<p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:18.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Anselmo Botte</span></span></span></span></span></span></p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><b><i><span style="font-size:26.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:"><span style="color:red">Pasolini &agrave; Barile</span></span></span></span></i></b></span></span></span></p> <p align="center" style="text-align:center; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><i><span style="font-size:12.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">traduit de l&rsquo;italien par J&eacute;r&ocirc;me Denis</span></span></span></i></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Culottes courtes, chaussettes hautes jusqu&rsquo;en-dessous du genou et cuisses froides, entre les oliveraies, les taches blanches des cerisiers. Le cr&eacute;puscule du soir apr&egrave;s une journ&eacute;e de printemps : l&rsquo;air charg&eacute; de pollen&nbsp;; la bourre des peupliers soulev&eacute;e dans un tourbillonnement circulaire&nbsp;par un souffle des plus d&eacute;licats&nbsp;; les graines de pissenlit tournoyant dans le vent. On courait apr&egrave;s une balle dans les pr&egrave;s&nbsp;; des jets de lance-pierres dirig&eacute;s vers le ciel condamnaient d&rsquo;innocentes hirondelles&nbsp;; chasse f&eacute;roce de l&eacute;zards et serpents; le chant aigu des grillons&nbsp;; au loin, des cloches retentissaient ; une joie effr&eacute;n&eacute;e, bruyante et endiabl&eacute;e. A l&rsquo;improviste, c&rsquo;est un v&eacute;ritable arsenal de voitures, camions &agrave; remorque, triporteurs &agrave; moteur et fourgons qui d&eacute;barqua &agrave; Barile, pourtant le lendemain ce n&rsquo;&eacute;tait pas jour de march&eacute;. Une avalanche d&rsquo;&eacute;trangers, foule bigarr&eacute;e venue de la ville, &ccedil;a se voyait &agrave; leurs visages, leurs v&ecirc;tements. Des habits modernes. Ils inspiraient une agr&eacute;able impression. Quand ils commenc&egrave;rent &agrave; parler, ce fut clair qu&rsquo;ils venaient de la capitale. &laquo;&nbsp;Je n&rsquo;aurais jamais pens&eacute; qu&rsquo;il puisse y avoir des routes aussi tortueuses&nbsp;&raquo;, dit l&rsquo;un d&rsquo;entre eux en sortant de la voiture pour s&rsquo;&eacute;tirer. &laquo;&nbsp;Oui, tu as raison, gr&acirc;ce au ciel nous sommes arriv&eacute;s&nbsp;&raquo;. Ils demeur&egrave;rent ainsi pendant quelques minutes, l&rsquo;un en face de l&rsquo;autre. &laquo;&nbsp;Regardez donc ! Ils approchent : saluez-les, saluez poliment. O&ugrave; doit-on loger&nbsp;? Dans un village pr&egrave;s d&rsquo;ici&nbsp;? Bien&nbsp;! Quand allons-nous nous d&eacute;barrasser de cette poussi&egrave;re&nbsp;?&nbsp;&raquo; &laquo;&nbsp;Attendez, nous venons juste d&rsquo;arriver. De toute mani&egrave;re, nous devrions peut-&ecirc;tre d&rsquo;abord dissiper les craintes de ces gens&nbsp;&raquo;. Des gens des plus &eacute;tranges, et personne pour leur demander&nbsp;: bonjour, messieurs&nbsp;! D&rsquo;o&ugrave; venez-vous, qui &ecirc;tes-vous, que voulez-vous&nbsp;? Bon sang ! Tu te retournes, et&hellip; qu&rsquo;est-ce que c&rsquo;&eacute;tait que &ccedil;a&nbsp;? Que faisaient-ils l&agrave;&nbsp;?</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Finalement, l&rsquo;audace, trait on ne peut moins caract&eacute;ristique de ce peuple, l&rsquo;emporta et l&rsquo;identit&eacute; de ces inconnus fut d&eacute;couverte.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">C&rsquo;est ici que Pier Paolo Pasolini avait d&eacute;cid&eacute; de tourner une partie de <i>l&rsquo;Evangile selon Matthieu</i>. En 1964, j&rsquo;avais &agrave; peine onze ans, &agrave; San Remo, Gigiola Cinquetti avait gagn&eacute; avec <i>Non ho l&rsquo;et&agrave;</i> (&laquo;&nbsp;Je n&rsquo;ai pas l&rsquo;&acirc;ge&nbsp;&raquo;), Bob Dylan chantait depuis deux ans <i>Blowin&rsquo; in the Wind</i>, sans que ce &laquo;&nbsp;souffle du vent&nbsp;&raquo; ne nous effleure, les disques des Beatles &eacute;taient introuvables. Quel monde &eacute;trange&nbsp;! Un r&eacute;alisateur avait atterri justement ici, et en y r&eacute;fl&eacute;chissant, c&rsquo;&eacute;tait le mieux qui puisse arriver. Le lendemain, &agrave; l&rsquo;&eacute;cole, les ma&icirc;tres en parlaient &agrave; voix basse, comme quand on veut &agrave; la fois dire et taire quelque chose, et sur ce sujet comme sur tant d&rsquo;autres, nous n&rsquo;en savions rien. Inutile de se fatiguer, impossible de leur tirer les vers du nez. La seule fois o&ugrave; le sujet fut abord&eacute; &agrave; la maison, ce fut pour nous interdire de nous aventurer du c&ocirc;t&eacute; des caves, derri&egrave;re l&rsquo;&eacute;glise de la Signora del Carmine. Quelque chose d&rsquo;exceptionnel se tramait, &ccedil;a sautait aux yeux, et Dieu seul savait ce que c&rsquo;&eacute;tait. Pour ce genre de choses, les enfants ont un flair stup&eacute;fiant et &agrave; chaque fois ou presque, ils d&eacute;cident de partager le secret avec Notre Seigneur. &Agrave; cet &acirc;ge-l&agrave;, dans ce genre de moments d&eacute;cisifs, on ne perd pas son temps pour des broutilles, et sans trop r&eacute;fl&eacute;chir, on fonce droit vers la zone interdite. C&rsquo;est maintenant ou jamais, on y va&nbsp;! En attendant, il y avait toujours quelqu&rsquo;un qui pr&eacute;tendait tout savoir. Nicola, un jeune d&rsquo;une quinzaine d&rsquo;ann&eacute;es qui exer&ccedil;ait sur nous une sorte de fascination, en profitait pour nous faire avaler tout ce qui lui passait par la t&ecirc;te. Il allumait sa cigarette achet&eacute;e &agrave; l&rsquo;unit&eacute;, se frappait la poitrine de la paume et faisait sortir la fum&eacute;e de son nez, d&rsquo;un geste, il nous envo&ucirc;tait et nous &eacute;tions suspendus &agrave; ses l&egrave;vres, silencieux. Il ne faisait pas peur mais commandait tout le monde du regard.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Taisez-vous et &eacute;coutez-moi, voil&agrave; ce qui s&rsquo;est pass&eacute;&nbsp;: Pasolini &eacute;tait &agrave; la recherche d&rsquo;endroits pour raconter la vie de J&eacute;sus. Il est all&eacute; en Palestine, &eacute;videmment&hellip; mais o&ugrave; vas-tu comme &ccedil;a&nbsp;! Laisse tomber, n&rsquo;y pense plus, la Palestine que tu cherches est ici. En traversant la Basilicate, il est tomb&eacute; sur les caves, oui, celles-l&agrave; m&ecirc;me creus&eacute;es dans le tuf. Arr&ecirc;te-toi, arr&ecirc;te-toi ici, a-t-il cri&eacute; au chauffeur, que tout le monde descende de voiture. Il n&rsquo;en croyait pas ses yeux, il s&rsquo;agitait en tous sens, il s&rsquo;avan&ccedil;ait et reculait, enlevait et remettait ses lunettes. Son regard demandait qui donc avait travaill&eacute; cette pierre, model&eacute; ces cavit&eacute;s, &oelig;uvre de gens depuis longtemps enterr&eacute;s&nbsp;: informez-vous&nbsp;! Il avait l&rsquo;air de se demander comment il &eacute;tait possible qu&rsquo;il n&rsquo;ait pas connaissance de ces lieux, alors que ces choses existaient depuis une &eacute;ternit&eacute;. Les avoir sous le nez sans le savoir. Il n&rsquo;arrivait pas &agrave; y croire. Les caves, imbriqu&eacute;es les unes aux autres, lui avaient explos&eacute; au visage. Il contemplait ce lieu&nbsp;: mais regardez, regardez bien, cette v&eacute;g&eacute;tation sauvage, ces tiges d&rsquo;herbes qui courent vainement, le cou allong&eacute;, c&rsquo;est &agrave; ce damner, tout est parfait, c&rsquo;est dans ces grottes qu&rsquo;il na&icirc;tra.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais tais-toi, qu&rsquo;est-ce que tu en sais, d&rsquo;abord&nbsp;!&nbsp;&raquo; lui dis-je avec d&eacute;sinvolture.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Je vous dis que c&rsquo;est la v&eacute;rit&eacute;, j&rsquo;ai entendu les grands en parler au bar.&nbsp;&Eacute;coutez&nbsp;: Pasolini restait plant&eacute; sur place&nbsp;; - Oui, c&rsquo;est pas mal -, acquies&ccedil;aient les autres derri&egrave;re lui. &ndash; Vraiment, ce serait pas mal du tout -, se convainquirent-ils tous petit &agrave; petit. &ndash; L&agrave;-bas, il na&icirc;tra et ici, juste l&agrave; o&ugrave; nous sommes, la fuite, apr&egrave;s le &laquo;&nbsp;massacre des innocents&nbsp;&raquo;. Attends, attends, la fuite aussi on la tournera l&agrave;-bas. Ici, la Madone &agrave; dos d&rsquo;&acirc;ne son enfant dans les bras et, devant eux, Saint Joseph tenant la bride, l&agrave;-bas les soldats qui descendent et les femmes qui s&rsquo;enfuient en prot&eacute;geant l&rsquo;a&icirc;n&eacute;. Parfait, on y est&nbsp;!- &raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais qu&rsquo;est-ce que tu es encore en train de t&rsquo;inventer, esp&egrave;ce d&rsquo;&acirc;ne&nbsp;! Alors il y a un type qui se met &agrave; visiter la Basilicate et comme par hasard il &eacute;choue&nbsp;&agrave; Barile&nbsp;! Y&rsquo;a pas &agrave; dire, t&rsquo;as de l&rsquo;imagination&nbsp;! Qu&rsquo;est-ce que tu vas encore nous sortir comme b&ecirc;tise&nbsp;?&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Je n&rsquo;ai pas de temps &agrave; perdre avec quatre sales morveux, je suis un imb&eacute;cile, une esp&egrave;ce de cr&eacute;tin. Demandez &agrave; qui vous voulez, moi, je ne vous dirai plus rien.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Ne fais pas attention &agrave; lui, nous, on te croit&nbsp;: vas-y, continue &agrave; raconter&nbsp;&raquo;, l&rsquo;exhort&egrave;rent les autres. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Alors vous me croyez, vous&hellip; parfait. Pasolini a jet&eacute; quelques coups d&rsquo;&oelig;il pour visualiser les plans qui d&eacute;filaient dans son esprit&nbsp;: les caves qui lui faisaient face, il mesurait les distances, imaginait ses personnages &eacute;parpill&eacute;s &ccedil;&agrave; et l&agrave;. Aux caves succ&eacute;daient les maisons, construites p&ecirc;le-m&ecirc;le mais quadrill&eacute;es de rues r&eacute;guli&egrave;res, du moins c&rsquo;est ce qu&rsquo;on voyait &agrave; cette distance. Il a demand&eacute; le nom du village et l&rsquo;a not&eacute;. Comment est-ce possible, un nom d&rsquo;origine albanaise&nbsp;? Ah, mais regarde un peu tout ce qu&rsquo;on a l&agrave;&nbsp;: des paysans, des artisans, aucun commerce, trois-quatre mille personnes et le maire d&eacute;mocrate-chr&eacute;tien, deux cur&eacute;s&hellip; Il &eacute;tait profond&eacute;ment satisfait, il y avait tout ce qu&rsquo;il fallait. Il a pass&eacute; un long moment &agrave; &eacute;tudier les plans, en suivant des yeux ce lieu de tournage, il est rest&eacute; l&agrave; jusqu&rsquo;au soir, se r&eacute;jouissant int&eacute;rieurement de la chance qui avait crois&eacute; sa route aussi facilement. Allez, en voiture, les amis&nbsp;! Une fois embarqu&eacute;s, ils ont roul&eacute; vers Dieu sait o&ugrave;. Eh oui, les choses se sont r&eacute;ellement pass&eacute;es comme &ccedil;a. Les caves, qui ne valaient rien, s&rsquo;&eacute;taient soudain transform&eacute;es en un merveilleux lieu de tournage cin&eacute;matographique et on trouverait difficilement endroit plus adapt&eacute;.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo; Mais n&rsquo;importe quoi&nbsp;! Tu veux vraiment que quelqu&rsquo;un croit &agrave; une chose pareille&nbsp;?&nbsp;&raquo; continuai-je &agrave; le contredire, seul.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Ne t&rsquo;occupe pas de lui, continue&nbsp;&raquo;.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Pasolini a fait sa demande &agrave; la Mairie, et le maire a r&eacute;uni le Conseil Municipal &ndash; Je veux bien &ecirc;tre pendu si j&rsquo;y comprends quelque chose, il y a un fou qui veut faire na&icirc;tre J&eacute;sus dans les caves du Scescio. &ndash; Et toi, qu&rsquo;est-ce que tu lui as dit&nbsp;? &ndash;&nbsp;Je ne lui ai encore rien dit, nous devons d&eacute;cider ensemble. &ndash; Ce Pasolini est un communiste, et une p&eacute;dale, attention &agrave; ce que nous faisons, &eacute;vitons les emmerdements. &ndash; Oui, tout &ccedil;a, je veux bien, mais quel autre dingue d&eacute;boulera dans le coin pour tourner un film&nbsp;? Pensez &agrave; la publicit&eacute;. Et puis il dit qu&rsquo;il a besoin de nombreux figurants et de quelques acteurs, qu&rsquo;il les paiera bien. &ndash; A ces derni&egrave;res paroles, plus d&rsquo;un membre du&nbsp; Conseil municipal sursauta sur sa chaise, les yeux mi-clos et le menton relev&eacute; comme seuls les gens de ce village savent le faire. &ndash; Voyons, voyons, &ccedil;a peut peut-&ecirc;tre se faire. Il faudra faire un peu attention &agrave; des petites choses, et nous devons parler avec le cur&eacute;, P&egrave;re Domenico, car ce sont des questions d&rsquo;&Eacute;glise. Plus tard, je passerai &agrave; la sacristie et je lui en parlerai. La s&eacute;ance est lev&eacute;e. &ndash; Non, non, attends&nbsp;! Maire, un instant, mais les figurants&hellip; On lui donne l&rsquo;autorisation, mais c&rsquo;est nous qui devons choisir les figurants et les acteurs&nbsp;? &ndash;&nbsp;Mon cher adjoint, aucune id&eacute;e. Que Dieu t&rsquo;accompagne&nbsp;! &ndash; Ce que le maire et le cur&eacute; se sont dit, vous pouvez l&rsquo;imaginer. Entre r&eacute;primandes et r&eacute;probation, ils ont finalement r&eacute;ussi &agrave; trouver un terrain d&rsquo;entente, et la permission fut accord&eacute;e. C&rsquo;est comme &ccedil;a que &ccedil;a s&rsquo;est pass&eacute;, que vous le croyez ou non&nbsp;! Et toi, qu&rsquo;est-ce que tu as &agrave; me regarder comme &ccedil;a, tu ne me crois pas&nbsp;? Tant pis pour toi.&nbsp;&raquo; Je me tenais &agrave; l&rsquo;&eacute;cart en faisant une telle moue que mes l&egrave;vres touchaient presque mon nez. Moi, je n&rsquo;y croyais tout simplement pas, &agrave; ces b&ecirc;tises. Il fallait des preuves, et ce saligaud n&rsquo;en avait aucune, il &eacute;tait juste bon &agrave; faire sortir la fum&eacute;e par le nez, &ccedil;a, on pouvait le lui accorder. Une belle imagination, il n&rsquo;y avait pas &agrave; dire, il avait brod&eacute; sa fable dans les moindres d&eacute;tails. On pouvait &ecirc;tre d&rsquo;accord avec certaines suppositions, mais pour le reste&nbsp;? Le reste appartenait aux passions humaines, mesquines et nobles. Je ne r&eacute;ussis pas &agrave; objecter quoique ce soit. Ces jours-l&agrave;, nous avons laiss&eacute; les devoirs de c&ocirc;t&eacute; pour aller crapahuter aux caves. Eh bien l&agrave;-bas, en collant aux basques du r&eacute;alisateur, en tendant l&rsquo;oreille quand il parlait, je m&rsquo;&eacute;tais fait une id&eacute;e, et je vais vous la dire.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Comme ils &eacute;taient &eacute;tranges, les yeux de Pier Paolo Pasolini, ils &eacute;taient vraiment sp&eacute;ciaux&nbsp;; je vais essayer de les d&eacute;crire&nbsp;: &agrave; la fois extraordinairement sensibles et extraordinairement rapides, comme les sauts d&rsquo;un li&egrave;vre. Il s&rsquo;aventurait dans des coins recul&eacute;s et morts, d&eacute;nichait des lieux et des personnes, il voyait des choses que d&rsquo;autres n&rsquo;auraient jamais ne serait-ce qu&rsquo;entrevues. Attir&eacute; par cette colline pleine de trous, c&rsquo;est ici qu&rsquo;il d&eacute;cida de tourner les sc&egrave;nes de la nativit&eacute;, du massacre des innocents et de la fuite de la Sainte Famille sur le petit &acirc;ne. Vous les avez vues, les caves creus&eacute;es dans le tuf&nbsp;? On ne dirait pas une cr&egrave;che&nbsp;? Qui d&rsquo;autre aurait jamais fait na&icirc;tre un b&eacute;b&eacute; entre ces cailloux puants de vin&nbsp;? Et pourtant, ces caves, ces trous lentement arrondis un coup apr&egrave;s l&rsquo;autre par la b&ecirc;che qui y avait creus&eacute; ses sillons, ce vert de musc, ce petit ruisseau qui coulait en bas de la vall&eacute;e, lui donnant sa forme serpentine, avec une petite retouche &ccedil;&agrave; et l&agrave;, devinrent un lieu sacr&eacute;, et c&rsquo;&eacute;tait ici que devait na&icirc;tre J&eacute;sus. Et puis, ces grottes&nbsp;: les parois de musc, les portes de bois, les entr&eacute;es de pierre. Autour, une vall&eacute;e aride et vide s&rsquo;ouvrait &agrave; l&rsquo;infini, le regard allait se perdre entre les &eacute;tendues d&rsquo;oliviers et, au-del&agrave; du torrent, les collines de bl&eacute; ; puis, de nouveau, des vergers et des vignes. Juste sous la route goudronn&eacute;e, face aux caves et s&eacute;par&eacute; par le ravin, un champ d&rsquo;amandiers. La vue surplombante depuis cette route &eacute;tait magnifique en tous points. Bref, il fallait absolument descendre de la voiture&nbsp;: arr&ecirc;te-toi, arr&ecirc;te-toi ici&nbsp;! Puis contempler et ne pas pouvoir dire autre chose que ceci&nbsp;: l&agrave;, il y a l&rsquo;&eacute;table de la nativit&eacute;, comment &ccedil;a, vous ne la voyez pas&nbsp;? Elle est tout au fond, cette petite grotte, tu la vois&nbsp;? Et en bas de cet escarpement, les soldats d&rsquo;Erode, tu les vois remonter &agrave; cheval et &eacute;gorger les nouveau-n&eacute;s&nbsp;? En compagnie de cet homme, chaque jour offrait vraiment son lot de d&eacute;couvertes. Oui, ces caves avaient &eacute;t&eacute; faites pour &ccedil;a. Il n&rsquo;y avait pas &agrave; dire. Il avait un flair particulier pour rechercher et d&eacute;nicher les lieux topographiques pour ses tournages. Il ne recherchait pas de territoires mythiques, mais de poussi&egrave;re, et ici, il y en avait &agrave; s&rsquo;en enivrer. Son regard attentif semblait rechercher, dans les rep&eacute;rages, la pr&eacute;sence vivante des choses. Il entrait dans le lieu choisi, l&rsquo;isolait, puis en effa&ccedil;ait la fonction premi&egrave;re pour finalement le manipuler en le transformant en un espace propice &agrave; la sc&egrave;ne. Des forteresses inaccessibles &agrave; la plupart des gens, lui s&rsquo;approchait par un autre chemin o&ugrave; des bras amicaux accueillaient l&rsquo;h&ocirc;te, &agrave; son arriv&eacute;e, et le guidaient jusqu&rsquo;au sommet des coins recul&eacute;s dont lui seul voyait les beaut&eacute;s alentours. Les choses devaient se passer plus ou moins ainsi, sinon il faut m&rsquo;expliquer &agrave; qui diable serait jamais venue l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;utiliser les caves pour faire du cin&eacute;ma&nbsp;? Pasolini avait une veste grise, une chemise blanche et une cravate noire comme ses lunettes, les cheveux coiff&eacute;s en arri&egrave;re, une expression r&eacute;serv&eacute;e, presque timide, comme s&rsquo;il devait s&rsquo;excuser de quelque chose, un pantalon large, comme celui des ploucs, mais contrairement &agrave; ces derniers, le sien &eacute;tait propre et bien repass&eacute;, le pli pr&eacute;cis, il finissait par terre et recouvrait ses chaussures, brillantes comme une pomme&nbsp;; comment faisait-il pour les garder ainsi, au milieu de toute cette terre, c&rsquo;&eacute;tait le plus grand myst&egrave;re. Bah&nbsp;! Va comprendre. Il avait de la classe, il &eacute;tait bien habill&eacute;, &eacute;l&eacute;gant, d&rsquo;une fra&icirc;cheur lumineuse, un air d&eacute;licat sur son visage creus&eacute;. Il &eacute;tait maigre comme un clou, &agrave; quelles restrictions soumettait-il son alimentation&nbsp;? On aurait dit qu&rsquo;il se nourrissait uniquement de l&eacute;zards, eh bien, pas de probl&egrave;me&nbsp;! T&rsquo;en veux combien&nbsp;? Il portait une paire de lunettes aux verres tr&egrave;s fonc&eacute;s et &agrave; monture noire, les m&ecirc;mes que celles de Gino Mingio, aveugle de naissance.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais il y voit ou il n&rsquo;y voit pas&nbsp;?&raquo; demandai-je lorsque je le vis pour la premi&egrave;re fois derri&egrave;re la Signora del Carmine, alors je l&rsquo;avais suivi entre les caves avec une bande de gamins.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;&Eacute;videmment qu&rsquo;il y voit, sinon, comment il pourrait &ecirc;tre r&eacute;alisateur, qu&rsquo;est-ce que tu racontes&nbsp;!&raquo;, me r&eacute;pondirent-ils presque en ch&oelig;ur.&nbsp; Ce jour-l&agrave;, Pasolini &eacute;tait entour&eacute; de nombreuses personnes qui parlaient un bon italien&nbsp;; il y avait m&ecirc;me un po&egrave;te, Alfonso Gatto, probablement celui qui &eacute;tait un peu vieux, le chapeau de paille sur la t&ecirc;te. Les po&egrave;tes, comme chacun sait, ont tous un certain &acirc;ge, ce devait forc&eacute;ment &ecirc;tre lui. Un po&egrave;te, un r&eacute;alisateur, ce n&rsquo;&eacute;tait certes pas De Sica et Ungaretti, mais c&rsquo;&eacute;tait tout aussi beau de marcher avec eux. &Agrave; ses c&ocirc;t&eacute;s, il y avait aussi de belles femmes, et l&agrave;, moi et ma clique on n&rsquo;y comprenait plus rien. Pasolini ne jouissait pas d&rsquo;une bonne r&eacute;putation, nous avions entendu dire tout ce que le village savait parfaitement&nbsp;: il faisait l&rsquo;amour avec des hommes, il &eacute;tait communiste, et pour cette raison, le pr&ecirc;tre n&rsquo;avait m&ecirc;me pas voulu le recevoir (on ne sait pas si c&rsquo;&eacute;tait plus pour la premi&egrave;re ou la deuxi&egrave;me raison, sans doute que les deux d&rsquo;un coup avaient &eacute;tourdi le pauvre P&egrave;re Domenico, pire que les coups de la grande cloche. La premi&egrave;re chose, encore, bon, il pouvait la tol&eacute;rer, chez lui aussi il y en avait beaucoup. Mais avec la deuxi&egrave;me, il ne fallait pas plaisanter, il y en avait peu, mais ils &eacute;taient de plus en plus nombreux). Alors qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;il faisait, entour&eacute; de ces belles femmes&nbsp;? En plus, le cin&eacute;aste leur souriait et les caressait, les prenait par la taille, et quand l&rsquo;une d&rsquo;elles arriva, il la serra fort dans ses bras. Avec elles, il avait s&ucirc;rement &eacute;t&eacute; au lit, aucun doute l&agrave;-dessus, mon p&egrave;re n&rsquo;avait jamais ainsi caress&eacute;, enlac&eacute; ou pris ma m&egrave;re par la taille, pourtant, le lit grin&ccedil;ait presque chaque soir et &ccedil;a faisait longtemps que je savais pourquoi. Et alors&nbsp;? Tout confondait et laissait interdit, mais l&rsquo;on n&rsquo;avait pas le temps de se perdre en conjectures, on fon&ccedil;ait droit vers le tournage.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Pasolini avait toujours ses lunettes fonc&eacute;es sur le nez, personne n&rsquo;a jamais vu ses yeux, personne n&rsquo;en connaissait la couleur, et lui n&rsquo;avait pas l&rsquo;intention de la d&eacute;voiler. Derri&egrave;re ses verres noirs, ses yeux lan&ccedil;aient des regards qui semblaient monter du tr&eacute;fonds de l&rsquo;&acirc;me, se heurtaient &agrave; ces verres pour finir on ne sait o&ugrave;. Il mettait devant la cam&eacute;ra des personnages qui nous faisaient penser &agrave; des taupes, c&rsquo;est-&agrave;-dire tout ce qu&rsquo;on pouvait imaginer de plus laid sur la surface de la terre. Parmi les figurants qu&rsquo;il avait s&eacute;lectionn&eacute;s, il y avait Angiolicchio, p&eacute;quenaud du Scescio comme la plupart. Il &eacute;tait &agrave; l&rsquo;&eacute;cole avec moi, la poliomy&eacute;lite l&rsquo;avait estropi&eacute;, il &eacute;tait bossu et chacun de ses pas ressemblait &agrave; un coup de faux&nbsp;: compl&egrave;tement bancal, mettre un pied devant l&rsquo;autre n&eacute;cessitait de gros efforts et des contorsions. D&rsquo;&eacute;pais cheveux noirs lui descendaient sur le front pour aller toucher deux sourcils robustes comme une corde. Quelle sorte de personnage devait-il repr&eacute;senter, pour quelle esp&egrave;ce de cin&eacute;ma&nbsp;? Et les autres&nbsp;? On aurait pu passer notre vie &agrave; les passer au crible.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Et &ccedil;a alors, non, je n&rsquo;aurais jamais pu l&rsquo;imaginer. Vous avez vu&nbsp;? Il y a m&ecirc;me Mauruccio&nbsp;!&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Ah, pauvres de nous&nbsp;! Celui-l&agrave;, on dirait une statue de cire&nbsp;: essaye un peu de trouver la moindre expression sur son visage.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Oui, quand on pense &agrave; tous les visages magnifiques qui auraient pu rendre tellement bien.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;A qui tu penses&nbsp;?&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Ben toi, par exemple, tu as vraiment le type id&eacute;al pour jouer un enfant de la Palestine.&nbsp;&raquo; </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Toi aussi, pourquoi pas&nbsp;?&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais qui les a choisis &agrave; votre avis&nbsp;: l&rsquo;adjoint au maire ou le r&eacute;alisateur&nbsp;?&nbsp;&raquo; </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Ah, &ccedil;a&nbsp;! Quelle question int&eacute;ressante&nbsp;! Il s&rsquo;en passe de belles dans ce village&nbsp;! Tu vas voir, &agrave; tous les coups, on va finir par s&rsquo;apercevoir qu&rsquo;il y a de la politique l&agrave;-dessous.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais arr&ecirc;tez un peu&nbsp;: ils doivent jouer le r&ocirc;le des m&eacute;chants, c&rsquo;est pour &ccedil;a qu&rsquo;ils les ont choisis moches.&nbsp;&raquo; </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais tu m&eacute;langes tout&nbsp;! Quels m&eacute;chants&nbsp;? Tu la connais, l&rsquo;histoire&nbsp;? Dans le massacre des innocents, les m&eacute;chants sont &agrave; cheval.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;L&rsquo;histoire&hellip; D&eacute;sol&eacute;, moi, j&rsquo;y comprends rien&hellip;&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">L&rsquo;argumentation n&rsquo;&eacute;tait pas extraordinaire, bref, &nbsp;chacun disait la sienne&nbsp;; &eacute;tendus dans l&rsquo;herbe, en cercle, l&rsquo;un en face de l&rsquo;autre, plus d&rsquo;une fois nous avons ainsi suivi, de loin, le d&eacute;roulement du tournage. C&rsquo;&eacute;tait difficile de dire ce qui se passait, les sentinelles nous gardaient &agrave; bonne distance. Les yeux riv&eacute;s sur les personnages, ils nous semblaient des fourmis qui se d&eacute;pla&ccedil;aient et changeaient de position, mais nous &eacute;tions envelopp&eacute;s d&rsquo;une impression extraordinaire dont nous ne saisissions pas tout le sens. En tous cas, nous parlions joyeusement, sourires h&eacute;ro&iuml;ques aux l&egrave;vres, comme si tout cela nous appartenait, qu&rsquo;on l&rsquo;avait conquis de nos mains pour toujours. Nous tournions en rond, lutteurs pr&ecirc;ts &agrave; entrer en sc&egrave;ne &agrave; la moindre br&egrave;che ou &agrave; la moindre distraction du gardien. Puis, quand ils avaient tourn&eacute; assez de pellicule, ils arr&ecirc;taient. Et je voyais Pasolini qui remontait des caves sans fiasque de vin &agrave; la main. En l&rsquo;observant bien, on voyait les pens&eacute;es fuser en lui, elles semblaient remonter d&rsquo;abysses sans fond et regarder vers un infini lointain. Il enqu&ecirc;tait silencieusement sur ce qu&rsquo;il sentait en lui. C&rsquo;est du moins l&rsquo;impression qu&rsquo;il me donnait. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Pendant les pauses, ils nous laissaient descendre au milieu du plateau de tournage. Les portes et les parois des caves avaient &eacute;t&eacute; reconstruites avec du polystyr&egrave;ne, sur une fa&ccedil;ade, on avait dessin&eacute; une fen&ecirc;tre plus vraie que nature, toujours avec le m&ecirc;me mat&eacute;riel, un lampadaire avait &eacute;t&eacute; transform&eacute; en palmier, en haut duquel se trouvaient des branches (vraies, celles-ci) venues d&rsquo;on ne sait o&ugrave;. Le cin&eacute;ma, c&rsquo;&eacute;tait une tromperie, tout &eacute;tait renvers&eacute; et sens dessus-dessous, pensai-je, un mensonge enjoliv&eacute; par une v&eacute;rit&eacute; opaque, la source de toutes les illusions, invent&eacute;e sans aucun scrupule en cr&eacute;ant de dr&ocirc;les de portraits qui, clairement, ne pouvaient sortir que de l&rsquo;esprit d&rsquo;un escroc, d&rsquo;un fou. Je m&rsquo;&eacute;tais fait cette id&eacute;e-l&agrave;&nbsp;: le r&eacute;alisateur de <i>l&rsquo;&Eacute;vangile selon Mathieu</i> ne pouvait &ecirc;tre, entre autres, qu&rsquo;un fou, et avec lui tous ceux de sa race. Capable de vous faire sortir une pyramide de nulle part, et qui sait quelles autres merveilles pouvaient appara&icirc;tre sous nos yeux. Un coup de peinture par-ci, par-l&agrave;, m&ecirc;me l&rsquo;air &eacute;tait rempli de couleurs, d&rsquo;une lumi&egrave;re nouvelle, on pouvait sentir la main du peintre. J&rsquo;&eacute;prouvais un plaisir et une &eacute;motion tr&egrave;s intenses et posait lentement mon regard sur chaque chose pour savourer cette beaut&eacute; inattendue. Sur le seuil de ces caves ainsi par&eacute;es, les propri&eacute;taires tra&icirc;naient avec toute leur famille, ils &eacute;taient v&ecirc;tus avec ce qui se portait du temps de J&eacute;sus et avaient l&rsquo;air vraiment curieux. Ils passaient leur temps, immobiles, en attendant que l&rsquo;&oelig;il de la cam&eacute;ra les filme pendant quelques instants. Comme il &eacute;tait difficile de savoir quand cela se produirait, ils restaient l&agrave; des journ&eacute;es enti&egrave;res sans rien faire. On leur apportait &agrave; manger de la maison, que pouvaient-ils demander de plus. Avec ces turbans sur la t&ecirc;te, je ne peux pas dire de quoi ils avaient l&rsquo;air, les femmes portaient des v&ecirc;tements longs jusqu&rsquo;aux pieds, des voiles color&eacute;s qui leur couvraient la t&ecirc;te, et les enfants, des jupes bizarres. Certains &eacute;taient chauss&eacute;s de sandales en cuir dont les lacets remontaient jusqu&rsquo;au-dessus du mollet, d&rsquo;autres &eacute;taient pieds nus. Pendant toute la dur&eacute;e du tournage, une multitude de gens abandonn&egrave;rent le travail des champs, chang&egrave;rent de m&eacute;tier et, pendant quinze jours se firent acteurs, bien pay&eacute;s juste pour laisser les caves ouvertes. S&rsquo;ils ne s&rsquo;&eacute;taient pas d&eacute;p&ecirc;ch&eacute;s pour finir le tournage, s&rsquo;ils avaient continu&eacute; encore un peu, il y aurait eu fort &agrave; parier que les r&eacute;coltes de cette ann&eacute;e-l&agrave; soient fichues. Paysans, artisans et commer&ccedil;ants, tous envoy&egrave;rent m&eacute;tiers et boutiques au diable. Le caract&egrave;re albanais se montra l&agrave; sous un jour inhabituel&nbsp;: ce peuple connu pour sa nature statique, qu&rsquo;on pouvait &ecirc;tre s&ucirc;r de retrouver l&agrave; o&ugrave; on l&rsquo;avait laiss&eacute;, m&ecirc;me apr&egrave;s un si&egrave;cle, pendant ces quelques jours, au contraire, prouvait vigoureusement, avec un &eacute;lan magnifique, qu&rsquo;il &eacute;tait capable de changements aussi soudains qu&rsquo;insoup&ccedil;onn&eacute;s.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais alors, pourquoi ils s&rsquo;en vont&nbsp;? On a fini&nbsp;?&nbsp;&raquo; demanda l&rsquo;ami Rocco sur le seuil de la cave en mettant la table sur une bo&icirc;te en bois, pendant que de l&rsquo;int&eacute;rieur sortait une mauvaise odeur d&rsquo;humidit&eacute;.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Mais non, on n&rsquo;a pas fini, il est &agrave; peine trois heures. Ils vont manger en vitesse et ils reviennent. Ils doivent tourner une sc&egrave;ne &agrave; la tomb&eacute;e du soir.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Il me vint en t&ecirc;te une pens&eacute;e &eacute;trange&nbsp;: &eacute;tait-il possible que, malgr&eacute; toutes les diableries, les espaces qui s&rsquo;agrandissent ou r&eacute;tr&eacute;cissent, ils ne sachent pas jouer avec l&rsquo;ombre et la lumi&egrave;re et qu&rsquo;ils aient besoin du d&eacute;clin du jour pour tourner les sc&egrave;nes&nbsp;? Allez, inventez un autre truc, &eacute;tonnez-nous encore.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Rocco, mon ami, go&ucirc;te-moi le vin blanc de cette ann&eacute;e, sens comme il sent bon.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Le blanc, c&rsquo;est pour les femmes et les d&eacute;bauch&eacute;s. Un doigt, juste un doigt.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Oh, je comprends. Moi aussi, j&rsquo;&eacute;vite, mais avec une friture d&rsquo;anchois, c&rsquo;est du plus bel effet.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;C&rsquo;est bien vrai, tu as raison, alors tu m&rsquo;en ram&egrave;nes une fiasque &agrave; No&euml;l.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Ils disent qu&rsquo;il reste encore quatre jours de tournage, tu en sais quelque chose, toi&nbsp;?&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;&Ccedil;a se pourrait bien. La naissance, ils l&rsquo;ont film&eacute;e, les Rois Mages aussi. Demain, ils am&egrave;nent les chevaux et commencent &agrave; tourner le massacre. La sc&egrave;ne de la Madone qui s&rsquo;en va &agrave; dos d&rsquo;&acirc;ne, &ccedil;a sera fait en un rien de temps.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Dommage, je ne me suis pas repos&eacute; comme &ccedil;a depuis des ann&eacute;es&nbsp;! Par contre, maintenant il faut que je fasse mettre les fers &agrave; l&rsquo;&acirc;ne, ce soir je l&rsquo;am&egrave;ne chez le forgeron.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;J&rsquo;ai attrap&eacute; un gros rhume &agrave; force d&rsquo;&ecirc;tre rest&eacute; &agrave; la cave. Bon sang&nbsp;! L&rsquo;humidit&eacute;, le froid, je sens une sueur glac&eacute;e dans le dos.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Prends des cachets, &ccedil;a te passera tout de suite.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;&Ccedil;a me donne envie de dormir.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Et tu dors. Avec ce que tu as gagn&eacute;, tu peux dormir tranquille pendant quelques jours. En attendant, finis-moi ce verre de vin. Il reste un peu de p&acirc;tes aux haricots, tu en veux&nbsp;?&nbsp;&raquo;&nbsp; </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Je suis rassasi&eacute;, mais le vin, je l&rsquo;accepte volontiers. Va chercher les cartes, qu&rsquo;on se fasse une bataille.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Alors, mon ami, tout va bien en ce moment&nbsp;!&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Oui, que veux-tu de plus&nbsp;! C&rsquo;est la Madone de Constantinople qui l&rsquo;a amen&eacute; ici&nbsp;! Dommage que tout passe si vite.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Eh bien, alors buvons, une bonne gorg&eacute;e et hop, la vie continue.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Sens &ccedil;a, l&rsquo;ami, et distribue les cartes.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Difficile de dire combien de litres de vin furent &eacute;coul&eacute;s durant ces jours, nul ne le sait. Le fait qu&rsquo;on ne pouvait d&eacute;celer nulle trace d&rsquo;inqui&eacute;tude sur le visage de ces &eacute;tranges figurants&nbsp;&eacute;tait la preuve&nbsp; qu&rsquo;ils en avaient &eacute;coul&eacute; des torrents, depuis quelques jours; des esprits confus dialoguaient avec on ne sait trop qui, la figure avin&eacute;e d&egrave;s le matin, ils somnolaient, b&acirc;illaient et contemplaient paresseusement la cave, ils auraient pu rester ainsi pendant trois mois d&rsquo;affil&eacute;e. Lunettes Noires les laissait faire, tout &ccedil;a ne l&rsquo;inqui&eacute;tait pas, ces dents et ces bouches noircies par le vin rouge, l&rsquo;Aglianico, il les trouvait m&ecirc;me int&eacute;ressantes et il y braquait l&rsquo;&oelig;il de la cam&eacute;ra. Il avait transform&eacute; cette marmaille en acteurs, et qui aurait pu le leur dire, &agrave; eux, figures de paysans, physionomies sans int&eacute;r&ecirc;t, manches &agrave; balai. Qui aurait pu leur dire qu&rsquo;un jour un r&eacute;alisateur fou passerait et leur ferait faire du cin&eacute;ma, et les paierait, en plus&nbsp;! Mieux valait ne pas y penser, c&rsquo;&eacute;tait &agrave; devenir dingue. Pendant les pauses, ils fumaient dans ces tuniques qui leur arrivaient sous les pieds, chose qu&rsquo;ils n&rsquo;&eacute;taient pas cens&eacute;s faire, parce qu&rsquo;un homme d&eacute;guis&eacute; en jud&eacute;en n&rsquo;aurait pas d&ucirc; avoir le droit de fumer. Cette cigarette qu&rsquo;ils tenaient et ces habits qu&rsquo;ils portaient semaient la confusion dans mon jeune esprit, les connaissances fugaces que j&rsquo;avais acquises &agrave; l&rsquo;&eacute;cole primaire. Pendant ce temps, entre les herbes hautes et la poussi&egrave;re, c&rsquo;&eacute;tait tout un man&egrave;ge, des pieds nus couraient dans diff&eacute;rentes directions, les femmes affair&eacute;es se heurtaient, attroupements, cohue, bavardages, on avait l&rsquo;impression d&rsquo;&ecirc;tre en plein march&eacute;. Les bourdons, mouches, moineaux et papillons ajoutaient encore plus de confusion. De l&eacute;gers courants d&rsquo;air montaient du ravin, soulevaient de fines particules de poussi&egrave;re. Pendant longtemps, nous les observions en marchant. &laquo;&nbsp;Rentrez chez vous, qu&rsquo;est-ce que vous faites l&agrave;&nbsp;!&nbsp;&raquo;, &laquo;&nbsp;Oui, oui&nbsp;&raquo;, faisions-nous de la t&ecirc;te, mais nous prenions d&rsquo;autres directions. Nous attendions avec curiosit&eacute; le moment o&ugrave; le chef rappellerait tout le monde &agrave; l&rsquo;ordre pour leur demander calmement de se mettre en place. Mais cet instant, nous ne l&rsquo;avons jamais v&eacute;cu&nbsp;; &ocirc; combien de fois nous nous en allions inconsolables, notre vengeance &eacute;tait de saccager des potagers et des vergers.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Au fond, il y avait la grotte de la nativit&eacute;, ils ont tourn&eacute; les sc&egrave;nes le matin, nous &eacute;tions &agrave; l&rsquo;&eacute;cole et donc n&rsquo;avons rien vu. Un trou minuscule, quelqu&rsquo;un avait manifestement commenc&eacute; &agrave; creuser une cave, puis &eacute;tait parti en vitesse vers le Nord en le laissant en plan. Des trous comme &ccedil;a, il y en avait plein, des caves avort&eacute;es &agrave; cause du boom &eacute;conomique. Le choix du b&eacute;b&eacute; est une histoire qui me concerne. Combien pesait J&eacute;sus &agrave; la naissance&nbsp;? Aucune recherche n&rsquo;a jamais d&eacute;voil&eacute; ce myst&egrave;re, aucun &Eacute;vangile n&rsquo;en parle. Mais m&ecirc;me sans ces &eacute;l&eacute;ments, au cin&eacute;ma, il &eacute;tait courant que des b&eacute;b&eacute;s &acirc;g&eacute;s de trois-cinq mois jouent le r&ocirc;le de nouveau-n&eacute;s : ils tiennent bien la sc&egrave;ne et rendent extraordinairement &agrave; l&rsquo;&eacute;cran. C&rsquo;est parti, allons le chercher. Pasolini se procura &agrave; la Mairie la liste des derniers n&eacute;s au village, et parmi eux, vous n&rsquo;y croirez pas, il y avait mon fr&egrave;re. Voici l&rsquo;adresse, allons-y, c&rsquo;est tout pr&egrave;s. On &eacute;tait &agrave; table quand on frappa &agrave; la porte. Cela n&rsquo;arrivait jamais, d&rsquo;habitude on entrait, puis on appelait. Il &eacute;tait &eacute;vident que ce n&rsquo;&eacute;tait pas des gens d&rsquo;ici. Ma m&egrave;re sortit en mastiquant.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Toutes mes excuses, nous pouvons repasser, si vous voulez&raquo;, dit le r&eacute;alisateur derri&egrave;re ses verres teint&eacute;s qu&rsquo;il ne leva pas m&ecirc;me &agrave; cette occasion. Je me ruai dehors &agrave; mon tour et le vis de nouveau accompagn&eacute; d&rsquo;autres personnes.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Non, nous avons fini. Entrez, vous voulez acheter quelque chose&nbsp;?&nbsp;&raquo; C&rsquo;&eacute;tait une vraie commer&ccedil;ante, ma m&egrave;re, capable de vendre des chaussures &agrave; un cul-de-jatte. Nous avions des produits alimentaires, mais on vendait de tout.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Merci, peut-&ecirc;tre plus tard. Il y a un nouveau-n&eacute; dans cette maison, il nous int&eacute;resse, nous sommes en train de faire un film sur J&eacute;sus et il nous manque le b&eacute;b&eacute;. Oh, excusez-moi, il dort. Ah oui, quel beau b&eacute;b&eacute;&nbsp;! C&rsquo;est exactement celui que nous cherchons. F&eacute;licitations, madame. Auriez-vous la gentillesse de venir avec nous, avec votre fils&nbsp;? Deux demi-journ&eacute;es suffiront, pas plus. Nous vous d&eacute;dommagerons g&eacute;n&eacute;reusement pour le d&eacute;rangement occasionn&eacute;.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Je n&rsquo;avais jamais entendu de voix aussi gentille, ni ma m&egrave;re, j&rsquo;imagine. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Non, c&rsquo;est impossible. Il est tout petit, il est allait&eacute; toutes les trois heures. En plus, il est un peu enrhum&eacute; depuis quelques jours. D&eacute;sol&eacute;e, mais je ne peux pas vous aider.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Madame, venez donc vous aussi. Nous chauffons la cave avec des po&ecirc;les. Vous n&rsquo;avez pas &agrave; vous inqui&eacute;ter.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Non, je ne peux pas laisser le magasin, et cette cr&eacute;ature est tellement petite qu&rsquo;elle tombera malade, c&rsquo;est s&ucirc;r.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;D&rsquo;accord, je n&rsquo;insiste pas. Au revoir.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Comment &ccedil;a&nbsp;! Il &eacute;tait parfait, ce b&eacute;b&eacute;, et ma m&egrave;re refusait. Elle avait peur de tout, m&ecirc;me de son ombre, elle &eacute;tait convaincue que son fils, mon fr&egrave;re, dans ces caves, nu de surcro&icirc;t, tombe malade, mais ce qui la d&eacute;cida par-dessus tout &agrave; refuser, ce furent les paroles du cur&eacute; &agrave; la messe&nbsp;: gardez vos distances avec cette faune, ne vous approchez pas de ces communistes &laquo;&nbsp;bizarres&nbsp;&raquo;. Il dit &laquo;&nbsp;bizarres&nbsp;&raquo; comme pour ne pas dire &laquo;&nbsp;p&eacute;d&eacute;rastes&nbsp;&raquo;, &ccedil;a, m&ecirc;me nous, nous l&rsquo;avions compris. Attendez, o&ugrave; allez-vous, c&rsquo;est moi qui vous l&rsquo;am&egrave;ne, le b&eacute;b&eacute;. Arr&ecirc;tez-vous, m&ecirc;me pour de faux, m&ecirc;me pour un seul jour, je veux &ecirc;tre le fr&egrave;re de J&eacute;sus Christ, moi. C&rsquo;est ce que j&rsquo;aurais voulu crier, mais aucun mot ne sortit de ma bouche. Le ma&icirc;tre aurait donn&eacute; ce devoir en classe&nbsp;: &laquo;&nbsp;Parlez du fr&egrave;re du Christ&nbsp;&raquo;. Revenez, s&rsquo;il vous pla&icirc;t. Je ne veux pas renoncer comme &ccedil;a &agrave; une parent&eacute; sacr&eacute;e. Maman, ne les laisse pas partir, ils te payent bien, ils chauffent la cave, ne pense pas au p&egrave;re Domenico. La troupe marchait d&rsquo;un pas assur&eacute; vers le deuxi&egrave;me nom de la liste et disparut bient&ocirc;t &agrave; l&rsquo;angle de la rue. Je me laissai tomber sur ma chaise, inconsolable, en pensant &agrave; je ne sais quoi, &agrave; c&ocirc;t&eacute;, une femme froide, une m&eacute;chante m&egrave;re, et un berceau o&ugrave; dormait un nourrisson&nbsp;; ils &eacute;taient venus en procession pour l&rsquo;adorer, et elle, elle les avait mis dehors. Franchement, mais pourquoi est-ce que cette histoire devait m&rsquo;arriver &agrave; moi&nbsp;? Je me le suis souvent demand&eacute;, je n&rsquo;ai jamais plus r&eacute;ussi &agrave; regarder mon fr&egrave;re sans penser &agrave; cet &eacute;v&egrave;nement. Tu as des fr&egrave;res et s&oelig;urs&nbsp;? Oui, un fr&egrave;re, il travaille &agrave; l&rsquo;usine Fiat de Melfi et il a failli devenir J&eacute;sus. Un marmot, &ccedil;a peut tout encaisser, mais n&rsquo;essayez pas de le priver d&rsquo;un destin extraordinaire. Il vit de r&ecirc;ves, entre rires et larmes, de sensations d&rsquo;intense bonheur et d&rsquo;infinie tristesse. L&rsquo;espace d&rsquo;un instant, je crus que ma vie pouvait changer, et au m&ecirc;me moment, une voix irr&eacute;elle faisait s&rsquo;&eacute;vanouir &agrave; jamais tout espoir que cette vision se concr&eacute;tise.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Pourquoi tu lui as dit non&nbsp;?&nbsp;&raquo;, dis-je timidement.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Parle moins fort, cette cr&eacute;ature vient de s&rsquo;endormir.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;Cette cr&eacute;ature aurait pu devenir l&rsquo;Enfant J&eacute;sus&nbsp;!&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&laquo;&nbsp;&Ccedil;a, c&rsquo;est la meilleure. On voit de tout aujourd&rsquo;hui, et on entend m&ecirc;me les puces aboyer. Il ne manquait plus que toi pour que l&rsquo;&oelig;uvre soit compl&egrave;te. Tu ferais mieux de faire tes devoirs.&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Vous pouvez me dire, s&rsquo;il vous pla&icirc;t, ce que les devoirs faisaient dans l&rsquo;histoire&nbsp;? &Ccedil;a va avec le &laquo;&nbsp;fais ceci, ne fais pas &ccedil;a&nbsp;&raquo;, art dans lequel excellent toutes les m&egrave;res du monde. Comment s&rsquo;entendre avec elles&nbsp;? Des natures divergentes&nbsp;: vous regardez la m&ecirc;me chose&nbsp;? L&rsquo;un voit un rond, l&rsquo;autre un carr&eacute;. Inutile de se fatiguer, mieux vaut ne pas insister, si on reste en dehors de <i>l&rsquo;&Eacute;vangile</i>, ce n&rsquo;est pas grave. A partir de maintenant, tu ne me verras plus faire l&rsquo;enfant de ch&oelig;ur&nbsp;! Toi et ce blanc-bec de cur&eacute;. Il n&rsquo;y avait plus de gar&ccedil;ons du m&ecirc;me &acirc;ge en circulation, mais eux, ils n&rsquo;ont pas perdu espoir, ils enr&ocirc;l&egrave;rent une petite fille pour tenir le r&ocirc;le du Christ. Pr&ecirc;tez-y attention, dans les sc&egrave;nes du film, vous le verrez toujours emmitoufl&eacute;. Je vous l&rsquo;avais dit, que le cin&eacute;ma &eacute;tait un mensonge, qui sait combien de petites filles il a fait passer pour des petits gar&ccedil;ons.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Une gueule &eacute;norme, carr&eacute;e, sans rien de particulier, des sourcils sauvages, des yeux creus&eacute;s, la peau cuite par le soleil comme tant d&rsquo;autres paysans, mais une t&ecirc;te, elle, massive, digne d&rsquo;un cyclope. On l&rsquo;appelait De Gasperi &agrave; cause de son engagement politique et de sa loquacit&eacute;. Lunettes Noires avait vu en lui l&rsquo;un des Rois Mages, et le d&eacute;guisa avec des habits de soie de la t&ecirc;te aux pieds. Sans le conna&icirc;tre, on n&rsquo;aurait jamais contest&eacute; le personnage, ne serait-ce qu&rsquo;un instant, tant il &eacute;tait parfait dans ce r&ocirc;le. Une apparition fugace devant la grotte, mais suffisante pour remarquer sur les traits de son visage des sentiments profonds et miraculeux. Autour, une nu&eacute;e d&rsquo;enfants mod&eacute;r&eacute;ment joyeux&nbsp;: Angiolicchio, encore, la chevelure &eacute;bouriff&eacute;e d&rsquo;une enfant dont je ne me souviens pas le nom, le visage triangulaire d&rsquo;un autre, les ailes de papillon attach&eacute;es au dos d&rsquo;un ange.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Apr&egrave;s la nativit&eacute;, le massacre des Innocents. Ils nous tenaient &agrave; distance, il y avait mon oncle, le chef des vigiles, incorruptible, il ne laissait personne s&rsquo;approcher, aucun privil&egrave;ge, pas m&ecirc;me pour son neveu. Il y a une chose qu&rsquo;on r&eacute;ussit &agrave; voir. Eh ben, des choses pareilles, on n&rsquo;en avait jamais vues de telles. Sur le terre-plein qui dominait la cave, une vingtaine de chevaux qu&rsquo;on avait fait venir des fermes de la province de Potenza, &agrave; leur croupe, des soldats aux casques dor&eacute;s qui brillaient au soleil, d&rsquo;autres soldats &agrave; pied avec le m&ecirc;me couvre-chef noir des Balilla fascistes, des &eacute;p&eacute;es. Ils portaient de simples casaques et des petits manteaux. Ils &eacute;taient tous immobiles, le regard s&eacute;rieux, perdu sur la colline d&rsquo;en face o&ugrave; jaillissait l&rsquo;amandier. Ils attendaient calmement les ordres. On siffla avec les doigts, et &agrave; ce signal ils se pr&eacute;cipit&egrave;rent &agrave; la h&acirc;te dans la pente raide des caves en hurlant des cris de guerre. En un instant, ils se firent guerriers, brulant d&rsquo;une flamme int&eacute;rieure. Ils avan&ccedil;aient de mani&egrave;re d&eacute;sordonn&eacute;e en faisant tournoyer leurs &eacute;p&eacute;es d&eacute;gain&eacute;es. Ils se dirigeaient vers un groupe de femmes qui se dispersait dans le d&eacute;dale des caves, un poupon blotti contre leur sein. Les caves &eacute;taient couvertes de corps qui tressaillaient, mais il fallait s&rsquo;approcher pour voir les visages, pour d&eacute;couvrir les d&eacute;tails. Les soldats apparurent par surprise, ils frappaient de tous c&ocirc;t&eacute;s, arrachaient les nourrissons factices, les ex&eacute;cutaient sur place en les transper&ccedil;ant &agrave; plusieurs reprises. Le bruit courait qu&rsquo;il y avait de vrais enfants, mais personne ne voulut y croire. Ce fut la pagaille g&eacute;n&eacute;rale&nbsp;: Angiolicchio roulait entre les pierres et les chardons&nbsp;; les hurlements des femmes et les cris des hommes s&rsquo;entrecroisaient&nbsp;; les langes des poupons flottaient comme des haillons&nbsp;; m&ecirc;me ceux qui devaient filmer &eacute;taient dans l&rsquo;excitation. Devant la f&eacute;rocit&eacute; et la cruaut&eacute; de cette sc&egrave;ne, les cheveux se dress&egrave;rent sur nos t&ecirc;tes. Pour la rendre plus r&eacute;aliste, Pasolini en personne promit aux femmes de doubler la paye de celle qui r&eacute;sisterait le plus longtemps &agrave; l&rsquo;assaut des soldats. Alors, vous conviendrez avec moi que le cin&eacute;ma n&rsquo;est qu&rsquo;un gros mensonge&nbsp;? Tous des menteurs&nbsp;: r&eacute;alisateur, acteurs, et tout le reste de la troupe. Pr&ecirc;ts &agrave; se serrer chaleureusement la main, &agrave; s&rsquo;embrasser quand le mensonge fonctionnait &agrave; la perfection, dispos&eacute;s &agrave; mettre la main &agrave; la poche pour que tout soit parfait. La sc&egrave;ne fut terrible, c&rsquo;&eacute;tait vraiment une extraordinaire manifestation de la force albanaise, les femmes d&eacute;fendirent de toutes leurs forces les poupons qu&rsquo;elles serraient contre leur poitrine et les soldats arrach&egrave;rent avec une r&eacute;elle violence ces faux enfants des seins maternels pour les d&eacute;capiter avec f&eacute;rocit&eacute;. Non contente d&rsquo;avoir r&eacute;sist&eacute; plus longtemps que les autres et de gagner la paie la plus &eacute;lev&eacute;e, une des femmes r&eacute;ussit &agrave; mettre un soldat &agrave; terre, et si seulement elle avait eu l&rsquo;&eacute;p&eacute;e, elle lui aurait arrach&eacute; la t&ecirc;te. Ce passage-l&agrave; n&rsquo;est pas dans le film, il aurait chang&eacute; le cours de l&rsquo;histoire&nbsp;: avait-on jamais vu les faibles prendre le dessus sur les puissants&nbsp;? M&ecirc;me pas au cin&eacute;ma. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&Agrave; la fin de la journ&eacute;e, toute la troupe cin&eacute;matographique s&rsquo;en allait au village et quand le soir tombait, Pasolini allait au cin&eacute;ma &laquo;&nbsp;Aurora&nbsp;&raquo; pour voir ce qui avait &eacute;t&eacute; tourn&eacute;. Mes souvenirs s&rsquo;emm&ecirc;lent, c&rsquo;&eacute;tait peut-&ecirc;tre un r&ecirc;ve ou un d&eacute;sir. Eh bien &ccedil;a ne fait rien&nbsp;: j&rsquo;ai comme l&rsquo;impression qu&rsquo;un soir, le cin&eacute;aste nous fit assister &agrave; la projection de quelques extraits tourn&eacute;s dans les caves. Nous &eacute;tions au poulailler, lui errant parmi nous. Un faisceau de lumi&egrave;re filtrait par la fente de la porte, &agrave; l&rsquo;&eacute;cran, l&rsquo;immense spectacle s&rsquo;&eacute;tendait devant nous et semblait se d&eacute;rouler sur la pente abrupte. L&rsquo;instant d&rsquo;apr&egrave;s, l&rsquo;&eacute;cran s&rsquo;illumina de visages familiers. Mais peut-&ecirc;tre s&rsquo;agit-il d&rsquo;un simple tour comme le sommeil peut en jouer&nbsp;: avait-on jamais vu un r&eacute;alisateur partager ces moments avec le public&nbsp;? Qui plus est, un public de morveux. Je ne me rappelle de rien d&rsquo;autre&nbsp;: comment je suis entr&eacute;, comment je suis sorti, combien nous &eacute;tions, qui nous &eacute;tions. Une anecdote qui ne m&eacute;rite peut-&ecirc;tre m&ecirc;me pas d&rsquo;&ecirc;tre racont&eacute;e, tant elle est vague et invraisemblable. </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px">&nbsp;</p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Quelques jours plus tard, tout &eacute;tait fini. Oui, tous ces endroits pleins de gens, du jour au lendemain, plus rien, dans la vall&eacute;e raide et escarp&eacute;e des caves, plus un chat. L&rsquo;herbe sur la rive semblait plus haute, et les chardons sauvages, plus droits. En haut, on pouvait encore voir le palmier qui ornait le lampadaire. De temps en temps apparaissait quelqu&rsquo;un qui tra&icirc;nait des fiasques de vin entre les sombres parois de tuf et de terre. Eho&nbsp;! O&ugrave; est-ce que vous allez, restez encore, vous n&rsquo;avez pas vu les oliveraies, le torrent&nbsp;: l&agrave;, vous pouvez mettre J&eacute;sus qui parle avec les ap&ocirc;tres&nbsp;; il y a la montagne&hellip; comment&nbsp;? Elle ne vous int&eacute;resse pas, tr&egrave;s bien&nbsp;! On oublie la montagne&nbsp;; la colline, regardez comme elle est belle, cette colline, parfaite, elle pourrait faire le Golgotha, elle est aussi pel&eacute;e au sommet, &ccedil;a rendrait tellement bien, trois croix plant&eacute;es l&rsquo;une &agrave; c&ocirc;t&eacute; de l&rsquo;autre, pas vrai&nbsp;? Et la Via Crucis&nbsp;? Vous voulez mettre les rues du village, elles n&rsquo;ont pas d&rsquo;&eacute;gales dans le monde, laissez tomber Matera, pour les rochers, venez avec moi, je vous montrerai le chemin. O&ugrave; allez-vous, arr&ecirc;tez-vous, restez, par piti&eacute;. Qu&rsquo;est-ce qu&rsquo;il vous faut&nbsp;? Dites-le moi, vous n&rsquo;avez qu&rsquo;&agrave; demander&nbsp;! Je d&eacute;sirais follement qu&rsquo;ils restent, voir J&eacute;sus grandir, entrer dans le temple et mettre les marchands dehors avec leurs marchandises, entrer triomphalement dans J&eacute;rusalem entre les palmiers s&rsquo;agitant sous le vent, et puis les jours de la Passion, la nuit de pri&egrave;re dans le </span></span></span><a href="http://fr.wikipedia.org/wiki/Gethsémani"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:"><span style="text-decoration:none"><span style="text-underline:none">Geths&eacute;mani</span></span></span></span></span></a><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">&nbsp;; le soir, nous serions tous all&eacute;s dans les oliveraies, c&rsquo;est un beau spectacle, tu n&rsquo;as pas id&eacute;e, Ponce Pilate se lave les mains entre les maisons basses en pierre blanches, vers la &laquo;&nbsp;grange&nbsp;&raquo;, la crucifixion et, finalement, la r&eacute;surrection, je serai votre t&eacute;moin privil&eacute;gi&eacute;, pour les d&eacute;tails, nous nous mettrons d&rsquo;accord, avec des choses simples et concr&egrave;tes, nous repr&eacute;senterons le miracle de la multiplication des pains et des poissons, nous ne donnerons de r&eacute;pit &agrave; personne, avec votre volont&eacute; et mon courage, nous ferons tout en un &eacute;clair, on ne se laissera pas accabler par la complexit&eacute; de l&rsquo;entreprise, aucun risque dans notre programme, nous ferons tout comme il faut sans discuter ni se disputer, nous percerons &agrave; jour les myst&egrave;res que cache cette terre, entre les plis des collines de couleur vive, les robes de bure et les tuniques bigarr&eacute;es. S&rsquo;il vous pla&icirc;t, une r&eacute;ponse, une d&eacute;monstration d&rsquo;int&eacute;r&ecirc;t, dites-moi que je ne suis pas fou, les choses que vous arrivez &agrave; peine &agrave; imaginer, &agrave; la fin, vous verrez, elles se r&eacute;v&egrave;leront exactement comme vous les voulez, avec la marque de cette pauvret&eacute; &eacute;vang&eacute;lico-paysanne qui vous pla&icirc;t tant. Mais eux, ils &eacute;taient d&eacute;j&agrave; loin, me laissant seul, bris&eacute; de chagrin. Alors moi aussi, je partirai avec vous&nbsp;! Pourquoi diable je resterai l&agrave;&nbsp;? Je viendrai avec vous, comme &ccedil;a, je pourrai continuer &agrave; m&rsquo;amuser&nbsp;! Ils s&rsquo;en all&egrave;rent avec le souffle l&eacute;ger du vent par un apr&egrave;s-midi limpide, &eacute;chang&egrave;rent un salut de la main avec les paysans qui rentraient des champs. Je n&rsquo;osais pas souffler mot et je ne pouvais pas les retenir, je n&rsquo;avais aucun argument&nbsp;; jamais je ne reverrai quelque chose de semblable et, pendant un instant, immobile comme une statue, je regardai au loin, submerg&eacute; par une douleur sourde, les yeux brouill&eacute;s, pendant que des cris d&rsquo;enfants et d&rsquo;hirondelles m&rsquo;assaillaient comme pour me prendre dans leurs bras. &laquo;&nbsp;Laissez-moi, je rentre &agrave; la maison, il n&rsquo;y a nulle part ailleurs o&ugrave; je puisse aller, &agrave; moins qu&rsquo;il ne revienne aux caves&hellip;&nbsp;&raquo;</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Ils laiss&egrave;rent un grand vide, mais marqu&egrave;rent &agrave; jamais l&rsquo;histoire de ce village. Pasolini s&rsquo;en alla, les caves sont toujours l&agrave;, dans le ravin. Aucun signe de vie, juste un chien pr&ecirc;t &agrave; d&eacute;guerpir. Jamais plus ce pays ne grouillera d&rsquo;une ruche aussi pleine.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Je ne saurais dire combien de temps s&rsquo;est &eacute;coul&eacute; depuis ce jour, les souvenirs se m&eacute;langent&nbsp;: j&rsquo;&eacute;tais au cin&eacute;ma &laquo;&nbsp;Aurora&nbsp;&raquo;, plein &agrave; craquer, et je mangeais des cacahou&egrave;tes &nbsp;en jetant les &eacute;corces par terre, &agrave; l&rsquo;&eacute;cran d&eacute;filaient les images de <i>l&rsquo;Evangile</i>. Ils &eacute;taient rest&eacute;s plus d&rsquo;une semaine, avaient tourn&eacute; des kilom&egrave;tres de pellicule, mais dans le film, les caves et les personnages villageois apparurent seulement dix minutes, ne laissant qu&rsquo;une trace t&eacute;nue. Difficile, &agrave; cet &acirc;ge, de se faire au message du film, plus tard, je sus qu&rsquo;il s&rsquo;agissait vraiment du Christ le plus humain jamais vu au cin&eacute;ma. &Agrave; ce moment-l&agrave;, l&rsquo;attention &eacute;tait accapar&eacute;e par les sc&egrave;nes o&ugrave; apparaissaient les caves et les visages familiers de ces dr&ocirc;les de personnages. Des apparitions br&egrave;ves, je voulais arr&ecirc;ter le film, mais &agrave; travers la toile, les images se succ&eacute;daient &agrave; un rythme qui me tenait en haleine. Des sc&egrave;nes en noir et blanc, ce n&rsquo;&eacute;tait pas le genre de cin&eacute;ma qui nous plaisait, disons-le tout net, &agrave; nous qui avions vu sur cet &eacute;cran les exploits d&rsquo;Hercule et Ursus en cin&eacute;mascope, et les images qui sortaient de la toile blanche pour se refl&eacute;ter sur le mur. En comparaison, comme ils &eacute;taient petits, les visages paysans qui bougeaient dans ce d&eacute;cor, notre pays&nbsp;! Les premiers plans s&rsquo;attardaient sur les Rois Mages, sur les soldats qui portaient des casques et le fez fasciste. Dans une sc&egrave;ne apparurent des femmes avec de longs voiles qui les couvraient de la t&ecirc;te aux pieds, et &agrave; leurs bras, de vrais enfants, les voil&agrave;&nbsp;! Celui qui l&rsquo;affirmait avait donc raison. Quand, dans l&rsquo;obscurit&eacute; de la salle, clignot&egrave;rent les images du nouveau-n&eacute;, je frottai mes yeux mouill&eacute;s avec la paume de la main. De temps en temps, l&rsquo;horizon apparaissait derri&egrave;re les collines de la Rendina, comme c&rsquo;&eacute;tait profond&nbsp;! La musique l&rsquo;&eacute;tait aussi, des cuivres et arcs plut&ocirc;t stridents qui faisaient froid dans le dos. &Agrave; l&rsquo;&eacute;cran, les caves donnaient un sentiment de solitude&nbsp;: o&ugrave; &eacute;taient donc pass&eacute;s tous ces gens&nbsp;? Volatilis&eacute;s. M&ecirc;me l&rsquo;&eacute;norme sc&egrave;ne du massacre d&eacute;gageait une profondeur solitaire. Les cr&eacute;atures et les lieux de Pasolini n&rsquo;avaient rien &agrave; voir avec les paradis sc&eacute;nographiques, ils &eacute;taient nus et crus comme un plat de p&acirc;tes aux pois chiches. J&rsquo;&eacute;tais captiv&eacute;, mais pas totalement, libre &agrave; l&rsquo;int&eacute;rieur de l&rsquo;espace de l&rsquo;&eacute;cran. Dans ce m&eacute;lange d&rsquo;images et de musique, de regards et d&rsquo;actions, je ne m&rsquo;aper&ccedil;us m&ecirc;me pas quand les caves et leur temps cin&eacute;matographique s&rsquo;&eacute;vapor&egrave;rent compl&egrave;tement et, que vous y croyiez ou pas, de ces pierres et de ces visages quelque chose d&rsquo;autre chose &eacute;tait sorti.</span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; text-indent:35.4pt; margin-bottom:11px"><span style="font-size:11pt"><span style="line-height:150%"><span calibri="" style="font-family:"><span style="font-size:14.0pt"><span style="line-height:150%"><span georgia="" style="font-family:">Pr&egrave;s des caves, il y a une place au nom du r&eacute;alisateur. Chaque ann&eacute;e s&rsquo;y tient une f&ecirc;te, nous pensons qu&rsquo;il en est ravi.&nbsp; </span></span></span></span></span></span></p> <p style="text-align:justify; margin-bottom:11px">&nbsp;</p>