<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">L&rsquo;Anthropoc&egrave;ne d&eacute;signe notre &egrave;re g&eacute;ologique, marqu&eacute;e par des changements atmosph&eacute;riques et telluriques imputables &agrave; l&rsquo;agir humain. Les historiens C. Bonneuil et JB. Fressoz insistant sur la n&eacute;cessit&eacute; de politiser l&rsquo;analyse des causes et des pistes d&rsquo;action. Ils choisissent comme point de d&eacute;part de cette &egrave;re la rupture civilisationnelle et environnementale de la révolution industrielle du début du XIXe siècle. Ce concept r&eacute;volutionnaire annule &laquo;&nbsp;la coupure entre nature et culture, entre l&rsquo;histoire humaine et l&rsquo;histoire de la vie et de la Terre&nbsp;&raquo; (Bonneuil et Fressoz, 2016 : 33), mais n&rsquo;&eacute;vite pas l&rsquo;&eacute;cueil, &agrave; travers ses mod&eacute;lisations, de consid&eacute;rer l&rsquo;humanit&eacute; comme une entit&eacute; homog&egrave;ne. Or, les responsabilit&eacute;s sont clairement diff&eacute;renci&eacute;es. L&rsquo;&eacute;conomiste L. Chancel d&eacute;signe comme responsable la minorit&eacute; des plus riches, par leur fa&ccedil;on de produire et de consommer (Chancel, 2017). En outre, le d&eacute;r&egrave;glement climatique global (DCG) n&rsquo;affecte pas les humains de mani&egrave;re &eacute;galitaire. Le rapport du groupe de travail II du GIEC de f&eacute;vrier 2022 pointe les enjeux de justice climatique, r&eacute;v&eacute;lant ainsi l&rsquo;importance des causes sociales, &eacute;conomiques et historiques dans la construction de la vuln&eacute;rabilit&eacute; face au DCG. L&rsquo;exposition aux risques climatiques varie en fonction des structures sociales, des infrastructures et des vuln&eacute;rabilit&eacute;s. Plus de vuln&eacute;rabilit&eacute;s c&rsquo;est plus d&rsquo;expositions aux risques. Par effet de r&eacute;troaction, elles se renforcent quand les risques se r&eacute;alisent. Or, leur prise en charge incombe aux travailleurs sociaux. L. Dominelli, chercheuse en travail social, d&eacute;crit de nombreuses situations qui ont mis les travailleurs sociaux face aux probl&egrave;mes climatiques : traitement de l&rsquo;ins&eacute;curit&eacute; alimentaire des populations opprim&eacute;es, prise en charge des probl&eacute;matiques industrielles et urbaines. (Dominelli, 2012) L&rsquo;Anthropoc&egrave;ne mettant en sc&egrave;ne une humanit&eacute; indiff&eacute;renci&eacute;e tend &agrave; masquer le caract&egrave;re asym&eacute;trique des positions des uns et autres. C. Bonneuil et JB. Fressoz d&eacute;crivent un &laquo;&nbsp;géopouvoir en gestation&nbsp;&raquo; (Bonneuil et Fressoz, 2016 : 106) qui nous ferait croire que face aux problèmes géologiques, les réponses ne peuvent venir que d&rsquo;une gouvernance socio-technique. Ils condamnent cette gouvernance qui ne reconnaît pas ses propres limites, et mettent en garde au sujet du &laquo;&nbsp;récit officiel&nbsp;&raquo; qui pourrait imposer ses représentations dominantes comme nouveaux principes de gouvernance hégémonique. L&rsquo;un de leurs r&eacute;cits alternatifs est le Pol&eacute;moc&egrave;ne. En s&rsquo;appuyant sur la fa&ccedil;on dont des luttes se sont incarn&eacute;es depuis 1750, ils d&eacute;crivent un &laquo;&nbsp;environnementalisme des pauvres&nbsp;&raquo;&nbsp;:</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">&laquo;&nbsp;Toutes sortes de groupes sociaux, [...] virent leurs valeurs, leurs ressources, leurs modes de vie affect&eacute;s ou boulevers&eacute;s par le processus de &ldquo;modernisation&rdquo; industrielle [...].&nbsp; Si ces groupes, ces contestations ou alternatives ne s&rsquo;alignent parfaitement ni sur les batailles relatives au syst&egrave;me politique ni sur la lutte des classes telle que les marxistes la mirent au centre de l&rsquo;histoire, ils dessinent n&eacute;anmoins un arc de r&eacute;sistances [...] autour de trois questions majeures [...] : les for&ecirc;ts et le climat, les machines et les pollutions.&nbsp;&raquo; (Bonneuil et Fressoz, 2016 : 282)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Autour de ces axes de r&eacute;sistances, on voit bien comment apparaissent des tensions dans des domaines directement concern&eacute;s par le travail social, par exemple le sort d&rsquo;un bassin d&rsquo;emploi ou des probl&egrave;mes de sant&eacute; publique. Les auteurs soulignent que &laquo;&nbsp;la mont&eacute;e de l&rsquo;expertise institutionnelle comme moyen dominant de juger et de gouverner les effets [...] anthropoc&eacute;niques du progr&egrave;s permet de d&eacute;sinhiber l&rsquo;agir industriel en [...] folklorisant les critiques politiques et les alertes scientifiques pointant les d&eacute;r&egrave;glements &eacute;cologiques globaux.&nbsp;&raquo; (Bonneuil et Fressoz, 2016 : 307) Le manque de poids accord&eacute; aux contestations locales, souvent issues de populations dites invisibles, est point&eacute;. Ces auteurs en viennent &agrave; poser la question suivante : &laquo;&nbsp;Et si l&rsquo;entr&eacute;e dans l&rsquo;Anthropoc&egrave;ne, plut&ocirc;t qu&rsquo;un glissement inconscient ou une simple r&eacute;sultante de l&rsquo;innovation technique (la machine &agrave; vapeur), &eacute;tait le r&eacute;sultat d&rsquo;une d&eacute;faite politique face aux forces du lib&eacute;ralisme&nbsp;?&nbsp;&raquo; (Bonneuil et Fressoz, 2016 : 286) Dans l&rsquo;affirmative, il faut faire monter en puissance les forces politiques qui s&rsquo;y opposent.</span></span></span></span></span></span></p> <h1 style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size:16px;"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span new="" roman="" times=""><span style="color:#333333">Instituer un corps interm&eacute;diaire de travailleurs sociaux</span></span></b></span></span></span></h1> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Dans cette optique, la chercheuse L. Dominelli pr&eacute;conise de d&eacute;velopper la recherche en travail social, pour se doter d&rsquo;outils d&rsquo;analyse permettant d&rsquo;appr&eacute;hender &laquo;&nbsp;comment les syst&egrave;mes sociaux europ&eacute;ens [...] ont &eacute;t&eacute; d&eacute;stabilis&eacute;s et fragilis&eacute;s par des r&eacute;ductions de prestations publiques impos&eacute;es dans une logique d&rsquo;aust&eacute;rit&eacute; budg&eacute;taire&nbsp;&raquo; (Dominelli, 2018 : 36). Habitu&eacute;s &agrave; accompagner leurs publics malgr&eacute; des moyens r&eacute;duits, les professionnels questionnent peu la rationalit&eacute; &eacute;conomique qui s&rsquo;impose aux dispositifs. La baisse incessante des moyens est une contrainte avec laquelle il faut composer. Pourtant, r&eacute;duire le financement du travail social, fondamentalement utile puisqu&rsquo;il &eacute;vite aux plus vuln&eacute;rables la perte du sentiment d&rsquo;appartenance au corps social&nbsp;est un choix politique. D&eacute;terminer qui paye et comment financer l&rsquo;action publique devrait &ecirc;tre au centre du d&eacute;bat public dans une soci&eacute;t&eacute; soucieuse de justice sociale. Mais cette r&eacute;alit&eacute; est occult&eacute;e. L. Dominelli encourage &agrave; la saisir, afin de comprendre dans quels rapports de force politiques est pris le travail social.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Ces outils restent &agrave; d&eacute;velopper. Mais d&rsquo;autres constituent d&eacute;j&agrave; un domaine d&rsquo;expertise professionnelle bien sp&eacute;cifique aux travailleurs sociaux telle l&rsquo;analyse des besoins d&rsquo;un public ou d&rsquo;un territoire. Depuis une trentaine d&rsquo;ann&eacute;es, les travailleurs sociaux ont ajout&eacute; &agrave; leurs interventions individuelles traditionnelles les pratiques d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t collectif. Dot&eacute;s d&rsquo;une capacit&eacute; d&rsquo;analyse inductive d&eacute;velopp&eacute;e d&egrave;s les formations initiales, ils savent d&eacute;crire le r&eacute;el - relations, int&eacute;r&ecirc;ts et violences qui traversent un territoire - en observant les donn&eacute;es brutes, matrice des probl&egrave;mes v&eacute;cus. Ils ont ainsi d&eacute;velopp&eacute; des outils, &agrave; c&ocirc;t&eacute; de la recherche fondamentale, pour recueillir des donn&eacute;es empiriques, &eacute;laborer des diagnostics sociaux territoriaux et partag&eacute;s, des &eacute;tudes de terrain ou des recherches-actions participatives. Ils savent probl&eacute;matiser les enjeux &agrave; une &eacute;chelle locale en d&eacute;voilant les diff&eacute;rents besoins des habitants. De plus, ils sont les interlocuteurs privil&eacute;gi&eacute;s des personnes vuln&eacute;rables, g&eacute;n&eacute;ralement d&eacute;pendantes des services sociaux et &eacute;loign&eacute;es de la vie publique, et dont les int&eacute;r&ecirc;ts p&egrave;sent peu dans les prises de d&eacute;cision. Si cette expertise leur &eacute;tait v&eacute;ritablement reconnue, les m&eacute;tiers et les formations du social seraient revaloris&eacute;s et plus attractifs, leur place affirm&eacute;e dans les processus de prise de d&eacute;cision par les pouvoirs publics. Jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, les travailleurs sociaux restent insuffisamment sollicit&eacute;s. Or, tous les Centres communaux d&rsquo;action sociale (CCAS) poss&egrave;dent un outil int&eacute;ressant : l&rsquo;analyse des besoins sociaux (ABS). Lors de cet exercice obligatoire &agrave; chaque mandat municipal, les CCAS recueillent des donn&eacute;es de l&rsquo;ensemble des acteurs sociaux constituant le r&eacute;seau partenarial, et les compl&egrave;tent en interviewant des habitants. En mars, la commune d&rsquo;Echirolles a d&rsquo;ailleurs produit, dans le cadre de son ABS, un rapport intitul&eacute; &laquo;&nbsp;Questions sociales et questions environnementales, quels effets mutuels sur les conditions de vie des &eacute;chirollois.es&nbsp;?&nbsp;&raquo; Cet exercice aurait plus d&rsquo;impact s&rsquo;il essaimait dans toutes les structures sociales et m&eacute;dico-sociales, publiques ou associatives, qui pourraient facilement &eacute;tablir une analyse r&eacute;guli&egrave;re des besoins du public accueilli, rapidement mobilisable dans les processus de prise de d&eacute;cision qui le concernent. Voil&agrave; qui favoriserait une meilleure &laquo;&nbsp;remont&eacute;e des besoins&nbsp;&raquo;, difficile lorsqu&rsquo;il existe dans les &eacute;tablissements une sorte d&#39;&eacute;tanch&eacute;it&eacute; entre les &eacute;chelons de responsabilit&eacute;, avec des directions soumises &agrave; des diktats financiers contraignants et des travailleurs de terrain d&eacute;bord&eacute;s dans leurs accompagnements. Or, les directions des structures sont les interlocutrices des pouvoirs publics. Ces derniers ont-ils v&eacute;ritablement les moyens d&rsquo;appr&eacute;hender les besoins des populations accompagn&eacute;es et ceux des travailleurs sociaux de terrain dans l&rsquo;accomplissement de leurs missions d&rsquo;accompagnement&nbsp;?</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">C&rsquo;est en contextualisant et conceptualisant les enjeux issus des pr&eacute;occupations quotidiennes qu&rsquo;on peut d&eacute;finir l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t collectif de groupes d&rsquo;individus, notamment de ceux qui sont sous-repr&eacute;sent&eacute;s dans les sph&egrave;res de prise de d&eacute;cision. Les corps interm&eacute;diaires ont vocation &agrave; d&eacute;fendre ces int&eacute;r&ecirc;ts collectifs, malgr&eacute; la d&eacute;fiance qu&rsquo;ils suscitent traditionnellement en France. La politiste H. Balazard rappelle que l&rsquo;id&eacute;al d&rsquo;&eacute;galit&eacute; h&eacute;rit&eacute; de la R&eacute;volution fran&ccedil;aise s&rsquo;&eacute;tait traduit par <span style="background:white">&laquo;&nbsp;</span>l&rsquo;interdiction de toutes les associations, groupes de pression et autres corporations, qui viendraient parasiter la formation de l&rsquo;intérêt général, en rendant certains citoyens plus influents que d&rsquo;autres.&nbsp;&raquo; <span style="background:white">(Balazard, 2018 : 6) </span>Pourtant, nous constatons que la formation de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral est &agrave; nouveau parasit&eacute;e, cette fois par une &eacute;lite techniciste soumise au seul diktat &eacute;conomique, aveugle aux controverses et aux rapports de pouvoir :</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">&laquo;&nbsp;L&rsquo;intérêt général devrait notamment être atteignable grâce au progrès de la science et à son objectivité supposée. L&rsquo;élite scientifique et administrative forme alors une technocratie, à la fois progressiste et paternaliste, qui a souvent tendance à rendre les citoyens passifs et à inhiber des mises en mouvement. Elle monopolise la formulation du commun et délégitime la participation citoyenne.&nbsp;&raquo; <span style="background:white">(Balazard, 2018 : 6)</span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">De ce fait, les sp&eacute;cificit&eacute;s de territoire sont masqu&eacute;es au profit de crit&egrave;res normatifs homog&eacute;n&eacute;isants. Or, il para&icirc;t aujourd&rsquo;hui impossible de d&eacute;finir l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral sans prendre en compte les exp&eacute;riences qui traversent le monde. Face &agrave; l&rsquo;expertise &eacute;litiste, l&rsquo;expertise inductive des travailleurs sociaux, &agrave; m&ecirc;me de s&rsquo;inscrire dans la pluralit&eacute; de la soci&eacute;t&eacute;, pourrait &ecirc;tre un outil de r&eacute;sistance contre la technicit&eacute; potentiellement oppressive des expertises institutionnelles classiques. La d&eacute;finition de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral sera toujours parasit&eacute;e par des jeux d&rsquo;influence qu&rsquo;il faudra chaque fois mettre au jour pour tenter de les r&eacute;guler. Historiquement, c&rsquo;&eacute;tait la trop grande influence des corporations qui posait probl&egrave;me. Aujourd&rsquo;hui, c&rsquo;est la d&eacute;finition de l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral &agrave; partir d&rsquo;une raison objective qui est contest&eacute;e. Les corps interm&eacute;diaires, dont l&rsquo;instance est le CESE, sont fond&eacute;s &agrave; r&eacute;affirmer leur raison d&rsquo;&ecirc;tre puisqu&rsquo;ils sont les mieux plac&eacute;s pour identifier les int&eacute;r&ecirc;ts collectifs des diff&eacute;rents groupes sociaux. Young parle de &laquo;&nbsp;s&eacute;rie&nbsp;&raquo; pour d&eacute;finir un ensemble, jamais parfaitement délimité, de personnes qui ne partagent ni projet d&rsquo;action collective ni sentiment d&rsquo;identité commune, mais sont contraintes à agir de manière similaire par leur position au sein des structures sociales.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">&laquo;&nbsp;Ce n&rsquo;est que quand le positionnement en fonction d&rsquo;une structure particulière devient l&rsquo;objet d&rsquo;une conscience collective et d&rsquo;un projet d&rsquo;action commune que la série se transforme en groupe. Ce changement qualitatif s&rsquo;opère, selon Young, dans des moments de rupture des modes d&rsquo;agir habituels qui, quand ils sont suivis d&rsquo;une action concertée, engendrent la création d&rsquo;une identité commune provisoire, de nature politique.&nbsp;&raquo; (Garrau et Le Goff, 2009)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Les notions de corps interm&eacute;diaire et de groupe sont donc intrins&egrave;quement li&eacute;es autour du principe de l&rsquo;organisation de la soci&eacute;t&eacute;, avec une r&eacute;elle puissance de contre-pouvoir. Force est de constater que tous les r&eacute;gimes populistes, instrumentalisant les critiques faites aux pouvoirs en place quant &agrave; leur d&eacute;ficit d&eacute;mocratique, cherchent &agrave; se passer des corps interm&eacute;diaires. Et ils ne s&rsquo;y trompent pas&nbsp;! Les face-&agrave;-faces entre le pouvoir et le peuple sont rarement &agrave; l&rsquo;avantage de ce dernier. Quant &agrave; notre soci&eacute;t&eacute; n&eacute;olib&eacute;rale, qui d&eacute;lite son tissu social par des coupes budg&eacute;taires toujours plus s&eacute;v&egrave;res, elle amplifie le ph&eacute;nom&egrave;ne de massification de la soci&eacute;t&eacute;, d&eacute;j&agrave; observ&eacute; par Arendt quand elle &eacute;tudie l&rsquo;&eacute;volution historique li&eacute;e &agrave; la modernit&eacute; industrielle en Europe, &agrave; l&rsquo;origine, selon elle, du totalitarisme. Elle en explique les ressorts : le lib&eacute;ralisme individualiste, en favorisant l&rsquo;&eacute;loignement du poids des cons&eacute;quences qu&rsquo;induit toute action, dissout le sujet dans la masse. Le risque, ensuite, si ce n&rsquo;est la bascule totalitaire, est l&rsquo;atomisation de la soci&eacute;t&eacute;, la disparition du corps social par diss&eacute;mination des parties le composant, &agrave; mesure que les liens d&rsquo;attachement &agrave; l&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t g&eacute;n&eacute;ral se distendent. A contrario, les corps interm&eacute;diaires tissent le lien social. Ils identifient des groupes sociaux, leur attribuent une identit&eacute; politique.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Un corps interm&eacute;diaire de travailleurs sociaux institu&eacute; permettrait d&rsquo;assurer, dans les prises de d&eacute;cision, la prise en compte de leurs int&eacute;r&ecirc;ts communs, malgr&eacute; la difficult&eacute; &agrave; respecter la diversit&eacute; des m&eacute;tiers. Il d&eacute;fendrait mieux les int&eacute;r&ecirc;ts des personnes vuln&eacute;rables, tout en constituant un vecteur de d&eacute;veloppement de leur pouvoir d&rsquo;agir. Ce corps interm&eacute;diaire serait syst&eacute;matiquement sollicit&eacute; dans les processus normatifs concernant tant les publics que les travailleurs sociaux (en veillant &agrave; ne jamais substituer leur l&eacute;gitime repr&eacute;sentativit&eacute; &agrave; la potentielle participation directe de ces populations, lorsqu&rsquo;elle est possible). Le CESE vient de rendre un avis sur les m&eacute;tiers du travail social, mais trop peu de travailleurs sociaux ont &eacute;t&eacute; impliqu&eacute;s. L&rsquo;existence d&rsquo;un ordre professionnel - auquel chaque professionnel s&rsquo;inscrirait - pourrait mobiliser davantage et donner plus de poids politique &agrave; leurs revendications. Ainsi, au Qu&eacute;bec, en mars, l&rsquo;Ordre des travailleurs sociaux a interpell&eacute; les ministres &agrave; l&rsquo;occasion du d&eacute;p&ocirc;t du budget afin qu&rsquo;ils prennent des engagements clairs face &agrave; la crise sociale. Cet ordre servirait aussi &agrave; r&eacute;guler les professions, en offrant aux usagers la possibilit&eacute; de le saisir en cas de litige sur des sujets de d&eacute;ontologie ou de prise en charge.</span></span></span></span></span></span></p> <h1 style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size:16px;"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span new="" roman="" times=""><span style="color:#333333">Inscrire le travail social dans l&rsquo;approche du travail social vert</span></span></b></span></span></span></h1> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Par ailleurs, un ordre professionnel du travail social devrait se doter d&rsquo;un code de conduite inscrit dans l&rsquo;approche in&eacute;dite du travail social vert (TSV), affili&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;vidence &agrave; la philosophie du <i>care</i>. Celle-ci englobe en effet une multitude d&rsquo;activit&eacute;s, dont celles relevant du travail social. Sa sp&eacute;cificit&eacute; est de prendre en compte l&rsquo;environnement des individus, &agrave; entendre d&rsquo;abord comme le corps social et les structures de la soci&eacute;t&eacute; o&ugrave; ils interagissent et o&ugrave; se jouent les relations d&rsquo;interd&eacute;pendance. Lors de la crise de Covid, M. Garrau en donne une d&eacute;finition tr&egrave;s large :</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">&laquo;&nbsp;Nous d&eacute;pendons, chacun et chacune, mais aussi collectivement, d&rsquo;un ensemble d&rsquo;activit&eacute;s que le terme de &ldquo;soin&rdquo; en fran&ccedil;ais, et le terme de <i>care</i> en anglais permettent d&rsquo;approcher. On a beaucoup parl&eacute; des soignants [...] mais aussi des enseignants et des assistants d&rsquo;&eacute;ducation. On a &eacute;galement pris conscience, publiquement, de l&rsquo;importance qu&rsquo;avaient des activit&eacute;s qui, &agrave; premi&egrave;re vue, semblent plus &eacute;loign&eacute;es du soin au sens m&eacute;dical du terme, mais qui s&rsquo;inscrivent pourtant dans un continuum de pratiques [...]. Plus largement, le traitement politique de la pand&eacute;mie [...] a attir&eacute; l&rsquo;attention sur l&rsquo;importance qu&rsquo;ont aujourd&rsquo;hui certains emplois [...], qui occupent, dans les processus qui permettent &agrave; la vie de se maintenir, des positions d&eacute;cisives mais expos&eacute;es et peu reconnues. C&rsquo;est donc l&rsquo;importance du soin pris en un sens tr&egrave;s large et entendu comme processus social complexe permettant le maintien de l&rsquo;existence que la crise actuelle a mis en lumi&egrave;re.&nbsp;&raquo; (Lib&eacute;ration, 8.6.20)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">On voit que le <i>care</i> s&rsquo;&eacute;tend bien au-del&agrave; du soin et d&rsquo;une compr&eacute;hension restrictive des vuln&eacute;rabilit&eacute;s. Pour satisfaire nos besoins fondamentaux, nous sommes tous d&eacute;pendants les uns des autres. L&rsquo;image de l&rsquo;individu autonome capable de subvenir seul &agrave; ses besoins est illusoire. Le <i>care</i> nous pousse &agrave; concevoir la soci&eacute;t&eacute; comme un environnement accueillant en son sein tous les individus, avec une attention particuli&egrave;re &agrave; ceux qui ont des vuln&eacute;rabilit&eacute;s sp&eacute;cifiques, que nous rencontrons en service social. Le <i>care</i> promeut donc un mod&egrave;le de soci&eacute;t&eacute; inclusif, &agrave; l&rsquo;oppos&eacute; de certaines pratiques d&rsquo;exclusion comme d&eacute;manteler les camps des migrants. Les personnes qui g&ecirc;nent sont mises au ban de la soci&eacute;t&eacute;. On va parfois jusqu&rsquo;&agrave; dire que les ch&ocirc;meurs sont responsables de leur sort (Observatoire national de la pauvret&eacute; et de l&rsquo;exclusion sociale, 2013). En plus de pourvoir aux besoins particuliers des personnes aux vuln&eacute;rabilit&eacute;s sp&eacute;cifiques, le corps social, dont nous sommes tous membres, devrait subvenir &agrave; nos besoins communs. Nous avons un tronc commun de vuln&eacute;rabilit&eacute;s pour nous soigner et nous nourrir. En effet, depuis que l&rsquo;humanit&eacute; a v&eacute;cu une &laquo;&nbsp;rupture m&eacute;tabolique&nbsp;&raquo;, concept d&eacute;velopp&eacute; par Marx, les individus sont ali&eacute;n&eacute;s vis-&agrave;-vis des conditions naturelles n&eacute;cessaires &agrave; leur existence. Nous sommes tous d&eacute;pendants d&rsquo;un syst&egrave;me politique et &eacute;conomique de production agricole, de transports et de distribution. Accepter notre d&eacute;pendance &agrave; l&rsquo;&eacute;gard des (infra)structures de la soci&eacute;t&eacute; permettrait de d&eacute;construire le discours stigmatisant selon lequel le sort de chacun est uniquement le r&eacute;sultat de ses choix et n&rsquo;implique que sa responsabilit&eacute; individuelle. Ce point de vue repose sur une conception lib&eacute;rale de la notion de libert&eacute; : les lib&eacute;raux lisent les &eacute;v&eacute;nements en fonction d&rsquo;une grille d&rsquo;analyse relative aux cons&eacute;quences des choix personnels, tandis que les h&eacute;ritiers de Marx rappellent que les individus sont face &agrave; des choix contraints par leurs positions au sein des structures de la soci&eacute;t&eacute;. La r&eacute;alit&eacute;, c&rsquo;est que le sort des personnes en situation de pr&eacute;carit&eacute; rel&egrave;ve potentiellement autant de leur libre arbitre que de leur position sociale.&nbsp;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Par ailleurs, le champ du <i>care </i>exc&egrave;de le champ environnemental social. Comme le souligne la politologue J. Tronto, il inclut aussi l&rsquo;environnement naturel, ent&eacute;rinant la fin de la coupure entre nature et culture. Nous savons aujourd&rsquo;hui que le cadre dans lequel nous vivons, c&rsquo;est la soci&eacute;t&eacute; imbriqu&eacute;e dans la nature. Si nous ne prenons pas soin de notre monde, qui comprend la plan&egrave;te et l&rsquo;ensemble des &ecirc;tres vivants, nous ne pourrons plus y vivre sans souffrir de nombreux maux. Or, jusqu&rsquo;&agrave; pr&eacute;sent, satisfaire nos besoins a signifi&eacute; exploiter la nature. Alors comment prendre en compte nos besoins fondamentaux tout en pr&eacute;servant la plan&egrave;te&nbsp;? Comment pr&eacute;server le climat tout en garantissant &agrave; tous un socle &eacute;gal de satisfaction des besoins&nbsp;? C&rsquo;est ce &agrave; quoi a r&eacute;pondu la Convention citoyenne pour le climat, qui devait r&eacute;fl&eacute;chir &agrave; cette question : Comment r&eacute;duire les &eacute;missions de gaz &agrave; effet de serre, dans un esprit de justice sociale&nbsp;? Les groupes de travail &eacute;taient r&eacute;partis selon cinq th&eacute;matiques : se nourrir, se loger, consommer, se d&eacute;placer, travailler. Activit&eacute;s fortement &eacute;mettrices de gaz &agrave; effet de serre et de ce fait points de vuln&eacute;rabilit&eacute; pour notre plan&egrave;te, elles co&iuml;ncident avec des besoins quotidiens auxquels nous sommes tous soumis et constituent aussi des points de vuln&eacute;rabilit&eacute;s sp&eacute;cifiques pour les publics d&eacute;pendants des aides sociales.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Or, nous avons vu que les populations vuln&eacute;rables sont parmi les premi&egrave;res victimes du DCG. Face &agrave; cela, le TSV, conceptualis&eacute; par L. Dominelli, se pr&eacute;sente comme une approche in&eacute;dite. Bien que fruit d&rsquo;une historicit&eacute; sp&eacute;cifique au travail social davantage qu&rsquo;&agrave; la philosophie - depuis le <i>person-in-environment paradigm</i> en passant par le travail social &eacute;cologique - le TSV a fort &agrave; voir avec la notion de <i>care</i>. Il permet lui aussi d&rsquo;inclure les consid&eacute;rations &eacute;cologiques dans les relations d&rsquo;aide. Les affilier ainsi affirme la pertinence du TSV et renforce son objectif de porter &laquo;&nbsp;un message d&rsquo;espoir qui se dirige non seulement &agrave; tous les professionnels, travailleurs sociaux ou non, mais &agrave; tous les humains.&nbsp;&raquo; (Portillo, 2019 : 52)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Nous sommes tous interd&eacute;pendants et nous d&eacute;pendons tous de la sant&eacute; de notre plan&egrave;te. Mais certains - humains, mais aussi &ecirc;tres vivants, voire certains endroits de nature, tel le fleuve Tavignagnu en Corse &agrave; qui on a attribu&eacute; une personnalit&eacute; juridique - sont particuli&egrave;rement vuln&eacute;rables, et donc particuli&egrave;rement d&eacute;pendants d&rsquo;un syst&egrave;me de solidarit&eacute;. Garantir un bon fonctionnement du corps social implique de prendre soin de notre monde, de prendre soin de nous, chacun choisissant la coop&eacute;ration plut&ocirc;t que la comp&eacute;tition, pour &laquo;&nbsp;maintenir, perp&eacute;tuer et r&eacute;parer ce monde&nbsp;&raquo; comme nous y encourage J. Tronto (Fisher et Tronto, 1991).</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">En tant que travailleurs sociaux, nous inscrire dans le TSV nous pousse donc &agrave; prendre nos distances avec l&rsquo;approche traditionnelle du <i>case-work</i>, focalis&eacute;e sur l&rsquo;aide apport&eacute;e aux personnes, et m&ecirc;me &agrave; prendre le contre-pied de l&rsquo;objectif potentiellement stigmatisant qui enjoint &agrave; la personne accompagn&eacute;e de prendre la &laquo;&nbsp;meilleure&nbsp;&raquo; d&eacute;cision, qui rel&egrave;verait de sa seule responsabilit&eacute;, pour b&eacute;n&eacute;ficier des mesures propos&eacute;es. Le <i>care</i> engage notre responsabilit&eacute; collective pour &laquo;&nbsp;que nous puissions y vivre [dans notre monde] aussi bien que possible&nbsp;&raquo; (Fisher et Tronto, 1991). On doit &agrave; ces autrices la reconnaissance de la dimension politique du <i>care </i>par la mise en &eacute;vidence des processus de marginalisation des activit&eacute;s humaines et leur d&eacute;nonciation comme autant d&rsquo;obstacles &agrave; l&rsquo;&eacute;quilibre d&rsquo;une soci&eacute;t&eacute; du <i>care</i>. Or le TSV s&rsquo;inscrit aussi dans une approche politique, en rupture avec les pratiques classiques :</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">&laquo;&nbsp;Ce changement se fonde sur la responsabilité des travailleuses sociales, de par leurs missions et valeurs, de critiquer les hégémonies destructrices ambiantes : le néolibéralisme, le capitalisme, la société de consommation et le patriarcat. De telles hégémonies, en effet, ont un impact sur l&rsquo;environnement des populations vulnérables. Le changement d&rsquo;orientation demande aussi une implication active dans le changement social pour une meilleure compréhension de l&rsquo;environnement naturel et une plus grande équité environnementale. La participation à l&rsquo;élaboration des programmes de politiques publiques est d&rsquo;ailleurs considérée comme essentielle.&nbsp;&raquo; (Lesp&eacute;rance et Macdonald, 2019)</span></span></span></span></span></span></p> <h1 style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size:16px;"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span new="" roman="" times=""><span style="color:#333333">Ouvrir le travail social &agrave; la r&eacute;flexion sur les communs</span></span></b></span></span></span></h1> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Mais comment, concr&egrave;tement, articuler la prise en compte des besoins des individus et la sauvegarde de la plan&egrave;te via la lutte contre le DCG&nbsp;? On fait souvent r&eacute;f&eacute;rence &agrave; la pyramide de Maslow qui propose un mod&egrave;le hi&eacute;rarchis&eacute; des besoins (largement d&eacute;construit par un programme de recherche d&rsquo;ATD quart monde qui pose les besoins culturels comme aussi importants que les besoins traditionnellement primaires), car certains rel&egrave;vent de la comp&eacute;tence du travail social. A la base de cette pyramide, les besoins physiologiques. On pourrait y ajouter un premier &eacute;tage constitu&eacute; du besoin d&rsquo;un environnement soutenable, et un dernier &eacute;tage, constitu&eacute; d&rsquo;un ensemble de besoins artificiellement cr&eacute;&eacute;s par les pratiques de marketing, &agrave; r&eacute;duire collectivement dans un esprit de soutenabilit&eacute;. Or, cette question des besoins est au c&oelig;ur de toutes les r&eacute;flexions contemporaines sur les communs initi&eacute;es par Ostrom, prix Nobel d&rsquo;&eacute;conomie en 2009. Aujourd&rsquo;hui divers travaux proposent ce qui pourrait &ecirc;tre inclus dans ces communs : ressources naturelles (un lac et ses ressources halieutiques) ou informationnelles (une base de donn&eacute;es). On pourrait aussi y inclure la sant&eacute; et l&rsquo;&eacute;ducation. De plus, consacrer un droit de logement opposable tend &agrave; faire du b&acirc;ti et du logement des communs. La th&eacute;orie d&rsquo;Ostrom s&rsquo;&eacute;labore &agrave; partir de la question de la gestion des ressources n&eacute;cessaires &agrave; la vie pour aboutir &agrave; la proposition d&rsquo;un mode de gouvernance prenant en compte les besoins de chacun : le contr&ocirc;le d&eacute;mocratique des biens communs, alternative aux paradigmes tant communiste (gestion verticale des nationalisations) que capitaliste (soumission aux imp&eacute;ratifs du march&eacute;). Dans cet esprit, P. Dardot et C. Laval proposent notamment que les services publics deviennent des institutions du commun :</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">&laquo;&nbsp;On a le sentiment évidemment fondé qu&rsquo;il n&rsquo;y a pas de plus grande urgence que de défendre les services publics contre les politiques néolibérales [...] La question est donc de savoir comment transformer les services publics pour en faire des institutions du commun ordonnées aux droits d&rsquo;usage commun et gouvernées démocratiquement. Il s&rsquo;agirait non plus de concevoir l&rsquo;État comme une gigantesque administration centralisée mais plutôt comme un garant ultime des droits fondamentaux des citoyens au regard de la satisfaction de besoins collectivement jugés essentiels, tandis que l&rsquo;administration des services serait confiée à des organes incluant des représentants de l&rsquo;État mais aussi des travailleurs et des usagers-citoyens.&nbsp;&raquo; (Dardot et Laval, 2015 : 514-526)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">C&#39;est l&agrave; une proposition audacieuse ouvrant la voie &agrave; un v&eacute;ritable syst&egrave;me de coop&eacute;ration avec un cadre de pens&eacute;e pertinent pour inventer les solutions permettant de satisfaire les besoins fondamentaux, alors que nous sommes entr&eacute;s dans une &egrave;re de ressources contraintes. Mais pour cela, il faudrait que chaque projet (de loi, d&rsquo;am&eacute;nagement urbain, de d&eacute;veloppement social local) concernant un bien commun s&rsquo;appuie sur de nouvelles m&eacute;thodes de gouvernance. Celles de la d&eacute;mocratie participative permettent de lever le voile sur les int&eacute;r&ecirc;ts et les jeux d&rsquo;influence. Tr&egrave;s utile aussi, la cartographie des controverses &eacute;labor&eacute;e par B. Latour. Notons qu&rsquo;il ne consid&egrave;re pas, contrairement &agrave; ce que soutient cet article, qu&rsquo;une description objective des positions contradictoires autour d&rsquo;un sujet soit un exercice politique, tout en convenant qu&rsquo;elle le favorise. L&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t de cette m&eacute;thodologie, pratique pionni&egrave;re en sciences sociales, est de nous apprendre &agrave; tisser un monde commun pr&eacute;cis&eacute;ment autour de la d&eacute;finition des convergences et des divergences pr&ecirc;tant &agrave; controverse. &Agrave; notre &eacute;poque de post-v&eacute;rit&eacute; et d&rsquo;incertitudes angoissantes, les pol&eacute;miques remplacent le d&eacute;bat public. Manipuler les opinions devient facile et les clivages se forment autour de positions polaris&eacute;es. La confiance dans les institutions est affaiblie. Instaurer une discussion institutionnelle autour de chaque position permet d&#39;&eacute;viter la d&eacute;chirure et de regagner la confiance. &Agrave; condition de prendre en compte tous les arguments, &agrave; travers des processus transparents et &eacute;mancipateurs de prise de d&eacute;cision. Ces cartographies des controverses pourraient &ecirc;tre plus ouvertes aux travailleurs sociaux, corps interm&eacute;diaire &agrave; m&ecirc;me de repr&eacute;senter les int&eacute;r&ecirc;ts des populations &laquo;&nbsp;invisibles&nbsp;&raquo;. Mais au-del&agrave; de ce r&ocirc;le repr&eacute;sentatif, ils pourraient aussi &ecirc;tre de puissants vecteurs de participation directe aux processus de prise de d&eacute;cision quand ils existent, relayant les informations, mettant en relation les populations et les porteurs de projets, s&rsquo;associant davantage au r&eacute;seau associatif, notamment d&rsquo;&eacute;ducation populaire. Ils pourraient ainsi devenir une cat&eacute;gorie sp&eacute;cifique de facilitateurs. L&rsquo;exemple du projet d&rsquo;am&eacute;nagement de la for&ecirc;t de Romainville, pouss&eacute;e sur une ancienne carri&egrave;re de gypse, fournit une bonne illustration de cartographie des controverses. Certains d&eacute;fendaient un projet port&eacute; par le Conseil r&eacute;gional de base de loisirs accessible &agrave; tous, d&rsquo;autres souhaitaient laisser vierge cet espace de for&ecirc;t &laquo;&nbsp;r&eacute;-ensauvag&eacute;e&nbsp;&raquo;. Tandis que les premiers affirmaient avoir &eacute;tabli des proc&eacute;dures d&rsquo;information et de participation du public &agrave; travers des ateliers urbains, d&rsquo;autres jugeaient le processus opaque, sp&eacute;cifiquement dans l&rsquo;identification des paroles des habitants : &laquo;&nbsp;S&rsquo;agit-il des habitant.e.s actuel.le.s de la Cit&eacute; Gagarine ou de celles et ceux, plus riches, que la mairie souhaite attirer gr&acirc;ce aux projets immobiliers men&eacute;s avec le promoteur Nexity, tr&egrave;s pr&eacute;sent dans la commune, et celles avoisinantes&nbsp;?&nbsp;&raquo; (Seurat et Tari, 2021 : 185) La tendance &agrave; instrumentaliser la parole des participants, ainsi que la tr&egrave;s faible participation de certaines cat&eacute;gories de population, r&eacute;v&egrave;le&nbsp;ce qui doit &ecirc;tre am&eacute;lior&eacute; dans le champ de la d&eacute;mocratie participative. Ici, les travailleurs sociaux pourraient bien &ecirc;tre de pr&eacute;cieuses personnes-ressources.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Plus largement, se pose la question de l&rsquo;implication des cat&eacute;gories sociales les plus d&eacute;favoris&eacute;es dans la vie politique en g&eacute;n&eacute;ral, et au sujet de l&rsquo;environnement en particulier. L&rsquo;id&eacute;e re&ccedil;ue selon laquelle les plus pr&eacute;caires se d&eacute;sint&eacute;ressent de l&rsquo;environnement provient en r&eacute;alit&eacute; de divers ph&eacute;nom&egrave;nes sociaux que la g&eacute;ographe F. Paddeu met en lumi&egrave;re dans ses travaux consacr&eacute;s &agrave; l&rsquo;agriculture urbaine. Elle explique comment cette agriculture a &eacute;merg&eacute; dans certains quartiers, &agrave; l&rsquo;initiative de populations marginalis&eacute;es, qui avaient pour objectif de subvenir &agrave; leurs besoins alimentaires ou de favoriser un lien social qui se d&eacute;litait. Or, face &agrave; ces exp&eacute;rimentations spontan&eacute;es, des projets port&eacute;s par les pouvoirs publics ou par des activistes (g&eacute;n&eacute;ralement blancs, de classe moyenne sup&eacute;rieure, fortement dipl&ocirc;m&eacute;s), r&eacute;v&egrave;lent une tendance &agrave; &laquo;&nbsp;se positionner comme sauveurs&nbsp;&raquo;, dans une &laquo;&nbsp;logique caritative, exog&egrave;ne et n&eacute;ocoloniale [qui] impose les normes, pratiques et valeurs des populations blanches et ais&eacute;es&nbsp;&raquo; (Paddeu, 2021 : 285) suscitant ainsi la crispation de certains habitants. F. Paddeu montre comment en &Icirc;le-de-France, des tensions sociales se nouent autour de projets initi&eacute;s d&rsquo;en haut. Pour r&eacute;pondre &agrave; des enjeux environnementaux et sociaux, on oublie de prendre en compte la r&eacute;alit&eacute; des interactions locales, l&rsquo;histoire des territoires, les difficult&eacute;s sp&eacute;cifiques ou les rapports de force qui les traversent. Des initiatives informelles se font absorber par des logiques entrepreneuriales de l&rsquo;&eacute;conomie sociale et solidaire. L&rsquo;image des quartiers s&rsquo;am&eacute;liore. Les prix de l&rsquo;immobilier augmentent et les populations les plus pr&eacute;caires qui n&rsquo;ont plus les moyens d&rsquo;y vivre, s&rsquo;en vont. C&rsquo;est le ph&eacute;nom&egrave;ne de gentrification verte. L&rsquo;apparition de ces nouveaux rapports d&rsquo;oppression explique l&rsquo;opposition entre &eacute;cologistes et populations pr&eacute;caires, bien plus qu&rsquo;un suppos&eacute; d&eacute;sint&eacute;r&ecirc;t de ces derni&egrave;res pour l&rsquo;environnement. Comme les plus ais&eacute;s, les pr&eacute;caires aspirent &agrave; bien manger, &agrave; ne souffrir ni de la pollution ni de la canicule, &agrave; pouvoir profiter d&rsquo;espaces verts. Il s&rsquo;agit l&agrave; de besoins fondamentaux communs &agrave; tous, qui se trouvent &ecirc;tre davantage satisfaits pour certains.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Ici, il convient de rappeler que la question de la satisfaction des besoins est g&eacute;n&eacute;ralement li&eacute;e au pouvoir d&rsquo;achat, pr&eacute;occupation principale des Fran&ccedil;ais. Notre ali&eacute;nation vis-&agrave;-vis des conditions naturelles n&eacute;cessaires &agrave; notre existence&nbsp;la conditionne effectivement &agrave; notre capacit&eacute; &eacute;conomique. Mais nous n&rsquo;exprimons pas tous les m&ecirc;mes besoins. Certains aspirent &agrave; avoir la m&ecirc;me capacit&eacute; de consommation que les cat&eacute;gories sociales au-dessus d&rsquo;eux. L. Chancel les d&eacute;crit, en se r&eacute;f&eacute;rant aux travaux de Veblen pour qui &laquo;&nbsp;chaque classe sociale tente de copier celle qui la devance et cherche &agrave; se d&eacute;marquer de celle qui la [suit]&nbsp;&raquo; (Chancel, 2017 : 54). D&rsquo;autres, h&eacute;ritiers d&rsquo;une culture ouvri&egrave;re dont Verret se faisait la voix, n&rsquo;aspirent qu&rsquo;&agrave; vivre dignement, satisfaits simplement de pouvoir se loger, se nourrir, se v&ecirc;tir. Vivre bien ensemble avec nos besoins fondamentaux satisfaits et peu de superflu, est un id&eacute;al normatif dont l&rsquo;aspect d&eacute;sirable pourrait, en insistant sur sa convivialit&eacute;, concurrencer celui du vivre &laquo;&nbsp;mieux&nbsp;&raquo; avec toujours plus, qui stimule les comportements compulsifs. L. Chancel explique comment deux chercheurs, &eacute;pid&eacute;miologistes de formation, mettent en lien les questions de justice sociale et de bien-&ecirc;tre social :</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">&laquo;&nbsp;Selon eux, l&rsquo;in&eacute;galit&eacute; ne soul&egrave;ve pas seulement une question morale ; ce n&rsquo;est pas seulement le probl&egrave;me des plus modestes, mais celui de toute la soci&eacute;t&eacute;, riches comme pauvres, altruistes ou non. Ils posent d&rsquo;abord le constat suivant : lorsque l&rsquo;on compare diff&eacute;rents pays riches, on s&rsquo;aper&ccedil;oit que les plus &eacute;galitaires sont ceux qui obtiennent le meilleur score en mati&egrave;re de bien-&ecirc;tre social.&nbsp;&raquo; (Chancel, 2017 : 36)</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">L&rsquo;id&eacute;e selon laquelle l&rsquo;&Eacute;tat doit jouer un r&ocirc;le de r&eacute;gulation et de redistribution, mise &agrave; mal par les pratiques n&eacute;olib&eacute;rales, montre sa force en p&eacute;riode de crise, comme celle de la Covid : c&rsquo;est lui qui assure la r&eacute;silience du syst&egrave;me. Mais l&rsquo;&Eacute;tat subit une profonde crise des institutions et son fonctionnement vertical montre ses limites. Avec un changement des modes de gouvernance sur la base des r&eacute;flexions sur les communs, des solutions innovantes pourraient se multiplier, en ad&eacute;quation avec la philosophie du <i>care</i>. Par exemple, les exp&eacute;rimentations de s&eacute;curit&eacute; sociale alimentaire, initi&eacute;es par le collectif ISF-Agrista, sont particuli&egrave;rement int&eacute;ressantes. Elles ont le m&eacute;rite de relier les probl&egrave;mes d&rsquo;alimentation des plus pauvres aux probl&egrave;mes d&rsquo;une agriculture devant faire face &agrave; des imp&eacute;ratifs d&rsquo;&eacute;conomie, d&rsquo;autonomie, de solidarit&eacute;, tout comme de soutenabilit&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;gard de l&rsquo;&eacute;cosyst&egrave;me. Il s&rsquo;agirait donc de promouvoir un droit &agrave; l&rsquo;alimentation pour tous, tout en fl&eacute;chant les parcours d&rsquo;aide vers les productions respectueuses de l&rsquo;environnement. La participation de coop&eacute;ratives d&rsquo;agriculteurs, souvent en situation de pr&eacute;carit&eacute;, correspondrait &agrave; un mode de gouvernance d&rsquo;un commun de l&rsquo;alimentation.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Ajoutons qu&rsquo;il serait n&eacute;cessaire d&rsquo;am&eacute;liorer l&rsquo;applicabilit&eacute; des droits relatifs aux besoins fondamentaux. Concernant le droit au logement opposable, par exemple, les m&eacute;canismes peinent &agrave; imposer &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat de respecter ses obligations. Il s&rsquo;agit d&rsquo;une probl&eacute;matique majeure mettant en tension de nombreux facteurs autour de l&rsquo;acc&egrave;s au b&acirc;ti, du droit de propri&eacute;t&eacute;, des sp&eacute;culations immobili&egrave;res, des ph&eacute;nom&egrave;nes de gentrification, des politiques de construction de logement social, de l&rsquo;artificialisation des sols. &Agrave; quoi s&rsquo;ajoute la n&eacute;cessaire r&eacute;novation des passoires thermiques, vrai probl&egrave;me pour la plan&egrave;te par leurs fortes &eacute;missions de gaz &agrave; effet de serre, et pour les individus, atteints de pathologies li&eacute;es &agrave; l&rsquo;insalubrit&eacute; et noy&eacute;s sous les factures. Lorsqu&rsquo;il y a un enjeu de satisfaction des besoins, il est plus ais&eacute; de mobiliser sur les enjeux &eacute;cologiques. Rien ne fait obstacle &agrave; ce que les populations pr&eacute;caires s&rsquo;en saisissent. D&eacute;passant l&rsquo;id&eacute;e re&ccedil;ue selon laquelle l&rsquo;&eacute;cologie n&rsquo;est qu&rsquo;une affaire de &laquo;&nbsp;bobos&nbsp;&raquo;, l&rsquo;ABS d&rsquo;Echirolles montre que les actions &agrave; port&eacute;e environnementale mobilisent tous les groupes sociaux, m&ecirc;me si c&rsquo;est &agrave; l&rsquo;origine par souci &eacute;conomique plut&ocirc;t qu&rsquo;&eacute;cologique.&nbsp;</span></span></span></span></span></span></p> <h1 style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size:16px;"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><b><span new="" roman="" times=""><span style="color:#333333">Pistes concr&egrave;tes de transformations</span></span></b></span></span></span></h1> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Dire &agrave; des personnes qui n&#39;arrivent pas &agrave; &laquo;&nbsp;boucler la fin du mois&nbsp;&raquo; de mieux et moins consommer en vertu d&#39;un principe de sobri&eacute;t&eacute; heureuse rel&egrave;ve d&#39;un paternalisme peu ouvert aux r&eacute;alit&eacute;s des v&eacute;cus. Tandis que les plus ais&eacute;s doivent adopter un train de vie plus sobre, les plus pr&eacute;caires sont l&eacute;gitimes &agrave; le d&eacute;velopper. Face &agrave; cela, la neutralit&eacute; de l&#39;action sociale est en r&eacute;alit&eacute; &agrave; l&#39;avantage d&#39;une id&eacute;ologie dominante. Les travailleurs sociaux, de par leur place aupr&egrave;s des personnes vuln&eacute;rables, doivent accepter d&#39;endosser leur r&ocirc;le politique dans l&#39;identification et la d&eacute;fense des int&eacute;r&ecirc;ts de ces derni&egrave;res.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Pour relever ces d&eacute;fis, le travail social doit imp&eacute;rativement se transformer. En effet, une logique paternaliste gangr&egrave;ne ses pratiques. Ce n&rsquo;est pas un hasard si ATD quart monde, association pionni&egrave;re dans les actions de participation citoyenne des personnes en situation de pauvret&eacute;, pr&eacute;f&egrave;re travailler directement avec ces derni&egrave;res plut&ocirc;t que s&rsquo;appuyer sur les interm&eacute;diaires que sont de fait les travailleurs sociaux. Mais cr&eacute;er une nouvelle cat&eacute;gorie d&rsquo;interm&eacute;diaires, des &laquo;&nbsp;passeurs&nbsp;&raquo;, terme utilis&eacute; au Forum international du bien vivre le 1er juillet 2022 par X. Godinot, &eacute;conomiste au sein d&rsquo;ATD quart monde, ne r&eacute;soudrait pas le probl&egrave;me. Il est illusoire de penser ce nouveau corps de passeurs &agrave; l&rsquo;abri d&rsquo;effets de domination, car les ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;oppression se reconfigurent sans cesse. Il faut s&rsquo;appuyer au contraire sur le vivier d&rsquo;interm&eacute;diaires existant et les aider &agrave; se transformer en d&eacute;veloppant leur r&eacute;flexivit&eacute; sur leurs pratiques et les rapports de force qu&rsquo;elles g&eacute;n&egrave;rent au sein de chaque institution. C&rsquo;est la condition pour que les travailleurs sociaux assument un r&ocirc;le politique constructif, en d&eacute;fendant &agrave; la fois les int&eacute;r&ecirc;ts de leur profession et ceux des personnes vuln&eacute;rables. Il faut rompre avec la posture apathique de critique st&eacute;rile qui emp&ecirc;che la transformation, pour devenir de v&eacute;ritables passeurs ayant vocation &agrave; r&eacute;affilier au corps social les groupes qui en sont exclus.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">C&rsquo;est dans le champ de la recherche et de la formation, o&ugrave; je me trouve, qu&rsquo;il faut semer les germes de cette transformation, d&rsquo;abord en incluant les questions de justice sociale et climatique dans tous les r&eacute;f&eacute;rentiels de formation. Pour l&rsquo;instant, seule l&rsquo;approche organisationnelle issue de la responsabilit&eacute; sociale et environnementale &eacute;merge dans les formations CAFERUIS. Il ne s&rsquo;agit encore pas de la question des in&eacute;galit&eacute;s sociales et environnementales. De mani&egrave;re volontaire, certaines &eacute;coles me laissent d&eacute;ployer cette th&eacute;matique en intervention. Je vois bien qu&rsquo;il est difficile pour des professionnels en formation initiale ou sup&eacute;rieure de comprendre &agrave; quel point ils sont concern&eacute;s par ces questions. Il est donc urgent de r&eacute;former l&rsquo;ensemble des r&eacute;f&eacute;rentiels pour les adapter &agrave; ce nouveau paradigme. Ensuite, il faut doter les travailleurs sociaux de nouveaux outils pour apprendre &agrave; recueillir la parole des personnes concern&eacute;es, afin de lui assurer autant de poids qu&rsquo;&agrave; celle des repr&eacute;sentants des institutions. Il importe d&rsquo;&ecirc;tre attentif &agrave; la communication analogique et aux &eacute;motions, et de garantir un cadre formel propice : <span style="background:white">temps de parole &eacute;quitable, nombre de repr&eacute;sentants de chaque statut, temps d&eacute;volu &agrave; l&rsquo;&eacute;change, organisation de pauses, bannissement des termes complexes.&nbsp;</span></span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">De plus, l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une posture politique, voire militante au sein des institutions est encore loin d&rsquo;&ecirc;tre admise. Pourtant, mener des actions collectives doit permettre aux groupes de se rassembler pour &ecirc;tre plus forts, avoir une chance de former des contre-pouvoirs, et sortir les individus de leurs situations de faiblesse. &Eacute;tant assujettis, au sein des institutions, aux d&eacute;cideurs politiques qui redoutent cet &eacute;chelon communautaire, les travailleurs sociaux doivent se mobiliser depuis leur base, comme le propose le <i>radical social work</i>, afin de d&eacute;velopper leur propre pouvoir d&rsquo;agir et celui des individus dont ils d&eacute;fendent les int&eacute;r&ecirc;ts. Outre ce qui s&rsquo;apprend en formation, mais qui peine toujours &agrave; se mettre en <span style="background:white">&oelig;uvre</span> r&eacute;ellement dans les faits, &agrave; savoir &laquo;&nbsp;ne pas faire &agrave; la place&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;ne pas faire sans&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;mettre les personnes au c&oelig;ur des dispositifs&nbsp;&raquo; comme l&rsquo;impose la loi de 2002-2, les formations de travail social doivent s&rsquo;enrichir d&rsquo;autres m&eacute;thodes, non seulement celles de la d&eacute;mocratie participative et de la cartographie des controverses d&eacute;j&agrave; &eacute;voqu&eacute;es, mais encore celles propos&eacute;es par ATD quart monde lors de leurs universit&eacute;s populaires, qui promeuvent la participation des plus pauvres, et m&ecirc;me celle issue du <i>community organizing</i> de Saul Alinsky. Exp&eacute;riment&eacute;e &agrave; partir des ann&eacute;es 30 aux Etats-Unis, c&#39;est une m&eacute;thode d&rsquo;organisation de campagnes sur des enjeux sp&eacute;cifiques, identifiables par les travailleurs sociaux, visant &agrave; former des coalitions entre associations, en allant chercher les gens pour leur donner du pouvoir par l&rsquo;action de groupe. Le travail social doit enfin se doter des codes du plaidoyer, autre terme, moins entach&eacute; de critiques, pour parler de lobby citoyen. Car, si la notion de lobby est contestable au regard des probl&egrave;mes d&eacute;mocratiques qu&rsquo;elle pose, dans le syst&egrave;me actuel r&eacute;gi par des rapports de force qui orientent l&rsquo;&eacute;laboration normative, opposer des lobbys citoyens aux multiples lobbys industriels&nbsp;para&icirc;t n&eacute;cessaire pour peser dans les d&eacute;cisions. La lutte pour obtenir le temps et les moyens de ces actions doit s&rsquo;enclencher.</span></span></span></span></span></span></p> <h1 style="text-align: justify; margin-bottom: 11px;"><span style="font-size:16px;"><strong><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span new="" roman="" times=""><span style="color:#333333">R&eacute;f&eacute;rences bibliographiques</span></span></span></span></strong></span></h1> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Balazard, H. (2018). Des préoccupations quotidiennes à l&rsquo;intérêt général, <i>C.E.R.A.S. Revue projet</i>, n&deg; 363.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Bonneuil, C., Fressoz, JB. (2016). <i>L&rsquo;&eacute;v&eacute;nement anthropoc&egrave;ne : la Terre, l&rsquo;histoire et nous.</i> Paris, Seuil.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Chancel, L. (2017). <i>Insoutenables in&eacute;galit&eacute;s : pour une justice sociale et environnementale.</i> Paris, Les petits matins.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Dardot, P, Laval, C. (2015). <i>Commun : essai sur la r&eacute;volution au XXIe si&egrave;cle.</i> Paris, La D&eacute;couverte.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Dominelli, L. (2012). <i>Green social work: from environmental crises to environmental justice</i>. Cambridge : Polity Press.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Dominelli, L. (2018). Le travail social vert : une approche épistémologique, éthique et méthodologique face aux défis des catastrophes dites &laquo;&nbsp;naturelles&nbsp;&raquo; du XXIe siècle. <i>La fabrique du doctorat en travail social</i>, p. 35-43.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Fisher, B., Tronto, J. (1991). Toward a feminist theory of care, <i>in </i>Abel E. et Nelson M. (dir.), <i>Circles of Care : Work and Identity in Women&rsquo;s Lives</i>, State University of New York Press, Albany, NY.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Garrau, M., Le Goff, A. (2009). Différences et solidarités. À propos du parcours</span></span></span><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""> <span style="color:#333333">philosophique d&#39;Iris Marion Young, <i>Cahiers du Genre </i>2009/1, n&deg; 46.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Lesp&eacute;rance, JD., Macdonald, SA. (2019). La justice environnementale : dans l&rsquo;angle mort de la formation en travail social&nbsp;? <i>Intervention</i>, n&deg;150.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Paddeu, F. (2021). <i>Sous les pav&eacute;s, la terre : Agricultures urbaines et r&eacute;sistances dans les m&eacute;tropoles.</i> Paris, Seuil.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Portillo, M. (2019). Qu&rsquo;est-ce que le travail social vert et en quoi est-il pertinent aujourd&rsquo;hui&nbsp;? <i>Champ social</i>, n&deg; 157.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Seurat, C., Tari, T. (2021). <i>Controverses : mode d&rsquo;emploi.</i> Paris, Presses de Sciences Po.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">Observatoire national de la pauvret&eacute; et de la coh&eacute;sion sociale (2013). <i>Penser l&#39;assistance</i>.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Calibri, sans-serif"><span style="font-size:12.0pt"><span new="" roman="" style="font-family:" times=""><span style="color:#333333">GIEC (2022). <i>6e rapport d&rsquo;&eacute;valuation, groupe de travail II : cons&eacute;quences, adaptations et vuln&eacute;rabilit&eacute;s.</i></span></span></span></span></span></span></p>