<p>Vincent<span style="font-size:10px;">&nbsp;</span>de<span style="font-size:10px;">&nbsp;</span>Gaul&eacute;gac<span style="font-size:10px;">&nbsp;</span>rapporte<span style="font-size:10px;"> </span>une<span style="font-size:10px;"> </span>petite<span style="font-size:10px;"> </span>histoire<span style="font-size:10px;"> </span>assez<span style="font-size:10px;"> </span>&eacute;difiante:&nbsp;<q>&laquo;&nbsp;Un homme en &eacute;tat d&rsquo;&eacute;bri&eacute;t&eacute; est accroupi sous un r&eacute;verb&egrave;re, l&rsquo;air un peu angoiss&eacute;. Un passant vient vers lui pour lui demander si &ccedil;a va. Non, r&eacute;pond l&rsquo;ivrogne &eacute;nerv&eacute;. Je cherche mes clefs et je ne les trouve pas. Le passant regarde sans apercevoir le moindre trousseau. &laquo;&nbsp;Et o&ugrave; les avez-vous perdues&nbsp;? demande t-il. L&agrave;-bas, r&eacute;pond l&rsquo;ivrogne en d&eacute;signant un endroit bien &eacute;loign&eacute; de celui o&ugrave; il cherche. Mais pourquoi cherchez-vous ici si vous les avez perdues&nbsp;l&agrave;-bas&nbsp;? Parce qu&rsquo;ici c&rsquo;est &eacute;clair&eacute;&nbsp;&raquo; (Gaul&eacute;gac, 2013, p.284).</q></p> <p>Jolie fable en v&eacute;rit&eacute; pour rendre compte d&rsquo;une posture que nombre d&#39;entre nous ont int&eacute;gr&eacute;e - parce que rendus ivres par les coups offerts &agrave; l&#39;open bar du discours officiel et pseudo scientifique des &laquo;&nbsp;experts&nbsp;&raquo; habilit&eacute;s par le pouvoir politique&nbsp;!&nbsp;</p> <p>Nous ferons quant-&agrave; nous &oelig;uvre de r&eacute;sistance en scrutant l&#39;ombre propice et l&#39;histoire que nous allons raconter se passe dans le 3&egrave;me arrondissement de Marseille, un quartier&nbsp;&nbsp;des plus pauvres&nbsp;d&#39;Europe.&nbsp;</p> <p>Nous, c&#39;est quatre personnes&nbsp;: Jonas est l&#39;un des deux salari&eacute;s d&#39;une association d&rsquo;&Eacute;ducation Populaire intervenant sur le quartier depuis 2013&nbsp;: l&#39;An 02. Anne Lise est assistante sociale &agrave; la CAF et intervient &agrave; ce titre sur le territoire. Kamar Eddine, professeur rarement pay&eacute; et animateur socioculturel aux Comores, habite le 3&egrave;me depuis trois ans et vit de petits boulots. Marie Th&eacute;r&egrave;se est nouvellement retrait&eacute;e apr&egrave;s avoir &eacute;t&eacute; formatrice et chercheuse en travail social. Ce qui nous r&eacute;unit c&#39;est le Collectif des Habitants Organis&eacute;s du 3&egrave;me arrondissement (CHO3) cr&eacute;&eacute; en Juin 2019 par une trentaine d&#39;habitants et au sein&nbsp;&nbsp;duquel nous agissons &agrave; des titres diff&eacute;rents puisque nous sommes diff&eacute;rents. Ce que nous avons en commun toutefois, c&#39;est le besoin de penser ensemble ce qui se joue au travers de cette action et nous avons d&eacute;cid&eacute; de faire un travail de r&eacute;flexion et d&#39;&eacute;criture collective.</p> <h2><strong><span style="color:#8e44ad;">Du sentiment&nbsp;&nbsp;d&#39; impuissance &agrave; la dignit&eacute; d&#39;agir</span></strong></h2> <p>Dans le 3&egrave;me arrondissement&nbsp;&nbsp;o&ugrave; les habitants sont confront&eacute;s de longue date &agrave; des probl&egrave;mes multiples (logements insalubres, pauvret&eacute;, pr&eacute;carit&eacute; alimentaire, &eacute;tablissements scolaires v&eacute;tustes, absence de droits pour les sans papiers), le premier confinement sonne le glas.&nbsp;&nbsp;</p> <p>&laquo;&nbsp;Quand j&#39;ai appris le confinement, au tout d&eacute;but, je me suis enferm&eacute; dans ma chambre et je me suis dit que j&#39;allais mourir. Sans papiers et avec des contr&ocirc;les policiers partout je ne pourrais plus sortir et aller travailler pour nourrir ma famille. J&#39;avais peur et j&#39;&eacute;tais triste&nbsp;&raquo; (Kamar Eddine)&nbsp;</p> <p>C&#39;est alors que le CHO3 et l&#39;An 02, vite rejoints par la Fraternit&eacute;&nbsp;&nbsp;(membre de la&nbsp;Mission Populaire &Eacute;vang&eacute;lique de France)&nbsp;&nbsp;d&eacute;cident d&#39;impulser une dynamique d&#39;entraide dans l&#39;arrondissement&nbsp;. Ils cr&eacute;ent un n&deg; d&#39;appel &agrave; l&#39;intention des habitants confront&eacute;s &agrave; des difficult&eacute;s, puis invitent des voisins et/ou des personnes volontaires &agrave; participer &agrave; un syst&egrave;me de compagnonnage. L&#39;id&eacute;e, en effet, c&#39;est de cr&eacute;er des bin&ocirc;mes (ou des trin&ocirc;mes) dans une logique de solidarit&eacute; de proximit&eacute;. Parall&egrave;lement, au travers de groupes de quartiers ou de groupes th&eacute;matiques, le Collectif d&#39;Entraide des habitants du 3&egrave;me cherche des solutions concr&egrave;tes pour faciliter l&rsquo;acc&egrave;s aux institutions et associations ressources, recueillir de l&#39;argent en urgence, mettre en lien avec les lieux de distribution alimentaire et construire des revendication inter-collectifs.&nbsp;</p> <p>&laquo;&nbsp;Par une dame qui est venue me voir, j&#39;ai eu le n&deg; du collectif, j&#39;ai t&eacute;l&eacute;phon&eacute; et par la suite j&#39;ai &eacute;t&eacute; bombard&eacute; de coups de fil. Finalement une personne est venue chez moi avec un gros colis et m&#39;a dit&nbsp;:&nbsp;&nbsp;&nbsp;Vous &ecirc;tes en France, vous avez des droits&nbsp;&nbsp;Cela a tout chang&eacute; pour moi et j&#39;ai repris espoir.&nbsp;Quitter son pays est une d&eacute;cision difficile &agrave; prendre, c&#39;est risqu&eacute; et il faut &ecirc;tre&nbsp;&nbsp;pr&ecirc;t &agrave; red&eacute;marrer une nouvelle vie. Certes, c&#39;est difficile du fait des barri&egrave;res administratives et politiques. Il faut du temps et on peut &ecirc;tre d&eacute;boussol&eacute;s mais je n&#39;oublie pas que c&#39;est ma d&eacute;cision. Beaucoup de gens m&#39;encouragent et je r&ecirc;ve d&#39;&ecirc;tre professeur ou de travailler dans le social. Je r&ecirc;ve d&#39;&ecirc;tre au c&ocirc;t&eacute; des citoyens, d&#39;&ecirc;tre toujours sur le terrain et de faire bouger les choses dans les collectifs et les associations&nbsp;&nbsp;qui sont aujourd&#39;hui pr&eacute;occup&eacute;s de nos difficult&eacute;s. C&#39;est un engagement &agrave; la mesure de ma reconnaissance et je m&#39;y sens pr&ecirc;t mentalement et physiquement. Je ne sais pas ce que la vie me r&eacute;serve mais d&eacute;j&agrave; je me bats en donnant du temps et des coups de mains dans le cadre du collectif des habitants du 3&egrave;me arrondissement de Marseille. Car oui, malgr&eacute; tout, dans la conjoncture actuelle, je ne regrette pas d&#39;&ecirc;tre l&agrave;, dans une famille comme la mienne&nbsp;: une famille de sans papiers, sans travail, sans revenus autres que ponctuels. Dans ce pays o&ugrave; les conditions administratives nous privent de tout, c&#39;est dans cet arrondissement que j&#39;ai trouv&eacute; les conditions d&#39;une vie supportable et adapt&eacute;es &agrave; notre niveau de vie. J&#39;aime ce quartier et j&#39;ai le devoir de prendre soin de lui. Je l&#39;appr&eacute;cie &agrave; tel point que je me suis donn&eacute; comme objectif de contribuer &agrave; ce qu&#39;il retrouve une bonne r&eacute;putation. Ce quartier m&#39;a accueilli dans les moments les plus difficiles, il me permet d&#39;&eacute;lever ma famille. Je veux lui rendre la monnaie de la pi&egrave;ce.Je veux servir cet arrondissement et me battre avec ou sans les politiques. Mais j&#39;esp&egrave;re qu&#39;ils nous donneront les outils ad&eacute;quats pour relever le d&eacute;fi. Car c&#39;est quand m&ecirc;me inqui&eacute;tant&nbsp;! Marseille, la 2&egrave;me ville de France compte aujourd&#39;hui 7 arrondissements parmi les plus pauvres d&#39;Europe&nbsp;! Et le 3&egrave;me arrondissement, mon 3&egrave;me arrondissement, est le plus pauvre de ceux l&agrave;&nbsp;! Et si le pouvoir semble vouloir s&#39;en occuper en premier, c&#39;est gr&acirc;ce &agrave; la forte mobilisation des migrants dans cet endroit. C&#39;est pourquoi il est le plus g&eacute;n&eacute;reux. Contrairement &agrave; beaucoup de personnes, lorsque j&#39;ai appris que mon quartier &eacute;tait au premier rang des quartiers pauvres, je n&#39;ai pas voulu le quitter et je me suis senti concern&eacute; au premier rang. C&#39;est devenu mon &laquo;&nbsp;chez moi&nbsp;&raquo;.Surtout, nous avons cr&eacute;&eacute; une entraide incroyable et nous formons une famille. Notre souhait aujourd&#39;hui c&#39;est de cr&eacute;er une coordination des collectifs pour mettre en place des politiques positives&nbsp;&raquo;. (Kamar Eddine)</p> <p>Le CHO3, en effet, ne se veut pas une association humanitaire.&nbsp;Il accueille les col&egrave;res des habitant (e)s et toutes les id&eacute;es permettant de construire des solidarit&eacute;s, de la d&eacute;brouille &agrave; l&#39;interpellation des pouvoirs politiques. Son combat, c&#39;est la mobilisation des habitants&nbsp;&nbsp;autour de toutes les questions qu&#39;ils am&egrave;nent pour lutter pour la justice sociale.</p> <h2><strong><span style="color:#8e44ad;">L&#39;action&nbsp;&nbsp;sociale&nbsp;: un secteur&nbsp;arraisonn&eacute;&nbsp;</span></strong></h2> <p>Au CHO3, les petits groupes de solidarit&eacute; s&#39;organisent d&#39;abord dans une logique de proximit&eacute;&nbsp;: la porte d&#39;entr&eacute;e au d&eacute;part est le plus souvent l&#39;urgence alimentaire et le besoin de produits d&#39;hygi&egrave;ne. On mesure pourtant tr&egrave;s vite que cette urgence est le r&eacute;v&eacute;lateur de plusieurs difficult&eacute;s qui ensemble font syst&egrave;me&nbsp;: le non acc&egrave;s &agrave; des droits fondamentaux -&nbsp;&nbsp;d&eacute;j&agrave; l&agrave; -&nbsp;&nbsp;mais aggrav&eacute; par la crise sanitaire.&nbsp;</p> <p>Ici, le revenu des familles, provient souvent de petits boulots au noir tr&egrave;s mal pay&eacute;s ou de contrats de travail tr&egrave;s courts (missions d&#39;une journ&eacute;e) quand le travail est d&eacute;clar&eacute;.&nbsp;Le confinement puis la fermeture des bars et des restaurants ont rendu ces ressources inaccessibles. Certaines personnes remplissant des conditions extr&ecirc;mement pr&eacute;cises&nbsp;se sont ouverts des droits aux allocations familiales.&nbsp;Mais plusieurs n&#39;ont rien re&ccedil;u depuis longtemps et n&#39;arrivent pas &agrave; rencontrer un travailleur social. Des aides d&#39;urgence ont &eacute;t&eacute; d&eacute;bloqu&eacute;es par le Conseil D&eacute;partemental&nbsp;&nbsp;mais peu de personnes en ont connaissance et l&agrave; encore rencontrer un travailleur social rel&egrave;ve du d&eacute;fi. Il faut noter que les protocoles sanitaires mis en place par l&rsquo;&Eacute;tat suite &agrave; la pand&eacute;mie&nbsp;, confinent le plus souvent les travailleurs sociaux au t&eacute;l&eacute; travail&nbsp;!</p> <p>&nbsp;</p> <p>Mais la liste est encore longue&nbsp;: certaines personnes se voient refuser l&#39;ouverture d&#39;un compte parce qu&#39;elles sont sans papiers, alors que c&#39;est un droit, d&#39;autres &ndash; mais &ccedil;a peut &ecirc;tre les m&ecirc;mes &ndash; restent dans un logement insalubre dont elles ne peuvent&nbsp;&nbsp;payer le loyer, &agrave; moins qu&#39;elles n&#39;en soient d&eacute;log&eacute;es pour cause d&rsquo;arr&ecirc;t&eacute; de p&eacute;ril,&nbsp;&nbsp;etc.&nbsp;</p> <p>Pour chacune des questions pos&eacute;es, le CHO3 r&eacute;unit les personnes concern&eacute;es pour identifier le probl&egrave;me, rep&eacute;rer les interlocuteurs concrets &agrave; interpeller et d&eacute;cider des modalit&eacute;s d&#39;action possibles.&nbsp;</p> <p>C&#39;est souvent compliqu&eacute;&nbsp;! Les institutions constituent un inextricable maquis, y compris pour ceux qui y travaillent. Pour les habitants et les b&eacute;n&eacute;voles, c&#39;est pire encore. Quelques travailleurs sociaux ou des personnes travaillant dans des administrations acceptent d&#39;&ecirc;tre des interlocuteurs dans une logique de r&eacute;seau. Le CHO3 organise quelques formations et, domaine par domaine, liste les institutions et personnes ressources.&nbsp;</p> <p>Les habitants, quant-&agrave; eux, n&#39;en peuvent plus d&#39;&ecirc;tre au mieux rejet&eacute;s dans leurs demandes&nbsp;&nbsp;, au pire inqui&eacute;t&eacute;s.Certains, manquant pourtant de tout, renoncent &agrave; demander quelque aide que ce soit et deviennent totalement invisibles&nbsp;pour des institutions pourtant cens&eacute;es faciliter l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; des droits. Il faut d&eacute;s lors organiser des d&eacute;marches collectives...</p> <p>Mais les interlocuteurs se font rares. O&ugrave; sont donc pass&eacute;s les travailleurs sociaux, cens&eacute;s accompagner l&rsquo;acc&egrave;s aux droits&nbsp;?&nbsp;</p> <p>&laquo;&nbsp;J&#39;observe que les&nbsp;grosses&nbsp;associations sont aujourd&#39;hui dans des logiques de fusion/absorption et&nbsp;mises en concurrence par l&rsquo;&Eacute;tat ou les Collectivit&eacute;s Territoriales. Cela passe passe par de nouveaux appels &agrave; projets instaurant des changements de missions. C&#39;est une perte de sens pour des travailleurs sociaux quand l&#39;association o&ugrave; ils travaillent perd le sens de son projet initial.&nbsp;&nbsp;L&#39;ancrage territorial se d&eacute;lite, ainsi que la proximit&eacute; aupr&egrave;s&nbsp;&nbsp;des habitants. Parall&egrave;lement, les moyens ne sont souvent pas &agrave; la hauteur des objectifs. On observe l&#39;instauration d&#39;un v&eacute;ritable management d&#39;entreprise et on peut parler de&nbsp;social business&nbsp;!</p> <p>En fait, le travail social a chang&eacute; d&#39;objet avec l&#39;imposition des crit&egrave;res d&#39;&eacute;valuation souvent quantitatifs&nbsp;qui aujourd&#39;hui rel&egrave;vent des m&eacute;thodologies issues des certifications de la Haute Autorit&eacute; de Sant&eacute; du secteur sanitaire&nbsp;. On n&#39;&eacute;value pas ce qu&#39;on fait avec quel r&eacute;sultat pour les personnes mais combien (de cas on traite) pour quel co&ucirc;t.&nbsp;</p> <p>Par exemple, certains services sociaux de la M&eacute;tropole ne font plus que du &laquo;&nbsp;&nbsp;reporting&nbsp;&raquo; pour les familles d&eacute;log&eacute;es. D&#39;autres services sont pay&eacute;s &agrave; la mesure. C&#39;est le cas par exemple dans le cadre de l&#39;appel &agrave; projet&nbsp;&nbsp;&nbsp;du Fond National d&#39;Accompagnement Vers et Dans le Logement (FNAVDL) o&ugrave; une mesure = une famille = une certaine somme d&#39;argent. Les services appellent le r&eacute;f&eacute;rent&nbsp;&nbsp;juste pour savoir ce qui &eacute;t&eacute; fait. Il y a peu, voir aucun travail d&#39;accompagnement de proximit&eacute; et de diagnostic sur l&#39;environnement&nbsp;: c&#39;est un travail hors sol, un simple &eacute;tat des lieux d&#39;une situation.&nbsp;&nbsp;&raquo; (Anne Lise)</p> <p><em><q>Une des forces de la pens&eacute;e n&eacute;olib&eacute;rale, c&#39;est qu&#39;elle se pr&eacute;sente comme une &laquo;&nbsp;grande cha&icirc;ne de l&rsquo;&Ecirc;tre&nbsp;&raquo;. Comme dans la vieille m&eacute;taphore th&eacute;ologique o&ugrave; &agrave; une extr&eacute;mit&eacute; on a Dieu, et puis on va jusqu&#39;aux r&eacute;alit&eacute;s les plus humbles par une s&eacute;rie de maillons&raquo; (Pierre Bourdieu 1998). Les dispositifs de fabrique de la subjectivit&eacute; et du vivre ensemble que constituent ces nouvelles formes de civilisation passent par l&#39;extension culturelle du langage de l&#39;entreprise qui capte et mod&egrave;le le vivant dans des discours administratifs, bureaucratiques et techniques. Lesquelles installent des &laquo;&nbsp;machines de gouvernement&nbsp;&raquo; au nom de l&#39;esprit de comp&eacute;tition et de l&#39;id&eacute;ologie de l&rsquo;efficacit&eacute;. (...) Ce syst&egrave;me technicien efface le principe de r&eacute;alit&eacute; psychique autant que celui de r&eacute;alit&eacute; sociale sans &ecirc;tre en lui-m&ecirc;me pourvu de mauvaises intentions. Il poss&egrave;de une autonomie amorale en quelque sorte, et son emballement provient de sa capacit&eacute; d&#39;auto-engendrement largement d&eacute;crit par Jacques Ellul</q>.&nbsp;</em>(Gori, 2011, p.102 et 103)</p> <p>&laquo;&nbsp;Mais, le travail social ob&eacute;it bien &agrave; une logique d&#39;accueil inconditionnel&nbsp;?&nbsp;&raquo; (Jonas)&nbsp;</p> <p>En r&eacute;alit&eacute;, rien n&#39;est moins s&ucirc;r, si l&#39;on en juge par l&#39;id&eacute;ologie sous-jacente aux textes de lois et aux dispositifs r&eacute;cemment mis en place.&nbsp;</p> <p><em>&laquo;&nbsp;Nos politiques publiques ont progressivement bascul&eacute;, &agrave; rebours de l&rsquo;&eacute;volution des besoins sociaux des derni&egrave;res d&eacute;cennies, vers des logiques largement curatives. Elles donnent aux personnes pauvres les moyens de survivre, mais sans perspective de sortie et d&rsquo;autonomie par le travail. Cette inertie sociale, cette logique d&rsquo;assignation, est un d&eacute;menti permanent &agrave; la promesse r&eacute;publicaine m&eacute;ritocratique. L&rsquo;enjeu de la strat&eacute;gie nationale de pr&eacute;vention et de lutte contre la pauvret&eacute;, en partant des exigences port&eacute;es par les personnes en situation de pauvret&eacute;, c&rsquo;est de sortir de cette fatalit&eacute; subie trop souvent d&egrave;s les premiers pas de la vie, c&rsquo;est d&rsquo;en finir avec une soci&eacute;t&eacute; de statuts pour permettre la mobilit&eacute; sociale, l&rsquo;&eacute;mancipation, la ma&icirc;trise de son destin par l&rsquo;&eacute;ducation et le travail&nbsp;&raquo;.&nbsp;</em>( Buzin, 2018).&nbsp;&nbsp;</p> <p>Le logiciel de pens&eacute;e est ici parfaitement clair. L&rsquo;&eacute;volution des besoins sociaux n&rsquo;est pas mise en lien avec leurs causes &mdash; et principalement le mod&egrave;le &eacute;conomique n&eacute;o-lib&eacute;ral. En revanche, le principe redistributif est discr&eacute;dit&eacute; au pr&eacute;texte de ce qu&rsquo;il serait &laquo;&nbsp;curatif&nbsp;&raquo;. Faut-il comprendre que soigner n&rsquo;est plus &agrave; l&rsquo;ordre du jour&thinsp;? Quoiqu&rsquo;il en soit, l&rsquo;&eacute;volution objective du march&eacute; du travail (hautes technologies dans le process de production et donc diminution du travail humain, financiarisation et mondialisation de l&rsquo;&eacute;conomie et donc r&eacute;duction des effectifs) est ni&eacute;e au profit de l&rsquo;injonction faite &agrave; tous de se lancer dans le march&eacute; tr&egrave;s concurrentiel du travail salari&eacute;. Un des moyens de pression est la pr&eacute;carisation du statut. Il suffit de se r&eacute;f&eacute;rer &agrave; la loi travail ou &laquo;&nbsp;loi Khomeri&nbsp;&raquo; et loi travail 2 sous l&#39;&eacute;gide de la ministre Muriel P&eacute;nicaud et qui s&#39;est faite par ordonnances publi&eacute;es au journal officiel le 22 Septembre 2017. L&rsquo;argumentaire est ici particuli&egrave;rement pervers&nbsp;: pr&eacute;tendant refuser la &laquo;&nbsp;logique d&rsquo;assignation&nbsp;&raquo;, il organise de fait la g&eacute;n&eacute;ralisation du pr&eacute;cariat au nom de la &laquo;&nbsp;responsabilit&eacute;&nbsp;&raquo; individuelle et de la &laquo;&nbsp;m&eacute;ritocratie&nbsp;&raquo;.&nbsp;</p> <p>Dans ce cadre, le travail social est cens&eacute; &ecirc;tre l&rsquo;un des bras arm&eacute;s de ce qu&rsquo;il est d&eacute;sormais convenu d&rsquo;appeler la commande publique. Commande publique - mais n&rsquo;est-elle pas au contraire priv&eacute;e&thinsp;? &ndash; bras arm&eacute;&nbsp;: le champ s&eacute;mantique est d&eacute;cid&eacute;ment min&eacute;.&nbsp;</p> <p>En r&eacute;alit&eacute;, si l&#39;on suit cette logique jusqu&#39;au bout, on peut l&eacute;gitimement se demander si le pr&eacute;cariat extr&ecirc;me que subissent les personnes en g&eacute;n&eacute;ral, les sans papiers papiers en particulier, ne constituent pas une des solutions pour abaisser globalement le co&ucirc;t du travail au m&ecirc;me moment o&ugrave;&nbsp;&nbsp;l&#39;on conditionne des aides ponctuelles &agrave;&nbsp;&nbsp;des preuves de &laquo;&nbsp;m&eacute;ritocratie r&eacute;publicaine&nbsp;&raquo;.&nbsp;</p> <p>Nombre de travailleurs sociaux souffrent de cet enfermement (il y a aujourd&#39;hui pl&eacute;thore d&#39;arr&ecirc;ts maladie et de personnes non remplac&eacute;es) et&nbsp;&nbsp;ont le sentiment de n&#39;avoir pas de choix possible. Il faut dire que toute une nouvelle s&eacute;mantique s&#39;est invit&eacute;e et qu&#39;on ne sait plus ce que les mots veulent dire. Les lois les plus r&eacute;centes comportent un volet &laquo;&nbsp;&eacute;galit&eacute; des chances&nbsp;&raquo;, ce qui a priori est une belle perspective, mais cela vient du Trait&eacute; europ&eacute;en de Lisbonne (2007) et cela veut dire obligation de saisir sa chance.</p> <p>Pour rappel, la premi&egrave;re r&eacute;f&eacute;rence notable au concept d&#39;&eacute;galit&eacute; des chances se retrouve dans un discours de Philippe P&eacute;tain, Message au Peuple Fran&ccedil;ais le 11 octobre 1940 :&laquo;<em>&nbsp;Le r&eacute;gime nouveau sera une hi&eacute;rarchie sociale. Il ne reposera plus sur l&#39;id&eacute;e fausse de l&#39;&eacute;galit&eacute; naturelle des hommes, mais sur l&#39;id&eacute;e n&eacute;cessaire de l&#39;&eacute;galit&eacute; des &quot; chances&quot; donn&eacute;es &agrave; tous les Fran&ccedil;ais de prouver leur aptitude &agrave; &laquo;&nbsp;servir&nbsp;&raquo;. Seuls le travail et le talent deviendront le fondement de la hi&eacute;rarchie fran&ccedil;aise. Aucun pr&eacute;jug&eacute; d&eacute;favorable n&#39;atteindra un Fran&ccedil;ais du fait de ses origines sociales &agrave; la seule condition qu&#39;il s&#39;int&egrave;gre dans la France nouvelle et qu&#39;il lui apporte un concours sans r&eacute;serve. On ne peut faire dispara&icirc;tre la, lutte des classes, fatale &agrave; la nation, qu&#39;en faisant dispara&icirc;tre les causes qui ont form&eacute; ces classes, qui les ont dress&eacute;es les unes contre les autres. Ainsi rena&icirc;tront les &eacute;lites v&eacute;ritables que le r&eacute;gime pass&eacute; a mis des ann&eacute;es &agrave; d&eacute;truire et qui constitueront les cadres n&eacute;cessaires au d&eacute;veloppement du bien-&ecirc;tre et de la dignit&eacute; de tous.&nbsp;&raquo;</em></p> <p>Mais d&#39;autres termes s&#39;imposent encore : on ne dit plus int&eacute;gration ( la partie agit sur le tout et le tout sur la partie) mais inclusion (action d&#39;introduire une chose dans une autre) et on parle de participation, une d&eacute;nomination unique pour des r&eacute;alit&eacute;s oppos&eacute;es.&nbsp;</p> <p>Le th&egrave;me de la participation est omnipr&eacute;sent aujourd&rsquo;hui, en g&eacute;n&eacute;ral, mais de fa&ccedil;on sp&eacute;cifique dans le travail social. Cette notion rattach&eacute;e &agrave; celle de coh&eacute;sion sociale renvoie &agrave; des ordres du discours qui peuvent &ecirc;tre oppos&eacute;s.&nbsp;Ce terme de coh&eacute;sion sociale,&nbsp;en effet,&nbsp;&nbsp;ne renvoie &agrave; rien de &laquo;&nbsp;naturel&nbsp;&raquo; et en aucun cas il ne peut s&rsquo;agir d&rsquo;un concept scientifique ou technique. La coh&eacute;sion sociale est en revanche la n&eacute;cessaire pr&eacute;occupation des soci&eacute;t&eacute;s confront&eacute;es &agrave; la question des in&eacute;galit&eacute;s et &agrave; son traitement. Parler de participation, c&rsquo;est s&rsquo;interroger sur la part ou la place qu&rsquo;a chacune des composantes de la soci&eacute;t&eacute; dans la r&eacute;solution de cette question. Du coup, mettre en perspective participation, travail social et coh&eacute;sion sociale revoie &agrave; des postures diff&eacute;rentes selon qu&rsquo;on se situe&nbsp; dans&nbsp;&nbsp;la volont&eacute; d&rsquo;ass&eacute;cher la conflictualit&eacute;&nbsp;&nbsp;sociale ou dans celle qui se revendique du th&egrave;me de la solidarit&eacute;&nbsp;: interd&eacute;pendance revendiqu&eacute;e, traduction &eacute;conomique et sociale de l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;&eacute;galit&eacute;, dimension&nbsp;&nbsp;publique et donc politique qui concilie protection et &eacute;mancipation.&nbsp;</p> <p>Or, principalement ce qui pr&eacute;domine aujourd&#39;hui, c&#39; est bien la premi&egrave;re version&nbsp;. La participation se r&eacute;sume finalement &agrave; ce qu&#39;on appelle aussi &laquo;&nbsp;la responsabilisation&nbsp;&raquo; des ch&ocirc;meurs, des parents, etc. C&#39;est &agrave; dire &agrave; l&#39;id&eacute;e sous-jacente que tout un chacun est cens&eacute; d&#39;en sortir par lui-m&ecirc;me ou &agrave; &laquo;&nbsp;&eacute;chouer&nbsp;&raquo; par sa faute. Nous sommes loin de la d&eacute;finition du travail social propos&eacute;e par l&rsquo;assembl&eacute;e g&eacute;n&eacute;rale de l&rsquo;International association of schools of social work (IASSW), rassembl&eacute;e &agrave; Melbourne, le 10 Juillet 2014&nbsp;:&laquo;&nbsp;Le Travail social est une pratique professionnelle et&nbsp;une discipline. Il&nbsp;promeut le changement et le d&eacute;veloppement social, la coh&eacute;sion sociale, le pouvoir d&rsquo;agir et la lib&eacute;ration des personnes. Les principes de justice sociale, de droit de la personne, de responsabilit&eacute; sociale collective et de respect des diversit&eacute;s sont au c&oelig;ur du travail social. &Eacute;tay&eacute; par les th&eacute;ories du travail social, des sciences sociales, des sciences humaines et des connaissances autochtones, le travail social encourage les personnes et les structures &agrave; relever les d&eacute;fis de la vie et agit pour am&eacute;liorer le bien-&ecirc;tre de tous.&nbsp;&raquo;</p> <p>L&#39;&eacute;cart est d&#39;importance quand on voit des intervenants sociaux somm&eacute;s de g&eacute;rer des stocks et des flux de pauvres &ndash; sur dossiers, protocole sanitaire oblige&nbsp;- afin de garder un certain seuil &laquo;&nbsp;d&#39;acceptabilit&eacute;&nbsp;&raquo; (terme nouveau ou nouvellement utilis&eacute; lui aussi) de la situation.&nbsp;</p> <p>Le reste est d&eacute;l&eacute;gu&eacute; aux associations caritatives et/ou humanitaires.&nbsp;</p> <p>C&#39;est ainsi, qu&#39;alors que ce n&#39;est pas du tout son objet,&nbsp;&nbsp;en l&#39;absence de r&eacute;ponses &eacute;manant des institutions pourtant d&eacute;di&eacute;es &agrave; r&eacute;pondre aux questions qui se posent aux habitants, le CHO3 s&#39;est vu charg&eacute; par la Fondation Abb&eacute; Pierre de r&eacute;partir 70000 euros en ch&egrave;ques services -&nbsp;&nbsp;au reste obtenus de haute lutte - aux familles du 3&egrave;me arrondissement en situation d&#39;urgence absolue.&nbsp;&nbsp;Un examen un peu attentif de la question permet de faire l&#39;hypoth&egrave;se que le secteur caritatif et humanitaire lui m&ecirc;me - quoique indispensable - est int&eacute;gr&eacute; dans cette &eacute;conomie sp&eacute;culative et insoutenable &eacute;cologiquement voulue par les &Eacute;tats.&nbsp;</p> <p>En France, le syst&egrave;me alimentaire&nbsp;&nbsp;repose sur un triptyque&nbsp;: un secteur agricole industriel et de type productiviste largement subventionn&eacute; par l&#39;Union Europ&eacute;enne et&nbsp;tr&egrave;s d&eacute;pendant de l&#39;agrochimie, un secteur agroalimentaire imposant des produits ultra transform&eacute;s de mauvaise qualit&eacute;&nbsp;&nbsp;et enfin la grande distribution. Ce syst&egrave;me r&eacute;sulte de choix politiques et n&#39;est pas sans cons&eacute;quences pour la sant&eacute; des personnes ayant de faibles ressources qui en ont&nbsp;&nbsp;largement d&eacute;pendantes. Mais cette production de masse (&eacute;conomie d&#39;&eacute;chelle, r&eacute;duction des co&ucirc;ts de production, etc.) pour une consommation de masse (prix bas pour des produits de faible qualit&eacute;) provoque aussi des exc&eacute;dents dont&nbsp;&nbsp;le syst&egrave;me agro-alimentaire industriel tire profit :&nbsp;&laquo;&nbsp;en effet, l&rsquo;aide alimentaire est devenue un march&eacute; dont le budget est constitu&eacute; aux trois-quarts par des r&eacute;ductions d&rsquo;imp&ocirc;ts aux particuliers et aux entreprises pour leurs dons alimentaires. Et la d&eacute;fiscalisation profite en premier lieu aux supermarch&eacute;s qui, depuis une loi de 2018, n&rsquo;ont plus le droit de d&eacute;truire leurs invendus.&nbsp;&raquo;&nbsp;(Bennegouch, 2020).&nbsp;Le reste des produits destin&eacute;s &agrave; l&#39;aide alimentaire proviennent de l&#39;Union Europ&eacute;enne.&nbsp;</p> <p>Conform&eacute;ment au r&egrave;glement&nbsp;relatif au FEAD et au Programme op&eacute;rationnel national FEAD 2014-2020, les seules b&eacute;n&eacute;ficiaires du Fonds sont les&nbsp;organisations partenaires (OP)&nbsp;&agrave; but non lucratif en charge de l&rsquo;aide alimentaire s&eacute;lectionn&eacute;es par les autorit&eacute;s nationales. Ainsi,&nbsp;quatre associations caritatives ont &eacute;t&eacute; habilit&eacute;es au niveau national&nbsp;&agrave; recevoir des contributions publiques destin&eacute;es &agrave; la mise en &oelig;uvre de l&rsquo;aide alimentaire&nbsp;et retenues pour b&eacute;n&eacute;ficier des cr&eacute;dits europ&eacute;ens du Fonds&nbsp;:&nbsp;les Restaurants du C&oelig;ur,&nbsp;la Croix-Rouge fran&ccedil;aise, &nbsp;le Secours populaire fran&ccedil;ais et la F&eacute;d&eacute;ration fran&ccedil;aise des banques alimentaires. Les cr&eacute;dits europ&eacute;ens sont r&eacute;partis entre ces quatre associations au d&eacute;but de chaque campagne annuelle FEAD. Elles r&eacute;partissent par la suite les cr&eacute;dits allou&eacute;s entre les 27 denr&eacute;es de la liste FEAD achet&eacute;es par FranceAgriMer, selon une &eacute;valuation de leurs besoins.&nbsp;</p> <p>Nouvelle source de profit pour les entreprises de l&#39;agriculture intensive, de l&#39;agroalimentaire et de la grande distribution&nbsp;!</p> <p>Au del&agrave; de l&#39;urgence - r&eacute;elle et qu&#39;il faut prendre en compte - provoqu&eacute;e par la crise sanitaire actuelle, c&#39;est bien &agrave; tout un syst&egrave;me aussi inique que coh&eacute;rent que nous nous trouvons aujourd&rsquo;hui confront&eacute;s.&nbsp;</p> <h2><strong><span style="color:#8e44ad;">Sortir de l&#39;invisibilit&eacute;</span></strong></h2> <p>Sortir de l&#39;invisibilit&eacute; concerne les habitants pr&eacute;caires, ceux que Castel, analysant la place qui leur &eacute;tait faite dans le syst&egrave;me dominant actuel, appelle les &laquo;&nbsp;sur-num&eacute;raires&nbsp;&raquo; ou les &laquo;&nbsp;invisibles au monde&nbsp;&raquo;, le peuple de l&#39;ombre.&nbsp;&nbsp;</p> <p>Kamar Eddine,&nbsp;&nbsp;loin, tr&egrave;s loin de cette vision, &eacute;crit:</p> <p>&laquo;<em>&nbsp;Si on peut dire maux de t&ecirc;te, pourquoi ne dirait-on pas maux d&#39;injustice&nbsp;? </em></p> <p><em>Dans un monde o&ugrave; l&#39;injustice fait rage et o&ugrave;&nbsp;&nbsp;les sans papiers sont victimes de tous les mots/maux, o&ugrave; les petits pays sont asphyxi&eacute;s et le pauvres marginalis&eacute;s, les sans papiers n&#39;ont ni pr&eacute;nom, ni cerveau, rien du tout&nbsp;!!!</em></p> <p><em>Tout va mal, de mal en mal</em></p> <p><em>Trop c&#39;est trop, trop c&#39;est trop</em></p> <p><em>On est o&ugrave;, l&agrave;&nbsp;?</em></p> <p><em>On en a marre et j&#39;en ai marre surtout, moi, mes fr&egrave;res et mes s&oelig;urs</em></p> <p><em>Voil&agrave; pourquoi je me pose la question</em></p> <p><em>Pourquoi ne pas dire les maux d&#39;injustices&nbsp;?</em></p> <p><em>Les maux d&#39;injustice, c&#39;est le r&eacute;sultat de toutes sortes d&#39;injustices</em></p> <p><em>Mais surtout moi, victime de ce mot&nbsp;: sans papiers</em></p> <p><em>Mais un sans papiers n&#39;est pas sans connaissances&nbsp;</em></p> <p><em>Mais un sans papiers n&#39;est pas sans dipl&ocirc;me</em></p> <p><em>Mais un sans papiers n&#39;est pas sans r&eacute;flexion</em></p> <p><em>Mais un sans papiers n&#39;est pas un savoir faire</em></p> <p><em>Tout va mal, de mal en mal</em></p> <p><em>Trop c&#39;est trop, trop c&#39;est trop</em></p> <p><em>On est o&ugrave;, l&agrave;&nbsp;?</em></p> <p><em>On en a marre et j&#39;en ai marre surtout, moi, mes fr&egrave;res et mes s&oelig;urs</em></p> <p><em>J&#39;ai envie de travailler, servir, rendre service, &ecirc;tre utile</em></p> <p><em>J&#39;ai envie de r&eacute;fl&eacute;chir, d&#39;expliquer et d&#39;&ecirc;tre utile</em></p> <p><em>J&#39;ai envie de comprendre, d&#39;apprendre, de lire et &ecirc;tre utile</em></p> <p><em>Tout va mal, de mal en mal</em></p> <p><em>Trop c&#39;est trop, trop c&#39;est trop</em></p> <p><em>On est o&ugrave;, l&agrave;&nbsp;?</em></p> <p><em>On en a marre et j&#39;en ai marre surtout, moi, mes fr&egrave;res et mes s&oelig;urs</em></p> <p><em>Mais gardons espoir, soyons solides, brisons le silence</em></p> <p><em>Osons ensemble&nbsp;</em></p> <p><em>Haut et fort, r&eacute;clamons l&#39;&eacute;galit&eacute;</em></p> <p><em>Pour un monde meilleur, stable et paisible</em></p> <p><em>Cr&eacute;ons un terrain d&#39;entente, ensemble et dans la joie&nbsp;&raquo;.</em></p> <p>&nbsp;</p> <p>C&#39;est ainsi que&nbsp;&nbsp;le CHO3 s&#39;est engag&eacute; dans un travail long patient pour organiser le combat contre&nbsp;les injustices&nbsp;&nbsp;et pour l&#39;&eacute;galit&eacute;.</p> <p>Le CHO3&nbsp;s&#39;inscrit&nbsp;&nbsp;dans la filiation de l&rsquo;&eacute;cole de la conscientisation propos&eacute;e notamment par Paolo Freire&nbsp;:&laquo;&nbsp;&Eacute;couter les opprim&eacute;s, ceux qui habitent la culture du silence, c&rsquo;est &eacute;couter la voix de la souffrance. &Eacute;couter les exclus et m&eacute;pris&eacute;s, c&rsquo;est reconna&icirc;tre ceux qui, par leur pass&eacute; ou leur pr&eacute;sent, ont une connaissance&nbsp;&nbsp;de premi&egrave;re main de l&rsquo;oppression mais pour qui l&rsquo;avenir n&rsquo;est que r&ecirc;ves d&rsquo;opportunit&eacute;s.&nbsp;&raquo;(&hellip;) &laquo;&nbsp;Ce glissement entre savoir et &ecirc;tre est important, parce que, pour Freire, le d&eacute;passement de la relation d&rsquo;oppression que constitue la relation institutionnelle &laquo;&nbsp;enseignant enseign&eacute;&nbsp;&raquo; n&rsquo;est possible que quand l&rsquo;enseignant arrive &agrave; mettre fin &agrave; sa vie en tant qu&rsquo;&eacute;ducateur unilat&eacute;ral, pour rena&icirc;tre comme l&rsquo;&eacute;ducateur &eacute;l&egrave;ve de l&rsquo;&eacute;l&egrave;ve &eacute;ducateur. Autrement dit, quand il sait cr&eacute;er une relation toute autre par un dialogue qui donne la possibilit&eacute; d&rsquo;apprendre autrement, de cr&eacute;er un savoir qui est autre, parce qu&rsquo;il devient &laquo;&nbsp;un acte de savoir et un moyen d&rsquo;action pour transformer la r&eacute;alit&eacute; qui doit &ecirc;tre apprise. Freire propose que cette &eacute;ducation probl&eacute;matisante serve &agrave; &laquo;&nbsp;un processus par lequel les individus prennent le r&ocirc;le de sujets dans l&rsquo;aventure pr&eacute;caire qui est celle de transformer et recr&eacute;er le monde&nbsp;&raquo;. Par les individus, il veut dire ceux qui se comprennent comme un &laquo;&nbsp;je&nbsp;&raquo; ou un &laquo;&nbsp;nous&nbsp;&raquo;, autrement dit, comme sujets (&hellip;) &nbsp;L&rsquo;&eacute;mancipation et la participation engag&eacute;e en vue de la transformation sociale (&hellip;) requi&egrave;rent le d&eacute;veloppement de la capacit&eacute; individuelle et groupale de comprendre, assumer et prendre des d&eacute;cisions pour transformer la r&eacute;alit&eacute; qui nous entoure&nbsp;&raquo; (Garibay, S&eacute;guier&nbsp; 2009 p.211)</p> <p>D&eacute;s lors, il s&#39;agit de r&eacute;unir les personnes qui ont le m&ecirc;me probl&egrave;me, de formuler une demande&nbsp;&nbsp;et la ou les formes qu&#39;elle prendra.&nbsp;</p> <p>Puis, il faut identifier le ou les acteurs qui seront les interlocuteurs concrets de cette demande pour en faire des alli&eacute;s par la revendication ou des actions non violentes. Cela peut aussi&nbsp;&nbsp;&nbsp;passer par le conflit.&nbsp;</p> <p>Mais sortir de l&#39;invisibilit&eacute; concerne aussi l&#39;ensemble des acteurs pr&eacute;sents sur le territoire - cet espace o&ugrave; on est reconnus et on reconna&icirc;t. C&#39;est notamment vrai pour les travailleurs sociaux, les professionnels des diff&eacute;rentes institutions ou encore les &eacute;lus et c&#39;est la condition pour une appropriation collective des enjeux soci&eacute;taux actuels et un pr&eacute;alable &agrave; la red&eacute;finition partag&eacute;e d&#39;un &laquo;&nbsp;&agrave; venir&nbsp;&raquo; possible.&nbsp;&nbsp;</p> <p>Pour les salari&eacute;s, cela passe au demeurant par un enjeu sp&eacute;cifique&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;Les entreprises se sont enferm&eacute;es dans une repr&eacute;sentation chiffr&eacute;e de leur activit&eacute;, avec des tableaux, des ratios. Cette gouvernance par les nombres fait penser au Gosplan sovi&eacute;tique. A la fin de l&rsquo;URSS, les dirigeants ne savaient plus ce qui se passait dans le pays, mais ils fixaient quand m&ecirc;me des objectifs de production. Ce risque guette nos entreprises, qui sont pilot&eacute;es par des tableurs Excel. Les dirigeants doivent faire appel aux savoirs de leurs salari&eacute;s, qui ne connaissent que trop bien ce qui s&rsquo;y passe. Les syndicats, aussi, restent un outil puissant pour s&rsquo;ancrer dans la r&eacute;alit&eacute; des exp&eacute;riences, forc&eacute;ment tr&egrave;s diverses. La r&eacute;volution informatique pourrait aller dans ce sens. Mais cela suppose des marges d&rsquo;autonomie, de la cr&eacute;ativit&eacute;, de la concertation et de la r&eacute;flexion collective&nbsp;&raquo;.&nbsp;(Supiot, 2021)</p> <p>Le c&oelig;ur, d&eacute;s lors, n&#39;est pas dedans (l&#39;institution), il est dans les interactions dehors/dedans, dans le r&eacute;seautage et il renvoie &agrave; l&#39;art de la liminalit&eacute; et du seuil.</p> <p>Concernant le 3&egrave;me arrondissement, on sent un fr&eacute;missement dans ce sens. Le CHO3 et quelques autres associations ayant actionn&eacute; &agrave; plusieurs reprises les sonnettes d&#39;alarme aupr&egrave;s de l&rsquo;&Eacute;tat et des Collectivit&eacute;s Territoriales&nbsp;&nbsp;- parall&egrave;lement diff&eacute;rents m&eacute;dias se sont int&eacute;ress&eacute;s publiquement &agrave; la question &ndash; il est devenu clair qu&#39;une r&eacute;ponse institutionnelle s&#39;imposait. L&rsquo;&Eacute;tat, au travers notamment de la Direction D&eacute;partementale de la Coh&eacute;sion Sociale (DDCS) s&#39;est retourn&eacute; vers la ville&nbsp;&nbsp;Du temps est pass&eacute; et on imagine &agrave; quelles n&eacute;gociations ce temps a &eacute;t&eacute; occup&eacute;, puis, le 16 D&eacute;cembre, une rencontre est organis&eacute;e par la ville dans un Centre Social agr&eacute;&eacute; par la CAF&nbsp;. Une &eacute;lue d&#39;arrondissement anime la r&eacute;union, la d&eacute;l&eacute;gu&eacute;e &agrave; l&#39;&eacute;galit&eacute; des chances de la pr&eacute;f&egrave;te pour le&nbsp;&nbsp;3&egrave;me arrondissement est venue et nous sommes une quarantaine de personnes, repr&eacute;sentant(e)s de diff&eacute;rentes associations et/ou d&rsquo;institutions repr&eacute;sentatives du travail social. Il y a une th&eacute;matique g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;&nbsp;-&nbsp;&nbsp;l&#39;urgence alimentaire &ndash; mais aucun ordre du jour n&#39;est annonc&eacute; et nous nous retrouvons &agrave; d&eacute;crire tour &agrave; tour qui nous sommes et ce que nous faisons. Ce n&#39;est pas en soi inint&eacute;ressant. Mais dans le contexte et &agrave; &laquo;&nbsp;l&rsquo;insu de son&nbsp;&nbsp;plein gr&eacute;&nbsp;&raquo;, chacun se retrouve finalement &agrave; d&eacute;crire ce en quoi sa place sp&eacute;cifique est importante - et hors texte, digne de financements. Il n&#39;y a pas ici d&#39;analyse de la situation, encore moins d&eacute;finition d&#39;objectifs partag&eacute;s, et ce, en d&eacute;pit d&#39;une manifeste (bonne) volont&eacute; d&#39;agir au mieux. Un point commun toutefois se dessine&nbsp;: la volont&eacute; de se revoir r&eacute;guli&egrave;rement.&nbsp;</p> <p>La question qui se pose cependant est bien celle des objectifs d&#39;un &eacute;ventuel travail collectif&nbsp;: s&#39;agit-il de distribuer au mieux des miettes &ndash; versus paix sociale &ndash; ou s&#39;agit-il de penser des objectifs partag&eacute;s contribuant &agrave; plus de justice sociale et &agrave; une vraie d&eacute;mocratie alimentaire&nbsp;? ( Paturel,&nbsp;&nbsp;&nbsp;Ndiaye&nbsp;&nbsp;2020).</p> <p>Concernant le cadre de ce travail en commun, le CHO3 propose un Projet Alimentaire Territorial. La reconnaissance d&#39;un PAT au sens de la loi n&deg;2014-1170 d&#39;avenir pour l&#39;agriculture, l&#39;alimentation et la for&ecirc;t du 13 octobre 2014 permet au porteur de ce projet d&#39;utiliser la marque &laquo;&nbsp;Projet Alimentaire Territorial &raquo; reconnue par le minist&egrave;re de l&#39;Agriculture et le logo associ&eacute;. Les&nbsp;&nbsp;PAT ont l&#39;ambition de f&eacute;d&eacute;rer les diff&eacute;rents acteurs d&#39;un territoire autour de la question de l&#39;alimentation, contribuant ainsi &agrave; la prise en compte des dimensions sociales, environnementales, &eacute;conomiques et de sant&eacute; de ce territoire. Ces PAT peuvent concerner un territoire &eacute;largi et il en existe d&eacute;j&agrave; un sur la M&eacute;tropole Aix Marseille (<a href="https://l.facebook.com/l.php?u=http%3A%2F%2Fpat-ampmetropole-paysdarles.jenparle.net%2F%3Ffbclid%3DIwAR1e5a6UGy01qIc4EfqgH08PZFf7jg0fqt8jjR9grDbr8G9V4Qn44sj56I8&amp;h=AT0Q2p6GeLMpBkQ7ZOt31CguMzZFwUxxXhQOAmQDOnVXJoYs3Ea6vyll7UqIeKTHiLzk2trxHnOacQF6wFI34w1zvzzgEmg-cLB166B0cttpJbViotnuQ_LEC1MUnLt_3n8hrwhHOSocQuC_N58X1vBk">pat-ampmetropole-paysdarles.jenparle.net</a>&nbsp;) mais il peuvent aussi se d&eacute;cliner sur une ville, voir un quartier et s&#39;ils ne constituent en aucun cas une garantie d&#39;int&eacute;gration de la dimension de justice sociale, ils peuvent faciliter un d&eacute;bat entre les acteurs pr&eacute;sents sur le territoire qui ont toute latitude pour en d&eacute;cider ainsi.</p> <h2><strong><span style="color:#8e44ad;">Oser changer de paradigme</span></strong></h2> <p>Mais on peut aller plus loin encore.&nbsp;</p> <p>Cela passe tout d&#39;abord par une affirmation non n&eacute;gociable&nbsp;&agrave; nos yeux : toute personne a le droit d&#39; &ecirc;tre respect&eacute;e dans sa dignit&eacute; de penser et d&#39;agir. Aucune&nbsp;ne&nbsp;doit &ecirc;tre assign&eacute;e au statut exclusif de &laquo;&nbsp;sur num&eacute;raire&nbsp;&raquo; ou d&#39;&#39;inutile au monde et &agrave; soi-m&ecirc;me car&nbsp;&nbsp;dans ce cas la &laquo;&nbsp;honte d&#39;&ecirc;tre soi&nbsp;&raquo; envahit tout l&#39;espace psychique dans un pr&eacute;sent o&ugrave; tout se joue.&nbsp;</p> <p>Nous pensons au contraire que toute personne doit pouvoir &laquo;&nbsp;donner, recevoir et rendre&nbsp;&raquo; comme l&#39;a formul&eacute; Marcel Mauss et cela passe par une autre fa&ccedil;on de penser l&#39;&eacute;conomie.&nbsp;</p> <p>Certes, le march&eacute; est un mode &eacute;conomique mais on sait combien il est destructeur des ressources naturelles et humaines.&nbsp;</p> <p>L&rsquo;incapacit&eacute; d&rsquo;un nombre toujours croissant de personnes &agrave; se nourrir et &agrave; se nourrir correctement est historiquement construite par ce que Majid Rahnema appelle &laquo;&nbsp;l&rsquo;&eacute;pist&eacute;mologie de la guerre contre la subsistance&nbsp;&raquo;&nbsp;:&nbsp;&laquo;<em>&nbsp;La base mat&eacute;rielle de toutes les civilisations du pass&eacute; &eacute;tait indissociable de la capacit&eacute; de toute communaut&eacute; locale &agrave; cr&eacute;er directement &agrave; partir de la nature des &eacute;l&eacute;ments de subsistance. Dans le monde colonis&eacute; par le syst&egrave;me productiviste moderne, cette capacit&eacute; (&hellip;) s&rsquo;est trouv&eacute;e brim&eacute;e, r&eacute;prim&eacute;e, assujettie, et les porteurs des savoirs correspondants - des savoirs de subsistances - sont invit&eacute;s &agrave; se consid&eacute;rer comme une esp&egrave;ce en voie de disparition&nbsp;</em>&raquo;.&nbsp;(Rahnema, 2008)</p> <p>Partout dans le monde, on peut observer le m&ecirc;me sc&eacute;nario&nbsp;: cr&eacute;ation ex nihilo de nouveaux besoins pour cr&eacute;er une sorte d&rsquo;&eacute;tat de manque pr&eacute;alable &agrave; une offre de nouveaut&eacute;s, privatisation de l&rsquo;espace jusqu&rsquo;alors public,&nbsp;&nbsp;d&eacute;nigrement et abrutissement (y compris par des drogues de toutes sortes) des personnes devenues sans terres et &ndash; par construction sans dignit&eacute; - assujettissement &agrave; l&rsquo;ordre social, &eacute;conomique et politique &agrave; ce prix &eacute;tabli.&nbsp;&nbsp;Rahnema insiste sur le fait que tout ceci n&rsquo;est possible que parce que&nbsp;:&nbsp;&laquo;&nbsp;<em>Pr&eacute;c&eacute;d&eacute; par cette vague irrationnelle de m&eacute;pris inculqu&eacute; envers les flexibles, subtils et intimes savoirs locaux, vague de choc qu&rsquo;Ivan Illich qualifiait de disvaleur&nbsp;</em>&raquo;.&nbsp;</p> <p>Mais on n&#39;a pas besoin de tout, juste de ce qu&#39;il faut pour vivre en harmonie avec soi-m&ecirc;me et les autres et on peut &laquo;&nbsp;&ecirc;tre sans papiers mais pas sans comp&eacute;tences&nbsp;&raquo;.&nbsp;</p> <p>C&#39;est &agrave; partir de l&agrave; que le CHO3 a commenc&eacute; &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir avec les habitants &agrave; diff&eacute;rentes pistes.&nbsp;Les savoir faire sont nombreux dans le quartier&nbsp;: arts culinaires, informatique, connaissance de plusieurs langues, mara&icirc;chage, m&eacute;canique, coiffure, etc.&nbsp;</p> <p>Le premier travail consiste &agrave; cr&eacute;er des ateliers pour partager ces savoir faire&nbsp;et prendre individuellement et collectivement conscience de cette richesse, qui est un bien commun.&nbsp;Puis, il va falloir imaginer les formes que pourra prendre le partage de ces richesses. Certaines existent d&eacute;j&agrave;&nbsp;:&nbsp;</p> <p>Kamar Eddine fait partie d&#39;un groupe de traducteurs franco-comoriens, des mamans s&#39;occupent de la distribution des couches et des produits alimentaires.&nbsp;</p> <p>Par ailleurs des habitants ont pu aider &agrave; des travaux agricoles (r&eacute;colte des olives, ramassage&nbsp;des pommes de terre) du fait d&#39;un partenariat avec la Caillasse, une association qui a pour objectifs&nbsp;&nbsp;de&nbsp;d&eacute;velopper et soutenir des activit&eacute;s agricoles et sociales soucieuses de la d&eacute;fense du patrimoine naturel, favorisant l&#39;entraide entre la ville et la campagne et promouvant des modes de production, de coop&eacute;ration et de consommation &eacute;cologiques. &laquo;&nbsp;<em>Nous travaillons sans chimie, dans le respect de la vie du sol et autant que possible avec des vari&eacute;t&eacute;s locales.&nbsp;Nous sommes bas&eacute;s&nbsp;&nbsp;au sud du Vaucluse, zone rurale riche en activit&eacute;s agricoles. Nous partons du constat que d&rsquo;une part, nous vivons proche de grandes villes populaires o&ugrave; l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; une nourriture de qualit&eacute; ne va pas de soi. Cela en raison de son prix &eacute;lev&eacute; et d&#39;un faible approvisionnement mais aussi, &agrave; nos yeux, en raison de l&rsquo;absence de terres agricoles accessibles &agrave; proximit&eacute; de la ville. Notre association vise &agrave; rapprocher ces milieux en favorisant la rencontre et l&rsquo;entraide au cours de chantiers agricoles et d&rsquo;actions autour de l&rsquo;alimentation tant &agrave; la ville qu&rsquo;&agrave; la campagne. L&rsquo;association compte parmi ses membres tant des habitant(e)s du Val de Durance que des habitant(e)s de Marseille o&ugrave; nombre de nos activit&eacute;s prennent sens. Elle fonctionne de fa&ccedil;on collective et horizontale et l&#39;engagement s&#39;y fait de mani&egrave;re exclusivement b&eacute;n&eacute;vole. L&#39;association soutient toute initiative allant dans le sens du partage et de la solidarit&eacute;</em>&nbsp;&raquo;.&nbsp;(Association la Caillasse)</p> <p>Mais nous r&eacute;fl&eacute;chissons aussi &agrave; des &eacute;changes mon&eacute;taires qui pourraient se faire au travers de la cr&eacute;ation d&#39;une coop&eacute;rative et la mise en place d&#39;une tontine.</p> <p>Tout ceci est un travail sur le long terme car nous partons toujours des besoins et des envies qu&#39;am&egrave;nent les habitants. Par ailleurs, notre ADN c&#39;est bien la justice sociale et nous ne&nbsp;&nbsp;voulons pas&nbsp;&nbsp;&ecirc;tre assign&eacute;s &agrave; un r&ocirc;le de travail social subsidiaire pas plus qu&#39;&ecirc;tre instrumentalis&eacute;s par les logiques de l&#39;&eacute;conomie dominante. Nous avan&ccedil;ons &agrave; pas pas , par exp&eacute;rimentations&nbsp;&raquo;&nbsp;(Jonas)</p> <p>Il reste que diff&eacute;rentes pistes existent et&nbsp;&nbsp;le champ des possibles &ndash; au prix de travailler aussi avec d&#39;autres &ndash; m&eacute;rite d&#39;&ecirc;tre explor&eacute;.&nbsp;&nbsp;</p> <p>Mettre en lien les comp&eacute;tences diff&eacute;rentes et compl&eacute;mentaires peut passer par&nbsp;&nbsp;des &eacute;changes non mon&eacute;taires&nbsp;: les anglais parlent de banques du temps, les canadiens d&#39;accorderies et en France il existe les Syst&egrave;mes d&rsquo;&Eacute;changes Locaux.&nbsp;</p> <p>D&#39;autres r&eacute;flexions sont en cours, &nbsp;notamment les liens possibles avec le monde rural par le biais de la Conf&eacute;d&eacute;ration Paysanne ou par ailleurs l&#39;int&eacute;r&ecirc;t &eacute;ventuel de travailler avec d&#39;autres partenaires dans le cadre du dispositif Territoire z&eacute;ro ch&ocirc;meurs.&nbsp;</p> <p><em>&laquo;&nbsp;Lanc&eacute; par ATD Quart Monde, rejoint par d&rsquo;autres acteurs de la lutte contre l&rsquo;exclusion (Emma&uuml;s France, Le Secours catholique, Le Pacte civique, La F&eacute;d&eacute;ration des acteurs de la solidarit&eacute;&hellip;), le projet Territoires z&eacute;ro ch&ocirc;meur de longue dur&eacute;e est exp&eacute;riment&eacute; depuis janvier 2017, dans le cadre d&rsquo;une loi d&rsquo;exp&eacute;rimentation vot&eacute;e &agrave; l&rsquo;unanimit&eacute; par le parlement le 29 f&eacute;vrier 2016. Objectif : montrer que personne n&rsquo;est inemployable et que gr&acirc;ce &agrave; la mobilisation collective, l&rsquo;&eacute;conomie peut &ecirc;tre au service de l&rsquo;humain et de la plan&egrave;te, &agrave; condition que les plus &eacute;loign&eacute;s de l&rsquo;emploi soient au c&oelig;ur de la d&eacute;marche.&nbsp;Reposant sur trois intuitions &ndash; personne n&rsquo;est inemployable, c&rsquo;est pas l&rsquo;argent qui manque et &ccedil;a n&rsquo;est pas le travail qui fait d&eacute;faut &ndash; le projet Territoires z&eacute;ro ch&ocirc;meur de longue dur&eacute;e est une exp&eacute;rimentation novatrice pour en finir avec le ch&ocirc;mage de longue dur&eacute;e. Le projet repose sur la cr&eacute;ation d&rsquo;emplois gr&acirc;ce &agrave; des Entreprises &agrave; But d&rsquo;Emploi (EBE), qui embauchent &ndash; sur la base du volontariat &ndash; des&nbsp;ch&ocirc;meurs&nbsp;de longue dur&eacute;e en CDI, au SMIC et &agrave; temps choisi, afin de r&eacute;aliser des travaux utiles localement mais non r&eacute;alis&eacute;s car jug&eacute;s peu rentables pour le march&eacute; classique. Ces entreprises particuli&egrave;res sont financ&eacute;es, pour l&rsquo;essentiel, par la r&eacute;affectation des co&ucirc;ts et des manques &agrave; gagner li&eacute;s la privation durable d&rsquo;emploi. Des co&ucirc;ts estim&eacute;s &agrave; au moins 43 milliards d&rsquo;euros annuels, soit au moins 18 000 euros par an et par personne durablement priv&eacute;e d&rsquo;emploi&nbsp;&raquo;.</em></p> <p>Nous pressentons, en l&rsquo;exp&eacute;rimentant, que toute relation bas&eacute;e sur ce que Marcel Mauss appelait la triple obligation de &laquo; donner, recevoir et rendre &raquo; redonne de la dignit&eacute; &agrave; tous en m&ecirc;me temps qu&rsquo;elle met chacun au travail, le vrai : celui qui pense et produit biens et liens&nbsp;et donc &eacute;mancipe.Peut-&ecirc;tre, du coup, faut-il partir de l&rsquo;id&eacute;e de la dette : parce que nous sommes dans un monde interconnect&eacute;, chacun a besoin de tous et chacun doit prendre&nbsp;&nbsp;soin de tous, comme de lui-m&ecirc;me. Et loin de la morosit&eacute;, voir du d&eacute;sespoir, qui risque de nous anesth&eacute;sier tous aujourd&#39;hui, cette perspective est joyeuse.&nbsp;&nbsp;</p> <p><em>&laquo; Loin que la joie de vivre, le plaisir, l&rsquo;art de vivre &agrave; la bonne heure soit un luxe qui nous &eacute;loigne de l&rsquo;urgence sociale, c&rsquo;est au contraire la ressource qui nous permet d&rsquo;y r&eacute;pondre en sortant des logiques de peur, d&rsquo;impuissance, de d&eacute;sespoir que s&eacute;cr&egrave;tent l&rsquo;isolement et la panique &raquo;</em>&nbsp;. (Viveret, 2014)</p> <p>&nbsp;</p> <h4><strong>Bibliographie</strong></h4> <p>Bennegouch,&nbsp;N. (2020),&nbsp;La mise en &oelig;uvre du droit &agrave; l&#39;alimentation en France&nbsp;: &eacute;tat des lieux et enjeux d&#39;une approche effective de ce droit, Article de fin de formation.&nbsp;Formation en ligne sur les droits &eacute;conomiques, sociaux et culturels https://formationsdh.org/formations/desc1/&nbsp;</p> <p>Buzyn, A.&nbsp;(2018),&nbsp;Investir dans les solidarit&eacute;s pour l&rsquo;&eacute;mancipation de tous, D&eacute;l&eacute;gation interminist&eacute;rielle &agrave; la pr&eacute;vention et &agrave; la lutte contre la pauvret&eacute; des enfants et des jeunes.&nbsp;Dossier de presse.</p> <p>De Gaul&eacute;jac,&nbsp;V. (2013),&nbsp;<em>La recherche clinique en sciences sociales</em>&nbsp;&Eacute;ditions &Egrave;res.</p> <p>Gori,&nbsp;R.(2011),&nbsp;<em>La dignit&eacute; de penser</em>, &Eacute;ditions les liens qui lib&egrave;rent, 2011&nbsp;&nbsp;</p> <p>Morin, E., Rabhi, P.,&nbsp;Lafay, D.&nbsp;(2021)<em> Fr&egrave;res d&#39;&acirc;mes</em>,&nbsp;L&#39;Aube.</p> <p>Paturel,D. et Ndiaye, P (2020) <em>Le droit &agrave; l&#39;alimentation durable en d&eacute;mocratie</em>, Champ Social &eacute;ditions</p> <p>Supiot, A.(2021),&nbsp;Le contenu et le sens du travail sont des exigences de justice sociale, entretien avec St&eacute;phane B&eacute;chaud et Fran&ccedil;ois Desriaux.</p> <p>Rahnema,&nbsp;M., et&nbsp;&nbsp;Robert, J.(2008)n&nbsp; <em>La puissance des pauvres</em>&nbsp;Actes Sud.</p> <p>Viveret, P.(2014),&nbsp;&laquo; Les t&acirc;ches d&rsquo;un mouvement convivialiste &raquo;,&nbsp;in&nbsp;<em>Revue du Mauss</em>, n&deg; 43.</p> <p>&nbsp;</p>