<p>Le travail social radical, ou travail social critique pour les Anglo-saxons, est un produit direct des effets de la crise &eacute;conomique. Le terme radical &laquo;<em>&nbsp;se r&eacute;f&egrave;re historiquement &agrave; une th&eacute;orie et une pratique politique qui vise &agrave; comprendre les causes profondes des probl&egrave;mes sociaux. Bien que l&rsquo;appr&eacute;ciation de ces causes et l&rsquo;att&eacute;nuation de leurs effets n&eacute;fastes sur la vie des gens soient des dimensions importantes du travail social radical, ce qui le diff&eacute;rencie vraiment des approches traditionnelles, c&rsquo;est son accent sur l&rsquo;action qui vise le changement social&nbsp;&raquo;</em> (Ioakimidis, 2016). Pour Saul Alinsky (1971), sociologue am&eacute;rician et p&egrave;re fondateur de la &laquo;&nbsp;community organizing&nbsp;&raquo; (organisation communautaire), le travail social radical est la mise en lumi&egrave;re de la pratique de la d&eacute;mocratie directe, chaque personne pouvant d&eacute;cider par et pour elle-m&ecirc;me, la pratique de l&rsquo;empathie et de la tol&eacute;rance, d&eacute;j&agrave; pr&eacute;sentes dans les textes de r&eacute;f&eacute;rence de la F&eacute;d&eacute;ration internationale des travailleurs sociaux (IFSW, 2018), l&rsquo;engagement dans une cause, la lutte contre l&rsquo;oppression et les liens entre les id&eacute;ologies et l&rsquo;action qu&rsquo;elles commandent.&nbsp;</p> <p>Les conf&eacute;rences familiales en protection de l&rsquo;enfance, en tant que pratique innovante, d&eacute;signent un processus de prise de d&eacute;cision par une famille et les personnes qui leur sont proche en vue de la r&eacute;duction du danger v&eacute;cu par un enfant. Dans une logique &eacute;cosyst&eacute;mique, elles invitent l&rsquo;enfant et sa famille &agrave; construire une question centrale ax&eacute;e sur les besoins de l&rsquo;enfant et de choisir, avec leur r&eacute;seau, les ressources &agrave; mettre en &oelig;uvre pour sa r&eacute;solution. De fa&ccedil;on ind&eacute;pendante des institutions qui l&rsquo;accompagne, la famille &eacute;tablit un plan d&rsquo;action qui r&eacute;pond &agrave; la question comme les acteurs le jugent n&eacute;cessaire et souhaitable.&nbsp;</p> <p>Dans le cadre d&rsquo;une recherche doctorale r&eacute;alis&eacute;e au sein du Centre de recherche en &eacute;ducation familiale de l&rsquo;universit&eacute; Paris Nanterre, un recueil de donn&eacute;es men&eacute; aupr&egrave;s de professionnels form&eacute;s aux conf&eacute;rences familiales fait apparaitre que leur &eacute;mergence vient r&eacute;pondre &agrave; un sentiment d&rsquo;&eacute;chec de leur mission.&nbsp;Il est donc possible de positionner cet outil &eacute;mergent en France dans le champ du travail social radical, la fin recherch&eacute;e &eacute;tant l&rsquo;auto-d&eacute;termination des acteurs enfants, familles et communaut&eacute;s en dehors du pouvoir d&eacute;cisionnel des institutions qui les accompagnent. Pour autant, la force d&rsquo;une conf&eacute;rence familiale tient en ce que son processus produit, pas dans les r&eacute;sultats obtenus &agrave; court terme.&nbsp;</p> <p>&nbsp;</p> <h2><span style="color:#8e44ad;">Que sont les conf&eacute;rences familiales&nbsp;?</span></h2> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#8e44ad;"><em>Les origines&nbsp;: une&nbsp;lutte contre l&rsquo;oppression&nbsp;</em></span></p> <p>Les conf&eacute;rences familiales sont un outil qui vise &agrave; mobiliser un enfant, sa famille et son r&eacute;seau afin que le groupe constitu&eacute; d&eacute;termine les actions &agrave; mettre en &oelig;uvre pour r&eacute;soudre un probl&egrave;me pos&eacute;. Les conf&eacute;rences familiales prennent leur source en Nouvelle-Z&eacute;lande dans les ann&eacute;es 80. Les diff&eacute;rents organismes d&rsquo;&Eacute;tat charg&eacute; de la protection de l&rsquo;enfant comme des accompagnements judiciaires des mineurs &eacute;tablissent une statistique qui montre que 20 &agrave; 25 % des enfants suivis sont issus de la population māori, peuple autochtone, alors qu&rsquo;il repr&eacute;sente 15 % de la population g&eacute;n&eacute;rale. Cette disproportion invite des responsables politiques &agrave; questionner le mode d&rsquo;accompagnement des familles concern&eacute;es, en particulier au regard de leurs pratiques culturelles qui fondent le groupe des adultes comme assurant l&rsquo;&eacute;ducation des enfants et pas sp&eacute;cifiquement ses parents comme le porte le mod&egrave;le occidental.&nbsp;</p> <p>De fait,&nbsp;l&rsquo;histoire du peuple māori depuis la colonisation de la Nouvelle-Z&eacute;lande est marqu&eacute;e par une adaptation &agrave; l&rsquo;&eacute;volution de son contexte alternant des phases de crise et des phases de d&eacute;veloppement,&nbsp;l&rsquo;identit&eacute; autochtone &eacute;tait aussi marqu&eacute;e par une d&eacute;sint&eacute;gration per&ccedil;ue des structures familiales traditionnelles. En r&eacute;action, la volont&eacute; que le probl&egrave;me ne soit pas uniquement discut&eacute; avec le chef de famille, ou, dans le meilleur des cas, avec le noyau familial central &eacute;tait renforc&eacute;e. Dans une logique syst&eacute;mique, les māori portaient l&rsquo;affirmation que la famille et son contexte social participent &agrave; la r&eacute;solution des probl&egrave;mes qui peuvent survenir au sein d&rsquo;une famille. &nbsp;</p> <p>Le contexte social et politique en Nouvelle-Z&eacute;lande, comme dans de nombreux autres pays, &eacute;tait par ailleurs &agrave; une revendication des droits des diff&eacute;rents peuples originaires des terres secondairement occup&eacute;es lors des vagues successives de colonisation, Anglo-saxonne pour les pays d&rsquo;Oc&eacute;anie. Des militants māori et des insulaires du Pacifique revendiquaient le respect des valeurs de leur culture qui prenaient de plus en plus de place dans le d&eacute;bat public avec une volont&eacute; &agrave; la reconnaissance des identit&eacute;s autochtones. En nouvelle Z&eacute;lande, une <em>&laquo;&nbsp;reconnaissance accrue du bi-culturalisme et des revendications des militants māori et des insulaires du Pacifique pour le respect des valeurs de leur culture&nbsp;&raquo;</em> (Hunstman, 2006) prenait de plus en plus de place dans le d&eacute;bat public.&nbsp;&nbsp;&nbsp;</p> <p>Dans ce contexte, certains travaux gouvernementaux commen&ccedil;aient &agrave; qualifier de racisme institutionnel la situation du peuple māori en particulier dans le cadre des aides sociales. Suite &agrave; la formation d&rsquo;une&nbsp;unit&eacute; consultative māori au bureau r&eacute;gional de l&rsquo;action sociale d&rsquo;Auckland, un rapport publi&eacute; en 1985 fait &eacute;tat d&rsquo;un racisme institutionnel du fait de la domination bureaucratique dont les r&egrave;gles refl&eacute;taient les valeurs de la population blanche (pakehas), les qualifications professionnelles demand&eacute;es disqualifiant trop fortement les candidats māori parmi les travailleurs sociaux.&nbsp;En conclusion, le rapport souligne la n&eacute;cessit&eacute; de modifier l&rsquo;organisation comme les pratiques afin que le syst&egrave;me ne soit pas <em>&laquo;&nbsp;per&ccedil;u&nbsp;comme&nbsp;culturellement biais&eacute;&nbsp;en&nbsp;mati&egrave;re&nbsp;de&nbsp;structure, de proc&eacute;dure&nbsp;et&nbsp;de politique&nbsp;&raquo;</em>&nbsp;(Minist&egrave;re de la protection sociale, 1988).</p> <p>Enfin, des &eacute;l&eacute;ments de choix politique compl&egrave;tent&nbsp;ce tableau&nbsp;: une volont&eacute; &agrave; r&eacute;duire les interventions gouvernementales et &agrave; la d&eacute;centralisation des services gouvernementaux pour encourager les&nbsp;solutions&nbsp;locales et une volont&eacute; &agrave; all&eacute;ger&nbsp;le&nbsp;fardeau des&nbsp;co&ucirc;ts&nbsp;pour&nbsp;l&#39;&Eacute;tat&nbsp;en&nbsp;demandant&nbsp;aux&nbsp;familles&nbsp;d&#39;assumer&nbsp;davantage&nbsp;de responsabilit&eacute;s en&nbsp;faveur&nbsp;des&nbsp;enfants.</p> <p>Un premier travail de consultation aupr&egrave;s des māori a mis en exergue le souhait des communaut&eacute;s &agrave; &ecirc;tre inform&eacute;s des dispositifs activables en cas de besoin tout en laissant le soin aux utilisateurs de d&eacute;cider comment ils voulaient les utiliser. Une exp&eacute;rimentation a &eacute;t&eacute; men&eacute;e dans le nord de la Nouvelle Z&eacute;lande aupr&egrave;s de groupes māori afin de v&eacute;rifier l&rsquo;op&eacute;rationnalit&eacute; de l&rsquo;outil nomm&eacute; dans un premier temps &laquo;&nbsp;family group conferences&nbsp;&raquo;. Apr&egrave;s une extension de cette pratique aupr&egrave;s de la population blanche sur le m&ecirc;me territoire, l&rsquo;&Eacute;tat n&eacute;oz&eacute;landais instaure une loi rendant obligatoire la pratique des conf&eacute;rences familiales, devenues &laquo;&nbsp;family group conferencing&nbsp;&raquo; en protection de l&rsquo;enfance comme en protection judiciaire de la jeunesse. Paul Nixon (1999), pr&eacute;cise que cette alternative aux m&eacute;thodes traditionnelles du travail social est directement issue des processus de prises de d&eacute;cisions traditionnelles communautaires des māori.</p> <p><span style="color:#8e44ad;"><em>L&rsquo;arriv&eacute;e en France</em></span></p> <p>Cet outil s&rsquo;est ensuite diffus&eacute; en Australie, en Am&eacute;rique du Nord puis &agrave; l&rsquo;Europe. &Agrave; ce jour, il est pr&eacute;sent dans au moins 32 pays qui ont une pratique professionnelle des conf&eacute;rences familiales suffisamment institutionnalis&eacute;e pour&nbsp;soit appartenir &agrave; un r&eacute;seau (European Network FGC), soit diffuser&nbsp;leurs pratiques par des guides, manuels, fascicules, vid&eacute;os, leurs connaissances par des rapports institutionnels ou gouvernementaux&nbsp;et leurs savoirs par des travaux de recherche universitaire ou professionnelle. Selon les pays d&rsquo;implantation, il est possible de les trouver sous diff&eacute;rentes appellations&nbsp;: Family decision making (FDM), Family groupe conference (FGC), Family groupe conferences (FGCs), Family groupe conferencing (FGC), Family group decision making (FGDM), Family team conferencing (FTC), Family welfare conference (FWC), Group family conferencing (GFC).</p> <p>Certains de ces termes ne recouvrent pas exclusivement les conf&eacute;rences familiales. Pour exemple, &laquo;&nbsp;the family group decision making&nbsp;&raquo; int&egrave;gre aux &Eacute;tats Unis d&rsquo;autres pratiques dites participatives, mais les conf&eacute;rences sont malgr&eacute; pr&eacute;sentes sous tous ces titres.</p> <p>30 ans plus tard, l&rsquo;arriv&eacute;e en France des conf&eacute;rences familiales s&rsquo;est initi&eacute;e par la rencontre de responsables institutionnels de trois d&eacute;partements et des formateurs fran&ccedil;ais qui se sont mobilis&eacute;s pour s&rsquo;approprier, diffuser et convaincre du bienfond&eacute; de cet outil. La formation de travailleurs sociaux a permis la r&eacute;alisation de conf&eacute;rences aujourd&rsquo;hui principalement activ&eacute;es dans le champ de la protection de l&rsquo;enfance. Son &eacute;mergence vient r&eacute;pondre &agrave; un constat de crise sociale d&rsquo;un territoire par ses responsables, d&rsquo;un sentiment d&rsquo;&eacute;chec des dispositifs institutionnels ou de perte de sens en leur mission par les professionnels. Pour les familles, elle permet de prendre des d&eacute;cisions en dehors des travailleurs sociaux. Pour les professionnels, sa d&eacute;couverte r&eacute;veille l&rsquo;&eacute;motion et la volont&eacute; d&rsquo;aide &agrave; l&rsquo;origine de leur engagement dans le travail social mises &agrave; mal par les contraintes des dispositifs.</p> <p>La conf&eacute;rence familiale s&rsquo;inscrit dans un syst&egrave;me de croyances en la n&eacute;cessit&eacute; de revisiter les rapports de domination avec les familles accompagn&eacute;es en favorisant leur capacit&eacute; &agrave; inventer de nouvelles r&eacute;ponses &eacute;ducatives. Ces deux points constituent deux des piliers du travail social radical.&nbsp;</p> <p>Les conf&eacute;rences familiales sont aujourd&rsquo;hui pr&eacute;sentes sur au moins 11 d&eacute;partements qui ont une pratique professionnelle de cet outil soit en phase d&rsquo;exp&eacute;rimentation soit en phase d&rsquo;extension institutionnelle/territoriale.</p> <p>&nbsp;</p> <h2><strong><span style="color:#8e44ad;">Le processus des conf&eacute;rences</span></strong></h2> <p>&nbsp;</p> <p><span style="color:#8e44ad;"><em>Les acteurs</em></span></p> <p>Les acteurs engag&eacute;s dans une conf&eacute;rence familiale peuvent occuper des multiples places. En premier vient l&rsquo;enfant accompagn&eacute; au titre de la protection de l&rsquo;enfance. Cet enfant, qu&rsquo;il vive ou non au sein de sa famille est sous l&rsquo;autorit&eacute; de son ou ses parents et appartient &agrave; un&nbsp;r&eacute;seau constitu&eacute; de toutes les personnes qui le c&ocirc;toient.&nbsp;</p> <p>Les acteurs suivants sont les m&egrave;res et p&egrave;res, s&rsquo;ils sont d&eacute;tenteurs de l&rsquo;autorit&eacute; parentale, ou leurs repr&eacute;sentants. Selon les situations, cette autorit&eacute; peut &ecirc;tre d&eacute;tenues par un tiers appartenant &agrave; la famille, pouvant &ecirc;tre &eacute;largie, ou &agrave; une institution.</p> <p>La troisi&egrave;me cat&eacute;gorie d&rsquo;acteurs est les personnes qui peuvent appartenir au r&eacute;seau familial, amical, scolaire, sportif, ou tout autre domaine de l&rsquo;enfant. Ces personnes peuvent &ecirc;tre des adultes comme des enfants, le seul crit&egrave;re qui d&eacute;termine leur place dans le processus de la conf&eacute;rence familiale est qu&rsquo;il soit d&eacute;sign&eacute; comme personne ayant int&eacute;r&ecirc;t &agrave; l&rsquo;enfant par lui-m&ecirc;me ou son.ses parent.s.&nbsp;</p> <p>La cat&eacute;gorie suivante est constitu&eacute;e de professionnels de l&rsquo;action sociale, qu&rsquo;ils aient la charge d&rsquo;une mesure de protection ou non. Tous les domaines de la protection sociale sont donc mobilisables. Ainsi, le travailleur social assurant une mesure d&rsquo;Aide &eacute;ducative en milieu ouvert, un autre assurant l&rsquo;accompagnement du Revenu de solidarit&eacute; active, celui en lien avec l&rsquo;adolescent dans le cadre de la pr&eacute;vention sp&eacute;cialis&eacute;e,&hellip; Aucune limite n&rsquo;est l&agrave; non plus pos&eacute;e, seul le choix de la famille &eacute;tant d&eacute;terminant.&nbsp;</p> <p>La cinqui&egrave;me cat&eacute;gorie d&rsquo;acteurs reprend en partie la pr&eacute;c&eacute;dente, &agrave; la diff&eacute;rence pr&egrave;s qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit pas de personnes connues par la famille. Ces personnes, ayant alors la fonction d&rsquo;experts, vont &ecirc;tre choisies par la famille durant le processus de pr&eacute;paration en fonction de l&rsquo;aide et des informations qu&rsquo;elles peuvent transmettre &agrave; l&rsquo;enfant et sa famille durant la r&eacute;union finale. La famille est inform&eacute;e de leur existence et int&eacute;r&ecirc;t par le coordinateur qui est alors relais des ressources externes potentiellement exploitables. Toute personne est mobilisable pour &ecirc;tre pr&eacute;sente durant la premi&egrave;re partie de la r&eacute;union finale.</p> <p>Enfin, un coordinateur &agrave; la fonction d&rsquo;accompagner le processus de pr&eacute;paration et d&rsquo;engager la r&eacute;union finale&nbsp;; il porte la responsabilit&eacute; des conditions de d&eacute;roulement de la conf&eacute;rence familiale. Il se doit d&rsquo;&ecirc;tre neutre (sans connaissance pr&eacute;alable de la famille) et impartial, sa principale fonction &eacute;tant d&rsquo;aider l&rsquo;enfant et sa famille &agrave; formuler la question centrale, d&rsquo;aider &agrave; la d&eacute;signation des personnes concern&eacute;es, &eacute;ventuellement de les solliciter. Son r&ocirc;le est de faciliter comme de m&eacute;diatiser sans jamais se substituer aux acteurs principaux. Pour cela, il pratique&nbsp;l&rsquo;empathie et la tol&eacute;rance, le second pilier du travail social radical.&nbsp;L&rsquo;appropriation fran&ccedil;aise des conf&eacute;rences familiales introduit une sp&eacute;cificit&eacute; peu pr&eacute;sente dans les autres pays, voire rejet&eacute;e par certains&nbsp;: le coordinateur est un professionnel travailleur social. Il a b&eacute;n&eacute;fici&eacute; d&rsquo;une formation ad&rsquo;hoc, il reste g&eacute;n&eacute;ralement en charge de son travail habituel et r&eacute;alise la coordination d&rsquo;une conf&eacute;rence sur la base du volontariat. La neutralit&eacute; qui lui est attach&eacute;e tient &agrave; sa non-connaissance de la famille r&eacute;alisant la conf&eacute;rence familiale. Pour cela, certaines institutions (de Conseils d&eacute;partementaux) ont fait le choix de travailler en partenariat avec des &eacute;tablissements relevant du secteur associatif, ces projets devenant alors porteurs de liens inter-institutionnels in&eacute;dits. Un coordinateur salari&eacute; d&rsquo;un &eacute;tablissement relevant du secteur associatif peut devenir le coordinateur d&rsquo;une famille accompagn&eacute;e par l&rsquo;Aide sociale &agrave; l&rsquo;enfance, et inversement. Cependant, m&ecirc;me en l&rsquo;absence de connaissance pr&eacute;alable entre le coordinateur et la famille, la question de sa r&eacute;elle neutralit&eacute; se pose du fait de sa connaissance des fonctionnements institutionnels et des repr&eacute;sentations qui y sont attach&eacute;s. Ainsi, la qualification des conf&eacute;rences familiales comme outil hors&nbsp;du pouvoir des institutions est ici &agrave; questionner, le coordinateur n&rsquo;agissant pas directement sur les d&eacute;cisions institutionnelles mais sa posture pouvant, secondairement, impacter le rapport des familles aux pouvoirs avec lequel elles cherchent &agrave; prendre de la distance.&nbsp;</p> <p><span style="color:#8e44ad;"><em>Le processus</em></span></p> <p>Le processus d&rsquo;une conf&eacute;rence familiale sert &agrave; mobiliser les acteurs concern&eacute;s. Cette mobilisation peut &ecirc;tre port&eacute;e par le coordinateur mais pas exclusivement, chaque participant &eacute;tant invit&eacute; &agrave; &ecirc;tre proactif dans la limite de ce qu&rsquo;il accepte de faire.&nbsp;</p> <p>En premier lieu, la pratique actuelle en France fait que l&rsquo;initiateur est toujours un travailleur social qui propose &agrave; une famille d&rsquo;engager une conf&eacute;rence apr&egrave;s lui en avoir expliqu&eacute; le principe. L&rsquo;analyse des donn&eacute;es recueillies dans le cadre de la recherche doctorale men&eacute;e actuellement montre que la motivation de ce travailleur social de premier rang est le sentiment d&rsquo;impossibilit&eacute; de travail avec les parents en question. Ainsi, ce qui est affich&eacute; comme une volont&eacute; de faciliter l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; l&rsquo;autonomie de personnes accompagn&eacute;es prend sa source dans un constat d&rsquo;&eacute;chec. L&rsquo;un des piliers du travail social radical,&nbsp;la pratique de la d&eacute;mocratie directe, chaque personne pouvant d&eacute;cider par et pour elle-m&ecirc;me, n&rsquo;est alors activ&eacute; que cons&eacute;cutivement &agrave; la perception de l&rsquo;&eacute;chec de l&rsquo;autorit&eacute; institutionnelle dominante.</p> <p>Le processus de la conf&eacute;rence<a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title="">[1]</a>&nbsp;est ensuite constitu&eacute; de trois temps&nbsp;:</p> <ul> <li> <p>Formulation de la demande, des besoins, de la question centrale par la&nbsp;famille</p> </li> <li> <p>R&eacute;alisation&nbsp;de&nbsp;la&nbsp;conf&eacute;rence&nbsp;avec&nbsp;la&nbsp;participation&nbsp;active&nbsp;du&nbsp;r&eacute;seau&nbsp;afin&nbsp;de&nbsp;construire&nbsp;le&nbsp;plan d&rsquo;action</p> </li> <li> <p>&Eacute;valuation de sa mise en &oelig;uvre, chaque &eacute;tape &eacute;tant soutenue par le&nbsp;coordinateur.</p> </li> </ul> <p>Durant la pr&eacute;paration, les parents et l&rsquo;enfant sont rencontr&eacute;s ensemble ou individuellement afin qu&rsquo;ils formulent une question centrale, celle qui d&eacute;termine le probl&egrave;me auquel le groupe constitu&eacute; tentera de r&eacute;pondre par un plan d&rsquo;action le jour de la conf&eacute;rence. La fonction du coordinateur est ici de soutenir ce processus tout en &eacute;tant garant qu&rsquo;il ne soit jamais d&eacute;sign&eacute; de responsable aux probl&egrave;mes &eacute;voqu&eacute;s. Les &eacute;changes, aussi nombreux que n&eacute;cessaires, doivent aussi permettent la d&eacute;signation des personnes ayant int&eacute;r&ecirc;t &agrave; l&#39;enfant et pouvant participer &agrave; la r&eacute;solution du probl&egrave;me. Ces personnes peuvent appartenir &agrave; n&rsquo;importe laquelle des cat&eacute;gories d&rsquo;acteurs, l&rsquo;enfant et ses parents &eacute;tant les seuls d&eacute;cideurs. Ces personnes du r&eacute;seau sont mobilis&eacute;es par la famille et/ou par le coordinateur selon la demande de la famille. Le coordinateur rencontre alors ces personnes &agrave; qui il explique le projet, expose la question et invite &agrave; r&eacute;fl&eacute;chir aux pistes possiblement activables, chacun pouvant accepter ou non de rejoindre le groupe se constituant ainsi au fur et &agrave; mesure des rencontres. Aucune autre d&eacute;cision que la participation &agrave; la conf&eacute;rence n&rsquo;est prise durant ces rencontres, les pistes de r&eacute;solution du probl&egrave;me n&rsquo;&eacute;tant expos&eacute;es et d&eacute;battues que lors de la r&eacute;union. L&rsquo;organisation mat&eacute;rielle de la conf&eacute;rence se construit sur la m&ecirc;me logique, chacun proposant la part qui lui semble possible. Le recueil de donn&eacute;es dans le cadre de la recherche montre ici l&rsquo;importance prise par l&rsquo;organisation d&rsquo;un temps convivial en fin de r&eacute;union, d&eacute;cider d&rsquo;apporter une p&acirc;tisserie, une boisson ou de ne rien apporter disant symboliquement la place prise par les participants dans la dynamique de r&eacute;solution du probl&egrave;me.</p> <p>La conf&eacute;rence&nbsp;familiale se tient au jour et au lieu d&eacute;termin&eacute; par la famille. L&rsquo;organisation de la salle o&ugrave; se d&eacute;roule la conf&eacute;rence a &eacute;t&eacute; pr&eacute;alablement d&eacute;cid&eacute;e par l&rsquo;acteur central, l&rsquo;enfant soutenu dans ce travail par le coordinateur&nbsp;: un plan de salle peut avoir &eacute;t&eacute; dessin&eacute;, des affiches nominatives pos&eacute;es sur les chaises. Un tableau avec des feuilles de papier est &agrave; disposition pour la r&eacute;daction du plan d&rsquo;action final. Apr&egrave;s que le coordinateur ait rappel&eacute; les r&egrave;gles, le premier temps de la conf&eacute;rence constitue un partage d&rsquo;informations durant lequel enfant, famille, famille &eacute;largie, r&eacute;seau, professionnels et experts s&rsquo;expriment, chacun soutenu par le coordinateur si n&eacute;cessaire. Le contenu de ces prises de parole est en lien direct avec la situation, les professionnels et experts &eacute;tant &agrave; disposition des autres participants pour r&eacute;pondre &agrave; toutes les questions qu&rsquo;ils souhaitent poser. Ici, il est possible de parler d&rsquo;inversement des postures de domination g&eacute;n&eacute;ralement attribu&eacute;es aux services sociaux, les professionnels &eacute;tant alors &agrave; disposition des familles sans autre intervention que la r&eacute;ponse aux questions qui leurs sont pos&eacute;s.&nbsp;</p> <p>Le second temps est nomm&eacute; le temps priv&eacute;, ou encore huit clos. Les professionnels, les experts et le coordinateur sortent de la salle afin que l&rsquo;enfant, la famille et son r&eacute;seau construisent le plan d&rsquo;action. La d&eacute;cision des modalit&eacute;s d&rsquo;action leur revient. Selon les situations, ce temps peut durer une heure &agrave; une journ&eacute;e et peut &ecirc;tre serein comme conflictuel. Le coordinateur, install&eacute; &agrave; proximit&eacute;, reste &agrave; disposition des membres du groupe en cas de questions additionnelles&nbsp;; il ne doit jamais intervenir de sa propre volont&eacute;, sauf s&rsquo;il per&ccedil;oit un risque pour l&rsquo;un des participants, le coordinateur ayant aussi la responsabilit&eacute; de la s&eacute;curit&eacute; affective de l&rsquo;enfant durant le processus. Chacun est libre d&rsquo;entrer et de sortir de la salle, de faire une pause ou de quitter d&eacute;finitivement la r&eacute;union. Le recueil de donn&eacute;es effectu&eacute; dans le cadre de la recherche doctorale montre qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de pattern, le d&eacute;roulement de la r&eacute;union se faisant de fa&ccedil;on diff&eacute;renci&eacute;e selon les situations. Il est &agrave; noter que plus le travail de pr&eacute;paration aura &eacute;t&eacute; productif en engageant les acteurs sur des processus r&eacute;flexifs, plus la r&eacute;union sera constructive. On trouve donc ici toute la valeur d&rsquo;un premier pilier du travail social radical&nbsp;: la pratique de la d&eacute;mocratie directe, chaque personne pouvant d&eacute;cider par et pour elle-m&ecirc;me. Ces d&eacute;cisions ne peuvent se prendre qu&rsquo;&agrave; partir d&rsquo;une r&eacute;flexion sur soi avec soi-m&ecirc;me et avec les autres. Pour Carl Lacharit&eacute; (2016) <em>&laquo;&nbsp;l&rsquo;expression &laquo; fonction r&eacute;flexive &raquo; est souvent utilis&eacute;e comme un synonyme de mentalisation. Plus pr&eacute;cis&eacute;ment cependant, la fonction r&eacute;flexive repr&eacute;sente la manifestation de la capacit&eacute; d&rsquo;une personne &agrave; mentaliser. La fonction r&eacute;flexive est donc tangible, op&eacute;rationnelle&nbsp;&raquo;.&nbsp;</em></p> <p>Ce temps d&rsquo;&eacute;change a pour objet de construire le plan d&rsquo;action sur la base de l&rsquo;engagement individuel pris au sein d&rsquo;un groupe. Toutes les pistes d&rsquo;action sont envisageables, tant qu&rsquo;elles tendent &agrave; r&eacute;pondre &agrave; la question centrale. Cela peut concerner des actes de la vie quotidienne (emmener l&rsquo;enfant pratiquer son sport le samedi, l&rsquo;aider &agrave; faire ses devoirs, assurer l&rsquo;accompagnement de ses soins,&hellip;) mais aussi des actes majeurs comme d&eacute;terminer son lieu de vie.</p> <p>Lorsque le groupe estime que le plan d&rsquo;action est abouti, le coordinateur est invit&eacute; &agrave; revenir dans la salle afin d&rsquo;en prendre connaissance. Toutes les d&eacute;cisions auront &eacute;t&eacute; &eacute;crites sur le tableau mis &agrave; disposition. En tant que garant du processus, le coordinateur a la charge de v&eacute;rifier que les d&eacute;cisions prises viennent effectivement r&eacute;pondre &agrave; la question centrale et qu&rsquo;elles ne s&rsquo;opposent pas aux droits de l&rsquo;enfant. Pour exemple, si une d&eacute;cision de justice oblige un parent &agrave; rencontrer son enfant dans un cadre uniquement m&eacute;diatis&eacute;, il ne peut &ecirc;tre ici d&eacute;cid&eacute; que cet enfant passera d&eacute;sormais des week-end chez ce parent. Si besoin, le coordinateur peut inviter le groupe &agrave; poursuivre le travail de r&eacute;flexion. Except&eacute; ces r&eacute;serves, le plan d&rsquo;action se doit d&rsquo;&ecirc;tre r&eacute;aliste et r&eacute;alisable. Dans ce cas, et ce, quel que soit son contenu, le coordinateur invite chacun &agrave; signer le plan d&rsquo;action. Il a ensuite la charge de les retranscrire par &eacute;crit dans un document qu&rsquo;il transmettra &agrave; tous les participants dans un second temps.</p> <p>Un temps convivial vient g&eacute;n&eacute;ralement conclure la conf&eacute;rence familiale. Une fois le plan d&rsquo;action repris par &eacute;crit par le coordinateur, celui-ci sort de la vie des participants &agrave; la conf&eacute;rence familiale, il n&rsquo;a pas vocation &agrave; maintenir de liens.</p> <p><strong><span style="color:#8e44ad;">Conclusion</span></strong></p> <p>Le Code de l&rsquo;Action sociale et des familles donne une d&eacute;finition r&eacute;cente du travail social&nbsp;: &laquo;&nbsp;<em>Le travail social vise &agrave; permettre l&#39;acc&egrave;s des personnes &agrave; l&#39;ensemble des droits fondamentaux, &agrave; faciliter leur inclusion sociale et &agrave; exercer une pleine citoyennet&eacute;. Dans un but d&#39;&eacute;mancipation, d&#39;acc&egrave;s &agrave; l&#39;autonomie, de protection et de participation des personnes, le travail social contribue &agrave; promouvoir, par des approches individuelles et collectives, le changement social, le d&eacute;veloppement social et la coh&eacute;sion de la soci&eacute;t&eacute;. Il participe au d&eacute;veloppement des capacit&eacute;s des personnes &agrave; agir pour elles-m&ecirc;mes et dans leur environnement&nbsp;&raquo;</em> (Art D 142-1-1).</p> <p>Le travail social radical est constitu&eacute; de <em>&laquo;&nbsp;techniques [qui] donnent la primaut&eacute; aux circonstances mat&eacute;rielles affectant la vie des gens ainsi qu&rsquo;aux effets psychologiques de l&rsquo;oppression&nbsp;&raquo;</em> (Ioakimidis V., 2016). Le travail social fran&ccedil;ais, tel qu&rsquo;il est d&eacute;fini, ne s&rsquo;inscrit pas explicitement dans cette logique. Cependant l&rsquo;une des pratiques professionnelles &eacute;mergentes actuellement en France permet des liens entre les effets de la domination institutionnelle parfois d&eacute;cri&eacute;e en protection de l&rsquo;enfance par les professionnels comme les familles accompagn&eacute;es et un outil permettant de lutter contre cette oppression, les conf&eacute;rences familiales. Elles trouvent leurs racines dans la volont&eacute; de l&rsquo;&Eacute;tat n&eacute;oz&eacute;landais &agrave; lutter contre une forme de racisme institutionnel&nbsp;et trouvent une d&eacute;clinaison en France dans une recherche d&rsquo;autonomisation des familles accompagn&eacute;es au titre de la protection de l&rsquo;enfance dans une logique &eacute;cosyst&eacute;mique car &laquo;<em>&nbsp;dans le travail social radical, l&rsquo;utilisation de comp&eacute;tences diverses et cr&eacute;atives est un moyen d&rsquo;atteindre une fin et non une fin en soi. L&rsquo;objectif est d&rsquo;utiliser nos comp&eacute;tences et nos connaissances en mati&egrave;re de travail social afin de soutenir les victimes d&rsquo;un syst&egrave;me in&eacute;galitaire&nbsp;&raquo;</em> (Ioakimidis V., 2016).</p> <p>&nbsp;</p> <p><strong><em>Bibliographie</em></strong></p> <p>Hunstman L. (2006)&nbsp;Family group conferencing in a child welfare context, litterature review, Centre for Parenting &amp; Research, Research, Funding &amp; Business Analysis Division</p> <p>IFSW(2018)&nbsp;<a href="https://www.ifsw.org/global-social-work-statement-of-ethical-principles/">https://www.ifsw.org/global-social-work-statement-of-ethical-principles/</a>consult&eacute; en aout 2020.</p> <p>Ioakimidis V. (2016)&nbsp;A guide to radical social work, The guardian&nbsp;<a href="https://www.theguardian.com/social-care-network/2016/may/24/radical-social-work-quick-guide-change-poverty-inequality">https://www.theguardian.com/social-care-network/2016/may/24/radical-social-work-quick-guide-change-poverty-inequality</a>consult&eacute; en novembre 2020.</p> <p>Lacharit&eacute; C, Lafantaisie V (2016) Le r&ocirc;le de la fonction r&eacute;flexive dans l&#39;intervention aupr&egrave;s de parents en contexte de n&eacute;gligence envers l&#39;enfant,&nbsp;Revue qu&eacute;b&eacute;coise de psychologie, n&deg; 37(3), p. 159-180.</p> <p>Nixon P. (1999) Family group conference connections : shared problems and solutions in Burford G., Hudson J. (2000)&nbsp;Family group conferencing, New direction in community centered child and family practice, Aldine de Gruyter</p> <p>Salinski S. (1971) Rules for Radicals, A pragmatic primer for realistic radicals, Vintage books.&nbsp;Traduction fran&ccedil;aise :&nbsp;<a href="http://www.capsurlindependance.org/wp-content/uploads/2010/06/Manuel-de-lanimateur-social.pdf">www.capsurlindependance.org/wp-content/uploads/2010/06/Manuel-de-lanimateur-social.pdf</a>consult&eacute; en janvier 2021.</p> <p>&nbsp;</p> <p><em>Pour en savoir plus</em></p> <p><a href="https://www.fgcnetwork.eu/">https://www.fgcnetwork.eu/</a></p> <p><a href="https://www.questiondejustice.fr/pratiques-et-methodes/conference-familiale">https://www.questiondejustice.fr/pratiques-et-methodes/conference-familiale</a></p> <p><a href="http://www.alfoldievaluation.com/statics/conferences_familiales">http://www.alfoldievaluation.com/statics/conferences_familiales</a></p> <div>&nbsp; <hr size="1" /> <div id="ftn1"> <p><a href="applewebdata://320A2D3A-CA76-44F0-AFC8-F01AB5B7B8CC#_ftnref1" name="_ftn1" title="">[1]</a>&nbsp;Le processus qui m&ecirc;me &agrave; la conf&eacute;rence comme la r&eacute;union elle-m&ecirc;me porte le nom de conf&eacute;rence familiale.</p> </div> </div>