<p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:right"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Par Antigone Mouchtouris,</em></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:right"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Professeure de sociologie Universit&eacute; de Lorraine.</em></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Lire et interpr&eacute;ter l&rsquo;&oelig;uvre de Gramsci presque quatre-vingts ans apr&egrave;s sa mort nous permet de revenir sur l&rsquo;histoire politique de l&rsquo;Europe, plus pr&eacute;cis&eacute;ment sur la conception marxiste&nbsp;dans laquelle ses &eacute;crits s&rsquo;engagent et, parall&egrave;lement, conna&icirc;tre la place de cet auteur dans l&rsquo;histoire du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ce que nous allons tenter ici n&rsquo;est pas de d&eacute;montrer l&rsquo;actualit&eacute; de sa pens&eacute;e en cherchant &agrave; savoir comment elle peut nous aider &agrave; comprendre le monde d&rsquo;aujourd&rsquo;hui, mais de cerner sa particularit&eacute; et quelle a &eacute;t&eacute; la place de l&rsquo;imaginaire dans sa pens&eacute;e d&rsquo;inspiration marxiste. En effet, avec l&rsquo;&eacute;chec de l&rsquo;ex-Union sovi&eacute;tique, nous sommes presque oblig&eacute;s, en Europe, de revenir sur l&rsquo;histoire du marxisme&nbsp;; ceci nous permettra de prendre de la distance pour comprendre la signification de l&rsquo;engagement des acteurs qui ont voulu modifier leur environnement social. C&rsquo;est en cela que les &eacute;crits de Gramsci ont une valeur plurielle, aussi bien pour le parti communiste lui-m&ecirc;me que pour la classe ouvri&egrave;re. Parall&egrave;lement, son &oelig;uvre est aussi importante pour les personnes ext&eacute;rieures qui lisaient ces lettres consid&eacute;r&eacute;es comme des &eacute;crits de l&rsquo;histoire du marxisme. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; partir d&rsquo;un corpus tr&egrave;s riche qu&rsquo;il a laiss&eacute; derri&egrave;re lui, nous allons nous focaliser autour de trois th&egrave;mes qui sont particuli&egrave;rement importants pour comprendre son apport &agrave; l&rsquo;enrichissement de la th&eacute;orie post-marxiste : comment parle-t-il du peuple, de l&rsquo;engagement&nbsp;de la classe ouvri&egrave;re et enfin de Marx&nbsp;lui m&ecirc;me ?</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Parmi les marxistes, la pens&eacute;e de Gramsci s&rsquo;est impos&eacute;e &agrave; nous pour ses conceptions originales et tr&egrave;s contemporaines, ainsi que parce qu&rsquo;il a &laquo; pay&eacute; &raquo; de sa propre vie son engagement. Il est consid&eacute;r&eacute; comme quelqu&rsquo;un d&rsquo;&agrave; part par rapport aux autres marxistes et les commentateurs, suite &agrave; ses approches, l&rsquo;ont qualifi&eacute; de marxiste humaniste. On constate par exemple dans ses &eacute;crits qu&rsquo;il n&rsquo;y a aucune r&eacute;f&eacute;rence technocratique. Il se distingue ainsi du marxisme technocratique qui a &eacute;t&eacute; d&eacute;velopp&eacute; plus tard en France par Althusser et qui a &eacute;t&eacute; tr&egrave;s en vogue dans les ann&eacute;es 70. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En effet, il a parl&eacute; du marxisme d&rsquo;une fa&ccedil;on moins structuraliste, en ayant le souci d&rsquo;&ecirc;tre toujours proche du peuple. La forme &eacute;pistolaire qu&rsquo;il a choisie pour exprimer ses opinions et sa conception sur ce que l&rsquo;application du marxisme pourrait apporter au peuple a permis un lien plus directe avec ce dernier. Il a ainsi exprim&eacute; de fa&ccedil;on assez engageante la mani&egrave;re dont il voyait le marxisme et, en m&ecirc;me temps, ce que l&rsquo;application du marxisme pouvait amener au peuple, sans oublier ce que cet engagement signifiait pour ce dernier. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;engagement chez Gramsci exige une adh&eacute;sion &agrave; une id&eacute;ologie et exprime une conception du monde, en l&rsquo;occurrence celle du marxisme. En d&rsquo;autres termes, analyser la conception du monde que ses &eacute;crits d&eacute;gagent et, plus particuli&egrave;rement, la place que l&rsquo;imaginaire y occupe est quelque chose de fort &eacute;difiant. Aucune nouvelle conception du monde ne peut toucher le plus grand nombre sans une r&eacute;f&eacute;rence &agrave; des conceptions mythiques ‒ qui sont diachroniques, si elle n&rsquo;est pas bas&eacute;e sur un corpus impr&eacute;gn&eacute; de l&rsquo;imaginaire d&rsquo;un peuple.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour pouvoir cerner la conception marxiste de Gramsci, nous avons parcouru ses &eacute;crits politiques de 1914 &agrave; 1926 (avant son emprisonnement). Leur forme &eacute;pistolaire lui a permis d&rsquo;atteindre rapidement son objectif, sans d&eacute;tour. Il &eacute;tait tr&egrave;s pr&eacute;occup&eacute; par le fait d&rsquo;analyser et faire comprendre la vie politique en premier lieu par rapport &agrave; sa position au sein du parti communiste italien. Ainsi, dans ses lettres, nous trouvons ses conceptions politiques, mais &eacute;galement ce qu&rsquo;il pense du peuple ou de la classe ouvri&egrave;re. Notamment dans ses premiers &eacute;crits, il parlera de la fa&ccedil;on dont il voit le socialisme, de la place du peuple, de la classe ouvri&egrave;re au sein d&rsquo;un parti politique. Il a essay&eacute; par la m&ecirc;me de nous faire comprendre la fa&ccedil;on dont a progress&eacute; le fascisme. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il a &eacute;t&eacute; proche du peuple, il l&rsquo;a compris et a d&eacute;velopp&eacute; une conception du socialisme, la fa&ccedil;on dont le peuple devait s&rsquo;organiser, mais il a aussi fait comprendre aux membres du parti communiste comment ce peuple r&eacute;agissait. Sa conception du monde s&rsquo;est enrichie au contact du peuple et, pour gagner sa confiance et le faire adh&eacute;rer, il a utilis&eacute; des conceptions qui lui &eacute;taient propres. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est le philosophe Hegel qui, dans son livre <em>La Ph&eacute;nom&eacute;nologie de l&rsquo;esprit</em>, parle de la vision du monde. Cette notion a &eacute;t&eacute; reprise en France, notamment dans l&rsquo;&oelig;uvre de Lucien Goldmann, et a inspir&eacute; Georg Lukaćs. Ainsi, dans son livre <em>Le Dieu cach&eacute;</em>, Lucien Goldmann a analys&eacute; en profondeur cette notion pour nous d&eacute;montrer que, derri&egrave;re chaque grand &oelig;uvre, il y a une certaine id&eacute;e, une certaine mani&egrave;re de concevoir le monde. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;ailleurs, par excellence, la th&eacute;orie marxiste exprime une conception du monde. Nous allons la retrouver, hormis la th&eacute;orie de la lutte des classes, dans le mat&eacute;rialisme historique. Dans celui-ci, Marx exprime sa th&eacute;orie sur la question de la dynamique du progr&egrave;s, concept tr&egrave;s pr&eacute;sent parmi les intellectuels et penseurs du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle, avec celui de l&rsquo;&ecirc;tre historique si l&rsquo;on s&rsquo;int&eacute;resse cette fois au niveau de l&rsquo;acteur. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ces deux notions d&eacute;velopp&eacute;es par Hegel, Marx les a faites siennes et il les a investies dans sa th&eacute;orie mat&eacute;rialiste. Ces principes sont devenus des &eacute;l&eacute;ments constituants de la th&eacute;orie marxiste. Par cons&eacute;quent, tous les marxistes, ensuite, vont les utiliser et, d&rsquo;une mani&egrave;re nette, va appara&icirc;tre une nouvelle id&eacute;ologie bas&eacute;e sur un imaginaire exprimant la sup&eacute;riorit&eacute; de la classe ouvri&egrave;re par le fait qu&rsquo;elle doit jouer un r&ocirc;le historique. Cette probl&eacute;matique du r&ocirc;le historique va nourrir un imaginaire, d&rsquo;une part, sur la supr&eacute;matie de la classe ouvri&egrave;re sur les autres classes et, d&rsquo;autre part, sur la fa&ccedil;on de voir et interpr&eacute;ter l&rsquo;histoire. Cela entra&icirc;ne, en fin de compte, la suppression des probl&egrave;mes. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ceci a permis &agrave; certains penseurs de consid&eacute;rer cette th&eacute;orie comme &eacute;tant messianique&nbsp;: comme pour les religions monoth&eacute;istes, l&agrave; aussi, il y avait une fin aux choses p&eacute;nibles de la vie quotidienne.<br /> C&rsquo;est &agrave; ce niveau que l&rsquo;imaginaire, dans la construction du processus de l&rsquo;adh&eacute;sion, doit convaincre de la n&eacute;cessit&eacute; de devoir adh&eacute;rer &agrave; la cause&nbsp;; car l&rsquo;ouvrier &eacute;tait convaincu de l&rsquo;injustice et de son exploitation. En revanche, pour pouvoir l&rsquo;extraire de sa vie quotidienne et m&ecirc;me de ses peurs, il fallait bien le toucher au niveau de l&rsquo;imaginaire. Comme le signale C. Castoriadis, on constate l&rsquo;impossibilit&eacute; pour un syst&egrave;me de s&rsquo;imposer et m&ecirc;me d&rsquo;exister avec des institutions technocratiques et rationnelles sans avoir une base fond&eacute;e sur l&rsquo;imaginaire. En reprenant ce postulat de Castoriadis, et en analysant les &eacute;crits de Gramsci, nous allons voir quelle forme de l&rsquo;imaginaire a &eacute;t&eacute; mobilis&eacute;e pour nourrir et d&eacute;velopper sa conception du monde inspir&eacute;e par la th&eacute;orie marxiste. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans l&rsquo;&eacute;tat o&ugrave; &eacute;tait la th&eacute;orie marxiste &agrave; l&rsquo;&eacute;poque de Gramsci, elle ne pouvait qu&rsquo;&ecirc;tre envelopp&eacute;e par un imaginaire afin de cr&eacute;er une adh&eacute;sion, une confiance absolue, car l&rsquo;engagement &eacute;tait total compte tenu de ce qui &eacute;tait exig&eacute; comme actions dans la vie quotidienne. La personne issue de la classe ouvri&egrave;re qui s&rsquo;engage dans le parti communiste devait adh&eacute;rer pleinement &agrave; son engagement du fait qu&rsquo;il y avait aussi des prises de risque au niveau individuel. La violence de l&rsquo;opposition &eacute;tait extr&ecirc;mement forte, aussi bien par une violence physique, que par des moyens de persuasion qui tentaient de d&eacute;tourner les ouvriers et le peuple du marxisme. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ainsi le discours adress&eacute; au peuple devait davantage toucher sa subjectivit&eacute; et, particuli&egrave;rement, l&rsquo;intersubjectivit&eacute; de l&rsquo;individu social. Notamment, les militants devaient retrouver dans leurs actions, au-del&agrave; des &eacute;vidences, un sens qui soit collectif&nbsp;; c&rsquo;est en cela que nous nous permettons de parler d&rsquo;intersubjectivit&eacute;.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ceci est ind&eacute;niable, mais &eacute;tudier la vision du monde chez Gramsci, cela veut dire chercher &agrave; comprendre comment le marxisme est interpr&eacute;t&eacute;, comment il a &eacute;t&eacute; compl&eacute;t&eacute; par Gramsci, ce qui lui a permis d&rsquo;&ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un th&eacute;oricien. Nous allons particuli&egrave;rement expliciter comment ces faits se d&eacute;clinent dans sa proposition sociale afin d&rsquo;obtenir l&rsquo;engagement du peuple et d&rsquo;affirmer la parole du parti communiste. Le discours politique est dans une dimension r&eacute;flexive, particuli&egrave;rement dans une circularit&eacute; r&eacute;flexive, car il veut convaincre les personnes ext&eacute;rieures et, en m&ecirc;me temps, forger l&rsquo;esprit &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur du parti. </span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Cambria,serif"><span style="color:#548dd4">&Agrave; propos de la classe ouvri&egrave;re</span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le propre de chaque penseur marxiste est de d&eacute;finir ses rapports avec le concept de peuple, car il est impossible d&rsquo;&ecirc;tre marxiste sans justifier son approche par rapport &agrave; lui. Tout d&rsquo;abord, nous devons toutefois signaler que Gramsci parle tant&ocirc;t du peuple, tant&ocirc;t de la classe ouvri&egrave;re, mais qu&rsquo;il utilise aussi le terme de &laquo; masse &raquo;. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le mot &laquo; peuple &raquo;, il s&rsquo;en servait lorsqu&rsquo;il parlait de l&rsquo;Italie en g&eacute;n&eacute;ral et, plus particuli&egrave;rement des personnes issues des couches modestes, &agrave; propos de la culture et de l&rsquo;&eacute;ducation. Il parle de la classe ouvri&egrave;re d&rsquo;une fa&ccedil;on pr&eacute;pond&eacute;rante pour son r&ocirc;le historique, sa mission r&eacute;volutionnaire, et son engagement. Il se r&eacute;f&egrave;re &agrave; ses souffrances dues au ch&ocirc;mage et &agrave; la gr&egrave;ve. Tandis qu&rsquo;il utilise le terme de &laquo; masse &raquo; plut&ocirc;t dans le contexte expliquant la mont&eacute;e du fascisme&nbsp;: &laquo; les masses paysannes m&eacute;ridionales &raquo;<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a>. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La fa&ccedil;on dont il utilise ce terme n&rsquo;a aucune signification p&eacute;jorative, comme cela va le devenir plus tard, notamment &agrave; notre &eacute;poque. Il signifie pour lui le grand nombre lorsque les deux cat&eacute;gories, paysans et prol&eacute;taires, doivent se r&eacute;unir et qu&rsquo;il se r&eacute;f&egrave;re aux &laquo; masses laborieuses &raquo;. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En effet, &agrave; travers la place qu&rsquo;il donne &agrave; la classe ouvri&egrave;re, comme moteur d&rsquo;une nouvelle r&eacute;alit&eacute;, il affirme fortement sa relation et son approche th&eacute;orique avec le marxisme, plus particuli&egrave;rement avec le mat&eacute;rialisme dialectique et sa conception du monde sur le r&ocirc;le historique de lib&eacute;ration de &laquo; l&rsquo;esclavage &raquo;. Marx avait davantage parl&eacute; de la classe ouvri&egrave;re que du peuple pour arriver &agrave; d&eacute;finir le r&ocirc;le social de la premi&egrave;re dans la lutte des classes en d&eacute;finissant que celle-ci avait un r&ocirc;le historique &agrave; jouer. En revanche, Gramsci passe d&rsquo;un terme &agrave; l&rsquo;autre selon le contexte et ce qu&rsquo;il veut d&eacute;montrer&nbsp;; ainsi, il n&rsquo;a pas pu &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme un marxiste scolastique. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;ailleurs, la conception de l&rsquo;intellectuel organique d&eacute;montre qu&rsquo;il avait une relation affectueuse avec le peuple et qu&rsquo;il fallait que l&rsquo;intellectuel soit l&agrave; et devienne son porte-parole. Autrement dit, nous sommes face &agrave; une interpr&eacute;tation de l&rsquo;all&eacute;gorie de Platon o&ugrave; celui qui a vu la lumi&egrave;re en premier n&rsquo;oublie jamais le plus faible, le peuple. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il &eacute;crit dans ses textes de 1914-1920&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Les masses ouvri&egrave;res sont abattues, il faut leur infuser une foi, il faut donner une substance concr&egrave;te &agrave; leur espoir&hellip; Le ch&ocirc;mage signifie le licenciement, il signifie manquer de v&ecirc;tements, il signifie pr&eacute;voir l&rsquo;avenir comme une temp&ecirc;te de douleurs et de souffrances&hellip; &Agrave; leurs femmes, &agrave; leurs enfants, &agrave; leurs vieillards, les ouvriers ne peuvent tout de m&ecirc;me pas aller dire que leurs souffrances d&eacute;pendent d&rsquo;une &ldquo;thrombose&rdquo; ou d&rsquo;un &ldquo;&eacute;l&eacute;phantiasis&rdquo; du r&eacute;gime &eacute;conomique&nbsp;; ils doivent dire si &ccedil;a va durer longtemps ou peu, s&rsquo;il y a de l&rsquo;espoir, si l&rsquo;on fait quelque chose&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a>.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Gramsci r&eacute;sume les points de vue et les attitudes face &agrave; la vie quotidienne des ouvriers et des intellectuels. D&rsquo;un c&ocirc;t&eacute;, l&rsquo;ouvrier avec ses probl&egrave;mes, la difficult&eacute; de vivre et de faire vivre sa famille et, de l&rsquo;autre, l&rsquo;intellectuel avec sa conceptualisation. En revanche, lui s&rsquo;est d&eacute;fini comme un m&eacute;diateur qui veut faire en sorte que ces deux cat&eacute;gories communiquent et, surtout, que les intellectuels arrivent &agrave; comprendre la vie et les difficult&eacute;s que rencontrent les ouvriers&nbsp;; &ecirc;tre plus proche d&rsquo;eux en mesurant les pr&eacute;occupations pour faire face &agrave; leur vie quotidienne.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cependant, Gramsci pense que le devoir de l&rsquo;intellectuel est d&rsquo;&ecirc;tre proche du peuple, mais, en m&ecirc;me temps, il croit &agrave; l&rsquo;autonomie&nbsp;; c&rsquo;est pour cela qu&rsquo;il a d&eacute;velopp&eacute; toute une conception sur l&rsquo;&eacute;ducation du peuple. Sans cette &eacute;ducation, le peuple ne pourra pas trouver son autonomie et sera assujetti aux manipulations. D&rsquo;ailleurs, comme nous allons le voir, ses r&eacute;flexions et ses propositions sur l&rsquo;&eacute;ducation du peuple sont tr&egrave;s contemporaines et, m&ecirc;me, il serait encore possible de s&rsquo;en inspirer. </span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Cambria,serif"><span style="color:#548dd4">L&rsquo;&eacute;ducation entre la culture g&eacute;n&eacute;rale et le d&eacute;veloppement du discernement</span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En lisant ses &eacute;crits, nous sommes tr&egrave;s surpris de voir qu&rsquo;il a une fa&ccedil;on de penser l&rsquo;&eacute;ducation qui a &eacute;t&eacute; tout &agrave; fait diff&eacute;rente de celle que nous supposons chez les philosophes mat&eacute;rialistes, tr&egrave;s pragmatique. Gramsci n&rsquo;est pas un utilitariste, sa conception de l&rsquo;&eacute;ducation est au-dessus de la moyenne des intellectuels marxistes du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. D&rsquo;une part, il reconnaissait l&rsquo;existence d&rsquo;une culture populaire et, d&rsquo;autre part, il avait une haute conception de la culture qu&rsquo;il fallait que les fils d&rsquo;ouvriers obtiennent&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;[&hellip;] il faut perdre l&rsquo;habitude et cesser de concevoir la culture comme un savoir encyclop&eacute;dique vis-&agrave;-vis duquel l&rsquo;homme fait seulement figure de r&eacute;cipient &agrave; remplir et bourrer de donn&eacute;es empiriques, des faits bruts et isol&eacute;s, qu&rsquo;il devra ensuite classer soigneusement dans son cerveau comme dans les colonnes d&rsquo;un dictionnaire, afin d&rsquo;&ecirc;tre en mesure, en toutes occasions, de r&eacute;pondre aux diverses sollicitations du monde ext&eacute;rieur&nbsp;; une telle forme de culture est v&eacute;ritablement n&eacute;faste&nbsp;; en particulier pour le prol&eacute;tariat&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a>.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En &eacute;tudiant ces propos, on ne peut qu&rsquo;&ecirc;tre d&rsquo;accord avec lui sur la conception qu&rsquo;il a de la culture&nbsp;; il est &agrave; la fois critique et m&ecirc;me ironique sur l&rsquo;aspect scolastique de l&rsquo;apprentissage scolaire, qu&rsquo;il trouve extr&ecirc;mement scl&eacute;ros&eacute;, qui n&rsquo;apprend rien d&rsquo;autre aux jeunes que d&rsquo;&ecirc;tre des perroquets pour pouvoir r&eacute;p&eacute;ter ces connaissances st&eacute;riles lors des mondanit&eacute;s sociales. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On peut noter que sa conception ne touche pas seulement la classe ouvri&egrave;re, mais est valable pour tout le monde, car en utilisant la m&eacute;taphore de r&eacute;cipient pour d&eacute;signer le cerveau humain, il d&eacute;montre la fonction p&eacute;dagogique qu&rsquo;il attribue &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation. Celle-ci est consid&eacute;r&eacute;e comme n&eacute;faste, particuli&egrave;rement pour le prol&eacute;tariat, car on verra plus tard qu&rsquo;il pense que le prol&eacute;tariat a besoin d&rsquo;une &eacute;ducation humaniste. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Face &agrave; cela, il pr&ocirc;ne pour les ouvriers une &eacute;ducation&nbsp;de qualit&eacute;&nbsp;; pour lui, cela signifie une &eacute;ducation qui apprend &agrave; un jeune &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir par lui-m&ecirc;me. Il a notamment &eacute;t&eacute; tr&egrave;s critique envers l&rsquo;apprentissage d&eacute;livr&eacute; aux jeunes ouvriers, trop sp&eacute;cialis&eacute;, tr&egrave;s professionnel, qui les am&egrave;ne forc&eacute;ment vers un m&eacute;tier tout trac&eacute;. Il &eacute;tait ainsi vraiment farouchement oppos&eacute; &agrave; ces types d&rsquo;hypersp&eacute;cialisation puisque lui-m&ecirc;me qualifiait ces &eacute;coles d&rsquo;&laquo; <em>incubateurs pour petits monstres</em> <em>s&egrave;chement instruits en vue d&rsquo;un m&eacute;tier </em>&raquo;<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[4]</span></sup></sup></a>&hellip; </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans la m&ecirc;me lettre, il critique vivement cette forme d&rsquo;&eacute;ducation en se r&eacute;f&eacute;rant au pauvre &eacute;tudiant qui conna&icirc;t trois mots de latin qu&rsquo;il va utiliser en soci&eacute;t&eacute;, en disant que ces types de formation <em>cr&eacute;ent des d&eacute;class&eacute;s</em> qui ne connaissent pas la soci&eacute;t&eacute; et que de plus, cette cat&eacute;gorie de personnes se croit sup&eacute;rieure aux autres. D&rsquo;ailleurs, pour lui, ces apprentissages n&rsquo;ont rien &agrave; voir avec l&rsquo;intelligence. Ce n&rsquo;est pas une forme d&rsquo;intelligence qu&rsquo;il y reconna&icirc;t, mais ce qu&rsquo;il appelle de <em>l&rsquo;intellectualisme</em>. Son humanisme est pr&eacute;sent quand il d&eacute;finit la culture comme un moyen pour l&rsquo;&ecirc;tre humain d&rsquo;organiser son moi int&eacute;rieur. Mais ce travail int&eacute;rieur lui permet de comprendre ce qui s&rsquo;est pass&eacute; autour de lui et, particuli&egrave;rement, sa <em>valeur historique</em> et c&rsquo;est en exprimant cela et en critiquant sa soci&eacute;t&eacute; qu&rsquo;il exprime sa position par rapport &agrave; Marx et &agrave; ce qu&rsquo;il &eacute;crit dans son livre <em>La philosophie allemande</em>, sur la formation de la conscience de la classe ouvri&egrave;re et de son ali&eacute;nation&nbsp;: selon Marx, elle est ali&eacute;n&eacute;e car elle ne d&eacute;fend pas ses int&eacute;r&ecirc;ts, alors que, pour Gramsci, cela est d&ucirc; &agrave; l&rsquo;absence d&rsquo;&eacute;ducation.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Eacute;ducation ne rime pas avec formation technique o&ugrave; l&rsquo;individu serait comme &laquo; une machine&nbsp;&raquo;. Pour lui, une personne bien &eacute;duqu&eacute;e est une personne &agrave; laquelle il faudrait ouvrir des horizons, avec des id&eacute;es g&eacute;n&eacute;rales, une culture g&eacute;n&eacute;rale, pour lui permettre de d&eacute;velopper un jugement qu&rsquo;il caract&eacute;rise lui-m&ecirc;me comme <em>une &eacute;cole humaniste en somme</em>. Ainsi Gramsci &eacute;tait toujours tr&egrave;s proche du peuple, ce que l&rsquo;on constate particuli&egrave;rement dans ses lettres &eacute;crites &agrave; Vienne. Il y fait remarquer que celui-ci lui manque lorsqu&rsquo;il n&rsquo;est pas en mesure de prendre sa temp&eacute;rature.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En ce sens, quand il analyse le pourquoi de l&rsquo;adh&eacute;sion de la classe ouvri&egrave;re ou des masses, selon les termes qu&rsquo;il emploie, il dit que si elles adh&egrave;rent au fascisme, cela est d&ucirc; &agrave; l&rsquo;absence de culture, mais aussi &agrave; l&rsquo;absence d&rsquo;id&eacute;ologie qui pourrait leur donner <em>des certitudes de caract&egrave;re moral et psychologique</em>. Dans cette lettre, il poursuit sa critique par une phrase sur la persuasion qui, visiblement, a circul&eacute; durant cette p&eacute;riode&nbsp;: &laquo;<em> </em>Qui sait m&ecirc;me nous, &agrave; force de persuasion, nous pourrons devenir fascistes<em>&nbsp;</em>&raquo;<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a> ? Il y a plusieurs choses qui nous font remarquer que l&rsquo;absence de culture et d&rsquo;id&eacute;ologie est ce qui contribue &agrave; ce que les ouvriers deviennent fascistes.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En fin de compte, nous pouvons r&eacute;sumer sa conception sur l&rsquo;&eacute;ducation du peuple en trois parties&nbsp;: </span></span></p> <ol> <li style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La critique de la culture livresque, celle qui ne permet pas &agrave; l&rsquo;individu de d&eacute;velopper sa pens&eacute;e, mais le remplit de connaissances comme on en trouve dans une encyclop&eacute;die. M&ecirc;me si Gramsci s&rsquo;est exprim&eacute; sur les besoins &eacute;ducationnels de la classe ouvri&egrave;re, on peut dire qu&rsquo;ils concernent pareillement tous les &ecirc;tres humains.</span></span></li> </ol> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;ailleurs, cette fa&ccedil;on de voir l&rsquo;&ecirc;tre humain par la n&eacute;gation est fort constructive et met en cause, non seulement les connaissances livresques, mais aussi les consid&eacute;rations v&eacute;hicul&eacute;es &agrave; son &eacute;poque sur les capacit&eacute;s intellectuelles de l&rsquo;&ecirc;tre humain.</span></span></p> <ol start="2"> <li style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La fonction de la culture pour les<strong> </strong>prol&eacute;taires ‒ mais, l&agrave; aussi il est possible d&rsquo;extrapoler et de parler de tous les &ecirc;tres humains. L&rsquo;&eacute;ducation ne repr&eacute;sente pas des connaissances st&eacute;riles, mais a pour fonction de d&eacute;velopper l&rsquo;&ecirc;tre humain pour rendre intelligible sa soci&eacute;t&eacute; et comprendre ce qui se passe autour de lui. Ceci n&rsquo;est pas possible avec un verni social. </span></span></li> <li style="text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;autre part, le r&ocirc;le des sophistes appara&icirc;t en ce qui concerne la question de la persuasion. &eacute;tant un intellectuel italien ayant une formation classique, il ne peut ignorer cet art r&eacute;thorique, ne serait-ce qu&rsquo;avec le d&eacute;bat chez Platon dans son livre <em>Gorgias</em> sur l&rsquo;art de la persuasion. Pour Gramsci, il ne s&rsquo;agit pas l&agrave; d&rsquo;une question d&rsquo;ali&eacute;nation, mais d&rsquo;un danger tangible, car ils savent persuader ; et ce risque existe m&ecirc;me pour les cadres du parti. La persuasion est une arme redoutable dont on doit se m&eacute;fier, m&ecirc;me pour les personnes qui en ont conscience. Cela n&rsquo;est pas sans nous rappeler Hannah Arendt qui a &eacute;t&eacute; dans cette lign&eacute;e de penseurs ayant alert&eacute; l&rsquo;opinion en disant qu&rsquo;un militant nazi peut &ecirc;tre un homme ordinaire. </span></span></li> </ol> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Son mod&egrave;le &eacute;ducationnel s&rsquo;apparente &agrave; la culture gr&eacute;co-latine et &agrave; celle de la Renaissance, et non au monde capitaliste et bourgeois du XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle fond&eacute; sur une conception utilitariste. Il a une vision classique de l&rsquo;&eacute;ducation et, de plus, il souhaite qu&rsquo;elle soit partag&eacute;e avec toutes les personnes, qu&rsquo;elle ne reste pas le privil&egrave;ge de certains individus. On dirait qu&rsquo;il est afflig&eacute; de constater que les enfants du peuple, les fils des prol&eacute;taires, ne sont pas libres de s&rsquo;&eacute;duquer, mais que, comme des esclaves, ils sont dirig&eacute;s vers une professionnalisation, contraints de suivre &laquo;&nbsp;une &eacute;cole de l&rsquo;esclavage et de dressage m&eacute;caniste&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a>. Le mod&egrave;le qu&rsquo;il propose pour les fils d&rsquo;ouvriers, c&rsquo;est de les nourrir avec la libert&eacute;. Il est conscient qu&rsquo;il y a une image r&eacute;flexive dans le syst&egrave;me d&rsquo;&eacute;ducation, que l&rsquo;esprit exige d&rsquo;&ecirc;tre nourri mais que, si l&rsquo;on ne lui donne que des apprentissages tr&egrave;s proches de la r&eacute;alit&eacute;, on n&rsquo;y parvient pas et cela ne permet pas de voir &laquo; la vie en grand&nbsp;&raquo;&nbsp;avec de la distance, d&rsquo;avoir du discernement, et que de ce fait le jeune restera attach&eacute; aux petits int&eacute;r&ecirc;ts de la vie quotidienne. Son marxisme est &eacute;minemment humaniste, bas&eacute; sur le d&eacute;veloppement de l&rsquo;individu et, par cons&eacute;quent, il veut amener une justice sociale bas&eacute;e sur son autonomie, loin des conceptions marxistes orthodoxes sur la classe ouvri&egrave;re. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous venons de voir, &agrave; travers les propos et la conception de Gramsci, qu&rsquo;il a vraiment r&eacute;fl&eacute;chi &agrave; ce th&egrave;me et, d&rsquo;autre part, qu&rsquo;il donne &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation une fonction essentielle, celle de lib&eacute;ration,&nbsp;de moyen pour<em> </em>le fils d&rsquo;ouvrier d&rsquo;apprendre le monde qui l&rsquo;environne et de ne pas devenir une machine ex&eacute;cutante. Gramsci propose une rupture avec l&rsquo;&eacute;ducation m&eacute;caniste et de ne pas ob&eacute;ir &agrave; la production industrielle et utilitariste<strong><u> </u></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous pouvons signaler que le d&eacute;bat est toujours d&rsquo;actualit&eacute;&nbsp;: celui qui oppose l&rsquo;&eacute;ducation utile, celle qui donne des aptitudes, des connaissances imm&eacute;diatement utilis&eacute;es, &agrave; une culture classique qui cultive notre monde int&eacute;rieur. Gramsci n&rsquo;est pas compl&egrave;tement hostile &agrave; l&rsquo;&eacute;ducation professionnelle, mais &agrave; condition qu&rsquo;elle soit une &laquo;&nbsp;culture &eacute;ducative&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a>. Il prend part &agrave; ce d&eacute;bat de mani&egrave;re vigoureuse, car, nous dit-il, les capitalistes pr&eacute;f&egrave;rent avoir des &laquo;&nbsp;ouvriers machines&nbsp;&raquo; que propager une &eacute;ducation qui apprend &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir. Il est aussi possible d&rsquo;extrapoler son discours&nbsp;: premi&egrave;rement, trouver qu&rsquo;il reste d&rsquo;une grande actualit&eacute; et, ensuite, qu&rsquo;il est vraiment tr&egrave;s int&eacute;ressant de d&eacute;finir le r&ocirc;le de l&rsquo;&eacute;ducation comme il l&rsquo;a fait, la vision qui s&rsquo;en d&eacute;gage et par la m&ecirc;me de d&eacute;couvrir quel marxisme il pr&ocirc;nait.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le mod&egrave;le que propose Gramsci nourrit l&rsquo;imaginaire et le raisonnement humain. C&rsquo;est un mod&egrave;le diachronique qui ne peut &ecirc;tre d&eacute;pass&eacute; par le temps ce qui le rend d&rsquo;autant plus int&eacute;ressant&nbsp;: sujet de r&eacute;flexion pour toutes les g&eacute;n&eacute;rations et tous les &ecirc;tres humains au-del&agrave; de la classe sociale. </span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Cambria,serif"><span style="color:#548dd4">&Agrave; propos de l&rsquo;engagement </span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans ses lettres, Gramsci revient souvent &agrave; la question de l&rsquo;intention et des int&eacute;r&ecirc;ts de la communaut&eacute; et aussi &agrave; la pr&eacute;occupation de faire comprendre, notamment &agrave; la classe ouvri&egrave;re, &agrave; la masse, que son int&eacute;r&ecirc;t doit s&rsquo;inscrire dans celui de la collectivit&eacute;. Ce que, dans l&rsquo;Antiquit&eacute; grecque, on nommait <em>&Tau;&alpha; &kappa;&omicron;&iota;&nu;&alpha;</em>, ce qu&rsquo;il y a de commun entre les &ecirc;tres humains. En l&rsquo;occurrence&nbsp;: la s&eacute;curit&eacute;, l&rsquo;assurance, la confiance et les int&eacute;r&ecirc;ts communs fond&eacute;s sur la justice sociale, o&ugrave; tous les membres de la communaut&eacute; se retrouvent dans la m&ecirc;me enceinte. C&rsquo;est en s&rsquo;engageant &agrave; l&rsquo;action transformatrice au niveau du syst&egrave;me que l&rsquo;individu sera capable d&rsquo;acc&eacute;der au pouvoir. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La notion d&rsquo;engagement est fort importante dans le paysage politique depuis le XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle. Elle peut se d&eacute;finir &agrave; la fois comme un contenu, comme une attitude de vie, mais aussi comme une temporalit&eacute;. On s&rsquo;engage au pr&eacute;sent pour un futur, jamais pour le pass&eacute;. Au niveau du contenu, l&rsquo;engagement a un double sens&nbsp;: l&rsquo;acteur social s&rsquo;engage, mais, en m&ecirc;me temps, l&rsquo;engagement est une forme de contrat. Donc, l&rsquo;individu adh&egrave;re &agrave; une id&eacute;e politique, tandis que le parti politique, en l&rsquo;occurrence le parti communiste, se doit de respecter cet engagement. Il y a une transitivit&eacute; circulaire dans l&rsquo;engagement. Gramsci en est conscient et il va utiliser des termes pour sensibiliser l&rsquo;individu et les personnes du parti politique &agrave; leurs responsabilit&eacute;s. Car le parti doit s&rsquo;engager &agrave; d&eacute;fendre l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t et les id&eacute;aux des adh&eacute;rents pour atteindre leur objectif, mais, pour cela, il leur faut suivre ce que le parti leur indique. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ainsi, dans l&rsquo;engagement, il y a aussi une attitude de vie, c&rsquo;est-&agrave;-dire une intentionnalit&eacute; qui va permettre &agrave; l&rsquo;individu social de d&eacute;laisser ses int&eacute;r&ecirc;ts, son ego individuel, au profit de l&rsquo;ego collectif. L&rsquo;engagement est individuel, mais le contenu fait appel &agrave; une intersubjectivit&eacute;. Dans cette attitude de vie, un param&egrave;tre s&rsquo;av&egrave;re tr&egrave;s important&nbsp;: la volont&eacute; de gagner, une concentration sur l&rsquo;objectif afin de pouvoir l&rsquo;atteindre. Cette dimension temporelle projette l&rsquo;individu dans l&rsquo;avenir et cela devient possible gr&acirc;ce au renoncement personnel afin de se consacrer aux int&eacute;r&ecirc;ts de sa classe sociale. </span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Cambria,serif"><span style="color:#548dd4">Le sacrifice, une attitude sociale</span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le terme sacrifice am&egrave;ne son lecteur &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; la pesanteur de l&rsquo;investissement personnel. En effet, on est devant une conception inspir&eacute;e de l&rsquo;esprit chr&eacute;tien, ainsi que celle de la justice sociale, qui d&eacute;gage une certaine perception sociale. &Agrave; un niveau personnel, il &eacute;voque en termes d&rsquo;investissement un engagement total. Parall&egrave;lement, en utilisant ce terme, il atteint l&rsquo;imaginaire des ouvriers, car ils &eacute;taient familiers avec cette notion. Donc, &agrave; travers ce mot, Gramsci nous parle des effets dynamiques de l&rsquo;engagement. Il s&rsquo;adresse &eacute;galement aux membres du parti pour qu&rsquo;ils puissent comprendre que l&rsquo;engagement des ouvriers n&rsquo;est pas une vaine histoire, il s&rsquo;agit de quelque chose qui co&ucirc;te car l&rsquo;individu investit en prenant des risques pour sa propre survie et celle de ses proches. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le terme de &laquo;&nbsp;sacrifice &raquo; est utilis&eacute; par Gramsci de deux fa&ccedil;ons&nbsp;: lorsque les ouvriers font gr&egrave;ve et qu&rsquo;ils se donnent corps et &acirc;me &agrave; la cause, mais aussi pour &eacute;voquer la fa&ccedil;on que la soci&eacute;t&eacute; a de sacrifier les ouvriers pour pouvoir faire avancer le reste, le &laquo;&nbsp;petit nombre &raquo;&nbsp;: les capitalistes. La notion de sacrifice est d&eacute;finie &agrave; la fois lorsqu&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; sacrifie ses membres pour son propre bien-&ecirc;tre, mais aussi comme le sacrifice de la personne pour son salut&nbsp;: &laquo;&nbsp;Une fois qu&rsquo;une classe s&rsquo;est r&eacute;veill&eacute;e de l&rsquo;esclavage, elle ne peut renoncer &agrave; combattre pour son salut&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a>. En ce sens, se sacrifier pour son salut n&rsquo;est pas un acte d&rsquo;ordre spirituel, mais bel et bien terrestre, contre l&rsquo;exploitation capitaliste. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans ses lettres des ann&eacute;es 1920, il s&rsquo;exprime sur les mouvements sociaux et, plus particuli&egrave;rement, sur la mont&eacute;e du fascisme. Pour que l&rsquo;ensemble soit bien compr&eacute;hensible, il nous faut toutefois restituer le contexte. Le 10 juin 1924, le d&eacute;put&eacute; socialiste Giacomo Matteotti a &eacute;t&eacute; assassin&eacute; par les fascistes. Suite &agrave; cet &eacute;v&eacute;nement tragique, les r&eacute;actions des ouvriers et des militants se sont radicalis&eacute;es et des ouvriers se sont tourn&eacute;s vers le parti communiste&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Par leur geste, ils disent &agrave; leurs camarades que le sacrifice de Matteotti s&rsquo;honore en travaillant &agrave; la cr&eacute;ation du seul instrument qui accomplira et r&eacute;alisera l&rsquo;id&eacute;e dont il &eacute;tait anim&eacute;, l&rsquo;id&eacute;e de la r&eacute;demption totale des travailleurs&nbsp;: le parti de classe des ouvriers, le parti de la r&eacute;volution prol&eacute;tarienne<em> </em>&raquo;<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[9]</span></sup></sup></a>.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&nbsp;Gramsci y a vu un symbole. C&rsquo;est ainsi qu&rsquo;il explique le mobile des ouvriers &agrave; s&rsquo;engager. En quelque sorte, Matteotti devient un h&eacute;ros. L&rsquo;Italie a &eacute;t&eacute; secou&eacute;e par ce meurtre et, en suivant la pens&eacute;e de Gramsci, il devient un exemple et Matteotti est indirectement compar&eacute;, par l&rsquo;utilisation du terme &laquo;&nbsp;r&eacute;demption &raquo;, au Christ&nbsp;: il s&rsquo;est sacrifi&eacute; pour une cause, pour prot&eacute;ger le peuple. D&rsquo;ailleurs, comme Gramsci le signale, les ouvriers du parti socialiste qui vont adh&eacute;rer au parti communiste le font pour le rachat de la souffrance du peuple qui ne pourrait se produire en dehors du parti communiste.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ainsi, le parti communiste a une mission, celle du rachat de la souffrance en imposant sur terre la justice sociale, notamment en abolissant l&rsquo;esclavage et, par cons&eacute;quent, l&rsquo;exploitation. Cette fa&ccedil;on d&rsquo;illustrer le parti politique, notamment le parti communiste, ne peut que sensibiliser davantage le peuple et, en lui donnant cette image de &laquo;&nbsp;mission &raquo;, le toucher. Car il y a une vraisemblance au niveau de la sensibilit&eacute; imaginative qui le rapproche fortement de la religion chr&eacute;tienne. Mais si cette derni&egrave;re correspond au monde spirituel, le terme de r&eacute;demption a &eacute;t&eacute; utilis&eacute; ici pour d&eacute;finir ce qui peut se passer dans le monde terrestre. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La r&eacute;demption de la classe ouvri&egrave;re ne peut s&rsquo;obtenir que par le parti, il s&rsquo;agit de son r&ocirc;le historique. Ce terme r&eacute;demption est utilis&eacute; au niveau de la religion chr&eacute;tienne, notamment pour exprimer le rachat du genre humain par la mort du Christ. Gramsci l&rsquo;utilisera pour responsabiliser les membres du parti, c&rsquo;est une fa&ccedil;on forte pour leur faire comprendre les souffrances des ouvriers.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le paragraphe qui suit &eacute;claire une question tr&egrave;s &eacute;pineuse qui est souvent revenue ces derni&egrave;res d&eacute;cennies. La th&eacute;orie communiste est-elle une autre forme de religion&nbsp;? En effet, si l&rsquo;on reste au niveau du discours, notamment du choix du vocabulaire, on note qu&rsquo;il y a une similitude au niveau du sens. Mais est-ce que cela est suffisant pour qualifier le discours de religieux&nbsp;? Ou cela signifie-t-il une carence du vocabulaire&nbsp;? Ou encore, faut-il y voir une utilisation consciente afin de pouvoir toucher le lecteur &agrave; propos de ce qu&rsquo;il conna&icirc;t d&eacute;j&agrave;&nbsp;? S&rsquo;il est &eacute;mu, ce sera une fa&ccedil;on de cr&eacute;er la persuasion, par exemple en parlant avec un vocabulaire compris &agrave; la fois par toutes les personnes intellectuelles et par la classe ouvri&egrave;re. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;ailleurs, il a justifi&eacute; l&rsquo;aspect anticl&eacute;rical de son approche :</span></span></p> <p style="margin-left:40px; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&laquo;&nbsp;Sommes-nous anticl&eacute;ricaux&nbsp;? Qu&rsquo;est-ce que cela veut dire&nbsp;? Que nous ne sommes pas anticl&eacute;ricaux &agrave; la fa&ccedil;on des francs-ma&ccedil;ons, du point de vue rationaliste des bourgeois&nbsp;? Il faut dire que nous, classe ouvri&egrave;re, nous sommes anticl&eacute;ricaux en tant que nous sommes mat&eacute;rialistes, que nous avons une vision du monde qui d&eacute;passe toutes les religions et toutes les philosophies qui ont vu le jour jusqu&rsquo;ici sur le terrain de la soci&eacute;t&eacute; divis&eacute;e en classes. Malheureusement [&hellip;] cette conception, nous l&rsquo;avons, et c&rsquo;est l&agrave; la raison de toutes ces erreurs th&eacute;oriques, qui n&#39;en finissent pas de se refl&eacute;ter dans la pratique et qui, jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, nous ont conduits &agrave; la d&eacute;faite et &agrave; l&rsquo;oppression fasciste&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[10]</span></sup></sup></a>.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans ce paragraphe, d&rsquo;une part, il critique l&rsquo;anticl&eacute;ricalisme des bourgeois comme une forme d&rsquo;hypocrisie rationnelle ‒ car il y a une forme cl&eacute;ricale &agrave; travers la franc-ma&ccedil;onnerie&nbsp;‒, et, d&rsquo;autre part, il renforce la notion de conception mat&eacute;rialiste&nbsp;; il parle comme s&rsquo;il ne faisait qu&rsquo;un avec la classe ouvri&egrave;re, en stipulant que la th&eacute;orie marxiste d&eacute;passe toutes les religions du monde et que cette th&eacute;orie s&rsquo;inscrit dans un au-del&agrave; qui est au-dessus de tout. Il attribue la d&eacute;faite de la classe ouvri&egrave;re et la mont&eacute;e du fascisme &agrave; la pesanteur de la religion. N&eacute;anmoins, le fait d&rsquo;&ecirc;tre anticl&eacute;rical, c&rsquo;&eacute;tait un argument avanc&eacute; par l&rsquo;ennemi qui a, visiblement, sem&eacute; un trouble dans les rangs de la classe ouvri&egrave;re</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La conception de l&rsquo;engagement politique, selon Gramsci, passe par des attitudes de vie propres. Une de celles-ci est le sacrifice de soi pour le bien de tous les ouvriers. Cette notion de sacrifice, on la retrouve dans d&rsquo;autres lettres&nbsp;et, particuli&egrave;rement, lorsqu&rsquo;il parle de la gr&egrave;ve que les m&eacute;tallurgistes ont engag&eacute;e pour aider les autres ouvriers. Il faut signaler que, dans le mouvement ouvrier, ce corps de m&eacute;tiers des m&eacute;tallurgistes avait toujours gain de cause lorsqu&rsquo;il faisait gr&egrave;ve. Gr&acirc;ce &agrave; l&rsquo;intervention du corps des m&eacute;tallurgistes, tous les autres ouvriers b&eacute;n&eacute;ficiaient des revendications. Il a ainsi entam&eacute; des jours de gr&egrave;ve pour soutenir les autres corps de m&eacute;tiers, afin que personne ne soit humili&eacute; par cette marque de solidarit&eacute;. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La question du sacrifice va de pair avec le sentiment d&rsquo;humiliation. Ce sont deux termes qui rejoignent le faible, l&rsquo;exploit&eacute;. Ce sont deux termes qui touchent &agrave; la sensibilit&eacute; humaine nourrie par un imaginaire chr&eacute;tien concernant le sacrifice&nbsp;: celui, avant tout, du Christ pour lib&eacute;rer l&rsquo;&ecirc;tre humain. Dans le discours politique de Gramsci, c&rsquo;est la classe ouvri&egrave;re qui est engag&eacute;e et qui se sacrifie pour lib&eacute;rer les autres. Ces derniers sacrifient leur existence dans le pr&eacute;sent pour obtenir de meilleures conditions de vie, mais aussi pour ne pas &ecirc;tre humili&eacute;s. Cette derni&egrave;re notion parle au monde imaginaire de tout le monde. Elle touche, comme on dit actuellement en sociologie, l&rsquo;intersubjectivit&eacute; des &ecirc;tres humains. Les ouvriers ne pouvaient qu&rsquo;&ecirc;tre sensibles &agrave; ce type de discours, car personne ne veut &ecirc;tre humili&eacute;. L&rsquo;humiliation est un moyen d&rsquo;inf&eacute;rioriser l&rsquo;autre, l&rsquo;ennemi ou celui qui est constitu&eacute; et consid&eacute;r&eacute; comme un ennemi. Ses propos &eacute;taient destin&eacute;s &agrave; la classe ouvri&egrave;re ainsi qu&rsquo;aux membres du parti&nbsp;; il a utilis&eacute; des termes au sens fort afin d&rsquo;atteindre leurs repr&eacute;sentations sociales.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La culture, elle, est un moyen pour cr&eacute;er l&rsquo;autonomie. Le parti joue un r&ocirc;le fondamental et est l&agrave; pour garantir le salut. D&rsquo;ailleurs, pour Gramsci, le ph&eacute;nom&egrave;ne Matteotti a cristallis&eacute; &agrave; la fois une angoisse et une interrogation chez le peuple italien. C&rsquo;est pour cela qu&rsquo;il propose de se r&eacute;unir autour du parti et de l&rsquo;Internationale communiste avec comme mission de sortir le prol&eacute;taire de sa condition : &laquo;&nbsp;Il cessera d&rsquo;&ecirc;tre le &ldquo;p&egrave;lerin du n&eacute;ant&rdquo;&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[11]</span></sup></sup></a>. Car cette organisation solide ne peut que gagner&nbsp;; la fonction sociale du parti est de lib&eacute;rer l&rsquo;ouvrier de la situation dans laquelle il vit et de le rendre ma&icirc;tre de sa destin&eacute;e. En d&rsquo;autres termes le r&ocirc;le du parti est essentiel et indissociable du bien-&ecirc;tre social de cette classe.</span></span></p> <p>&nbsp;</p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Cambria,serif"><span style="color:#548dd4">Comment Gramsci parle-t-il de Marx ? </span></span></span></h3> <p>&nbsp;</p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En 1918, il &eacute;crivait &agrave; propos de Marx&nbsp;: &laquo; Pour nous, Karl Marx est un ma&icirc;tre de vie spirituelle et morale, et non un berger brandissant sa houlette<em>&nbsp;</em>&raquo;<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[12]</span></sup></sup></a>. Sa phrase explique bien, d&rsquo;une part, une certaine autonomie par rapport au marxiste&nbsp;‒ absence, chez lui, de dogmatisme ‒, mais aussi reconnaissance de ce que Marx a apport&eacute; &agrave; l&rsquo;histoire&nbsp;; avec cette phrase, ce dernier est consid&eacute;r&eacute; comme une personne qui peut &ecirc;tre un ma&icirc;tre de vie, mais pas un guide, une personne qui am&egrave;ne une ligne de conduite. Pour Gramsci, Marx est surtout l&rsquo;auteur de la philosophie morale et politique. Il a voulu et imagin&eacute; un monde o&ugrave; il n&rsquo;y aurait plus d&rsquo;injustice sociale et a donn&eacute; les cl&eacute;s n&eacute;cessaires pour obtenir la r&eacute;alisation d&rsquo;une telle vie, &agrave; travers un discours soi-disant scientifique sur une &eacute;volution normale de l&rsquo;ascension au pouvoir de la classe prol&eacute;tarienne. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Durant la p&eacute;riode o&ugrave; il &eacute;crivait les lettres sur lesquelles nous fondons ici notre analyse, il y eut le centenaire de Marx. Au premier regard, nous constatons que Gramsci cherche un &eacute;quilibre entre un guide spirituel ‒ d&rsquo;ailleurs, il utilise ce terme ‒ et un compagnon. La difficult&eacute; r&eacute;side dans la fa&ccedil;on dont il parle de Marx, en montrant ses qualit&eacute;s, mais sans le sanctifier, de mani&egrave;re froide et rationnelle. Ainsi, Marx devient un grand &eacute;claireur. Cela &eacute;tait certainement tr&egrave;s difficile de trouver le juste milieu : &laquo;&nbsp;C&#39;est un cerveau pensant, vaste et serein, c&#39;est un moment individuel de cette s&eacute;culaire recherche angoiss&eacute;e que m&egrave;ne l&rsquo;humanit&eacute; afin de prendre conscience de son &ecirc;tre et de son devenir, afin de saisir le rythme myst&eacute;rieux de l&rsquo;histoire et de dissiper le myst&egrave;re ; afin d&rsquo;&ecirc;tre plus fort au moment de penser et d&rsquo;agir<em>&nbsp;</em>&raquo;<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[13]</span></sup></sup></a>. Il a parl&eacute; de Marx, &agrave; la fois en le glorifiant, mais aussi en essayant de le rapprocher de la classe ouvri&egrave;re. Sans Marx, que serait devenue la classe ouvri&egrave;re&nbsp;? Nous notons cependant que Gramsci n&rsquo;avait aucune distance par rapport &agrave; Marx&nbsp;; il le consid&eacute;rait comme un ma&icirc;tre &agrave; penser et, pour lui, il ne pouvait pas &ecirc;tre un produit de son &eacute;poque.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify">&nbsp;</p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Cambria,serif"><span style="color:#548dd4">En guise de conclusion</span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mener une recherche sur la conception du monde qui ressort des &eacute;crits de Gramsci est tr&egrave;s complexe, car il y en a un pan qui exprime la critique du syst&egrave;me et, d&rsquo;autre part, tout un programme pour remplacer l&rsquo;existant. Si l&rsquo;on a pr&eacute;sent&eacute; ce qui concerne l&rsquo;&eacute;ducation et l&rsquo;engagement, c&rsquo;est que, non seulement, ce sont des th&egrave;mes toujours d&rsquo;actualit&eacute;, mais qui de plus peuvent d&eacute;gager la conception du monde d&rsquo;un penseur&nbsp;; car l&rsquo;&eacute;ducation d&eacute;finit le rapport entre l&rsquo;&ecirc;tre humain et sa soci&eacute;t&eacute;, mais &eacute;galement sa propre progression comme un &eacute;l&eacute;ment de la d&eacute;finition de l&rsquo;avenir. Parall&egrave;lement avec l&rsquo;engagement, ce sont les relations &eacute;troites entre l&rsquo;acteur social et l&rsquo;action transformatrice qui sont en jeu. Enfin, cela nous permet aussi de savoir comment cet intellectuel, qui est l&rsquo;un des fondateurs du parti communiste italien, con&ccedil;oit l&rsquo;image qu&rsquo;il avait du peuple tout en abordant la question du sacrifice. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La conception du monde qui se d&eacute;gage chez Gramsci est meubl&eacute;e de r&eacute;f&eacute;rences la&iuml;ques, mais aussi inspir&eacute;e d&rsquo;un imaginaire chr&eacute;tien&nbsp;qui, en quelque sorte, permet une forme de continuit&eacute;. La fa&ccedil;on imag&eacute;e d&rsquo;illustrer sa pens&eacute;e, c&rsquo;est de dire qu&rsquo;en touchant l&rsquo;imaginaire des personnes, on pourrait leur demander des sacrifices, car cela correspond &agrave; des images, des repr&eacute;sentations v&eacute;hicul&eacute;es par le christianisme, o&ugrave; le salut ne peut se faire sans effort et o&ugrave;, avec une vie sans souffrance, on ne peut pas construire l&rsquo;avenir dans la certitude.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">L&rsquo;esprit marxiste est fortement pr&eacute;sent dans les &eacute;crits de Gramsci&nbsp;; ce que ce dernier a ajout&eacute;, dans ses &eacute;crits politiques, c&rsquo;est une meilleure connaissance de la r&eacute;alit&eacute; pratique des ouvriers et du peuple. Lorsqu&rsquo;il utilise le terme de sacrifice, c&rsquo;est pour d&eacute;montrer la difficult&eacute; d&rsquo;&ecirc;tre, signaler l&rsquo;essence de l&rsquo;engagement qui passe par cette t&acirc;che lourde de renoncement &agrave; la vie personnelle, en postulant &eacute;galement que, pour &eacute;difier quelque chose de nouveau, il faut des contraintes et des renoncements. Un terme qui vient directement d&rsquo;une conception religieuse du monde, mais aussi la&iuml;que, car dans les l&eacute;gendes populaires, on peut &eacute;galement exiger du sacrifice pour une construction humaine exceptionnelle. Sur ce plan, non pragmatique, les ouvriers se sacrifient pour le bien-&ecirc;tre terrestre. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En revanche, ce qui le rend unique par rapport aux autres marxistes, c&rsquo;est le fait qu&rsquo;il est le seul, parmi ceux de son &eacute;poque, qui ait accord&eacute; une importance &agrave; l&rsquo;imaginaire, particuli&egrave;rement &agrave; travers l&rsquo;&eacute;ducation humaniste. Ceci, on le retrouve dans son analyse sur la mont&eacute;e du fascisme, dans le concept de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie de l&rsquo;&Eacute;tat capitaliste, mais &eacute;galement lorsqu&rsquo;il parle du r&ocirc;le et de la place de la religion et de la culture populaire. Parall&egrave;lement, on rencontre encore l&rsquo;imaginaire dans la fa&ccedil;on dont il envisage la formation de la nouvelle soci&eacute;t&eacute;. Lorsqu&rsquo;il s&rsquo;est projet&eacute; dans ses &eacute;crits sur la construction de l&rsquo;&Eacute;tat socialiste, il &eacute;tait pour lui fondamental, dans la construction de la conception du monde, d&rsquo;accorder une place importante &agrave; la culture. Car le d&eacute;veloppement de l&rsquo;imaginaire &agrave; travers la culture et l&rsquo;&eacute;ducation peut permettre de construire des individus, notamment des fils d&rsquo;ouvriers autonomes&nbsp;; cela appara&icirc;t au niveau de la fa&ccedil;on dont il con&ccedil;oit l&rsquo;&Eacute;tat socialiste. Ainsi, gr&acirc;ce &agrave; cette approche, on pourra voir comment il a articul&eacute; &eacute;ducation et id&eacute;ologie. La conception qu&rsquo;il a de son peuple est tout &agrave; fait originale&nbsp;; ce n&rsquo;est pas la vision d&rsquo;un marxisme technocratique, mais celle d&rsquo;un marxisme culturel, que l&rsquo;on pourrait qualifier de marxisme utopique et humaniste. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ce qui a permis cette appellation d&rsquo;humaniste, c&rsquo;est sa propre conception du monde, &eacute;galement au niveau politique, qui exige un engagement total, car l&rsquo;individu doit renoncer &agrave; sa propre vie quotidienne pour se projeter dans un devenir, donc, l&agrave;, nous sommes face &agrave; un investissement dans le futur. Il s&rsquo;agit de la construction du devenir. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Son approche, en laissant une place &agrave; la culture, d&eacute;veloppe l&rsquo;imaginaire et rend l&rsquo;individu acteur en intervenant dans la gestion politique et la formation de l&rsquo;&Eacute;tat socialiste. Il est ainsi bien loin des dogmatismes id&eacute;ologiques et d&eacute;montre un grand respect pour le peuple, en &eacute;tant conscient de la valeur de la culture populaire. Il d&eacute;nonce les aspects r&eacute;trogrades et les pr&eacute;jug&eacute;s sur la culture populaire, ce qui l&rsquo;am&egrave;ne &agrave; demander que le peuple soit &eacute;duqu&eacute; par la culture &eacute;ducative. De plus, le peuple doit adopter une attitude d&rsquo;engagement, Gramsci est conscient que ces deux &eacute;l&eacute;ments sont fondamentaux pour construire un devenir, car ils s&rsquo;inscrivent dans une circularit&eacute; r&eacute;flexive. Il rejoint les grands id&eacute;aux du marxisme sur l&rsquo;am&eacute;lioration de la vie quotidienne&nbsp;; il a amen&eacute; l&rsquo;individu social/ouvrier &agrave; un espace du possible o&ugrave;, gr&acirc;ce &agrave; son engagement, il pourra aller plus loin. Son discours est fond&eacute; sur des oppositions qui s&rsquo;inscrivent dans une temporalit&eacute; entre le pr&eacute;sent et le futur, ce qui nous permet d&rsquo;aller plus loin. Cette derni&egrave;re attitude le rend acteur de son devenir. Nous pouvons sch&eacute;matiser sa pens&eacute;e de la mani&egrave;re suivante&nbsp;:</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">&Eacute;ducation utile vs &eacute;ducation inutile</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">&darr;</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">M&eacute;caniste vs d&eacute;veloppement de l&rsquo;imaginaire</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">R&eacute;cipient vs d&eacute;veloppement du raisonnement et de la r&eacute;flexion</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">&darr;</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">Esclave&nbsp; vs autonome</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De la m&ecirc;me mani&egrave;re nous pouvons proposer un sch&eacute;ma &agrave; propos de la question de l&rsquo;engagement&nbsp;et particuli&egrave;rement autour de son approche diachronique :</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">Engagement &rarr; pr&eacute;sent &rarr; futur</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">&darr;</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">Sacrifice &rarr; pr&eacute;sent &rarr; futur</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">&darr;</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:center"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><strong><span style="font-size:14.0pt">Renoncement au bien-&ecirc;tre individuel = bien-&ecirc;tre collectif</span></strong></span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Notons que sa th&eacute;orie est inscrite dans une dimension dynamique tourn&eacute;e vers l&rsquo;avenir. Le pr&eacute;sent lui a servi &agrave; bien placer le cadre et &agrave; indiquer la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;un engagement, en expliquant quel &eacute;tait l&rsquo;&eacute;l&eacute;ment caract&eacute;ristique de celui-ci afin de pouvoir obtenir des b&eacute;n&eacute;fices collectifs. En inscrivant ses &eacute;crits dans un devenir, lui-m&ecirc;me suit la notion fort importante au XIX<sup>e</sup> si&egrave;cle puis au XX<sup>e</sup> si&egrave;cle de l&rsquo;&ecirc;tre historique et du progr&egrave;s social.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Explorer l&rsquo;imaginaire comme un moyen de construction d&rsquo;une id&eacute;ologie est plus que n&eacute;cessaire quand cette forme d&rsquo;id&eacute;ologie politique a mobilis&eacute; des individus sociaux en cr&eacute;ant des passions sociales. Cet aspect de la probl&eacute;matique de la conception du monde est fondamental, alors que les enjeux sociaux se complexifient dans le monde actuel et que la pesanteur de la communication &agrave; travers les mass-m&eacute;dias devient de plus en plus importante et d&eacute;cisive dans la construction des repr&eacute;sentations sociales. </span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cet article fait suite &agrave; des recherches s&rsquo;attachant aux &eacute;crits de Gramsci sur la puissance de sa pens&eacute;e politique qui a fait de lui le penseur le plus dangereux de l&rsquo;Italie. Selon la l&eacute;gende, un procureur fasciste a prononc&eacute; cette fameuse phrase&nbsp;: &laquo;&nbsp;Nous devons emp&ecirc;cher ce cerveau de fonctionner<em>&nbsp;</em>&raquo;<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[14]</span></sup></sup></a>.</span></span></p> <h3 style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:14pt"><span style="font-family:Cambria,serif"><span style="color:#548dd4">bibliographie</span></span></span></h3> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques</em>, 3 tomes : textes pr&eacute;sent&eacute;s par Robert Paris, Paris, Gallimard, 1974 (1914-1926).</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><strong>&ndash;</strong><span style="color:black">, <em>Cahiers de prison,</em> 5 tomes : textes pr&eacute;sent&eacute;s par Robert Paris, Paris, Gallimard, 1983 (1948-1951).</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">HEGEL G. W. F., <em>Ph&eacute;nom&eacute;nologie de l&rsquo;esprit</em>, Paris, &Eacute;ditions Montaigne, coll. &laquo;&nbsp;Aubier<em>&nbsp;</em>&raquo;, 1937 (1807).</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">KAISERBRUGER D. (dir.), &laquo;&nbsp;Gramsci : l&rsquo;&Eacute;tat l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie ; L&rsquo;art de la culture ; La r&eacute;volution la d&eacute;mocratie<em> </em>&raquo;, <em>in Revue Dialectique</em>,<em> </em>num&eacute;ro sp&eacute;cial n&deg;4-5, mars 1974.</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">MARX K. et ENGELS F., <em>L&rsquo;id&eacute;ologie allemande</em>, Paris, &Eacute;ditions sociales, 1970 (1845).</span></span></p> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">POULANTZAS N., <em>Rep&egrave;res, Hier et aujourd&rsquo;hui : Textes sur l&rsquo;&Eacute;tat</em>, Paris, &Eacute;ditions Fran&ccedil;ois Maspero, coll. &laquo;&nbsp;Dialectiques-interventions<em>&nbsp;</em>&raquo;, 1980.</span></span></p> <div>&nbsp; <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[1]</span></sup></sup></a> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques : tome 1</em>, Paris, Gallimard, 1974 (1914-1926), p. 108.</span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[2]</span></sup></sup></a><em>Idem</em>, p.&nbsp;135.</span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[3]</span></sup></sup></a> <em>Idem, </em>p.&nbsp;<span style="font-size:10.0pt">75.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><span style="font-size:10.0pt"><sup><span style="font-size:10.0pt">[4]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques : Tome 1</em>, </span><span style="font-size:10.0pt">Paris, Gallimard, 1974 (1914-1926).&nbsp;</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[5]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques : Tome 2</em>, </span>Paris, Gallimard, 1974 (1914-1926), p. 306.</span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[6]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques : Tome 1</em>, </span><em>Op. Cit.</em>, p.&nbsp;96.</span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[7]</span></sup></sup></a> <em>Idem</em>, p.&nbsp;95.</span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[8]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques : Tome 3</em>, </span>Paris, Gallimard, 1974 (1914-1926), p.&nbsp;144.</span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><span style="font-size:11.0pt"><sup><span style="font-size:11.0pt">[9]</span></sup></span></sup></a><span style="font-size:9.0pt"> <em>Idem</em>, p. 144. </span><span style="font-size:11.0pt">Lettre sans signature, <em>Lo Stato Operaio</em>, II, 28, 28 ao&ucirc;t 1924.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[10]</span></sup></sup></a> Lettre sign&eacute;e Giovanni Masci, <em>La Voce della Giovent&ugrave;</em>, 1,12, 1<sup>er</sup> novembre 1923.</span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[11]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques : Tome 3</em>, </span><em>Op. Cit.</em>, <span style="font-size:10.0pt">p. 145</span>.</span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[12]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques : Tome 3</em>, </span><em>Op. Cit.</em>, <span style="font-size:10.0pt">p. 148.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[13]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Ibidem.</em></span></span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p style="margin-left:0cm; margin-right:0cm; text-align:justify"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt">[14]</span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Cette phrase aurait &eacute;t&eacute; prononc&eacute;e lors du jugement de A. Gramsci, avant son incarc&eacute;ration.</span></span></span></p> </div> </div>