exigence du contact entre intellectuels et simples non pas pour limiter l&rsquo;activit&eacute; scientifique et pour maintenir une unit&eacute; au bas niveau des masses, mais pr&eacute;cis&eacute;ment pour construire un bloc intellectuel-moral qui rend politiquement possible un progr&egrave;s intellectuel de masse et non pas seulement celui d&rsquo;un petit nombre de groupes intellectuels (<em>Q. 11, 12, 1384-5)</em>.</span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La question de sa v&eacute;rit&eacute; ne rel&egrave;ve pas d&rsquo;une logique transcendantale&nbsp;; elle se pense comme Machiavel l&rsquo;a montr&eacute;, lui le penseur qui a uni en son temps R&eacute;forme et Renaissance, dans la reconnaissance et la connaissance de la r&eacute;alit&eacute; des rapports de force qui int&egrave;grent des rapports h&eacute;g&eacute;moniques de connaissance. La philosophie de la praxis est bien science dans la mesure o&ugrave; elle inclut la connaissance des rapports de force dans l&rsquo;histoire se faisant et o&ugrave; cette connaissance est constitution d&rsquo;un processus de v&eacute;rit&eacute;. Ce processus a pour enjeu un conflit d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monies relatif &agrave; la r&eacute;alisation de l&rsquo;&eacute;galit&eacute; r&eacute;elle, &agrave; l&rsquo;unification politique et culturelle, pratique et th&eacute;orique, d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; (qui a pour limite le genre humain) &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur d&rsquo;un point de vue de classe et m&ecirc;me de masse. La v&eacute;rit&eacute; philosophique co&iuml;ncide avec la politique comme deux versions de la m&ecirc;me &laquo;&nbsp;chose&nbsp;&raquo; ou <em>realt&agrave; effetuale</em> (Machiavel) en deux langages diff&eacute;rents. La politique n&rsquo;a pas d&rsquo;autre test que le proc&egrave;s d&rsquo;universalisation dans une m&ecirc;me position des dynamiques internes de l&rsquo;histoire. Une force sociale n&rsquo;a une sup&eacute;riorit&eacute; historique que par sa capacit&eacute; &agrave; se faire interpr&egrave;te de cet entrelacs de politique et de v&eacute;rit&eacute; et d&rsquo;orienter les dynamiques sociales jusqu&rsquo;au point d&rsquo;universaliser pratiquement et th&eacute;oriquement sa propre positon au sein d&rsquo;un conflit h&eacute;g&eacute;monique avec les autres. Il y a bien une science vraie qui ne rel&egrave;ve pas des sciences de la nature et qui a pour objet la structure et la transformabilit&eacute; des rapports sociaux et politiques de force et des rapports sociaux de connaissance. La v&eacute;rit&eacute; est ins&eacute;parable du probl&egrave;me de l&rsquo;unification du concept plastique d&rsquo;&laquo;&nbsp;homme&nbsp;&raquo; qui n&rsquo;a rien &agrave; voir avec l&rsquo;id&eacute;e fixe d&rsquo;une nature humaine.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Voil&agrave; pourquoi Gramsci en d&eacute;finitive reformule la dialectique entre forme de la pens&eacute;e et forme contradictoire et conflictuelle du devenir r&eacute;el. Il faut r&eacute;former la r&eacute;forme id&eacute;aliste de la dialectique accomplie par Croce et Gentile et repenser la scientificit&eacute; de Marx comme &eacute;galit&eacute; entre, ou &eacute;quation entre, philosophie et politique&nbsp;: les rapports de forces sont tout autant des rapports de connaissance dans la mesure o&ugrave; ils se structurent dans les luttes pour l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie. L&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie se traduit dans l&rsquo;immanence historique comme capacit&eacute; d&rsquo;assimiler les masses subalternes. Contrairement &agrave; que ce soutenait Althusser, le continuum id&eacute;ologique gramscien n&rsquo;exclut pas la forme de scientificit&eacute;. C&rsquo;est dans les rapports pratiques politiques qui sont des luttes h&eacute;g&eacute;moniques que se m&eacute;diatisent id&eacute;ologie et connaissance critique, foi et v&eacute;rit&eacute;, partialit&eacute; et universalit&eacute;. La philosophie de la praxis est construction d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie en tant qu&rsquo;elle ne peut exister que comme philosophie de masse. La v&eacute;rit&eacute; qu&rsquo;elle construit est objective en tant qu&rsquo;elle est universellement subjective et constitue une v&eacute;rit&eacute;-libert&eacute;. Elle op&egrave;re en &eacute;galisant tendanciellement les diff&eacute;rences entre masses et &eacute;lites, entre les masses m&ecirc;mes et en r&eacute;formant &laquo;&nbsp;religieusement&nbsp;&raquo; les consciences. Elle est unit&eacute; dialectique de philosophie et de sens commun&nbsp;; pour elle la religion est une forme de politique et non l&rsquo;inverse et l&rsquo;id&eacute;ologie est forme de connaissance caract&eacute;ris&eacute;e par des degr&eacute;s quantitativement diff&eacute;rents de v&eacute;rit&eacute; universalisable politiquement et de politicit&eacute; universellement v&eacute;ri-dictive.</span></span></p> <h1>Bibliographie</h1> <h2>&nbsp;</h2> <h2>Textes originaux</h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les <em>Cahiers de la prison</em> sont cit&eacute;s et traduits &agrave; partir de l&rsquo;&eacute;dition italienne de r&eacute;f&eacute;rence &eacute;tablie par Valentino Gerratana, <em>Quaderni del carcere</em>, Torino, Einaudi, &eacute;dition de 2000.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&eacute;sormais nous disposons de l&rsquo;indispensable <em>Dizionario Gramsciano</em> <em>1926-1937</em>, a cura di Guido Liguori e Pasquale Vozza, Roma, Carocci, 2009, 918 p.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Je me permets de renvoyer &agrave; l&rsquo;anthologie <em>Antonio Gramsci Textes choisis</em>, pr&eacute;sent&eacute;s par Andr&eacute; Tosel, Paris, Le Temps des Cerises, 2014.</span></span></p> <h2>Ouvrages utilis&eacute;s</h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">ALTHUSSER L., <em>Lire le Capital</em>, Paris, PUF, 1996.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">BADALONI N., &laquo;&nbsp;Gramsci e la filosofia della prassi come previsione&nbsp;&raquo;, <em>in</em> <em>Storia del Marxismo, vol. III, 2, Dalla crisi del&rsquo; 29 al XX<sup>e</sup> Congresso</em>,Torino, Einaudi, 1981. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">ID.<em>, Il&nbsp;problema dell&rsquo;immanenza nella filosofia politica di Gramsci</em>, Venezia, Arsenale, 1988.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">BUCI-GLUCKSMANN Ch., <em>Gramsci et l&rsquo;&Eacute;tat&nbsp;: pour une th&eacute;orie mat&eacute;rialiste de la philosophie,</em> Paris, Fayard, 1974.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">BURGIO A., <em>Gramsci storico. Una lettura dei </em>&laquo;&nbsp;<em>Quaderni del carcere</em>&nbsp;<em>&raquo;</em>, Roma/Bari, Laterza, 2002. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">DEL NOCE A, <em>Il suicidio della rivoluzione</em>, Milano, Rusconi, 1978.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">FROSINI F., <em>Gramsci e la filosofia. Saggio sui </em>&laquo;&nbsp;<em>Quaderni del carcere&nbsp;&raquo;</em>, Roma, Carocci, 2003. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">ID.<em>, La religione dell&rsquo;uomo moderno. Politia e verit&agrave; nei Gramsci e la filosofia. Saggio sui </em>&laquo;&nbsp;<em>Quaderni del carcere</em>&nbsp;&raquo;<em> di Antonio Gramsci</em>, Roma, Carocci, 2010.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">FROSINI F. &amp; LIGUORI G.<strong>, </strong><em>Le</em> <em>parole di Gramsci. Per un lessico dei </em>&laquo;&nbsp;<em>Quaderni del carcere</em>&nbsp;<em>&raquo;</em>, Roma, Carocci, 2004. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">IVES P. &amp; LACORTE R. (dir.), Gramsci, Language, and Translation, New York/Toronto, Plymouth U.K. Lexington Books, a division of Rowman and Littlefield Publishers, 2010. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">LA ROCCA T., <em>Gramsci e la religione</em>, Brescia, La Queriniana, 1991. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">LOSURDO D.<em>, Gramsci&nbsp;: du lib&eacute;ralisme au </em>&laquo;&nbsp;<em>communisme critique&nbsp;&raquo;</em>, Paris, Syllepse, 2004.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">NARDONE G., <em>Il pensiero di Gramsci</em>, Bari, Di Donato, 1971.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">PAGGI L., <em>Le strategie del potere in Gramsci. Tra fascismo e socialismo in uno solo paese (1923-1926</em>), Roma, Editori Riuniti, 1984. Ce volume contient deux essais majeurs en appendice&nbsp;: &laquo;&nbsp;Il problema Machiavelli&nbsp;&raquo; et &laquo;&nbsp;Da Lenin a Marx. La teoria generale del marxismo in Gramsci&nbsp;&raquo;.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">ROBELIN J., <em>Marxisme et socialisation</em>, Paris, M&eacute;ridiens-Klincksieck, 1988.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">PORTELLI H., <em>Gramsci et la question religieuse</em>, Paris, Anthropos, 1974.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">THOMAS P., <em>The Gramscian Moment</em>, Leiden-Boston, Brill, 2009.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">TOSEL A., <em>Marx en italiques. Aux origines de la philosophie italienne contemporaine,</em> Mauvezin, Editions Trans Europ Repress, 1991. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">ID., <em>Le marxisme du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle</em>, Paris, Syllepse, 2011.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">TRENTIN B., <em>La cit&eacute; du travail. Le fordisme et la gauche</em>, Paris, Fayard, 2012. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;">&nbsp;</p> <div> <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a> ALTHUSSER L. et al., <em>Lire le Capital II, </em>Paris, PUF, 1996 (1968), 688 p., p. 320.</span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a> <em>Idem</em>, p. 321.</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a> Cit&eacute; par ALTHUSSER L., <em>Lire le Capital II,</em> <em>Op. Cit.</em>, p. 321.</span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a> <em>Idem</em>, p. 323-4.</span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a> <em>Idem, </em>p. 327.</span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a> <em>Ibidem.</em></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a> <em>Idem</em>, p. 326.</span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a> <span style="font-size:10.0pt">FROSINI F. et LIGUORI G.<strong>, </strong><em>Le</em> <em>parole di Gramsci. Per un lessico dei </em>&laquo;&nbsp;<em>Quaderni del</em> <em>carcere</em>&nbsp;&raquo;, Roma, Carocci, 2004, 272 p., pp.</span> <span style="font-size:10.0pt">131-149.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[9]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p. 144.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[10]</span></sup></span></sup></a> <em><span style="font-size:10.0pt">Dizionario Gramsciano</span></em><span style="font-size:10.0pt"> <em>1926-1937</em>, a cura di Guido Liguori e Pasquale Vozza, Roma, Carocci, 2009, 918 p., pp. 700-704.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[11]</span></sup></span></sup></a> <span style="font-size:10.0pt">GRAMSCI A., <em>in L&rsquo;Ordine nuovo 1919-1920, </em>A cura di Valentino Gerratana e Antotio A. Santucci, Torino, Einaudi, 1987, p. 636.</span></span></span></p> </div> </div>