<p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><em><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Par Omer Moussaly, <span style="background-color:white"><span style="color:#222222">Chercheur postdoctoral &agrave; la </span></span>Chaire UNESCO d&rsquo;&eacute;tudes des fondements philosophiques de la justice et de la soci&eacute;t&eacute; d&eacute;mocratique.</span></span></em></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les questions politiques ne sont pas &agrave; l&rsquo;abri de l&rsquo;&eacute;mergence de partis pris st&eacute;r&eacute;otyp&eacute;s y compris dans les soci&eacute;t&eacute;s dites avanc&eacute;es. Leurs intellectuels imbus de leur sup&eacute;riorit&eacute; technologique, industrielle et militaire se croient autoris&eacute;s &agrave; juger les pays qu&rsquo;ils tiennent pour arri&eacute;r&eacute;s, &agrave; leur &ocirc;ter le droit de s&rsquo;exprimer et &agrave; justifier leur exploitation.<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[1]</span></span></sup></sup></a> Cette optique a eu pour effet d&rsquo;approfondir les &eacute;carts &eacute;conomiques entre diff&eacute;rentes r&eacute;gions du monde et &agrave; d&eacute;crier l&rsquo;Orient par l&rsquo;Occident. Rares &eacute;taient les penseurs de l&rsquo;Ouest qui s&rsquo;en prenaient &agrave; cette vision r&eacute;ductrice en remettant en question le fondement de la fallacieuse distinction entre civilis&eacute;s et primitifs sur une base g&eacute;ographique.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Contre la cohue grouillante parmi les intellectuels occidentaux qui s&rsquo;autoproclament abusivement experts en affaires orientales, une poign&eacute;e de libres penseurs, ayant &agrave; leur t&ecirc;te Edward Sa&iuml;d, ont lev&eacute; le d&eacute;fi de remettre les pendules &agrave; l&rsquo;heure en s&rsquo;en prenant au sentiment de sup&eacute;riorit&eacute; de leurs devanciers, &agrave; passer au crible de l&rsquo;analyse l&rsquo;ensemble des travaux des orientalistes et &agrave; proposer une solution de rechange &eacute;quilibr&eacute;e aux divagations relev&eacute;es dans leur discours.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ce qui nous int&eacute;resse dans l&rsquo;&oelig;uvre colossale de Sa&iuml;d c&rsquo;est qu&rsquo;elle est tributaire, entre autres, des &eacute;crits d&rsquo;Antonio Gramsci, l&rsquo;un des grands penseurs italiens du d&eacute;but du XX<sup>e</sup> si&egrave;cle. C&rsquo;est dans les <em>Cahiers de prison</em> que Sa&iuml;d a trouv&eacute; la r&eacute;ponse au tabou de l&rsquo;exclusivit&eacute; qui frappait le d&eacute;tracteur qu&rsquo;il &eacute;tait, la richesse de faire le bilan des strates de son exp&eacute;rience vitale et la f&eacute;condit&eacute; du concept gramscien d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie En plus, Gramsci a renforc&eacute; chez lui la prise de conscience du fonctionnement du langage au double emploi utilitaire et esth&eacute;tique, de ses deux niveaux superficiel et latent. Bien que la d&eacute;notation suffise &agrave; rendre compte du sens superficiel, ces deux penseurs en particulier inscrivaient le discours sociopolitique, g&eacute;n&eacute;ralement truff&eacute; d&rsquo;indices, de signaux et de symboles, dans le cadre d&rsquo;un contexte culturel d&eacute;termin&eacute; dont le d&eacute;codage requiert le recours &agrave; la connotation. En outre, la contextualisation, tout en &eacute;tant de mise, ne condamne pas m&eacute;caniquement tous les textes du pass&eacute; au mus&eacute;e des antiquit&eacute;s. Comme l&rsquo;explique Sa&iuml;d les contraintes du contexte qui limitent l&rsquo;expression des id&eacute;es &agrave; certains moments, peuvent aussi stimuler la cr&eacute;ation d&rsquo;id&eacute;es originales qui d&eacute;passent le moment historique de leur production</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">[T]oute ma th&egrave;se consiste &agrave; dire que nous comprendrons mieux la persistance et la long&eacute;vit&eacute; de syst&egrave;mes h&eacute;g&eacute;moniques saturants tels que la culture si nous reconnaissons que leurs contraintes internes sur les &eacute;crivains et les penseurs sont <em>productives</em> et non unilat&eacute;ralement inhibitrices. C&rsquo;est cette id&eacute;e que Gramsci, certainement, et Foucault, et Raymond Williams, chacun &agrave; sa mani&egrave;re, ont essay&eacute; d&rsquo;illustrer.<a href="#_ftn2" name="_ftnref2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[2]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;entr&eacute;e de jeu, Sa&iuml;d fait &eacute;tat de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie qu&rsquo;exercent depuis belle lurette les puissances occidentales au d&eacute;triment des soci&eacute;t&eacute;s orientales qu&rsquo;elles consid&egrave;rent sous-d&eacute;velopp&eacute;es. Mais tout en se prenant &agrave; cette supr&eacute;matie, Sa&iuml;d pense, &agrave; la suite de Gramsci, que les abus d&rsquo;une telle h&eacute;g&eacute;monie ont un c&ocirc;t&eacute; positif parce qu&rsquo;ils suscitent une saine r&eacute;action de la part des peuples opprim&eacute;s. Tout se joue dans la distinction que fait Sa&iuml;d entre les cat&eacute;gories d&rsquo;intellectuels qui ne correspond pas, &agrave; la diff&eacute;rence qu&rsquo;&eacute;tablit Gramsci entre intellectuels traditionnels et intellectuels organiques. Mais il n&rsquo;en reste pas moins que Sa&iuml;d vise, &agrave; l&rsquo;instar de Gramsci, &agrave; forger une contre h&eacute;g&eacute;monie &agrave; l&rsquo;endroit des dominants. Ces remarques pr&eacute;liminaires aident &agrave; mieux comprendre l&rsquo;influence de Gramsci, entre autres, sur la r&eacute;flexion du th&eacute;oricien Edward Sa&iuml;d dont les &eacute;crits, de nature interdisciplinaire, rejettent le discours binaire (bien/mal, sup&eacute;rieur/inf&eacute;rieur, etc.) que colportent la plupart des orientalistes. Ceux-l&agrave; ne tarissent pas d&rsquo;&eacute;loges &agrave; l&rsquo;Occident, diabolisent l&rsquo;Orient, lui &ocirc;tent tout droit de parole et de surcro&icirc;t s&rsquo;autorisent &agrave; parler en son nom. Usant de l&rsquo;expression &laquo;&nbsp;conception du monde&nbsp;&raquo;, ch&egrave;re &agrave; Gramsci, Sa&iuml;d cherche &agrave; rendre compte de la naissance et de la diffusion de l&rsquo;orientalisme intimement li&eacute; au projet imp&eacute;rialiste des puissances coloniales,</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">[Q]uels sont les autres types d&rsquo;&eacute;nergie intellectuelle, esth&eacute;tique, savante et culturelle qui ont particip&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une tradition imp&eacute;rialiste comme la tradition orientaliste? Comment la philologie, la lexicographie, l&rsquo;histoire, les th&eacute;ories politiques et &eacute;conomiques [&hellip;] ont-elles servi &agrave; la conception du monde carr&eacute;ment imp&eacute;rialiste de l&rsquo;orientalisme?<a href="#_ftn3" name="_ftnref3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[3]</span></span></sup></sup></a> </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il est clair que dans un seul chapitre, il nous est impossible d&rsquo;&eacute;treindre une telle somme d&rsquo;&eacute;rudition que Sa&iuml;d mobilise afin de r&eacute;pondre &agrave; ces questions. En lieu et place, gardons le cap sur notre objectif plus modeste qui consiste &agrave; scruter dans les &eacute;crits de Sa&iuml;d la place importante qu&rsquo;occupe la pens&eacute;e d&rsquo;Antonio Gramsci. D&rsquo;ailleurs Sa&iuml;d lui-m&ecirc;me nous explique qu&rsquo;il n&rsquo;aurait pu saisir la port&eacute;e ni la vigueur de l&rsquo;orientalisme que gr&acirc;ce &agrave; la dimension culturelle du concept gramscien d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie, qu&rsquo;il explique par la pr&eacute;dominance de certaines id&eacute;es &agrave; une &eacute;poque donn&eacute;e.</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans une soci&eacute;t&eacute; qui n&rsquo;est pas totalitaire, certaines formes culturelles pr&eacute;dominent donc sur d&rsquo;autres, tout comme certaines id&eacute;es sont plus r&eacute;pandues que d&rsquo;autres ; la forme que prend cette supr&eacute;matie culturelle est appel&eacute;e h&eacute;g&eacute;monie par Gramsci, concept indispensable pour comprendre quelque chose &agrave; la vie culturelle de l&rsquo;Occident industriel. C&rsquo;est l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie, ou plut&ocirc;t les effets de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie culturelle, qui donnent &agrave; l&rsquo;orientalisme la constance et la force dont j&rsquo;ai parl&eacute;.<a href="#_ftn4" name="_ftnref4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[4]</span></span></sup></sup></a> </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mais l&agrave; o&ugrave; l&rsquo;auteur de <em>l&rsquo;Orientalisme</em> &eacute;tablit des parall&egrave;les entre Gramsci et d&rsquo;autres intellectuels (Vico, Adorno, Sartre, Foucault, Luk&aacute;cs, Kierkegaard, L&eacute;vi-Strauss, etc.) nous n&rsquo;h&eacute;sitons pas &agrave; en faire &eacute;tat, sans oublier que Sa&iuml;d manifeste un pr&eacute;jug&eacute; favorable &agrave; l&rsquo;endroit de Gramsci. Faisant sien, par exemple, le d&eacute;fi que lancent Foucault et Gramsci &agrave; l&rsquo;endroit du pouvoir usurp&eacute; sous pr&eacute;texte de leur pr&eacute;tendue sup&eacute;riorit&eacute;, Sa&iuml;d tente de redresser ce tort en agissant en tant que porte-parole de ceux qui sont injustement d&eacute;poss&eacute;d&eacute;s du droit de parole, mais tient toutefois &agrave; pr&eacute;ciser qu&rsquo;en cette mati&egrave;re, le point de vue de Foucault reste en de&ccedil;&agrave; de celui de Gramsci jug&eacute; mieux structur&eacute; dialectiquement en associant les dimensions individuelles et collectives,</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cependant, je me s&eacute;pare de Michel Foucault, &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre de qui je dois beaucoup, sur un point&nbsp;: je crois en l&rsquo;influence d&eacute;terminante d&rsquo;&eacute;crivains individuels sur le corpus des textes, par ailleurs collectif et anonyme, constituant une forme discursive telle que l&rsquo;orientalisme. [&hellip;] Foucault croit qu&rsquo;en g&eacute;n&eacute;ral le texte ou l&rsquo;auteur individuel compte tr&egrave;s peu&nbsp;; l&rsquo;exp&eacute;rience me montre qu&rsquo;il n&rsquo;en est pas ainsi dans le cas de l&rsquo;orientalisme (et peut-&ecirc;tre nulle part ailleurs). Par cons&eacute;quent, je proc&egrave;de dans mes analyses par explications de textes dans le but de r&eacute;v&eacute;ler la dialectique entre le texte ou l&rsquo;&eacute;crivain et la formation collective complexe &agrave; laquelle l&rsquo;&oelig;uvre en question est une contribution.<a href="#_ftn5" name="_ftnref5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[5]</span></span></sup></sup></a> </span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Tout en reconnaissant sa dette envers Foucault, Sa&iuml;d s&rsquo;en d&eacute;marque en ce qui a trait &agrave; la minimisation du r&ocirc;le que joue l&rsquo;individu dans le discours collectif. Il lui pr&eacute;f&egrave;re le point de vue de Gramsci qui consid&egrave;re que l&rsquo;auteur est le produit de sa collectivit&eacute; et, qu&rsquo;&agrave; ce titre, il a le m&eacute;rite d&rsquo;agir en tant que son porte-parole. Cette pr&eacute;f&eacute;rence d&eacute;coule de la bonne saisie des perceptions divergentes des deux penseurs en cette mati&egrave;re, sans pour autant mettre en question la proximit&eacute; de leurs r&eacute;flexions en g&eacute;n&eacute;ral.</span></span></p> <h2 style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Culture et h&eacute;g&eacute;monie</span></span></span></span></h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En outre, Sa&iuml;d d&eacute;c&egrave;le chez Gramsci, Foucault et Raymond Williams, &agrave; des degr&eacute;s divers, une f&eacute;conde affinit&eacute; entre culture et h&eacute;g&eacute;monie. Tout en rappelant que Gramsci soul&egrave;ve la question de la conscience, Sa&iuml;d note que le discours gramscien fait &eacute;tat de la multitude de traces qu&rsquo;imprime sur l&rsquo;individu le processus historique et recommande d&rsquo;en dresser l&rsquo;inventaire. Suivant cette consigne, Sa&iuml;d se met en qu&ecirc;te des empreintes qui ont marqu&eacute; son itin&eacute;raire intellectuel pour d&eacute;couvrir qu&rsquo;il a fibres et racines sur quatre continents.</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Mon investissement personnel dans cette &eacute;tude vient en grande partie du fait que, grandissant dans deux colonies anglaises, j&rsquo;ai compris que j&rsquo;&eacute;tais un &quot;Oriental&quot;. Dans ces colonies (la Palestine et l&rsquo;&Eacute;gypte), puis aux &Eacute;tats-Unis, toute mon &eacute;ducation a &eacute;t&eacute; occidentale, et pourtant ce sentiment ancien et profond a persist&eacute;. En &eacute;tudiant l&rsquo;orientalisme, j&rsquo;ai essay&eacute; de bien des mani&egrave;res de faire l&rsquo;inventaire des traces laiss&eacute;es en moi, sujet oriental, par la culture dont la domination a &eacute;t&eacute; un facteur si puissant dans la vie de tous les Orientaux. C&rsquo;est pourquoi j&rsquo;ai d&ucirc; centrer mon attention sur l&rsquo;Orient islamique. Ce n&rsquo;est pas &agrave; moi de juger si ce que j&rsquo;ai r&eacute;alis&eacute; est bien l&rsquo;inventaire prescrit par Gramsci, mais j&rsquo;ai bien senti combien il &eacute;tait important d&rsquo;avoir conscience d&rsquo;essayer de le faire.<a href="#_ftn6" name="_ftnref6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[6]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il convient ici de rappeler que, n&eacute; &agrave; J&eacute;rusalem en 1935, Sa&iuml;d passe sa prime jeunesse entre la Palestine, l&rsquo;&Eacute;gypte et le Liban. &Agrave; l&rsquo;&acirc;ge de treize ans, il se trouve aux &Eacute;tats-Unis o&ugrave; il poursuit ses &eacute;tudes que couronne un doctorat &agrave; Harvard. Nomm&eacute; Professeur &agrave; l&rsquo;Universit&eacute; Columbia, il a &agrave; son actif une vingtaine d&rsquo;ouvrages, de nombreuses conf&eacute;rences et articles de fond qui attestent de la profondeur de sa r&eacute;flexion.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il y a ici un parall&egrave;le int&eacute;ressant &agrave; faire entre la jeunesse de Sa&iuml;d et celle de Gramsci, tous deux provenant de la p&eacute;riph&eacute;rie domin&eacute;e par des puissances occidentales. La Sardaigne dans laquelle Gramsci passa son enfance et sa prime jeunesse fut depuis des si&egrave;cles sous le contr&ocirc;le d&#39;int&eacute;r&ecirc;ts &eacute;trangers qui se servaient de l&#39;&icirc;le comme bon leur semblait. Cela a g&eacute;n&eacute;r&eacute; une tradition de r&eacute;sistance locale et une m&eacute;fiance g&eacute;n&eacute;ralis&eacute;e envers les &eacute;trangers. Banditisme et r&eacute;bellion &eacute;taient monnaie courante et il fallait r&eacute;guli&egrave;rement mettre les habitants au pas par la force arm&eacute;e. Le rejet du conqu&eacute;rant &eacute;tranger et de ses collaborateurs sardes formait le noyau dur de l&#39;id&eacute;ologie des ind&eacute;pendantistes locaux. Domenico Losurdo apporte une nuance importante au sujet de l&#39;influence des philosophes id&eacute;alistes sur le jeune Gramsci qui n&#39;acceptait pas les id&eacute;es de ces philosophes que dans la mesure o&ugrave; ils font preuve d&#39;habilet&eacute; &agrave; traiter de dilemmes sociaux concrets. &Eacute;tant peu toujours satisfait des r&eacute;ponses avanc&eacute;es &agrave; ce sujet par Croce et Gentile, Gramsci ne les approuvait que sous r&eacute;serve. Bien qu&#39;ils soient &eacute;troitement li&eacute;s &agrave; la modernisation de l&#39;Italie par leur lutte contre le conservatisme religieux, ils ne d&eacute;passaient pas, de l&#39;avis de Gramsci, les limites que leur imposait leur position id&eacute;ologique bourgeoise.</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour ce qui concerne les deux philosophes n&eacute;o-id&eacute;alistes, ils sont lus comme l&#39;expression th&eacute;orique du <em>Risorgimento </em>et d&#39;une r&eacute;volution &quot;bourgeoise&quot; qu&#39;il s&#39;agit de conduire &agrave; son terme (et m&ecirc;me, selon une vision qui m&ucirc;rit progressivement, de compl&eacute;ter et de d&eacute;passer).<a href="#_ftn7" name="_ftnref7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[7]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quant &agrave; Sa&iuml;d, le grand choc qui le marquera pour le restant de sa vie survient &agrave; la suite de la guerre de juin 1967 o&ugrave; Isra&euml;l s&rsquo;empare de vastes territoires y compris de J&eacute;rusalem, du Sina&iuml; et du Golan, soit en tout trois fois sa superficie de 1947. Cette d&eacute;bandade des arm&eacute;es arabes l&rsquo;invite &agrave; faire une introspection attentive pour se rendre compte de la gravit&eacute; du tort que les orientalistes ont inflig&eacute; aux habitants du Moyen-Orient par les st&eacute;r&eacute;otypes qu&rsquo;ils ont popularis&eacute;s aupr&egrave;s de l&rsquo;opinion publique occidentale. Sa&iuml;d explique comment son projet vise &agrave; la fois la d&eacute;mystification des propos orientalistes en vue d&rsquo;abolir la discrimination inflig&eacute;e &agrave; l&rsquo;endroit des laiss&eacute;s-pour-compte dans le monde actuel,</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il est &agrave; peine n&eacute;cessaire d&rsquo;ajouter que, parce qu&rsquo;actuellement on associe &agrave; tel point le Moyen-Orient et la politique des grandes puissances, l&rsquo;&eacute;conomie du p&eacute;trole et la dichotomie simpliste entre Isra&euml;l &eacute;pris de libert&eacute; et d&eacute;mocratique, on n&rsquo;a que de faibles chances de savoir de quoi l&rsquo;on parle lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit du Proche-Orient ; ce qui ne manque pas d&rsquo;&ecirc;tre d&eacute;primant [&hellip;] Le filet de racisme, de st&eacute;r&eacute;otypes culturels, d&rsquo;imp&eacute;rialisme politique, d&rsquo;id&eacute;ologie d&eacute;shumanisante qui entoure l&rsquo;Arabe ou le musulman est r&eacute;ellement tr&egrave;s solide, et tout Palestinien en vient &agrave; le ressentir comme un ch&acirc;timent que lui r&eacute;serve sp&eacute;cialement le sort.<a href="#_ftn8" name="_ftnref8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[8]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&egrave;s lors, il s&rsquo;engage &agrave; remettre les pendules &agrave; l&rsquo;heure en r&eacute;digeant<em> L&rsquo;Orientalisme</em>, une &oelig;uvre colossale qui a connu un franc succ&egrave;s et a fait l&rsquo;objet de plusieurs traductions, mais qui lui a attir&eacute; du m&ecirc;me coup, l&rsquo;animosit&eacute; des inconditionnels de la supr&eacute;matie occidentale qui l&rsquo;ont accabl&eacute; d&rsquo;invectives, de violence verbale, voire de menaces de mort. Dans ce livre, d&eacute;sormais classique, Sa&iuml;d d&eacute;finit succinctement l&rsquo;orientalisme moderne :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Prenant comme point de d&eacute;part, tr&egrave;s grossi&egrave;rement, la fin du dix-huiti&egrave;me si&egrave;cle, on peut d&eacute;crire et analyser l&rsquo;orientalisme comme l&rsquo;institution globale qui traite de l&rsquo;Orient [&hellip;] un enseignement, une administration, un gouvernement&nbsp;: bref, l&rsquo;orientalisme est un style occidental de domination, de restructuration et d&rsquo;autorit&eacute; sur l&rsquo;Orient.<a href="#_ftn9" name="_ftnref9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[9]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Face &agrave; ces attaques en r&egrave;gle contre lui que suscite sa vision de la nature de l&rsquo;orientalisme, Sa&iuml;d se d&eacute;fend par la plume en notant que l&rsquo;Occident entretient avec l&rsquo;Orient une relation de pouvoir et de domination. De m&ecirc;me, le vif ressentiment des injustices commises contre un groupe subjugu&eacute; dont il fait partie a nourri la r&eacute;flexion de Gramsci d&egrave;s son jeune &acirc;ge. L&#39;histoire de la surexploitation de la Sardaigne et de son arri&eacute;ration culturelle formait une partie int&eacute;grante du d&eacute;veloppement de son militantisme. Aspirant &agrave; un meilleur traitement, les laiss&eacute;s-pour-compte occupaient d&egrave;s le d&eacute;but de sa carri&egrave;re politique une place de choix dans sa r&eacute;flexion pratique et th&eacute;orique.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De son c&ocirc;t&eacute;, Gramsci fait &agrave; ce propos la distinction entre la soci&eacute;t&eacute; civile et la soci&eacute;t&eacute; politique, c&rsquo;est-&agrave;-dire entre le consentement et la coercition. Son concept d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie privil&eacute;gie le consentement au d&eacute;triment de la coercition et assimile la dimension consensuelle &agrave; une sagesse populaire ou sens commun lequel est en voie de se transformer en bon sens. Prenant &agrave; son compte l&rsquo;id&eacute;e gramscienne voulant que la contre h&eacute;g&eacute;monie se forge en faisant appel &agrave; la m&eacute;taphore de la guerre de position qui d&eacute;molit graduellement les remparts du pouvoir &eacute;tabli<a href="#_ftn10" name="_ftnref10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[10]</span></span></sup></sup></a>, Sa&iuml;d souscrit ainsi &agrave; une th&eacute;matique qui remonte tr&egrave;s loin chez Gramsci bien avant la r&eacute;daction de ses <em>Cahiers de prison</em>. En effet, dans l&rsquo;un de ses premiers articles intitul&eacute; &laquo; Socialisme et culture &raquo;, Gramsci traite de l&rsquo;histoire et de la culture dans les transformations sociales, th&egrave;mes qu&rsquo;il affinera tout au long de sa carri&egrave;re pour en conclure que la culture ne se r&eacute;duit pas &agrave; une accumulation de connaissances sans lien avec l&rsquo;activit&eacute; pratique des hommes. Mais qu&rsquo;au contraire, chaque nouvelle g&eacute;n&eacute;ration d&rsquo;hommes et de femmes doit r&eacute;&eacute;tudier l&rsquo;histoire pour mieux saisir quelles solutions &eacute;prouv&eacute;es dans le pass&eacute; sont susceptibles de r&eacute;soudre les probl&egrave;mes contemporains. D&rsquo;ailleurs, la neutralit&eacute; de l&rsquo;histoire n&rsquo;est qu&rsquo;une vue de l&rsquo;esprit :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La culture est une chose bien diff&eacute;rente. Elle est organisation, discipline du v&eacute;ritable moi int&eacute;rieur ; elle est prise de possession de sa propre personnalit&eacute;, elle est conqu&ecirc;te d&rsquo;une conscience sup&eacute;rieure gr&acirc;ce &agrave; laquelle chacun r&eacute;ussit &agrave; comprendre sa propre valeur historique, sa propre fonction dans la vie, ses propres droits et ses propres devoirs.<a href="#_ftn11" name="_ftnref11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[11]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; ceux qui, &agrave; cause de son origine orientale, lui r&eacute;cuse le droit de se prononcer sur une question qui touche l&rsquo;Occident, Sa&iuml;d r&eacute;torque, en s&rsquo;appuyant sur une observation faite par Gramsci, que l&rsquo;exclusion en cette mati&egrave;re n&rsquo;est pas de mise et en conclut que tout chercheur a le droit de s&rsquo;acquitter de la t&acirc;che de son choix s&rsquo;il en a la comp&eacute;tence voulue, peu importe son appartenance &agrave; une ethnie, &agrave; une religion ou &agrave; un sexe donn&eacute;s. Mais Sa&iuml;d admet qu&rsquo;une recherche humaniste et comparative des cultures demanderait un changement majeur dans le paradigme de la perspective qui a nourri l&rsquo;orientalisme en tant qu&rsquo;id&eacute;ologie de l&rsquo;imp&eacute;rialisme occidental :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Une &eacute;tude g&eacute;n&eacute;rale sur l&rsquo;imp&eacute;rialisme et la culture reste &agrave; &eacute;crire. [&hellip;] La t&acirc;che la plus importante serait peut-&ecirc;tre d&rsquo;entreprendre des recherches sur ce qui remplace actuellement l&rsquo;orientalisme, de se demander comment l&rsquo;on peut &eacute;tudier d&rsquo;autres cultures et d&rsquo;autres populations dans une perspective qui soit libertaire, ni r&eacute;pressive ni manipulatrice. Mais il faudrait alors repenser tout le probl&egrave;me complexe du savoir et du pouvoir.<a href="#_ftn12" name="_ftnref12" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[12]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ayant ainsi l&eacute;gitim&eacute; son projet de traiter de l&rsquo;orientalisme qu&rsquo;il associe &agrave; un aspect particulier de l&rsquo;imp&eacute;rialisme, Sa&iuml;d note que cette forme de colonialisme, &agrave; ne pas sous-estimer, influe notamment sur la production culturelle et refl&egrave;te la p&eacute;rennit&eacute; des syst&egrave;mes h&eacute;g&eacute;moniques. N&eacute;anmoins, les restrictions qu&rsquo;impose l&rsquo;imp&eacute;rialisme sur les penseurs peuvent &ecirc;tre productives comme l&rsquo;illustrent Gramsci, Foucault et Raymond Williams, entre autres, en faisant &eacute;tat de la dynamique des &eacute;changes entre visions du monde diam&eacute;tralement oppos&eacute;es, sous r&eacute;serve de faire, &agrave; la mani&egrave;re de Gramsci, la distinction entre intellectuels traditionnels et intellectuels organiques. Ces derniers sont li&eacute;s de fa&ccedil;on intime aux luttes et aux probl&egrave;mes des classes subalternes, visent &agrave; abolir progressivement la distance entre eux et les opprim&eacute;s et &agrave; cr&eacute;er un nouveau sens commun :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est la question sur laquelle nous avons d&eacute;j&agrave; mis l&rsquo;accent qui se posait &agrave; nouveau&nbsp;: un mouvement philosophique est-il tel seulement dans la mesure o&ugrave; il s&rsquo;applique &agrave; d&eacute;velopper une culture sp&eacute;cialis&eacute;e pour des groupes restreints d&rsquo;intellectuels, ou au contraire n&rsquo;est-il tel que dans la mesure o&ugrave;, dans le travail d&rsquo;&eacute;laboration d&rsquo;une pens&eacute;e sup&eacute;rieure au sens commun et scientifiquement coh&eacute;rente, il n&rsquo;oublie jamais de rester en contact des &quot;simples&quot;, et m&ecirc;me trouve dans ce contact la source des probl&egrave;mes &agrave; &eacute;tudier et &agrave; r&eacute;soudre ? C&rsquo;est seulement par un tel contact qu&rsquo;une philosophie devient &quot;historique&quot;, qu&rsquo;elle s&rsquo;&eacute;pure des &eacute;l&eacute;ments intellectualistes de nature individuelle, et qu&rsquo;elle devient &quot;vie&quot;.<a href="#_ftn13" name="_ftnref13" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[13]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Tout en associant, &agrave; quelques reprises, Gramsci &agrave; Foucault, Sa&iuml;d ne manque pas de pr&eacute;ciser que leur affinit&eacute; n&rsquo;est pas totale et qu&rsquo;une distinction entre ces deux penseurs s&rsquo;impose d&rsquo;office. &Agrave; l&rsquo;encontre de Gramsci, Foucault &eacute;labore une th&eacute;orie du pouvoir qui implique une opposition &agrave; la r&eacute;pression, bien qu&rsquo;il ait par la suite att&eacute;nu&eacute; sa position initiale, se limitant ainsi &agrave; d&eacute;crire l&rsquo;oppression sans trop insister sur la n&eacute;cessit&eacute; de la contrecarrer. Sa&iuml;d note en plus que Foucault ne contextualise pas suffisamment l&rsquo;histoire, alors que Gramsci aurait d&eacute;sapprouv&eacute; ce penchant bien qu&rsquo;il e&ucirc;t appr&eacute;ci&eacute; ses arch&eacute;ologies parfois tr&egrave;s subtiles. Toutefois il aurait trouv&eacute; bizarre que ces arch&eacute;ologies n&rsquo;aient point fait d&rsquo;allusion aux mouvements &eacute;mergents, aux r&eacute;volutions, &agrave; la contre-h&eacute;g&eacute;monie ni aux blocs historiques. Prenant Gramsci pour guide, Sa&iuml;d juge que l&rsquo;invasion de l&rsquo;&Eacute;gypte par Bonaparte, par exemple, constitue un point de d&eacute;part important dans la naissance et le d&eacute;veloppement de l&rsquo;orientalisme :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Pour mon propos, le ton de la relation entre le Proche-Orient et l&rsquo;Europe a &eacute;t&eacute; donn&eacute; par l&rsquo;invasion de l&rsquo;&Eacute;gypte par Bonaparte en 1798, invasion qui a &eacute;t&eacute; de bien des mani&egrave;res un mod&egrave;le d&rsquo;appropriation vraiment scientifique d&rsquo;une culture par une autre apparemment plus forte. En effet, l&rsquo;occupation de l&rsquo;&Eacute;gypte a mis en train entre l&rsquo;Est et l&rsquo;Ouest des processus qui dominent encore nos perspectives culturelles et politiques.<a href="#_ftn14" name="_ftnref14" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[14]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Sa&iuml;d affirme, en outre, que pour sa part, Foucault estime qu&rsquo;il y a toujours quelque chose d&rsquo;inaccessible qui rend possible le changement et entrave le pouvoir dominant. Le positionnement de Foucault et son omission de tenir compte de la onzi&egrave;me th&egrave;se sur Feuerbach le diff&eacute;rencient de Gramsci qui rejette le d&eacute;terminisme et s&rsquo;engage corps et &acirc;me &agrave; changer la condition de vie des classes subalternes m&ecirc;me si cela pourrait s&rsquo;&eacute;taler sur de longues p&eacute;riodes. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le sous-d&eacute;veloppement g&eacute;n&eacute;ralis&eacute; des colonies, par exemple, n&rsquo;est selon Gramsci qu&rsquo;un pr&eacute;texte pour la continuation de la domination coloniale, ce qui le porte &agrave; inclure les colonis&eacute;s dans son soutien aux opprim&eacute;s. De son c&ocirc;t&eacute;, Losurdo souligne que Gramsci critique, &agrave; juste titre, Croce et Gentile, non seulement pour leur attitude paternaliste envers le peuple italien, mais aussi pour leur justification de l&rsquo;exploitation coloniale. </span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">[P]renant d&eacute;cid&eacute;ment position en faveur de l&rsquo;&eacute;mancipation des peuples coloniaux, Gramsci d&eacute;nonce la bourgeoisie lib&eacute;rale du temps, et pas seulement sur le plan plus imm&eacute;diatement politique : celle-ci n&rsquo;est pas capable de voir les probl&egrave;mes, les souffrances, les droits des exclus de la civilisation et de l&rsquo;Occident.<a href="#_ftn15" name="_ftnref15" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[15]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Fid&egrave;le &agrave; son internationalisme harmonis&eacute; aux conditions locales, Gramsci assigne aux pays ayant une soci&eacute;t&eacute; civile plus complexe une strat&eacute;gie qu&rsquo;il d&eacute;signe par la m&eacute;taphore de &laquo;&nbsp;guerre de position&nbsp;&raquo;<a href="#_ftn16" name="_ftnref16" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[16]</span></span></sup></sup></a>. Encore une fois l&rsquo;importance d&rsquo;une dialectique historique est &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre et Sa&iuml;d ne manque pas d&rsquo;en faire la recension.</span></span></p> <h2 style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">L&rsquo;imp&eacute;rialisme</span></span></span></span><span style="font-size:12pt">&nbsp;</span></h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; l&rsquo;instar du capitalisme qui a su survivre &agrave; plusieurs crises, l&rsquo;imp&eacute;rialisme ne baisse pas pavillon devant le soul&egrave;vement des pays qu&rsquo;il contr&ocirc;le, car il a toujours &agrave; sa disposition les moyens de le contrecarrer. Sa&iuml;d note que peu importe qu&rsquo;une minorit&eacute; n&rsquo;ait pas r&eacute;pondu &agrave; leur cri de ralliement, les puissances dominantes n&rsquo;en demeurent pas moins d&eacute;termin&eacute;es et pr&ecirc;tes &agrave; intervenir brutalement en vue de mater tout &eacute;cart de conduite que manifestent les pays orientaux :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; partir des ann&eacute;es 1920, et d&rsquo;un bout du tiers monde &agrave; l&rsquo;autre, la r&eacute;action &agrave; l&rsquo;empire et &agrave; l&rsquo;imp&eacute;rialisme a &eacute;t&eacute; dialectique. Au moment de la conf&eacute;rence de Bandung, en 1955, l&rsquo;Orient dans son entier a gagn&eacute; son ind&eacute;pendance politique sur les empires occidentaux et se trouve en face d&rsquo;une configuration nouvelle des puissances imp&eacute;riales, les &Eacute;tats-Unis et l&rsquo;Union sovi&eacute;tique. Incapable de reconna&icirc;tre &quot;son&quot; Orient dans le nouveau tiers monde, l&rsquo;orientalisme est maintenant en face d&rsquo;un Orient provocateur et arm&eacute; politiquement. Il se trouve devant une alternative. Une branche de celle-ci consiste &agrave; continuer comme si de rien n&rsquo;&eacute;tait. La seconde est d&rsquo;adapter les anciennes mani&egrave;res &agrave; la situation nouvelle [&hellip;]. Une autre possibilit&eacute; r&eacute;visionniste, qui est de se passer compl&egrave;tement de l&rsquo;orientalisme, n&rsquo;est prise en consid&eacute;ration que par une faible minorit&eacute;.<a href="#_ftn17" name="_ftnref17" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[17]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">De surcro&icirc;t, Sa&iuml;d emprunte &agrave; Gramsci la notion de conscience critique pour s&rsquo;inscrire en faux contre toutes les structures dogmatiques d&rsquo;autorit&eacute; qui appuient les fondements du statu quo. La distinction que fait Gramsci entre intellectuels traditionnels et intellectuels organiques va servir &agrave; Sa&iuml;d pour d&eacute;noncer les premiers qui posent comme experts en l&eacute;gitimation non seulement des classes dominantes, mais aussi de toute forme d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie cuirass&eacute;e de coercition. Ces intellectuels jouent le r&ocirc;le d&rsquo;intervenants travaillant pour les pouvoirs &eacute;tablis, mais ne voient pas de contradiction entre leur suj&eacute;tion et la pr&eacute;tention de se r&eacute;clamer de la sagesse et de l&rsquo;humanisme. Les intellectuels organiques, par contre, aident &agrave; transformer la conscience de classe collective ou pour reprendre le terme allemand <em>Weltanschauung</em> adopt&eacute; par Gramsci pour d&eacute;signer la vision du monde. Ils m&egrave;nent donc, selon Hughes Portelli, une lutte perp&eacute;tuelle contre le transformisme organis&eacute; par les intellectuels des classes dominantes que Gramsci identifie<a href="#_ftn18" name="_ftnref18" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[18]</span></span></sup></sup></a> &agrave; la r&eacute;cup&eacute;ration bourgeoise des intellectuels organiques des classes subalternes. Cette usurpation visait &agrave; saper les fondements de l&rsquo;activit&eacute; r&eacute;volutionnaire.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans cette perspective, les notions d&rsquo;humanisme et d&rsquo;historicisme qu&rsquo;a transmises Vico<a href="#_ftn19" name="_ftnref19" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[19]</span></span></sup></sup></a> &agrave; Gramsci imputent &agrave; l&rsquo;homme la responsabilit&eacute; de fa&ccedil;onner consciemment l&rsquo;histoire tout en l&rsquo;inscrivant dans un cadre spatio-temporel bien d&eacute;termin&eacute;. Il est &agrave; noter que, &agrave; l&rsquo;instar de Labriola de <em>Da un secolla </em>all&rsquo;altro, Gramsci a su interpr&eacute;ter le calendrier r&eacute;volutionnaire de la France comme un signe de rupture avec ce que le pass&eacute; repr&eacute;sentait. En ce sens, la R&eacute;volution fran&ccedil;aise a eu le m&eacute;rite de transformer radicalement un pan important des rapports humains r&eacute;gis par une vision religieuse. Cet exemple symbolique montre bien que le changement, si ardu soit-il, est du domaine du possible. De surcro&icirc;t, Gramsci rend hommage &agrave; Machiavel pour avoir con&ccedil;u un <em>Weltanschauung </em>original en fusionnant th&eacute;orie et pratique : </span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Que l&rsquo;on pourrait appeler une &quot;philosophie de la <em>praxis&quot;</em>&nbsp;ou un &quot;n&eacute;o-humanisme&quot; dans la mesure o&ugrave; elle ne reconna&icirc;t pas d&rsquo;&eacute;l&eacute;ments transcendantaux ou immanents (dans un sens m&eacute;taphysique) mais se fonde enti&egrave;rement sur l&rsquo;action concr&egrave;te de l&rsquo;homme qui, pour ses n&eacute;cessit&eacute;s historiques, agit sur la r&eacute;alit&eacute; et la transforme.<a href="#_ftn20" name="_ftnref20" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[20]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le &laquo; n&eacute;o-humanisme <span style="font-size:10.0pt">&raquo;</span><a href="#_ftn21" name="_ftnref21" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[21]</span></span></sup></sup></a>de Machiavel consiste, selon Gramsci, &agrave; attribuer la transformation de la r&eacute;alit&eacute; &agrave; l&rsquo;action consciente des hommes qui doivent surmonter les contradictions historiques dans lesquelles ils se trouvent. L&rsquo;&oelig;uvre de Machiavel est donc un pas en avant dans le d&eacute;veloppement d&rsquo;une philosophie de la <em>praxis </em>enti&egrave;rement historiciste qui pourfend le dogme religieux, l&rsquo;id&eacute;ologie dominante de l&rsquo;&eacute;poque, ainsi que le pouvoir tyrannique des princes f&eacute;odaux. Machiavel souligne l&rsquo;importance de l&rsquo;entr&eacute;e des masses en politique et de la canalisation de cette nouvelle force pour transformer le monde. Il s&rsquo;ensuit que l&rsquo;Occident n&rsquo;a pas le droit d&rsquo;identifier, somme toute arbitrairement, l&rsquo;Orient et encore moins de parler en son nom. La raison de cette interdiction r&eacute;side, selon Sa&iuml;d, dans le rapport dominant/domin&eacute; entre les deux zones culturelles/g&eacute;ographiques. D&rsquo;ailleurs Sa&iuml;d affirme que l&rsquo;orientalisme est une vision du monde id&eacute;ologiquement biais&eacute;e en faveur de l&rsquo;Occident et pr&eacute;judiciable &agrave; l&rsquo;Orient :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">D&rsquo;un point de vue philosophique, donc, le type de langage, de pens&eacute;e et de vision que j&rsquo;ai appel&eacute; de mani&egrave;re tr&egrave;s g&eacute;n&eacute;rale orientalisme est une forme extr&ecirc;me de r&eacute;alisme. Il consiste en une mani&egrave;re habituelle de traiter de questions, d&rsquo;objets, de qualit&eacute;s et de r&eacute;gions suppos&eacute;s orientaux ; [&hellip;] D&rsquo;un point de vue rh&eacute;torique, l&rsquo;orientalisme est anatomique et &eacute;num&eacute;ratif&nbsp;: utiliser son vocabulaire, c&rsquo;est s&rsquo;engager dans la particularisation et la division des choses de l&rsquo;Orient en parties traitables. D&rsquo;un point de vue psychologique, l&rsquo;orientalisme est une forme de parano&iuml;a, une forme de savoir qui n&rsquo;est pas du m&ecirc;me ordre que le savoir historique ordinaire, par exemple.<a href="#_ftn22" name="_ftnref22" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[22]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">En ce qui concerne Gramsci, il fait la distinction entre le consentement qui caract&eacute;rise surtout la soci&eacute;t&eacute; civile et la coercition qui est l&rsquo;apanage de certaines institutions de l&rsquo;&Eacute;tat (police, arm&eacute;e, bureaucratie). L&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie se r&eacute;alise gr&acirc;ce &agrave; certaines id&eacute;es qui trouvent plus de preneurs que d&rsquo;autres. En outre, Gramsci fait allusion &agrave; l&rsquo;influence qu&rsquo;a exerc&eacute;e Benedetto Croce sur les intellectuels m&eacute;ridionaux radicaux pour les int&eacute;grer au bloc agraire. Pour Gramsci, l&rsquo;enseignement de Benedetto Croce a favoris&eacute; le recrutement d&rsquo;un groupe important d&rsquo;intellectuels au service des propri&eacute;taires terriens, ce qui rendait difficile l&rsquo;alliance des paysans du Sud avec les ouvriers du Nord. D&rsquo;autant plus que les nouveaux agents avaient pour t&acirc;che de manipuler, consciemment ou inconsciemment, les masses afin de les maintenir dans un &eacute;tat amorphe.</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les grands propri&eacute;taires sur le plan politique, et les grands intellectuels sur le plan id&eacute;ologique, sont ceux qui centralisent et dominent en derni&egrave;re analyse tout cet ensemble de manifestations. Naturellement, c&rsquo;est sur le plan id&eacute;ologique que cette centralisation se fait avec le plus d&rsquo;efficacit&eacute; et de pr&eacute;cision. C&rsquo;est pourquoi Giustino Fortunato et Benedetto Croce repr&eacute;sentent les clefs de vo&ucirc;te du syst&egrave;me m&eacute;ridional et, en un certain sens, sont les deux plus grandes figures de la r&eacute;action italienne.<a href="#_ftn23" name="_ftnref23" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[23]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le centre du pouvoir &eacute;tatique est cuirass&eacute; par des forteresses dans la soci&eacute;t&eacute; civile qu&rsquo;il serait suicidaire de prendre d&rsquo;assaut directement. Transposant ce concept au niveau international, Sa&iuml;d, &agrave; l&rsquo;instar de Gramsci, recommande aux d&eacute;poss&eacute;d&eacute;s et aux autres groupes subalternes de recourir &agrave; la guerre de position apr&egrave;s avoir pris pleine conscience de leur appartenance. &Agrave; cette fin, il leur incombe de d&eacute;velopper leur propre vision contestataire du monde et de rejeter celle qu&rsquo;on leur impose. Gramsci interpr&egrave;te le &laquo;&nbsp;Connais-toi toi-m&ecirc;me &raquo; comme voulant dire se conna&icirc;tre soi-m&ecirc;me en tant que produit d&rsquo;un processus historique. M&ecirc;me si Sa&iuml;d ne tient pas &agrave; proposer un Orient &laquo;&nbsp;r&eacute;el&nbsp;&raquo; pour remplacer celui de l&rsquo;orientalisme actuel, il juge que la saisie des origines de cet Orient imaginaire est d&eacute;j&agrave; un grand pas dans la d&eacute;construction de l&rsquo;orientalisme :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Ma th&egrave;se est qu&rsquo;on peut comprendre les aspects essentiels de la th&eacute;orie et de la praxis orientalistes modernes (dont d&eacute;coule l&rsquo;orientalisme d&rsquo;aujourd&rsquo;hui), non comme un acc&egrave;s soudain de savoir objectif sur l&rsquo;Orient, mais comme un ensemble de structures h&eacute;rit&eacute;es du pass&eacute;, s&eacute;cularis&eacute;es, r&eacute;am&eacute;nag&eacute;es et r&eacute;form&eacute;es par des disciplines telles que la philologie qui, &agrave; leur tour, ont &eacute;t&eacute; des substituts (ou des versions) du surnaturalisme chr&eacute;tien. Sous forme d&rsquo;id&eacute;es et de textes nouveaux, l&rsquo;Est a &eacute;t&eacute; adapt&eacute; &agrave; ces structures.<a href="#_ftn24" name="_ftnref24" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[24]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Faisant allusion &agrave; la fusion de la th&eacute;orie et de la pratique orientalistes, Sa&iuml;d ne fait que d&eacute;placer la philosophie de la praxis gramscienne dans le camp adverse. Telle que pr&eacute;conis&eacute;e par Gramsci la philosophie de la praxis ne se contente pas de d&eacute;crire la condition humaine, mais s&rsquo;efforce &agrave; la transformer dans une direction &eacute;mancipatrice. &Agrave; titre indicatif, Gramsci rappelle que l&rsquo;affirmation de Marx &agrave; propos de la &laquo;&nbsp;solidit&eacute; des croyances populaires&nbsp;&raquo; a &eacute;t&eacute; d&eacute;form&eacute;e, en la d&eacute;tachant de son contexte, pour lui en donner un sens m&eacute;caniste que rien ne justifie. </span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Lorsque Marx parle de la &laquo; validit&eacute; des croyances populaires &raquo;, il fait r&eacute;f&eacute;rence &agrave; une r&eacute;alit&eacute; historico-culturelle pour indiquer la &quot;solidit&eacute; des convictions&quot; et leur efficacit&eacute; pour r&eacute;gler la conduite des hommes ; mais il affirme implicitement que de &quot;nouvelles croyances populaires sont n&eacute;cessaires&quot;, c&rsquo;est-&agrave;-dire un nouveau &quot;sens commun&quot; et donc une nouvelle culture, une nouvelle philosophie.<a href="#_ftn25" name="_ftnref25" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[25]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Sa&iuml;d a n&eacute;glig&eacute; la nuance entre ces deux versions de la praxis mais se rattrape en appliquant &agrave; l&rsquo;orientalisme la m&eacute;thode critique et historiciste d&rsquo;analyse que propose Gramsci dans ses <em>Cahiers de prison</em>. Qui plus est, Sa&iuml;d rapproche la notion gramscienne de l&rsquo;intellectuel organique de celle de Julien Benda<a href="#_ftn26" name="_ftnref26" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[26]</span></span></sup></sup></a>. Tous les deux associent l&rsquo;intellectuel &agrave; la force &eacute;mergente oppos&eacute;e &agrave; l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie de la classe dominante. Toutefois, Sa&iuml;d ne donne pas compl&egrave;tement raison &agrave; Benda, qui attribue trop de m&eacute;rite &agrave; l&rsquo;intellectuel solitaire dont l&rsquo;autorit&eacute; &eacute;mane de lui en tant qu&rsquo;individu oppos&eacute; aux passions collectives. Par contre Sa&iuml;d vante le m&eacute;rite de Gramsci pour avoir recommand&eacute; l&rsquo;&eacute;tude d&rsquo;intellectuels, tel que Croce, ne serait-ce que parce qu&rsquo;ils donnaient souvent l&rsquo;impression que leurs id&eacute;es &eacute;taient l&rsquo;expression d&rsquo;une volont&eacute; collective.</span></span></p> <h2 style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Les intellectuels</span></span></span></span></h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Toujours est-il que Gramsci fait le partage entre les pseudo-intellectuels qui s&rsquo;auto r&eacute;clament &ecirc;tre le produit de leur milieu et les intellectuels organiques dont la conscience critique fait partie int&eacute;grante de leur univers social. En nous incitant &agrave; prendre connaissance des penseurs du premier groupe tout en exposant au grand jour leur tartuferie, Gramsci, fid&egrave;le &agrave; la tournure ironique de son esprit, nuance toujours ses propos en y greffant soit le point de vue oppos&eacute;, soit une quelconque r&eacute;serve dont il faut tenir compte. Ses &eacute;crits regorgent d&rsquo;exemples &agrave; cet effet. &Agrave; titre indicatif, notons qu&rsquo;apr&egrave;s avoir amplement d&eacute;montr&eacute; le bien-fond&eacute; de la guerre de position, il nous invite &agrave; prendre son argumentation avec un grain de sel ; il rejette le d&eacute;terminisme sociologique, mais lui d&eacute;couvre certains traits b&eacute;n&eacute;fiques dans des situations particuli&egrave;res, etc. D&rsquo;un autre c&ocirc;t&eacute;, Sa&iuml;d s&rsquo;en prend au c&eacute;l&egrave;bre &eacute;crivain Chateaubriand qui faisait grand cas de la barbarie des populations arabes de l&rsquo;Orient en appelant l&rsquo;Europe &agrave; les envahir pour leur apprendre le sens de la libert&eacute;. Comme le souligne Sa&iuml;d, cette id&eacute;e exprim&eacute;e par Chateaubriand sera reprise et r&eacute;&eacute;labor&eacute;e par des g&eacute;n&eacute;rations d&rsquo;orientalistes et de dirigeants des puissances occidentales :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est la premi&egrave;re mention significative [celle de Chateaubriand] d&rsquo;une id&eacute;e qui va acqu&eacute;rir une autorit&eacute; presque insupportable, quasi automatique, dans les &eacute;crits europ&eacute;ens&nbsp;: le th&egrave;me de l&rsquo;Europe qui enseigne &agrave; l&rsquo;Orient ce qu&rsquo;est la libert&eacute;, id&eacute;e dont Chateaubriand &ndash; et tous apr&egrave;s lui &ndash; a cru que les Orientaux et en particulier les musulmans, l&rsquo;ignoraient totalement.<a href="#_ftn27" name="_ftnref27" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[27]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Quant &agrave; la conscience critique, Sa&iuml;d fait, &agrave; juste titre, la distinction entre la filiation et l&rsquo;affiliation. La premi&egrave;re renvoie &agrave; une succession d&rsquo;id&eacute;es issues les unes des autres, alors que l&rsquo;affiliation constitue une adh&eacute;sion volontaire. Dans cette perspective Sa&iuml;d consid&egrave;re, que chez Gramsci la connaissance d&eacute;bouche sur le pouvoir par filiation, mais que le choix d&rsquo;un individu d&rsquo;adh&eacute;rer &agrave; un club, &agrave; un parti politique ou &agrave; un groupe contestataire de l&rsquo;ordre dominant d&eacute;termine son affiliation. C&rsquo;est ce qui explique, s&rsquo;il y a lieu, la violence qui en d&eacute;coule. Le tout s&rsquo;inscrit dans l&rsquo;activit&eacute; entreprise par la soci&eacute;t&eacute; civile dont l&rsquo;apport assure son maintien, voire son d&eacute;veloppement.</span></span></p> <h2 style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Culture et domination</span></span></span></span></h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Sa&iuml;d soutient que la musique, en tant que forme artistique inscrite dans le contexte social, contribue &agrave; l&rsquo;&eacute;laboration ou &agrave; la production de la soci&eacute;t&eacute; civile. Or, cette &eacute;laboration, dans le sens que lui donne Gramsci, &eacute;quivaut &agrave; la participation des membres de la soci&eacute;t&eacute; au maintien du processus soci&eacute;tal en cours sans pour autant en pr&eacute;dire l&rsquo;issue. De m&ecirc;me, Sa&iuml;d rejette le d&eacute;terminisme positiviste et ne voit l&rsquo;&eacute;volution de la situation que sous son aspect contingent. En fait ce sont les choix historiques des &ecirc;tres humains plut&ocirc;t que l&rsquo;intervention divine qui d&eacute;terminent l&rsquo;&eacute;volution de la soci&eacute;t&eacute;.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">S&rsquo;appuyant sur une dimension g&eacute;ographique oppos&eacute;e &agrave; la dimension h&eacute;g&eacute;lienne, Sa&iuml;d fait &eacute;tat de l&rsquo;&eacute;cart entre Luk&aacute;cs qui met l&rsquo;accent sur le temporel et Gramsci qui privil&eacute;gie le spatial et consid&egrave;re que c&rsquo;est de la nature du pouvoir d&rsquo;&eacute;tendre son h&eacute;g&eacute;monie sur un territoire de plus en plus vaste. &Agrave; titre d&rsquo;exemple, il note que l&rsquo;objectif de la guerre de position c&rsquo;est de gagner du terrain sur ses adversaires.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Jusque-l&agrave;, nous avons fait &eacute;tat de la proximit&eacute; des vues de Sa&iuml;d &agrave; partir de <em>L&rsquo;Orientalisme</em> et de l&rsquo;anthologie intitul&eacute;e <em>The Edward Sa&iuml;d Reader</em>. Mais en vue d&rsquo;approfondir cette filiation, il serait tout indiqu&eacute; &agrave; ce stade-ci de se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; d&rsquo;autres ouvrages de Sa&iuml;d dont <em>Culture et imp&eacute;rialisme</em><a href="#_ftn28" name="_ftnref28" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[28]</span></span></sup></sup></a><em> </em>o&ugrave; l&rsquo;auteur r&eacute;it&egrave;re son attachement &agrave; l&rsquo;id&eacute;e gramscienne de non-exclusion en mati&egrave;re d&rsquo;analyses historiques. Dans cette perspective, la d&eacute;lib&eacute;ration sur le f&eacute;minisme, par exemple, n&rsquo;est pas, selon Sa&iuml;d, l&rsquo;apanage des femmes, l&rsquo;examen de l&rsquo;antis&eacute;mitisme n&rsquo;est pas donn&eacute; exclusivement aux membres de la communaut&eacute; juive et l&rsquo;on ne tient pas pour acquis que seuls les coloniaux ont le droit de se prononcer sur la colonisation. Il s&rsquo;ensuit donc que peu importe son origine ethnique, la couleur de sa peau, sa religion, son sexe, l&rsquo;intellectuel est habilit&eacute; &agrave; s&rsquo;attaquer au sujet de son choix. De plus, l&rsquo;intellectuel critique qui examine la culture est cens&eacute; refuser de banaliser les positions identitaires que ce soit celle que les dominants tentent d&rsquo;imposer ou m&ecirc;me celle des domin&eacute;s qui cherchent &agrave; s&rsquo;&eacute;manciper :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La t&acirc;che de l&rsquo;intellectuel qui r&eacute;fl&eacute;chit &agrave; la culture est donc de ne pas prendre pour naturelle la politique identitaire, mais de montrer comment toutes ses repr&eacute;sentations sont construites, &agrave; quelles fins, par qui et &agrave; partir de quoi.<a href="#_ftn29" name="_ftnref29" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[29]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">La filiation de Sa&iuml;d ne s&rsquo;arr&ecirc;te pas &agrave; justifier sa s&eacute;lection de l&rsquo;objet de son &eacute;tude et il note, &agrave; juste titre, que Gramsci, dans la <em>Question m&eacute;ridionale</em>, fait une judicieuse repr&eacute;sentation g&eacute;ographique et historique, bien qu&rsquo;inachev&eacute;e, de l&rsquo;&eacute;nigme du Sud de l&rsquo;Italie. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les Italiens du Nord ont du mal &agrave; saisir la d&eacute;sint&eacute;gration sociale qui s&eacute;vit chez leurs voisins du Sud. D&rsquo;o&ugrave; le besoin d&rsquo;attirer leur attention aux causes du retard social des masses de paysans domin&eacute;s par des grands propri&eacute;taires terriens. &Agrave; partir de cette analyse gramscienne du rapport entre le Nord et le Sud de l&rsquo;Italie, Sa&iuml;d extrapole certains &eacute;l&eacute;ments pour mettre en &eacute;vidence les rapports in&eacute;gaux entre les puissances imp&eacute;rialistes et les pays victimes du colonialisme et du n&eacute;ocolonialisme d&rsquo;aujourd&rsquo;hui.</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Nous allons sortir les formes culturelles occidentales des tours d&rsquo;ivoire o&ugrave; on les a prot&eacute;g&eacute;es, et les r&eacute;introduire dans le monde en mouvement cr&eacute;&eacute; par l&rsquo;imp&eacute;rialisme [&hellip;] L&rsquo;imp&eacute;rialisme deviendra alors pour nous un ph&eacute;nom&egrave;ne interne &agrave; la culture m&eacute;tropolitaine, qui parfois reconna&icirc;t, parfois occulte le fonctionnement (ininterrompu) de l&rsquo;empire. D&rsquo;o&ugrave; la question clef &ndash; tr&egrave;s gramscienne&nbsp;: comment les cultures nationales britannique, fran&ccedil;aise et am&eacute;ricaine ont-elles maintenu leur h&eacute;g&eacute;monie sur les p&eacute;riph&eacute;ries ? Comment ont-elles, en leur sein, r&eacute;alis&eacute; et renforc&eacute; contin&ucirc;ment le consensus pour la domination de peuples indig&egrave;nes et de territoires lointains ?<a href="#_ftn30" name="_ftnref30" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[30]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><em>Culture et imp&eacute;rialisme</em>, pose, entre autres, la question de l&rsquo;habilit&eacute; de Sa&iuml;d, un intellectuel de souche oriental, &agrave; traiter d&rsquo;un sujet que la majorit&eacute; des Occidentaux voudraient confiner &agrave; leurs penseurs. Mettant &agrave; profit l&rsquo;enseignement d&rsquo;Antonio Gramsci qui a su inscrire l&rsquo;exp&eacute;rience humaine au c&oelig;ur des &eacute;v&eacute;nements historiques et &eacute;vacuer toute intervention divine ou d&rsquo;ordre dogmatique, Sa&iuml;d rejette l&rsquo;exclusion bien qu&rsquo;il conc&egrave;de que la philosophie gramscienne de la <em>praxis </em>n&rsquo;est qu&rsquo;&agrave; ses d&eacute;buts et qu&rsquo;elle a encore un long chemin &agrave; parcourir, des obstacles &agrave; surmonter et de hautes luttes &agrave; engager contre ses pires adversaires avant de s&rsquo;imposer. En tant qu&rsquo;historicisme absolu, cette philosophie cherche &agrave; confondre ses d&eacute;tracteurs qui lui lancent des invectives hors-contexte. D&rsquo;ailleurs Gramsci utilise aussi le terme d&rsquo;humanisme, dans un sens particulier et en tandem avec celui d&rsquo;historicisme pour d&eacute;crire la philosophie de la <em>praxis</em>. Par l&rsquo;expression &quot;humanisme absolu&quot;, Gramsci entend la vision marxiste non transcendantale du d&eacute;veloppement historique&nbsp;: &laquo;&nbsp;[l]a philosophie de la <em>praxis </em>est l&rsquo;&quot;historicisme&quot; absolu, la mondanisation et terrestrit&eacute; absolue de la pens&eacute;e humaine, un humanisme absolu de l&rsquo;histoire &raquo;<a href="#_ftn31" name="_ftnref31" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[31]</span></span></sup></sup></a>. De surcro&icirc;t la philosophie de la <em>praxis </em>contribue &agrave; formuler une vision du monde (<em>Weltanschauung</em>) qui, du fait de mitiger le r&ocirc;le de la sp&eacute;culation, correspond aux vraies aspirations des masses<a href="#_ftn32" name="_ftnref32" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[32]</span></span></sup></sup></a>. Qui plus est, l&rsquo;auteur des <em>Cahiers de prison</em> s&rsquo;est inscrit en faux contre l&rsquo;essentialisme qui, selon lui, ne sert qu&rsquo;&agrave; cultiver l&rsquo;ignorance et qu&rsquo;&agrave; entraver le d&eacute;placement des bornes de l&rsquo;inconnu. Par extrapolation d&rsquo;une id&eacute;e gramscienne Sa&iuml;d note que :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Si l&rsquo;on pense avec Gramsci qu&rsquo;une profession intellectuelle est socialement possible et souhaitable c&rsquo;est une contradiction inadmissible que d&rsquo;&eacute;chafauder des analyses de l&rsquo;histoire autour d&rsquo;exclusions &ndash; supposant par exemple que seules les femmes peuvent comprendre la condition f&eacute;minine, que seuls les Juifs peuvent concevoir la souffrance juive, que seuls les anciens coloniaux peuvent saisir l&rsquo;exp&eacute;rience coloniale.<a href="#_ftn33" name="_ftnref33" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[33]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Au fond, Sa&iuml;d tente ici de redresser le tort des Occidentaux qui pr&eacute;tendent d&eacute;tenir le monopole de traiter des grands probl&egrave;mes et de s&rsquo;exprimer en leur nom et au nom du reste de l&rsquo;humanit&eacute; &agrave; qui ils &ocirc;tent le droit de parole. Par cet artifice, les pseudo-sp&eacute;cialistes du monde non-europ&eacute;en se font les promoteurs, directement ou indirectement, de l&rsquo;entreprise imp&eacute;riale des pays colonisateurs.</span></span></p> <h3 style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm;"><span style="font-size:12pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif">La territorialit&eacute;</span></span></span></h3> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">S&rsquo;inspirant de l&rsquo;essai de Gramsci intitul&eacute; <em>Quelques th&egrave;ses sur la question m&eacute;ridionale</em>, Sa&iuml;d note, &agrave; juste titre, qu&rsquo;en d&eacute;pit du caract&egrave;re inachev&eacute; de ce texte, il n&rsquo;en reste pas moins un mod&egrave;le &agrave; suivre en mati&egrave;re de territorialit&eacute; en raison des questions pertinentes qu&rsquo;il soul&egrave;ve et que le penseur sarde d&eacute;veloppera plus tard dans ses <em>Cahiers de prison</em>. Sa&iuml;d observe en outre que Gramsci met plut&ocirc;t l&rsquo;accent sur la dimension spatiale plut&ocirc;t que sur la dimension temporelle, se d&eacute;marquant ainsi de Luk&aacute;cs :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Luk&aacute;cs reste dans la tradition h&eacute;g&eacute;lienne du marxisme, Gramsci s&rsquo;en &eacute;carte du c&ocirc;t&eacute; de Vico ou de Croce. <em>Dans Histoire et conscience de classe</em> (1923), la grande &oelig;uvre de Luk&aacute;cs, l&rsquo;essentiel, c&rsquo;est le temps. Chez Gramsci &ndash; l&rsquo;examen le plus superficiel de son vocabulaire le r&eacute;v&egrave;le imm&eacute;diatement &ndash; l&rsquo;histoire et l&rsquo;actualit&eacute; sociale sont saisies en termes d&rsquo;espace.<a href="#_ftn34" name="_ftnref34" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[34]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Sa&iuml;d ajoute que le paradigme du terrain est bien d&eacute;velopp&eacute; dans l&rsquo;ensemble de l&rsquo;&oelig;uvre de Gramsci, en particulier dans la <em>Question m&eacute;ridionale</em> o&ugrave; l&rsquo;auteur jette des passerelles entre le Nord industriel et le Sud agricole en vue de former un front uni des subalternes dans leur marche vers leur &eacute;mancipation des carcans de la servitude. Selon Gramsci, il revient &agrave; Piero Gobetti plut&ocirc;t qu&rsquo;&agrave; Benedetto Croce ou &agrave; Fortunato d&rsquo;avoir promu l&rsquo;alliance entre les ouvriers du Nord et les paysans du Sud :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Avec la clairvoyance qui le caract&eacute;rise, Gramsci per&ccedil;oit Croce lui-m&ecirc;me, personnage tr&egrave;s impressionnant, tr&egrave;s grande figure en Italie, comme un philosophe du Mezzogiorno qui trouve plus simple de se rattacher &agrave; l&rsquo;Europe et &agrave; Platon qu&rsquo;&agrave; son propre environnement m&eacute;ridional en perdition.<a href="#_ftn35" name="_ftnref35" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[35]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Le rapprochement souhait&eacute; des deux r&eacute;gions disjointes de l&rsquo;Italie n&eacute;cessite un travail de longue haleine, car le changement des mentalit&eacute;s ne se fait pas du jour au lendemain. S&rsquo;inspirant du concept sor&eacute;lien de schisme, Gramsci consid&egrave;re d&rsquo;ailleurs que la relation de jonction/disjonction qui en d&eacute;coule donne naissance &agrave; un mouvement susceptible d&rsquo;&eacute;branler les fondements du statu quo pour lui substituer une dynamique de prise de conscience de la compl&eacute;mentarit&eacute; des deux formes de labeur (ouvriers et paysans). Mais pareil &agrave; tout enfantement, la r&eacute;alisation de leur union se fait dans la douleur et requiert d&eacute;termination et patience. Sa&iuml;d formule ainsi l&rsquo;objectif vis&eacute; par la <em>Question m&eacute;ridionale</em>,</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">C&rsquo;est de montrer la n&eacute;cessit&eacute; d&rsquo;une formation sociale nouvelle qu&rsquo;il appelle &agrave; na&icirc;tre, &agrave; grandir, &agrave; s&rsquo;&eacute;panouir sur la rupture instaur&eacute;e par son travail &ndash; et par sa volont&eacute; acharn&eacute;e de jeter un pont, &agrave; la force de son intellect [de Gramsci] entre les r&eacute;gions disparates et apparemment autonomes de l&rsquo;histoire humaine.<a href="#_ftn36" name="_ftnref36" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[36]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">On devine ais&eacute;ment &agrave; quoi rime ce compte rendu d&eacute;taill&eacute; de l&rsquo;appel de Gramsci &agrave; un ordre nouveau (<em>Ordine Nuovo</em>). De toute &eacute;vidence, Sa&iuml;d vise &agrave; s&rsquo;en servir comme mod&egrave;le &agrave; suivre dans sa r&eacute;flexion sur la culture et l&rsquo;imp&eacute;rialisme o&ugrave; il compte r&eacute;server une place importante au concept gramscien d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie vu sous l&rsquo;angle du processus d&rsquo;&eacute;dification d&rsquo;une contre h&eacute;g&eacute;monie. Gramsci convient que les id&eacute;es pr&eacute;con&ccedil;ues donnent l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre ind&eacute;racinables, mais il croit en m&ecirc;me temps que leur &eacute;limination, si difficile soit-elle, est indispensable si l&rsquo;on tient &agrave; cr&eacute;er un &eacute;quilibre entre la spontan&eacute;it&eacute; et la direction consciente. Se complaire dans l&rsquo;id&eacute;e voulant que la philosophie soit l&rsquo;apanage d&rsquo;une &eacute;lite d&rsquo;intellectuels &agrave; l&rsquo;exclusion du commun des mortels emp&ecirc;che tout dialogue productif entre une classe potentiellement r&eacute;volutionnaire et ses intellectuels organiques. Gramsci y ajoute que tous les hommes sains d&rsquo;esprit sont aptes &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir sur leurs conditions de vie et &agrave; chercher &agrave; comprendre le fonctionnement du monde dans lequel ils vivent :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il faut d&eacute;truire le pr&eacute;jug&eacute; selon lequel la philosophie serait extr&ecirc;mement difficile parce que c&rsquo;est une activit&eacute; propre &agrave; une certaine cat&eacute;gorie de savants, de philosophes professionnels ou syst&eacute;matiques. Il faudra donc d&eacute;montrer que tout homme est philosophe, en d&eacute;finissant les caract&egrave;res et les limites de cette philosophie [&quot;spontan&eacute;e&quot;] de &quot;tout le monde&quot;, c&rsquo;est-&agrave;-dire le sens commun et la religion. Une fois d&eacute;montr&eacute; que chacun est philosophe &agrave; sa mani&egrave;re, qu&rsquo;il n&rsquo;existe pas d&rsquo;homme normal et sain intellectuellement qui ne participe pas d&rsquo;une conception du monde d&eacute;termin&eacute;e, m&ecirc;me inconsciemment parce que chaque &quot;langage&quot; est une philosophie, on passe alors au deuxi&egrave;me moment, celui de la critique et de la conscience.<a href="#_ftn37" name="_ftnref37" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[37]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Cela implique, il va sans dire, que la vision gramscienne s&rsquo;adapte bien &agrave; d&rsquo;autres pr&eacute;occupations que les siennes et &agrave; d&rsquo;autres climats<a href="#_ftn38" name="_ftnref38" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[38]</span></span></sup></sup></a>. La rigueur scientifique qui anime Sa&iuml;d l&rsquo;a port&eacute; &agrave; noter la lente &eacute;volution de l&rsquo;orientalisme vers la remise en question de ses lignes directrices biais&eacute;es et de ses fondements soi-disant th&eacute;oriques. La strat&eacute;gie de guerre de position pr&eacute;conis&eacute;e par Gramsci a persuad&eacute;, entre autres, quelques irr&eacute;ductibles d&rsquo;att&eacute;nuer leur acharnement traditionnel contre les peuples anciennement colonis&eacute;s et de faire, ne serait-ce que du bout des l&egrave;vres leur <em>mea culpa</em>. Certains d&rsquo;entre eux se sont m&ecirc;me rendu compte qu&rsquo;ils faisaient l&rsquo;apologie d&rsquo;une &laquo;&nbsp;race&nbsp;&raquo; susceptible de perp&eacute;trer des crimes contre l&rsquo;Humanit&eacute; :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Une immense vague d&rsquo;activit&eacute;s, de r&eacute;flexions et de remise en cause, anticolonialiste et finalement anti-imp&eacute;rialistes a submerg&eacute; l&rsquo;&eacute;difice titanesque de l&rsquo;empire occidental, lui a impos&eacute;, pour user de l&rsquo;&eacute;loquente m&eacute;taphore de Gramsci, un si&egrave;ge mutuel.<a href="#_ftn39" name="_ftnref39" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[39]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Dans ce bras de fer engag&eacute; par l&rsquo;Orient contre l&rsquo;Occident, Gramsci a &eacute;t&eacute; suivi par plusieurs continuateurs dont Frantz Fanon l&rsquo;auteur des <em>Damn&eacute;s de la terre</em><a href="#_ftn40" name="_ftnref40" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[40]</span></span></sup></sup></a>. Sa&iuml;d affirme que l&rsquo;&oelig;uvre de Yeats illustre le volet litt&eacute;raire de la r&eacute;sistance &agrave; la domination britannique, mais s&rsquo;empresse de noter que chez ce po&egrave;te irlandais il y a assimilation du savoir au pouvoir et l&eacute;gitimation de la violence, th&egrave;mes majeurs dans la r&eacute;flexion gramscienne &eacute;labor&eacute;e &agrave; peu pr&egrave;s &agrave; la m&ecirc;me &eacute;poque mais dans un contexte diff&eacute;rent.</span></span></p> <h2 style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: center;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Colonisation et imp&eacute;rialisme</span></span></span></span></h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; l&rsquo;instar de Gramsci, Sa&iuml;d fait la distinction entre la colonisation et l&rsquo;imp&eacute;rialisme. La premi&egrave;re implique une occupation militaire, administrative, &eacute;conomique et politique d&rsquo;une puissance coloniale. L&rsquo;imp&eacute;rialisme se contente d&rsquo;imposer son h&eacute;g&eacute;monie et son contr&ocirc;le des ressources du pays domin&eacute;. L&rsquo;auteur de <em>Culture et imp&eacute;rialisme</em> donne raison &agrave; Fanon qui a esquiss&eacute; un portrait fid&egrave;le du colonis&eacute; qui singe le comportement de l&rsquo;ancien colonisateur et livre son pays &agrave; l&rsquo;exploitation &eacute;trang&egrave;re. Cet aspect comportemental rappelle l&rsquo;analyse qu&rsquo;a faite Gramsci de la double conscience d&rsquo;appartenance des ouvriers &agrave; leur classe d&rsquo;exploit&eacute;s alors qu&rsquo;ils s&rsquo;identifient partiellement avec celle de leurs exploiteurs. Gramsci juge pertinent de leur inculquer une &eacute;ducation ad&eacute;quate pour les ramener sur le bon chemin. Quoi qu&rsquo;il en soit, Sa&iuml;d d&eacute;crit &eacute;loquemment le passage du colonialisme &agrave; l&rsquo;imp&eacute;rialisme en tenant compte de la perspective gramscienne :</span></span></p> <p style="margin-left: 40px; margin-right: 0cm; text-align: left;"><q><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Les guerres coloniales et les conflits politiques et militaires qui les ont suivies sont pass&eacute;es par l&agrave;. Si le contr&ocirc;le direct a disparu, la domination &eacute;conomique, politique et parfois militaire est rest&eacute;e, accompagn&eacute;e de l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie culturelle de l&rsquo;Occident sur le monde p&eacute;riph&eacute;rique &ndash; la force des id&eacute;es dominantes et comme dit Gramsci, dirigeantes.<a href="#_ftn41" name="_ftnref41" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[41]</span></span></sup></sup></a></span></span></q></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Il est important de noter que Sa&iuml;d utilise souvent la notion d&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie en l&rsquo;associant &agrave; la culture tout comme le faisait d&rsquo;ailleurs Gramsci dans ses<em> Cahiers de prison</em>. Nous sommes port&eacute; &agrave; interpr&eacute;ter &laquo;&nbsp;culture d&rsquo;opposition&nbsp;&raquo; comme &eacute;tant l&rsquo;&eacute;quivalent de mouvement de r&eacute;sistance contre l&rsquo;injustice et &agrave; saisir le sens du rapprochement que fait Sa&iuml;d, entre Barthes et Gramsci.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Un tas de diff&eacute;rences s&eacute;parent Gramsci de Sa&iuml;d. Gramsci est n&eacute; en Sardaigne dans une famille &agrave; revenu modeste, s&rsquo;est install&eacute; &agrave; Turin pour ses &eacute;tudes universitaires qu&rsquo;il n&rsquo;a d&rsquo;ailleurs pas termin&eacute; &agrave; cause de la fragilit&eacute; de son &eacute;tat de sant&eacute; et de sa volont&eacute; de participer activement &agrave; la vie politique italienne. Par contre, Sa&iuml;d est n&eacute; en 1935 (deux ans avant la mort de Gramsci) &agrave; J&eacute;rusalem, dans une famille bourgeoise &agrave; l&rsquo;aise. Il fit ses &eacute;tudes primaires en &Eacute;gypte et &eacute;migra tr&egrave;s jeune aux &Eacute;tats-Unis o&ugrave; il obtint quelques ann&eacute;es plus tard un doctorat de l&rsquo;Universit&eacute; Harvard et occupa par la suite le poste de Professeur d&rsquo;&eacute;tudes litt&eacute;raires.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&Agrave; l&rsquo;oppos&eacute;, Gramsci, d&egrave;s l&rsquo;&acirc;ge de trente et jusqu&rsquo;&agrave; sa mort v&eacute;cut sous le r&eacute;gime dictatorial de Mussolini, sauf pour quelques ann&eacute;es pass&eacute;es en Russie. &Agrave; son retour &agrave; son pays natal, il fut &eacute;lu d&eacute;put&eacute;. Son immunit&eacute; parlementaire n&rsquo;emp&ecirc;cha pas le r&eacute;gime &agrave; le condamner &agrave; vingt ans de prison o&ugrave; il r&eacute;digea une trentaine de cahiers qui font suite &agrave; ses &eacute;crits, &agrave; sa correspondance et &agrave; ses &eacute;ditoriaux notamment dans <em>l&rsquo;Ordine Nuovo</em> qu&rsquo;il a fond&eacute; en collaboration. Le th&egrave;me principal de son &oelig;uvre a trait &agrave; la transformation politique du monde et au changement de la vie des classes subalternes. &Agrave; cette fin, il s&rsquo;outilla de nombre de concepts dont l&rsquo;h&eacute;g&eacute;monie, la soci&eacute;t&eacute; civile, la praxis, la guerre de position. De son c&ocirc;t&eacute; Sa&iuml;d a une formation en &eacute;tudes litt&eacute;raires mais son int&eacute;r&ecirc;t marqu&eacute; aux questions culturelles l&rsquo;a port&eacute; &agrave; d&eacute;velopper des sujets connexes telles que l&rsquo;imp&eacute;rialisme et de l&rsquo;orientalisme.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">Toutefois de son aveu, Sa&iuml;d s&rsquo;est amplement inspir&eacute; de Gramsci pour justifier son habilit&eacute; &agrave; traiter de sujets tabous et &eacute;tayer ses observations et ses conclusions. Nous avons &eacute;tabli qu&rsquo;il s&rsquo;est appuy&eacute; sur le rejet de Gramsci de toute forme d&rsquo;exclusion et s&rsquo;est inspir&eacute; de son invitation &agrave; dresser le bilan des strates d&rsquo;impressions qui l&rsquo;ont marqu&eacute;. L&rsquo;importance de la territorialit&eacute; qui se d&eacute;gage de <em>la Question M&eacute;ridionale</em> a servi &agrave; Sa&iuml;d de canevas pour montrer le rapport de dominant/domin&eacute; qui caract&eacute;rise l&rsquo;imp&eacute;rialisme occidental. Quant &agrave; la vision du monde de la classe ouvri&egrave;re, ch&egrave;re &agrave; Gramsci, elle fut appliqu&eacute;e par Sa&iuml;d aux peuples spoli&eacute;s pour les aider &agrave; s&rsquo;&eacute;manciper. M&ecirc;me quand Sa&iuml;d invoquait d&rsquo;autres noms comme sources d&rsquo;inspiration, il ne tardait pas &agrave; affirmer que Luk&aacute;cs, Foucault, Williams, et autres, n&rsquo;avaient qu&rsquo;une affinit&eacute; partielle avec le penseur sarde. Gramsci toujours primait parce que ses perspectives ne souffraient pas des insuffisances d&eacute;cel&eacute;es chez les autres penseurs. &Agrave; la lumi&egrave;re de ce tour d&rsquo;horizon sommaire, force est de consid&eacute;rer Sa&iuml;d comme l&rsquo;un des plus importants continuateurs et admirateurs de la vision gramscienne du monde.</span></span></p> <h2 style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm;"><span style="font-size:13pt"><span style="background:white"><span style="font-family:Arial, sans-serif"><span style="color:black">Bibliographie</span></span></span></span></h2> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">BENDA J.,<em> La trahison des clercs</em>, Paris, &Eacute;ditions Grasset et Fasquelle, 1975.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">FANON F., <em>Les damn&eacute;s de la terre</em>, Paris, Maspero, 1968 (1961). </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">FONTANA B., <em>Hegemony and Power, on the relation between Gramsci and Machiavelli</em>, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1993.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques I, 1914-1920</em>, Paris, Gallimard, 1974.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&ndash;,<strong> </strong><em>&Eacute;crits politiques III, 1923-1926,</em> Paris, Gallimard, 1980.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&ndash;,<strong> </strong><em>Cahiers de prison</em>, Cahier 8, Paris, Gallimard, 1983.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&ndash;,<strong> </strong><em>Cahiers de prison, Cahier 11</em>, Paris, Gallimard, 1978.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&ndash;,<strong> </strong><em>Cahiers de prison</em>, Cahier 5, Paris, Gallimard, 1996.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">KIERNAN V.G., <em>The Lords of Human Kind, European Attitudes Towards the Outside World in the Imperial Age</em>, Londres, Trinity Press, 1969.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">LALANDE A., <em>Vocabulaire technique et critique de la philosophie</em>, Volume I : A-M, Paris, P.U.F., 5 &eacute;dition, 1999. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">LOSURDO D., <em>Gramsci, du lib&eacute;ralisme au communisme critique</em>, Paris, &Eacute;ditions Syllepse, 2006 (1997).</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">MORERA E., <em>Gramsci&rsquo;s Historicism: a Realist Interpretation</em>, Londres, Routledge, 1990. </span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">PIOTTE J.-M., <em>La pens&eacute;e politique de Gramsci</em>, Montr&eacute;al, LUX, 2010 (1970).</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">PORTELLI H., <em>Gramsci et le bloc historique</em>, Paris, Presses universitaires de France, 1972.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">SA&Iuml;D E., <em>L&rsquo;Orientalisme</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, 2005.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&ndash;,<strong> </strong><em>The Edward Sa&iuml;d Reader</em>, New York, Vintage Books Edition, 2000.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">&ndash;,&nbsp;<em>Culture et imp&eacute;rialisme</em>, Paris, Fayard, 2000.</span></span></p> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black">VICO G., <em>La science nouvelle</em>, Paris, Libraire Arth&egrave;me Fayard, 2001.</span></span></p> <div> <hr /> <div id="ftn1"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[1]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Cf</em>. KIERNAN V.G., <em>The Lords of Human Kind, European Attitudes Towards the Outside World in the Imperial Age</em>, Londres, Trinity Press, 1969.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn2"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref2" name="_ftn2" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[2]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>L&rsquo;Orientalisme</em>, Paris, &Eacute;ditions du Seuil, 2005, p.49, (soulign&eacute; dans le texte).</span></span></span></p> </div> <div id="ftn3"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref3" name="_ftn3" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[3]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.50.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn4"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref4" name="_ftn4" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[4]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.37-38.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn5"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref5" name="_ftn5" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[5]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.62.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn6"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref6" name="_ftn6" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[6]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.66.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn7"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref7" name="_ftn7" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[7]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> LOSURDO D., <em>Gramsci, du lib&eacute;ralisme au communisme critique</em>, Paris, &Eacute;ditions Syllepse, 2006 (1997), p.14.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn8"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref8" name="_ftn8" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[8]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>L&rsquo;Orientalisme, Op. Cit</em>, p.68.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn9"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref9" name="_ftn9" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[9]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.32.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn10"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref10" name="_ftn10" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[10]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>The Edward Sa&iuml;d Reader</em>, New York, Vintage Books Edition, 2000, p.64-65.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn11"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref11" name="_ftn11" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[11]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques I</em>, <em>1914-1920, </em>Paris, Gallimard, 1974, p.75-76.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn12"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref12" name="_ftn12" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[12]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E.,&nbsp;<em>L&rsquo;Orientalisme</em>, <em>Op. Cit</em>., p.64.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn13"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref13" name="_ftn13" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[13]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>Cahiers de prison</em>, Cahier 11, Paris, Gallimard, 1978, p. 182.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn14"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref14" name="_ftn14" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[14]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E.,&nbsp;<em>L&rsquo;Orientalisme</em>, <em>Op. Cit</em>., p.92.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn15"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref15" name="_ftn15" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[15]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> LOSURDO D., <em>Gramsci, du lib&eacute;ralisme au communisme critique</em>, <em>Op. Cit</em>., p.74.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn16"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref16" name="_ftn16" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[16]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Cf</em>. PIOTTE J.-M., <em>La pens&eacute;e politique de Gramsci</em>, Montr&eacute;al, LUX, 2010 (1970), o&ugrave; l&rsquo;auteur explique en ces termes les m&eacute;taphores de &laquo; guerre de position &raquo; et de &laquo; guerre de mouvement &raquo; ch&egrave;res &agrave; Gramsci, &laquo; Or, dit Gramsci, on peut retrouver dans l&rsquo;art politique deux formes de guerre : la guerre de mouvement d&eacute;signera ici la lutte arm&eacute;e pour la conqu&ecirc;te directe du pouvoir, tandis que la guerre de position indiquera la lutte h&eacute;g&eacute;monique pr&eacute;parant &agrave; cette lutte frontale &raquo;, p.154. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn17"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref17" name="_ftn17" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[17]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E.,<em> L&rsquo;Orientalisme</em>, <em>Op. Cit</em>., p.191.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn18"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref18" name="_ftn18" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[18]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> PORTELLI H., <em>Gramsci et le bloc historique</em>, Paris, Presses universitaires de France, 1972 : &laquo; [l]e transformisme est un processus organique : il traduit la politique de la classe dominante qui se refuse &agrave; tout compromis avec les classes subalternes et donc leur subtilise leurs chefs politiques pour les agr&eacute;ger &agrave; sa classe politique [&hellip;] Mais le proc&eacute;d&eacute; le plus efficace consiste en l&rsquo;absorption id&eacute;ologique : c&rsquo;est notamment l&rsquo;&oelig;uvre de Croce, qui, par son h&eacute;g&eacute;monie id&eacute;ologique sur les intellectuels italiens, peut &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute; comme &quot;la plus puissante machine pour conformer les forces nouvelles aux int&eacute;r&ecirc;ts vitaux du groupe dominant&quot; &raquo;, p.83-84. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn19"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref19" name="_ftn19" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[19]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Cf</em>. VICO G., <em>La science nouvelle</em>, Paris, Libraire Arth&egrave;me Fayard, 2001.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn20"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref20" name="_ftn20" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[20]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>Cahiers de prison</em>, Cahier 5, Paris, Gallimard, 1996, p.493. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn21"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref21" name="_ftn21" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[21]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> La notion d&rsquo;humanisme a &eacute;pous&eacute;, au fil des ans, plusieurs significations. L&rsquo;humanisme de la Renaissance se caract&eacute;rise par sa valorisation de la dignit&eacute; humaine et son engouement pour la culture antique. La d&eacute;finition de Gramsci s&rsquo;accorde avec celle propos&eacute;e par Andr&eacute; Lalande &laquo; Doctrine d&rsquo;apr&egrave;s laquelle l&rsquo;homme au point de vue moral, doit s&rsquo;attacher exclusivement &agrave; ce qui est d&rsquo;ordre humain. L&rsquo;humanisme d&eacute;signe une conception g&eacute;n&eacute;rale de la vie (politique, &eacute;conomique, &eacute;thique), fond&eacute;e sur la croyance au salut de l&rsquo;homme par les seules forces humaines.&raquo;, LALANDE A., <em>Vocabulaire technique et critique de la philosophie</em>, Volume I : A-M, Paris, P.U.F., 5 &eacute;dition, 1999, p.423. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn22"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref22" name="_ftn22" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[22]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>L&rsquo;Orientalisme</em>, <em>op.cit</em>., p.139.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn23"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref23" name="_ftn23" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[23]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>&Eacute;crits politiques III, 1923-1926,</em></span> <span style="font-size:10.0pt">Paris, Gallimard, 1980, p.331.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn24"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref24" name="_ftn24" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[24]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>L&rsquo;Orientalisme</em>, <em>Op. Cit</em>., p.218.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn25"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref25" name="_ftn25" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[25]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>Cahiers de prison</em>, Cahier 8, Paris, Gallimard, 1983, p.352-353. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn26"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref26" name="_ftn26" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[26]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> Auteur d&rsquo;origine fran&ccedil;aise de<em> La trahison des clercs</em>, Paris, &Eacute;ditions Grasset et Fasquelle, 1975.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn27"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref27" name="_ftn27" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[27]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>L&rsquo;Orientalisme, Op. Cit</em>., p.302.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn28"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref28" name="_ftn28" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[28]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>Culture et imp&eacute;rialisme</em>, Paris, Fayard, 2000.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn29"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref29" name="_ftn29" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[29]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.434.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn30"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref30" name="_ftn30" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[30]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.97.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn31"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref31" name="_ftn31" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[31]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>Cahiers de prison</em>, Cahier 11,</span><span style="font-size:9.0pt"> Paris, Gallimard, 1978</span><span style="font-size:10.0pt">, p.235. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn32"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref32" name="_ftn32" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[32]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> L&rsquo;absolutisme, qu&rsquo;attribue Gramsci &agrave; l&rsquo;historicisme et &agrave; l&rsquo;humanisme, n&rsquo;est pas pris &agrave; la lettre par Morera. Dans une analyse approfondie de ce sujet. Morera relativise l&rsquo;affirmation de Gramsci en montrant que celui-ci fait le tri entre ce qui est universel et ce qui n&rsquo;a de sens que dans son contexte. </span><em><span style="font-size:10.0pt">Cf</span></em><span style="font-size:10.0pt">. MORERA E., <em>Gramsci&rsquo;s Historicism: a Realist Interpretation</em>, Londres, Routledge, 1990. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn33"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref33" name="_ftn33" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[33]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>Culture et imp&eacute;rialisme, op.cit</em>., p.72.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn34"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref34" name="_ftn34" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[34]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.94.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn35"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref35" name="_ftn35" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[35]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.95.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn36"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref36" name="_ftn36" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[36]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Idem</em>, p.96.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn37"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref37" name="_ftn37" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[37]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> GRAMSCI A., <em>Cahiers de prison</em>, Cahier 8, Paris, Gallimard, 1983, p.403. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn38"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref38" name="_ftn38" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[38]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Cf. </em>FONTANA B., <em>Hegemony and Power, on the relation between Gramsci and Machiavelli</em>, Minneapolis, University of Minnesota Press, 1993. </span><span style="font-size:10.0pt">&laquo; Gramsci tente de cr&eacute;er une forme de discours et une forme de connaissance dont l&rsquo;existence m&ecirc;me et la structure interne se fondent sur l&rsquo;&eacute;mergence des masses, non comme une pure agr&eacute;gation ou <em>volgo</em>, mais comme un corps capable d&rsquo;aller du particulier &agrave; l&rsquo;universel, du domaine des int&eacute;r&ecirc;ts priv&eacute;es jusqu&rsquo;&agrave; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t universel.&nbsp;&raquo; Ma traduction, p.10-11. </span></span></span></p> </div> <div id="ftn39"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref39" name="_ftn39" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[39]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>Culture et imp&eacute;rialisme</em>, <em>Op. Cit</em>., p.282.</span></span></span></p> </div> <div id="ftn40"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref40" name="_ftn40" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[40]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> <em>Cf</em>. FANON F., <em>Les damn&eacute;s de la terre</em>, Paris, Masp&eacute;ro, 1968 (premi&egrave;re &eacute;dition en 1961 avec une pr&eacute;face de Jean-Paul Sartre). </span></span></span></p> </div> <div id="ftn41"> <p style="margin-left: 0cm; margin-right: 0cm; text-align: left;"><span style="font-size:12pt"><span style="color:black"><a href="#_ftnref41" name="_ftn41" title=""><sup><sup><span style="font-size:12.0pt"><span style="color:black">[41]</span></span></sup></sup></a><span style="font-size:10.0pt"> SA&Iuml;D E., <em>Culture et imp&eacute;rialisme, Op. Cit</em>., p.350.</span></span></span></p> </div> </div>