<p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><i><b>La n&eacute;gation du droit de refuser un soin au nom de la morale</b></i></font></font></p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">S&eacute;bastien CHEVALIER</font></font></p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Docteur en Droit public, Membre associ&eacute; du Centre Jean Bodin &agrave; l&#39;Universit&eacute; d&#39;Angers</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Le principe du consentement aux soins et son corollaire, le droit au refus d&rsquo;un acte m&eacute;dical, traduisent l&rsquo;autonomie accord&eacute;e &agrave; chaque personne : les individus sont libres des choix les concernant. Cependant, le pouvoir de gouverner son propre corps est parfois confisqu&eacute;, y compris s&rsquo;il s&rsquo;agit d&rsquo;un adulte dot&eacute; d&rsquo;une pleine capacit&eacute; de discernement. Cette &quot;entorse&quot; importante &agrave; la libert&eacute; individuelle concerne la sauvegarde de la vie. Ainsi, le m&eacute;decin peut prodiguer des soins contre le gr&eacute; du malade si son pronostic vital est en jeu. Cette fronti&egrave;re ind&eacute;passable de l&rsquo;autonomie individuelle r&eacute;sulte d&rsquo;une conception tr&egrave;s extensive de l&rsquo;ordre public sanitaire. En effet, il semble n&eacute;cessaire de faire appel au principe de la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine en tant que composante de l&rsquo;ordre public et de l&rsquo;appliquer de mani&egrave;re singuli&egrave;re : aucun tiers ne subit un dommage et n&rsquo;est impliqu&eacute;. Autrement dit, il s&rsquo;agit en l&rsquo;esp&egrave;ce de prot&eacute;ger la personne contre elle-m&ecirc;me. Par cons&eacute;quent, une d&eacute;rive vers des consid&eacute;rations morales est &agrave; redouter.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Le pronostic vital demeure une fronti&egrave;re infranchissable de l&rsquo;autonomie individuelle (I) fond&eacute;e sur une conception tr&egrave;s extensive de l&rsquo;ordre public sanitaire, comportant une dimension morale (II).</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><b>I] <u>La fronti&egrave;re infranchissable de l&rsquo;autonomie individuelle: le pronostic vital</u></b></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">La jurisprudence &eacute;rige le pronostic vital comme fronti&egrave;re infranchissable de l&rsquo;autonomie individuelle. En effet, le droit au refus de soins peut &ecirc;tre m&eacute;connu pour sauvegarder la vie du malade. Toutefois, dans la mesure o&ugrave; les libert&eacute;s individuelles sont remises en cause, des conditions <i>a priori</i> strictes et cumulatives doivent &ecirc;tre remplies : les m&eacute;decins ont l&rsquo;obligation de &quot;tout mettre en &oelig;uvre pour convaincre la (le) patient(e) d&rsquo;accepter les soins indispensables&quot; et l&rsquo;acte m&eacute;dical doit &ecirc;tre &quot;indispensable &agrave; la survie de l&rsquo;int&eacute;ress&eacute; et proportionn&eacute; &agrave; son &eacute;tat&quot;civil<sup>1</sup>. Malgr&eacute; ces pr&eacute;cautions, en r&eacute;alit&eacute; peu contraignantes, le juge se fonde sur une exception non pr&eacute;vue par le l&eacute;gislateur. Le potentiel permis par la loi du 4 mars 2002<sup>2 </sup>ne semble pas pleinement exploit&eacute; par la juridiction administrative : il n&rsquo;est pas certain que les parlementaires souhaitaient limiter le refus de soins m&ecirc;me lorsqu&rsquo;il &eacute;tait susceptible d&rsquo;entra&icirc;ner le d&eacute;c&egrave;s du patient. Par ailleurs, cette fronti&egrave;re &eacute;tait exclue par le ministre &agrave; l&rsquo;origine du projet de loi.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><i><b>A&deg; La possibilit&eacute; contra legem de ne pas respecter la volont&eacute; individuelle</b></i></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">L&rsquo;exception jurisprudentielle &agrave; l&rsquo;expression de l&rsquo;autonomie individuelle vise &agrave; pr&eacute;server les int&eacute;r&ecirc;ts vitaux. Cette r&egrave;gle est maintenue bien que le l&eacute;gislateur se soit prononc&eacute; en mars 2002.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">En effet, dans un arr&ecirc;t du 26 octobre 2001, affaire <i>Senanayake, </i>le Conseil d&rsquo;Etat d&eacute;gage le principe selon lequel la transfusion &quot;forc&eacute;e&quot; est autoris&eacute;e chez un patient plac&eacute; &quot;en situation extr&ecirc;me&quot;.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. CE, ord., 16 ao&ucirc;t 2002, n&deg; 249552, Mme F. et M. F., &eacute;pouse G., <u>www.conseil-etat.fr</u>. </font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">2. L</font></font><strong><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">oi n&deg; 2002-303 du 4 mars 2002 relative aux droits des malades et &agrave; la qualit&eacute; du syst&egrave;me de sant&eacute;, JORF du 5 mars 2002, p. 4118.</font></font></font></strong></p> <p align="CENTER">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 1</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Or, post&eacute;rieurement &agrave; la loi de 2002, la juridiction administrative confirme cette position: dans une ordonnance du 9 ao&ucirc;t 2002, le tribunal administratif de Lyon<sup>1</sup>, Juge des r&eacute;f&eacute;r&eacute;s, fit au Centre Hospitalier l&rsquo;injonction de ne pas proc&eacute;der &agrave; la transfusion, sauf dans l&rsquo;hypoth&egrave;se d&#39;une &quot;situation extr&ecirc;me mettant en jeu un pronostic vital&quot;. La patiente fit appel devant le Conseil d&rsquo;Etat lequel abonde dans le sens du juge de premier ressort.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Nous observons que les faits sont &agrave; peu pr&egrave;s (dramatiquement) similaires dans les deux affaires.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">N&eacute;anmoins une diff&eacute;rence importante subsiste : cette patiente souffrait d&rsquo;une fracture de la jambe alors que M. Senanayake &eacute;tait atteint d&rsquo;une maladie grave.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Eu &eacute;gard &agrave; l&rsquo;importance des libert&eacute;s fondamentales en jeu<sup>2</sup>, des conditions pr&eacute;toriennes d&rsquo;application <i>a priori </i>strictes sont pr&eacute;vues pour autoriser la m&eacute;connaissance du droit au refus de soins. Les int&eacute;r&ecirc;ts vitaux du malade doivent &ecirc;tre menac&eacute;s. De plus, le m&eacute;decin doit avoir tout fait pour convaincre le patient de consentir &agrave; la th&eacute;rapie et le praticien doit dispenser uniquement des soins indispensables.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Ces conditions cumulatives qui doivent &ecirc;tre remplies sont en r&eacute;alit&eacute; peu contraignantes. En particulier, le crit&egrave;re de l&rsquo;urgence n&#39;est pas retenu. En cela, le juge prend implicitement en consid&eacute;ration le texte de 2002 qui dissocie clairement le cas de l&rsquo;urgence mais pour mieux le &quot;contourner&quot; ensuite. Ainsi, le contenu des obligations et des garanties entourant l&rsquo;intervention m&eacute;dicale forc&eacute;e est quasiment vid&eacute; de sa substance. Lorsque le juge des r&eacute;f&eacute;r&eacute;s estime dans son ordonnance du 16 ao&ucirc;t 2002 &quot;qu&rsquo;avant de recourir &agrave; une transfusion, il incombe au m&eacute;decin, d&rsquo;une part, d&rsquo;avoir tout mis en &oelig;uvre pour convaincre la patiente d&rsquo;accepter les soins indispensables, d&rsquo;autre part, de s&rsquo;assurer qu&rsquo;un tel acte soit proportionn&eacute; et indispensable &agrave; la survie de l&rsquo;int&eacute;ress&eacute;&quot;, il ne fait en r&eacute;alit&eacute; qu&rsquo;appliquer le droit commun en mati&egrave;re m&eacute;dicale.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">En premier lieu, l&rsquo;exigence d&rsquo;un traitement &quot;proportionn&eacute; et indispensable &agrave; la survie de l&rsquo;int&eacute;ress&eacute;&quot; renvoie aux obligations traditionnelles d&rsquo;un praticien. Par ailleurs, l&rsquo;existence d&rsquo;un acte m&eacute;dical est subordonn&eacute;e &agrave; la preuve d&rsquo;une n&eacute;cessit&eacute; m&eacute;dicale voire d&rsquo;un int&eacute;r&ecirc;t th&eacute;rapeutique, ce qui sous-entend et implique qu&rsquo;un traitement &quot;lourd&quot; doit &ecirc;tre syst&eacute;matiquement &eacute;cart&eacute; si un r&eacute;sultat similaire peut &ecirc;tre atteint par une m&eacute;thode moins invasive. Cette obligation d&rsquo;adapter l&rsquo;acte m&eacute;dical &agrave; la gravit&eacute; de l&rsquo;&eacute;tat de sant&eacute; du patient doit &ecirc;tre d&eacute;connect&eacute;e du principe du consentement de ce dernier. En effet, un soin m&ecirc;me consenti n&rsquo;est pas conforme &agrave; la r&eacute;glementation s&rsquo;il pouvait &ecirc;tre &eacute;vit&eacute; par le m&eacute;decin. Enfin, un traitement &quot;indispensable &agrave; la survie de l&rsquo;int&eacute;ress&eacute;&quot; est une notion sujette &agrave; ambigu&iuml;t&eacute;s. D&rsquo;une part, le requ&eacute;rant T&eacute;moin de J&eacute;hovah conteste fr&eacute;quemment la n&eacute;cessit&eacute; de la transfusion sanguine elle-m&ecirc;me et argue qu&rsquo;un acte m&eacute;dical administr&eacute; plus t&ocirc;t pourrait &eacute;viter le recours &agrave; la transfusion. D&rsquo;autre part, les faits nous montrent que la pratique forc&eacute;e de la transfusion sanguine n&rsquo;&eacute;pargne pas syst&eacute;matiquement la vie du patient. Autrement dit, le caract&egrave;re indispensable &agrave; la survie du malade n&rsquo;est pas synonyme de succ&egrave;s de l&rsquo;op&eacute;ration. D&rsquo;ailleurs, le praticien a tendance &agrave; retarder la th&eacute;rapie, s&rsquo;il est confront&eacute; au refus de soins du malade, r&eacute;duisant d&rsquo;autant les chances de r&eacute;ussite de la transfusion. Par cons&eacute;quent, l&rsquo;atteinte au droit au refus appara&icirc;t encore plus intol&eacute;rable aux yeux de la famille T&eacute;moin de J&eacute;hovah. Le dilemme est corn&eacute;lien.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">En second lieu, le fait de devoir tout mettre en &oelig;uvre pour convaincre la patiente d&rsquo;accepter les soins indispensables s&rsquo;appr&eacute;cie de mani&egrave;re subjective.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. TA de Lyon, ord., 9 ao&ucirc;t 2002, n&deg; 02-03474.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font face="Times New Roman, serif">2. Cf. </font><font face="Times New Roman, serif"><i>Infra.</i></font></font></p> <p align="CENTER">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 2</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Cela &eacute;quivaut peu ou prou au devoir d&rsquo;information classique puisque l&rsquo;ensemble des donn&eacute;es doivent &ecirc;tre fournies au patient pour toute th&eacute;rapie envisag&eacute;e mais le praticien conseille et incite &agrave; la pratiquer.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">De surcro&icirc;t, les capacit&eacute;s de conviction ne font pas partie des qualit&eacute;s professionnelles traditionnelles d&rsquo;un m&eacute;decin. En outre, mesurer les efforts de conviction pour examiner si tout a &eacute;t&eacute; mis en &oelig;uvre devrait reposer sur une &eacute;valuation. Or cette derni&egrave;re supposerait des crit&egrave;res objectifs qui n&rsquo;existent pas. De plus, il ne s&rsquo;agit par d&eacute;finition que d&rsquo;une obligation de moyen et non de r&eacute;sultat puisque l&rsquo;&eacute;chec se traduira par une th&eacute;rapie forc&eacute;e. D&rsquo;ailleurs, cette n&eacute;cessit&eacute; de tout mettre en &oelig;uvre pour convaincre le patient de revenir sur sa d&eacute;cision lorsqu&rsquo;il risque de perdre la vie est pr&eacute;vue par la loi. Toutefois la r&eacute;daction du texte laisse penser qu&rsquo;il faut l&rsquo;entendre comme une pr&eacute;caution suppl&eacute;mentaire et non une ouverture, en cas d&rsquo;&eacute;chec, vers le recours aux soins forc&eacute;s.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">La position jurisprudentielle a &eacute;t&eacute; maintenue apr&egrave;s la publication de la loi pr&eacute;cit&eacute;e du 4 mars 2002. Il peut para&icirc;tre surprenant que le juge ne prenne pas acte de l&rsquo;intervention de la loi. Le Conseil d&rsquo;Etat &eacute;nonce, &agrave; l&rsquo;occasion de d&eacute;cisions rendues dans des proc&eacute;dures de r&eacute;f&eacute;r&eacute;-libert&eacute;s fondamentales, que &quot;le droit pour le patient majeur de donner, lorsqu&rsquo;il se trouve en l&rsquo;&eacute;tat de l&rsquo;exprimer, son consentement &agrave; un traitement m&eacute;dical rev&ecirc;t le caract&egrave;re d&rsquo;une libert&eacute; fondamentale ; que, toutefois, les m&eacute;decins ne portent pas &agrave; cette libert&eacute; fondamentale, telle qu&rsquo;elle est prot&eacute;g&eacute;e par les dispositions de l&rsquo;article 16-3 du Code civil</font></font><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">1</font></font></sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"> [&hellip;] et celles de l&rsquo;article 1111-4 du code de la sant&eacute; publique</font></font><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">2</font></font></sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">, une atteinte grave et manifestement ill&eacute;gale lorsque, apr&egrave;s avoir tout mis en &oelig;uvre pour convaincre un patient d&rsquo;accepter les soins indispensables, ils accomplissent, dans le but de la sauver, un acte indispensable &agrave; sa survie et proportionn&eacute; &agrave; son &eacute;tat&quot;</font></font><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">3</font></font></sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">. La haute juridiction confirme une ordonnance du tribunal administratif de Lyon</font></font><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">4 </font></font></sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">La d&eacute;cision du tribunal administratif de Lille</font></font><sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">5 </font></font></sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">a cependant jet&eacute; un trouble car le juge exige que le m&eacute;decin n&rsquo;effectue pas une transfusion forc&eacute;e chez un malade t&eacute;moin de J&eacute;hovah et il n&rsquo;assortit cette injonction d&rsquo;aucune r&eacute;serve. En r&eacute;alit&eacute;, il semble qu&rsquo;il ne faille pas interpr&eacute;ter cet arr&ecirc;t comme contenant une r&egrave;gle jurisprudentielle divergente. Le cas d&rsquo;esp&egrave;ce est sp&eacute;cifique puisque la vie de l&rsquo;int&eacute;ress&eacute; n&rsquo;&eacute;tait pas en danger imm&eacute;diat et le juge pr&eacute;cise cette particularit&eacute; en l&rsquo;esp&egrave;ce. Aussi, cette d&eacute;cision se situe en r&eacute;alit&eacute; vraisemblablement dans la m&ecirc;me lign&eacute;e jurisprudentielle.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Or le pronostic vital ne devrait plus constituer une limite &agrave; l&rsquo;expression de l&rsquo;autonomie de la personne, une atteinte &agrave; l&rsquo;exercice de la libert&eacute; individuelle. En effet, les exceptions sont limitativement pr&eacute;vues dans le code de la sant&eacute; publique donc le juge ne devrait pas pr&eacute;voir une d&eacute;rogation suppl&eacute;mentaire. Il n&rsquo;est pas habilit&eacute; &agrave; modifier l&rsquo;ordonnancement juridique en ajoutant au Droit.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">La r&eacute;daction m&ecirc;me du texte montre que le silence du l&eacute;gislateur n&rsquo;est pas un &quot;oubli&quot;. Le texte laisse peu de place &agrave; l&rsquo;interpr&eacute;tation, m&ecirc;me s&rsquo;il semble d&eacute;licat d&rsquo;&eacute;crire que le d&eacute;c&egrave;s peut &ecirc;tre une</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. &quot;Le consentement de l&#39;int&eacute;ress&eacute; doit &ecirc;tre recueilli pr&eacute;alablement hors le cas o&ugrave; son &eacute;tat rend n&eacute;cessaire une intervention th&eacute;rapeutique &agrave; laquelle il n&#39;est pas &agrave; m&ecirc;me de consentir&quot;.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">2. &quot;Toute personne a le droit de refuser ou de ne pas recevoir un traitement&quot;. [...]. Aucun acte m&eacute;dical ni aucun traitement ne peut &ecirc;tre pratiqu&eacute; sans le consentement libre et &eacute;clair&eacute; de la personne et ce consentement peut &ecirc;tre retir&eacute; &agrave; tout moment [...]&quot;.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">3. CE, ord., 16 ao&ucirc;t 2002, n&deg; 249552, Mme F. et M. F., &eacute;pouse G.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">4. TA de Lyon, ord., 9 ao&ucirc;t 2002, n&deg; 02-03474.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">5. TA de Lille, o</font></font></font><font size="2">rd. du 23 ao&ucirc;t 2002, n&deg; 02-3138.</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 3</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">cons&eacute;quence licite du refus de soins. </font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">L&rsquo;hypoth&egrave;se n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; exclue par le parlementaire puisque l&rsquo;article L. 1111-4 du code de la sant&eacute; publique dispose que &quot;si la volont&eacute; de la personne de refuser ou d&#39;interrompre tout traitement met sa vie en danger, le m&eacute;decin doit tout mettre en &oelig;uvre pour la convaincre d&#39;accepter les soins indispensables&quot;. En d&rsquo;autres termes, une fois cette obligation de moyen remplie, la sauvegarde de la vie ne semble pas justifier la m&eacute;connaissance du droit au refus de soins. L&rsquo;objectif est de s&rsquo;assurer que l&rsquo;abstention th&eacute;rapeutique envisag&eacute;e n&rsquo;a pas pour origine une n&eacute;gligence du patient. Il s&rsquo;agit de lui faire prendre conscience de la gravit&eacute; de son refus de soins envisag&eacute; mais non de le priver de sa libert&eacute; de choix.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Ainsi la loi pr&eacute;cit&eacute;e du 4 mars 2002 permettait de pousser l&rsquo;autonomie individuelle plus loin que la solution retenue par le juge : le droit au refus de soins pouvait conduire jusqu&rsquo;au d&eacute;c&egrave;s du patient.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3"><i><b>B&deg; La n&eacute;gation du droit de refuser un soin, pourtant consacr&eacute; au nom de la libert&eacute; individuelle</b></i></font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">La sauvegarde de la vie prime sur l&#39;expression de la volont&eacute; de la personne int&eacute;ress&eacute;e. Pourtant, le droit au refus d&rsquo;un acte m&eacute;dical semble &eacute;vident de prime abord : il para&icirc;t logique qu&rsquo;une personne puisse s&rsquo;opposer &agrave; un geste m&eacute;dical qui par d&eacute;finition porte atteinte &agrave; son int&eacute;grit&eacute; corporelle. Autrement dit, le droit de consentir aux soins est pr&eacute;sent&eacute; positivement, c&rsquo;est-&agrave;-dire que le l&eacute;gislateur ou le juge &eacute;nonce le principe du consentement libre et &eacute;clair&eacute; sans insister sur cette d&eacute;clinaison qui en d&eacute;coule de mani&egrave;re implicite mais certaine : le droit de refuser un acte m&eacute;dical.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Ainsi, le principe du consentement libre et &eacute;clair&eacute; implique un choix binaire pour chaque intervention m&eacute;dicale : soit le patient l&rsquo;accepte soit il la refuse.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Par cons&eacute;quent, cela signifie que l&rsquo;individu dispose du pouvoir de s&rsquo;opposer &agrave; un acte dont le but est d&rsquo;am&eacute;liorer, ou tout au moins de maintenir en l&rsquo;&eacute;tat, sa sant&eacute; puisque l&rsquo;acte m&eacute;dical est soumis &agrave; la n&eacute;cessit&eacute; m&eacute;dicale. Cette cons&eacute;quence, l&rsquo;acceptation tacite d&rsquo;une d&eacute;gradation de l&rsquo;&eacute;tat de sant&eacute; d&rsquo;une personne alors qu&rsquo;elle pourrait &ecirc;tre &eacute;vit&eacute;e explique l&#39;intervention du Parlement. Ce dernier introduit le principe du consentement aux soins dans les textes l&eacute;gislatifs puis il pr&eacute;cisera les conditions du droit au refus d&rsquo;un acte m&eacute;dical en 2002 puis 2005<sup>1</sup>.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">1) Une reconnaissance progressive : un principe d&rsquo;origine jurisprudentielle confirm&eacute; par les textes</font></font></p> <p>&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Le principe du consentement libre et &eacute;clair&eacute; aux soins est initialement d&rsquo;essence jurisprudentielle<sup>2 </sup>puis a fait l&#39;objet d&#39;une cons&eacute;cration textuelle protectrice, tant au niveau du droit europ&eacute;en avec la Charte des droits fondamentaux de l&rsquo;Union europ&eacute;enne -article 2 &sect; 2- que du droit national, <i>via</i> des dispositions l&eacute;gislatives.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">En effet, outre l&rsquo;article L. 1111-4 du code de la sant&eacute; publique pr&eacute;cit&eacute;, la loi de 1999<sup>3</sup><sup> </sup>sur les soins palliatifs pr&eacute;cise, dans une disposition retranscrite &agrave; l&rsquo;article L. 1111-2 du code de la sant&eacute; publique, que la personne malade peut s&#39;opposer &agrave; toute investigation ou th&eacute;rapeutique&quot;.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. Loi n&deg; 2005-370 du 22 avril 2005 relative aux droits des malades et &agrave; la fin de vie, JORF n&deg; 95 du 23 avril 2005, p. 7089, rect. JORF n&deg; 116 du 20 mai 2005, p. 8732.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">2. Cass. req., 28 janv. 1942, <i>D</i>.1942, 63.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">3. Loi </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">n&deg; </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">99-477 du 9 juin 1999 visant &agrave; garantir le droit &agrave; l&#39;acc&egrave;s aux soins palliatifs, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">JORF n&deg; 132 du 10 juin 1999, p. 8487.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 4</font></font></p> <p align="CENTER">&nbsp;</p> <p align="CENTER">&nbsp;</p> <p align="CENTER">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Le principe est &eacute;galement pr&eacute;vu dans le code civil puisque les termes de l&rsquo;article 16-3<sup>1 </sup>ont d&eacute;j&agrave; &eacute;t&eacute; &eacute;voqu&eacute;s.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="LEFT"><font size="3"><font face="Times New Roman, serif">2) </font>La garantie apport&eacute;e par les fondements constitutionnels du principe</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Le principe du consentement libre et &eacute;clair&eacute; puise sa source dans le bloc de constitutionnalit&eacute; au titre de l&rsquo;exercice de la libert&eacute; individuelle et du droit &agrave; l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; physique de l&rsquo;individu.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="3"><font face="Times New Roman, serif">Les fondements constitutionnels du principe </font><font face="Times New Roman, serif">du consentement pr&eacute;alable aux soins </font><font face="Times New Roman, serif">le font b&eacute;n&eacute;ficier d&rsquo;une protection maximale au sein de la hi&eacute;rarchie des normes bien qu&rsquo;il ne soit qu&rsquo;un principe constitutionnel d&eacute;riv&eacute;. Il </font><font face="Times New Roman, serif">trouve son origine dans des droits fondamentaux : la libert&eacute; </font>corporelle et la libert&eacute; individuelle en sachant que la seconde d&eacute;coule de la premi&egrave;re. </font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">Ainsi, la protection du corps humain est assur&eacute;e. &quot;Le premier attribut juridique de chaque personne est l&rsquo;intangibilit&eacute; de son int&eacute;grit&eacute; corporelle et des principes de sa vie. Il n&rsquo;y peut &ecirc;tre touch&eacute;, m&ecirc;me par le m&eacute;decin, qu&rsquo;avec son consentement&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif">2</font></sup>. Selon Ren&eacute; Savatier, &quot;quand il faut appr&eacute;cier le consentement qui doit &ecirc;tre donn&eacute; par le malade &agrave; l&rsquo;op&eacute;ration qu&rsquo;il va subir, on rentre dans la morale commune. Il s&rsquo;agit du principe de la libert&eacute; humaine et du respect des droits de la personne &agrave; l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; de son corps [&hellip;]&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif">3</font></sup>.</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">Par ailleurs, le principe de l&rsquo;inviolabilit&eacute; du corps humain est la source des autres libert&eacute;s ; en particulier, la libert&eacute; individuelle d&eacute;coule de celui-ci. Ainsi, s&rsquo;exprime Didier Chauvaux<sup><font face="Times New Roman, serif">4 </font></sup>concernant ce principe cardinal : ce &quot;<i>noli me tangere</i> constitue une garantie, fonde &agrave; l&#39;exercice des autres libert&eacute;s supposant que le sujet jouisse de la s&eacute;curit&eacute; physique et dispose de lui-m&ecirc;me&quot;. </font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">Par cons&eacute;quent, la distinction entre les diff&eacute;rents fondements est &eacute;galement quelque peu artificielle : la libert&eacute; individuelle peut &ecirc;tre appr&eacute;hend&eacute;e comme le simple prolongement du principe de l&rsquo;inviolabilit&eacute; du corps humain. </font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">En 1947, le doyen Carbonnier &eacute;crivait ces mots : &quot;Il faut concevoir l&rsquo;inviolabilit&eacute; de la personne humaine comme une libert&eacute; immat&eacute;rielle, qui a son si&egrave;ge moins dans le corps que dans la personnalit&eacute;&hellip; On croira malais&eacute;ment qu&rsquo;il devient plus acceptable d&rsquo;imposer une op&eacute;ration &agrave; un individu par cela seul que cette op&eacute;ration est b&eacute;nigne. Qu&rsquo;importe qu&rsquo;il n&rsquo;y ait pas mutilation, que l&rsquo;incision dans les chairs soit superficielle ?</font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">Ce n&rsquo;est pas la chair qui est prot&eacute;g&eacute;e, mais un sentiment, un quant-&agrave;-soi, une libert&eacute; et ils seront bless&eacute;s d&rsquo;identique mani&egrave;re quelle que soit la nature de l&rsquo;intervention envisag&eacute;e&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif">5</font></sup>. </font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. Issu de la loi <strong>n&deg; 94-654 du 29 juillet 1994 relative au don et &agrave; l&#39;utilisation des &eacute;l&eacute;ments et produits du corps humain, &agrave; l&#39;assistance m&eacute;dicale &agrave; la procr&eacute;ation et au diagnostic pr&eacute;natal dite </strong>loi &quot;bio&eacute;thique&quot;,JORF n&deg;175 du 30 juillet 1994 page 11060, modifi&eacute; par la loi n&deg; 99-641 du 27 juillet 1999 puis par la loi n&deg;2004-800 du 6 ao&ucirc;t 2004 &ndash; art.9 JORF 7 ao&ucirc;t 2004.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">2. Ren&eacute; et Jean Savatier, Jean-Marie Auby, et Henri Pequignot, <i>Le Trait&eacute; de droit m&eacute;dical</i>, &eacute;d. Lib. techn., 1956, n&deg; 247.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">3. Commentaire de l&rsquo;arr&ecirc;t de la cour d&rsquo;appel d&rsquo;Angers du 4 mars 1947 (<i>D</i>. 1948.298). En l&rsquo;esp&egrave;ce, la responsabilit&eacute; du chirurgien est engag&eacute;e puisqu&rsquo;il a amput&eacute; le patient d&rsquo;une jambe sans son consentement.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">4. CE ass. 26 oct. 2001, Mme Catherine X., n<strong>&deg; 198546, </strong>RFDA 2002, p. 146-162, concl. D. Chauvaux, note D. de B&eacute;chillon.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">5. Jean Carbonnier, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>D</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">., 1947, pp. 507-511, note sous Trib. Lille, 18 mars 1947.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 5</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">La libert&eacute; corporelle, &quot;support de toutes les autres libert&eacute;s&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif">1</font></sup>, comporte deux branches : le droit &agrave; l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; physique et le droit &agrave; la libre disposition de son corps, droit fondamental de l&rsquo;homme. &quot;Libert&eacute;s siamoises, elles ne constituent rien d&rsquo;autre, &agrave; y mieux regarder, que les deux faces d&rsquo;une seule et m&ecirc;me &quot;libert&eacute; charnelle&quot;, dont le respect conditionne l&rsquo;existence de toutes les autres libert&eacute;s&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif">2 </font></sup>.</font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">La r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la libert&eacute; corporelle supposerait d&rsquo;appr&eacute;hender clairement la notion de corps humain. Or, force est de constater la difficult&eacute; de placer cette derni&egrave;re dans une case juridique : &quot;toutes les difficult&eacute;s d&rsquo;appr&eacute;hension juridique du corps humain viennent de l&rsquo;impossibilit&eacute; de le r&eacute;duire &agrave; l&rsquo;une des cat&eacute;gories fondamentales chez les sp&eacute;cialistes de l&rsquo;&eacute;thique et du droit : &laquo; &ecirc;tre ou avoir, le corps humain est-il le prolongement de la personne ou constitue-t-il une chose ? Est-on son propre corps ou a-t-on un droit sur son corps et dans cette hypoth&egrave;se est-ce un droit de propri&eacute;t&eacute;?&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif">3</font></sup>. Le droit &agrave; la libre disposition de son corps comprend notamment<sup><font face="Times New Roman, serif">4 </font></sup>la libert&eacute; de procr&eacute;ation, le droit de donner ses organes et ses produits du corps humain et le droit de d&eacute;cider de sa propre mort. La premi&egrave;re se subdivise elle-m&ecirc;me en deux droits : le droit de procr&eacute;er, au besoin en recourant aux pratiques de l&rsquo;assistance m&eacute;dicale &agrave; la procr&eacute;ation (AMP) et le droit de ne pas procr&eacute;er (cela renvoie &agrave; la st&eacute;rilisation et &agrave; l&rsquo;IVG-avortement).</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">Le principe de l&rsquo;intangibilit&eacute; et de l&rsquo;indisponibilit&eacute; du corps humain sont prot&eacute;g&eacute;s puisque le corps humain, en sa qualit&eacute; de support de la personne humaine, participe de la dignit&eacute; de l&rsquo;individu. Or, le principe de sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine a valeur constitutionnelle comme celui de la primaut&eacute; de la personne humaine et du respect de l&rsquo;&ecirc;tre humain d&egrave;s le commencement de la vie.</font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">L&rsquo;ensemble de ces principes &eacute;num&eacute;r&eacute;s par le Conseil constitutionnel dans sa d&eacute;cision de 1994<sup><font face="Times New Roman, serif">5 </font></sup>semblent indissociables. En bref, le principe de l&rsquo;inviolabilit&eacute; d&eacute;coule du droit subjectif au respect du corps reconnu &agrave; l&rsquo;article 16 alin&eacute;a premier, lui-m&ecirc;me constituant une application du principe g&eacute;n&eacute;ral de protection de la personne, pr&eacute;sent &agrave; l&rsquo;article 16 du code civil dans la mesure o&ugrave; il dispose que &quot;la loi assure la primaut&eacute; de la personne humaine [&hellip;] d&egrave;s le commencement de la vie&quot;.</font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">Le fondement de l&rsquo;obligation pour le m&eacute;decin d&rsquo;obtenir le consentement du patient peut &eacute;galement se rattacher &agrave; la libert&eacute; individuelle, principe &agrave; valeur constitutionnelle. Le Conseil constitutionnel fait express&eacute;ment r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la libert&eacute; individuelle dans la d&eacute;cision du 12 janvier 1977<sup><font face="Times New Roman, serif">6 </font></sup>comme dans la d&eacute;cision du 27 juillet 1994 dite &quot;bio&eacute;thique&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif">7</font></sup>. Elle consiste &agrave; pouvoir faire tout ce qui ne nuit pas &agrave; autrui et implique donc qu&#39;il revient &agrave; toute personne majeure de prendre elle-m&ecirc;me les d&eacute;cisions la concernant. </font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. <strong>Jean Rivero, </strong><strong><i>Libert&eacute;s publiques</i></strong><strong>, T. 2, 1997, p. 93.</strong></font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">2. <strong>Gilles Lebreton, </strong><strong><i>Libert&eacute;s publiques et droits de l&rsquo;homme</i></strong><strong>, 6&egrave;me &eacute;d., Armand Colin, 2003, p. 262.</strong></font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">3. R&eacute;my Cabrillac, &quot;Le corps humain&quot;, dir. R. Cabrillac et alii in <i>Libert&eacute;s et droits fondamentaux</i>,, Dalloz, 9&egrave; &eacute;d. 2003, p. 145.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">4. L&rsquo;orientation sexuelle est &eacute;galement &agrave; inclure mais aussi la prostitution, exploitation par autrui.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">5. CC, n&deg; 94-343/344 DC, 27 juillet 1994 <i>Loi relative au respect du corps humain et loi relative au don et &agrave; l&#39;utilisation des &eacute;l&eacute;ments et produits du corps humain, &agrave; l&#39;assistance m&eacute;dicale &agrave; la procr&eacute;ation et au diagnostic pr&eacute;natal</i>, Rec. p. 100.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">6. CC, n&deg; 76-75 DC, 12 janvier 1977 <i>Fouille des v&eacute;hicules</i>, Rec. p. 33.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">7. CC, n&deg; 94-343/344 DC, 27 juillet 1994 pr&eacute;cit&eacute;e. </font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 6</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">En raison du caract&egrave;re fondamental du droit de consentir aux soins, les personnes ne devraient pas en &ecirc;tre <i>a priori </i>d&eacute;poss&eacute;d&eacute;es, m&ecirc;me leur pronostic vital est en jeu.</font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">Pourtant, l&#39;exercice du droit au refus d&#39;un acte m&eacute;dical est restreint au nom de la sauvegarde de la dignit&eacute; humaine. Or, il semblerait concevable de d&eacute;fendre la position inverse: le respect de la volont&eacute; de la personne pourrait s&#39;imposer au nom de sa dignit&eacute;.</font></p> <p align="LEFT">&nbsp;</p> <p align="LEFT">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="3"><b>II] <u>L&rsquo;adoption d&rsquo;une conception tr&egrave;s extensive de l&rsquo;ordre public sanitaire comportant une dimension morale</u></b></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">La persistance de cette fronti&egrave;re infranchissable de l&rsquo;autonomie individuelle que constitue la sauvegarde de la vie du patient semble contestable, ou &agrave; tout le moins discutable. Comme il n&rsquo;existe pas de restriction l&eacute;gale &agrave; la libert&eacute; individuelle, son atteinte ne peut &ecirc;tre admise que sur le fondement d&rsquo;une autre norme constitutionnelle. En effet, le principe du consentement aux soins et son corollaire, le droit au refus d&rsquo;un acte m&eacute;dical, rev&ecirc;tent le caract&egrave;re de libert&eacute;s fondamentales. Or, les limitations classiques de la libert&eacute; individuelle ne sont pas pertinentes en l&rsquo;esp&egrave;ce : les tiers ne sont pas l&eacute;s&eacute;s par le refus de soins. Par cons&eacute;quent, la seule justification possible rel&egrave;ve des motifs de l&rsquo;ordre public, sa sauvegarde &eacute;tant un objectif &agrave; valeur constitutionnelle. Si le Conseil constitutionnel admet les atteintes &agrave; la libert&eacute; individuelle au nom de cet objectif, l&rsquo;ordre public n&rsquo;est pas une notion simple &agrave; d&eacute;finir. Au-del&agrave; du &quot;noyau dur&quot;, la s&ucirc;ret&eacute;, le contenu peut faire l&rsquo;objet de d&eacute;bats.</font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">En particulier, la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine est d&eacute;sormais une des composantes de l&rsquo;ordre public mais ce principe soul&egrave;ve de tr&egrave;s nombreuses questions notamment pour la d&eacute;termination de ses contours. Il nous semble dangereux qu&rsquo;il puisse parfois se confondre avec la moralit&eacute; publique voire conduire &agrave; prot&eacute;ger la personne contre elle-m&ecirc;me, en l&rsquo;absence de dimension publique.</font></p> <p align="JUSTIFY"><font size="3">L&rsquo;hypoth&egrave;se de la sauvegarde de la vie contre le gr&eacute; de la personne oblige &agrave; franchir un nouveau stade par rapport &agrave; la jurisprudence <i>Morsang-sur-Orge</i>. En effet, dans le premier cas de figure, contrairement au second, aucune &quot;communaut&eacute;&quot; ne peut se sentir froiss&eacute;e du fait de l&rsquo;action d&rsquo;un de ses membres. En revanche, les personnes T&eacute;moins de J&eacute;hovah peuvent &agrave; l&rsquo;inverse se sentir bless&eacute;es par la m&eacute;connaissance de leurs convictions religieuses. D&rsquo;ailleurs, admettre l&rsquo;existence de convictions &eacute;trang&egrave;res &agrave; notre propre syst&egrave;me de pens&eacute;es pourrait &ecirc;tre entendu comme une des d&eacute;clinaisons possibles du respect de la dignit&eacute; humaine. Ainsi, le contenu du principe de la dignit&eacute; humaine appara&icirc;t impr&eacute;cis voire contradictoire. Elle pourrait m&ecirc;me comprendre la protection de la vie d&rsquo;un individu contre sa volont&eacute;. Quoi qu&rsquo;il en soit, le droit de mourir n&rsquo;est pas accord&eacute; aux individus au nom de la sauvegarde de l&rsquo;ordre public. Ce dernier conna&icirc;t un champ d&rsquo;application tr&egrave;s vaste, au point qu&rsquo;il n&rsquo;est pas &eacute;vident en d&eacute;finitive de trouver un &#39;&quot;brevet d&rsquo;irr&eacute;prochabilit&eacute; juridique&quot;. L&rsquo;appel discutable au principe de la sauvegarde de la dignit&eacute; humaine (A) conduit au refus de la reconnaissance de la libert&eacute; de mourir (B). </font></p> <p align="LEFT">&nbsp;</p> <p align="LEFT"><i><b><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">A&deg; </font></font>L&rsquo;appel discutable au principe de la sauvegarde de la dignit&eacute; humaine</b></i></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">Le juge ne mentionne pas la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine mais la r&eacute;f&eacute;rence est implicite et certaine. Or, l&rsquo;utilisation en catimini de cette notion r&eacute;v&egrave;le un malaise juridique : la protection de l&rsquo;individu contre lui-m&ecirc;me peut se r&eacute;v&eacute;ler dangereuse (1). Par ailleurs, cette composante de l&rsquo;ordre public, en cr&eacute;ant des disparit&eacute;s d&rsquo;appr&eacute;ciation voire en provoquant un glissement vers des consid&eacute;rations &eacute;thiques sans qu&rsquo;une quelconque dimension publique soit pr&eacute;sente, est probl&eacute;matique (2).</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">1) L&rsquo;utilisation <i>&quot;en catimini&quot;</i> de la dignit&eacute; humaine lorsqu&rsquo;elle vise &agrave; prot&eacute;ger la personne contre elle-m&ecirc;me</p> <p align="CENTER">Page 7</p> <p align="JUSTIFY">La r&eacute;f&eacute;rence implicite mais certaine &agrave; la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine (i) montre le malaise provoqu&eacute;e par cette notion lorsque l&rsquo;objectif r&eacute;el est la protection de la personne contre elle-m&ecirc;me (ii).</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">i. La r&eacute;f&eacute;rence implicite mais certaine &agrave; la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">Le juge ne fait pas r&eacute;f&eacute;rence explicitement au concept de la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine. Toutefois, la limite &agrave; l&rsquo;expression du droit au refus de soins lorsque le pronostic vital du patient est en jeu ne peut avoir pour fondement que la dignit&eacute; humaine. Ainsi, le choix d&rsquo;une conception objective de la dignit&eacute; est effectif. Or la notion de dignit&eacute; nous semble &eacute;quivoque et d&rsquo;emploi d&eacute;licat bien que le principe de la dignit&eacute; humaine soit cardinal dans un Etat de droit et constitue un apport r&eacute;volutionnaire. &quot;Il revient en effet &agrave; la D&eacute;claration des droits de l&rsquo;homme et du citoyen de 1789 le m&eacute;rite d&rsquo;avoir reconnu l&rsquo;homme comme un sujet citoyen d&rsquo;un Etat qui rend possible l&rsquo;&eacute;panouissement de sa dignit&eacute;&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">1</font></font></sup>. De m&ecirc;me, la D&eacute;claration universelle des droits de l&rsquo;homme de 1948 qui affirme que &quot;la reconnaissance de la dignit&eacute; inh&eacute;rente &agrave; tous les membres de la famille humaine et de leurs droits &eacute;gaux constitue le fondement de la libert&eacute;, et de la justice et de la paix dans le monde&quot;. Conform&eacute;ment &agrave; ce consid&eacute;rant, il est reconnu dans l&rsquo;article 1er que &quot;tous les &ecirc;tres humains naissent libres et &eacute;gaux en dignit&eacute; et en droits&quot;.</p> <p align="JUSTIFY">Toutefois, comme le principe de la dignit&eacute; de la personne humaine prend sa source dans la conception de la valeur accord&eacute;e &agrave; l&rsquo;homme<sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">2</font></font></sup>, ce droit naturel s&rsquo;est ainsi incarn&eacute; dans le droit positif<sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">3</font></font></sup><font size="3">. </font>Cependant, il a &eacute;t&eacute; introduit dans le droit positif fran&ccedil;ais seulement en 1994 par le Conseilconstitutionnel<sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">4</font></font></sup>, d&rsquo;ailleurs selon un proc&eacute;d&eacute; de construction davantage que de r&eacute;v&eacute;lation. Il consid&egrave;re qu&rsquo;un &quot;ensemble de principes au nombre desquels figurent la primaut&eacute; de la personne humaine, le respect de l&rsquo;&ecirc;tre humain d&egrave;s le commencement de sa vie, l&rsquo;inviolabilit&eacute;, l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; et l&rsquo;absence de caract&egrave;re patrimonial du corps humain ainsi que l&rsquo;int&eacute;grit&eacute; de l&rsquo;esp&egrave;ce humaine ; ainsi affirm&eacute;s tendent &agrave; assurer le respect du principe constitutionnel de sauvegarde de la dignit&eacute;, de la personne humaine&quot;. Le l&eacute;gislateur fait &eacute;galement r&eacute;f&eacute;rence &agrave; ce principe : l&rsquo;article 16 du code civil dispose que &quot;la loi assure la primaut&eacute; de la personne, interdit toute atteinte &agrave; la dignit&eacute; de celle-ci et garantit le respect de l&rsquo;&ecirc;tre humain d&egrave;s le commencement de sa vie&quot;. N&eacute;anmoins, le l&eacute;gislateur n&rsquo;a pas d&eacute;fini la notion de dignit&eacute; de la personne humaine. En l&rsquo;absence de d&eacute;finition l&eacute;gale, des auteurs &eacute;voquent, concernant ce principe inali&eacute;nable, un &quot;standard juridique&quot; relevant du pouvoir souverain du Juge<sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">5 </font></font></sup>ou de &quot;principe matriciel&quot;<sup><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">6 </font></font></sup>.</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. </font></font></font><font size="2">Droit de la sant&eacute;, Anne Laude, Bertrand Mathieu, Didier Tabuteau, sous la direction de Catherine Labrusse-Riou et Didier Truchet, Th&eacute;mis droit, PUF, 2 e &eacute;dition mise &agrave; jour 2009, 726 pages, p. 309.</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">2. </font></font>B. Edelman, &quot;La dignit&eacute; de la personne humaine, un concept nouveau&quot;, <i>D</i>. 1997, chr. p. 187 s.</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">3. B. Mathieu, &laquo; Dignit&eacute; de la personne humaine : du bon et du mauvais usage en droit politique fran&ccedil;ais d&rsquo;un principe universel &raquo;, in </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>Le droit de la m&eacute;decine et l&rsquo;&ecirc;tre humain, propos h&eacute;t&eacute;rodoxes sur quelques enjeux du 21e si&egrave;cle</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">, PUAM, 1996, p. 214.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">4. CC n&deg; 94-343/344 DC du 27 juillet 1994, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>LPA</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">, 1995, n&deg; 50, p. 6, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>Rec</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">. p. 100 ; B. Mathieu, &quot;Bio&eacute;thique : un Conseil constitutionnel r&eacute;serv&eacute; face aux d&eacute;fis de la science&quot;, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>RFDA</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">, 1994, p. 1019, D. 1995.237, note B. Mathieu; Petites Affiches, 1994, n&deg; 149, p. 34, note J.-P. Duprat.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">5. C. Neirinck, L&rsquo;acte m&eacute;dical et le droit du malade, Presses de l&rsquo;universit&eacute; des sciences sociales de Toulouse, coll. &quot;Droit et m&eacute;decine&quot;, p. 43 s.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">6. B. Mathieu, &quot;Pour une reconnaissance de principes matriciels en mati&egrave;re de protection constitutionnelle des droits de l&rsquo;homme&quot;, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>D</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">. 1995, chr. p. 211 s.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 8</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Une certitude est que le caract&egrave;re objectif de la notion de dignit&eacute; est retenu par le droit positif. Certains auteurs &eacute;voquent le &quot;caract&egrave;re intrins&egrave;que de toute personne&quot;<sup>1</sup>. La dignit&eacute; est inh&eacute;rente &agrave; l&rsquo;&ecirc;tre humain. Ainsi, elle assure l&rsquo;appartenance de chaque individu &agrave; l&rsquo;esp&egrave;ce humaine, &agrave; l&rsquo;humanit&eacute;<sup>2</sup>. Le Conseil constitutionnel confirme cette approche<sup>3</sup>. N&eacute;anmoins, la dignit&eacute; ne comporte pas de d&eacute;finition et ce concept devenu objet juridique n&rsquo;est pas simple &agrave; appr&eacute;hender. Cette notion appara&icirc;t &quot;intuitive&quot;<sup>4 </sup>et pourtant ses cons&eacute;quences sont &quot;tentaculaires&quot;, selon la bonne expression de M. de Hennezel<sup>5</sup>. Initialement le principe de dignit&eacute; ob&eacute;issait &agrave; une conception subjective ; la dignit&eacute; &eacute;tait consid&eacute;r&eacute;e comme un principe fondateur des droits de l&rsquo;homme. Or, le juge<sup>6 </sup>a dot&eacute; ce principe d&rsquo;effets directs. Il ne b&eacute;n&eacute;ficie plus d&rsquo;une simple signification politique mais est devenu une r&egrave;gle de droit positif. </font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">De plus, une demande d&rsquo;inscription &agrave; l&rsquo;article 66 a fait l&rsquo;objet d&rsquo;une proposition avort&eacute;e<sup>7</sup>. Cet article consacre la libert&eacute; individuelle donc l&rsquo;&eacute;chec de la r&eacute;forme d&eacute;montre une hi&eacute;rarchie des valeurs en faveur de la libert&eacute;, au d&eacute;triment de la dignit&eacute;. De plus, son application peut s&rsquo;av&eacute;rer p&eacute;rilleuse voire dangereuse pour les droits individuels, en particulier lorsqu&rsquo;il est admis qu&rsquo;une personne peut se causer un dommage &agrave; elle-m&ecirc;me.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">ii. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t primordial et l&rsquo;&eacute;cueil principal : la protection de la personne contre elle-m&ecirc;me</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Un individu ne dispose pas d&rsquo;un pouvoir g&eacute;n&eacute;ral et illimit&eacute; sur son corps. La ma&icirc;trise de son propre corps se fait dans le cadre de la dignit&eacute; : la libre disposition du premier est limit&eacute;e par la seconde. En d&rsquo;autres termes, la personne est prot&eacute;g&eacute;e contre elle-m&ecirc;me au nom de l&rsquo;ordre public, dont la sauvegarde de la dignit&eacute; humaine est une composante. De surcro&icirc;t, le juge administratif adopte une conception tr&egrave;s extensive de cette protection au titre de la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine. Cela ressort de l&rsquo;affaire dite du &quot;lancer de nain&quot;<sup>8 </sup>mais un nouveau palier semble franchi dans notre domaine en l&rsquo;absence de dimension publique.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. V. Saint-James, &quot;R&eacute;flexions sur la dignit&eacute; de l&rsquo;&ecirc;tre humain en tant que concept juridique du droit fran&ccedil;ais&quot;, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>D</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">. 1997, chron. p. 61.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">2. Office parlementaire d&rsquo;&eacute;valuation des choix scientifiques et technologiques, Rapport sur les sciences de la vie et les droits de l&rsquo;homme. Fasc. n&deg; 7, Fronti&egrave;re de la vie et de la mort : comment respecter l&rsquo;homme proche de la mort ? AN, n&deg; 2588, S, n&deg; 262, 1991-1992.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">3. J. Hardy, &quot;Acharnement th&eacute;rapeutique &ndash; De l&rsquo;&eacute;thique au droit&quot;, RGDM 2011, n&deg; 38, p. 295. </font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">4. K. Morel, &quot;Le respect de la dignit&eacute; de la personne mourante&quot;, RGDM 2004, n&deg; sp&eacute;cial, &quot;L&rsquo;&eacute;thique et la mort&quot;, p. 71. </font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">5. M. de Hennezel, Rapport &quot;Fin de vie : le devoir d&rsquo;accompagnement&quot;, La Documentation fran&ccedil;aise, Paris, 2003, p. 46 ; Rapport fait au nom de la mission d&rsquo;&eacute;valuation sur l&rsquo;accompagnement de la fin de vie, doc. AN, n&deg; 1708, 2004, p. 162. </font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">6. Le droit au respect de la dignit&eacute; de la personne malade figure dans le code de la sant&eacute; publique depuis 2002 mais auparavant le juge faisait d&eacute;j&agrave; r&eacute;f&eacute;rence &agrave; ce concept.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">7. </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>Propositions pour une r&eacute;vision de la Constitution</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">, 15 f&eacute;vr. 1993, Rapport Doc. fr., p. 75 ; cf. aussi T. Renoux, Si le grain ne meurt, </font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2"><i>RFD const</i></font></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">. 1993, p. 271.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">8. CE Ass., 27 oct. 1995, (2 esp&egrave;ces) Commune de Morsang-sur-Orge et Ville d&rsquo;Aix-en-Provence, Rec. p. 372, concl. P. Frydman ; R.F.D.A., 1995, p. 1208 ; AJDA, 1995, p. 881 ; JCP 1996, II, 22630, note F. Hamon. </font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 9</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Dans le litige relatif au &quot;lancer de nain&quot;, la personne au centre du spectacle invoquait la m&eacute;connaissance de sa libert&eacute; individuelle mais &eacute;galement de la libert&eacute; du travail, autre principe &agrave; valeur constitutionnelle. La juridiction lui a donn&eacute; tort. Dans l&rsquo;une des deux esp&egrave;ces, l&rsquo;int&eacute;ress&eacute; lui-m&ecirc;me avait attaqu&eacute; l&rsquo;arr&ecirc;t&eacute; du maire interdisant le &quot;jeu&quot;.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Il avan&ccedil;ait que la d&eacute;cision municipale &eacute;tait contraire &agrave; la libert&eacute; du travail, qu&rsquo;il rencontrerait des difficult&eacute;s pour trouver un nouvel emploi en raison de sa situation de handicap. Hi&eacute;rarchiser les principes &agrave; valeur constitutionnelle en donnant la primeur &agrave; la protection de la dignit&eacute; humaine peut donner l&rsquo;impression de ne pas c&eacute;der au chantage &agrave; l&rsquo;emploi.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">N&eacute;anmoins, plus g&eacute;n&eacute;ralement, une situation conduisant &agrave; une instrumentalisation d&rsquo;un &ecirc;tre humain n&rsquo;est pas simple &agrave; appr&eacute;hender et l&rsquo;individu n&rsquo;est-il pas apte &agrave; d&eacute;terminer la moins mauvaise solution pour lui ? L&rsquo;appr&eacute;ciation de l&rsquo;&eacute;chelle des activit&eacute;s plus ou moins valorisantes au regard de la soci&eacute;t&eacute; ne peut d&rsquo;une part se d&eacute;tacher d&rsquo;une dose de subjectivit&eacute; et d&rsquo;autre part varie en fonction de donn&eacute;es objectives : le choix n&rsquo;est-il pas &laquo; contraint &raquo; par une situation r&eacute;elle comme les causes p&eacute;cuniaires mais aussi plus globalement un milieu social et culturel qui r&eacute;duit le champ des possibles ? Malgr&eacute; les imperfections soci&eacute;tales, avec notamment une in&eacute;galit&eacute; d&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;information, une personne dot&eacute;e d&rsquo;une capacit&eacute; de discernement pleine et enti&egrave;re ne doit-elle pas d&eacute;cider pour elle-m&ecirc;me, de choisir ce qu&rsquo;elle estime le mieux pour elle ?</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">En effet, l&rsquo;int&eacute;gration de ce principe dans l&rsquo;ordre juridique, dont la m&eacute;connaissance est sanctionn&eacute;e par le juge, engendre une situation &eacute;tonnante : les libert&eacute;s individuelles peuvent &ecirc;tre remises en cause, m&ecirc;me si l&rsquo;action de la personne n&rsquo;emporte aucune cons&eacute;quence sur autrui. Par cons&eacute;quent, surgit la question pertinente suivante : &quot;en viendra-t-on &eacute;galement &agrave; prohiber -toujours au nom de la dignit&eacute; humaine- la boxe, la lutte, la pornographie, le striptease, la tauromachie, le travail dans l&rsquo;industrie du sexe&hellip; et quoi encore ? Quid de la &quot;lofteuse&quot;? Du &quot;staracad&eacute;micien&quot;?&quot;<sup>1</sup>.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Ainsi, la protection de la personne contre elle-m&ecirc;me semble d&eacute;nu&eacute;e de limite. De plus, il est p&eacute;rilleux de donner aux pouvoirs publics, m&ecirc;me sous le contr&ocirc;le du juge, un r&ocirc;le d&rsquo;arbitrage, car il s&rsquo;agit en r&eacute;alit&eacute;, sous couvert de conciliation, d&rsquo;&eacute;tablir une hi&eacute;rarchie entre divers principes &agrave; valeur constitutionnelle.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Il semble donc d&rsquo;autant plus dangereux d&rsquo;admettre, lorsque les r&eacute;percussions sur la vie en collectivit&eacute; n&rsquo;existent pas, qu&rsquo;un individu ne dispose pas d&rsquo;un total libre arbitre sur son propre corps. M&ecirc;me s&rsquo;il est &eacute;galement vrai que cette logique pouss&eacute;e &agrave; l&rsquo;extr&ecirc;me aboutirait &agrave; consid&eacute;rer que la prostitution rel&egrave;ve de la libre disposition du corps pour la femme. Le risque serait d&rsquo;instaurer une hypocrisie collective : cela supposerait de d&eacute;m&ecirc;ler le choix individuel assum&eacute; du &quot;choix&quot; contraint, c&rsquo;est-&agrave;-dire sous l&rsquo;influence et l&rsquo;emprise des r&eacute;seaux. Enfin, la haute juridiction de l&rsquo;ordre administratif a sans doute per&ccedil;u les faiblesses d&rsquo;un dispositif qui e&ucirc;t &eacute;t&eacute; fond&eacute; sur le rapport de propri&eacute;t&eacute;, du lien entre une personne et son corps. Aussi, elle esquive la question du statut du corps et pr&eacute;f&egrave;re faire appel &agrave; la notion de l&rsquo;ordre public.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">2) La dignit&eacute; : composante probl&eacute;matique de l&rsquo;ordre public</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">La sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine est d&eacute;sormais consid&eacute;r&eacute;e comme une composante de l&rsquo;ordre public. Par cons&eacute;quent, c&rsquo;est la fin de la trilogie classique mais cette extension de la d&eacute;finition de l&rsquo;ordre public fait craindre un glissement vers des consid&eacute;rations &eacute;thiques (i) sans que la dimension publique soit pr&eacute;sente (ii).</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">i. Le glissement dangereux vers des consid&eacute;rations &eacute;thiques</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">1. </font></font>E. Dreyer, &quot;La dignit&eacute; oppos&eacute;e &agrave; la personne&quot;, D. 2008, chron., p. 2731.</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 10</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Pour les th&eacute;oriciens de l&rsquo;&eacute;cole &quot;mat&eacute;rialiste&quot;<sup>1</sup>, l&rsquo;ordre public doit se limiter &agrave; l&rsquo;ordre mat&eacute;riel et ext&eacute;rieur. Seule la lutte contre les d&eacute;sordres mat&eacute;riels est justifi&eacute;e et les d&eacute;sordres moraux ne doivent &ecirc;tre sanctionn&eacute;s que s&rsquo;ils emportent des cons&eacute;quences sur la tranquillit&eacute;, la s&eacute;curit&eacute; et la salubrit&eacute; publiques.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">En d&rsquo;autres termes, les mesures de police ne doivent pas servir &agrave; pr&eacute;venir des troubles de conscience puisque le risque serait l&rsquo;instauration d&rsquo;un ordre moral, lequel s&rsquo;oppose par nature au plein exercice des libert&eacute;s individuelles.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Lorsque la moralit&eacute; publique est d&eacute;connect&eacute;e des trois autres piliers, la d&eacute;rive vers un ordre moral est possible. Nous partageons la d&eacute;finition de Gilles Lebreton<sup>2</sup> : &quot;On parle d&rsquo;&laquo; ordre moral &raquo; lorsque les autorit&eacute;s de police utilisent leurs pr&eacute;rogatives non plus pour faire respecter la moralit&eacute; publique, mais pour imposer &agrave; la soci&eacute;t&eacute; leurs propres conceptions morales&quot;. Il poursuit : &quot;Il ne faut donc pas confondre les deux notions : alors que l&rsquo;ordre moral vient d&rsquo;en haut et opprime les consciences, la moralit&eacute; publique vient d&rsquo;en bas et constitue un facteur de paix sociale, dans la mesure o&ugrave; elle impose un certain conformisme dans la conduite publique ; mais beaucoup moins contraignante que lui, elle ne cherche pas &agrave; moraliser l&rsquo;individu, qu&rsquo;elle laisse ma&icirc;tre absolu de sa conduite priv&eacute;e et de ses convictions&quot;. Pour compl&eacute;ter ces propos, citons le commissaire du gouvernement Gand qui distingue nettement les deux notions : un maire doit agir &quot;en fonction non de ses propres convictions, mais seulement des conditions locales et &rsquo;il ne doit jamais pr&ecirc;ter &agrave; des groupes de pression minoritaires l&rsquo;appui du bras s&eacute;culier pour imposer le respect d&rsquo;un code de morale [&hellip;] qui trouve la source de son particularisme dans des conceptions philosophiques et non des circonstances locales&quot;<sup>3</sup>.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Traditionnellement, le juge administratif respecte cette fronti&egrave;re : il sanctionne les atteintes &agrave; la moralit&eacute; publique en veillant &agrave; ne pas &quot;basculer&quot; dans l&rsquo;instauration d&rsquo;un ordre moral.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">La jurisprudence <i>Lut&eacute;tia</i> concerne la premi&egrave;re hypoth&egrave;se mais le Conseil d&rsquo;Etat annule les mesures de police qui outrepassent ce cadre, c&rsquo;est-&agrave;-dire si la projection d&rsquo;un film est prohib&eacute;e pour des raisons de pure immoralit&eacute; intrins&egrave;que sans justification li&eacute;e &agrave; des circonstances locales particuli&egrave;res<sup>4 </sup>.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Par cons&eacute;quent, l&rsquo;abandon de la condition des circonstances locales particuli&egrave;res et la substitution du concept de la dignit&eacute; fait craindre la transgression de la fronti&egrave;re. La mention &quot;par son objet m&ecirc;me, ce spectacle porte atteinte &agrave; la dignit&eacute; de la personne humaine&quot; traduit le caract&egrave;re g&eacute;n&eacute;ral et absolu de l&rsquo;interdiction et ouvre la voie &agrave; une d&eacute;rive possible. La tentation d&rsquo;un ordre moral est r&eacute;elle.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">D&rsquo;une part, le concept de la dignit&eacute; de la personne humaine appara&icirc;t comme un &quot;pr&eacute;texte&quot;, un &quot;argument massue&quot;. Il est difficile de contester voire de relever des effets pervers lorsqu&rsquo;il s&rsquo;agit de droits de l&rsquo;homme. Or l&rsquo;emploi ne doit pas masquer le peu d&rsquo;argument juridique fiable. Il semble plus acceptable et admissible de se fonder sur le respect de la dignit&eacute; de la personne humaine plut&ocirc;t que de recourir &agrave; la moralit&eacute; publique. Cette derni&egrave;re engendre une vigilance accrue des auteurs et des citoyens, prompts &agrave; d&eacute;noncer la d&eacute;rive vers un ordre moral. Or le tribunal administratif de Marseille assimile le respect de la dignit&eacute; de la personne humaine et la moralit&eacute; publique, confusion non contredite par le Conseil d&rsquo;Etat comme le souligne fort justement un commentateur<sup>5</sup>. </font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">1. M. Hauriou, Pr&eacute;cis de droit administratif, Sirey, 11e &eacute;d., 1927, p. 471, et 12e &eacute;d., 1933, p. 549.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><font size="2">2. <strong>Gilles Lebreton, </strong><strong><i>Libert&eacute;s publiques et droits de l&rsquo;homme</i></strong><strong>, 6&egrave;me &eacute;d., Armand Colin, 2003, p. 262.</strong></font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">3. </font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"> </font></font><i>AJDA</i> 1962, p. 371-372, concl. sur CE, sect., 9 mars 1962, <i>St&eacute; nouvelle des Etabl. Gaumont</i>. </font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">4. C</font></font>E 6 nov. 1963 Ville du Mans, <i>D</i>. 1964, Jur. p. 533, note Demichel ; 26 juill. 1985 Ville d&rsquo;Aix-en-Provence, <i>RFDA</i> 1986, p. 439, concl. B. Genevois.</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2">5. Gilles Lebreton, D. 1996, p 178.</font></p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 11</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Des questions demeurent quant au contenu que recouvrent ces deux notions fr&eacute;quemment confondues d&eacute;sormais. Selon le commissaire du gouvernement Guldner, la moralit&eacute; publique correspond aux &quot;id&eacute;es morales commun&eacute;ment admises &agrave; un moment donn&eacute; par la moyenne des citoyens&quot;<sup>1</sup>. Cette d&eacute;finition est celle des auteurs de l&rsquo;&eacute;cole &quot;moraliste&quot;<sup>2</sup>, c&rsquo;est-&agrave;-dire ceux qui font de la moralit&eacute; publique la quatri&egrave;me composante de l&rsquo;ordre public, dont P.-H. Teitgen est le chef de file.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Par cons&eacute;quent, la sauvegarde de la dignit&eacute; humaine et la moralit&eacute; publique se confondent dans la pratique alors que la premi&egrave;re ne devrait pas d&eacute;pendre de l&rsquo;&eacute;volution des m&oelig;urs. Seule la morale devrait &ecirc;tre contingente, &agrave; l&#39;instar de la conception de la d&eacute;cence adopt&eacute;e par le juge en 1930 voire de l&rsquo;&laquo; hygi&egrave;ne morale &raquo;. En 1930, la &quot;d&eacute;cence&quot; justifiait l&rsquo;interdiction faite aux baigneurs de se d&eacute;shabiller sur les plages et de circuler en maillot de bain sur les voies publiques<sup>3</sup>. L&rsquo;expression d&rsquo;&laquo;hygi&egrave;ne morale &raquo; illustrant parfaitement le souhait d&rsquo;instaurer un ordre moral a &eacute;t&eacute; utilis&eacute; dans un arr&ecirc;t de 1924<sup>4</sup>.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Les restrictions du droit au refus de soins constituent des atteintes graves aux libert&eacute;s fondamentales. Elles sont jug&eacute;es parfois n&eacute;cessaires, notamment pour prot&eacute;ger les personnes handicap&eacute;es contre elles-m&ecirc;mes. La valeur supr&ecirc;me accord&eacute;e &agrave; la vie s&#39;impose au nom de la conception fran&ccedil;aise de l&#39;autonomie. Celle-ci est inspir&eacute;e de Rousseau et de Kant, selon laquelle &quot;un &ecirc;tre autonome ne peut vouloir rationnellement un comportement qui n&#39;est pas universalisable&quot;.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">En d&#39;autres termes, la sauvegarde de la dignit&eacute; de la personne humaine, laquelle se confond dans la pratique avec la morale, s&#39;oppose &agrave; la pleine ma&icirc;trise de son propre corps.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">N&eacute;anmoins, l&#39;expression des libert&eacute;s individuelles, dont la libre disposition de son corps, pourrait &eacute;galement &ecirc;tre consid&eacute;r&eacute;e comme une condition du respect de la dignit&eacute; humaine.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Cette d&eacute;finition &agrave; double face de la dignit&eacute; m&eacute;riterait l&#39;organisation d&#39;un d&eacute;bat d&eacute;mocratique pour trancher le dilemme.</font></font></p> <p align="JUSTIFY"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Les interdits, qui nient la facult&eacute; d&rsquo;op&eacute;rer des choix, doivent-ils relever de la loi ou r&eacute;sulter de l&#39;expression de la conscience de chaque individu? Le droit &agrave; l&#39;interruption volontaire de grossesse permet de respecter la dignit&eacute; de chaque citoyen: une personne oppos&eacute;e &agrave; l&#39;avortement pour des motifs moraux a la possibilit&eacute; de ne pas y recourir.</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">------------------------</font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">1. </font></font>Guldner, Concl. sur CE 20 d&eacute;c. 1957 St&eacute; nat. d&rsquo;&eacute;d. cin&eacute;matographique, S. 1958, <i>Jur.</i> p. 73. </font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">2. </font></font>P.-H. Teitgen, <i>La police municipale g&eacute;n&eacute;rale</i>, Sirey, 1934, p. 34 ; P. Bernard, <i>La notion d&rsquo;ordre public en droit administratif</i>, LGDJ, 1962, p. 35 ; B. Ch&eacute;rigny, <i>Le juge administratif, gardien de la moralit&eacute; des administr&eacute;s</i>, th&egrave;se, Poitiers, 1968, t. 1, p. 258 ; G. Lebreton, <i>Le juge administratif face &agrave; l&rsquo;ordre moral</i>, M&eacute;langes Peiser, 1995.</font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">3. </font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"> CE sect. 30 mai 1930 Beaug&eacute;, Rec. p. 582.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="JUSTIFY"><font size="2"><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">4. CE 7 nov. 1924 Club ind&eacute;pendant sportif ch&acirc;lonnais, </font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><i>D</i></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">. 1924, 3, </font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif"><i>Jur</i></font></font><font color="#000000"><font face="Times New Roman, serif">. p. 58, concl. contraires Cahen-Salvador.</font></font></font></p> <p align="JUSTIFY">&nbsp;</p> <p align="CENTER"><font face="Times New Roman, serif"><font size="3">Page 12</font></font></p>