<p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><b>Introduction</b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">On constate depuis quelques d&eacute;cennies un engouement de la part des pouvoirs publics pour les diff&eacute;rentes formes de coop&eacute;ration et de rapprochement entre associations. Cela s&rsquo;applique notamment au champ sanitaire et social dans lequel une attention est port&eacute;e &agrave; la rationalisation ainsi qu&rsquo;&agrave; l&rsquo;am&eacute;lioration de la qualit&eacute; et de l&rsquo;accessibilit&eacute; des services (Grenier et Guitton-Philippe, 2011).</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Parmi ces formes de collaborations, on trouve celle de la mutualisation associative (Deniau, 2014&thinsp;; Henry, 2021). Elle correspond &agrave; des moyens (mat&eacute;riels, immat&eacute;riels et humains) qui sont mis en commun entre<i> </i>plusieurs associations et &eacute;ventuellement avec des soci&eacute;t&eacute;s commerciales ou des administrations publiques de mani&egrave;re p&eacute;renne et dont le contr&ocirc;le est assur&eacute; collectivement. Il peut notamment s&rsquo;agir de partage de locaux, de mise &agrave; disposition de travailleurs entre organisations, de cr&eacute;ations de bases de donn&eacute;es communes ou d&rsquo;&eacute;changes de tr&eacute;sorerie. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">N&eacute;anmoins, la mutualisation fait parfois l&rsquo;objet de craintes de la part de responsables d&rsquo;associations, mais &eacute;galement de travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux. Tout d&rsquo;abord, la mutualisation n&rsquo;est pas consid&eacute;r&eacute;e comme une voie prioritaire pour r&eacute;soudre les difficult&eacute;s rencontr&eacute;es dans l&rsquo;exercice de leur travail (Haut Conseil du travail social, 2023). Ensuite, ils estiment que la mutualisation pourrait remettre en cause leurs <i>cultures associatives</i> respectives. Celles-ci renvoient aux approches sp&eacute;cifiques d&eacute;velopp&eacute;es par chaque organisation qui cherche &agrave; s&rsquo;adapter aux besoins et aux sp&eacute;cificit&eacute;s de son public. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Ces craintes sont-elles l&eacute;gitimes&thinsp;? Autrement dit, quels sont les effets des mutualisations associatives sur les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux&thinsp;? Nous partons de l&rsquo;hypoth&egrave;se que la mutualisation peut entrainer un &laquo;&thinsp;isomorphisme&thinsp;&raquo; institutionnel et organisationnel <span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Calibri&quot;,sans-serif">(Marival, 2011&thinsp;; Richez-Battesti et al., 2017)</span> remettant en cause les cultures associatives des organisations impliqu&eacute;es. Par isomorphisme, nous entendons une homog&eacute;n&eacute;isation, ou standardisation, des modes de prise de d&eacute;cision et de gestion (institutionnel) ainsi que de l&rsquo;organisation du travail et des pratiques professionnelles (organisationnel). Les organisations mutualis&eacute;es auraient en effet tendance &agrave; adopter des formes similaires de fonctionnement afin de faciliter la collaboration. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Nous d&eacute;montrons toutefois que la mutualisation contribuerait, dans certains cas et sous certaines conditions, &agrave; favoriser les collaborations entre travailleurs et entrainerait une hybridation des pratiques professionnelles. Par hybridation, nous entendons une transformation r&eacute;ciproque de pratiques professionnelles issues de m&eacute;tiers ou d&rsquo;approches diff&eacute;rentes (Lancelevee, 2016&thinsp;; Macilotti &amp; Boucher, 2022). Ces transformations restent n&eacute;anmoins limit&eacute;es, en raison du caract&egrave;re non abouti des mutualisations. En effet, &agrave; travers les exemples que nous donnons, nous d&eacute;montrons comment les processus de mise en commun se limitent &agrave; une forme de travail en collaboration et non de travail en commun qui maintient les fronti&egrave;res entre les activit&eacute;s des organisations impliqu&eacute;es. Se pose alors la question de savoir s&rsquo;il est possible d&rsquo;achever ces processus sans un certain degr&eacute; d&rsquo;isomorphisme organisationnel et institutionnel. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Apr&egrave;s avoir expos&eacute; notre approche m&eacute;thodologique fond&eacute;e sur l&rsquo;analyse collective de cas d&rsquo;&eacute;tude de mutualisation en R&eacute;gion de Bruxelles-Capitale (Belgique), nous pr&eacute;sentons bri&egrave;vement le contexte dans lequel la mutualisation a &eacute;merg&eacute; sur ce territoire comme un nouvel outil favorisant le rapprochement et l&rsquo;int&eacute;gration de l&rsquo;offre associative. Nous explorons ensuite les effets de la mutualisation sur les pratiques professionnelles des travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux &agrave; partir de l&rsquo;analyse de deux cas d&rsquo;&eacute;tudes.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><b>M&eacute;thodologie&nbsp;: une co-analyse de cas d&rsquo;&eacute;tudes</b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Cet article se fonde sur les r&eacute;sultats d&rsquo;une recherche men&eacute;e entre novembre 2022 et d&eacute;cembre 2023 en R&eacute;gion bruxelloise. Elle a &eacute;t&eacute; r&eacute;alis&eacute;e &agrave; la demande des interlocuteurs sociaux (f&eacute;d&eacute;rations d&rsquo;employeurs, syndicats de travailleurs) des secteurs associatifs et du gouvernement r&eacute;gional. L&rsquo;objectif &eacute;tait de leur fournir des cl&eacute;s de lecture pour envisager la mise en &oelig;uvre d&rsquo;initiatives de mutualisation associative. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">La recherche s&rsquo;est d&eacute;roul&eacute;e en plusieurs &eacute;tapes. Tout d&rsquo;abord, une phase exploratoire nous a permis de r&eacute;aliser une analyse du cadre institutionnel et politique dans lequel la mutualisation associative se d&eacute;ploie en R&eacute;gion bruxelloise et, par ailleurs, d&rsquo;&eacute;laborer une d&eacute;finition de la mutualisation associative elle-m&ecirc;me. Pour y parvenir, nous avons men&eacute; douze entretiens aupr&egrave;s de personnes impliqu&eacute;es dans ce processus et avons explor&eacute; la litt&eacute;rature scientifique et institutionnelle traitant de ce sujet. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Nous avons ensuite &eacute;labor&eacute; cinq cas d&rsquo;&eacute;tudes de mutualisation associative &agrave; partir d&rsquo;entretiens semi-directifs men&eacute;s avec des participants occupant diff&eacute;rentes fonctions (travailleurs de terrain, coordinateurs et directeurs) et de la documentation disponible. En tout, cette phase comprend dix-sept&nbsp;entretiens. Nous avons r&eacute;dig&eacute; une premi&egrave;re version des cas d&rsquo;&eacute;tudes que nous avons ensuite soumis aux interview&eacute;s afin qu&rsquo;ils puissent la commenter et l&rsquo;amender dans le cadre d&rsquo;entretiens collectifs.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Nous avons poursuivi avec des ateliers d&rsquo;analyse collective de ces cas d&rsquo;&eacute;tudes avec des professionnels des secteurs associatifs afin d&rsquo;explorer les enjeux soulev&eacute;s par la mutualisation. Ces ateliers s&rsquo;adossent aux m&eacute;thodes de recherche collaborative (Desgagn&eacute;, 1997) et d&rsquo;&eacute;ducation permanente<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">. N</span>ous avons en effet crois&eacute; des techniques d&rsquo;arpentage de texte et de co-analyse inspir&eacute;es de la m&eacute;thode d&rsquo;analyse en groupe <span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Calibri&quot;,sans-serif">(Van&nbsp;Campenhoudt, Franssen et Cantelli, 2009)</span>. Ceci a donn&eacute; l&rsquo;occasion aux participants de construire leurs propres interpr&eacute;tations &agrave; partir des donn&eacute;es r&eacute;colt&eacute;es par les chercheurs. Ces ateliers ont rassembl&eacute; un total de vingt-six&nbsp;participants.&nbsp; </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Dans le cadre de cet article, nous nous appuyons principalement sur deux entretiens men&eacute;s aupr&egrave;s de travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux impliqu&eacute;s dans des initiatives de mutualisation, ainsi que sur l&rsquo;interpr&eacute;tation des initiatives de mutualisation r&eacute;alis&eacute;e dans le cadre des ateliers de co-analyse. Parmi les cinq cas de mutualisation &eacute;tudi&eacute;s, nous en avons choisi deux qui impliquent la mise en commun de travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux. Les autres cas correspondent &agrave; d&rsquo;autres formes de mutualisation qui ne concernent pas directement notre pr&eacute;sent questionnement. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><b>Contexte&nbsp;: la mutualisation comme outil d&rsquo;int&eacute;gration des services</b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">La R&eacute;gion de Bruxelles, tel qu&rsquo;elle existe actuellement, prend sa source dans la r&eacute;forme de l&rsquo;&Eacute;tat belge de 1988-1989. Celle-ci attribue &agrave; Bruxelles le m&ecirc;me statut et les m&ecirc;mes comp&eacute;tences qu&rsquo;aux autres R&eacute;gions (Wallonie et Flandre) cr&eacute;&eacute;es dans le cadre du processus de f&eacute;d&eacute;ralisation de l&rsquo;&Eacute;tat belge. La majeure partie des comp&eacute;tences li&eacute;es aux secteurs non marchands (culture, sport, sant&eacute;, aide sociale, &eacute;ducation, insertion socio-professionnelle, etc.) sont quant &agrave; elles d&eacute;l&eacute;gu&eacute;es aux communaut&eacute;s linguistiques. Bruxelles &eacute;tant reconnue comme une R&eacute;gion bilingue, ces comp&eacute;tences sont r&eacute;parties entre plusieurs autorit&eacute;s politiques sur le territoire. Dans les ann&eacute;es&nbsp;1990 s&rsquo;ensuit une s&eacute;rie de textes l&eacute;gislatifs qui organise les associations financ&eacute;es par ces diff&eacute;rentes autorit&eacute;s politiques. Ces textes contribuent &agrave; sp&eacute;cifier pour chaque association ses missions, son fonctionnement, son cadre financier ou encore les qualifications n&eacute;cessaires pour exercer certaines fonctions (Moriau, 2022). Cela entraine un mouvement de professionnalisation associative &agrave; travers la stabilisation des sources de financement, la constitution de relations avec les pouvoirs publics, la cr&eacute;ation de f&eacute;d&eacute;rations d&rsquo;employeurs et la mise en place de secteurs d&rsquo;activit&eacute;s pour le non marchand. Bien que d&eacute;pendant du financement public, le milieu associatif financ&eacute; reste relativement libre dans son fonctionnement. De plus, la part importante de petites structures disposant d&rsquo;origines tr&egrave;s diverses (&eacute;glise catholique, mouvement ouvrier, mouvements militants, etc.) contribue &agrave; la diversit&eacute; des approches d&eacute;velopp&eacute;es. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Mais ce principe de libert&eacute; associative financ&eacute;e est partiellement remis en cause avec le d&eacute;veloppement de logique de l&rsquo;appel &agrave; projets. Bien qu&rsquo;encore minoritaire, la part des financements par appels &agrave; projets dans les revenus totaux des associations a tendance &agrave; croitre. Sans pour autant imposer directement une ligne de conduite aux associations, il permet &agrave; l&rsquo;&Eacute;tat d&rsquo;orienter leur action &agrave; travers l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; des financements d&eacute;finis sur la base d&rsquo;objectifs pr&eacute;cis et d&eacute;finis dans le temps. La logique d&rsquo;appel &agrave; projets s&rsquo;inscrit dans un mod&egrave;le de &laquo;&thinsp;nouvelle gestion publique&thinsp;&raquo; qui met l&rsquo;accent sur l&rsquo;efficience de l&rsquo;action associative fond&eacute;e sur des proc&eacute;dures de fonctionnement et des crit&egrave;res d&rsquo;&eacute;valuation standardis&eacute;s (Marival, 2011). Il risque alors de mettre en concurrence des associations pour l&rsquo;obtention de financements.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">En m&ecirc;me temps, le mod&egrave;le de l&rsquo;appel &agrave; projets favorise parfois les pratiques innovantes et les collaborations entre organisations. Ceci passe notamment par le soutien accru aux diff&eacute;rentes formes de rapprochement entre associations, dont la mutualisation est l&rsquo;it&eacute;ration la plus r&eacute;cente. L&rsquo;un des objectifs est de favoriser l&rsquo;int&eacute;gration des services associatifs entre eux afin de les inscrire dans des approches plus globales de prise en charge de leurs publics tout en leur permettant de maintenir leurs sp&eacute;cificit&eacute;s. On observe ainsi le d&eacute;veloppement de mutualisation de locaux entre associations et le renforcement des collaborations entre travailleurs du social et de la sant&eacute;. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Pour autant, le soutien &agrave; la mutualisation comme outil d&rsquo;int&eacute;gration de l&rsquo;offre n&rsquo;est pas uniquement le fait des pouvoirs publics. Ce mouvement est soutenu par des f&eacute;d&eacute;rations d&rsquo;employeurs issus des secteurs associatifs. Celles-ci ont int&eacute;r&ecirc;t &agrave; soutenir ces initiatives puisqu&rsquo;elles contribuent &agrave; renforcer les identit&eacute;s sectorielles et intersectorielles qu&rsquo;elles cherchent &agrave; repr&eacute;senter. Par ailleurs, certains secteurs associatifs sont relativement pionniers dans les collaborations entre associations et entre professionnels du social et de la sant&eacute;. On pense notamment au secteur des maisons m&eacute;dicales qui a &eacute;t&eacute; &agrave; l&rsquo;initiative d&rsquo;un mouvement d&rsquo;int&eacute;gration des soins. <a name="_Hlk148609241">Ce</a>lui-ci s&rsquo;&eacute;tend par la suite aux secteurs de l&rsquo;aide sociale et entraine la cr&eacute;ation d&rsquo;un nouveau type de structure&nbsp;: le centre social sant&eacute; int&eacute;gr&eacute; (CSSI). </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Soulignons qu&rsquo;il ne s&rsquo;agit ici que d&rsquo;un usage de la mutualisation associative parmi d&rsquo;autres. Tout un autre pan de la mutualisation consiste dans le partage de fonctions technico-administratives (ressources humaines, logistique, comptabilit&eacute;, support informatique, etc.) entre associations dans un objectif de professionnalisation, de gain de temps et d&rsquo;&eacute;conomies d&rsquo;&eacute;chelle. Nous nous centrons ici sur les mutualisations de locaux et de travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux, car elles affectent plus directement les pratiques professionnelles de ces secteurs.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><b>Analyse&nbsp;:</b> <b>une transformation limit&eacute;e des pratiques professionnelles</b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Nous faisons usage de deux cas d&rsquo;&eacute;tudes pour d&eacute;montrer comment les mutualisations contribuent &agrave; transformer les pratiques des travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux&nbsp;: un centre social-sant&eacute; int&eacute;gr&eacute; et un num&eacute;ro vert d&rsquo;aide sociale. Nous en envisageons ensuite trois aspects&nbsp;: l&rsquo;identit&eacute; associative, le partage de lieu et l&rsquo;hybridation des pratiques professionnelles. Sauf indication contraire, les citations proviennent d&rsquo;une travailleuse m&eacute;dico-sociale du CSSI et d&rsquo;un travailleur social du num&eacute;ro vert.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><i>Cas d&rsquo;&eacute;tude&nbsp;1&nbsp;: un centre social-sant&eacute; int&eacute;gr&eacute; (CSSI)</i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Cr&eacute;&eacute; en 2021, le centre social-sant&eacute; int&eacute;gr&eacute; (CSSI) r&eacute;unit au sein d&rsquo;un m&ecirc;me b&acirc;timent quatre associations&nbsp;: une maison m&eacute;dicale, un service d&rsquo;accompagnement th&eacute;rapeutique d&rsquo;usagers de drogues, un service social g&eacute;n&eacute;raliste et une structure qui regroupe un planning familial et un service de m&eacute;diation de dettes. Ces associations poss&egrave;dent chacune entre sept et quinze salari&eacute;s. En tout, le CSSI se compose d&rsquo;une quarantaine de travailleurs.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">L&rsquo;objectif du CSSI est d&rsquo;assurer une int&eacute;gration des services d&rsquo;aide sociale et de soins pour assurer une prise en charge globale des publics. Depuis 2024, le Gouvernement bruxellois permet le financement de postes de coordination pour la reconnaissance ou la cr&eacute;ation de nouveaux centres social-sant&eacute; int&eacute;gr&eacute;s sur le territoire. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><i>Cas d&rsquo;&eacute;tude&nbsp;2&nbsp;: une ligne d&rsquo;appel social</i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Ce num&eacute;ro vert est une ligne d&rsquo;&eacute;coute t&eacute;l&eacute;phonique lanc&eacute;e en mars 2020 &agrave; la suite des premi&egrave;res mesures de confinement li&eacute;es &agrave; l&rsquo;&eacute;pid&eacute;mie de Covid-19. Au d&eacute;part, il visait &agrave; offrir une orientation sociale pour les habitants de la R&eacute;gion bruxelloise dans un contexte de fermeture des services associatifs et des administrations publiques. Depuis la fin du confinement, ce num&eacute;ro vert sert de point de contact pour les personnes vuln&eacute;rables &eacute;loign&eacute;es des services sociaux existants.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Des travailleurs sociaux issus de plusieurs services sociaux associatifs sont d&eacute;l&eacute;gu&eacute;s au num&eacute;ro vert en tant que r&eacute;pondants aux permanences t&eacute;l&eacute;phoniques. Ce dispositif a impliqu&eacute; en fonction des p&eacute;riodes entre dix et quinze associations et entre vingt et cinquante travailleurs. Durant le confinement, les permanences t&eacute;l&eacute;phoniques ont lieu dans un m&ecirc;me local, des travailleurs sociaux issus des diff&eacute;rents services y &eacute;tant affect&eacute;s. &Agrave; partir de septembre 2020, les permanences sont d&eacute;centralis&eacute;es.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><i>L&rsquo;importance de la &laquo;</i><i>&thinsp;culture associative</i><i>&thinsp;&raquo;</i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Pour ces deux cas &eacute;tudi&eacute;s, l&rsquo;attachement &agrave; la culture associative de l&rsquo;organisation reste un &eacute;l&eacute;ment fondamental pour les travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux. Dans le cadre du CSSI, le regroupement des quatre associations au sein de m&ecirc;mes locaux a suscit&eacute; des questionnements sur l&rsquo;identit&eacute; que chacune d&rsquo;entre elles s&rsquo;est pr&eacute;c&eacute;demment forg&eacute;e. Elles ont toutes &eacute;t&eacute; fond&eacute;es entre les ann&eacute;es&nbsp;1970 et 1990, &agrave; l&rsquo;exception de la maison m&eacute;dicale cr&eacute;&eacute;e en 2014. Alors <span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&laquo;</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;forc&eacute;ment, il y a des habitudes, des routines, des histoires et chacun vient avec &ccedil;a</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;&raquo; (CSSI). </span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">En amont, certains travailleurs craignent que la mutualisation remette en question leur mode de fonctionnement&nbsp;:</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">&laquo;&thinsp;<i>Alors, &ccedil;a n&rsquo;a pas &eacute;t&eacute; dit formellement. Mais, dans les moments informels &ccedil;a a &eacute;t&eacute; clairement un argument&nbsp;: &ldquo;moi, ce d&eacute;m&eacute;nagement, c&rsquo;est perdre l&rsquo;identit&eacute;.&rdquo; &Ccedil;a a &eacute;t&eacute; un pr&eacute;curseur. Les autres (d&eacute;parts), c&rsquo;&eacute;tait vraiment une question d&rsquo;opportunit&eacute; qui se pr&eacute;sente &agrave; ce moment-l&agrave;</i><i>&thinsp;</i><i>; mais du coup, c&rsquo;&eacute;tait un argument qui penchait en leur d&eacute;faveur, je pense tr&egrave;s honn&ecirc;tement pour quasiment tout le monde</i>&thinsp;&raquo; (CSSI). </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Cette crainte est d&rsquo;autant plus forte que l&rsquo;identit&eacute; de la structure est marqu&eacute;e. Plusieurs d&rsquo;entre elles se sont constitu&eacute;es autour de la d&eacute;fense de situations marginales et de la promotion de pratiques d&rsquo;intervention auparavant peu d&eacute;velopp&eacute;es. C&rsquo;est le cas du centre de planning familial qui a fait partie du mouvement de lutte pour les droits &agrave; la contraception et &agrave; l&rsquo;avortement et le service d&rsquo;accompagnement pour usagers de drogues qui a contribu&eacute; &agrave; d&eacute;mocratiser l&rsquo;utilisation de la m&eacute;thadone dans une logique de substitution &agrave; la consommation d&rsquo;h&eacute;ro&iuml;ne.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Les pratiques des travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux peuvent potentiellement &ecirc;tre remises en question par le partage de locaux avec d&rsquo;autres organisations. C&rsquo;est certainement le cas lorsqu&rsquo;une structure pratique le &laquo;&thinsp;bas seuil&thinsp;&raquo; et consid&egrave;re l&rsquo;informel comme un facilitateur indispensable pour entrer en contact et garder le lien avec son public. Les services bas seuil ont pour objectif d&rsquo;&ecirc;tre accessibles &agrave; des personnes qui ne r&eacute;pondent pas &agrave; certains crit&egrave;res, tels que le respect de certaines r&egrave;gles ou normes de comportement, n&eacute;cessaires pour &ecirc;tre accompagn&eacute;es par d&rsquo;autres types services (Chobeaux, 2015&thinsp;; Roth&eacute;, 2010). Ils touchent ainsi un public particuli&egrave;rement vuln&eacute;rable et exclu. &Agrave; l&rsquo;oppos&eacute;, d&rsquo;autres structures sont sur des relations plus formelles. Cette identit&eacute; est au c&oelig;ur de la mission m&ecirc;me du service et y toucher, que ce soit par l&rsquo;am&eacute;nagement des espaces, l&rsquo;obligation de r&eacute;server les locaux ou encore l&rsquo;approche pratiqu&eacute;e &agrave; l&rsquo;accueil, peut la remettre en cause et conduire &agrave; une perte de sens du travail &agrave; cause d&rsquo;un d&eacute;calage entre les r&eacute;alit&eacute;s pratiques du partage et les philosophies d&rsquo;intervention.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Enfin, une mutualisation de locaux peut g&eacute;n&eacute;rer des craintes de devoir faire des compromis avec des structures qui travaillent diff&eacute;remment, de ne plus avoir ses propres pratiques et r&egrave;gles et de devoir se plier &agrave; un seul r&egrave;glement de travail et r&egrave;glement d&rsquo;ordre int&eacute;rieur qui d&eacute;terminent les conditions de travail et d&rsquo;accueil du public. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><i>Partager des locaux&nbsp;: changer les habitudes et apprendre &agrave; cohabiter</i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">&Agrave; partir du moment o&ugrave; d&eacute;bute la cohabitation entre travailleurs issus de plusieurs organisations, celle-ci peut contribuer &agrave; changer les habitudes de travail et permet la production de r&eacute;flexions communes. Elle entraine n&eacute;anmoins certaines difficult&eacute;s qui n&eacute;cessitent une coop&eacute;ration accrue pour les d&eacute;passer. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Tout d&rsquo;abord, le lieu dans lequel exerce une association est constitutif de son identit&eacute; et de son fonctionnement. Si le choix peut &ecirc;tre initialement contraint, il contribue &agrave; fa&ccedil;onner les mani&egrave;res d&rsquo;agir des travailleurs. Lors du d&eacute;m&eacute;nagement, les travailleurs du service d&rsquo;accompagnement d&rsquo;usagers de drogues ont ainsi perdu certaines de leurs habitudes&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&laquo;</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;[au d&eacute;part, il y avait] une grande maison, style ancienne maison de maitre, avec (&hellip;) une grande pi&egrave;ce qui faisait en m&ecirc;me temps salle d&rsquo;attente et salle d&rsquo;activit&eacute;. Et du coup, il y avait moyen l&agrave; de faire patienter les patients, mais aussi on avait un petit r&eacute;chaud dans l&rsquo;armoire. Il suffisait de le sortir. Et donc, s&rsquo;ils avaient envie de cr&ecirc;pes, on commen&ccedil;ait &agrave; faire des cr&ecirc;pes. S&rsquo;ils avaient envie de dessiner, il y avait de quoi vraiment dessiner sur place. &Ccedil;a pouvait &ecirc;tre quelque chose de tr&egrave;s spontan&eacute;. Donc, quelqu&rsquo;un vient, a une envie, une demande et alors on peut le faire parce qu&rsquo;on avait un petit peu de tout pour faire ces activit&eacute;s-l&agrave;. [&hellip;] Encore une fois, du tout-venant, dans l&rsquo;informel, quelqu&rsquo;un arrive, patiente et dit &ldquo;bah tiens, j&rsquo;ai envie de faire &ccedil;a ou &ccedil;a&rdquo; et l&rsquo;&eacute;quipe rebondissait (l&agrave;-dessus)</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;&raquo; </span>(CSSI). </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Ainsi, l&rsquo;organisation communautaire du service est plus difficile &agrave; mettre en &oelig;uvre &agrave; cause de l&rsquo;agencement des nouveaux locaux mais &eacute;galement des repr&eacute;sentations qu&rsquo;elle suscite aupr&egrave;s des travailleurs et des usagers.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">Le regroupement au sein du CSSI a oblig&eacute; ce service &agrave; abandonner un ensemble de mani&egrave;res d&rsquo;accueillir ses usagers. Il les a conduits &agrave; passer d&rsquo;un espace large leur permettant l&rsquo;organisation d&rsquo;activit&eacute;s communautaires &agrave; une </span>salle d&rsquo;attente &eacute;triqu&eacute;e laissant moins de place &agrave; la spontan&eacute;it&eacute;. Selon l&rsquo;une des travailleuses de ce service, certains usagers affirment <span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&laquo;</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;qu&rsquo;ils pr&eacute;f&eacute;raient quand m&ecirc;me [les autres locaux] pour ce c&ocirc;t&eacute; o&ugrave; &ccedil;a faisait vraiment maison, &ccedil;a faisait un peu famille, &ccedil;a faisait un peu cocon</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic"><span style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">. A</span>lors qu&rsquo;ici, pour le m&ecirc;me prix, &ccedil;a aurait pu &ecirc;tre un h&ocirc;pital. Dans la configuration, dans les couleurs, dans l&rsquo;agencement, c&rsquo;est pens&eacute; institution de soin</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;&raquo; (CSSI).</span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Ensuite, chaque organisation peut disposer d&rsquo;horaires d&rsquo;ouvertures diff&eacute;rents. Mais quand elles partagent des locaux, cela pose forc&eacute;ment question&nbsp;: <span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&laquo;</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;S&rsquo;il y a un patient [de notre structure], du coup nous on est ferm&eacute;, mais il peut quand m&ecirc;me rentrer parce qu&rsquo;il y a encore [une autre structure]</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;? Comment on fait</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;? Comment on g&egrave;re</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;?</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;&raquo; (CSSI). En m&ecirc;me temps, </span>si des horaires communs peuvent &ecirc;tre adopt&eacute;s, cela risque de contrevenir &agrave; la philosophie de travail de l&rsquo;organisation ainsi qu&rsquo;aux habitudes du public et des travailleurs. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Partager des locaux suppose &eacute;galement d&rsquo;assurer une communication et une planification entre travailleurs. Cela peut &ecirc;tre probl&eacute;matique quand les pratiques d&rsquo;intervention diff&egrave;rent. Par exemple, le service d&rsquo;accompagnement des usagers de drogue du CSSI ne fonctionne pas sur rendez-vous pour ses consultations, &agrave; l&rsquo;inverse des autres organisations&nbsp;: <span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&laquo;</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;c&rsquo;est difficile pour nous de pr&eacute;voir &agrave; l&rsquo;avance ce qui va arriver, s&rsquo;il y aura beaucoup ou pas de patients. Et du coup, quand est-ce qu&rsquo;on va devoir l&rsquo;utiliser ou pas ce local</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;&raquo;</span> (CSSI). Dans ce cas, la solution trouv&eacute;e consiste &agrave; attribuer quelques locaux pour certains services ou travailleurs, tandis que d&rsquo;autres sont en libre acc&egrave;s en fonction des besoins. De plus, les locaux sont divis&eacute;s entre ceux destin&eacute;s aux pratiques m&eacute;dicales et sanitaires, qui doivent disposer d&rsquo;un point d&rsquo;eau, et ceux pour les pratiques sociales qui ont besoin de moins d&rsquo;&eacute;quipements. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Pour ce qui est du num&eacute;ro vert, le fait de partager un m&ecirc;me espace de travail entre travailleurs sociaux issus de plusieurs structures leur a permis de renforcer les solidarit&eacute;s et de trouver du sens &agrave; leur action. La cohabitation a &eacute;t&eacute; d&eacute;cisive dans la construction m&ecirc;me de la fonction de r&eacute;pondant. Le fait qu&rsquo;ils se c&ocirc;toient tous les jours, durant la premi&egrave;re phase du dispositif, et soient confront&eacute;s aux m&ecirc;mes probl&egrave;mes et questions leur a permis de construire une approche commune&nbsp;: <i>&laquo;</i><i>&thinsp;On &eacute;tait derri&egrave;re des ordinateurs, on n&rsquo;avait pas d&rsquo;outils si ce n&rsquo;est ceux qu&rsquo;on avait l&rsquo;habitude d&rsquo;utiliser, mais qui n&rsquo;&eacute;taient pas &agrave; jour par rapport &agrave; la crise. Donc on&hellip; on t&acirc;tait le terrain, tous ensemble</i><i>&thinsp;&raquo; </i>(num&eacute;ro vert).</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Ensuite, ce lieu commun a permis aux travailleurs de partager leurs r&eacute;flexions, leurs craintes et leurs constats<b> </b>par rapport au syst&egrave;me social-sant&eacute; et de cr&eacute;er un esprit de corps entre travailleurs. Ces discussions n&rsquo;auraient pas trouv&eacute; leur place dans un fonctionnement distribu&eacute; entre structures&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&laquo;</span><span class="CitationmutCar" style="font-style:italic">&thinsp;On venait nourrir des d&eacute;bats plus philosophiques sur comment tourne maintenant la soci&eacute;t&eacute;, par rapport au num&eacute;rique, par rapport &agrave; la d&eacute;mat&eacute;rialisation, l&rsquo;isolement qui s&rsquo;en cr&eacute;ait. Donc l&agrave;, on &eacute;tait tous derri&egrave;re tout &ccedil;a. (&hellip;). </span><i>Un endroit qu&rsquo;on investissait tous ensemble autour de questions qui nous arrivaient. On devait coconstruire. Et &ccedil;a, &ccedil;a a &eacute;t&eacute; une grosse constatation et un gros plus que le projet a permis d&rsquo;amener. Entre professionnels, on se rencontrait physiquement. Bon apr&egrave;s, il y avait tout le c&ocirc;t&eacute; psychologique de se dire &ldquo;ok, on est content de voir des gens</i><i><span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">&rdquo;</span> plut&ocirc;t que derri&egrave;re un &eacute;cran. Mais derri&egrave;re &ccedil;a, il y a aussi le c&ocirc;t&eacute; &ldquo;bon bah, on se voit jamais en dehors de nos institutions</i><i><span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Arial&quot;,sans-serif">&rdquo;</span>. Les gens n&rsquo;ont pas le temps. Donc l&agrave;, ce projet-l&agrave; pour &ccedil;a c&rsquo;est chouette. &Ccedil;a permet de coconstruire quelque chose ensemble</i><i>&thinsp;&raquo; </i>(num&eacute;ro vert).</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">N&eacute;anmoins, le sens accord&eacute; &agrave; ce dispositif par les travailleurs sociaux reste circonstanciel. Il r&eacute;pond &agrave; un besoin tr&egrave;s sp&eacute;cifique qui apparait lors du premier confinement li&eacute; &agrave; l&rsquo;&eacute;pid&eacute;mie de Covid-19. &Agrave; ce moment, ces travailleurs font face &agrave; la fermeture physique d&rsquo;une partie des associations et des administrations publiques. Mais ils s&rsquo;attendent &agrave; une augmentation de la demande sociale. Les permanences collectives du num&eacute;ro vert ont ainsi eu un double effet sur les travailleurs sociaux. Elles leur ont permis de donner du sens &agrave; leur pratique en r&eacute;pondant directement &agrave; la demande sociale et ont bris&eacute; l&rsquo;isolement cr&eacute;&eacute; par la situation en instaurant un espace de mise en commun et de constitution d&rsquo;une exp&eacute;rience commune de la crise sanitaire.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Avec l&rsquo;assouplissement des r&egrave;gles de confinement, la baisse du nombre d&rsquo;appels et l&rsquo;augmentation de la fr&eacute;quentation physique des services, la raison d&rsquo;&ecirc;tre du num&eacute;ro vert s&rsquo;estompe. Les travailleurs sociaux impliqu&eacute;s y attachent un int&eacute;r&ecirc;t moindre et per&ccedil;oivent l&rsquo;organisation de permanences collectives comme une contrainte qui p&egrave;se sur leur travail quotidien. Les permanences sont alors d&eacute;centralis&eacute;es au sein des services, perdant d&egrave;s lors cette mise en commun. Pour y suppl&eacute;er, les coordinateurs du dispositif choisissent d&rsquo;organiser des intervisions entre r&eacute;pondants au num&eacute;ro vert. Mais ces r&eacute;unions ne sont pas toujours fr&eacute;quent&eacute;es par ces derniers. On constate dans ce cas un maintien des identit&eacute;s propres &agrave; chaque service, la cr&eacute;ation d&rsquo;une identit&eacute; collective entre r&eacute;pondants au num&eacute;ro vert restant limit&eacute;e.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">En r&eacute;sum&eacute;, la mise en commun de l&rsquo;activit&eacute; au sein d&rsquo;un m&ecirc;me espace peut favoriser la cr&eacute;ation d&rsquo;un sens commun, l&rsquo;enrichissement des pratiques et la solidarit&eacute; entre travailleurs. Mais cela d&eacute;pend du degr&eacute; de partage r&eacute;el des activit&eacute;s et des espaces. Une limite &agrave; ce partage peut s&rsquo;imposer en raison de la philosophie m&ecirc;me de travail de chaque organisation et les besoins des usagers.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><i>Vers une hybridation des pratiques professionnelles</i><i>&thinsp;?</i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">&Agrave; travers la mise en commun de travailleurs dans des espaces communs, on observe une hybridation des pratiques professionnelles. Elles ne s&rsquo;adaptent pas pour correspondre &agrave; un standard visant &agrave; gommer les sp&eacute;cificit&eacute;s de chaque modalit&eacute; d&rsquo;intervention. Elles se nourrissent les unes des autres pour s&rsquo;adapter &agrave; leurs modes de fonctionnement respectifs.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">La mutualisation permet avant tout de favoriser le partage direct d&rsquo;exp&eacute;riences. C&rsquo;est le cas du num&eacute;ro vert qui a renforc&eacute; les &eacute;changes entre travailleurs sociaux. Bien qu&rsquo;elles et ils partagent la m&ecirc;me formation et la m&ecirc;me profession, il subsiste des diff&eacute;rences dans l&rsquo;exercice de leur travail concret. Certains travailleurs sociaux se sp&eacute;cialisent dans une probl&eacute;matique, telle que l&rsquo;aide au logement ou la m&eacute;diation de dettes, tandis que d&rsquo;autres interviennent dans des quartiers pr&eacute;sentant des probl&eacute;matiques socio-&eacute;conomiques sp&eacute;cifiques. La mise en commun passe notamment par des &eacute;changes informels entre travailleurs et par la cr&eacute;ation d&rsquo;outils partag&eacute;s pour la gestion de la ligne t&eacute;l&eacute;phonique&nbsp;: balises de travail pour r&eacute;pondants, lexique pour l&rsquo;encodage des appels, r&eacute;pertoire de services. Le num&eacute;ro vert est donc un espace qui favorise les apprentissages mutuels, l&rsquo;interconnaissance et la production d&rsquo;une expertise sociale &agrave; l&rsquo;&eacute;chelle de la R&eacute;gion bruxelloise. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">La cr&eacute;ation de la nouvelle fonction de r&eacute;pondant a permis aux travailleurs sociaux impliqu&eacute;s de redonner du sens &agrave; leur pratique &agrave; travers la reconnaissance de leurs comp&eacute;tences dans le cadre d&rsquo;un nouveau dispositif. Le fait de choisir des assistants sociaux pour tenir la ligne d&rsquo;appel est autant un choix pratique &ndash; ce sont des travailleurs mobilisables &agrave; ce moment pr&eacute;cis de crise &ndash; qu&rsquo;un choix &eacute;thique&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><i>&laquo;</i><i>&thinsp;Et l&agrave;, survient la question&nbsp;: qui est finalement form&eacute;, qui est finalement arm&eacute;, qui est finalement dispos&eacute; de faire un travail de cet ordre-l&agrave;</i><i>&thinsp;qui est une mani</i><i>&egrave;re g</i><i>&eacute;n</i><i>&eacute;raliste, mais avec quand m</i><i>&ecirc;me ce petit c</i><i>&ocirc;t</i><i>&eacute; psychologique aussi de r</i><i>&eacute;pondre </i><i>&agrave; une population dans l&rsquo;attente de r&eacute;ponses qu&rsquo;on n&rsquo;a pas</i><i>&thinsp;? Finalement, on s&rsquo;est rendu compte que tout le monde pouvait le faire, mais qu&rsquo;il fallait quand m&ecirc;me avoir un petit peu de connaissances dans le secteur (social) [&hellip;] On s&rsquo;est dit que l&rsquo;assistant social &eacute;tait la personne la plus dispos&eacute;e pour </i>(num&eacute;ro vert)&thinsp;&raquo;.<i> </i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Ainsi, le num&eacute;ro vert s&rsquo;appuie sur les comp&eacute;tences d&rsquo;&eacute;coute et les connaissances du secteur social d&eacute;tenues par les travailleurs sociaux.<i> </i>Cependant, la fonction de r&eacute;pondant, qui reste malgr&eacute; tout une mission d&rsquo;orientation et non de suivi de la demande, s&rsquo;&eacute;carte en partie des sp&eacute;cificit&eacute;s du m&eacute;tier d&rsquo;assistant social tel qu&rsquo;il est pratiqu&eacute; dans le secteur associatif bruxellois. &Agrave; long terme, il ne contribue pas suffisamment &agrave; renforcer le sens accord&eacute; &agrave; leur travail, celui-ci &eacute;tant essentiellement fond&eacute; sur la capacit&eacute; &agrave; trouver des solutions concr&egrave;tes aux difficult&eacute;s rencontr&eacute;es par leurs usagers.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Une mutualisation a davantage d&rsquo;effets sur les pratiques professionnelles lorsqu&rsquo;elle met r&eacute;guli&egrave;rement en pr&eacute;sence des travailleurs qui appartiennent &agrave; des services diff&eacute;rents. Dans le cas du CSSI, le regroupement de services au sein de m&ecirc;mes locaux a encourag&eacute; le d&eacute;veloppement de collaborations entre travailleurs. <a name="_Hlk152832710">Ils </a><a name="_Hlk153197057">apprennent &agrave; conna&icirc;tre les sp&eacute;cificit&eacute;s de leurs publics respectifs et adaptent leurs pratiques pour faciliter l&rsquo;acc&egrave;s &agrave; leurs services. </a>Par exemple, l&rsquo;une des professionnelles de sant&eacute; du planning familial re&ccedil;oit parfois des patientes du service d&rsquo;accompagnement d&rsquo;usagers de drogues&nbsp;:</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><i>&laquo;</i><i>&thinsp;</i><i>&hellip; ce qui est chouette aussi, c&rsquo;est que, de plus en plus, ils essayent d&rsquo;&ecirc;tre un peu plus bas seuil, un peu plus tol&eacute;rants, laxistes, entre guillemets, dans leurs conditions d&rsquo;acc&egrave;s pour le public. Par exemple, la [professionnelle de sant&eacute; du] planning familial, elle est l&agrave; deux fois par semaine et c&rsquo;est sur rendez-vous. On a plusieurs fois essay&eacute; de mettre des rendez-vous &agrave; des patientes, mais alors elles ne viennent pas et c&rsquo;est emb&ecirc;tant pour le planning, c&rsquo;est emb&ecirc;tant pour nous. Et du coup maintenant, c&rsquo;est de se dire&nbsp;: &ldquo;eh bah, la [professionnelle de sant&eacute;], elle est l&agrave; le mardi et le vendredi. Si vous avez quelqu&rsquo;un qui a besoin, vous nous passez un petit coup de fil et on intercale d&rsquo;office. Comme &ccedil;a, on ne bloque pas un rendez-vous qui sera peut-&ecirc;tre tr&egrave;s probablement perdu pour la [professionnelle de sant&eacute;], pour une autre patiente du planning &agrave; ce moment-l&agrave;&rdquo;</i><i>&thinsp;</i><i>&raquo; </i>(CSSI).</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Ici, la professionnelle de sant&eacute; instaure des modalit&eacute;s de prise en charge diff&eacute;renci&eacute;es pour les publics plus vuln&eacute;rables, moins &agrave; m&ecirc;me de respecter les conventions instaur&eacute;es. La mutualisation, en favorisant la mise en pr&eacute;sence de professionnels avec des publics qu&rsquo;ils n&rsquo;ont pas l&rsquo;habitude d&rsquo;accueillir, incite ces derniers &agrave; adapter leurs pratiques. Quant aux travailleurs du service d&rsquo;accompagnement d&rsquo;usagers de drogues, ils parviennent &agrave; redonner du sens &agrave; leur action en contribuant &agrave; la prise en charge de leurs publics par la mobilisation d&rsquo;autres professionnels de la sant&eacute; et du social.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Bien que les travailleurs issus des diff&eacute;rentes organisations collaborent et adaptent leurs pratiques au sein du CSSI, la constitution de fonctions partag&eacute;es entre organisations reste limit&eacute;e. C&rsquo;est le cas de la fonction d&rsquo;accueil. Le centre dispose d&rsquo;une salle d&rsquo;attente commune, &agrave; l&rsquo;exception du service d&rsquo;accompagnement des usagers de drogues, comme nous l&rsquo;avons mentionn&eacute; pr&eacute;c&eacute;demment. Malgr&eacute; cela, chaque service pr&eacute;voit ses propres accueillants&nbsp;: &laquo;&thinsp;<i>C&rsquo;est le desk comme &agrave; l&rsquo;a&eacute;roport quoi&nbsp;: ils ont chacun un macaron. Un macaron, tu vois avec un petit dessin&nbsp;: tu vas au service social, c&rsquo;est cette accueillante-l&agrave;, tu vas &agrave; la maison m&eacute;dicale, c&rsquo;est cet accueillant-l&agrave;&thinsp;</i>&raquo; (Fonction de direction, CSSI). </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Le maintien des accueils divis&eacute;s s&rsquo;explique de plusieurs mani&egrave;res. Tout d&rsquo;abord, chaque service dispose d&rsquo;un accueil sp&eacute;cialis&eacute; qui demande des comp&eacute;tences sp&eacute;cifiques ou qui fonctionne de mani&egrave;re diff&eacute;rente. Dans le cas du centre de planning familial, celui-ci est dans l&rsquo;obligation de fournir un accueil psychosocial avec un travailleur form&eacute; &agrave; cette d&eacute;marche. Par ailleurs, certains services travaillent sur rendez-vous tandis que d&rsquo;autres disposent d&rsquo;un accueil de type communautaire, les usagers pouvant rester dans la salle d&rsquo;attente sans avoir &agrave; formuler une demande sp&eacute;cifique. De plus, chaque service utilise ses propres outils informatiques. Ils poss&egrave;dent tous un logiciel de donn&eacute;es usagers-patients propre &agrave; leur secteur. Un accueil unique obligerait le personnel &agrave; utiliser plusieurs logiciels en m&ecirc;me temps, ce qui risquerait de ralentir le fonctionnement de l&rsquo;accueil. La difficult&eacute; de fusionner les accueils constitue donc un probl&egrave;me pratique, mais aussi de diff&eacute;rence de philosophie de travail. Chaque service ayant d&eacute;velopp&eacute; sa propre approche de l&rsquo;accueil des publics, il est difficile d&rsquo;envisager leur fusion sans contraindre leur standardisation. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Par ailleurs, la crainte de standardisation des pratiques professionnelles &eacute;merge de la mise en co-pr&eacute;sence de services sociaux et de services de sant&eacute;. Il serait possible d&rsquo;assister &agrave; une&nbsp;&laquo;&thinsp;sanitarisation du social&thinsp;&raquo; (Scodellaro, 2006), entendue comme &laquo;&thinsp;le processus &ndash; &agrave; la fois conceptuel, institutionnel et interactionnel &ndash; qui am&egrave;ne &agrave; aborder certains probl&egrave;mes publics en recourant aux formes d&rsquo;expertise propres au champ de la sant&eacute;&thinsp;&raquo; (Moriau &amp; Bottero, 2023, p.&nbsp;15). &Agrave; l&rsquo;&eacute;chelle des services, elle impliquerait notamment une standardisation des pratiques des travailleurs du social sur celles des travailleurs de la sant&eacute;. Pour autant, nous n&rsquo;avons pas rencontr&eacute; ce ph&eacute;nom&egrave;ne au sein du CSSI&thinsp;; m&ecirc;me si davantage d&rsquo;observations seraient n&eacute;cessaires pour en d&eacute;terminer ou non l&rsquo;existence.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">L&rsquo;hybridation des pratiques nait donc de la capacit&eacute; des travailleurs issus de diff&eacute;rentes organisations de passer d&rsquo;une forme de travail en co-pr&eacute;sence, dans laquelle ils se c&ocirc;toient, mais ne coop&egrave;rent pas, &agrave; une forme de travail en collaboration. Dans des cas plus int&eacute;gr&eacute;s de mutualisation, on pourrait assister au d&eacute;veloppement d&rsquo;un travail en commun qui remet en question les fronti&egrave;res entre associations et permet la mise en place de fonctions r&eacute;ellement partag&eacute;es. En revanche, ceci pourrait se faire au d&eacute;triment des approches sp&eacute;cifiques d&eacute;velopp&eacute;es par chaque organisation, propres &agrave; leur culture associative. </span></span></span></p> <p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><b>Conclusion</b></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">La mutualisation associative, dans une vis&eacute;e de regroupement des services et des travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux, n&rsquo;entraine pas de facto une standardisation des pratiques professionnelles. Les travailleurs peuvent en revanche exprimer des craintes autour de la possible remise en question de la culture associative de leur organisation. Ils estiment que le rapprochement aupr&egrave;s d&rsquo;autres associations et le d&eacute;m&eacute;nagement au sein de locaux communs pourraient perturber les modalit&eacute;s de prise en charge de leur public. Ceci se confirme en partie, la disposition de l&rsquo;espace dans lequel se d&eacute;roule l&rsquo;activit&eacute; de l&rsquo;association ayant un fort impact sur son organisation. La mutualisation vient d&rsquo;autant plus affecter le travail quand les associations impliqu&eacute;es sont de secteurs d&rsquo;activit&eacute; diff&eacute;rents et ont d&eacute;velopp&eacute; des pratiques d&rsquo;intervention sp&eacute;cifiquement adapt&eacute;es &agrave; leur public. Dans le cas d&rsquo;organisations appartenant &agrave; un m&ecirc;me secteur, la mutualisation est davantage capable de renforcer la solidarit&eacute; entre travailleurs &agrave; travers la constitution d&rsquo;exp&eacute;riences communes. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">La mutualisation permet en revanche une hybridation des pratiques professionnelles. Les services propos&eacute;s par les travailleurs s&rsquo;adaptent ainsi &agrave; de nouveaux publics ou &agrave; des publics peu touch&eacute;s pr&eacute;c&eacute;demment. Elle encourage &eacute;galement les collaborations entre professionnels qui peuvent ensuite se formaliser avec le temps. N&eacute;anmoins, les effets d&rsquo;int&eacute;gration des mutualisations sont limit&eacute;s, chaque travailleur restant principalement associ&eacute; &agrave; son organisation. Quant &agrave; la constitution de fonctions communes entre associations, elle reste difficile &agrave; mettre en place tant que les organisations disposent de modes de fonctionnement &eacute;loign&eacute;s.</span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">La mutualisation, en cherchant &agrave; &ecirc;tre une proposition interm&eacute;diaire entre la mise en r&eacute;seau et la fusion associative (Amblard, 2012), court le risque de ne pas satisfaire les attentes d&rsquo;int&eacute;gration des services port&eacute;s par les pouvoirs publics. Parall&egrave;lement, elle ne serait pas capable de lever les craintes des travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux sur les risques de remise en cause de leurs pratiques professionnelles. En m&ecirc;me temps, elle permet tout de m&ecirc;me d&rsquo;apporter des transformations concr&egrave;tes au b&eacute;n&eacute;fice des publics concern&eacute;s. Dans un contexte marqu&eacute; par le sentiment d&rsquo;impuissance des travailleurs sociaux et m&eacute;dico-sociaux sur leur capacit&eacute; &agrave; apporter des solutions concr&egrave;tes aux probl&eacute;matiques de leurs usagers, la mutualisation pourrait potentiellement redonner du sens &agrave; leurs pratiques en favorisant la recherche de solutions partag&eacute;es. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">Par ailleurs, la mutualisation op&egrave;re des transformations au-del&agrave; des pratiques professionnelles. Elle contribue &agrave; restructurer les modes d&rsquo;organisation du travail et les processus d&eacute;cisionnels au sein des associations concern&eacute;es. Les mutualisations des fonctions technico-administratives vont aussi souvent de pair avec les autres formes de mise en commun que nous venons d&rsquo;aborder. Bien que p&eacute;riph&eacute;riques &agrave; l&rsquo;activit&eacute; des organisations, elles peuvent avoir des effets sur le travail quotidien des travailleurs de terrain. Explorer ces autres dimensions des mutualisations associatives serait ainsi pertinent pour saisir l&rsquo;ensemble des transformations qu&rsquo;elles apportent &agrave; la r&eacute;organisation des secteurs du social et de la sant&eacute;. </span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif">&nbsp; </span></span></span></p> <p style="margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><b>Bibliographie</b></span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span style="font-variant:small-caps">Amblard C.</span>, 2012, &laquo;&thinsp;Coop&eacute;ration et regroupement des associations&nbsp;: aspects juridiques et fiscaux&thinsp;&raquo;, <i>Revue internationale de l&rsquo;&eacute;conomie sociale</i>, 326, p.&nbsp;64<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>70.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Chobeaux F.</span>, 2015, &laquo;&thinsp;Plaidoyer pour un accueil inconditionnel&thinsp;&raquo;, <i>VST - Vie sociale et traitements</i>, 126, p.&nbsp;63<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>65.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Deniau M.</span>, 2014, &laquo;&thinsp;&Eacute;tude exploratoire sur les nouvelles pratiques de mutualisation ou de coop&eacute;ration inter-organisationnelles dans le secteur culturel&thinsp;&raquo;, Paris, minist&egrave;re de la Culture et de la Communication, d&eacute;partement des &eacute;tudes, de la prospective et des statistiques.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Desgagn&eacute; S.</span>, 1997, &laquo;&thinsp;Le concept de recherche collaborative&nbsp;: l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;un rapprochement entre chercheurs universitaires et praticiens enseignants&thinsp;&raquo;, <i>Revue des sciences de l&rsquo;&eacute;ducation</i>, <i>23</i>, 2, p.&nbsp;371<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>393.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Grenier C.</span>, <span style="font-variant:small-caps">Guitton-Philippe S.</span>, 2011, &laquo;&thinsp;La question des regroupements/mutualisations dans le champ sanitaire et social&nbsp;: l&rsquo;institutionnalisation d&rsquo;un mouvement strat&eacute;gique ?&thinsp;&raquo;, <i>Management &amp; Avenir</i>, <i>7</i>, 47, p.&nbsp;98<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>113.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Haut Conseil du travail social</span>, 2023, &laquo;&thinsp;Livre blanc du Travail Social&thinsp;&raquo;, Paris.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Henry P.</span>, 2021, &laquo;&thinsp;Mutualisation et coll&eacute;gialit&eacute; dans les associations culturelles employeuses en France&thinsp;&raquo;, Opale.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Lancelevee C.</span>, 2016, <i>Quand la prison prend soin</i>, Th&egrave;se de sociologie, Paris, EHESS, 459&nbsp;p.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Macilotti G.</span>, <span style="font-variant:small-caps">Boucher M.</span>, 2022, &laquo;&thinsp;Les professionnels de la d&eacute;viance et de la d&eacute;linquance&nbsp;: quels enjeux d&rsquo;hybridation ? Pratiques des acteurs, lieux d&rsquo;intervention et logiques professionnelles&nbsp;:&thinsp;&raquo;, <i>Sciences &amp; Actions Sociales</i>, 16, p.&nbsp;1<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>14.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Marival C.</span>, 2011, &laquo;&thinsp;Associations de solidarit&eacute; et strat&eacute;gies de reconnaissance&nbsp;: Une diversit&eacute; de r&eacute;ponses associatives aux pressions institutionnelles&thinsp;&raquo;, <i>Revue internationale de l&rsquo;&eacute;conomie sociale</i>, 322, p.&nbsp;62<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>79.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Moriau J.</span>, 2022, &laquo;&thinsp;Les quatre &eacute;tapes de la gestion publique du secteur associatif &agrave; Bruxelles (1945-2015)&thinsp;&raquo;, dans <i>Cent ans d&rsquo;associatif en Belgique&hellip; Et demain</i><i> ?</i>, Bruxelles, Agence Alter &Eacute;ditions (Collectif&nbsp;21), p.&nbsp;159<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>169.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Moriau J.</span>, <span style="font-variant:small-caps">Bottero M.</span>, 2023, &laquo;&thinsp;Territorialisation et int&eacute;gration des politiques social-sant&eacute;&nbsp;: quelle place pour la question sociale ?&thinsp;&raquo;, <i>Pauv&eacute;rit&eacute;</i>, 40, p.&nbsp;1<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>27.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Richez-Battesti N.</span>, <span style="font-variant:small-caps">Petrella F.</span>, <span style="font-variant:small-caps">Marival C.</span>, 2017, &laquo;&thinsp;Risques et potentialit&eacute;s des restructurations interassociatives&thinsp;&raquo;, <i>Revue internationale de l&rsquo;&eacute;conomie sociale</i>, <i>2</i>, 344, p.&nbsp;41<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>57.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Roth&eacute; C.</span>, 2010, &laquo;&thinsp;&ldquo;Jeunes en errance&rdquo;&nbsp;: Les effets pervers d&rsquo;une prise en charge adapt&eacute;e&thinsp;&raquo;, <i>Agora d&eacute;bats/jeunesses</i>, 54, p.&nbsp;87<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>99.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Scodellaro C.</span>, 2006, &laquo;&nbsp;La lutte contre la maltraitance des personnes &acirc;g&eacute;es&nbsp;: politique de la souffrance et sanitarisation du social&nbsp;&raquo;, <i>Lien social et Politiques</i>, 55, p.&nbsp;77<span lang="FR-BE" style="font-family:&quot;Cambria Math&quot;,serif">‑</span>88.</span></span></span></p> <p class="MsoBibliography" style="margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:107%"><span style="font-family:Aptos, sans-serif"><span lang="FR-BE" style="font-variant:small-caps">Van&nbsp;Campenhoudt L.</span>, <span style="font-variant:small-caps">Franssen A.</span>, <span style="font-variant:small-caps">Cantelli F.</span>, 2009, &laquo;&nbsp;La m&eacute;thode d&rsquo;analyse en groupe&nbsp;: Explication, applications et implications d&rsquo;un nouveau dispositif de recherche&nbsp;&raquo;, <i>SociologieS [en ligne], URL&nbsp;: http://journals.openedition.org/sociologies/2968</i>.</span></span></span></p> <p style="margin-bottom:11px">&nbsp;</p>