<p style="text-align: justify;">&nbsp;</p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:24px;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Compte-rendu d&rsquo;ouvrage&nbsp;:</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: center;"><span style="font-size:24px;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Margot Smirdec, 2022,&nbsp;<em>Mon blanc de travail&nbsp;: un cri du care</em>, Paris&nbsp;: Librinova</span></span></strong></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par&nbsp;<em>Cl&eacute;ment Barniaudy</em>, le 14 ao&ucirc;t 2022</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La pand&eacute;mie mondiale de Covid-19 est assur&eacute;ment l&rsquo;&eacute;v&egrave;nement majeur de ce d&eacute;but de 3e&nbsp;mill&eacute;naire. Une pand&eacute;mie qui a mis en &eacute;vidence nos vuln&eacute;rabilit&eacute;s au sein d&rsquo;un monde globalis&eacute; marqu&eacute; par une s&eacute;rie de ph&eacute;nom&egrave;nes d&rsquo;&eacute;mergences d&rsquo;une ampleur consid&eacute;rable touchant aussi bien les animaux (grippes aviaires, peste porcine) que les v&eacute;g&eacute;taux (pyrale du buis) ou les humains (Ebola, Zika). Et c&rsquo;est paradoxalement dans les pays dits d&eacute;velopp&eacute;s, dont la France, que l&rsquo;infection humaine au virus SARS-CoV-2 a fait le plus de d&eacute;g&acirc;t, mettant en crise des syst&egrave;mes de sant&eacute; soi-disant tr&egrave;s performants et r&eacute;silients, cens&eacute;s nous prot&eacute;ger des maladies infectieuses que l&rsquo;on pensait rel&eacute;gu&eacute;es aux livres d&rsquo;histoire ou r&eacute;serv&eacute;es aux pays des Suds. La gestion autoritaire et bios&eacute;curitaire de la crise, mettant en avant course au vaccin et solutionnisme technoscientifique comme unique moyen de r&eacute;solution, a &eacute;galement marqu&eacute; l&rsquo;esprit de beaucoup de citoyens. Une crise sanitaire qui questionne aussi bien la nature des milieux &eacute;cologiques et sociaux impliqu&eacute;s dans l&rsquo;&eacute;mergence de cet agent pathog&egrave;ne que la qualit&eacute; des syst&egrave;mes de soins actuels et donc des politiques de sant&eacute; mis en place depuis plusieurs d&eacute;cennies.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Alors que nos soci&eacute;t&eacute;s peinent encore &agrave; prendre la mesure de ce qui vient de se passer, l&rsquo;ouvrage de Margot Smirdec,&nbsp;<em>Mon blanc de travail&nbsp;: un cri du care</em>&nbsp;(Librinova, 2022), est une v&eacute;ritable bouff&eacute;e d&rsquo;oxyg&egrave;ne. Un ouvrage qui permet de respirer, d&rsquo;y voir plus clair, de mieux comprendre ce qui se joue aujourd&rsquo;hui dans le monde de la sant&eacute;, de toucher ce qui se vit dans le corps et la psych&eacute; des soignants. Un ouvrage comme un oasis de lumi&egrave;re au sein d&rsquo;un d&eacute;sert de confusion, pour faire entendre une voix singuli&egrave;re, incarn&eacute;e, sensible qui s&rsquo;est sculpt&eacute;e &agrave; l&rsquo;&eacute;preuve du r&eacute;el, du terrain, et diff&egrave;re ainsi de beaucoup des voix standardis&eacute;es qui s&rsquo;affichent sur les sc&egrave;nes mass-m&eacute;diatiques.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La force du livre de Margot Smirdec, c&rsquo;est d&rsquo;abord son genre. Ni manifeste id&eacute;ologique au style argumentatif, ni essai intellectuel &agrave; l&rsquo;analyse d&eacute;monstrative, le texte ici offert par l&rsquo;auteure est un r&eacute;cit, une enqu&ecirc;te narrative, &agrave; la premi&egrave;re personne, qui s&rsquo;essaie &agrave; raconter ce qui se vit au sein de cette membrane entre int&eacute;rieur et ext&eacute;rieur, entre &quot;r&eacute;cit de soi et r&eacute;cit du monde&quot;. La narration permet ainsi au lecteur de suivre aussi bien les mouvements de l&rsquo;&acirc;me de l&rsquo;auteure que ceux des mondes qu&rsquo;elle traverse, en pleine pand&eacute;mie. Un r&eacute;cit au plus proche de l&rsquo;exp&eacute;rience v&eacute;cue, qui se transforme en exercice de v&eacute;rit&eacute;, en tentative pour dire le vrai, pour acc&eacute;der &agrave; ce qui s&rsquo;est pass&eacute; r&eacute;ellement, &agrave; ce qui s&rsquo;est jou&eacute;, en cherchant &agrave; &eacute;viter tout r&eacute;ductionnisme, toute posture distanci&eacute;e et objectivante. En apparence, le texte se compose comme un journal de confinement, qui prend appui sur un certain nombre de jours, au sein d&rsquo;une p&eacute;riode allant du 13 mars 2020 au 13 ao&ucirc;t 2021, pour d&eacute;ployer une parole sur notre rapport &agrave; la sant&eacute; et notre vision du monde. Nous suivons ainsi l&rsquo;auteure, m&eacute;decin r&eacute;animateur-anesth&eacute;siste dans ses p&eacute;r&eacute;grinations &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital de Clermont-Ferrand, de Strasbourg, de Montlu&ccedil;on. Mais &agrave; bien des &eacute;gards, la forme du journal chronologique n&rsquo;est qu&rsquo;un pr&eacute;texte. L&rsquo;ouvrage de Margot Smirdec ne se limite &agrave; faire le r&eacute;cit du Covid-19 dans plusieurs h&ocirc;pitaux fran&ccedil;ais, pas plus qu&rsquo;il ne se restreint &agrave; raconter la &laquo;&nbsp;petite histoire&nbsp;&raquo; d&rsquo;un m&eacute;decin aux prises avec la pand&eacute;mie. Le r&eacute;cit que rencontre le lecteur d&eacute;borde sans cesse &agrave; la fois la dimension chronologique, le temps lin&eacute;aire, et la dimension individuelle, autobiographique. Il s&rsquo;entend plut&ocirc;t selon une triple perspective comme un exercice de lucidit&eacute; et de d&eacute;voilement du sens, un exercice de compr&eacute;hension de soi comme des autres et une pratique &eacute;thique d&rsquo;&eacute;mancipation.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un exercice de lucidit&eacute; et de d&eacute;voilement du sens</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La puissance de la forme litt&eacute;raire ici choisie, de ce &laquo;&nbsp;r&eacute;cit de soi&nbsp;&raquo;, est de permettre un pas de c&ocirc;t&eacute;, de redonner un peu d&rsquo;espace, de libert&eacute; l&agrave; o&ugrave; notre esprit a parfois tendance &agrave; s&rsquo;engluer dans les situations qu&rsquo;il&nbsp;rencontre, &agrave; se perdre dans des perceptions confuses, &agrave; subir un fonctionnement qu&rsquo;il ne comprend plus.&nbsp;<em>Mon Blanc de travail</em>&nbsp;agit au contraire comme antidote &agrave; cette confusion et cette passivit&eacute;. Il montre la possibilit&eacute; de se r&eacute;approprier son exp&eacute;rience, de r&eacute;sister par le t&eacute;moignage &eacute;crit, d&rsquo;avoir confiance dans sa propre vision, de ne plus &ecirc;tre complice de logiques qui nous font violence, nous accaparent. L&rsquo;&eacute;criture devient ainsi un moyen d&rsquo;acc&eacute;der &agrave; une certaine forme de lucidit&eacute;, toujours t&acirc;tonnante, &eacute;vitant aussi bien les raccourcis d&rsquo;une d&eacute;nonciation aveugle que les voies sans issue du d&eacute;ni et de la compromission.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La premi&egrave;re partie de l&rsquo;ouvrage est pleine de pages o&ugrave; cet exercice de lucidit&eacute; prend d&rsquo;abord la forme d&rsquo;une&nbsp;<em>via negativa</em>. L&rsquo;auteur d&eacute;samorce tous les effets d&rsquo;affichage que nous pr&eacute;sentent jour apr&egrave;s jour les &laquo;&nbsp;pr&eacute;dicateurs&nbsp;&raquo; de la bonne parole. Sa voix fait r&eacute;sonner&nbsp;un <em>cri du care</em>, qui expose de mani&egrave;re limpide tout ce qui emp&ecirc;che les soignants d&rsquo;&oelig;uvrer, de faire leur m&eacute;tier, de prendre soin. On y apprend que l&rsquo;h&ocirc;pital est aujourd&rsquo;hui sous l&rsquo;emprise de logiques marchandes (tarification &agrave; l&rsquo;activit&eacute;, codification des actes) qui ont transform&eacute; un service public cens&eacute; offrir des soins &agrave; tous, en une entreprise de rentabilit&eacute;, r&eacute;alisant des actes techniques &agrave; la cha&icirc;ne pour faire du profit. Les d&eacute;cisions prises le sont avant tout &agrave; partir d&rsquo;indicateurs quantitatifs et de statistiques, par des cadres d&eacute;connect&eacute;s du terrain, qui n&rsquo;ont aucune consid&eacute;ration pour le soin. Cette logique gestionnaire qui entend &laquo;&nbsp;produire de la sant&eacute;&nbsp;&raquo; g&eacute;n&egrave;re des dysfonctionnements &agrave; tous les niveaux&nbsp;: probl&egrave;me de p&eacute;rennit&eacute; des &eacute;quipes, manque de mat&eacute;riels, de m&eacute;dicaments, de lits et de personnels, concentration du pouvoir dans les mains de quelques chefs de services d&eacute;bord&eacute;s, rythme de travail d&eacute;mentiel des soignants (avec des gardes qui n&rsquo;en finissent plus), souffrance au travail des personnels de sant&eacute; devenues de simples pions rempla&ccedil;ables&nbsp;: tristesse, solitude, d&eacute;ception, perte de sens. Un contexte qui aboutit &agrave; une forme de &laquo;&nbsp;maltraitance&nbsp;&raquo; institutionnalis&eacute;e pr&eacute;sente aussi bien dans les relations entre patients et soignants, qu&rsquo;au sein des rapports entre&nbsp;soignants.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le regard de Margot Smirdec nous donne ainsi &agrave; voir des corps de soignants ab&icirc;m&eacute;s, des esprits d&eacute;pit&eacute;s alors m&ecirc;me que leur souffrance n&rsquo;est absolument pas prise en consid&eacute;ration, conduisant certains jusqu&rsquo;au suicide. Et dans le contexte de la pand&eacute;mie, cet &eacute;tat de fait n&rsquo;est absolument pas remis en cause, les d&eacute;cideurs &eacute;tant incapables de changer de logiciel, ce qui produit des effets que l&rsquo;on conna&icirc;t trop bien&nbsp;: manque de masques et v&ecirc;tements de protection, logistique d&eacute;faillante, d&eacute;sorganisation dans la r&eacute;gulation des services hospitaliers d&eacute;bord&eacute;s&nbsp;(r&eacute;alis&eacute;s par les personnels de sant&eacute; eux-m&ecirc;mes), &eacute;puisement des &eacute;quipes de soignants, comp&eacute;titivit&eacute; entre des professeures visant la course &agrave; la publication plut&ocirc;t que le partage de connaissances, etc. On a m&ecirc;me l&rsquo;impression que la pand&eacute;mie exacerbe encore davantage la dissociation entre ce qui se vit &agrave; l&rsquo;h&ocirc;pital au quotidien et ce qui est donn&eacute; &agrave; voir par les instances du pouvoir. Ainsi donner aux soignants le titre&nbsp;de&nbsp;h&eacute;ros de la R&eacute;publique passe mal apr&egrave;s plusieurs d&eacute;cennies de destruction du service public. Organiser un &laquo;&nbsp;S&eacute;gur&nbsp;&raquo; de la sant&eacute; qui d&eacute;bouche sur le versement de primes individuelles semble une mascarade alors des services hospitaliers continuent de fermer.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le&nbsp;<em>cri du care</em>&nbsp;qui r&eacute;sonne au sein du livre de Margot est ainsi un cri contre l&rsquo;injustice au sein de ce syst&egrave;me de sant&eacute;, contre ce g&acirc;chis qui se rencontre jour apr&egrave;s jour alors que le potentiel d&rsquo;une autre voie est l&agrave;. Pour un certain nombre de lecteurs et de citoyens, il semble que rien de cela ne soit&nbsp;v&eacute;ritablement nouveau, que l&rsquo;on savait d&eacute;j&agrave;. Oui mais il y a savoir et savoir. On peut conna&icirc;tre intellectuellement les logiques qui op&egrave;rent au sein des services publics fran&ccedil;ais depuis plusieurs d&eacute;cennies. Mais le r&eacute;cit ici pr&eacute;sent&eacute; nous am&egrave;ne vers un autre type de connaissance, plus intime, plus sensible, charg&eacute;e d&rsquo;affects, qui nous touche et transforme notre vision en profondeur. C&rsquo;est que l&rsquo;exercice de lucidit&eacute; d&eacute;ploy&eacute; par l&rsquo;auteure n&rsquo;est pas seulement dirig&eacute; vers une description de faits ext&eacute;rieurs &agrave; celui qui les observe. Il s&rsquo;agit plut&ocirc;t de rendre compte d&rsquo;une exp&eacute;rience en premi&egrave;re personne, de d&eacute;voiler le sens d&rsquo;une situation v&eacute;cue, la mani&egrave;re dont la narratrice est affect&eacute;e, &laquo;&nbsp;&eacute;mue&nbsp;&raquo; (litt&eacute;ralement &laquo;&nbsp;mis en mouvement&nbsp;&raquo;) par ce qu&rsquo;elle rencontre, et nous avec elle. Ainsi, &agrave; l&rsquo;attente et &agrave; la tension qui habite les premiers jours du r&eacute;cit dans un h&ocirc;pital auvergnat encore d&eacute;sert, succ&egrave;de un m&eacute;lange de d&eacute;sir et d&rsquo;appr&eacute;hension quand l&rsquo;auteure r&eacute;pond &agrave; l&rsquo;appel d&rsquo;aller aider les &eacute;quipes m&eacute;dicales en besoin, sur le front est de la France. Une fois sur place, la gratitude et la joie de voir des &eacute;quipes soignantes pleines d&rsquo;&eacute;nergie et de g&eacute;n&eacute;rosit&eacute; se m&eacute;langent avec les doutes, parfois l&rsquo;agacement qui habitent le m&eacute;decin tentant de s&rsquo;adapter &agrave; un nouveau milieu en toute humilit&eacute;. Les affects colorent ainsi le r&eacute;cit toute en nuance au plus pr&egrave;s de la vie, dans toute sa complexit&eacute;. Bonheur et sentiment de r&eacute;confort quand des personnes viennent offrir un repas aux soignants le midi ou aux personnes d&eacute;munies dans la rue. D&eacute;sespoir et tristesse face &agrave; la gravit&eacute; de la maladie, l&rsquo;absence d&rsquo;am&eacute;lioration de la sant&eacute; de beaucoup de patients, la duret&eacute; de devoir dire aux familles qu&rsquo;un seul de ses membres pourra venir voir l&rsquo;&ecirc;tre cher en fin de vie. Des affects qui changent, &eacute;voluent au fur et &agrave; mesure, le d&eacute;sespoir se muant en espoir quand la situation s&rsquo;am&eacute;liore un peu, la tristesse laissant place &agrave; la fatigue une fois les longues gardes termin&eacute;es.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Le r&eacute;cit nous donne ainsi &agrave; voir le m&eacute;decin r&eacute;animateur-anesth&eacute;siste &agrave; l&rsquo;&oelig;uvre dans ses t&acirc;ches quotidiennes&nbsp;: gestes de soin, choix de strat&eacute;gies th&eacute;rapeutiques, prescriptions, mise &agrave; jour bibliographique et scientifique, r&eacute;visions et approfondissement de ses connaissances, traitements des mails et messages avec l&rsquo;administration, &eacute;changes t&eacute;l&eacute;phoniques avec des familles pour les informer de la situation en cours et&nbsp;prendre le temps d&#39;&eacute;couter leurs besoins. Mais ici, le m&eacute;decin n&rsquo;a plus rien d&rsquo;un professionnel distanci&eacute; et froid, un technicien de la sant&eacute; infatigable et insensible. Le r&eacute;cit nous donne acc&egrave;s au monde m&ecirc;me du m&eacute;decin, compris comme une personne &agrave; part enti&egrave;re, tiss&eacute; au sein d&rsquo;un ensemble de relations. On comprend bien vite que soigner n&rsquo;est en aucun cas un acte individuel, que pour maintenir son attention, diagnostiquer avec justesse en situation de crise, un m&eacute;decin a besoin de l&rsquo;&eacute;coute attentive de ses proches, d&rsquo;une institution qui le soutient ou encore de repos, de moments de convivialit&eacute; et de silence.&nbsp;&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Un exercice de compr&eacute;hension de soi et des autres</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Que le r&eacute;cit soit charg&eacute; en affects n&rsquo;en fait en aucun cas un texte rempli de &laquo;&nbsp;pathos&nbsp;&raquo;, et c&rsquo;est l&agrave; une autre r&eacute;ussite de l&rsquo;ouvrage. Pour ce faire, l&rsquo;auteur manie avec merveille&nbsp;un certain nombre de ruses stylistiques qui donnent au r&eacute;cit une l&eacute;g&egrave;ret&eacute; sur fond de grande profondeur. L&rsquo;usage de rimes (qui peuvent s&rsquo;encha&icirc;ner en un v&eacute;ritable slam), de phrases courtes cinglantes, de l&rsquo;humour ou le d&eacute;tournement de sigles cr&eacute;e une respiration pour le lecteur et renforce encore cette impression de libert&eacute;, d&rsquo;&eacute;mancipation que permet le r&eacute;cit:&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify; margin-left: 40px;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:16px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">&quot;Je me demande si ce serment d&rsquo;Hippocrate n&rsquo;&eacute;tait pas hypocrite et s&rsquo;il n&rsquo;est pas temps que je rende mon blanc de travail, car de blouse il n&rsquo;y a pas, il n&rsquo;y a point, il n&rsquo;y a plus, il n&rsquo;y a jamais eu, mais de blues il y a c&rsquo;est certain. Je ne suis pas rouge de col&egrave;re, ni noire de rage, je suis blanche comme linge, blanche comme cette blouse qui a perdu sa verve, son honneur. Mon blanc de travail ou Mont Blanc de travail, sacerdoce ou &ccedil;a sert d&rsquo;os &agrave; ronger ; quoique j&rsquo;ai plut&ocirc;t l&rsquo;impression que &ccedil;a soit l&rsquo;OS qui nous ronge, l&rsquo;Organisation de la Soci&eacute;t&eacute;, son syst&egrave;me d&rsquo;exploitation.&quot;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Quelques aphorismes de sagesse, des interludes po&eacute;tiques ou encore une lettre viennent ponctuer le r&eacute;cit de moments forts, au sein desquels l&rsquo;exp&eacute;rience jusqu&rsquo;ici d&eacute;ploy&eacute;e est recueillie pour mieux l&rsquo;inscrire dans un nouvel &eacute;lan, une dynamique:</span></span></span></p> <p><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une douce rose a cru faner,<br /> Puissante et vuln&eacute;rable colombe envol&eacute;e,<br /> Pas par la voie que tu avais per&ccedil;u,<br /> Peut-&ecirc;tre un cri plus vivant qu&rsquo;attendu.</span></span></p> <p><br /> <span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Mon coeur a quelques instants cess&eacute; de battre,<br /> Sans que mon &acirc;me ne se laisse abattre,<br /> La cicatrice parfois douloureuse,<br /> Le corps vient rappeler la route heureuse.</span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">La narration est aussi pleine de moments suspendus qui font toute la richesse d&rsquo;une exp&eacute;rience personnelle, et la relie &agrave; quelque chose de plus grand qu&rsquo;elle. Quelques pas de c&ocirc;t&eacute; lors d&rsquo;un trajet de retour de l&rsquo;h&ocirc;pital et s&rsquo;ouvre un espace d&rsquo;&eacute;merveillement et de confiance au sein de l&rsquo;existence. Une pause pass&eacute;e au soleil, un instant de d&eacute;tente &agrave; respirer l&rsquo;air frais ou un moment de pleine pr&eacute;sence avec les patients, et la dimension historique, chronologique du r&eacute;cit se dilate, se diffracte pour rejoindre l&rsquo;immensit&eacute; du vivant, en honorer le myst&egrave;re.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Par le ton et le style,&nbsp;<em>Mon blanc de travail&nbsp;</em>maintient ainsi &agrave; distance les injonctions qui impliquent de r&eacute;pondre &agrave; la toxicit&eacute; d&rsquo;un milieu ambiant (ici celui de la sant&eacute;) par des affects n&eacute;gatifs, en ayant le sentiment d&rsquo;&ecirc;tre coinc&eacute; dans un seul type de posture. Le sens d&eacute;ploy&eacute; par ce r&eacute;cit de soi convoque ainsi ce qui rel&egrave;ve d&rsquo;un exercice de compr&eacute;hension de soi et des autres. Un exercice qui rejoint par bien des &eacute;gards celui d&rsquo;une r&eacute;flexion critique et philosophique d&eacute;velopp&eacute;e par les humanit&eacute;s pour mieux comprendre nos pratiques. Mais la r&eacute;flexion ici n&rsquo;a rien d&rsquo;abstrait, elle se d&eacute;ploie toujours &agrave; partir de situations r&eacute;elles et v&eacute;cues. Si l&rsquo;auteure pr&eacute;f&egrave;re ainsi le rythme &agrave; la cadence, le complexe au compliqu&eacute;, le soin &agrave; la sant&eacute;, c&rsquo;est que ses r&eacute;flexions th&eacute;oriques s&rsquo;&eacute;prouvent d&rsquo;abord corporellement, au sein de moments d&rsquo;intensit&eacute; particuli&egrave;re, de<em>&nbsp;kairos</em>.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">C&rsquo;est en voyant la souffrance provoqu&eacute;e par une erreur de manipulation sur un patient que la narratrice en vient &agrave; d&eacute;crire les aberrations d&rsquo;un changement de mat&eacute;riel permanent, de logiques gestionnaires court-termistes ne permettant pas la continuit&eacute; des pratiques de soin, obstruant la transmission aux &eacute;tudiants et d&eacute;poss&eacute;dant les praticiens de leurs savoirs. C&rsquo;est en assistant aux invectives d&rsquo;un chirurgien envers une infirmi&egrave;re au bloc op&eacute;ratoire que sont port&eacute;s &agrave; la conscience de la narratrice tous les moments o&ugrave; la violence s&rsquo;exerce entre soignants, selon des rapports subtils de domination institutionnalis&eacute;e, transformant le milieu hospitalier en un environnement toxique, alors qu&rsquo;il pourrait en &ecirc;tre bien autrement. C&rsquo;est en &eacute;coutant le discours d&rsquo;Emmanuel Macron et sa fameuse phrase &laquo;&nbsp;Nous sommes en guerre&nbsp;&raquo; contre le virus, qu&rsquo;une r&eacute;flexion sur le v&eacute;ritable ennemi, la d&eacute;shumanisation de la sant&eacute; et le d&eacute;ni de toute &eacute;cologie de la sant&eacute;, peut se d&eacute;ployer. C&rsquo;est en d&eacute;crivant la difficult&eacute; et le tact n&eacute;cessaire lors des appels adress&eacute;s aux familles de personnes intub&eacute;es en r&eacute;animation qu&rsquo;est d&eacute;voil&eacute;e l&rsquo;absence compl&egrave;te de formation des m&eacute;decins concernant la relation aux patients, aux familles tout comme l&rsquo;absence d&rsquo;apprentissages socio-&eacute;motionnels qui lui permettraient pourtant de mieux se relier &agrave; ce que vivent les autres et &agrave; ce qu&rsquo;ils &eacute;prouvent personnellement, &agrave; dig&eacute;rer leurs sentiments, &agrave; leur donner une perspective. C&rsquo;est en se sentant impuissant devant des d&eacute;c&egrave;s en s&eacute;rie de personnes au&nbsp;corps fatigu&eacute;, d&eacute;nu&eacute;es&nbsp;de toute force vitale, sur lesquelles aucune th&eacute;rapeutique n&rsquo;agit, qu&rsquo;est mise &agrave; jour une autre &eacute;vidence&nbsp;: l&rsquo;impossibilit&eacute; de s&eacute;parer sant&eacute; et social, et les difficult&eacute;s pour soigner des &ecirc;tres au sein d&rsquo;un syst&egrave;me qui use&nbsp;et exploite&nbsp;non seulement les ressources terrestres mais aussi les corps, dans un contexte o&ugrave; la prolif&eacute;ration des d&eacute;serts m&eacute;dicaux n&rsquo;arrange rien.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Tous ces moments &eacute;clair&eacute;s, d&eacute;pli&eacute;s par une conscience aiguis&eacute;e, donnent acc&egrave;s &agrave; une vision profonde, &agrave; une mise en perspective de ce qui se donne imm&eacute;diatement &agrave; l&rsquo;exp&eacute;rience. Et c&rsquo;est bien en cela que nous &eacute;voquons l&rsquo;id&eacute;e d&rsquo;une pratique &eacute;thique d&rsquo;&eacute;mancipation.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><strong><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une pratique &eacute;thique d&rsquo;&eacute;mancipation</span></span></span></strong></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Au sein de la seconde partie de&nbsp;<em>Mon blanc de travail</em>, la voix de Margot Smirdec intensifie encore le processus de subjectivation que l&rsquo;on suit depuis les premiers jours du confinement. L&rsquo;exp&eacute;rience est moins polaris&eacute;e par la pand&eacute;mie et ses effets ext&eacute;rieurs et d&rsquo;autres &eacute;v&egrave;nements se jouent dans la conscience de la narratrice. L&rsquo;&eacute;criture d&eacute;ploie un souci de soi, une pratique &eacute;thique qui d&eacute;borde l&rsquo;exercice de lucidit&eacute; et de compr&eacute;hension et adresse un autre type de r&eacute;ponse &agrave; la souffrance rencontr&eacute;e. Ainsi nous voyons peu &agrave; peu la narratrice se frayer un chemin qui n&rsquo;est plus seulement celui de l&rsquo;indignation mais bien celui de l&rsquo;&eacute;mancipation.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Apr&egrave;s l&rsquo;intensit&eacute; de l&rsquo;exp&eacute;rience sur le front des urgences alsaciennes, le retour en terre auvergnate marque une transition importante dans le r&eacute;cit. La fatigue se m&eacute;lange avec des temps de r&eacute;flexion pour reconsid&eacute;rer ce qui s&rsquo;est jou&eacute;. Un nouveau regard aiguis&eacute; par le voyage vers l&rsquo;ailleurs ne tol&egrave;re plus l&rsquo;absurde tapi dans le quotidien d&rsquo;une institution usante et mortif&egrave;re. L&rsquo;aigreur, l&rsquo;ennui, la lassitude se manifestent telles des r&eacute;miniscences du d&eacute;but de r&eacute;cit o&ugrave; le doute et l&rsquo;envie de tout quitter avaient d&eacute;j&agrave; fait leur apparition avec force. Mais le besoin de dignit&eacute;, les emp&ecirc;chements pour &oelig;uvrer et tenir le serment d&rsquo;Hippocrate ne mettent plus en mouvement une &eacute;nergie de lutte, un <em>cri du&nbsp;care</em>&nbsp;ou l&rsquo;envie de donner un gros coup de pied dans le tas. Cette fois-ci, la f&ecirc;lure est moins spectaculaire mais plus profonde. L&rsquo;impossibilit&eacute; de contribuer, de soigner se cristallise en une d&eacute;cision simple et radicale : partir. Cette d&eacute;cision g&eacute;n&egrave;re une certaine instabilit&eacute;, la culpabilit&eacute; de l&acirc;cher les coll&egrave;gues n&rsquo;&eacute;tant jamais bien loin. Mais la d&eacute;cision en forme d&rsquo;intuition est d&rsquo;une puissance telle qu&rsquo;aucun retour en arri&egrave;re n&rsquo;est plus possible. S&rsquo;ensuit 5 mois de silence dans le fil du r&eacute;cit.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Et c&rsquo;est &agrave; la faveur d&rsquo;une rencontre le 6 octobre 2020 avec une &eacute;tudiante elle-m&ecirc;me d&eacute;tourn&eacute;e de la voie m&eacute;dicale que le r&eacute;cit reprend vie, que s&rsquo;ouvre une nouvelle p&eacute;riode. Cette p&eacute;riode suit&nbsp;<em>grosso modo</em>&nbsp;le second et le troisi&egrave;me confinement, et l&rsquo;alternance de phases de durcissement et d&rsquo;assouplissement. L&rsquo;auteure change bient&ocirc;t de lieu et se dirige vers Montlu&ccedil;on o&ugrave; un travail &agrave; temps partiel dans un environnement bienveillant et familier lui permet d&rsquo;explorer de nouvelles pistes sur ce chemin de l&rsquo;&eacute;mancipation.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Une nouvelle &eacute;nergie anime la narratrice&nbsp;qui se connecte peu &agrave; peu &agrave; ce qui l&rsquo;anime vraiment et trouve dans cette aspiration profonde une source puissante de courage et d&rsquo;engagement afin d&rsquo;&laquo;&nbsp;&oelig;uvrer pour et avec&nbsp;&raquo;. Avec cette &eacute;nergie, c&rsquo;est aussi un nouveau regard qui &eacute;merge au fil des pages. Les &eacute;preuves deviennent des opportunit&eacute;s pour se transformer et d&eacute;velopper des qualit&eacute;s en soi. Un chemin d&rsquo;introspection se dessine, &eacute;vitant les pi&egrave;ges des relations captives de type victime/coupable et leur perp&eacute;tuation. Les perceptions sont moins impr&eacute;gn&eacute;es&nbsp;de r&eacute;action impulsive, de jugements secs et manich&eacute;ens, d&rsquo;agacements qui ne font qu&rsquo;amoindrir la capacit&eacute; d&rsquo;agir. Qu&rsquo;on ne s&rsquo;y m&eacute;prenne pas, cela ne veut pas dire que l&rsquo;auteure renonce &agrave; son engagement et obtemp&egrave;re devant l&rsquo;inacceptable. L&rsquo;exercice de lucidit&eacute; et de compr&eacute;hension se poursuit mais devient simplement plus cr&eacute;atif, plus libre, plus divers. Les affects se transforment ainsi peu &agrave; peu devant nos yeux&nbsp;; la col&egrave;re se m&eacute;tamorphose en compassion, l&rsquo;inqui&eacute;tude en acceptation de nos limites. Certains paradoxes murissent et ne sont plus v&eacute;cus comme des dilemmes ind&eacute;m&ecirc;lables,&nbsp;sources de mal-&ecirc;tre&nbsp;; la tristesse peut rencontrer l&rsquo;espoir en plein c&oelig;ur de la maladie, l&rsquo;indignation autorise aussi l&rsquo;appr&eacute;ciation des merveilles de la vie. La voie du&nbsp;<em>care</em> qui r&eacute;sonne &agrave; travers les lignes devient ainsi plus sensible, acceptant d&rsquo;exposer sa vuln&eacute;rabilit&eacute;, de lui offrir un espace pour l&rsquo;embrasser.</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">Ne pagayant plus &agrave; contre-courant, l&rsquo;auteur se met en mouvement, bien ancr&eacute; &agrave; son aspiration. Sa qu&ecirc;te de sens l&rsquo;am&egrave;ne alors &agrave; rejoindre de nouvelles alliances, &agrave; s&rsquo;engager dans des actions collectives qui nourrissent son chemin int&eacute;rieur et lui permettent de d&eacute;ployer son souhait de participer &agrave; un soin du vivant. Une myriade de formes d&rsquo;actions se d&eacute;ploient sous nos yeux, au sein de communaut&eacute;s teint&eacute;es de couleurs diff&eacute;rentes mais sous-tendues par une m&ecirc;me tonalit&eacute;. On per&ccedil;oit ainsi la joie de l&rsquo;auteure qui s&rsquo;accorde &agrave; d&rsquo;autres &ecirc;tres mus par le m&ecirc;me &eacute;lan, prenant le risque de s&rsquo;exposer pour tenter de faire bouger les lignes, l&agrave; o&ugrave; beaucoup d&rsquo;autres, eux-aussi incapables de souscrire aux logiques toxiques des milieux de sant&eacute;, se sont simplement retrouv&eacute;s prostr&eacute;s, amers et sans horizon. Ici au contraire, l&rsquo;envie de se former &agrave; l&rsquo;intelligence collective c&ocirc;toie la participation &agrave; un programme de recherche sur les effets de la m&eacute;ditation, pour ouvrir de nouveaux possibles aussi bien dans les th&eacute;rapeutiques que dans les relations favorisant le soin. Le projet d&rsquo;un MOOC sur la culture du&nbsp;care&nbsp;renforce l&rsquo;envie de transmettre aux &eacute;tudiants de m&eacute;decine comment apprendre &agrave; prendre soin de soi, &agrave; explorer son exp&eacute;rience,&nbsp;pour mieux prendre soin des autres et reconsid&eacute;rer la part vivante et irr&eacute;ductible de chaque personne, soignants ou patients. L&rsquo;inscription au sein d&rsquo;un groupe pluriel de r&eacute;flexion sur les directives anticip&eacute;es</span></span></span><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="#_ftn1" name="_ftnref1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a></span></span><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"> soutient ce besoin implicite de voir changer &agrave; la fois le rapport &agrave; la mort dans le syst&egrave;me de sant&eacute; fran&ccedil;ais (qui reste l&rsquo;objet d&rsquo;un d&eacute;ni et d&rsquo;une lutte de mani&egrave;re g&eacute;n&eacute;rale) et une certaine culture de domination paternaliste qui donne au m&eacute;decin le pouvoir de s&rsquo;accaparer la vie du patient. En dehors des cadres institutionnels s&rsquo;inventent sous notre regard une voie m&eacute;diane, qui ne verse ni dans l&rsquo;individualisme d&eacute;responsabilis&eacute; ni dans la loyaut&eacute; passive, utilisant pour exprimer ces directives anticip&eacute;es,&nbsp;non plus&nbsp;la fiche-questionnaire, mais le r&eacute;cit (comme un clin d&#39;oeil au livre) afin de&nbsp;redonner aux personnes une&nbsp;<em>agentivit&eacute;</em>, une capacit&eacute; &agrave; choisir et &agrave; faire entendre leur voix, m&ecirc;me et surtout en fin de vie. Enfin, la recherche autour de tiers-lieu propres &agrave; un v&eacute;ritable soin des patients nourrit des rencontres et des alliances f&eacute;condes, qui redonnent de l&rsquo;&eacute;clat au terme d&rsquo;altruisme, bien au-del&agrave; de toute logique sacrificielle.&nbsp;</span></span></span></p> <p style="text-align: justify;"><span style="color:#000000;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;">En cheminant le long du r&eacute;cit de soi trac&eacute; par Margot Smirdec, nous nous sommes finalement surpris &agrave; ressentir une certaine confiance, un soulagement, &agrave; recontacter un &eacute;lan vital puissant et bien ancr&eacute; sur ses deux jambes ; la jambe de la d&eacute;fense du vivant nourrie par l&rsquo;exercice de lucidit&eacute;, de compr&eacute;hension et son &eacute;nergie d&rsquo;indignation, r&eacute;sistant contre toutes les l&acirc;chet&eacute;s d&rsquo;un syst&egrave;me de sant&eacute; &agrave; la d&eacute;rive&nbsp;; la jambe de l&rsquo;action cr&eacute;ative nourrie par une pratique &eacute;thique d&rsquo;&eacute;mancipation, s&rsquo;affirmant dans des alliances et communaut&eacute;s &eacute;mergentes qui prennent soin du vivant. Et si ces deux jambes peuvent se mettre en mouvement et aider &agrave; la construction d&rsquo;un monde meilleur, plus aimant, c&rsquo;est que l&rsquo;&eacute;criture soutient un changement profond de conscience et de perception, un processus de gu&eacute;rison et de transformation, par lequel le souci de soi rejoint le souci des autres et du monde.&nbsp;</span></span></span></p> <hr align="left" size="1" width="33%" /> <div id="ftn1"> <p style="text-align: justify;"><span style="font-size:18px;"><span style="font-family:Times New Roman,Times,serif;"><a href="applewebdata://B7E4B117-295B-4E2C-A23A-25C6C3605A71#_ftnref1" name="_ftn1" title=""><span style="color:#000099;">[1]</span></a><span style="color:#000000;">&nbsp;Les directives anticip&eacute;es permettent d&rsquo;exprimer, par avance, la volont&eacute; de poursuivre, limiter, arr&ecirc;ter ou refuser des traitements ou actes m&eacute;dicaux, pour le jour o&ugrave; l&rsquo;on ne peut plus le faire soi-m&ecirc;me, par exemple du fait d&rsquo;un accident ou d&rsquo;une maladie grave.</span></span></span></p> </div>